Piano, piano, ma non troppo…

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© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] Journal Européen des Urgences (2008) 21, 1 Éditorial Piano, piano, ma non troppo… Contrairement à un cardiologue interventionnel confortablement installé dans sa salle de cathétérisme et répétant inlassablement les mêmes gestes techniques, l’urgentiste fait quotidiennement face à une multitude de problèmes liées à des pathologies variées. Cette polyvalence est à l’évidence un des attraits majeurs de la profession. Cependant, elle pose un problème majeur : comment se maintenir à jour des connaissances aussi vastes ? Faut-il être à l’affût de la dernière présentation pour changer rapidement ses pratiques quotidiennes ou se baser sur des recommandations ? Comment repérer les failles statistiques d’une étude récente ? Ce numéro du JEUR est consacré à ces problèmes en prenant comme exemple l’inhibition plaquettaire au cours de l’infarctus du myocarde. Tahar Chouihed décrit d’abord la réalité du terrain et décrit un réseau de soins remarquable en Lorraine. Jean-Louis Ducassé nous rappelle que des recommandations simples et claires sont disponibles en France : les patients candidats à une angioplastie pri- maire pour infarctus du myocarde sont traités au mieux avant leur arrivée en salle de cathétérisme par aspirine, clopidogrel et abciximab. Jean-Sébastien Hulot nous guide ensuite à travers les méandres des études de non- infériorité : comment comprendre les subtilités qui vont permettre de classer une étude en « grand cru » ou en affreuse piquette malgré la présence d’une étiquette prestigieuse ? Enfin, le résultat d’études récentes est présenté avec un œil cardiologique critique. Quelle conclusion pour la pratique quotidienne ? Les cardiologues interventionnels viennent de vivre un Tsu- nami provoquée par la présentation d’une méta-analyse sur les stents actifs erronée et mal interprétée par le grand public. Leur bateau a tangué et il leur a fallu plus d’un an pour redresser le cap par la publication d’analyses faites selon les règles de l’art et publiées dans des revues de bon niveau après un examen minu- tieux des données ! Gardons cet exemple en mémoire : nous soignerons mieux nos patients en adaptant notre pratique quotidienne aux recommandations existantes, fruit d’une analyse poussée, plutôt que de changer sans cesse de cap en suivant des modes éphémères et non validées. Christian Spaulding Jean-Emmanuel de La Coussaye

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Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

Journal Européen des Urgences (2008) 21, 1

Éditorial

Piano, piano, ma non troppo…

Contrairement à un cardiologue interventionnel confortablement installé dans sa salle de cathétérisme et répétant inlassablement les mêmes gestes techniques, l’urgentiste fait quotidiennement face à une multitude de problèmes liées à des pathologies variées. Cette polyvalence est à l’évidence un des attraits majeurs de la profession. Cependant, elle pose un problème majeur : comment se maintenir à jour des connaissances aussi vastes ? Faut-il être à l’affût de la dernière présentation pour changer rapidement ses pratiques quotidiennes ou se baser sur des recommandations ? Comment repérer les failles statistiques d’une étude récente ? Ce numéro du JEUR est consacré à ces problèmes en prenant comme exemple l’inhibition plaquettaire au cours de l’infarctus du myocarde. Tahar Chouihed décrit d’abord la réalité du terrain et décrit un réseau de soins remarquable en Lorraine. Jean-Louis Ducassé nous rappelle que des recommandations simples et claires sont disponibles en France : les patients candidats à une angioplastie pri-maire pour infarctus du myocarde sont traités au mieux avant leur arrivée en salle de cathétérisme par aspirine, clopidogrel et abciximab. Jean-Sébastien Hulot nous

guide ensuite à travers les méandres des études de non-infériorité : comment comprendre les subtilités qui vont permettre de classer une étude en « grand cru » ou en affreuse piquette malgré la présence d’une étiquette prestigieuse ? Enfi n, le résultat d’études récentes est présenté avec un œil cardiologique critique.

Quelle conclusion pour la pratique quotidienne ? Les cardiologues interventionnels viennent de vivre un Tsu-nami provoquée par la présentation d’une méta-analyse sur les stents actifs erronée et mal interprétée par le grand public. Leur bateau a tangué et il leur a fallu plus d’un an pour redresser le cap par la publication d’analyses faites selon les règles de l’art et publiées dans des revues de bon niveau après un examen minu-tieux des données ! Gardons cet exemple en mémoire : nous soignerons mieux nos patients en adaptant notre pratique quotidienne aux recommandations existantes, fruit d’une analyse poussée, plutôt que de changer sans cesse de cap en suivant des modes éphémères et non validées.

Christian SpauldingJean-Emmanuel de La Coussaye