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MASTIA 9, 2010, PP. 133-149 ISSN: 1579-3303 Claude Domergue* A Pedro San Martín Moro, en souvenir de l’année 1965, et à la mémoire de Julio Mas García, fondateur de l’archéologie sous-marine à Carthagène. Mes debuts dans l’archeologie miniere de la Peninsule Iberique (2). Premiers pas a Carthagene (1965) My beginning at mining archaeology in the Iberian peninsula (2). Starting out in Cartagena (1965) Mots-clé Mines romaines, modes de recherche, contacts, visites, musées, collections particulières. Palabras clave Minas romanas, modos de investigación, contactos, visitas, museos, colecciones particulares. Résumé J’ai commencé mes recherches sur les mines de plomb et d’argent romaines du district de Carthagène-Mazarrón en 1965. Dans cet article sont présentés, sous la forme d’un récit, les souvenirs des voyages que je fis dans la région au cours de cette année-là et dont je m’efforce de restituer l’ambiance. J’y évoque les contacts que je pris, les sites que je visitai, les collections que j’étudiai dans les musées et chez des particuliers, enfin les premiers résultats que j’obtins. Resumen He iniciado mis investigaciones sobre las minas romanas de plata y plomo del distrito minero de Cartagena-Mazarrón en 1965. En este artículo, se presentan, bajo la forma de una narración, los recuerdos de los viajes que hice en esta región en el curso de este año, y de los cuales intento recrear el ambiente y algunos aspectos: cuáles fueron mis contactos, los sitios visitados, las colecciones de los objetos estudiados en los museos y en casas particulares, y finalmente los primeros resultados obtenidos. * Professeur émérite des universités. Laboratoire TRACES (UMR 5608 CNRS), Maison de la Recherche, Université de Toulouse-Le Mirail, 5, allée Antonio Machado F - 31058 Toulouse Cédex 09. Tel. : 0033 676 75 54 03. e-mail: [email protected].

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MASTIA 9, 2010, PP. 133-149ISSN: 1579-3303

Claude Domergue*

A Pedro San Martín Moro, en souvenir de l’année 1965, et à la mémoire de Julio Mas García, fondateur de l’archéologie sous-marine à Carthagène.

Mes debuts dans l’archeologie miniere de la Peninsule Iberique (2). Premiers pas a Carthagene (1965)

My beginning at mining archaeology in the Iberian peninsula (2). Starting out in Cartagena (1965)

Mots-cléMines romaines, modes de recherche, contacts, visites, musées, collections particulières.

Palabras claveMinas romanas, modos de investigación, contactos, visitas, museos, colecciones particulares.

RésuméJ’ai commencé mes recherches sur les mines de plomb et d’argent romaines du district de Carthagène-Mazarrón en 1965. Dans cet article sont présentés, sous la forme d’un récit, les souvenirs des voyages que je fis dans la région au cours de cette année-là et dont je m’efforce de restituer l’ambiance. J’y évoque les contacts que je pris, les sites que je visitai, les collections que j’étudiai dans les musées et chez des particuliers, enfin les premiers résultats que j’obtins.

ResumenHe iniciado mis investigaciones sobre las minas romanas de plata y plomo del distrito minero de Cartagena-Mazarrón en 1965. En este artículo, se presentan, bajo la forma de una narración, los recuerdos de los viajes que hice en esta región en el curso de este año, y de los cuales intento recrear el ambiente y algunos aspectos: cuáles fueron mis contactos, los sitios visitados, las colecciones de los objetos estudiados en los museos y en casas particulares, y finalmente los primeros resultados obtenidos.

* Professeur émérite des universités. Laboratoire TRACES (UMR 5608 CNRS), Maison de la Recherche, Université de Toulouse-Le Mirail, 5, allée Antonio Machado F - 31058 Toulouse Cédex 09. Tel. : 0033 676 75 54 03. e-mail: [email protected].

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Il y a quelques mois, les organisateurs d’un colloque d’archéologie minière à Almadén (province de Ciudad Real, Espagne) m’avaient demandé d’évoquer les condi-tions dans lesquelles j’avais été amené à entreprendre des recherches sur les mines antiques de Sierra Morena, et, plus concrètement, pourquoi j’avais commencé par la mine Diógenes. A cette occasion, j’avais souligné le rôle de la Sociedad Minera y Metalúrgica de Peñarroya (SMMP) dans ce choix et l’importance du soutien que j’avais reçu de la part cette entreprise et de ses différents services. Pour la région de Carthagène (fig. 1), il n’en alla pas autrement1. Les auteurs anciens –Polybe, 10, 10 et 34, 9, 8 ; Strabon, 3, 4, 6 et 3, 2, 10– insistaient suffisamment sur la richesse en argent de ces mines et sur les revenus qu’elles avaient apportés au Popu-lus Romanus pour que, une fois mon domaine de re-

cherche définitivement arrêté, d’emblée mon intérêt se portât sur ce secteur de l’Espagne, Au milieu des années 1960, la SMMP continuait d’exploiter les gisements de la Sierra de Cartagena; le moment était particulièrement bien choisi pour solliciter son aide. Présenté, comme il était de règle, par la Casa de Velázquez2, je fis appel à elle, et on verra que mon attente ne fut pas déçue.

Mais dans le cas des mines de cette région, s’ajouta une circonstance particulièrement favorable. Dès 1964, toujours par l’intermédiaire du Directeur de la Casa de Velázquez, j’avais pris contact avec le Musée Archéolo-gique National, dont le directeur en titre était Joaquín Mª de Navascués, mais je fus reçu par Augusto Fernán-dez de Avilés, alors, semble-t-il, sous-directeur. C’était une personne délicieuse, affable, avenante, ouverte aux

1 Je remercie tout particulièrement J. A. Antolinos Marín, qui a realisé spécialement pour moi la carte de la figure 1.2 Pour ce genre de recommandation, en quelque sorte rituelle, voir l’introduction de ma contribution au colloque d’Almadén, mars 2012 (Domergue, à paraître).

1. Les districts miniers de Carthagène et Mazarrón (J.A. Antolinos Marín del. 2012). Sur cette carte, sont signalés la plupart des sites mention-nés dans l’article.

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contacts. Il m’accueillit avec enthousiasme et m’ouvrit les collections du Musée pour tout ce qui touchait à l’art des mines, pour lequel il avait une prédilection particulière. Antérieurement en effet, il avait été directeur du Musée Archéologique de Murcie, or Carthagène se trouve dans la province de Murcie, le musée provincial abritait une collection d’objets antiques trouvés dans les mines de Carthagène et de Mazarrón, dont la présentation dans le musée était due précisément à Fernández de Avilés. En outre, pendant son séjour à Murcie, ce dernier avait été amené à diriger les fouilles du Cabezo Agudo, un habitat de mineurs et de métallurgistes d’époque romaine, si-tué au voisinage de la mine du Cabezo Rajado –dont le nom provient de l’énorme tranchée antique (la raja) ou-verte sur le gisement et toujours visible (Fernández de Avilés, 1942)–. Cette expérience avait rendu D. Augusto sensible à ce type de recherche, d’où l’intérêt qu’il ma-nifesta jusqu’à sa disparition (1971) pour mes travaux. Dès le début je pus compter sur son aide et sur ses relations, si bien que j’arrivai à Carthagène nanti d’une double recommandation, celle de la SMMP qui couvrait le domaine proprement minier et celle de D. Augusto, qui m’ouvrait les portes des musées archéologiques de la région et de leurs collections d’archéologie minière.

En 1965 –je m’en tiendrai ici à cette seule année, car c’est elle qui a décidé de mon engagement total dans l’archéologie minière et dans ce monde fascinant de la mine– je fis deux voyages à Carthagène, le premier du 4 au 14 février, le second du 27 avril au 1er mai. De ces voyages, je garde un souvenir à la fois précis et confus. Je voyais tant de nouvelles choses, des paysages si sur-prenants, tant de gens qui se faisaient un devoir et un plaisir de m’aider, je pénétrais dans des milieux sociaux et humains si divers, bref cet univers était si foisonnant que l’on comprendra que ma mémoire se soit focalisée sur des événements précis, qui se chargeaient pour moi d’une signification toute spéciale. Quant aux autres, ils dorment dans un coin de ma mémoire, attendant le signal qui les ferait revivre… Or, par bonheur, j’ai mon carnet de notes, un petit carnet à spirale (14 cm x 10 cm), à couverture marron ornée d’un médaillon circu-laire où bondit un cheval ailé, Pégase. Je l’avais acheté pour 6 pesetas le matin de mon arrivée à Murcie (car c’est par là que, venant de Madrid, je commençais mon voyage) dans une petite papeterie de la Calle Mayor, avec un crayon à bille, car je pensais bien que j’allais devoir prendre beaucoup de notes. Ainsi muni, je me présentai au Musée Archéologique Provincial de Mur-

cie, prêt à commencer un travail dont j’ignorais ce qu’il serait. Mais n’anticipons point. En tout cas, cet humble carnet n’a rien de ces magnifiques «libretas» de terrain que j’allais bientôt découvrir, ornées de coupes et de croquis soigneusement dessinés, entre les mains des géologues, que j’allais si assidûment fréquenter. Mais il est à mon image, assez désordonné, mais dense, concis et varié, il y a de tout: notes de travail, remarques, noms de personnes et de lieux, adresses, numéros de télé-phone, dessins maladroits, listes bibliographiques, des comptes (prix d’un repas, d’une barbe chez le «pelu-quero»), brouillons de lettres, comptes-rendus de vi-sites, etc., tout cela écrit le plus souvent à la diable par moi-même, mais parfois par mon interlocuteur (dans ces débuts, j’avais parfois du mal à orthographier tel mot, tel nom, telle adresse, et je tendais tout bonne-ment mon carnet, comme un illettré), parfois encore par mon épouse, Lucienne quand elle m’accompagnait dans ces premiers temps (mais ce ne fut pas le cas au cours de ces voyages à Carthagène que j’évoque ici), et cela m’émeut; on y voit tantôt du «bolígrafo» bleu, rouge, vert ou noir, tantôt du crayon à papier: bref, un fourre-tout indescriptible, appelé à tout renfermer… Tout, peut-être pas, mais, comme je m’en rends compte aujourd’hui, un sinfín de notations brèves, à peu près incompréhensibles à tout autre que moi, mais qui sou-dain me ramènent en arrière, et me font revivre telle rencontre, tel repas au restaurant, telle scène dont je fus le témoin: j’en donnerai quelques exemples dans les pages qui suivent. Les premières lignes en tout cas dé-signent ce qui allait devenir un de mes centres d’intérêt les plus vifs, car il m’occupe encore aujourd’hui: on y lit en effet le poids des quatre lingots de plomb romains du Musée Archéologique Provincial de Murcie.

J’évoquerais donc ci-dessous ma prise de contact avec le monde minier de Carthagène. Avec les gens d’abord, car ce sont eux qui allaient me donner accès à ces tré-sors métalliques, mais pas forcément précieux, du passé dont je rêvais. Avec les mines ensuite, car ce n’était pas pour rien que je venais sur place, bien que je susse que, depuis l’Antiquité, ces mines avaient subi des périodes d’exploitation qui les avaient sûrement défigurées. En-fin, avec tous les objets qui avaient survécu au temps, que des amateurs éclairés avaient sauvés de la perte et de l’oubli, et qui dormaient soit dans les vitrines des musées, soit sur les étagères de quelques collections familiales.

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J’arrivai donc à Murcie, au matin du 4 février 1965, au volant de mon ID 19 Citroën, qui étonnait tant les gens («¿No será uno de estos coches que van por el agua?» me demandera un jour un enfant, abusé sans doute par le nom sous lequel en Espagne on désignait communé-ment cette voiture, «un tiburón», un requin). C’est avec cette voiture familiale que j’effectuai la plupart de mes déplacements en Espagne au cours de mon séjour à la Casa de Velázquez, en attendant le temps où j’affecte-rais un «dos caballos» à mes prospections. L’ID 19 était une voiture sûre, confortable, qui s’adaptait à tout type de terrain, la route (je «faisais» Madrid-Carthagène, 440 km, en quatre heures: parti de Madrid à 5 h du matin, j’arrivais régulièrement à 9 h à Carthagène, et il n’y avait pas alors d’autoroute) aussi bien que les chemins de terre. A Murcie, je me présentai donc au Musée, où je fus reçu par son directeur, Manuel Jorge Aragoneses, que D. Augusto avait prévenu de ma visite. Après des paroles de bienvenue, il me conduisit à la section «Mi-nería», et je me mis au travail: des «cubos de esparto» aux lingots de plomb inscrits en passant par les outils en fer et les appareils en bois, je mis tout en fiches, comme je devais le faire ensuite régulièrement partout où je passais.

Aragoneses avait une stature imposante, une espèce de colosse, et ce n’était pas sans raison: un jour, il m’invita à l’accompagner, avec Pedro San Martín Moro dont je parlerai dans un instant, dans le «campo de Cartagena»,, du côté de Lorca, où il allait voir, pour je ne sais plus quel musée de la région, une «almazara», un moulin à huile traditionnel. Nous avions cheminé à travers la campagne, il soufflait un vent froid, il était plus de 15 h quand nous fûmes de retour à Lorca, où nous attendait, dans un petit restaurant de la Plaza Mayor, un repas commandé par Aragoneses. Je fus stupéfait par l’abon-dance des plats qu’on nous servit, et plus encore par la capacité de D. Manuel à ingurgiter sans trêve ces mets riches et savoureux. Ma stupeur devait se lire sur mon visage, car, s’adressant à moi, il me rappela l’escapa-de de la matinée, la longue marche, le froid, le vent, et conclut par ces mots :«Pues, usted entenderá que nosotros, arqueólogos, tenemos que comer fuerte!» Au demeurant, la meilleure personne du monde, comme je l’ai dit.

A Murcie, j’avais complété mon travail au Musée par une visite à la Jefatura de Minas, où étaient conservés quelques autres objets provenant des mines de la ré-

gion: seaux en spart, treuils en bois, etc. J’y fus reçu par un homme dont je garde le meilleur des souvenirs, D. Joaquín Payá, à qui Robert Merlin, ancien directeur de la SMMP en Espagne, et qui jouissait d’un grand prestige dans les milieux miniers de la Péninsule, avait annoncé ma visite (Fig. 2). Il était le chef du service, connaissait bien les mines de son district et, comme la plupart des ingénieurs des mines de l’époque, avait une culture mi-nière qui s’étendait jusqu’aux auteurs de l’Antiquité qui avaient célébré l’Espagne comme la terre des métaux par excellence. Il m’invita à lui rendre visite à sa maison du Cabo de Palos, où il me montrerait, me dit-il, d’inté-ressants objets se rapportant aux mines romaines du secteur. J’en parlerai le moment venu.

Avant que je ne quitte Murcie, D. Manuel m’avait convié à passer à son domicile «para despedirse», quand j’en aurais terminé au Musée. Mais je m’y attardai un peu trop, je n’eus pas le temps de déjeuner et me présen-

2. Copie de la lettre de Robert Merlin à Joaquín Payá (3 décembre 1964) (arch. C. Domergue).

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tai chez lui l’estomac vide. Il me demanda si j’avais dé-jeuné, je n’osai pas lui dire que non, et il m’offrit sur le champ «una copa de coñac Carlos Primero», que je n’osai refuser non plus. Je la bus et me séparai de D. Manuel et de sa famille. Une fois au volant, je ne pus aller bien loin. Au premier arbre que je vis sur le bord de la route, je m’arrêtai pour une des meilleures siestes réparatrices de ma vie.

On jugera peut-être ces détails fastidieux et sans inté-rêt. Sans doute, mais ils accompagnent le souvenir de ces premiers moments de mes recherches et montrent dans quel contexte de simplicité, de confiance et de bonhomie tout cela se déroulait. Il en sera de même à Carthagène, et, d’une façon générale, tout au long des années que dureront mes prospections et mes travaux de recherche dans la Péninsule.

Carthagène était le but principal de mon voyage, Car-thagène, sa Sierra et ses mines. J’imaginais mal com-ment ces dernières se présentaient. En tout cas, à cette époque, leur exploitation battait encore son plein. La ville était animée, active, par comparaison avec la capi-tale provinciale, Murcie, belle endormie au milieu de sa huerta. Le soir, à l’heure du paseo, la Calle Mayor regor-

geait de monde, on y remarquait les uniformes blancs des officiers de la marine de guerre. Nous étions en février et j’y découvrais avec étonnement la douceur du climat méditerranéen à l’heure où à Madrid régnait le froid glacé de la Castille.

J’ai conservé la copie de la note par laquelle la direction de la SMMP à Madrid annonçait ma visite au directeur des mines de Carthagène, Paul Pleyber (fig. 3), ainsi que celle de la lettre adressée à ce même Paul Pley-ber par Robert Merlin dont j’ai déjà parlé (fig. 4). Dès mon arrivée à Carthagène, je me présentai à la direction de la SMMP locale, paseo Alfonso XIII, 12. J’y fus reçu par M. Pleyber, qui remplit parfaitement les obligations qu’impliquaient les deux missives que j’ai mentionnées. Il m’adressa à tous les responsables des services de la SMMP de la zone: et d’abord, à ceux de la Carrière Pour moi, ce mot fut d’abord mystérieux, car, à mes yeux, une carrière, c’était essentiellement un endroit où l’on exploitait des matériaux de construction. Mais je compris vite ce qu’étaient les diverses carrières que la SMMP avait ouvertes ou allaient bientôt ouvrir dans la Sier-ra de Carthagène: de vastes excavations à ciel ouvert (fig. 5), qui mettaient au jour les zones minéralisées et produisaient d’énormes quantités de stériles, stockées

3. Copie de la note signée d’Ismael Germáy, directeur de la SMMP à Madrid, et envoyée à la direction de Carthagène (14 janvier 1965) (arch. C. Domergue). Cette copie a été adressée aux Services Géologiques de la Société, dont le chef, J.J. Hallemans, me l’a fait parvenir (mention manuscrite, en haut, à gauche).

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à distance en collines tronco-pyramidales, introduisant une régularité géométrique dans des reliefs lunaires, fruits de siècles d’exploitation. Le directeur de la carrière, Victor Alvargonzález, était un homme direct et expéditif, mais attentif à ses visiteurs; il me fit faire une prome-nade à travers la Sierra Minera, m’indiqua, entre autres curiosités, des cylindres de calcaire, apparemment an-tiques, qui avaient dû servir à broyer du minerai (fig. 6) (Domergue, 1990, pp. 498-499) et qu’on venait de découvrir sous d’anciens déblais, enfin me présenta à ses adjoints, principalement des géologues, Juan Car-los Fernández, Ignacio Manteca, Gobain Ovejero: avec les deux derniers j’entretins des rapports de travail et d’amitié qui durent encore aujourd’hui. A ma première visite, je ne prêtais guère d’attention à l’objet en forme d’Y renversé, qui servait de réceptacle aux mégots dont se débarrassaient les visiteurs à l’entrée des bureaux; c’est J.-J. Hallemans, alors directeur des services géo-logiques de la SMMP à Madrid, qui me fit remarquer

qu’il s’agissait là d’un corps de pompe en plomb (fig. 7). Ainsi que me le confirmera plus tard José Luis Rebollo3, ingénieur à la mine, cette pompe avait été découverte, en même temps que les cylindres de pierre mentionnés ci-dessus, enterrés sous une halde, à 3 m de profon-deur, du côté de la carrière Emilia. Elle était antique et appartenait au type dit de Ctésibius; je la publiai par la suite (Domergue, 1990, p. 457-460).

Paul Pleyber m’adressa aussi à la «fundición» Santa Lucía, dans le quartier de même nom, au sud-est de la ville. J’y fis la connaissance de diverses personnes, par exemple Albert Bertrand, dont le fils, Michel, devint plus tard mon collègue à l’université de Toulouse-Le Mirail, ou encore le chimiste Ignacio Marcelles, qui dirigeait le laboratoire d’analyses. Ce dernier s’efforça, avec assez de succès, de m’enseigner les rudiments de la métallurgie du plomb. Il m’exposa aussi la façon dont il imaginait la fabrication

5. Une des carrières de la SMMP en cours de creusement dans la Sierra de Carthagène (février 1965) (cl. C. Domergue).

6. Un des deux cylindres de calcaire appartenant à un broyeur de minerai, vraisemblablement romain, trouvés sous une halde dans le secteur de la carrière Emilia (Sierra de Cartagena, La Unión) (cl. C. Domergue, 1965).

3 Lettre personnelle en date du 17 juin 1970.

4. Copie de la lettre de Robert Merlin à Paul Pleyber (3 décembre 1964) (arch. C. Domergue).

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des lingots de plomb romains. Quelque trente ans plus tard, au Musée Naval de Madrid, où j’allais échantillon-ner des lingots de plomb que j’avais publiés naguère (Domergue, 1966), je retrouvai Ignacio Marcelles, qui présentait à un groupe de personnes précisément ces lingots. Nos retrouvailles furent à la fois émues et cha-leureuses…A Carthagène, je visitai aussi la laverie, où le directeur, M. Dumas, me présenta avec enthousiasme les techniques modernes de concentration du minerai par flottation, mais il était tout aussi compétent sur les systèmes traditionnels –le «rumbo», le bac sarde (ou «cajón» ou jig à bras), le «rollo inglés», etc.–, et me les expliquait, croquis à l’appui. A ma question sur le fonc-tionnement de l’atelier de lavage romain découvert au Coto Fortuna au XIXe siècle4, il me répondit qu’il pouvait s’expliquer par la technique du «cajón». Or il est curieux de constater que, selon Strabon, le «cajón» était utilisé dans les mines de Carthagène au temps de Polybe (IIe siècle a.C.) (Domergue, 2008, pp. 152-155), mais, dans le cas du Coto Fortuna, son usage était-il compatible avec la structure des bassins de l’atelier?

Toujours grâce à Paul Pleyber, je connus Alain de Saga-zan, dont je ne me rappelle plus les fonctions d’alors,

mais il avait dirigé la mine du Centenillo (Jaén) et me parlait des antiquités qu’il y avait vues, en particulier tel chaudron de plomb romain, qui devait encore se trouver près de la maison directoriale, ou encore ces vestiges de fourneaux romains de réduction du plomb, dont il regrettait de n’avoir pas su ou pu arrêter la destruction… Quand, quelques mois plus tard, je visitai le Centenillo, je recherchai ledit chaudron. Il n’ y était plus; quant aux fourneaux, personne ne fut capable de me montrer ne serait-ce que leur emplacement. Mais Alain de Sagazan avait aiguisé ma curiosité d’archéologue en me parlant aussi du Cerro del Plomo: trois ans plus tard j’y com-mençais des fouilles archéologiques (Domergue 1971).

Cependant Paul Pleyber ne se contenta pas de me mettre en contact avec ses collaborateurs directs. Il orga-nisa un soir, au Gran Hotel de Carthagène (ancien Hotel Mediterráneo) un dîner au cours duquel il me présenta quelqu’un qui allait devenir un ami très cher, Julio Mas García. Ce dernier était alors secrétaire de la Cámara Mi-nera de Carthagène, mais il s’intéressait aussi à l’histoire de la ville, à ses antiquités, à ses mines bien sûr, enfin à la mer qui la baignait et à ses épaves. Il fut un des promoteurs de l’archéologie sous-marine en Espagne, et créateur à Carthagène du premier Musée spécialisé dans cette forme d’archéologie. Ce musée se trouvait au Dique de Navidad, derrière l’Arsenal de la Marine. C’est là qu’après avoir été stockées au Museo Arqueológico Municipal de Carthagène, étaient présentées, étagées sur toute le hauteur des murs, les amphores provenant de diverses épaves fouillées par le Grupo de Buceo del Centro de Investigaciones Arqueológicas Submarinas que dirigeait Julio, en particulier les Lamboglia 2 de Pu-nta de Algas, C’est là aussi que plus tard j’étudiai, en sa compagnie, les lingots de plomb du Nido del Cuervo, une épave située non loin d’Aguilás (Domergue, Mas, 1983).

Julio avait un débit de parole très rapide; dans les pre-miers temps, j’avais du mal à comprendre ses propos, mais il les accompagnait d’une pression sur le bras si amicale qu’on ne pouvait que lui faire confiance. A cha-cun de mes voyages, je me faisais un devoir et un plaisir de le rencontrer; nous entretînmes une étroite corres-pondance autour des lingots de plomb romains et des

7. Pompe romaine en plomb, découverte en même temps que le cylindre de calcaire représenté à la figure précédente.

4 Il n’était plus visible à ce moment-là, en attendant d’être redécouvert au début du XXIe siècle par J.A. Antolinos.

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«escoriales» antiques de la zone. Il était la crème des hommes et le plus fidèle des amis.

C’est lui qui, au cours d’un déjeuner à La Manga (ma-riscos, arroz cartagenero et fino sous un tiède soleil d’hiver), me fit connaître Pedro San Martín Moro, ar-chitecte à Carthagène et directeur du Musée Archéo-logique Municipal, auquel me conduisaient aussi les recommandations d’Aragoneses et d’Augusto Fernández de Avilés. Toujours vêtu d’un costume strict, Pedro affi-chait un maintien sérieux, sévère même, il parlait peu, bref il m’intimidait. Non qu’il fût dénué d’humour: au cours de ce repas pantagruélique à Lorca que j’ai évo-qué plus haut, il me demanda à brûle-pourpoint: «Hola, Domergue! Ud, que conoce tan bien la arqueología del Sureste ¿no conocerá unas excavaciones dónde haya suecas?», cela en sachant fort bien que j’ignorais tout de l’archéologie de la région, et riant, à sa manière, de l’embarras dans lequel il me voyait. Toujours est-il qu’il me fit les honneurs du musée, me laissa libre d’étudier à ma guise tout le mobilier archéologique lié à l’art des mines, me recommanda au gardien, Juan, qui se mit en quatre pour satisfaire mes moindres demandes. Vers la fin de mon premier séjour, ce dernier me demanda si je rentrais directement à Madrid, et, sur ma réponse affir-mative, si je pourrais prendre ses deux fils. Avec plaisir, répondis-je. Nous fûmes tous ravis, moi de la compa-gnie, les deux garçons de leur voyage en «tiburón».

Puisque mon discours inclinait ci-dessus vers la gas-tronomie «cartagenera», on me permettra d’ouvrir une parenthèse et d’évoquer un autre repas, à la même pé-riode, dans un petit restaurant du village de pêcheurs de Los Nietos, sur le bord du Mar Menor, où, mes com-mensaux –qui étaient-ils ce jour-là? Je ne m’en souviens plus– me firent goûter la merveille locale des poissons, le «dentol». Des pêcheurs qui débarquaient le produit de leur pêche entrèrent en conversation avec nous et me firent cadeau de quatre «caballitos de mar» et d’un poisson filiforme, à petite tête, également chevaline: ces cadeaux marins, je les ai toujours, séchés par les ans, suspendus au mur de ma chambre, et, quand mon regard tombe sur eux, immanquablement ils me rap-pellent cette période de ma vie. Fermons la parenthèse.

Parmi les personnalités de la ville auxquelles Pedro San Martín me présenta, il en est quelques-unes qui sont restées dans ma mémoire à divers titres, par exemple Eduardo Cañabate, Cronista Oficial de la Ciudad, me frappa précisément par l’intitulé de sa fonction: c’était un monument d’érudition, il ne m’apprit rien de neuf, mais me fit cadeau de son livre, Historia de Cartagena desde su fundación hasta la monarquía de Alfonso XIII, 1ère édition, Cartagena, 1955, que j’ai toujours en ma possession. Pedro me ménagea également une entre-vue avec Bernardino Rolandi, un ingénieur qui avait tra-vaillé dans plusieurs mines du district, et spécialement au Coto Fortuna (González Simancas I, 1905-1907, n° 338), la fameuse mine des environs de Mazarrón, où les traces d’exploitation romaine étaient importantes; j’avais lu de lui un intéressant article sur l’histoire des mines de Carthagène (Rolandi 1954), et je brûlais de faire sa connaissance. C’était un très vieux monsieur de plus de 80 ans, toujours coquet, un peu courbé par l’âge; il avait un profil aquilin, ses cheveux blancs et clair-semés étaient tirés en arrière; sa voix était sourde, un peu comme celle de François Mauriac à la fin de sa vie, mais elle retrouva toute sa force dans la circonstance suivante. Nous parlions du Coto Fortuna, et il me situait sur un plan des concessions telle chose qu’il avait vue. C’était le cas, par exemple, près du puits Natalia, mais quand il eut prononcé ce prénom, il commenta : «Este pozo tenía su nombre de la mujer del director5», puis un silence, et ensuite: «…una mujer muy guapa…» et enfin, d’une voix de stentor devant la prégnance du sou-venir: «…una verdadera p….».

C’est encore Pedro San Martín, qui me recommanda de rendre visite à la famille Dorda, anciennement proprié-taire du Cabezo Rajado, déjà mentionné ici et dont l’hô-tel particulier existe toujours à Carthagène. Je fus reçu par la Señora de Roca, qui me montra toutes les antiqui-tés qu’avait conservées la famille, dans cet hôtel et dans leur «finca» à la campagne. Elle accordait à ces objets un soin tout particulier, car ils appartenaient au patrimoine familial et témoignaient de l’épopée minière des Dorda, dont certains épisodes, comme on le verra plus loin, étaient marqués au coin d’une incroyable crédulité.

Grâce à Julio, je connus aussi le commandant Antonio Gorordo, à la silhouette athlétique et à l’esprit curieux.

5 Axel Boeck, à qui l’on doit un précieux article sur le Coto Fortuna: Boeck 1889.

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cicérone de s’exclamer triomphant et d’un air entendu :«Y el quinto: Caravaca». Tout cela était, comme on dit en espagnol, «muy gracioso».

Au cours de ces deux séjours de 1965, je vis à Car-thagène et à Mazarrón plusieurs autres personnes, in-génieurs, propriétaires de mines, etc., mais, bien que mon précieux carnet m’en fournisse souvent le nom, je ne peux me souvenir du visage correspondant. En tout cas, ne serait-ce que par les exemples ci-dessus, on constatera que, dans l’enquête que j’entreprenais, le contact avec les gens était indispensable. J’en usai donc largement.

D’abord pour visiter des sites. J’étais curieux de voir ces mines tant fameuses. Julio commença par me faire un précieux cadeau: le Lanzarote. Rien à voir avec l’île des Canaries. En fait, il s’agissait du plan des concessions minières de la Sierra de Carthagène6, une immense feuille, qui, dépliée, se déployait sur 1 m de long et 60 cm de haut; toutes les concessions y figuraient, serrées les unes contre les autres. Il était accompagné d’un fas-cicule de couleur rose qui comportait la liste des dites concessions par ordre alphabétique, avec indication de leurs coordonnées sur le plan7. C’étaient là deux docu-ments indispensables pour localiser les mines, et pour moi plus précisément celles où des travaux anciens avaient été identifiés et des objets antiques découverts; ils me rendirent bien des services.

Mais, lors de ma première visite de la Sierra sous la conduite de Victor Alvargonzález, je fus profondément étonné, car, le plan ne comportant ni indications d’alti-tude ni courbes de niveau, je m’étais figuré que le ter-rain était plus ou moins plat et facile d’accès, mais la réalité était tout autre; de plus, aux accidents naturels s’ajoutaient toutes les transformations que l’homme avait fait subir à cette zone: écrêtage de la cime (le Sancti Spiritus), vastes cirques (les carrières) qui n’arrê-taient pas de s’agrandir, énormes haldes, tas de stériles de laverie géants, etc. Dans ce relief lunaire (fig. 8), je ne voyais guère de mines antiques. Ce premier contact fut donc décevant, et ce n’est que quelques années plus tard (1968 et 1974) que, je pus, en parcourant les haldes antiques encore en place autour du sommet

Il dirigeait la section d’hommes-grenouilles (Centro de Instrucción de Buceo) de la Marine Nationale Espagnole, basée à l’Arsenal Militar, et l’amitié qui le liait à Julio lui avait fait choisir pour ses hommes, comme «terrains» d’entraînement à la plongée, deux épaves romaines, l’une au Cabo de Palos (Bajo de Dentro), l’autre près de l’île d’Escombreras, dans l’avant-port de Carthagène (Domergue, 1966). Lui et son équipe avaient remonté plusieurs lingots de plomb de ces deux épaves: c’est dire si leurs programmes de plongée m’intéressaient. C’étaient les premiers pas, si j’ose dire, de l’archéologie sous-marine à Carthagène. Il n’existait pas alors d’équipe spécialisée dans ce domaine, et Julio, comme ailleurs ses homologues, faisait avec les moyens du bord. Ainsi, aux amateurs de son Grupo de Buceo, déjà mentionné, il ajoutait les professionnels de la Marine: nul doute que ces derniers eussent pu explorer archéologiquement d’autres épaves, mais, hélas, le commandant Gorordo mourut peu de temps après.

A Mazarrón, je fus mis en contact par Pedro avec Antonio Ramallo Rosique, maestro, directeur des Escuelas Gra-duadas, qui conservait divers objets antiques provenant des mines de Mazarrón. Je me présentai chez lui un matin de bonne heure, avant qu’il n’allât faire la classe. Je fis là deux rencontres, d’abord celle d’un enfant qui rodait dans la pièce et ne perdait rien de ce que nous di-sions; il n’était autre que Sebastián Ramallo Asensio, ne-veu du directeur et aujourd’hui professeur d’archéologie à l’université de Murcie, qui m’a dit plus tard se souvenir de mon passage. Ensuite, comme je m’informais sur le chemin à suivre pour aller au Coto Fortuna, Antonio Ra-mallo me mit entre les mains d’un de ses fils, avec qui je passai une excellente journée. Il se révéla un excellent guide et me conduisit sans encombre à la mine. Il était d’une patience d’ange. Il aimait les «chistes», principa-lement ceux qui visaient Franco; je ne compris pas la plupart de ceux dont il assaisonna notre promenade, mais je me souviens bien du trait final de l’un d’entre eux. Après avoir tiré de sa poche une pièce de monnaie de «cinco duros», il me mit au défi d’identifier, à partir des motifs qui la décoraient, cinq pueblos de la province de Murcie. Bien sûr, je n’en trouvai pas un seul. Alors il entreprit de résoudre l’énigme: sur une face, il en identi-fia quatre; sur l’autre, figurait le profil de Franco, et mon

6 Plano de las minas y vías de transporte del término de Cartagena y La Unión, por Carlos Lanzarote, 2ª edición , Año 1915.7 Índices por orden alfabético de las minas que comprende el plano minero de la sierra de Cartagena y La Unión, por D. Carlos Lanzarote, Año 1907, Tipografía La Tierra, Duque 25, Cartagena.

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de la Sierra (1968) puis en suivant les travaux d’exten-sion de la carrière San Valentín (1974) où les machines éventraient chambres d’exploitation et galeries romaines (Domergue, 2003, p. 7), enfin grâce à l’aide des géo-logues, Gobain Ovejero et Ignacio Manteca, que je pus me faire une idée de l’importance des travaux d’exploi-tation antiques: ils étaient gigantesques!

Au cours de ce premier voyage, j’effectuai cependant ma première descente en profondeur jusqu’aux tra-vaux romains. Ce fut au Cabezo Rajado, le 11 février. Après avoir parcouru en surface la gigantesque tranchée antique (raja) qui a donné son nom au site (fig 9), nous descendîmes dans la cage («jaula») traditionnelle jusqu’aux niveaux -170/-180. Il y avait là Julio, l’ingénieur de la mine et un mineur, Luis Belchí García, qui avait découvert et exploré lui-même, en 1953-1954, dans la concession San Isidoro, les galeries romaines qu’il nous fit visiter. Elles avaient été creusées à la pointerolle dans le trachyte, la roche encaissante du filon. Nous en par-courûmes une sur une quarantaine de mètres (fig. 10). Au même niveau, avait été trouvé tout près de là un tronçon d’échelle antique –un tronc d’arbre muni d’en-coches (h.: 1,16 m)– comme je devais en voir plusieurs dans les collections minières des musées de la Pénin-sule. Au cours de la même expédition, je pus jeter un œil sur le Cabezo Agudo, tout proche, sur les flancs du-quel se voyaient encore très distinctement les maisons du village minier fouillé naguère par Augusto Fernández de Avilés, dont j’ai déjà parlé.

9. A la mine du Cabezo Rajado. Dans le fond, la “raja” antique (cl. C. Domergue, 1965).

8. Quelque part dans le versant sud de la Sierra de Carthagène (cl. C. Domergue, 1965).

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Mais c’est sans doute au Coto Fortuna que je ressen-

tis l’impression la plus profonde. J’y fis deux visites, la

première en février, guidé, comme je l’ai dit, par un fils

de Sebastián Ramallo, la deuxième, seul, les 1er et 2

mai 1965. La mine était fermée depuis le début du XXe

siècle. Qui n’a pas parcouru une mine abandonnée ne

peut imaginer l’impression de malaise qui se dégage

de ces maisons en ruine, de ces chevalements («castil-

letes») aux énormes poulies immobiles, de ces ferrailles

rouillées qui hérissent le terrain, de ces monceaux de

stériles et de boues de lavage, de cette odeur de soufre

qui s’en dégage et imprègne les lieux, de ces bouches

de puits qui soudain s’ouvrent devant vous. On est op-

pressé. Il me semblait que j’entrais dans un autre uni-

vers. Jamais je n’ai ressenti aussi profondément l’étran-

geté du monde de la mine. Ce fut un beau baptême. Je

ne l’oublierai jamais.

J’avais lu bien des articles d’ingénieurs sur le Coto For-tuna, dont le dénoyage, à la fin du XIXe siècle, avait fait couler tant d’encre; mais il était difficile de s’orienter parmi ces décombres, sur un terrain accidenté, avec un plan des concessions dépourvu d’altimétrie, fait ha-bituel, comme on l’a déjà dit à propos du Lanzarote. Les puits étaient bien situés sur le papier, mais, sur le terrain, pas de pancarte qui portât leur nom. Seul le Cerro del Castillo (fig. 11) était bien repérable. Au pied du Cerro, à l’est, en aménageant des terrasses pour planter des amandiers, un bulldozer avait tranché les restes d’une maison romaine (fig. 12), les tessons de céramique y abondaient, un fond d’amphore contenaie des fragments de galène; des échantillons furent en-voyés au laboratoire de la SMMP à Peñarroya-Pueblo Nuevo (province de Cordoue), sûrement dans un de ces sachets SMMP dont un stock m’avait été offert et que j’utilisais communément (fig. 13); leur analyse ré-véla une teneur en argent de plus de 4 kg par tonne de plomb (fig. 14): les Romains n’avaient pas travaillé

10. A la mine du Cabezo Rajado, dans une galerie romaine (h.: 1,73 m ; l.: 1,22 m), au niveau -173 m. A gauche, Julio Mas García (cl. C. Domergue, 1965).

11. Au Coto Fortuna, le Cerro del Castillo, vu de l’est (cl. C. Do-mergue, 1965).

12. Au Coto Fortuna, non loin du Cerro del Castillo, les restes d’une construction romaine tranchés par un bulldozer (cliché C. Domer-gue, 1965).

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pour rien. Sur les pentes de la colline, des tronçons de

murs antiques émergeaient d’une végétation rebelle, du

côté nord ils dessinaient d’étroites terrasses arrondies

qui, jadis, avaient fait croire à l’existence d’un théâtre.

Au sommet, les restes d’une citerne attiraient l’attention

(fig. 15). Mais, plus bas, impossible de repérer les bas-

sins de la laverie romaine déjà mentionnée, ni l’entrée

de la galerie d’exhaure, romaine également (Domergue

1987, p. 397-405)8.

Bien sûr, à Mazarrón, je parcourus aussi, sous la conduite

des ingénieurs, les mines perchées sur les collines voi-

sines, les Cabezos San Cristóbal et de Los Perules, mais

je n’ai pas gardé un souvenir aussi vif de mes visites.

A Pedreras Viejas, je n’eus en revanche besoin de per-

sonne pour identifier, tout près de la mine moderne, des

vestiges de constructions romaines (Domergue 1987, II,

p. 396).

8 Sur le Coto Fortuna, voir en dernier lieu le très bon article d’Antolinos et al. (sous presse).

13 – Sachet en papier kraft pour échantillon, utilisé par la SMMP (archives C. Domergue). A l’intérieur se trouve un étui en plastique dans lequel était glissé l’échantillon et dont l’extrémité dépasse du haut du sachet. Pour fermer ce dernier, il suffisait d’en replier le haut, qui contenait une étroite bande métallique souple, puis de rabattre vers l’intérieur les deux pattes latérales.

14. Note signée par l’ingénieur chimiste Evlampief, du laboratoire de la SMMP à Peñarroya-Pueblonuevo (Córdoba), en date du 11 juin 1965 (archives C. Domergue). Elle est adressée à la direction de la Société, qui l’a transmise au chef du Service Géologique, J.-J. Hallemans. Elle indique les pourcentages en plomb et en argent de l’échantillon recueilli dans les vestiges de la construction romaine représentée à la figure 12. A droite, au crayon, la teneur en argent rapportée à la tonne de plomb (indication manuscrite de J.-J. Hallemans).

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Si j’étais le premier archéologue à mener une enquête systématique sur les mines antiques, d’autres m’avaient précédé dans l’intérêt porté aux objets anciens décou-verts dans les mines, intérêt d’ailleurs souvent anecdo-tique. Ainsi, nombre de mineurs et d’ingénieurs avaient eu l’occasion de pénétrer dans les vieux travaux. Ils y avaient recueilli des objets dont plusieurs avaient été conservés dans des collections privées. De mes lectures d’articles, j’avais noté, à Murcie, celle d’Angel Guirao9, à Carthagène, celles d’Amalio Maestre, de Fermín Ferrer, des familles Dorda, Oliver, Spotorno, Rosique, du Cole-gio de los Cuatro Santos, de la Sociedad Económica de los Amigos del País, des noms que j’avais relevés pour

la plupart dans l’ouvrage manuscrit de Manuel González Simancas, Catálogo Monumental de España. Provincia de Murcia, 1905-1907, alors conservé à l’Instituto Diego Velázquez du CSIC10, pour la consultation duquel j’avais dû solliciter du Director General de Bellas Artes une autorisation qui m’avait été accordée (fig. 16). Mais je m’aperçus bien vite que la plupart de ces collections soit avaient été dispersées ou perdues, soit avaient fini par constituer les fonds miniers des musées archéologiques de la région.

A quelques exceptions près cependant, qui me don-nèrent l’occasion de voir d’étranges choses. Ainsi, Joaquín Payá, dont j’ai déjà parlé, m’avait invité à venir examiner des objets qu’il conservait dans sa maison du Cabo de Palos. Parmi eux, figurait une très belle coupelle imbibée de litharge, qui avait été découverte en mer, près de S. Pedro del Pinatar (Domergue, 1990, pp. 506-507; Domergue, 2008, p. 162); puis au cours d’une

15. Paroi latérale de la citerne romaine du sommet du Cerro del Castillo, au Coto Fortuna (cl. C. Domergue, 1965).

16. Autorisation signée du directeur général de Bellas Artes, Gra-tiniano Nieto, en date du 22 janvier 1965, grâce à laquelle je pus consulter le manuscrit de l’ouvrage de M. González Simancas, Ca-talogo Monumental de España. Provincia de Murcia (archives C. Domergue).

9 Elle est aujourd’hui au Musée Archéologique Provincial de Murcie. Curieusement, j’ai retrouvé à Toulouse un descendant de cette famille, Antonio Guirao, professeur au Conservatoire Régional de Musique et soliste professionnel. Il a chanté à plusieurs reprises avec notre chorale (Ensemble Vocal de Cugnaux) dans le répertoire baroque.10 L’ouvrage est aujourd’hui édité en fac-similé par le Colegio Oficial de Arquitectos de Murcia (1997), et il est à la disposition de tout le monde.

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conversation à bâtons rompus, il me parla d’un vase, qu’il appelait un «cadmus(?) phénicien» et qui aurait été trouvé à une très grand profondeur, à Coto Fortuna, en présence de son père. Il aurait mesuré près d’un mètre de hauteur. Sur une page de mon carnet, il m’en fit une rapide esquisse –une espèce de vase-biberon évoquant un «Manneken Pis» surmonté d’une étrange coiffure (fig. 17)–, et, quoique je n’aie jamais reçu la photographie qu’il me promettait, il semble bien qu’il s’agisse d’un de ces vases anthropomorphes, œuvres des fameux «gi-tanos de Totana», une bourgade de la province de Mur-cie; à la fin du XIXe siècle, ces faussaires, s’inspirant de découvertes contemporaines, fabriquèrent d’étranges céramiques, qu’ils faisaient passer pour antiques (ibé-riques) et dont quelques exemplaires échouèrent dans les musées de la Péninsule (Cuadrado Ruiz, Vayson de Pradenne 1931; Almagro Gorbea, 2004, p. 407-412). Malgré toute sa force de persuasion, Joaquín Payá ne put me convaincre de la réalité de la découverte.

Or, curieusement, quelques jours plus tard, à Cartha-gène, j’entendis pratiquement le même discours à pro-pos d’objets analogues. C’était dans la maison Dorda. Après que j’eus étudié et photographié divers outils et autres lingots de plomb, qui, depuis lors, sont passés dans les collections du Musée Archéologique Munici-pal de Carthagène, la Señora de Roca me présenta une

oenochoé en terre cuite, à la panse ornée d’un visage humain à courte barbe et longues oreilles, en m’assu-rant qu’elle avait été extraite de travaux profonds du Cabezo Rajado, en présence de son grand-père. Je n’ai pas retrouvé la description précise que j’en avais faite, mais j’en ai plusieurs photographies (fig. 18): de toute évidence, il ne peut s’agir que d’une œuvre des gitans de Totana.

J’exprimais donc un scepticisme poli sur la provenance du vase, mais mon hôtesse renchérit en me montrant une statuette en terre cuite rouge (fig. 19 à 22), qui, elle aussi, m’assurait-elle, avait la même origine: «saca-da de la mina hace más de cien años». De celle-ci, j’ai conservé la description. Elle mesure 0,183 m de hauteur, et 0,12 m de largeur maximale. Elle représente un personnage masculin grossièrement modelé, à large torse. Il est en train de danser, la moitié inférieure des jambes manque. Il est vêtu d’un cache-sexe et d’une courte tunique collante, sans manche, à décolleté en V, où sont sommairement indiqués les pectoraux, le ster-num et l’abdomen. Le visage est large et triangulaire, le nez énorme et crochu, les yeux petits et proéminents, les oreilles dressées obliquement. Le front est bas, presque inexistant, et une chevelure abondante tombe de part et d’autre de la tête jusqu’au bas du dos, en trois larges mèches peignées ébauchant une tresse. La taille

17. Le prétendu “cadmus phénicien” (?) du Coto Fortuna. Croquis de Joaquín Payá (février 1965).

18 - Le vase anthropomorphe de la collection Dorda, prétendu-ment trouvé dans les niveaux profonds du Cabezo Rajado (cl. C. Domergue, février 1965).

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est fortement marquée par la ceinture du cache-sexe. Les coudes sont écartés du corps et les mains posées sur les hanches, la gauche étendue, pouce en avant, la droite poing serré. Les fesses sont proéminentes et les cuisses, énormes, font penser à celles des éphèbes grecs de l’archaïsme ou à celles des danseurs étrusques; les jambes sont repliées en arrière, la droite davantage que la gauche. Enfin, il y a dans le visage, au nez en forme de bec de faucon, quelque chose de la tête du dieu égyptien Horus. L’association de tels caractères est totalement aberrante. Il y a donc de fortes chances qu’il s’agisse là aussi d’une œuvre des gitans de Totana.

Traiter de faux ces objets devant leurs propriétaires pou-vait être gênant et de plus maladroit, car ces derniers risquaient de s’offusquer, et alors adieu la confiance! Cependant, par les surprises qu’elles pouvaient réserver, ces visites ne manquaient ni de sel, ni de charme. En fait, les collections rassemblées par des particuliers étaient rarement aussi déconcertantes. Par exemple, celle d’An-tonio Navarro, à La Unión, était composée d’objets plus habituels –amphores, vaisselle campanienne– dont la plupart venaient d’un lieu bien précis de la Sierra de Car-thagène, la mine La Balsa, d’autres du Cabezo Agudo: autant de témoins de l’ancienneté des mines locales et l’on comprendra que tous les mobiliers ainsi recueillis par ces amateurs dévoués soient recensés dans mon Catalogue (Domergue 1987, pp. 373-380); ceux de la

collection Navarro sont aujourd’hui présentés, pour la plupart, dans le petit musée de La Union.

Ces premiers voyages à Carthagène me furent particu-lièrement utiles. En premier lieu, j‘avais jeté les bases d’une recherche qui s’annonçait passionnante, et qui fut également fructueuse, au fil du temps et jusqu’à au-jourd’hui, grâce aux liens que j’ai maintenus tant avec les mineurs qu’avec les archéologues et les géologues. J’y avais trouvé aussi un intérêt immédiat: un sujet d’ar-ticle pour la premier tome des Mélanges de la Casa de Velázquez, que Didier Ozanam, alors secrétaire général de cette Institution, venait de lancer. Au cours de mes vi-sites dans les musées et chez les particuliers, je m’étais intéressé tout particulièrement aux lingots de plomb romains et aux estampilles qu’ils portaient. Or, dans le fonds du Musée Archéologique Municipal de Cartha-gène, figuraient les lingots que le commandant Gorordo et son groupe avaient retirés du fond de la mer, dans l’avant port de Carthagène, près de l’île d’Escombreras. Parmi ces lingots, j’en repérai vite un qui était estampil-lé L. PLANI. M.F. RVSSINI; or cette marque apparaissait aussi –je m’en souvins dès que je la vis– sur des lingots de l’épave de Mahdia, sur la côte orientale de la Tunisie, dont l’essentiel de la cargaison était constitué de sculp-tures et d’éléments d’architecture provenant de Grèce, ce qui avait fait penser que les lingots aussi pouvaient avoir la même origine et être faits du plomb du Laurion (Merlin, 1912; Besnier, 1921). La découverte d’Escom-

19. Statuette en terre cuite, représentant un danseur, vu de face (collection Dorda) (cl. C. Domergue, février 1965). Même provenance pré-tendue que le vase représenté à la figure précédente. 20. Statuette en terre cuite, collection Dorda. Vue de trois-quarts avant droit (cl. C. Domergue, février 1965).21. Statuette en terre cuite, collection Dorda. Vue de dos (cl. C. Domergue, février 1965).22. Statuette en terre cuite, collection Dorda. Vue de trois-quarts arrière droit (cl. C. Domergue, février 1965).

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breras, au voisinage des fameuses mines mentionnées par Polybe, permettait donc de proposer une origine hispanique pour les lingots portant cette estampille et, plus généralement pour tous ceux qu’avait produits des membres de la gens Plania, et de les rattacher aux mines de Carthagène11: ce fut la base de l’article que je publiai là-dessus, le premier qui touchât à mon sujet de recherche sur les mines antiques d’Espagne. Il parut dès 1965 (Domergue, 1965).

Un second suivit immédiatement (Domergue 1966). J’y rassemblai tous les lingots du Musée Archéologique Municipal de Carthagène et ceux, inédits, de Bajo de Dentro, conservés12 au Musée Naval, à Madrid, que j’avais pu étudier dans la foulée de mes voyages à Car-thagène. Cet article, je le préparai à l’automne et j’en terminai la rédaction le 24 décembre 1965 en fin de journée, à l’Instituto Arqueológico Alemán, Serrano, 159, installé (par quelle protection?) avec ma petite machine à écrire portative Hermès dans le bureau de la biblio-thécaire, à l’époque Mme Canaris. Je portai le manus-crit immédiatement –c’était urgent: on l’attendait pour boucler le numéro et je m’étais engagé à le fournir à temps– au domicile du secrétaire de la revue Archivo Español de Arqueología. C’était Augusto Fernández de Avilés: tenir parole fut, dans cette circonstance, ma façon de le remercier de tout ce qu’il avait fait pour moi au cours des derniers mois. Je me souviens aussi de mon épuisement: j’avais travaillé d’arrache-pied. Ce soir-là, nous arrosâmes notre dîner d’un Rioja Viña Pomal. Ainsi commencèrent, en cette année 1965, les vacances fa-miliales de Noël.

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11 Par la suite, cette origine fut confirmée par les analyses des isotopes du plomb (Begemann, Schmitt-Strecker 1994; Trincherini et al., 2009, pp. 129-130, 138, 143).12 Sauf un, qui avait échoué au siège de l’Española del Cinc, à Carthagène, mais que je réussis tout de même à examiner.

Page 17: Mes debuts dans l’archeologie miniere de la Peninsule ... · (SMMP) dans ce choix et l’importance du soutien que j’avais reçu de la part cette entreprise et de ses différents

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MES DEBUTS DANS L’ARCHEOLOGIE MINIERE DE LA PENINSULE IBERIQUE (2). PREMIERS PAS A CARTHAGENE (1965)

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