Schultes Libro erbe, cactus, funghi e piante allucinogene psichedeliche

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Richard Evans Schultes Directeur du musée botanique de l'université de Harvard ATLAS DES PLANTES - HALLUCINOGENES L'A R RE

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Schultes Libro erbe, cactus, funghi e piante allucinogene psichedeliche.Oltre 170 pagine di descrizioni fotografie e preparati vegetali per comprendere il mondo della psiconautica per chi vuole aprire le porte della percezione che l'umanità ha perduto all'alba dei tempi. Differenti tipi di coscienza che hanno da sempre affiancato l'uomo e la sua evoluzione spirituale/di coscienza del proprio bagaglio di conoscenze archetipiche che nonostante anni , secoli di materialismo continuano a vivere sopite nella parte più intima del nostro spirito che nonostante tutto nessuno è stato capace di far dimenticare o trasformare in qualcosa di materiale. Lo spirito e la coscienza non potranno mai essere fatti prigionieri del mondo fisico e imbrigliati nelle 3 dimensioni della materia e continueranno sempre a spaziare libere nelle infinite dimensioni del lato infinito dello spirito. Buon viaggio buona vita a tutti

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  • Richard Evans Schultes Directeur du muse botanique de l'universit de Harvard

    ATLAS

    DES PLANTES

    -HALLUCINOGENES

    L'A R RE

  • ATLAS DES PLANTES HALLUCINOGNES

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    SORTIR

    Une rflexion sur l'tat d'une certaine minorit

    En collaboration

  • Richard Evans Schultes

    Directeur du muse botanique de l'universit de Harvard

    ATLAS

    DES PLANTES

    HALLUCINOGENES

    Traduit de l'anglais parJocelyne Lepage

    Illustrations de Elmer W. Smith

    ~AURORE

  • Distrihu par:

    France-Amrique

    170 Bwjamin Hudon, Momrat, H4N 1H8

    Tt: (514) 331-8507

    1976, by Western Puhtishillg Compally , Ille. Ali rights re.rerved

    1978, pour la versiollfranfaise,

    Les ditiom de l'Am"ore

    Titre original: Hallucillogmie Plallts

    Western Puh!hillg Compally ;lIe., 1976

    Dpt lgal: 1er trimestre 1982

    Bibliothque llatiollale du Qubec

    Bihliothque natioMle du Cal/ada

    ISBN: 2-89053-030-2

  • Sommaire

    Avant-propos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

    Que sont les plantes hallucinognes. . . . . . . . . . . . . . . .. 10

    Hallucinognes et soci~ts primitives. . . . . . . . . . . . . . .. 12 '

    Utilisation dans le monde moderne. . . . . . . . . . . . . . . .. 14

    Composition chimique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 15

    Faux hallucinognes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 17

    Utilisation des hallucinognes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 18

    HALLUCINOGNES DE L'ANCIEN MONDE... ....... 20

    Amanite tue-mouches. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 21

    Agara.................... .... ............... 24

    Kwashi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 25

    Ereriba. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 26

    Galanga ou Maraba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 27

    Marihuana, haschisch ou chanvre. . . . . . . . . . . . . . .. 28

    Menthe du Turkestan. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 33

    Rue de Syrie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 34

    Kanna ...................................... 35

    Belladone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 36

    Jusquiame . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 38

    Dhatura ou Dutra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 39

    Mandragore. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 40

    Iboga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 42

    HALLUCINOGNES DU NOUVEAU MONDE......... 43

    Vesses-de-loup . . ........... .. ................ . 44

    Les chamPignons . ..... .. . ... . ....... . ....... . 45

    Hz'erba loca et Tagllz' ... ...................... . 51

    Belle anglz'que .............................. . 52

    RaP dos z'ndz'os .......... .. .................. . 53

    Virola . .............. .. ... . ................. . 54

    Masha-hari ........................ . ........ . 59

    Jurema........................ .... . ......... 60

    Yopo ou Parica . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 61

    Vilca ou Sbil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 64

    Genista . ........ ... ......................... . 65

    Fve de mescal . .............................. . 66

  • Colorines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

    Piule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 69

    Ayahuasca et CaaPi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

    Shanshi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

    Sinicuichi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 75

    San Pedro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 76

    Peyotl. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 78

    Volubilis sacrs du Mexique. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 85

    Hojas de la Pastora.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

    Les Coleus.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 92

    Borrachera . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 93

    A rbol de los brujos .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

    Chiric-casPi et sanango. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 95

    Daturas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 96

    Culebra borrachero. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 99

    Shanin ...................................... 100

    Keule ....................................... 101

    Taque . ..................... . ............. " 102

    Tupa . .... . ........ .. ......... . ........... .. 103

    Zacatechichi ................................. 104

    Psychopharmacologie ............................ 105

    Autres plantes hallucinognes .......... ... ........ 107

    Index ......................................... 108

    Illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 LXIV

  • Avant-propos

    Les plantes hallucinognes sont connues depuis la nuit des temps, probablement depuis gue nous cueillons des plantes pour notre alimentation. A travers les ges, elles n'ont jamais cess de nous fasciner. Nous venons de vivre une priode pendant laquelle la socit occidentale industrialise a cru dcouvrir les hallucinognes et, pour une raison ou pour une autre, certaines personnes ont pris l'habitude d'en absorber. Il se peut que cette tendance persiste.

    Il est donc important d'en savoir le plus possible sur les plantes hallucinognes. Un grand nombre de documents scientifiques traitant de leurs usages et de leurs effets ont t publis, mais l'information reste souvent inaccessible. Le profane a pourtant droit des renseignements valables partir desquels il pourra se former une opinion. C'est dans ce but que ce livre a t crit. Que l'utilisation des hallucinognes dans les socits primi

    tives ou industrialises soit considre comme une simple coutume, une mauvaise habitude ou un danger, il n'en reste pas moins que les plantes hallucinognes ont indniablement jou un rle culturel important et qu'elles continueront probablement de le faire. La connaissance de ces puissants agents physiologiques et sociaux devrait faire partie de la culture gnrale de l'espce humaine.

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  • QUE SONT LES PLANTES HALLUCINOGNES

    Que son t les plantes hallucinognes? Dans sa qute de nourriture, l'homme primitif a fait

    l'essai de toutes sor tes de plantes. Certaines l'ont nourri, d'autres l'~nt guri de ses m aux, quelques-unes ont entran sa mort. A sa grande surprise, il s'en est trouv qui ont eu d'tranges effets sur son corps et sur son esprit, comme si elles cherchaient l'entraner dans un autre monde. Nous appelons ces plantes hallucinognes parce qu'elles modifient nos perceptions et provoquent habituellement des hallucinations' c'est--dire des perceptions non conformes la ralit extrieure. Bien que la plupart de celles-ci soient visuelles, elles peuvent aussi tre auditives, tactiles, olfactives, gustatives et mme, l'occasion, toucher plusieurs sens simultanment.

    Ces hallucinations sont en ralit causes par des substances chimiques contenues dans les plantes, substances qui sont de vritables narcotiques. Contrairement une opinion fort rpandue, ce ne sont pas tous les narcotiques qui sont dangereux et qui entranent l'accoutumance. D'un point de vue strictement tymologique, est un narcotique toute substance qui provoque un effet dpressif, de faible ou de grande intensi t, sur le systme nerveux central.

    Les narcotiques qui provoquent des hallucinations sont indiffremment appels hallucinognes (qui entranent des hallucinations), psychotomimtiques (dont les effets sont semblables des psychoses), psychotaraxiques (qui drangent l'esprit) et psychdliques (qui font s'exprimer l'esprit). Aucun de ces termes ne satisfait entirement les scientifiques,_ mais c'est hallucinogne qui est le plus pertinent. Aux EtatsUnis, on utilise surtout psychdlique. Toutefois, ce mot est le rsultat de la combinaison incorrecte de deux racines grecques; il ne repose sur aucun facteur biologique et il a acquis une signification populaire qui dpasse largement le domaine des drogues et de leurs effets.

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  • QUE SONT LES PLANTES HALLUCINOGNES

    Dans l'histoire de l'humanit, les hallucinognes ont probablement t les narcotiques les plus importants. Leurs effets fantastiques en ont fait quelque chose de sacr pour les primitifs et il se peut qu'ils soient l'origine de l'ide mme de Dieu.

    Fig. l - Mandragore, dessin d'un herbier anglais

    du 13< sicle

    Il

  • HALLUCINOGNES ET SOCITS PRIMITIVES

    Les hallucinognes et les socits primitives

    Les hallucinognes ont une incidence sur presque tous les aspects de la vie des socits primitives. Ils ont un rle jouer sur les plans de la sant et de la maladie, de la paix et de la guerre, de la vie domestique et des voyages, de la chasse et de l'agriculture. Ils transforment les relations entre les personnes, les villages et les tribus. On leur attribue une influence sur la vie avant la naissance et aprs la mort.

    L'utilisation des plantes hallucinognes des fins mdicales et religieuses est particulirement importante dans les socits primitives. Les peuples aborignes attribuent la maladie et la sant l'effet de forces spirituelles. Par consquent, tout remde qui peut transporter l'homme dans le monde spirituel est jug suprieur celui dont les effets ne sont que physiques.

    Les primitifs attribuent des pouvoirs psychiques aux hallucinognes et ces pouvoirs occupent une place prpondrante dans leur religion. Partout dans le monde, les plantes hallucinognes ont servi de mdiateurs sacrs entre l'homme et les dieux. Par exemple, pour faire ses prophties, l'oracle de Delphes aurait absorb un hallucinogne.

    L'utilisation des hallucinognes d'autres fins varie d'une culture l'autre. Plusieurs plantes hallucinognes sont essentielles aux rites d'initiation des adolescents. Les Algonquins administraient leurs jeunes hommes un narcotique, le wysoccan, qui les perturbait pendant vingt jours au cours desquels ils perdaient la mmoire pour entrer dans la vie adulte en oubliant qu'ils avaient t enfants. Les racines d'iboga au Gabon et le caapi en Amazonie sont utiliss dans des rituels similaires. En Amrique du Sud, plusieurs tribus prennent de l'aya

    huasca pour prdire l'avenir, rgler des conflits, dcouvrir les plans des ennemis, pour ensorceler ou dsensorceler ou encore pour s'assurer la fidlit des femmes. Lorsqu'ils entrent en transe, les usagers peuvent avoir l'impression que l'me se spare du corps ou qu'ils font l'exprience de la mort.

    Les proprits hallucinognes du datura ont t trs exploites, surtout dans le Nouveau Monde. Au Mexique et dans le Sud-Ouest, le datura est utilis pour pratiquer la divination, faire des prophties et excuter des rites de gurison.

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  • HALLUCINOGNES ET SOCITS PRIMITIVES

    De nos jours, des indignes du Mexique accordent encore une valeur de sacrement certains champignons et utilisent le liseron volubile et le cactus peyotl pour prdire l'avenir, diagnostiquer des maladies et les soigner, de mme que pour satisfaire les bons et les mauvais esprits.

    Les Mixtques du Mexique mangent des vesses-de-loup pour entendre les rponses des voix du ciel leurs questions. Les Waikas du Brsil et du Venezuela prisent une poudre faite avec la rsine d'un arbre de la jungle, soit dans une crmonie de la mort, soit pour provoquer une transe permettant de diagnostiquer les maladies ou encore pour remercier les esprits de leur avoir permis de gagner une guerre. Les Witotos de Colombie mangent cette rsine trs puissante afin de parler avec le petit monde. Les sorciers pruviens boivent la cimora pour prendre possession de l'identit d'une autre personne. Les indignes de l'est du Brsil boivent la jurema pour avoir des visions glorieuses du monde spirituel avant d'aller combattre leurs ennemis.

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  • UTILISATION DANS LE MONDE MODERNE

    L'utilisation des hallucinognes dans le monde occidental moderne

    Depuis quelques annes, la socit moderne a pris l'habitude d'absorber des hallucinognes, mme si cela n'est pas toujours autoris par la loi . Plusieurs personnes croient pouvoir connatre une exprience mystique ou religieuse en modifiant la chimie de leur organisme grce aux hallu cinognes; elles ne font alors que reprendre les anciennes pratiques des socits primitives, mais elles sont peu nombreuses s'en rendre compte. Que les expriences mystiques provoques par ces drogues puissent tre identiques aux visions mtaphysiques de certains mystiques ou n'en constituent qu'une parodie, c'est l un sujet trs controvers. L 'usage de plus en plus rpandu des hallucinognes dans notre socit n'est peut-tre pas souvent justifi et il peut se rvler dangereux ou nuisible. Nanmoins, il s'agit d'un trait culturel import et superpos qui n'a pas de racines dans la tradition occidentale moderne.

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  • COMPOSITION CHIMIQUE

    Composition chimique

    Les hallucinognes se retrouvent dans un nombre limit de composs chimiques. Tous les hallucinognes d'origine vgtale sont des composs organiques, c'est--dire que le carbone est une partie essentielle de leur structure et qu'ils proviennent des transformations subies par des organismes vgtaux vivants. On ne connat aucun constituant vgtal inorganique (les minraux, par exemple) qui produise des effets hallucinognes.

    Les composs hallucinognes peuvent tre diviss en deux grands groupes: ceux qui contiennent de l'azote et ceux qui n'en contiennent pas. Les composs azots sont de loin les plus communs. Parmi les composs non azots les plus importants, il y a les principes actifs de la marihuana, soit les composs terpnophnoliques classs parmi les dibenzopyranes et appels cannabinols, et, en particulier, les ttrahydrocannabinols. Les composs hallucinognes qui contiennent de l'azote sont des alcalodes ou des bases apparentes.

    Les alcalodes forment un groupe trs diversifi comprenant au moins 5000 composs aux structures molculaires complexes. Ils contiennent de l'azote ainsi que du carbone, de l'oxygne et de l'hydrogne. Tous les alcalodes sont d'origine vgtale, bien que l'on range quelquefois parmi eux des composs tirs du rgne animal. Tous ces produits sont lgrement alcalins, d'o leur appellation. Ils sont classs en diverses sries partir de leur structure. Plusieurs alcalodes hallucinognes sont des indoles (voir plus loin) ou des drivs de l'indole. La plupart d'entre eux proviennent ou peuvent provenir d'un acide amin qui se trouve dans la plante et que l'on appelle tryptophane.

    La majorit des plantes mdicinales, toxiques et hallucinognes doivent leur activit biologique aux alcalodes. Entre autres alcalodes trs connus, mentionnons la morphine, la quinine, la nicotine, la strychnine et la cafine.

    Les indoles sont des alcalodes hallucinognes ou des bases connexes qui contiennent tous de l'azote. Il est tonnant de constater que, parmi les quelques milliers de composs organi15

  • COMPOSITION CHIMIQUE

    groupement pyrrole, se prsente souvent sous la forme de drivs de la tryptamine.

    Les drivs de la tryptamine peuvent tre simples, c'est-dire sans substitution, ou comporter diverses chanes latrales comme les groupes hydroxy-(OH), mtoxy-(CH3 ) ou phosphogloxy-(OP03H) de l'anneau phnylique.

    Le noyau indole apparat clairement non seulement dans les nombreuses tryptamines (dimthyltryptamine, etc.) mais galement dans les divers alcalodes de l'ergoline (ergine et autres), dans les alcalodes de l'ibogane et dans les alcalodes de la B-carboline (harmine, harmaline, etc.). Le dithylamide de l'acide lysergique (LSD) a un noyau indole. Une des raisons pour lesquelles ces hallucinognes indoliques sont importants pourrait tre le fait que leur structure est similaire la srotonine , tryptamine neurohumorale (5hydroxydimthyltriptamine) que l'on retrouve dans les tissus nerveux des animaux sang chaud. La srotonine joue un rle capital dans la biochimie du systme nerveux central. Une tude du fonctionnement des tryptamines hallucinognes pourrait nous aider comprendre le fonctionnement de la srotonine du corps humain.

    Il existe une autre relation chimique semblable celle qui prvaut entre les hallucinognes indoliques et la srotonine . Il s'agit de la relation entre la mescaline, une base phnylthylamine hallucinogne du peyotl et la neurohormone norpinphrine.

    Ces ressemblances chimiques entre des composs hallucinognes et des neurohormones qui jouent un rle dans la neurophysiologie de l'organisme pourraient nous aider comprendre l'activit hallucinogne et mme certains mcanismes du systme nerveux central. D'autres alcalodes, comme les isoquinolines , les tropanes, les quinolizidines et les isoxazoles , sont des hallucinognes plus doux dont le fonctionnement dans l'organisme peut tre diffrent.

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  • FAUX HALLUCINOGNES

    Faux hallucinognes

    Les faux hallucinognes sont des produits vgtaux toxiques qui provoquent ce que l'on pourrait appeler des hallucinations secondaires ou de fausses hallucinations. Bien qu'il ne s'agisse pas d'agents hallucinognes rels, ils affectent le fonctionnement normal de l'organisme au point d'entraner une sorte de dlire accompagn de ce que l'on peut appeler, en fin de compte, des hallucinations. Certains composants des huiles essentielles - c'est--dire les lments aromatiques responsables de l'odeur caractristique des plantes - semblent agir de cette manire. C'est le cas, par exemple, des composants de l'huile de muscade. De telles plantes, et il y en a un grand nombre, sont extrmement dangereuses consommer, surtout si elles sont absorbes en quantit suffisante pour causer des hallucinations. Les recherches actuelles n'ont pas encore fait la lumire sur le ge.nre d'activit psychique provoque par ces agents chimIques.

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  • UTILISATION DES HALLUCINOGNES

    U tilisation des hallucinognes

    Les plantes hallucinognes sont utilises de diverses faons, selon leur constitution, les agents chimiques qui s'y trouvent, les pratiques culturelles des socits qui s'en servent et d'autres facteurs. Partout dans le monde , les socits primitives ont fait preuve d'une grande imagination et d'une grande perspicacit pour soumettre les plantes hallucinognes leurs dsirs.

    Les plantes peuvent tre manges fraches ou sches, ce qui est le cas du peyotl et du teonanacatl. On peut faire un breuvage avec leurs feuilles crases. C'est ce qu'on fait avec la Salvia dz'vinorum (au Mexique). Il arrive parfois que l'on mange un driv d 'une plante, le haschisch, par exemple. Le plus souvent , les plantes hallucinognes sont consommes sous forme de breuvage ; c'est le cas de l'ayahuasca, du caapi ou yaj qui proviennent de l'corce d'une vigne , du cactus de San Pedro, du vin de jurema et de l'iboga , des feuilles de toloache , ou des graines crases du volubilis du MeXIque. Mentionnons aussi cette coutume autrefois rserve au Nouveau Monde o c'tait une manire d'utiliser le tabac, laquelle est trs rpandue aujourd'hui, et qui consiste fumer le chanvre. Outre le tabac, d'autres narcotiques, comme la tupa , sont galement fums.

    Priser est aussi une manire d'utiliser plusieurs hallucinognes: yopo, epen a, sbil, rap dos indios. Comme dans le cas prcdent, priser tait autrefois rserv au Nouveau Monde. Quelques Amrindiens ont dj absorb des hallucinognes , notamment l'Anaderanthera, par voie rectale.

    En Afrique , il existe une curieuse mthode d'obtenir des effets narcotiques. Elle consiste faire des incisions dans le cuir chevelu sur lesquelles on passe le jus d 'un bulbe du genre oignon , de l'espce Pancratium. Cette mthode est en quel que sorte l'anctre de la piqre hypodermique moderne.

    Certaines plantes hallucinognes peuvent tre utilises de plusieurs manIres. La rsine de virola, par exemple , est lche telle quelle, bien qu'on la transforme habituellement en poudre priser; l'occasion, on en fait des boulettes que l'on mange, m ais on peut aussi la fumer.

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  • UTILISATION DES HALLUCINOGNES

    Les plantes que l'on ajoute aux principales espces hallucinognes font de plus en plus l'objet de recherches. Ces plantes subsidiaires sont parfois intgres une prparation pour modifier, accrotre ou prolonger les effets narcotiques des principaux ingrdients. Ainsi, en prparant l'ayahuasca, le caapi ou le yaj, partir des Banisteriopsis caaPi ou B. inebrzns, on ajoute souvent plusieurs plantes secondaires: des feuilles de Psycotria viridis ou de Banisteriopsis rusbyana, qui contiennent elles-mmes des truyptamines hallucinognes ou encore la brunfelsia ou le datura, qui sont tous les deux des hallucinognes.

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  • HALLUCINOGNES DE L'ANCIEN MONDE

    Hallucinognes de l'Ancien Monde

    Il parat vident aujourd'hui que, dans l'Ancien Monde (Europe, Asie, Australie, Afrique), l'usage des plantes et des arbustes indignes pour leurs proprits hallucinognes a t moins important que dans le Nouveau Monde. Pourtant, il n'y a pas de raison pour que la vgtation

    d'une moiti du globe soit plus pauvre ou plus riche en espces hallucinognes que l'autre moiti. Alors, pourquoi une telle disparit? Serait-ce tout simplement parce qu'un grand nombre de plantes hallucinognes de l'Ancien Monde n'ont pas t dcouvertes? Est-ce que certaines d'entre elles seraient trop toxiques pour tre consommes? Ou encore, l'Ancien Monde serait-il culturellement moins intress par les narcotiques? Il n'existe pas de rponse dfinitive. Toutefois, nous savons que le Vieux Monde connat moins d'espces hallucinognes que le Nouveau Monde. En effet, dans le premier on n'utilise qu'entre quinze et vingt espces d'hallucinognes comparativement plus de cent dans le second. Pourtant, certains hallucinognes de l'Ancien Monde

    occupent aujourd'hui une place prpondrante dans le monde entier. Le cannabis, sans doute le plus rpandu de tous les hallucinognes, en est le meilleur exemple. Le~ diverses solanaces qu'utilisaient les sorcires du Moyen-Age pour faire leurs potions, c'est--dire la jusquiame, la douce-amre, la belladone et la mandragore, ont grandement influenc la philosophie europenne, la mdecine et mme l'histoire pendant de nombreuses annes.

    Certaines plantes ont jou un rle extraordinairement vivant sur le plan religieux dans les premires cultures aryennes du nord des Indes.

    Nous commenons peine les recherches sur le rle des hallucinognes dans le dveloppement ~ulturel et social de plusieurs parties de l'Ancien Monde. A mesure que nous progressons, leur importance considrable devient de plus en plus vidente. Toutefois, il est indispensable de faire encore plus de recherches sur leur utilisation dans ces rgions.

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  • HALLUCINOGNES DE L'ANCIEN MONDE

    Amanite tue-mouches

    Amanite tue-mouches (Amanita muscaria). Ce champignon pourrait bien tre l'un des plus anciens hallucinognes dont l'homme ait fait usage. Certains auteurs ont laiss entendre que les effets tranges de cette amanite ont pu contribuer crer l'ide mme des dieux.

    L'amanite tue-mouches crot dans les rgions tempres de l'hmisphre Nord. En Eurasie, elle a un trs beau chapeau orange fonc ou rouge sang orn de verrues blanches. Le chapeau de l'amanite nord-amricaine varie entre blanc-crme et jaune orang. Il existe galement des diffrences chimiques entre les deux varits. En effet, l'amanite que l'on trouve dans le Nouveau Monde est dpourvue des effets fortement hallucinognes de celle de l'Ancien Monde.

    En 1730, on a dcouvert que ce champignon tait consomm des fins orgiaques ou religieuses en Sibrie. Par la suite, on constata que plusieurs groupes isols de Finno-ougriens (Ostiaks et Voguls) en Sibrie occidentale et trois tribus primitives (Chuckchees, Koriaks et Kamchadals) du nord-est de la Sibrie le consommaient aussi. Ces tribus n'utilisaient aucun autre narcotique jusqu' tout rcemment, alors qu'elles ont connu l'alcool.

    Ces peuples consomment le champignon sch au soleil ou grill lentement au-dessus d'un feu, sans rien d'autre, ou encore ils le prennent avec du lait de renne ou du jus de plantes sauvages, notamment une espce de Vaccinium et une espce d'EPilobium. Lorsque les champignons sont consomms seuls, ils sont

    d'abord humidifis dans la bouche avant d'tre avals, ou encore ce sont les femmes qui les humectent et qui en font des boulettes que les hommes avalent.

    Il existe dans ces tribus une pratique trange et trs ancienne. Il s'agit d'un rite au cours duquel des hommes boivent l'urine de ceux qui ont consomm en premier les champignons. Les lments actifs du champignon traversent tout l'organisme et sont excrts sans tre modifis ou sont transforms en drivs aussi actifs que les premiers lments. Par consquent, avec seulement quelques champignons on peut satisfaire plusieurs personnes.

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  • HALLUCINOGNES DE L'ANCIEN MONDE

    La nature de l'intoxication est variable, mais l'absorption d'un ou de plusieurs champignons provoque des contractions nerveuses du visage , des tremblements, de lgres convulsions, l'engourdissement des jambes et un sentiment de bien-tre caractris par le bonheur, le dsir de chanter et de danser, des visions colores et arrive la macropsie (perception grossie des objets). Il arrive quelquefois que les usagers aient des accs de violence avant de sombrer dans un profond sommeil. Les participants sont parfois sujets de curieuses impressions, comme ce fut le cas pour un membre d'une vieille tribu qui tait convaincu de venir tout juste de natre! La ferveur religieuse accompagne souvent l'tat d'brit.

    D'aprs de rcentes tudes, il semble que ce champignon pourrait tre le mystrieux dieu Soma, narcotique de l'Inde antique. Il y a de a des milliers d'annes, les conqurants aryens qui traversrent l'Inde adoraient Soma, le consommant sous forme de breuvage au cours de crmonies religieuses. Plusieurs hymnes du Rig-Veda hindou sont consacrs Soma et dcrivent la plante ainsi que ses effets.

    L'utilisation du soma a finalement disparu et pendant deux mille ans on a cherch en vain l'identifier. Au cours du sicle dernier, plus de cent plantes ont t proposes, mais aucune ne correspondait la description donne dans les hymnes religieux. De rcentes recherches ethnobotaniques ont abouti l'identification de cette plante qui serait l'A. muscaria. Cette dcouverte est corrobore par le fait que, dans les Vdas, il est fait mention d'une crmonie o l'on boit de l'urine. Or, le principal lment intoxicant de l'amanite, la muscimole (que l'on ne trouve que dans ce champignon), est le seul hallucinogne naturel qui, une fois excrt par l'organisme, en ressort inchang.

    En outre, on ne connat la chimie de l'agent hallucinogne que depuis quelques annes seulement. Pendant un sicle, on a cru qu'il s'agissait de la muscarine, mais cet agent est prsent en quantit si infime qu'il ne peut agir comme inbriant. On sait aujourd'hui que, lors de l'extraction ou du schage du champignon, l'acide ibotnique forme plusieurs drivs, dont la muscimole qui est le principal agent actif sur le plan pharmacologique. D'autres composs, notamment la muscazone, s'y trouvent en concentration moins leve et peuvent contribuer l'intoxication.

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    L 'amanite tue-mouches est ainsi appele cause de l'utilisation qu'on en a fait pendant des sicles, en Europe, pour tuer les mouches. On laissait les champignons dans une assiette dcouverte. Les mouches taient attires, s'intoxiquaient et succombaient aux proprits insecticides de la plante.

    Fig. 2 - Amanita muscaria ou amanite tue-mouches,

    photographie en Suisse

    (photographie de C.H. Eugster)

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    Agara

    Agara (Galbulimima belgravaena). Arbre de haute taille des forts de Malaisie et d'Australie. En Papouasie, les indignes obtiennent un breuvage en faisant bouillir les feuilles et l'corce de cet arbre avec des feuilles d'ereriba. Le breuvage est trs intoxicant et provoque un sommeil profond au cours duquel les indignes ont des visions et des rves fantastiques. On a isol quelque vingt-huit alcalodes de cet arbre et, bien que ceux-ci aient effectivement une action sur l'organisme, le principe psychotrope est encore inconnu. L'agara est une des quatre espces de Galbulimima et appartient la famille des Himantandraces, une famille trs rare apparente celle des magnolias.

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    Kwashi

    Kwashi (Pancratium thriantum) . Plante psychotrope d'aprs les Bochimans de Dobe, Botswana. Il parat que les indignes frottent le bulbe de cette plante vivace sur des incisions pratiques dans le cuir chevelu et que cela provoque des hallucinations visuelles. On ne sait rien de sa constitution chimique. Parmi les quatorze autres espces de Pancratium, surtout celles d'Asie et d'Afrique, on en connat plusieurs qui contiennent des lments psychotropes, surtout des alcalodes. Certaines espces sont de puissants poisons cardiaques. Le Pancratium appartient la mme famille que les amaryllis, les Amaryllidaces.

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    Ereriba

    Ereriba (espce indtermine d'Homalomena). Plante amre qui aurait des effets narcotiques lorsque ses feuilles sont mlanges avec les feuilles et l'corce de l'agara. Le constituant chimique actif est inconnu. L'ereriba appartient la famille des Araces. Il existe quelque cent quarante espces d'Homalomena, originaires de l'Asie tropicale et de l'Amrique du Sud.

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    Galanga OU Maraba

    Galanga OU Maraba (KaemPfen'a galanga). Plante riche en huiles essentielles. Les autochtones de NouvelleGuine mangent son rhizome pour ses proprits hallucinognes et s'en servent aussi comme condiment. Comme les soixante-dix autres espces du mme genre, on l'utilise en mdecine populaire pour faire monter le sang la tte et pour la gurison des brlures et des blessures. Elle appartient la mme famille que le gingembre, celles des Zingibraces. D'aprs des tudes phytochimiques, cette plante ne contient aucun principe psychotrope.

    Fig. 3 - Kaempferia Galanga (dessin de 1. Brady)

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    Marihuana, haschisch ou chanvre

    Marihuana, haschisch ou chanvre (espce du genre Cannabis) . On l'appelle aussi kif, bhang ou charras. C'est une des plus vieilles plantes cultives. C'est aussi l'une des plus rpandues, car il s'agit d'une plante adventice croissant partout, sauf dans les rgions polaires et dans les forts tropicales humides.

    On tire du cannabis une fibre textile, un fruit comestible, une huile industrielle, un mdicament et un narcotique. En dpit de son anciennet et de son importance conomique, la plante est encore trs mal connue, caractrise beaucoup plus souvent par ce que l'on en ignore que par ce que l'on en sait.

    Le Cannabis est une plante annuelle extrmement fertile et variable dans sa croissance, elle peut atteindre une hauteur de 5,5 mtres. Il se dveloppe mieux dans une terre meuble, riche en azote, proximit des lieux habits. On l'a appel suiveur d'homme, parce qu'il a migr avec lui.

    Il s'agit d'une plante habituellement dioque, c'est--dire que les organes mles et femelles sont ports par des plants diffrents. Le plant mle ou stamin est habituellement plus faible que le plant femelle ou pistill. Les fleurs pistilles poussent dans les aisselles des feuilles. Les lments toxiques sont normalement concentrs dans la rsine que contiennent les fleurs femelles en croissance, ainsi que dans les feuilles et les tiges adjacentes.

    La classification du cannabis est un sujet controvers chez les botanistes. Ils ne classent pas tous le Cannabis dans la mme famille et ne sont pas tous d'accord sur le nombre d'espces. La plante est parfois classe avec les figues ou les mres (famille des Moraces) ou avec les orties (famille des Urticaces). De nos jours, le Cannabis est habituellement class dans une famille distincte avec le houblon (Humulus): les Cannabinaces.

    Il est gnralement admis que l'espce Cannabis saliva a, grce la slection faite par l'homme, donn naissance plusieurs races ou varits, aux fibres plus solides et d'une plus forte teneur en huile ou en narcotique. La slection des fins narcotiques a surtout t pratique en Inde, o les proprits intoxicantes du Cannabis ont jou un rle reli

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    gieux trs important. Toutefois, l'environnement est aussi un facteur important, qui explique la diversit de cette espce, diversit en ce qui concerne surtout la qualit des fibres et l'intensit de l'activit narcotique. D'aprs les recherches actuelles, il y aurait d'autres espces de Cannabis: le C. indica et le C. ruderalis. Toutes les espces de Cannabis sont originaires d'Asie centrale.

    L'utilisation du cannabis remonte trs loin dans le temps. On a trouv en Turquie des tissus de chanvre qui ~at~nt de

    ela fin du 8 sicle av. ].-C. Q.eux qu'on a dcouverts en Egypte taient vieux de 4000 ans. A Thbes, autrefois, cette plante servait faire un breuvage qui procurait des effets semblables ceux de l'opium. Les Scythes lanaient des graines et des feuilles de cannabis sur des pierres chaudes dans des bains de vapeur afin d'obtenir une fume narcotique. Ils cultivaient le chanvre le long de la Volga, il y a de cela 3000 ans.

    D'aprs la tradition chinoise, l'utilisation de la plante aurait commenc il y a 4800 ans. Dans les documents mdicaux indiens rdigs 1000 ans av. J. -C., on mentionne l'emploi thrapeutique du Cannabis. Il ne fait pas de doute que les anciens Hindous apprciaient les proprits de la plante, puisqu'ils l'appelaient guide cleste et adoucisseur de peines. Pour les Chinois, le Cannabis tait le rdempteur des pchs et le donneur de joie.

    Le mdecin grec Galien crivait en l'an 160, environ, que l'addition de chanvre dans des gteaux produisait des effets narcotiques. Au 13e sicle, en Asie mineure, on payait une organisation de meurtriers avec du haschisch. On les appelait haschischin, d'o vient peut-tre le terme assassin dans les langues europennes.

    L'utilisation du chanvre pour faire des tissus a t introduite par des colons en Nouvelle-Angleterre et par les Espagnols et les Portugais dans leurs colonies du Nouveau Monde.

    La valeur mdicinale du cannabis est connue depuis des sicles. La longue histoire de son utilisation en mdecine populaire est trs importante. Le chanvre a fait son apparition plus rcemment dans la pharmacope

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    penser qu'une usine chimique aussi prolifique que le Cannabis pourrait servir faire de nouveaux mdicaments.

    La chimie du cannabis est complexe. On a isol plusieurs composs orgaruques, dont certains avaient des proprits narcotiques. Une plante frache contient surtout des acides cannabidioliques, prcurseurs des ttrahydrocannabinols et autres produits connexes comme le cannabinol, le cannabidiol, l'acide ttrahydrocannabinol-carboxylique, les stroisomres du ttrahydrocannabinol et le cannabichromne.

    On a prouv rcemment que les principaux effets du cannabis sont attribuables au delta-1- ttrahydrocannabinol. Les ttrahydrocannabinols qui forment un mlange huileux de plusieurs isomres sont des composs organiques non azots drivs de terpnes (voir la page 15). Ce ne sont pas des alcalodes, bien qu'on trouve des traces d'alcalodes dans la plante.

    Jusqu' tout rcemment, on ne savait pas grand-chose des effets du ttrahydrocannabinol pur sur l'organisme humain. Il faut absolument faire des essais exprimentaux si l'on veut progresser dans nos connaissances. Aujourd'hui, de telles recherches sont possibles puisque l'on a russi la synthse du compos, ce qui constitue un progrs important dans l'tude

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    des pices. Le ganjah est compos des ttes sches, particulirement rsineuses, de la plante femelle que l'on mlange habituellement au tabac. La plupart de ces prparations trs puissantes sont faites avec le C. indica.

    L'usage du cannabis des fins narcotiques a connu une grande popularit au cours des quarante dernires annes et la plante s'est rpandue dans presque toutes les parties du globe. L'utilisation narcotique du cannabis aux Etats-Unis remonte aux annes vingt. Elle semble avoir pris naissance la Nouvelle-Orlans et dans les environs. La popularit sans cesse accrue de cette plante dans les pays occidentaux, surtout dans les grandes villes, reprsente un srieux problme pour les gouvernements europens et amricain. Il y a conflit entre ceux qui croient que l'usage massif du cannabis est un danger qu'il faut absolument liminer et les autres pour qui cette habitude est inoffensive et devrait tre lgalement tolre. Le sujet suscite des dbats passionns, habituellement bass sur des connaissances limites. Nous ne disposons pas encore de donnes mdicales, sociales, juridiques et morales sur lesquelles fonder notre jugement. Comme le dit un auteur, le problme de la marihuana aurait besoin d'un peu plus de lumire et d'un peu moins de passion. On n'a pas encore procd des expriences scientifiques valables.

    Plus que tout autre hallucinogne, le cannabis a des effets qui varient selon les plants et selon les usagers. Cela s'explique en grande partie par le caractre instable de certains constituants. Aprs un certain temps, par exemple, l'acide cannabidiolique se transforme en ttrahydrocannabinols actifs et, finalement, en cannabinol inactif. De tels changements se produisent beaucoup plus rapidement dans les rgions tropicales que dans les rgions froides. Les plantes peuvent aussi avoir des effets narcotiques diffrents selon leur ge.

    Le principal effet narcotique du cannabis est l'euphorie. Il arrive que la plante ne soit pas classe parmi les hallucinognes et il est vrai que ses caractristiques ne sont pas typiquement psychotomimtiques. Les effets dcrits vont du simple sentiment de bien-tre des rves fantastiques et des hallucinations visuelles et auditives. Certains ont des visions merveilleuses, entendent une musique extraordinaire ou des sons dforms; des aventures bizarres qui pourraient remplir un sicle sont vcues en quelques minutes.

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    Peu aprs avoir consomm du cannabis , le sujet pourra vivre un tat de conscience diffrent, proche du rve . Le cours normal de la pense est interrompu et les ides ne manquent pas , bien qu'elles soient confuses . On peut passer d'un sentiment d'exaltation et de joie intrieure un tat dpressif (parfois inquitant), la peur incontrlable de la mort et l'angoisse.

    La perception du temps est presque toujours modifie. Les bruits s'amplifient et n'ont pas tellement de liens avec l'intensit relle des sons mis; ils peuvent tre perus comme s'ils taient accompagns d'un rythme hypnotique. Mme si les hallucinations visuelles peuvent parfois avoir une connotation sexuelle, les proprits supposment aphrodisiaques de la marihuana n'ont jamais pu tre dmontres.

    Il n'est pas possible de dterminer si le cannabis devrait tre class comme stimulant ou comme sdatif, ou les deux la fois. part les effets de la drogue sur le systme nerveux central , les autres effets semblent tre secondaires: acclration du pouls et augmentation de la pression sanguine, tremblements, vertiges, difficult de coordination musculaire, sensibilit tactile accrue et dilatation des pupilles.

    Mme si le cannabis n 'entrane absolument pas d'accoutumance, l'usage constant peut crer un besoin psychologique chez certaines personnes.

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  • HALLUCINOGNE.') DE L'ANCIEN MONDE

    Menthe du Turkestan

    Menthe du Turkestan (Lagochilus inebrians). Petit arbuste des steppes arides du Turkestan:. Pendant des sicles, les Tadjiks, les Tartares, les Turcomans et les Ouzbeks en ont tir un produit narcotique. Les feuilles que l'on cueille en octobre sont torrfies, parfois avec les tiges, les fruits et les fleurs. Le schage et l'entreposage accroissent leurs proprits aromatiques. On ajoute parfois du miel et du sucre afin de rduire son amertume.

    Considre comme un mdicament populaire et incluse dans la huitime dition de la pharmacope russe, cette menthe est employe pour traiter les maladies de la peau et les hmorragies et comme sdatif dans les cas de troubles nerveux. On a isol de la plante un produit appel lagochiline, qui est un diterpne. Toutefois, nous ne savons pas si ce compos est responsable de tous les effets psychotropes de la plante. Il existe environ trente-quatre autres espces de Lagochilus. Les Labiates, famille laquelle appartiennent les menthes, sont originaires de l'Asie centrale et croissent jusqu'en Iran et en Afghanistan.

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    Rue de Syrie

    Rue de Syrie (Peganum harmala). Cette plante crot dans les pays mditerranens jusqu'au nord des Indes, en Mongolie et en Mandchourie. Partout, on l'utilise en mdecine populaire. Ses graines ont dj t employes comme pices et ses fruits donnent une teinture rouge ainsi qu'une huile.

    Les graines contiennent des alcalodes hallucinognes connus, surtout l'harmine et l'harmaline. L'importance que les peuples d'Asie accordent la plante est si grande que l'on pourrait y voir l'indication d'un ancien usage religieux. Toutefois, malgr les recherches faites dans de vieux documents, rien n'indique que ces peuples aient pu utiliser la plante afin d'obtenir volontairement des hallucinations visuelles.

    La famille des Zygophillaces laquelle appartiennent la rue de Syrie ainsi que les chardons toils, compte environ deux douzaines de genres originaires des rgions tropicales et subtropicales arides des deux hmisphres.

    Fig. 5 - Buisson de Peganum harmala

    Israel (photographie A. Danin)

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    Kanna

    Kanna (Mesembryanthemum expansum et M . tortuosum). Nom commun deux espces de plantes sud-africaines. Il est presque certain que les Hottentots d'Afrique du Sud ont utilis l'une ou l'autre ou mme les deux espces afin d'obtenir des hallucinations visuelles. Il y a plus de deux sicles, des auteurs ont indiqu que les Hottentots mchaient des morceaux de racine de kanna ou channa et les gardaient dans leur bouche, ce qui produisait les rsultats suivants: leur esprit animal s'veillait, leurs yeux brillaient et leur visage rayonnait de joie. Ils riaient. Des milliers d'ides dlicieuses faisaient leur apparition et un rien semblait les amuser beaucoup. S'ils en consommaient en trop grande quantit, ils perdaient conscience et tombaient dans un dlire terrible.

    tant donn que l'utilisation narcotique de ces deux espces n'a jamais t directement observe, plusieurs botanistes croient que le kanna hallucinogne dont il est question pourrait tre en ralit le cannabis ou d'autres plantes narcotiques, notamment plusieurs espces de Sclerocarya de la mme famille que les acajous. Les deux espces de M esembryanthemum portent effectivement le mme nom commun de kanna et elles contiennent des alcalodes qui ont des proprits sdatives comme la cocane et qui sont capables de provoquer un tat de torpeur chez l'usager.

    Dans les rgions plus sches d'Afrique du Sud, il existe en tout mille espces de Mesembryanthemum, dont un grand nombre , notamment la cristalline , ont une forme bizarre. Environ deux douzaines d'espces, dont les deux dcrites prcdemment , sont classes dans un autre genre par certains botanistes , le genre Sceletium. Toutes ces plantes appartiennent la famille des Azoaces et la plupart sont originaires d'Afrique du Sud. On croit qu'elles sont relies aux phytolaques, aux oeillets et aux cactus.

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    Belladone

    Belladone (Atropa belladonna). Espce trs toxique qui peut provoquer plusieurs formes d'hallucinations. Sa rputation n'est plus faire. On la retrouve dans le folklore et dans la mythologie de presque tous les peuples europens qui craignaient son pouvoir meurtrier. Elle servait prparer les breuvages et les onguents rellement hall~cinognes de celles que l'on appelait sorcires au Moyen-Age en Europe. Ses baies rouges sont si attrayantes qu'elles font encore plusieurs victimes de nos jours.

    Le nom de belladone (belle dame, en italien) vient d',une curieuse coutume des Italiennes de la noblesse, au Moyen-Age. Elles laissaient tomber une goutte de la sve de cette plante sur leurs pupilles, ce qui leur donnait un regard trouble et vitreux, considr comme une caractristique de la beaut et de la sensualit fminines.

    Le principe actif le plus important de la belladone est l'hyoscyamine, un alcalode, mais on y trouve aussi la scopolamine, dont les effets psychotropes sont encore plus puissants. Il y a galement l'atropine, mais on ne sait pas si elle est prsente dans la plante vivante ou si elle se forme au moment de l'extraction. La belladone est une source commerciale d'atropine, un alcalode dont les usages en mdecine moderne sont trs diversifis. On l'utilise surtout comme antispasmodique, antiscrtoire et comme stimulant mydriatique et cardiaque. Les alcalodes se trouvent partout dans la plante, mais ils sont surtout concentrs dans les feuilles et les racines.

    Il existe quatre espces d'A tropa en Europe et depuis l'Asie centrale jusqu' l'Hymalaya. L'Atropa appartient la mme famille que les morelles noires: les Solanaces. La belladone est originaire d'Europe et d'Asie mineure. Jusqu'au 1ge sicle, on l'empl~yait surtout l'tat sauvage; on la cultive maintenant aux Etats-Unis, en Europe et en Inde, o elle constitue un lment mdicamenteux important.

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    Fig. 6 - Atropa belladonna

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    Jusquiame

    Jusquiame (Hyoscyamus niger). Au Moyen-ge, cette plante entrait souvent dans la composition des potions des 'sorcires et d'autres prparations toxiques provoquant des hallucinations visuelles et la sensation de voler. Plante annuelle ou bisannuelle originaire d'Europe, elle a depuis longtemps une importance mdicale comme sdatif et comme somnifre.

    L'alcalode principal de la jusquiame est l'hyoscyamine, mais on y trouve aussi, en assez grande quantit, la scopolamine dont les proprits hallucinognes sont plus intenses, ainsi que quelques autres alcalodes en moins grande concentration.

    La jusquiame est l'une des vingt espces d'Hyoscyamus, qui appartiennent la famille des Solanaces. Elles sont originaires d'Europe, d'Afrique du Nord et d'Asie centrale et occidentale.

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    Dhatura et Dutra

    Dhatura et Dutra (Datura metel). Noms communs en Inde pour dsigner une espce importante de Datura de l'Ancien Monde. Les proprits narcotiques de cette plante fleurs pourpres, de la famille des Solanaces, sont connues et apprcies en Inde depuis la prhistoire. La plante a ga lement une longue histoire dans d'autres pays. Certains auteurs croient qu'elle serait responsable de la fume narcotique qui entourait l'oracle de Delphes. Dans de vieux crits chinois, il est question d'un hallucinogne que l'on a identifi cette espce. Il ne fait aucun doute que la plante dont traite le mdecin arabe Avicenne au 11< sicle, sous le nom de jouzmathel, est bien le dhatura. Son utilisation en tant qu'aphrodisiaque dans les Indes orientales a t rapporte en 1578 . En Chine, cette plante tait sacre. Les Chinois croyaient que lorsque Bouddha prchait, le ciel jetait des gouttes de rose sur la plante.

    Narunoins, l'utilisation des prparations base de dhatura en Asie est entoure de rituels moins impressionnants que dans le Nouveau Monde. Dans plusieurs rgions d'Asie, mme de nos jours, des voleurs ou d'autres malfaiteurs mlent des graines de dhatura aux aliments ou au tabac pour stupfier leurs victimes qui peuvent rester intoxiques plusieurs jours.

    En Asie, le Datura metel est souvent ml au cannabis et fum encore aujourd'hui. Les feuilles d'une varit fleurs blanches (considre par certains botanistes comme une varit distincte, le D. factuosa) sont fumes avec le cannabis ou le tabac dans plusieurs rgions d'Afrique et d'Asie.

    La plante contient des alcalodes hautement toxiques, dont le principal est la scopolamine. Cet hallucinogne est prsent en concentration leve dans les feuilles et les graines. On l'a trouv galement dans la dhatura du Nouveau Monde (voir pages 96, 97). Le Datura ferox , une espce de l'Ancien Monde moins rpandue en Asie, est galement apprcie pour ses proprits narcotiques et mdicinales.

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    Mandragore

    Mandragore (Mandragora offinarum). Hallucinogne dont l'histoire est fantastique et que l'on a craint longtemps pour sa toxicit. Aucune plante, o que ce soit, n'a jou un rle aussi grand que celle-ci qui, selon le folklore europen, tait dote de proprits hypnotiques et magique,s. Ses multiples usages populaires en Europe, au Moyen-Age, taient inextricablement lis la Doctrine des signatures, une vieille thorie selon laquelle l'apparence d'un objet indiquait ses proprits particulires. La racine de mandragore prenait la forme d'un homme ou d'une femme, d'o ses pouvoirs magiques. D'aprs une croyance superstitieuse, celui qui entendait le cri inhumain pouss par la mandragore lorsqu'il l'extrayait du sol pouvait devenir fou. Dans plusieurs rgions, les gens accordaient des proprits aphrodisiaques puissantes la mandragore. Les superstitions autour de cette plante ont dur plusieurs sicles en Europe.

    La mandragore, qui contient de l'hyoscyamine, de la scopolamine et d'autres alcalodes, est un hallucinogne actif dont les sorcires se servaient pour faire leurs potions. En fait, il s'agissait d'un des lments les plus puissants de leurs prparations complexes.

    La mandragore et cinq autres espces de Mandragora appartiennent la famille des Solanaces et sont originaires de la rgion qui s'tend de la Mditerrane l'Hymalaya.

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  • HALLUCINOGNES DE L'ANCIEN MONDE

    M~nd,.agO"A4 144 &fcemina.

    Fig. 7 - Mandragore,

    tir de The Herball de John Gerard,

    Londres 1632

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  • HALLUCINOGNES DE L'ANCIEN MONDE

    Iboga

    lboga (Tarbernanthe iboga). Originaire du Gabon et du Congo, c'est la seule espce de la famille des Apocynaces connue pour ses proprits hallucinognes. Elle connat une importance qui s'accrot sans cesse, fournissant la seule arme contre l'expansion du christianisme et de l'islamisme dans cette rgion.

    Les racines jauntres de l'iboga sont utilises lors de rites initiatiques dans certaines socits secrtes, dont la plus fameuse est celle du culte Bwiti. Pour faire partie de cette secte , il faut absolument avoir vu Bwiti, le dieu de la plante, ce que l'on fait en consommant l'iboga.

    La drogue, dcouverte par les Europens vers le milieu du sicle dernier, est rpute comme stimulant puissant et aphrodisiaque. Les chasseurs l'utilisent pour rester veills toute la nuit. Sous l'effet de fortes doses, les usagers ont des visions fantastiques. Les sorciers en prennent souvent pour communiquer avec leurs anctres et le monde spirituel.

    L'ibogane est le principal alcalode indole parmi la douzaine que l'on trouve dans cette plante. L'action de l'ibogane est bien connue. Outre ses proprits hallucinognes, elle est, prise en fortes doses, un stimulant puissant du systme nerveux central et peut provoquer des convulsions, la paralysie et l'asphyxie.

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  • HALLUCINOGNES DU NOUVEAU MONDE

    Les hallucinognes du Nouveau Monde

    Dans le Nouveau Monde, c'est--dire l'Amrique du Nord, l'Amrique centrale, l'Amrique du Sud ainsi que les Antilles, le nombre d'hallucinognes et leur importance sur le plan culturel ont dj t considrables et il existe encore des rgions o leur rle n'a pas diminu.

    Plus de quatre-vingt-dix espces sont utilises pour leurs proprits intoxicantes alors que, dans l'Ancien Monde, ce nombre se limite une douzaine. Il n'est pas exagr de dire que dans certaines socits du Nouveau Monde, surtout au Mexique et en Amrique du Sud, les habitants taient pratiquement esclaves de l'utilisation religieuse des hallucinognes, lesquels avaient acquis une signification profonde et exeraient une influence sur presque tous les aspects de leur vie. En Amrique du Nord et dans les Antilles, on faisait un moins grand usage des hallucinognes qui semblaient jouer un rle plutt secondaire. Bien que le tabac et la coca, source de la cocane, aient acquis une importance universelle, aucun des vritables hallucinognes du Nouveau Monde n'a eu une signification globale- aussi importante que celle du cannabis dans le Vieux Monde.

    ,

    Aucune tude ethnologique des Amrindiens ne saurait tre complte sans un examen approfondi des hallucinognes dont ils faisaient usage. On a fait des dcouvertes imprvues grce l'tude de l'utilisation de ces plantes du Nouveau Monde. Plusieurs prparations hallucinognes se faisaient avec d'autres plantes susceptibles de modifier l'intoxication. Dans ce domaine, les Amrindiens ont fait preuve d'une ingniosit extraordinaire.

    Bien que les hallucinognes connus du Nouveau Monde soient assez nombreux, on n'a pas encore abord l'tude d'un certain nombre d'espces dcouvertes rcemment. Ce qui est le plus curieux, toutefois, c'est la raison pour laquelle, compte tenu de leur importance vitale dans les cultures du Nouveau Monde, l'identit botanique de plusieurs hallucinognes est demeure inconnue jusqu' ces dernires annes.

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  • HALLUCINOGNES DU NOUVEAU MONDE

    Vesses-de-Iou p

    Vesses-de-loup. Les Indiens mixtques d'Oaxaca, au Mexique, consomment les vesses-de-loup (Lycoperdon mixtecorum et L. marginatum) pour avoir des hallucinations auditives. Aprs en avoir mang, ils entendent des voix et de l'cho. Il ne semble pas exister de crmonies associes la consommation des vesses-de-loup qui ne font pas fonction d'agent divinatoire comme c'est le cas pour d'autres champignons, Oaxaca. Le L. mixtecorum est le plus puissant des deux. On l'appelle gi-i-wa, ce qui signifie champignon de premire qualit. Le L. marginatum, qui dgage une forte odeur d'excrment, porte le nom de gi -i-sa-wa, c'est--dire champignon de seconde qualit.

    Bien que l'on n'ait pas encore trouv de substances intoxicantes dans les vesses-de-loup, certains rapports font tat de champignons qui produisent des effets narcotiques lorsqu'on les consomme. La plupart des cinquante cent espces de Lycoperdons croissent dans les forts moussues de la zone tempre. Elles font partie des Lycoperdaces, une famille de la catgorie des Gastromyctes.

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    Les champignons

    Les champignons. De nombreuses varits ont t utilises comme hallucinognes par les Aztques qui les appelaient tonanacatl, ce qui signifie chair des dieux dans le langage nahuatl. Ces champignons, qui sont tous de la famille des Agaricaces, occupent encore aujourd'hui une place importante dans les rites magico-religieux des Mexicains. Ils appartiennent quatre genres: les genres Conocybe et Panaeolus qui sont rpandus presque partout dans le monde; le genre Psilocybe que l'on trouve en Amrique du Nord, en Amrique du Sud, en Europe et en Asie, et le genre StroPharia, connu en Amrique du Nord, dans les Antilles et en Europe.

    Le culte des champignons semble s'enraciner dans la tradition sculaire des autochtones. Il y a des fresques mexicaines qui remontent trois cents ans av. j.-C. et sur lesquelles on peut voir des dessins rappelant les champignons. Mais on a trouv plus tonnant encore: des statuettes, appeles pierres-champignons (page XXIV), dcouvertes en grand nombre lors de fouilles archologiques dans les sites mayas au Guatemala, et qui remonteraient 1000 ans av. j.-C. Elles se composent d'un stipe sur lequel sont reprsentes des figures humaines ou animales, et surmont d'un chapeau qui a la forme d'un parapluie. Pendant de longues annes, elles ont intrigu les archologues. On croit aujourd'hui qu'il s'agit d'icnes associes des rituels religieux fonds sur l'usage sacr des champignons et qui auraient t pratiqus il y a 3000 ans environ.

    Certains auteurs pensent que ces champignons ont peuttre t les premiers hallucinognes que l'on ait dcouverts. L'exprience d'une ralit autre provoque par ces mystrieuses formes de vie vgtale peut facilement conduire une interprtation spirituelle de l'existence.

    L'utilisation des champignons sacrs dans les temps les plus reculs nous est connue grce surtout aux longues descriptions des prtres espagnols, qui nous devons beaucoup sur ce chapitre.

    Un chroniqueur crit, vers le milieu des annes mil cinq cent, aprs la conqute du Mexique, que ces champignons dangereux et enivrants comme le vin entranent chez ceux

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    qui les consomment des visions, une faiblesse morale et un penchant la luxure; quand ils (les autochtones) commencent subir les effets des champignons, ils dansent, chantent, pleurent. Certains ne veulent pas manger et restent assis ... ayant une vision de leur mort; d'autres se voient mangs par une bte sauvage; d'autres encore s'imaginent qu'ils sont prisonniers de guerre ou qu'ils sont riches et possdent de nombreux esclaves, qu'ils ont commis l'adultre et qu'ils se feront couper la tte cause de leur crime ...

    Dans un document de mdecine aztque, il est question de trois sortes de champignons intoxicants. L'un d'eux, le teyhuintli, provoque une folie qui peut parfois perdurer et dont le symptme le plus important est un rire incontrlable; il existe d'autres champignons qui ... provoquent toutes sortes de visions: visions de guerres ou de dmons, par exemple. Toutefois, d'autres champignons n'en sont pas moins dsirs par les princes pour accompagner leurs festivits et leurs banquets et ces champignons atteignent un prix lev. On les cherche pendant de longues nuits terrifiantes et impressionnantes.

    L'opposition des Espagnols au culte paen des Aztques et leur adoration du champignon sacr a t trs dure. Mme si les conqurants du Mexique abhorraient l'usage de tous les hallucinognes des fins religieuses - peyotl, ololiuqu..i, toloache et autres - et menaient un combat terrible contre

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    sicles. Au cours de cette priode, mme si plusieurs champignons toxiques taient inclus dans la flore mexicaine, on a cru que les Aztques avaient cherch protger leur vritable plante sacre. Ils auraient laiss croire aux Espagnols que le mot teonanacatl signifiait champignon, alors qu'en ralit il aurait signifi peyotl. Il est vrai que les symptmes d'intoxication par les champignons concident remarquablement avec ceux du peyotl et que l'on peut prendre facilement pour des champignons les petites ttes brunes qui proviennent du cactus peyotl. Mais les nombreux rapports d'crivains consciencieux, notamment ceux de mdecins ayant une formation en botanique , vont l'encontre de cette thorie.

    Avant 1930, les botanistes n 'avaient pas russi tablir l'identit des spcimens de champignons utiliss au cours de crmonies divinatoires au Mexique. Plus tard, on a dcouvert que sept ou huit tribus du sud du Mexique n'utilisaient pas moins de vingt espces de champignons.

    De nos jours, la crmonie des champignons des Indiens mazatques du nord-est d'Oaxaca montre bien l'importance actuelle de ce rite au Mexique. On voit aussi jusqu' quel point le caractre sacr de ces plantes a persist depuis la conqute. C'est une vierge qui est charge de cueillir les champignons sacrs sur les collines pendant la nouvelle lune et avant l'aube. Ceux-ci sont ensuite consacrs sur l'autel de l'glise catholique locale. Le mode trange de croissance des champignons ajoute leur caractre mystrieux et impressionnant pour les Mazatques qui les appellent nti-si-tho, ce qui signifie objet honorable qui surgit de la terre Ils croient que le champignon sort de la terre par miracle et 'il est envoy par le ciel avec la foudre. Comme le raconte un pote indigne: Le petit champignon vient de lui-mme, personne ne sait d'o il vient ni quand, comme le vent, sans que l'on sache comment ni pourquoi.

    La crmonie mazatque, qui dure toute une nuit, est habituellement anime par une femme chamane (curandera) et elle consiste en de longs chants compliqus, curieusement rptitifs, des rythmes de percussion et des prires. Souvent, elle s'accompagne d'un rituel de gurison au cours duquel l'officiant, grce aux pouvoirs que lui confrent les champignons sacrs, communique avec les forces spirituelles et intercde auprs d'elles. Il est absolument impossible de nier

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    le caractre vivant et vibrant des rites qui entourent les champignons dans la vie indigne moderne du sud du Mexique. L'attraction qu'exercent les champignons sacrs n'a rien perdu de sa force la suite du contact avec le christianisme et les ides modernes. La vnration dont la crmonie des champignons fait l'objet est aussi profonde que celle qui entoure les crmonies de n'importe quelle grande religion universelle .

    Le genre de champignons utilis par les diffrents chamans dpend en partie des gots personnels et en partie du motif. Le caractre saisonnier et local de la croissance des champignons a aussi son importance. Les StroPharia cubensis et Psilocybe mexicana sont probablement les champignons les plus souvent employs, mais il existe une demi-douzaine d'autres espces de Psilocybe, de Conocybe et de Paneolus sPhinctrinus qui sont aussi importantes. Les noms que leur donnent les autochtones sont colors et parfois significatifs. Psilocybe aztecorum est appel enfant des eaux; P. zapotecorum: couronne d'pines et P. caerulescens var. nigriPes: champignon de la raison suprieure. (Voir les dessins des pages XXVI et XXVII). Il est possible que d'autres espces hallucinognes de champignons soient galement utilises.

    Il se peut aussi qu' l'extrieur du Mexique on emploie l'espce Psilocybe pour provoquer l'brit. P. yungensis serait le mystrieux arbre-champignon dont parlent les missionnaires jsuites dans leurs rapports. Les indiens yurimaguas de l'Amazonie pruvienne s'en servaient pour faire un breuvage intoxicant trs puissant. On sait que cette espce contient un agent hallucinogne. Toutefois, d'aprs de rcentes recherches, on n'utilise pas de champignons des fins narcotiques en Amazonie.

    Les effets des champignons sont, entre autres, la relaxation ou la mollesse musculaire, l'agrandissement de la pupille, l'hilarit et la difficult de se concentrer. Les champignons provoquent des hallucinations visuelles et auditives. Les premires sont tonnamment vivantes, trs colores et en mouvement constant. Elles sont suivies de lassitude, de dpression mentale et physique, de perception modifie du temps et de l'espace. L'usager semble tre isol du monde qui l'entoure; sans perdre conscience, il devient totalement indiffrent son environnement et sa rverie devient pour lui la

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    ralit. Cette caractristique particulire de l'intoxication est intressante pour les psychiatres.

    Un chercheur qui avait consomm des champignons lors d'une crmonie indienne mexicaine crivit ceci: Le corps repose dans l'obscurit, lourd comme du plomb, mais l'esprit semble prendre son envol... et, avec la rapidit de la pense, voyage o bon lui semble, accompagn par le chant du chaman ... Ce que l'on voit et ... ce que l'on entend semblent ne faire qu'une seule chose! La musique prend une forme harmonieuse et les harmonies adoptent une apparence visuelle. Ce que l'on voit prend la forme de la musique, la musique des sphres.

    Tous les sens sont affects de la mme manire; la cigarette ... dgage une odeur unique, le verre d'eau a infiniment meilleur got que le champagne... Celui qui a mang des champignons flotte dans l'espace, oeil sans corps, invisible, incorporel, voyant sans tre vu ... Les cinq sens sont dsincarns ... l'esprit est libre, il perd la notion du temps; il est alerte comme il ne l'a jamais t, vivant l'ternit dans une nuit, voyant l'infini dans un grain de sable ... On peut avoir des visions de presque tout. .. sauf des scnes de la vie quotidienne. Comme dans le cas des autres hallucinognes, les effets des champignons peuvent varier selon l'humeur de l'usager et l'environnement.

    Un scientifique dcrit ainsi son exprience aprs avoir mang trente-deux spcimens schs de PSzlocybe mexicana: ... Quand le mdecin qui surveillait l'eXprience s'est pench vers moi ... il s'est transform en prtre aztque et je n'aurais pas t tonn de le voir prendre un couteau en obsidienne ... cela m'amusait de voir comment ce visage allemand ... avait acquis une expression tout fait indigne. Au paroxysme de l'intoxication, je fus assailli par des images intrieures, surtout des motifs abstraits qui changeaient si rapidement de formes et de couleurs que j'ai craint d'tre entran dans ce tourbillon et d'y disparatre. Aprs six heures, environ, le rve a pris fin ... j'ai senti que je revenais la ralit quotidienne et qu'il s'agissait l du retour heureux de celui qui a t dans un monde trange et fantastique, mais un monde intimement connu et familier.

    La constitution chimique des champignons hallucinognes a tonn les scientifiques. Les chimistes ont isol une trypta

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    IIne cristalline blanche de structure inhabituelle - un ester phosphorique de l'hydroxy -4-dimthyltryptamine. Le driv indolique, nomm psilocybine, est un nouveau type de structure: une tryptamine substitue en position 4 avec un radical phosphate, ce que l'on n'avait encore jamais trouv comme constituant naturel du tissu vgtal. Certains champignons contiennent galement, en quantit infime, un autre compos indolique, la psilocine, laquelle est instable.

    Bien que l'on ait trouv de la psilocybine dans des champignons europens et nord-amricains, il semble que l'utilisation de tels champignons narcotiques au cours de rituels soit limite au Mexique et au Guatemala.

    Avant que l'on russisse cultiver les champignons mexicains, les analyses chimiques taient trs difficiles effectuer. Ceux-ci sont presque entirement composs d'eau et il en faut une quantit norme pour faire des analyses cause du caractre phmre de leur constitution chimique. Il n'a t possible de comprendre la chimie des champignons mexicains que lorsque les mycologues ont pu les cultiver en quantit suffisante pour rpondre aux besoins des chimistes. Cette ralisation constitue une tape importante dans l'tude des plantes hallucinognes. Il est indispensable d'appliquer cette mthode dans la recherche sur la chimie des autres narcotiques. Le laboratoire devient alors un substitut efficace de la nature. Grce des conditions appropries, les scientifiques ont appris cultiver plusieurs espces de plantes dans un milieu artificiel.

    La culture des champignons comestibles est une entreprise commerciale importante et on la pratique en France depuis le dbut du 17e sicle. La culture des fins scientifiques est un phnomne plus rcent.

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    Hierba loca et Taglli

    Hierba loca et Taglli (Pernettya furens et P. parvifolia) font partie des quelques vingt-cinq espces de Pemettya. Dans la plupart des cas, ce sont de trs petits arbrisseaux qui croissent, depuis les hautes terres du Mexique jusqu'au Chili, dans les Iles Galapagos et Falkland, en Tasmanie et en Nouvelle-Zlande. Ces plantes appartiennent la famille des ricaces , qui comprend galement la canneberge, l'airelle, la bruyre cendre, le rhododendron et l'arbousier grimpant. Plusieurs sont toxiques pour le btail et pour l'homme, mais les deux espces qui nous intressent sont les seules, notre connaissance, qui soient utilises comme hallucinognes.

    La Pern e ttya furens, connue au Chili sous le nom de hierba loca (la plante qui rend fou) ou huedhued, donne des fruits qui peuvent provoquer la confusion mentale, la folie et l'alination dfinitive chez celui qui les mange. L'intoxication ressemble celle qui est provoque par le datura.

    Le fruit du taglli, de l'quateur, est un poison bien connu, capable de provoquer des hallucinations et d'autres phnomnes psychiques, en plus d'affecter les nerfs moteurs.

    Bien qu'il soit ncessaire d'approfondir l'tude de la composition chimique de ces plantes et d'autres espces de Pernettya, il semble que leur toxicit soit due la prsence d'andromdotoxine, un rsinode, ou d'arbutine, un glycoside. Les deux composs sont plutt communs cette famille de plantes.

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    Belle anglique

    Belle anglique (Acarus calamus). galement appele calomel sucr , cette plante crot dans les marais du nord et du sud des rgions tempres. De la famille des Araces, elle est l'une des deux espces d'Acarus . Il se pourrait que les indignes du nord du Canada, qui utilisaient la plante comme mdicament et comme stimulant , en aient mch aussi les racines pour leurs proprits hallucinognes. En doses excessives, on sait que cette plante provoque des hallucinations visuelles trs intenses. Les proprits intoxicantes peuvent tre dues lX -asarone et f3 -asarone, mais la chimie et la pharmacologie de la plante sont encore trs mal comprises.

    Fig. 8 - Acarus Calamus Linnaeus (Belle Anglique)

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    Ra p dos indios

    Rap dos indios (Maquira scleroPhylla, porte galement le nom de Osmedioperebea scleroPhylla). Il s'agit d'un arbre norme, de la mme famille que le figuier, les Moraces. Dans la rgion de Pariana, au centre de l'Amazonie brsilienne, les indignes prparaient autrefois une poudre hallucinogne partir des fruits schs de cet arbre. On prisait cette poudre lors de crmonies tribales, mais la civilisation envahissante a fait disparatre cette coutume.

    Il faudrait faire d'autres tudes sur ce narcotique. Les recherches chimiques n'ont pas encore dcouvert le principe actif de ces fruits.

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    Virola

    Virola (Virola caloPhylla, V. caloPhyllodea et V. theiodora). Ces arbres font partie des hallucinognes qui ont t rcemment dcouverts. De taille moyenne, ils croissent dans la jungle, ont des feuilles luisantes vert fonc et portent des bouquets de petites fleurs jaunes qui dgagent une odeur cre. Les principes intoxicants sont contenus dans la rsine rouge sang que l'on tire de l'corce de l'arbre et avec laquelle on fait une poudre priser trs puissante.

    Ces arbres sont originaires des rgions tropicales du Nouveau Monde. Ils font partie de la mme famille que la muscade, les Myristicaces, qui comprend environ trois cents espces d'arbres et dix-huit genres. Le plus connu de cette famille est le Myristicafragrans, un arbre d'Asie qui donne la muscade et le macis.

    En Colombie, on se sert surtout du Virola caloPhylla et du V. calophylloda pour obtenir des effets hallucinognes, tandis qu'au Brsil et au Venezuela les indignes prfrent le V. theiodora qui semble fournir une rsine plus concentre. Chez les indignes du nord-ouest de l'Amazonie et du cours

    suprieur de l'Ornoque, on prpare une poudre priser narcotique avec l'corce de virola. Un anthropologue qui a observ, en 1909, comment les Yekwanas du Venezuela la prparaient et l'utilisaient a crit ce qui suit: Il est particulirement intressant de remarquer qu'au cours des rites de gurison le mdecin-sorcier prise l'hakudufha. Ce produit est une poudre_magique utilise exclusivement par les sorciers et prpare partir de l'corce d'un certain arbre. Aprs avoir broy l'corce, on la fait bouillir dans un petit pot en terre cuite jusqu' ce que l'eau se soit vapore et qu'il ne reste plus qu'un sdiment.

    On place le pot sur un feu doux, afin de torrfier la substance, puis on la rduit en poudre avec la lame d'un couteau. Ensuite, le sorcier souffle un peu de cette poudre dans un roseau et l'envoie ... dans l'air. Puis, l'aide du mme roseau, il inhale la poudre avec chaque narine, successivement.

    L'hakudufha a sans aucun doute un puissant effet de stimulation puisque le sorcier se met immdiatement chanter et crier sauvagement, tout en balanant le torse.

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    Parmi un grand nombre de tribus l'Est de la Colombie, l'utilisation de la poudre de virola, souvent appele yakee ou parica, est rserve aux sorciers. Toutefois, chez les Wakas ou les Yanonamos de la rgion frontalire entre le Brsil et le Venezuela, l'epena ou la nyakwana, c'est ainsi qu'ils nomment cette poudre, n'est pas limite aux sorciers et peut tre prise au cours de crmonies, ou mme parfois en dehors de tout rituel, par tous les mles adultes. Les sorciers l'utilisent pour entrer dans une transe qui, selon eux, les aide diagnostiquer et traiter les maladies.

    Avant 1954, on savait que les indignes d'Amrique du Sud se servaient d'une poudre intoxicante, mais on ignorait qu'elle provenait du virola.

    La prparation de la poudre de virola varie selon chacun. Certains indignes grattent la couche intrieure de l'corce et font scher les copeaux au-dessus d'un feu doux. Ceux-ci sont ensuite conservs pour un usage ultrieur. Quand on a besoin de la poudre, on les pulvrise avec un pilon dans un mortier qui est fait avec l'enveloppe de la noix du Brsil. La poudre est ensuite transforme en une poussire brune, fine et cre. On peut y ajouter les feuilles sches d'un arbre aromatique appeljusticia ains~ que des cendres d'amasita ou l'corce d'un trs bel arbre, l'Elizabetha princeps. Le produit est enfin prt tre utilis.

    D'autres indignes font tomber l'arbre, enlvent l'corce, la font chauffer feu doux, recueillent la rsine dans un pot de terre cuite, la font bouillir jusqu' ce qu'elle devienne une pte paisse puis font scher celle-ci au soleil avant de l'craser avec une pierre et de la passer au tamis. Ils peuvent ajouter cette poudre les cendres de plusieurs autres corces ainsi que des feuilles dejustza rduites en poudre.

    Certains ptrissent les copeaux de la paroi intrieure d'une corce frachement arrache afin d'en exprimer toute la rsine. Aprs quoi, ils la font bouillir jusqu' ce qu'ils obtiennent une pte paisse qu'ils font scher au soleil et qu'ils rduisent en poudre, en y ajoutant d'autres cendres.

    La mme rsine est applique directement sur des pointes de flches et solidifie dans la fume. C'est un des poisons utiliss par les Wakas. Quand toutes les provisions de poudre sont puises, les indignes grattent la rsine durcie sur

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    leurs flches et s'en servent comme substitut. Cette rsine semble agir avec autant de force que la poudre elle-mme.

    Chaque anne, plusieurs tribus Wai'kas ont une crmonie au cours de laquelle on prise cette poudre en mmoire de ceux qui sont morts l'anne prcdente. Une certaine forme de cannibalisme accompagne ce rite: on boit un breuvage ferment, base de bananes, et qui contient les cendres des os calcins des morts.

    La crmonie se droule dans une grande hutte ronde. Aprs le chant du matre de crmonie , les hommes et les garons les plus gs forment des couples et soufflent tour de rle une grande quantit de poudre dans les narines de leur partenaire. Ensuite, ils se mettent danser et courir sauvagement, en criant, en brandissant des armes et en faisant des gestes de bravade. Des couples ou des groupes s'engagent dans un trange rituel o un participant dcouvre sa poitrine et reoit de vigoureux coups de poing, des coups de bton ou des pierres de la part d'un compagnon qui, par la suite, s'offrira aux coups son tour. Bien que cette punition pour des offenses relles ou imaginaires soit parfois cruelle , les effets du narcotique sont si puissants que)es hommes ne faiblissent pas et ne semblent pas souffrir. A la fin, les opposants s'asseoient, se tiennent par les bras, et chacun crie quelque chose dans l'oreille de son partenaire , puis tous se mettent sauter et ramper sur le plancher en imitant les animaux . Finalement , chacun succombera aux effets de la drogue et perdra cons cience, parfois pendant une demi-heure . Ils auraient alors des hallucinations.

    Les effets de la poudre de virola se font sentir quelques minutes aprs l'inhalation . Les usagers ressentent d'abord un tat d 'excitabilit croissante. Ensuite, leurs jambes s'engourdissent, leur visage se crispe. Ils manquent de coordination musculaire, leur nez coule, ils ont des nauses et souvent ils vomissent. La macropsie , c'est--dire la perception grossie des objets, est un effet caractristique du virola et est attribue par les Wakas aux hekulas, c'est--dire aux forces spirituelles qui se cachent dans le virola et qui contrlent les affaires des hommes. Au cours de l'intoxication, les sorciers gesticulent souvent sauvagement , luttant contre ces hekulas gigantesques.

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    D'aprs de rcentes tudes, la cause des effets narcotiques du virola est une concentration exceptionnellement leve d'alcalodes tryptamins dans la rsine. La poudre des Wakas, prpare exclusivement partir de la rsine de Virola theidora, contient jusqu' 8% de tryptamines, surtout la trs active 5-mthoxy-N, N -dimthyltryptamine. On a aussi trouv dans la rsine deux nouveaux alcalodes du type B-carboline. Ces substances inhibent la monoamine oxydase et permettent aux tryptamines d'agir si la rsine est prise par voie orale.

    Il existe aussi d'autres manires de consommer la rsine de virola. Les nomades primitifs makus de Colombie se contentent souvent de gratter la rsine de l'corce de l'arbre et de la lcher telle quelle. Les Witotos, les Boras et les Muinanes de Colombie en font de petites galettes qu'ils mangent lorsqu'ils veulent pratiquer la sorcellerie ou diagnostiquer des maladies; ces galettes permettent aux sorciers de parler avec le monde spirituel. L'intoxication commence cinq minutes aprs l'ingestion. Il se pourrait que certains autochtones du Venezuela fument cette corce afin d'obtenir des effets narcotiques.

    En faisant des tudes sur le curare, des scientifiques ont rcemment dc,:mvert que les Wakas se servaient du virola pour empoisonner leurs flches. La rsine rouge de l'corce de Virola theiodora est applique sur la flche ou le dard, puis durcie au-dessus d'un feu doux. Le poison mortel agit lentement. On ne connat pas encore l'agent chimique de la rsine responsable de cet effet.

    Il est intressant de signaler que le poison est appliqu sur les flches en mme temps que l'on prpare la poudre hallucinogne, mais que ces deux oprations sont effectues par des sorciers diffrents de la mme tribu. On utilise de nombreuses plantes en Amrique du Sud pour empoisonner les flches et la plupart d'entre elles appartiennent aux familles des Loganiaces et des Mnispermaces.

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    Fig. 9 - Indien Waka, du Brsil, rcoltant la rsine d'un

    Virola theiodora

    Fig. 10 - Virola theiodora en fleur

    Brsil (photographie de R .E. Schultes)

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    Masha-hari

    Masha-hari (Justicia pectoralis var. stenoPhylla) . Petite plante cultive par les Wakas de la rgion frontalire entre le Brsil et le Venezuela . Les feuilles aromatiques sont parfois sches , rduites en poudre et mlanges la poudre de virola . D'autres espces de justicia sont, parat-il, utilises dans cette rgion pour faire une poudre narcotique. On n'a pas encore trouv d'lments hallucinognes dans

    la jus t icia , mais si une espce du mme genre est utilise en tant que poudre intoxicante, c'est qu'elle a un ou plusieurs constituants actifs. Les trois cents espces de justicia, de la famille des Acanthaces , croissent dans les rgions tropicales et subtropicales des deux hmisphres.

    Fig. Il - Indien Waika rcoltant des (euilles de Justicia pectoralis, var stenophylla

    (photographie R.E . Schultes)

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    Jurema

    Jurema (Mimosa hostilis). Arbuste encore trs mal connu dont on se sert pour faire le breuvage miraculeux de jurema appel dans l'est du Brsil ajuca ou vinho de jerema. D'autres espces de Mimosa sont galement dsignes sous le nom de jurema. Certaines tribus de Pemambuco, les Kariris, les Pankarurus, les Tushas et les Fulnios, consomment ce breuvage au cours de crmonies. Habituellement associ la guerre, cet hallucinogne tait utilis par des tribus aujourd'hui disparues afin de passer la nuit naviguant dans les profondeurs du sommeil avant de partir en guerre. Ce breuvage leur procurait des visions glorieuses du monde spiritueL .. ou leur permettait de jeter un coup d'oeil sur les roches qui dtruisent les mes des morts se rendant leur destination, ou de voir le Dieu-tonnerre lancer des clairs partir de sa chevelure gigantesque et produire des bruits de tonnerre ... Il semble toutefois que l'utilisation du M. hostilis des fins hallucinognes ait presque entirement disparu.

    On ne sait pas grand chose sur les proprits hallucinognes de cette plante dcouverte il y a cent cinquante ans. D'aprs les premires tudes chimiques, la plante contenait un alcalode actif auquel on avait donn le nom de nigerine, mais les recherches ultrieures_ont montr qu'il s'agissait de N.N.-dimthyltryptamine. Etant donn que les tryptamines ne sont pas actives si elles ne sont pas prises par voie orale, moins d'tre en prsence d 'un inhibiteur de la monoamine oxydase, il est vident que le jus de jurema doit contenir d'autres ingrdients en plus du M. hostilis, ou que la plante elle-mme possde un agent inhibiteur dans ses tissus.

    Le genre Mimosa, troitement associ l'A caczll et l'A nadenanthera, comprend quelque cinq cents espces de plantes tropicales et subtropicales et des arbrisseaux. Les mimosas appartiennent la sous-famille des Mimosaces , de la famille des Lgumineuses.

    La plupart des mimosas sont d'origine amricaine, bien qu'il en existe aussi en Afrique et en Asie. La jurema se trouve uniquement dans les rgions sches de l'est du Brsil.

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    Yopo OU Parica

    Yopo OU Parica (Anadenanthera peregrina ou pzptadenia peregrina) . Arbre d'Amrique du Sud, de la famille des Lgumineuses. Avec les graines de cet arbre, on prpare une poudre priser qui est un hallucinogne trs puissant et qu'on retrouve aujourd'hui surtout dans le bassin de l'Ornoque; elle a d'abord t dcrite par les Espagnols en 1496. Les Indiens tanos l'appelaient alors cohoba. Son utilisation, maintenant disparue dans les Antilles, y avait sans doute t introduite par des envahisseurs indignes d'Amrique du Sud.

    Les agents hallucinognes que l'on trouve dans A. peregrina sont, entre autres, N,N-dimthyltryptamine, N-monomthyltryptamine, 5-mthoxymthyltryptamine et quelques autres bases apparentes. La bufotnine, prsente galement dans la Peregrina, n'est apparemment pas hallucinogne. Nous ne connaissons que depuis peu la composition chimique des graines du yopo. Des tudes plus pousses devraient accrotre nos connaissances sur leurs principes actifs.

    La prparation de la poudre de yopo varie quelque peu d'une tribu l'autre. Les fves produites en grande quantit par le yopo sont contenues dans des cosses plates et trs serres. Gris-noir lorsqu'eUes sont arrives maturit, ces cosses s'ouvrent et font voir entre trois et dix graines ou fves plates chacune. On les rcolte aux mois de janvier et fvrier, et c'est habituellement l'occasion d'une crmonie particulire. Les fves sont d'abord lgrement humidifies et broyes de manire former une pte que l'on grille ensuite au-dessus d'un feu doux jusqu' ce qu'elle soit sche et bien torrfie. Parfois, on laisse d'abord les fves fermenter. Une fois rtie, la pte est ferme et peut tre conserve pour un usage ultrieur. Certains indignes rtissent les fves puis les crasent sans en faire une pte, les moulant habituellement sur une plaque de bois dur trs dcore et fabrique spcifiquement cette fin.

    Quelques anciens explorateurs ont relev cette coutume. En 1801, Alexander von Humboldt. le clbre naturaliste allemand, a dcrit en dtailla prparation du yopo chez les Maipures de l'Ornoque.

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    En 1851, l'explorateur britannique Richard Spruce s'est rendu chez les Guahibos, une autre tribu de l'Ornoque, et a crit ceci: Pour fabriquer leur poudre, ils placent les graines rties de yopo dans un plat en bois peu profond qui est maintenu sur leur genou par une large courroie maintenue fermement avec la main gauche. Ensuite ils broient les graines l'aide d'un petit pilon en bois dur de pao d'arco ... qu'ils tiennent entre les doigts et le pouce de la main droite. La poudre gris-vert ainsi obtenue est presque toujours

    mlange avec une quantit gale d'une substance alcaline quelconque. Ce peut tre la chaux des coquilles d'escargots ou les cendres d'un vgtal. Apparemment, les cendres proviennent d'une grande varit de plantes: fruits brls de la marmite de singes, corce de diffrents arbres, vignes et mme des racines de roseaux. On ajoute probablement des cendres dans un but purement pratique, pour empcher la poudre de s'agglutiner, ce qui ne manquerait pas de se produire cause du climat humide.

    L'addition de chaux ou de cendres aux prparations narcotiques ou stimulantes est une coutume trs rpandue dans les deux Mondes. On en ajoute souvent au btel, au pituri, au tabac, la poudre d'epena, la coca, etc. Dans le cas de la poudre de yopo, l'addition d'un alcalin ne semble pas essentielle. Certains indignes, notamment les Guahibos, peuvent l'occasion prendre la poudre telle quelle . L'explorateur Alexander von Humboldt qui a observ l'utilisation du yopo dans l'Ornoque, il ya de cela 175 ans, fait une erreur lorsqu'il crit: .. .il ne faut pas croire que les cosses de niopo acacia sont la principale cause des effets stimulants de la poudr_e ... Les effets sont dus la chaux frachement calcine. A cette poque, bien sr, la prsence de tryptamines actives dans ces fves tait inconnue. La poudre de yopo est inhale l'aide d'os creux d'oi

    seaux ou de tubes de bambou. Les effets se font sentir presque immdiatement: contractions des muscles, lgres convulsions, manque de coordination musculaire, puis nauses, hallucinations visuelles et sommeil troubl. Il arrive souvent que l'on peroive les objets grossis (macropsie). Dans un vieux document, les Indiens disent que leurs maisons semblent ... tre renverses et que les hommes marchent les pieds en l'air .

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  • HALLUCINOGNES DU NOUVEAU MONDE

    Fig. 12 - Fruits de l'anadenanthera peregrina,

    Porto Rico

    (photographie de R.E. Schultes)

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  • HALLUCINOGNES DU NOUVEAU MONDE

    Vilca et Sbil

    Vilca et Sbil sont les noms de poudres priser qui auraient t prpares autrefois partir des fves d'Anadenanthera colubrina et d'une varit de cette plante, la sbil, dans le centre et le sud de l'Amrique latine o on ne trouve pas d'A . peregrina. On sait que les graines de l'A. colubrina ont les mmes agents hallucinognes que celles de l'A. p eregrina (page 61).

    D'aprs de vieux documents pruviens qui remontent l'anne 1571 , les mdecins incas prdisaient l'avenir grce l'absorption de vilca ou d 'huilca qui leur permettait de