TABLE RONDE | L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE …...UNIN & ACTINS N UIN 6 6TAB6LEAR O RTNDN|EU L e service...

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UNION&ACTIONS | N° 149 | 10 JUIN 2016 | 6 ACTUALITÉ | ÉCONOMIE L e service d'études de l'UCM a organisé une table ronde avec des acteurs de l'économie collaborative. Listminut.be, Blablacar étaient présents. Feprabel (la fédération des courtiers en assurances) et le Grou- pement national des entreprises de taxis (GTL) argumentaient. Christophe Charlot, journaliste au Trends-Tendances, apportait un témoignage de terrain après avoir tenté de vivre de ce concept durant un mois. Cette matinée infor- melle visait à mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle forme d'économie, qui touche à l'équilibre financier des entrepreneurs et des PME. Concrètement, un particulier qui a besoin de menus travaux de jardinage, garde d'animaux ou bricolage (le top 3) s'inscrit sur ces plateformes, là même où des prestataires proposent leurs services, moyennant rémunération et un tarif horaire prédé- fini. Pour ses déplacements, il peut covoiturer via Blablacar en participant uniquement aux frais du voyage, sans bénéfice pour le conducteur. Selon les derniers chiffres, environ 10 % des prestataires proposant leurs services sur ces pla- teformes sont des indépendants à la recherche de nouveaux clients. Un faible pourcentage des "super bricoleurs du dimanche" (soit 1 à 2 %) deviennent indépendants à titre complémentaire. Le reste, la grande majorité, travaille dans l'ombre, sans véritable garantie de qualité et sans, a priori, payer un euro d'impôts ou de cotisations sociales. Cette nouvelle façon de travailler doit se faire en toute clarté. Il ne faut pas traîner car le phénomène, concur- rence déloyale potentielle pour les indépendants et PME déclarés, se développe à toute vitesse. À titre d'exemple, Listminut.be a enregistré un volume de transactions de 110.000 euros en 2015 pour 500 prestations. Pour le seul mois d'avril 2016, 2.000 demandes de prestation ont été enregistrées. P ierre Steenberghen est secrétaire général du Groupement national des entreprises de taxis (GTL). Un secteur dans la tourmente avec l'arrivée d'Uberpop, système qui a lancé 1.000 chauffeurs "sauvages" sur les routes en 2015. "Taxer ces plateformes dites innovantes est un faux débat car les gens réservent des taxis depuis des années via internet. Je ne vois pas l'intérêt de leur donner un statut fiscal avantageux, d'autant que les stimuler ouvre la porte à une économie parallèle. Lorsqu'on sait qu'à travail égal, le patron d'une société de taxis devra débourser cinq fois plus de charges qu'un chauffeur uti- lisé via plateforme collabora- tive, il y a un vrai problème. Il faut faire la distinction entre la proposition de main-d'œuvre pour service rémunéré et ceux, comme Blablacar, qui proposent un partage des coûts, sans business." TABLE RONDE | L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE EXPLOSE ET POSE QUESTION Un énorme risque de co "Ne pas blanchir une économie parallèle" L'UCM examine les plateformes collabo- ratives, qui proposent divers services aux particuliers. Les fournisseurs, pas tou- jours occasionnels, échappent aux radars des autorités. Au détriment des PME... 1 CE QU'EN PENSE L'UCM Toute création d'activité est positive. Le développe- ment des plateformes elles-mêmes est donc une bonne nouvelle, tout comme le fait qu'elles per- mettent des échanges économiques entre des per- sonnes qui ont besoin d'un service et d'autres qui sont prêtes à le fournir. Mais il faut maintenir une concurrence loyale et saine entre les prestataires de l'économie collaborative et de l'économie classique (accès à la profession, charges administratives et fis- cales...). Ces plateformes doivent donc entrer dans le champ des activités contrôlées et taxées. C'est une question de sécurité pour les clients, et d'équité pour les indé- pendants dont c'est le gagne-pain. L'arsenal législa- tif est suffisant ; inutile de le compléter d'un statut supplémentaire. Un prestataire travaillant réguliè- rement doit opter pour un statut d'indépendant à titre complémentaire. Point. Pour l'UCM, la fourniture de services et de presta- tions via les plateformes collaboratives doit égale- ment répondre aux exigences de qualité imposées aux professionnels, y compris les contrôles de sé- curité alimentaire de l'Afsca. Une inscription à la Banque-carrefour des entreprises et la vérification des éventuels accès à la profession sont indispen- sables. L'UCM demande une concertation avec les acteurs concernés pour mettre en place un cadre légal et réglementaire qui ne bride pas les vocations entre- preneuriales, tout en respectant les professionnels des secteurs exposés à cette concurrence déloyale organisée. Pour Pierre Steenberghen, il faut distin- guer plateforme d'entraide et business agressif.

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UNION&ACTIONS | N° 149 | 10 JUIN 2016 |

6 ACTUALITÉ | ÉCONOMIE

Le service d'études de l'UCM a organisé une table ronde avec des acteurs de l'économie collaborative. Listminut.be, Blablacar étaient présents. Feprabel (la

fédération des courtiers en assurances) et le Grou-pement national des entreprises de taxis (GTL) argumentaient. Christophe Charlot, journaliste au Trends-Tendances, apportait un témoignage de

terrain après avoir tenté de vivre de ce concept durant un mois.Cette matinée infor-melle visait à mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle forme d'économie, qui touche à l'équilibre financier des entrepreneurs et des PME.Concrètement, un particulier qui a besoin de menus travaux de jardinage, garde d'animaux ou bricolage (le top 3) s'inscrit sur ces plateformes, là même où des prestataires proposent leurs services, moyennant rémunération et un tarif horaire prédé-fini. Pour ses déplacements, il peut covoiturer via Blablacar en participant uniquement aux frais du voyage, sans bénéfice pour le conducteur.Selon les derniers chiffres, environ 10 % des prestataires proposant leurs services sur ces pla-teformes sont des indépendants à la recherche de nouveaux clients. Un faible pourcentage des "super bricoleurs du dimanche" (soit 1 à 2 %)

deviennent indépendants à titre complémentaire. Le reste, la grande majorité, travaille dans l'ombre, sans véritable garantie de qualité et sans, a priori, payer un euro d'impôts ou de cotisations sociales. Cette nouvelle façon de travailler doit se faire en toute clarté.Il ne faut pas traîner car le phénomène, concur-rence déloyale potentielle pour les indépendants et PME déclarés, se développe à toute vitesse. À titre d'exemple, Listminut.be a enregistré un volume de transactions de 110.000 euros en 2015 pour 500 prestations. Pour le seul mois d'avril 2016, 2.000 demandes de prestation ont été enregistrées.

P ierre Steenberghen est secrétaire général du

Groupement national des entreprises de taxis (GTL). Un secteur dans la tourmente avec l'arrivée d'Uberpop, système qui a lancé 1.000 chauffeurs "sauvages" sur les routes en 2015."Taxer ces plateformes dites innovantes est un faux débat car les gens réservent des taxis depuis des années via internet. Je ne vois pas l'intérêt de leur donner un statut

fiscal avantageux, d'autant que les stimuler ouvre la porte à une économie parallèle. Lorsqu'on sait qu'à travail égal, le patron d'une société de taxis devra débourser cinq fois plus de charges qu'un chauffeur uti-lisé via plateforme collabora-tive, il y a un vrai problème. Il faut faire la distinction entre la proposition de main-d'œuvre pour service rémunéré et ceux, comme Blablacar, qui

proposent un partage des coûts, sans business."

TABLE RONDE | L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE EXPLOSE ET POSE QUESTION

Un énorme risque de co ncurrence déloyale

"Ne pas blanchir une économie parallèle"

L'UCM examine les plateformes collabo-ratives, qui proposent divers services aux particuliers. Les fournisseurs, pas tou-jours occasionnels, échappent aux radars des autorités. Au détriment des PME...

1 CE QU'EN PENSE L'UCM

Toute création d'activité est positive. Le développe-ment des plateformes elles-mêmes est donc une bonne nouvelle, tout comme le fait qu'elles per-mettent des échanges économiques entre des per-sonnes qui ont besoin d'un service et d'autres qui sont prêtes à le fournir. Mais il faut maintenir une concurrence loyale et saine entre les prestataires de l'économie collaborative et de l'économie classique (accès à la profession, charges administratives et fis-cales...).Ces plateformes doivent donc entrer dans le champ des activités contrôlées et taxées. C'est une question de sécurité pour les clients, et d'équité pour les indé-pendants dont c'est le gagne-pain. L'arsenal législa-tif est suffisant ; inutile de le compléter d'un statut supplémentaire. Un prestataire travaillant réguliè-rement doit opter pour un statut d'indépendant à titre complémentaire. Point.Pour l'UCM, la fourniture de services et de presta-tions via les plateformes collaboratives doit égale-ment répondre aux exigences de qualité imposées aux professionnels, y compris les contrôles de sé-curité alimentaire de l'Afsca. Une inscription à la Banque-carrefour des entreprises et la vérification des éventuels accès à la profession sont indispen-sables.L'UCM demande une concertation avec les acteurs concernés pour mettre en place un cadre légal et réglementaire qui ne bride pas les vocations entre-preneuriales, tout en respectant les professionnels des secteurs exposés à cette concurrence déloyale organisée.

Pour Pierre Steenberghen, il faut distin-

guer plateforme d'entraide et business

agressif.

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| 10 JUIN 2016 | N° 149 | UNION&ACTIONS

7ACTUALITÉ | ÉCONOMIE

D epuis trois ans, Jonathan Schockaert, avec ses associés Christophe Kalbfleisch et Sébastien

Scoumanne, développe Listminut, une plateforme d'économie collaborative permettant à des parti-culiers de commander des travaux dits de "dépan-nage" moyennant rémunération (environ 20 euros l'heure). Listminut se rétribue en prélevant une commission."Notre but est de mettre en place une solution qui réponde aux besoins des gens et rentre dans les règles. C'est difficile de faire la part des choses entre le travail récurrent et l'occasionnel. Nous attendons une réponse claire", résume Jonathan

Schockaert.Listminut est gérée par des entrepreneurs qui ont balisé les prestations proposées sur le net. Par exemple, les transactions sont uniquement pos-sibles en ligne et le système génère un avertisse-ment quand un niveau de prestations est atteint. En moyenne, 75 % des utilisateurs ont réalisé un maximum de deux prestations par an, le tout enca-dré par des assurances. "Notre but est de créer une confiance réciproque entre demandeurs et prestataires, qui entrent dans leur vie. Il y a une dimension humaine importante", plaide le jeune entrepreneur bruxellois.

J ohn et Hélène se sont rencon-trés en Australie. Un amour de

vacances devenu une belle histoire lorsque John a quitté sa Nouvelle-Zélande natale pour rejoindre en Belgique Hélène, employée dans une université. Ils sont aujourd'hui parents de jumeaux de cinq ans.John est arboriste de profession, chef coq par passion. "Lorsqu'il est arrivé, il n'avait plus de métier", explique Hélène, qui s'occupe de gérer le profil de John sur Listminut. "Il a d'abord rénové notre maison

et s'est occupé des enfants pen-dant que je travaillais. Mais il a eu envie de reprendre une vie sociale, d'avoir un boulot et de gagner un salaire. Tout combiner n'était pas aisé. C'est une collègue qui m'a parlé de Listminut. John y est entré en janvier et très vite, il a reçu des demandes. Il s'est inscrit au Guichet d'entreprises UCM et est devenu indépendant à titre principal en avril dernier car il nous fallait régu-lariser la situation. Cette plateforme est un bon moyen de communi-

cation et le bouche à oreille entre demandeurs fonctionne bien. John récolte de bonnes évaluations, ce qui met les gens en confiance. De manière générale, les demandeurs respectent bien la demande qui a été formulée via la plateforme. Parfois, ils évaluent mal le temps nécessaire pour effectuer un travail mais ça reste marginal. Notre pro-chaine étape est de faire connaître l'activité de John au-delà de la pla-teforme mais elle reste indéniable-ment une très belle vitrine."

TABLE RONDE | L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE EXPLOSE ET POSE QUESTION

Un énorme risque de co ncurrence déloyale"Créer une confiance réciproque"

"Le pied à l'étrier"

Jonathan Schockaert est l'un des créateurs de Listminut.

John Hinos, prestataire Listminut.