Note de l'Imbroglio au Chaos, Avril 2013

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    De lImbroglio au Chaos :la crise grecque, lUnioneuropenne, la finance et nous

    Benjamin [email protected]

    Christopher [email protected]

    Avril 2013

    www.atterres.org

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]
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    En ce dbut danne 2013, la Grce est en tat durgence. Loin davoir contribu aurtablissement de son conomie, les plans successifs imposs ce pays par laTroka lont plong dans une dpression profonde. Un tat quasi comateux. 26% dechmeurs, une jeunesse dtruite (plus dun jeune de moins de 25 ans sur deux estau chmage, des malades laisss sans soins, des retraits sans retraite Le bilan

    de la purge impose la Grce est calamiteux. Aussi nous-a-t-il sembl plus utile,de montrer pourquoi et comment on en est arriv l, le traitement impos la Grcetant exemplaire - quoiquil est vrai sous une forme paroxysmique - de la solution impose par lUE partout en Europe.

    Cette note reprend le rcit et lanalyse du martyr impos la Grce l o notreprcdente tude sur ce sujet avait laiss les choses : lt 2011, aprs que lepremier plan de la Troka suppos permettre un retour rapide de la Grce sur lesmarchs financiers ait lamentablement chou1.

    Qua appris la Troka de lchec de son premier plan ? Quelles modifications ouinflexions a-t-elle donnes son action ? Quels en furent les rsultats ? Voil lesquestions auxquelles nous nous attelons ici.

    A considrer lampleur des dgts auxquels laction de lUE et de la Troka estparvenue, on conviendra que lanalyse laquelle nous avons procd mritaitquelle soit entreprise. Dautant que la priode que couvre ce texte recle unenouveaut de grande ampleur: cest au cours de cette mme priode quil a tprocd une restructuration densemble de la dette souveraine grecque,

    vnement sans prcdent au sein de lUnion europenne. Outre le fait que leprincipe mme dune restructuration tait frocement combattu par le monde de lafinance avant quil ne se rsolve sy engager, clairer ce qui sest jou l estvidemment de grande importance pour comprendre la manire dont se comportentaujourdhui les grands acteurs de la finance et les stratgies quils dploient dans lacrise.

    Mais au-del de la situation en Grce mme et de la restructuration de la dette qui ya t ralise, ltude de ce qui est advenu dans ce pays porte des enseignementsgnraux. Et ce pour le motif essentiel que ce qui a t fait en Grce est exemplairedes errements et de la nature trs particulire des solutions adoptes parlUnion europenne (UE, par la suite) face la crise des dettes publiques lguespar limplosion de la finance mondiale. Ainsi la Grce doit-elle retenir lattentionparce quelle a t le laboratoire propos duquel a t labor le modle degestion des dettes publiques appliqu dans le reste de lUE, et qui sous des formes

    bien sr toujours spcifiques sest appliqu ailleurs. En Irlande et au Portugaldirectement sous lgide de la Troka, mais auss i en Espagne ou en Italie, pays quise sont eux-mmes appliqu titre prventif en quelque sorte le mme typede rgime daustrit budgtaire que la Grce, dans lespoir cette fois de prvenir la

    venue de la Troka. Un autre motif pour lequel la Grce doit retenir lattention tientau fait que cest loccasion de la mise au point des plans daide la Grce

    1 Voir Coriat et Lantenois (2011a).

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    quont t conus et expriments les dispositifs institutionnels nouveaux (FESF,MES) dont lUE sest dote durablement pour affronter la crise.

    Un dernier motif qui justifie cette focalisation sur la Grce est que, mme si toutnest pas strictement transposable dun pays un autre, ce pays est celui sur lequel

    nous disposons du plus grand recul temporel pour juger des solutions mises enuvre par lUE, puisque la Troka y est luvre depuis mai 2010.

    Pour rpondre aux multiples questions que pose ltude du cas grec nous avonsorganis les arguments autour de 3 grandes sections. La premire prsente lesmesures imposes par la Troka la Grce aprs la faillite de son premier plan, lesconditions dans lesquelles elles lont t, ainsi que la philosophie qui inspirait cesmesures et les rsultats qui en taient attendus. La deuxime section sattache clairer ce qui sest jou dans la restructuration de la dette souveraine grecque etprsente les consquences de cet pisode cl du droulement de la crise financire

    europenne. Enfin la troisime section expose les consquences gnrales despolitiques imposes la Grce par la Troka, et montre limpasse dramatique danslaquelle lUE a conduit ce pays. Quelques conclusions sont finalement proposes.

    1.Laustrit comme alphaet omgade la philosophie de la Troka

    Nous ne reviendrons pas ici sur les conditions dans lesquelles le 2 mai 2010, laTroka va imposer la Grce un premier plan daustrit draconien en contrepartiedune aide constitue par un ensemble de prts bilatraux de pays membres (sur cepoint voir notre prcdente tude Coriat et Lantenois disponible sur

    http://atterres.org.)2

    Rappelons seulement quun an plus tard, pourtant, malgr (ou cause de) la purgeimpose, les performances espres ne sont nullement atteintes. Les objectifs derduction du dficit ne sont pas au rendez-vous. Lintensit des mesures daustritimposes a plong la Grce dans un vritable cercle vicieux. En taillant la hachedans les dpenses de lEtat, le plan a dprim la croissance conomique du pays.Dans ce contexte, les recettes fiscales, en dpit de laccroissement de la pressionfiscale, ne permettent pas de faire face aux obligations. Plonge dans la rcession,

    la Grce ne peut rduire suffisamment son dficit, et voit le ratio dette publique/PIBencore salourdir.

    Aussi lentre de lt 2011, apparat-il clairement que (contrairement ce quitait vis) le pays ne pourra pas revenir sur les marchs et que de nouveauxfinancements doivent tre trouvs. Une occasion est offerte de rviser les plans etla stratgie et de se fixer de nouveaux objectifs.

    2 Pour rduire de faon drastique ses dficits et sa dette, les autorits exigent de la Grce la rductiondes salaires et retraites des fonctionnaires. La TVA est releve de 4 points, les dpenses defonctionnement de lEtat et ses investissements sont amputs, lemploi public rationalis . LEtatgrec sengage lutter contre la fraude et lvasion fiscale. Un programme de privatisation ( excuter

    avant la fin 2015) prvoit 50 milliards deuros de mises en vente et de recettes, ce qui inclut la quasi-totalit des entreprises de service public. Les entraves la concurrence dans les professionsrglementes devront tre supprimes. Ladministration territoriale est entirement refondue. Lesystme des retraites est rform et les pensions amputes (voir sur ce point Coriat et Lantenois,2011a).

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    Hlas il nen sera rien. Devant lchec patent de son plan, la Troka se forge undiagnostic dont elle ne se dpartira plus. Si la Grce va mal, si le plan a chou atteindre les objectifs qui taient les siens cest que : Les Grecs ne font pasassez defforts. Cest partir de ce prsuppos que les ngociations sont

    conduites avec le gouvernement grec pour parvenir la dfinition dun nouveauplan daide.

    Aprs des mois datermoiements, le 21 juillet 2011 un accord est conclu3. Il sagitalors du deuxime plan de soutien. Ce plan est annonc grand renfort depublicit. Dabord parce que lUE ayant tran proposer une solution, il y a le feu la maison. La spculation sur les dettes souveraines bat son plein. Ensuite parceque ce plan est suppos contenir une forte nouveaut : une restructuration de ladette impliquant les cranciers privs. Le Rubicon semble donc tre franchi. Toutce quoi sopposait le monde de la finance, BCE en tte semble advenir. Lintrt

    des observateurs est son comble.

    Pourtant, avant que les choses ne prennent corps, il faudra l encore longuementpatienter: le plan sera revu plusieurs reprises avant dtre appliqu. Et il faudradchanter, car la restructuration annonce se fera dans des conditions tellesquen rien ou presque le fardeau de la Grce ne se trouvera allg.

    a. Le plan de juillet 2011 : une restructuration de la dette et de nouveaux prtsconditionns un dmantlement sans prcdent de lEtat social

    Lorsquen juillet 2011 le plan est annonc dans ses grandes lignes, la situation dela zone euro est gravement dgrade. Depuis quelques semaines, lhypothse,juge improbable quelques mois auparavant, du dfaut de paiement de lconomiehellne, et de la contagion immdiate sur le Portugal et lIrlande, hante les esprits.

    Ce contexte force des solutions et arbitrer entre les points de vue souventopposs qui animent les diffrents protagonistes au sein mme de la Troka. Lasolution trouve et impose la Grce par le sommet europen du 21 juillet 2011rserve quelques surprises.

    Lannonce de la restructuration de la dette souveraine

    La premire annonce principale est que, contre lavis de la BCE et de la France, lescranciers privs seront finalement sollicits. Une exigence de lAllemagne,appuye par les Nerlandais et les Finlandais, qui a fini par simposer. La BCE deTrichet doit manger son chapeau. Elle, qui sest sans cesse battue bec et onglespour empcher tout dfaut sur les dettes publiques doit cder devantlvidence : la dette publique grecque doit tre restructure et les dtenteurs privsde dette publique (les banques et autres investisseurs professionnels) doiventaccepter une dcote. Ainsi le combat darrire-garde men par la BCE (soutenue

    3 Il est sans doute utile de rappeler ici que cet atermoiement, fruit doppositions entre lesdiffrentes ?vues des ?(ou fruit de divergences entre ?) acteurs europens, a eu au moins cet avantage quil a permis aux banques allemandes et franaises de rduire drastiquement leurexposition la dette grecque avant la restructuration.

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    par la France) naura-t-il servi qu cela : aggraver la crise, retarder et rendre plusdifficile la nature des solutions appliquer, ce alors mme que, comme nous leverrons, il nest pas sr que les banques prives aient beaucoup perdu dans le dealqui sera finalement adopt.

    En pratique il sera demand aux banques et autres fonds dinvestissement privsde renoncer volontairement 4 49,6 milliards deuros de crances sur lapriode 2011-2014, soit une dcote (ou haircut ) de la valeur actuelle nette

    de leur portefeuille de 21%. Cette somme devrait atteindre 106 milliards deurossur la priode 2011-2019. Si lon tient compte de la dprciation de fait de la dettegrecque, qui se traite sur les marchs secondaires des dcotes plus importantes,ce taux de 21% parat demble bien faible nombre dobservateurs.

    En ce qui concerne les modalits pratiques de la restructuration, bien que peudveloppes dans le texte du Conseil europen, diverses hypothses sont

    avances par lInstitut de la finance internationale (IFI, par la suite), puissant lobbyde 400 tablissements financiers. En fait on dcouvrira vite que les formulesproposes par le lobby financier se traduisent par des contreparties apprciablespour les banques qui participeront au haircut .

    Selon les scnarios proposs par lIFI, lopration prendrait la forme dun PSI(private sector involvement, implication du secteur priv en franais), qui lui-mme se dclinerait selon plusieurs niveaux (Institute of International Finance,2011). Les cranciers auraient le choix entre :

    (1) changer leurs obligations grecques arrivant chance jusqu 2020 contre de

    nouvelles obligations 30 ans, avec la solide contrepartie que ces nouveaux titresseraient garantis par les titres europens les mieux nots,

    (2) reconduire leurs engagements pour trente ans lorsquils arrivent chance( roulement ou rollover ) ou,

    (3) se faire racheter leurs titres par le Fonds europen de stabilit financire(FESF5, par la suite) un prix infrieur leur valeur faciale ; ce changement dedbiteur redonnant toute sa valeur aux nouveaux titres acquis.

    Pour les cranciers privs, cette dcote amnerait deux consquences : lune de

    nature comptable, lchange de titres se traduit par une dprciation de la valeurfaciale des actifs grecs dtenus par les banques (en contrepartie du fait que la garantie dont ils disposeront sur ces titres est dsormais bien plus forte) ; lautreconsquence est de caractre technique : en raison du dclassement de la notegrecque dsormais classe dans la catgorie dfaut restrictif par les agences de

    4Linsistance sur le caractre volontaire de la dcote est requise pour viter que la restructurationsoit qualifie comme relevant dun incident de paiement , mais relevant bien dune restructuration de la dette mene librement entre les parties concernes. Un des enjeux de cetaffichage est de ne pas amener le dclenchement des mcanismes dassurance de la dette, qui ont putre contracts par certains des cranciers ou par des spculateurs qui ont acquis des CDS nu

    sur la dette grecque.5 Le Fond Europen de Stabilit Financire (FESF) est un fonds commun de crances approuv parles 27 tats membres de lUE le 9 mai 2010. Dot de capitaux levs sur le march mondial, son objetest de prserver la stabilit financire en Europe en fournissant une assistance financire aux tats dela zone euro en difficult conomique qui acceptent les conditionnalits de la Troka.

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    notation, la BCE, en principe6naura plus le droit de prendre de la dette grecquecomme collatral dans les oprations dopen-market. Ceci constitue notammentpour les banques grecques un gros problme, dans la mesure o elles taienttoutes de grandes crancires de lEtat hellne7.

    A ct des 49,6 milliards de dcote obtenus sur les dettes dtenues par lesbanques prives, le plan prvoit de faire bnficier la Grce dun prt de 79milliards qui doit provenir de fonds publics (FESF et FMI), (dont, rappelons-le, 45milliards ne sont pas de largent neuf mais correspondent des sommes non

    consommes prvues dans le premier plan de sauvetage). Enfin, il est prvu queles privatisations doivent dgager environ 30 milliards de recettes dici 2014.Ainsi au total (entre dcote, libration de sommes promises mais bloques, etdbourses et prts neufs), le plan porte sur prs de 160 milliards deuros8.

    Ultimes dispositions, qui sont aussi des concessions de l Allemagne, on exige des

    crditeurs publics de restructurer leurs crances. Ainsi la maturit des prtsaccords par le FESF la Grce, (mais aussi lIrlande et au Portugal, tous troisbnficiant dun plan de soutien), augmente de 7,5 ans 15 ans, voire 30 ans, avecun dlai de grce de 10 ans. Par ailleurs les conditions des prts sont revues labaisse, de 4,5% 3,5% en moyenne, soit au niveau de ceux du FMI, et proches ducot de financement du FESF. Ces dispositions visent allger non le montant dela dette mais la charge annuelle correspondant son remboursement en diminuantles taux dintrt et en allongeant la dure de remboursement.

    Voil pour les gnrosits contenues dans le plan. Dans la grande tradition desplans dajustement structurel dont le FMI sest depuis longtemps fait unespcialit, celles-ci sont assorties dune longue liste de conditionnalits.

    La premire est quen contrepartie des allgements consentis et pour veiller labonne application de laccord, une task force charge de fournir la Grce une assistance technique est instaure. Installe Bruxelles elle possde unequipe localise Athnes. Il sagit dun vnement majeur. Dsormais le peuplegrec aura le sentiment comme aux plus noirs jours de son histoire dtre placsous tutelle - pour ce qui concerne toutes les dcisions importantes de la vie du

    pays (voir encadr).

    6 La mention en principe vise le fait que dans le cadre des oprations dites nonconventionnelles , les banques centrales (la BCE tout comme la Fed) peuvent toujours droger leurs propres rgles (et lont fait plusieurs reprises), par exemple en sautorisant accepter encollatral des actifs de qualit faible pour dlivrer aux banques de largent frais.7Quelques jours aprs lannonce du plan, Fitch abaisse la note de la dette publique en la portant dansla catgorie des dfauts de paiement partiels, suivi dans la foule par Moodys.8 Le sommet tend galement les pouvoirs du FESF et ses capacits daction. Il sagit ici de prvenir la contagion lEspagne et lItalie dont les spreads avec les taux allemands senvolent .Dornavant, le fonds de stabilit pourra (1) prter aux Etats titre prventif (dans certaines conditions

    qui restent dfinir) afin dviter que des tensions sur les liquidits ne dgnrent en problmes desolvabilit ; (2) aider la recapitalisation du secteur bancaire, y compris dans des pays de la zoneeuro qui ne sont pas sous assistance financire ; (3) racheter, mais sous des conditionsexceptionnelles et sur la base des analyses menes par la BCE, de la dette publique sur le marchsecondaire, et alors servir de pare-feu contre la propagation dun risque dun pays lautre.

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    La task force de lUE sur la Grce

    Approuve par le Conseil europen lors de ses runions des 23 et 24 juin 2011,la mission de la task force mise en place dans le prolongement de laccordsur la restructuration de la dette grecque est de travailler dfinir lassistancetechnique dont la Grce a besoin pour raliser le programme dajustement

    UE/FMI, et de recommander des mesures lgislatives, rglementaires,administratives et, si ncessaire, des mesures de (re)programmation visant acclrer labsorption des fonds de lUE (Commission, 2011). Elle entreofficiellement en fonctions le 1erseptembre 2011.

    Elle est tenue de fournirtous les trimestres des rapports dtape aux autoritshellniques et la Commission europenne. Place sous lautorit duprsident de la Commission et travaillant sous la conduite politique ducommissaire li aux affaires conomiques et montaires, Olli Rehn, saprsidence est accorde au vice-prsident de la BERD, lAllemand Horst

    Reichenbach. La task force nest pas tenue dexaminer la mise en uvre dummorandum, ce qui relve de la responsabilit des inspecteurs de la Troka quitous les trois mois descendent en Grce pour vrifier si laide consentiepermet de rformer le pays, et dont le jugement conditionne le dblocage destranches de prt.

    La task force, elle, est l pour assister techniquement la Grce, dans laconception et la mise en uvre des rformes structurelles convenues dansle protocole daccord. Dbut octobre 2011, trois domaines sont cibls : (1) la

    mre des priorits est de restructurer ladministration publique jugeinefficace, plthorique et corrompue, et lui donner les moyens de collecterlimpt, dpenser moins et mettre en uvre le programme de privatisations. (2)La mise en uvre de mesures de croissance et lusage des fonds structurels (15milliards sur deux ans sont sa disposition) dans des projets hautement prioritaires (nergies renouvelables, tourisme et agroalimentaire). (3) La mise enuvre de rformes structurelles du march du travail et dans les domaines de lasant, la justice, la gestion des dchets

    Lquipe est compose de 45 hauts fonctionnaires (30 Bruxelles et 15 enGrce), spcialiss en politique budgtaire, administration, fiscalit ou encore enpolitique foncire. La task force fait galement appel aux comptences spcifiques de chaque tat et des organisations internationales (dont le FMI etlOCDE). Une quipe de Bercy a ainsi t sollicite pour expliquer auxfonctionnaires grecs comment rformer leur administration centrale. Des hautsfonctionnaires allemands et sudois sont, eux, mandats pour amliorer lacollecte des charges sociales, alors que des Autrichiens sattachent dvelopperle tourisme dhiver (Syfuss-Arnaud, 2012). Les Pays-Bas sont chargs du dossier cadastre . Ces experts sont pays par leur tat dorigine, qui assure leurrmunration mensuelle et la Commission prend en charge leurs frais de mission(Dancer, 2012).

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    Un plan vite jug insuffisant par les marchs eux-mmes

    En dpit de son ampleur et de la garantie que constitue la mise en place de latask force, le plan ne va pas calmer des marchs rendus addictifs unespculation incessante et hautement lucrative. Aussi, aprs une claircie dequelques jours qui a suivi lannonce du plan le 21 juillet, il savre trs vite que les

    dispositions imagines ne conviennent pas aux marchs. Ils ne croient gure queles mesures annonces vont permettre de runir les conditions dun recouvrementde la dette sous une forme crdible et soutenable.

    Aussi, loin de cesser, la spculation stend-elle. En pratique, ce sont lItalie etlEspagne qui sont attaques. Les taux dintrt des dettes publiques de ces payssenvolent, contraignant la BCE intervenir sur les marchs secondaires desdettes. Dans ce contexte, avec laggravation de la crise financire qui nest toujourspas traite au fond, le deuxime plan grec est rapidement remis en cause(Bauer et ali, 2011). De nombreux points suscitent doutes et interrogations. (1)

    Dune part, le niveau de participation du secteur priv fix 21% est juginsuffisant. Trop peu, trop tard est le verdict des conomistes, peu nombreux ilest vrai, qui depuis longtemps demandaient une forte restructuration de la dette. (2)A cela il faut ajouter que plusieurs pays tranent les pieds pour excuter leur part dufardeau. La Finlande exige dAthnes des garanties spcifiques en change de saparticipation au deuxime plan. La Slovaquie rencle donner son accord. (3) Leprojet consacre une place de choix au FESF nouvellement cr. Mais saparticipation est galement juge insuffisante. Divers schmas sont ltude pouraugmenter sa capacit dintervention. (4) Enfin, lanc en aot, le dbat sur larecapitalisation des banques europennes prend de lampleur au dbut du mois

    doctobre en pleine tourmente financire. Dabord trs rticente, lUE se rallieprogressivement lide.

    Mais le fond de laffaire, cest laggravation vue dil de la situation grecque, lesplans daustrit successifs se traduisant par des effets macroconomiquescatastrophiques aux antipodes de ce qui tait espr en matire de redressementdes quilibres. Dans ce contexte la cacophonie des autorits europennes,dpourvues de toute vision partage sur la manire de grer la crise financire etconomique qui ne cesse de sapprofondir, suscite angoisse et inquitude.

    En Grce mme, fin aot, une commission parlementaire dexperts grecs, cre en2010, publie un rapport dont les conclusions sont au vitriol : La dynamique de ladette publique a chapp tout contrle notent les auteurs. Les facteurs qui ladterminent voluent dans un sens ngatif (Prandi, 2011). Un constat accablant,qui tombe au moment mme o une dlgation de la Troka entame desdiscussions avec Athnes pour dfinir les besoins rels du pays en vue duversement de la sixime tranche de 8 milliards deuros du premier programme,tranche qui nest toujours pas verse. La menace sans cesse reconduite de ne paseffectuer ce versement tant que des mesures daustrit nouvelles nont pas t

    votes et engages va prolonger et approfondir la crise, rendant les solutions un moment envisages toujours davantage caduques. Cest ainsi par exemple queds son arrive Athnes, la Troka suspend inopinment sa mission en raison du

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    dsaccord entre ses vues et celles du gouvernement. Le versement de la tranchede 8 milliards ne se fera, annonce la Troka, que lorsquelle jugera que lesconditions daustrit quelle veut imposer seront garanties.

    Sous la contrainte, les grandes lignes dun nouveau train de mesures sont dfinies.

    Un concentr, en pire encore de ce que connat depuis plus de deux ans le peuplegrec : rduction de lemploi des fonctionnaires, extension du chmage techniquedans les entreprises publiques, relvement de diverses taxes, abaissement du seuilminimum dimposition 5 000 euros de revenu par an (contre 8 000 jusque-l9)ouencore contraction des retraites de certains employs de la fonction publique10Bien que le pays soit totalement asphyxi par une dpression qui dpasse tout cequi avait t imagin, le Parlement sous la pression de la Troka vote le 19 octobreun nouveau plan de rigueur qui reprsente 6,6 milliards deuros supplmentaires decoupures diverses tales sur la fin du budget 2011 et le budget 201211.

    Au niveau des autorits europennes, cest la navigation vue. Jamais lesdirigeants de la zone nont paru aussi hsitants face la crise. Le climat estdltre. Les tensions se font jour tous les niveaux : entre tats se dclarant eux-mmes vertueux et tats dclars dficitaires Au sein de chaque tat lespartisans du sauvetage de la Grce, et de son maintien dans leuro, saffrontentouvertement ceux qui souhaitent sa sortie de la zone euro, voire la dissolution dela zone euro elle-mme et avec elle la fin de la monnaie unique. Au sein mme dela BCE, des dissensions se font jour sur la manire de grer la crise. Ainsi la BCEdoit-elle enregistrer la dmission de son chief economist . Mi-septembre, leSecrtaire dtat au Trsor US Tim Geithner vient marquer les inquitudes de sonpays sur les discordances manifestes qui sexpriment sur le vieux continent etsefforce de faire la leon aux Europens (Bauer et Chatignoux, 2011). Un pisodetrs mal vcu Bruxelles

    b. Le sommet de la dernire chance du 26 octobre 2011

    Cest dans ce contexte de cacophonie, couple dextrmes tensions sur lesmarchs, que les chefs dtat et de gouvernement de la zone euro se retrouventdans la nuit du mercredi 26 au jeudi 27 octobre 2011. N ime sommet dcisif , donton attend des rponses fortes.Aprs dpres ngociations, les grandes lignes dun

    paquet global sont avances.

    La participation du secteur priv est revue la hausse

    Devant lvidence de linsuffisance de la dcote prvue dans le plan de juillet (21%),la premire tche est de revoir la hausse l effort demand aux cranciers privs.Aprs avoir rsist, les institutions financires prives europennes acceptent deporter 50% la dcote sur les titres de la dette publique grecque. Nicolas Sarkozy

    9 Le gouvernement avait dj procd en juin 2011 une baisse de ce seuil, qui tait alors 12 000

    euros.10 Ces mesures sont pour la plupart prvues dans le plan de redre ssement de lconomie grec vot enjuin par le Parlement, mais dont le gouvernement a prcipit la mise en uvre.11Athnes sengage notamment mettre 30 000 fonctionnaires avant fin 2011 dans une structure derserve . Fin janvier 2012, moins de 1 000 avaient t effectivement transfrs.

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    et Angela Merkel vont eux-mmes ngocier dans la nuit pour les convaincredaccepter le deal. La perte en capital facial est estime un peu plus de 100milliards deuros. Le but du PSI est alors de ramener la dette 120% du PIB lhorizon 2020, contre 160% prvu pour 2011.

    Concrtement, les cranciers privs changeront les obligations quils dtiennent dela dette grecque contre dautres obligations de maturit plus longue et une fortedprciation de leur valeur (voir partie 2). Ici encore la fiction du volontariat doittre maintenue. Car il en va, comme nous lavons vu du dclenchement (ou non)des CDS.

    Pour soutenir et soulager la dcote demande aux investisseurs privs, le FESF estmobilis. Le communiqu annonant le PSI prcise que les tats membres de lazone euro contribueront lensemble des mesures relatives la participation dusecteur priv hauteur de 30 milliards deuros (Europe, 2011). En pratique il est

    ainsi annonc que le FESFapportera sa garantie sur les nouvelles crances. Deplus, dans la ligne de laccord du 21 juillet, une partie de laide accorde la Grcepar le FESF servira recapitaliser les banques et les caisses de retraite du pays,particulirement exposes la dette domestique, et dont on craint quelles nepuissent supporter sans faire faillite la dcote dsormais fixe au taux de 50%.

    Compte tenu de tous ces lments on estime que la participation nette descranciers privs reviendra approximativement 70 milliards. Mais, et cela estessentiel, il reste encore la Grce ngocier avec les investisseurs privs le taux

    dintrt, les chances des nouvelles obligations, comme plus gnralement fixerle cadre juridique de laccord. Une tche tout sauf simple.

    La crise politique explose: annonce dun rfrendum puis dmission duPremier ministre Papandrou

    4 jours aprs que les grandes lignes du plan aient t fixes aprs moultconciliabules et concertations discrtes, le 31 octobre, la surprise gnrale, lePremier ministre grec annonce la tenue aprs janvier 2012 dun rfrendumnational, portant sur laccord conclu le 26 octobre par les Europens et que lonentend imposer au peuple grec. En fait, mme si elle avait t annonce, cettedcision est prsente comme inattendue. Chacun comprend quil sagit pour lePremier ministre George Papandrou, en bout de course, de retrouver une certainelgitimit pour continuer dappliquer les rformes12.

    12 Il faut ici rappeler limportance de la crise de reprsentativit et du discrdit sans prcdent de laclasse politique traditionnelle qui, ce moment, atteint des sommets avec les manifestationspopulaires lors de dfils officiels qui commmorent le refus de la Grce devant lultimatum de

    Mussolini le 28 octobre 1940. Les tribunes des autorits ont t prises dassaut, les dputs, ministres

    et mme le Prsident de la Rpublique ont d tre vacus durgence par les forces de lordre devantles mouvements incontrls et incontrlables de la foule. En mme temps le pays tait paralys pardes grves et les fonctionnaires, surtout ceux qui travaillent dans les ministres, avaient entam unegrve du zle, bloquant ainsi lapplication de mesures exiges par la Troka.

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    Les autorits de lUE ne lentendent pourtant pas de cette oreille. Pour elles il estessentiel que les peuples ne puissent tre consults. Un NON seraitcatastrophique. Il signifierait que comme en Islande, o dans deux rfrendums lepeuple a refus de sendetter pour payer les frasques des banquiers privs, dautresvoies que laustrit gnralise soient recherches. La raction des Europens estbrutale. Furieux, Sarkozy et Merkel convoquent George Papandrou pour unerunion o sont aussi prsents les responsables de la Troka. Le message adressest clair : si le rfrendum est organis, ce devra tre en dcembre. Et surtout laseule question poser sera celle de lappartenance du pays la zone euro, et nonlapprobation ou non dun plan quon entend leur imposer. En outre, la politique duchantage qui a si bien russi jusque-l pour acculer les Grecs est ractive : leversement de la sixime tranche (les fameux 8 milliards indispensables pour entreautres payer les fonctionnaires et rgler le cot des importations de mdicaments),promis pour la mi-novembre,est report jusqu nouvel ordre.

    Dans ces conditions, quelques jours plus tard, le Premier ministre renonce sonprojet de rfrendum. Dans la foule, il dmissionne, le 9 novembre, aprs streentendu avec le leader de lopposition, Antnis Samars, sur la formation dungouvernement technique . Aprs une semaine de ngociations entre lesprincipaux partis, Lucas Papadmos, ancien gouverneur de la Banque centrale deGrce (1994-2002), principal artisan du passage de la drachme leuro, puis vice -prsident de la BCE (2002-2010), est nomm Premier ministre. Des reprsentantsdu Pasok, de la Nouvelle-Dmocratie, le principal parti dopposition, et de laformation dextrme-droite Laos, composent son gouvernement. Poste cl, leministre des Finances reste aux mains dEvanglos Venizlos. Jusquaux

    prochaines lections prvues en avril 2012, le nouveau gouvernement sera chargdappliquer le plan du 26 octobre. Et de mener bien les discussions avec lesbanques prives sur lchange de dette.

    Tout arrive. La tranche de prt de 8 milliards deuros qui aurait d tre db loquedepuis des mois, et qui ne lest toujours pas, le sera enfin

    Les difficults pourtant ne sont nullement aplanies. Un temps rassure par larrivedu technicien Papadmos la tte de la coalition au pouvoir, en fait un hommedu srail de la BCE, la Troka dchante vite et commence sirriter. Les choses

    tranent en raison de conflits au sein de lexcutif Si bien que dbut janvier 2012,toujours rien nest concrtis du plan europen arrt fin octobre. Malgr lasuccession des rounds de ngociation, aucun accord nest trouv sur la dcote dela dette ngocie avec ses cranciers privs.

    c.Laccord final du 21 fvrier 2012

    Au dbut de lanne 2012, les responsables de lUE et du FMI multiplient les misesen garde et les avertissements lencontre du gouvernement grec, et plusgnralement de la classe politique du pays, laquelle on reproche la suppose lenteur des rformes. LAllemagne, soutenue par plusieurs capitaleseuropennes, propose mme en coulisse de dsigner un commissaire europenpermanent au budget grec, dot dun droit de veto sur ses recettes fiscales et ses

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    dpenses (Le Monde, 2012). Athnes est scandalise et Angela Merkel doitrenoncer ce projet. Pourtant le temps presse. La Grce doit rembourser sescranciers privs quelque 14 milliards le 20 mars et ne dispose pas du premier soupour ce faire.

    Les conditions poses par la Troka et le vote du ParlementFinalement, pour activer le deuxime plan daide, la Troka excde fixe troisconditions.

    - que lEtat grec finalise laccord de restructuration avec les cranciers privs.Cette condition sera ralise dbut fvrier, la Grce tombant enfin daccord aveclIFI pour rduire la dette grecque de 100 milliards.

    - ladoption dune srie de nouvelles mesures daustrit conues en troite

    liaison avec la Troka. Aprs de longues et difficiles ngociations, les partis degouvernement saccordent le 9 fvrier pour avaliser toutes les mesures daustritdemandes (pour le contenu de ces mesures, voir ci-dessous)13.

    Mais cette acceptation montre aussi la fragilit de la coalition au pouvoir, sixministres, dont les quatre du Laos, dmissionnent le lendemain de la signature,pour manifester leur dsaccord. Hors des enceintes feutres du pouvoir, la ville esten bullition. Et cest un vritable climat de guerre urbaine qui rgne dans les ruesdAthnes, lorsque dans la nuit du 12 au 13 fvrier, le Parlement vote la nouvellesaigne impose au peuple grec, vote qui nest obtenu par les partis de la coalitionquau prix de menaces et de chantages internes exercs sur les lus14. Pour calmerla grogne, le gouvernement annonce quelques heures plus tard la tenue dlectionslgislatives anticipes pour le mois davril (voir partie 3).

    - Enfin, la Troka exige de la classe politique lengagement quelle respecteralaccord, quel que soit le gouvernement au pouvoir aprs les lections davril.La chose est faite le 15 fvrier, les chefs des partis de la coalition au pouvoir syengageant par crit.

    Le contenu du deuxime plan

    Les conditions poses satisfaites et le vote du Parlement obtenu, les ministres desfinances de lEurogroupe ? se runissent de nouveau le 21 fvrier 2012. Au petitmatin, ils tombent daccord sur le deuxime plan. Celui-ci sera dun montant total de279,6 milliards deuros, qui viennent sajouter aux 73 milliards dj verss dans lecadre du premier plan. Pour lessentiel, laccord reprend les dispositions des

    13 Toutes les mesures sauf une, relative aux retraites.14 Cest ainsi que pour circonvenir la fronde des dputs dont beaucoup se refusaient voter lesnouvelles mesures les dirigeants du Pasok comme ceux de Nouvelle dmocratie ont d menacer

    leurs opposants internes de ne pas les reconduire comme candidats aux prochaines lections silscontinuaient de manifester leur opposition aux mesures proposes au vote. Joignant les actes auxmenaces, la Nouvelle dmocratie a ainsi expuls aussitt aprs le vote, 21 de ses 83 dputs et lePasok au moins 20 de ses 153 lus (Prandi, 2012). Deux dputs du Laos sont galement radis deleur groupe pour avoir vot en faveur du mmorandum.

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    plans de juillet et doctobre. Dans lesprit des bureaucrates de lUE, il sagit par-dessus tout de viabiliser la dette et les conditions de son remboursement : celle-ci doit tre ramene 120,5% du PIB dici 202015.

    Entrine le 14 mars 2012 par le Conseil Ecofin, larchitecture gnrale du plan

    comporte deux volets indpendants.

    Le premier volet, le PSI a trait la restructuration des crances prives. Lescranciers privs acceptent finalement une rduction de 53,5% de leurs crances,(contre 21% prvue initialement). Au total il sagit dun montant de 107 milliardsdeuros (voir partie 2). Si lon rajoute cela le fait que la maturit des crancesinscrite dans les nouvelles obligations mises en change des anciennes estallonge et le fait que les taux dintrt consentis sont plus faibles, la dprciationimpose aux crances prives dpasse 70%.

    Dans le second volet ( Official Sector Involvement - OSI), les bailleurs de fondspublics, principalement les pays de la zone euro via le FESF (et non plus sousforme de prts bilatraux comme dans le cadre du 1erplan daide de mai 2010), etle FMI, acceptent dapporter un concours supplmentaire pouvant aller jusqu172,6 milliards deuros (Tableau 1). Ce montant comprend 24,4 milliards deurosnon dbourss dans le cadre du premier plan daide par le FESF et un soutien auprogramme dchange de dette (35,5 milliards) pour lisser les pertes des cranciersprivs (voir partie 2). Entre 25 et 48 milliards deuros sont destins larecapitalisation du systme bancaire hellnique. Finalement de nouveaux prts sont

    accords hauteur de 36,7 milliards pour le FESF, et de 28 milliards deuros pour leFMI.

    Tableau 1 : Concours officiels la Grce

    1erPlan

    (mai 2010)

    2me plan

    (fvrier 2012)Total

    Etats de

    l'UEM52,9 52,9

    FESF 144,6 144,6

    Dont :

    Reprise plan 1 24,4

    Soutien au PSI 35,5

    Recapitalisation

    banques48,0

    Nouveaux prts 36,7

    FMI 20,1 28 48,1

    Total 73,0 172,6 245,6

    Sources : FESF (2012) ; Mercier (2012).

    15 En pratique nous verrons que par la suite une nouvelle cible sera fixe.

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    Dernires prcisions : les pays membres de lUE ramnent (de manire rtroactive)leur marge dintrt sur les prts bilatraux quils ont consentis 150 points debase. Enfin la BCE et les autres banques centrales de la zone euro renoncent auxplus-values sur les obligations de la dette grecque quelles dtiennent et sengagent

    les lui redistribuer.

    Comme laccoutume, les conditionnalits sont extraordinairement fortes.

    - Tout dabord la Grce sengage crer dans les deux mois un compte bloqu surlequel sera verse une partie des fonds prts. Ces derniers seront affects enpriorit au remboursement de sa dette. Le gouvernement ne pourra pas affectercette partie de laide dautres postes budgtaires. Outre le fait que cettedisposition indique bien o est la proccupation centrale des architectes du plan(dabord assurer le paiement des dettes), elle signifie et concrtise une mise soustutelle conomique de fait de la Grce.

    - Afin que les choses soient tout fait claires, Athnes sengage galement inscrire dans sa Constitution, avant les lections davril, que le service de la

    dette est une priorit nationale.

    - La task force , dj prsente sur place, sera renforce et veillera de plus prsencore que par le pass lexcution du programme.

    - Le calendrier impos pour traduire dans sa lgislation les dcisions valides Bruxelles dans les lois et dcrets est extrmement serr. Ainsi avant mme ladlivrance de la premire tranche, le Parlement grec doit voter le projet de loi sur lePSI dont lobjet est de prciser les termes de lopration dchange dobligationsavec les cranciers privs. De mme doivent tre introduites de manire rtroactivedes clauses daction collective (CAC) associes la dcote de la dette de droit grecdtenue par les cranciers privs16. Ces conditions sont runies ds le 23 fvrier.

    Enfin, fin fvrier est adopt le nouveau train de coupes budgtaires (prvues le 12fvrier), dont notamment une nouvelle baisse sur les retraites, dabord refuse, et

    qui entrera en application ds le 1erMars.

    Pour le seul mois de fvrier les mesures qui entrent en ap plication, dune extrmeduret, se chiffrent 3,5 milliards deuros de coupes budgtaires additionnelles(1,5% du PIB), lesquelles viennent sajouter celles exiges dans les plansantrieurs. Pour la priode 2013-2015, 10 milliards deuros dconomiessupplmentaires sont recherchs.

    Baisses des salaires, des retraites, du nombre de fonctionnaires, coupures dans les

    dpenses sociales notamment en matire de sant publique sadditionnent de

    16 Ces clauses ont vocation faciliter la restructuration de la dette : si une majorit qualifiedinvestisseurs acceptent des conditions moins favorables, celles-ci simposent tous.

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    manire spectaculaire, pour exercer une vritable saigne (cf. annexe 1 pour ledtail des mesures). Pour autant le peuple grec est loin dtre au bout de sespeines.

    d.Laggravation finale

    J uin 2012 : une couche supplmentaire daustrit

    Avec la campagne lectorale et les lections lgislatives (voir partie 3), la Grceprend du retard sur lchancier fix par le mmorandum, dautant que laconjoncture conomique est catastrophique. Dans ces conditions, ds sa prise defonction fin juin 2012, le nouveau gouvernement conduit par Antnis Samarsengage les discussions avec lUE et le FMI afin dobtenir un dlai supplmentairedau moins deux ans pour assainir ses comptes publics. Il doit galementconvaincre la Troka de lui verser une tranche daide de 31,5 milliards deurosquelle bloque depuis juin, estimant que le pays na pas respect ses engagementsantrieurs en matire de rduction des dficits.

    Comme laccoutume, la Troka use de chantage. Elle conditionne lactivation desversements non effectus de nouveaux progrs dans laustrit. Plus que jamaispourtant le temps presse si le pays veut viter de se dclarer en faillite. Pour fairemonter la pression, Antnis Samars voque alors le risque dune sortie de leuro sile nouveau plan daustrit nest pas vot. Nous devons sauver le pays de lacatastrophe () si nous chouons rester dans leuro, rien naura de sens (Bouilhet, 2012). Ladoption du nouveau plan a t rige par la Troka comme la

    condition sine qua non du dblocage de la tranche daide bloque depuis juin.Aprs une semaine de dbats houleux et deux jours de grve gnrale, le nouveauplan de rigueur pluriannuel est adopt une courte majorit (153 sur les 151ncessaires) dans la nuit du 7 au 8 novembre. Cette fois, les efforts budgtairesslvent prs de 18,1 milliards deuros, 13,1 milliards deuros sur la priode 2013-2014, puis 5 milliards supplmentaires dici 2016. La rigueur est proroge etdurcie17.

    Une seconde tape reste franchir, celle du vote du budget grec 2013, galementpos comme condition par la Troka. Le Parlement sexcute nouveau (167 voixsur 300), quelques jours plus tard, dans la nuit du 11 au 12 novembre, la veille dunsommet de lEurogroupe cens examiner le cas grec. Les deux textes exigs vots,la Grce espre bien quy soit dcid le versemen t de la tranche bloque depuisjuin, ncessaire en grande partie pour refinancer les banques domestiques, demme quobtenir le dlai de deux ans quelle demande depuis fin juin.

    17 Parmi les mesures, qui sappliqueront ds le 1er janvier 2013, lge du dpart la retraite est allongde deux ans et port 67 ans, avec des retraites, et des prestations sociales et de sant revues labaisse. Le plan rduit aussi jusqu 27%, selon les catgories, les salaires des hauts fonctionnaires et

    prvoit le licenciement progressif de fonctionnaires et la suppression de leurs primes de vacances. Ladrgulation du march du travail est galement accrue avec la suppression des conventionscollectives, un assouplissement des lois sur le licenciement, un changement des rgles sur le salaireminimum et la drglementation de 14 professions Mme les armateurs, qui jouissent pourtant deprivilges fiscaux quils avaient russi faire inscrire dans la constitution, sont concerns.

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    Laccord du 27 novembre 2012

    Le lendemain, le 12 novembre, lEurogroupe se runit donc Bruxelles.

    Les membres de la Troka prennent note que la trajectoire dfinie pouraccompagner le PSI de mars 2012 nest pas tenable. Un projet de rapport prpar

    par ses experts estime que la Grce devra se voir accorder un dlai supplmentairede deux ans pour quelle puisse satisfaire aux objectifs du mmorandum et raliserun excdent budgtaire primaire de 4,5% du PIB, jug indispensable pour aboutir une diminution de la dette et la porter un niveau jug soutenable par les expertsde lEurogroupe Mais le cot de la rallonge est lev: 32,6 milliards deuros autotal, 15 milliards deuros jusquen 2014 et 17,6 milliards deuros en 2015 et 2016(Les Echos, 2012b).

    La question qui se pose alors est celle de savoir qui va financer cette rallonge, sansen passer par un troisime plan ou un nouveau prt la Grce. Et sur ce point, lesdivergences entre le FMI, la BCE et lUE sont profondes. Le FMI veut que lescranciers publics prennent leurs pertes dans le cadre dun OSI ( official sectorinvolvement), ce que refusent catgoriquement les tats europens qui nepeuvent se rsoudre voir gonfler leurs dficits et leurs dettes sils renoncent leurs crances sur la Grce.

    Finalement aprs moult tractations les cranciers de la Grce parviennent uncompromis le 27 novembre18. Dune part, une nouvelle cible de ratio de dette/PIBest dfinie. Initialement fixe 120% du PIB atteindre en 2020 (cible retenue par

    le PSI), lobjectif est ramen 124%, seuil considr par le FMI comme soutenableet la satisfaction duquel il conditionne lattribution de ses prts.

    Pour atteindre lobjectif de raliser un excdent primaire de 4,5% du PIB de 2014 2016, la Troka arrte un plan dont les principales dispositions sont : (1) procder un allongement de 15 annes de la maturit des prts bilatraux et de ceux duFESF accords la Grce ; (2) une rduction des taux dintrt des prts bilatrauxconsentis dans le 1erplan daide de 100 points de base et de 10 points pour les tauxdintrt sur les prts du FESF ; (3) reporter de dix ans les premiers versementsdintrts dus au FESF, portant ainsi les premiers paiements 202219. (4) Dans lemme esprit il est prvu que la BCE renonce aux plus-values latentes ralises surson portefeuille dobligations grecques, estimes environ 4 milliards deuros en2013 et 2014, puis 3 milliards les deux annes suivantes. Ces gains serontrtrocds la Grce et lui permettront de rduire sa dette de 5 points de PIB lafin de la priode (Autret, 2012).

    18 Sans entrer dans le dtail des choses, prcisons que dans ce compromis, le FMI semble avoir eu

    gain (au moins en partie) de cause, les cranciers publics tant appels subir des pertes sur lestitres grecs quils dtiennent.19 La baisse de 100 points de base du taux dintrt que les tats membres et le FESF doiventrecevoir de la Grce va se traduire pour la France pour ses prts bilatraux par un manque gagnerde 113,8 millions d'euros par an (Rolland, 2012).

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    Dans le mme temps, la Troka pose une nouvelle condition pour procder audblocage des fonds : la Grce doit sengager procder un buy-back (rachatde sa propre dette) avec dcote. Comme nous le verrons plus bas (voir partie 2), ilsagit l dune disposition essentielle. Ce nest en effet que lorsque cette conditionsera remplie que lEurogroupe acceptera, aprs des mois de blocage et dechantage, le versement de 34,3 milliards deuros daide promise 20. La dcision duFMI est intervenue au cours du mois de janvier 2013.

    2. La restructuration de la dette souveraine grecque : une vue

    analytique et politique

    La restructuration de la dette laquelle il a t procd est un phnomnehistorique dimportance considrable. Il sagit en effet de la plus importanterestructuration dune dette souveraine dun pays dvelopp depuis la secondeguerre mondiale, et dune premire pour une conomie dont la monnaie est leuro21.On se souvient dailleurs que dans le cas grec, la BCE a dabord lutt bec (les

    aigles nont quun bec) et ongles pendant longtemps avant de se rendre lvidenceet, sous la pression de lUE, daccepter, non sans y mettre de solides conditions, leprincipe dune restructuration.

    Pour toutes ces raisons, entrer dans lalchimie des formules adoptes pour enmontrer les logiques et expliciter la nature des intrts qui se sont affronts estessentiel. Nous nous intresserons dans les paragraphes qui suivent deuxaspects de cette restructuration : le PSI (de mars 2012) et le racha t dobligations(buyback) de dcembre de la mme anne. Nous conclurons en montrant comment

    cette restructuration a profondment modifi tant la composition de la dette quecelle des cranciers.

    a. Le PSI 22 de mars 2012 : la difficile implication des cranciers privs

    Entrin par le sommet europen du 21 juillet 2011, le PSI consiste en un changede titres entre Athnes et ses cranciers privs, eux-mmes reprsents la tabledes ngociations par lIFI. La procdure est prpare en coulisses pendant desmois de tractations. A plusieurs reprises, on frle laccord sans jamais parvenir le

    conclure.

    Des intrts divergents suivant les types dinvestisseurs

    Les ngociations sont particulirement difficiles compte tenu de lhtrognitdes cranciers23.Globalement, les banques et les compagnies dassurance, sous

    20 Cette somme comprend 16 milliards deuros pour recapitaliser les banques grecques, 7 milliardspour le budget de lEtat et 11,3 milliards pour couvrir lopration de rachat de dette (Les Echos, 2012d).21Lautre cas intervenu pendant la crise au sein de lUE est celui de lIslande, mais il na pas donnlieu des tractations pralables avec les cranciers. Ceux-ci se sont adapts une situation de dfaut unilatral prononc par les autorits islandaises (Voir sur ce point Coriat et Lantenois,

    2011b).22 PSI est mis pour private sector involvement (en franais ISP : implication du secteur priv).23Ce pour ne rien dire du fait que lIFI a longtemps tent dviter quon y procde. Il semble que cenest que sous la menace de linstauration dune taxe sur les banques quelle a fini par accepter leprincipe dun PSI, en pesant de tout son poids pour en rduire les effets.

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    la pression des autorits politiques de leurs pays respectifs, se montrent les pluscoopratives. Les fonds spculatifs (hedge funds en particulier) quant eux, le sontbeaucoup moins. Profitant des perspectives de dfaut de la Grce et de la chutedes cours, ils ont achet massivement des obligations maturit courte un prixdrisoire24, dont la dcote est estime entre 50% et 80%. De facto, ils ontsuffisamment de poids pour sinviter aux discussions, et y peser. Mais ils ont affaire forte partie. Les dtenteurs de titres ne sont pas dans les mmes dispositions etne partagent pas les mmes intrts25. Tout dpend en effet du moment et du prixauxquels ils ont acquis les titres quils possdent, comme de larrive chancedes remboursements quils peuvent exiger. Nombre de dtenteurs de titres grecsentendent profiter dun accord rapidement intervenu. Si lchange entre lesanciennes et nouvelles obligations se fait une valeur plus leve que celle laquelle les obligations ont t acquises, ils ont tout gagner dun accord 26.Dautres investisseurs au contraire ont intrt pousser la spculation jusqu seslimites extrmes : faire en sorte que les discussions sternisent, et tenter devant lestribunaux si ncessaire dobtenir leur remboursement 100% de la valeur faciale,mme sils ont eux-mmes acquis ces titres des prix trs bas.

    Les ngociations se droulent sous un couperet. Le 20 mars 2012 en effet Athnesdoit rtrocder ses cranciers 14,5 milliards deuros. Les investisseurs possdantdes obligations arrivant maturit ce mois-l sont ainsi ceux qui ont le plus intrt jouer la montre. Si aucun accord nest intervenu, ils sont en situation dexiger unremboursement 100% de la valeur faciale des titres quils dtiennent. A cela il fautajouter que certains fonds peuvent jouer sur plusieurs tableaux. Pour peu quilsaient achet des CDS27, et se soient ainsi assurs sur les titres grecs, ils

    peuvent eux aussi tre intresss faire chouer la restructuration volontaire pour obtenir (en cas de dfaut) des ddommagements via lactivation des CDS.

    Un montage particulirement complexe

    Pour rester dans les limites dun accord volontaire et viter le dclenchementdes CDS, le montage finalement adopt est particulirement complexe. Sur cepoint, la Grce est assiste davocats spcialiss et par les banques Lazard, HSBCet la Deutsche Bank 28.

    Les cranciers privs doivent accepter les conditions ngocies avec la Grce, cest

    dire leffacement de 107 milliards deuros de dette souveraine sur les 206

    24 Nombre dentre eux raliseront un bnfice, quelques mois plus tard, lorsque la dette serarestructure.25 Voir notamment sur ce point Maujean (2012) et Couet (2012a).26Rappelons en effet quil existe un march secondaire de la dette publique. Depuis 2010, date delentre en crise de la Grce, le cours des obligations grecques a beaucoup vari, et a connu desbaisses prononces. Si bien que les investisseurs ont acquis les titres sur ce march des valeurstrs diffrentes. La BCE a jou ici un rle important en acqurant auprs des cranciers privs destitres des prix de march qui ont eux-mmes beaucoup vari.27 CDS ou credit default swap : dans le cas despce il sagit de titres ngociables correspondant une assurance prise sur une dcote (ou un autre incident de crdit) des obligations souveraines.

    Nombre de dtenteurs de CDS les dtiennent nu cest--dire sans possder eux-mmes lestitres obligataires de la dette. Dans ce cas cette dtention est en gnral vise purement spculative.28Selon Couet et Prandi (2012), Lazard toucherait environ 25 millions deuros, soit prs de 0,015 % dela valeur nominale des titres grecs apports lchange. HSBC et Deutsche Bank percevraientquelques millions pour leur responsabilit dans la partie oprationnelle de lchange de titres grecs.

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    milliards quils dtiennent au moment de lchange (Ministre des Finances,2012a).

    Concrtement, la restructuration doit prendre la forme dun change danciennesobligations contre des nouvelles valeur plus faible et de dure plus longue. Enchange dune obligation dun montant initial de 100 euros, ltat hellnique

    propose des titres dune valeur de 46,5 euros, dont 31,5 euros constitusdobligations grecques et 15 euros de titres mis par le FESF. Soit une dcotefaciale de 53,5%. Plus prcisment :

    - les nouvelles obligations grecques proposes lchange (dont le nominalreprsente au total 31,5% du nominal des anciennes obligations) arriveront maturit entre 2023 et 2044et rapporteront un taux dintrt de 2% pour les troispremires annes, de 3% pour les cinq annes suivantes et de 4,3% au-del etjusqu 30 ans. Soit une moyenne de 3,65%. Point dcisif, afin de garantir lesinvestisseurs dun nouveau PSI, les nouvelles obligations sont de droit anglais.

    - quant aux obligations mises par le FESF, pour un total denviron 30 milliardsdeuros (15% du nominal des anciennes obligations), elles sont de court terme, dunan pour moiti, de deux ans pour lautre. Elles permettront aux cranciers derecevoir rapidement des liquidits. Le FESF devra galement payer le montant desintrts ports par les anciennes obligations hellnes apportes par les cranciersprivs, soit 5,7 milliards deuros (en titres 6 mois) (Couet et Prandi, 2012).

    En rallongeant les chances de remboursement sur des montants moindres,

    lobjectif est de raliser les conditions pour que la Grce puisse tenir ses nouveauxengagements face ses cranciers. Pour ces derniers, la perte est suprieure ladcote nominale fixe 53,5% car il doit tre pris en compte que la maturit estplus longue et la rmunration plus faible. Ainsi, la perte de valeur relle estestime 73%, soit un montant total approchant 150 milliards deuros. Un choc djprovisionn de longue date (souvent en plusieurs temps) par les banques et lesassureurs au fur et mesure des dcotes enregistres sur le march secondaire dela dette.

    Un droulement difficile

    Un point sensible sous-tendait le bon dp loiement de laccord. La russite du PSItait en effet conditionne au bon vouloir des cranciers. Un haut taux departicipation des cranciers privs acceptant que la dette soit restructure et seportant volontaires pour lchange propos tait requis29. Or cette condition ne

    29 Trois situations taient envisages : (1) Premire possibilit, le scnario catastrophe. Le taux departicipation se fixe en de de 75%. La Grce annonce alors quelle abandonne le PSI, ce quientranerait un dfaut brutal et dsordonn ( hard default) cest--dire le chaos. (2) Deuximepossibilit, intermdiaire. Si la participation oscille entre 75% et 90%, la Grce active alors les CACintroduites de manire rtroactive dans ses obligations de droit grec (voir partie 1), forant lchangeles rfractaires. De fait, le taux de participation dpasserait les 90%. LAssociation internationale desswaps et drivs, lIDSA, charge de dterminer si lactivation des CAC est un vnement de crdit, seprononcerait trs probablement dans ce sens, dclenchant pour le coup les CDS. (3) Troisimepossibilit, au-del de 90%, le PSI serait un succs, la Grce nayant pas besoin dactiver les CAC

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    paraissait nullement acquise. En pratique le taux dacceptation volontaire descranciers privs atteindra 83,5%, ce qui correspond au scenario intermdiaireenvisag (cf. note 24 et graphique 1)30.

    Graphique 1 : Rsultat du plan de restructuration de la dette grecque (Mds )

    Sources : Ministre des Finances (2012a ; 2012b; 2012c).

    Lactivation des CAC

    Ce taux dacceptation volontaire, bien quil soit lev, est insuffisant pour obtenir larduction de dette prvue dans le plan europen, qui exige un taux dau moins 90%.La dcision dactiver les CAC est alors prise pour contraindre la petite minorit deporteurs hostiles lchange. Du coup, ltat hellne sassure pour les emprunts dedroit grec une participation de 100%, ce qui porte de facto le taux dacceptationtotale 95,6%, soit 197 milliards deuros. Le cas des obligations de droitdomestique rgl, lEtat hellne procde le 12 mars lchange des anciennesobligations contre de nouvelles.

    Pour les titres gouverns par des lgislations trangres et pour les obligationsmises par des socits publiques grecques et garanties par lEtat, legouvernement accorde un dlai, plusieurs fois repouss (initialement le 23 mars,puis le 4 avril, puis le 20 avril), pour que se prononcent les rcalcitrants,essentiellement des fonds spculatifs. Environ 8 milliards deuros sont concerns(Le Figaro, 2012). A plusieurs reprises, le ministre des Finances organise desrunions avec ces cranciers rebelles ou indcis pour les convaincre de participerau plan de restructuration.

    (clauses daction collective). La restructuration considre comme volontaire, les CDS ne seraient pas

    enclenchs.30 Sur la partie des titres de droit grec, la participation atteint 85,8%, soit 152 milliards sur un stock de177 milliards deuros. Pour les obligations relevant du droit tranger et celles mises par desentreprises publiques et garanties par ltat, 69% (soit 20 milliards deuros sur 29 milliards) accdentvolontairement lchange (Ministre des Finances, 2012b).

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    Au final, le PSI sachve le 25 avril. Au total 96,9 % des titres ont t apports,selon le ministre des Finances, soit 199 milliards dobligations sur un totaldenviron 205,5 milliards deuros (Ministre des Finances, 2012c).

    Un vnement de crdit et ses effetsLactivation des CAC laquelle a d recourir la Grce va se traduire par deux sriesde consquences.

    - Tout dabord, consquence directe de cette activation, le 27 fvrier lagence denotation S&P rtrograde la note long terme CC et la note court terme C de la Grce pour la fixer un niveau correspondant Dfaut slectif (Aussannaire, 2012). Cette dcision contraint la BCE suspendre provisoirementlligibilit des obligations grecques au rang de collatral. Les banques hellnes

    sont les premires touches. Certaines dentre elles, sous - capitalises en raisondes pertes colossales subies dans lchange, nont tout simplement plus accs auxoprations de refinancement de la BCE. Leur refinancement est alors confi labanque centrale de Grce par lintermdiaire dun mcanisme durgence,lEmergency Lending Assistance, beaucoup plus souple sur la qualit des actifsapports en garantie (Le Gall, 2012)31. Pour pallier linsuffisance de capitalisation, lesecond plan daide prvoit galement que le FESF dbloque lattention dusystme financier grec entre 25 et 48 milliards deuros.

    - Seconde consquence, lISDA32 se runit le 9 mars 2012. Aprs analyse,lassociation considre lunanimit que lactivation des CAC fait perdre

    lopration de PSI son caractre volontaire . Cest donc un vnement decrdit (IDSA, 2012).Les CDS sur lEtat grec seront alors dclenchs. Ils portentsur quelque 3,2 milliards de dollars en valeur nette selon les estimations du DTCC( depository trust and clearing corporation )33. Pourtant annonc depuis des moiscomme une catastrophe quil fallait absolument viter, le dbouclage des CDS quiporte finalement sur des sommes rduites est gr sans trop de difficults par lesystme financier.

    b.Le rachat de dette ( buy back ) de dcembre 2012

    Mme si le PSI a finalement t conduit dans de bonnes conditions, la Grce a prisdu retard sur son chancier et il lui incombe encore de conduire une ultimeopration pour achever la restructuration de sa dette. Il sagit de lopration de

    31Une fois loffre dchange sur la dette grecque boucle, les banques du pays peuvent de nouveauvenir au guichet de la BCE (Le Gall, 2012).32 ISDA : cest entre les mains de ce consortium dacteurs privs que rside la dcision dactiver ounon les assurances que couvrent les CDS ; cest elle quil revient de dcider sil y a eu vnement decrdit et si les assurances doivent tre dclenches.33 Doit tre faite une distinction entre la valeur nette des CDS et leur valeur brute estime 68,9milliards de dollars. Cette diffrence entre le brut et le net sexplique par le fait quune mme institution

    financire est souvent la fois vendeuse et acqureuse de CDS, directement ou indirectement, ce quincessite de dterminer le solde net de son exposition (Sollier, 2012). Sur les 3,2 milliards de dollarsen net, le montant des versements effectifs avoisine les 2,5 milliards de $. Ce montant est dtermin le19 mars lissue denchres organises par lISDA tablissant 21,5% la valeur de recou vrement desobligations grecques.

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    rachat de sa propre dette, juge essentielle aux yeux de lEurogroupe pour fairedescendre le ratio dette publique/PIB un niveau considr comme soutenable parla Troka. A la diffrence du PSI, qui sest droul avec le dclenchement du CACsur un mode obligatoire, loffre de rachat est ici base sur le rgime du volontariat.

    Au terme dun nouvel accord, boucl le 27 novembre 2012, la Grce sengage selancer sans dlai dans le rachat de sa dette dtenue par des investisseurs privs. Etle 3 dcembre, lAgence grecque de gestion de la dette 34 annonce ses cranciersprivs son intention de leur racheter, selon une procdure dite dadjudication lahollandaise modifie , 20 lignes dobligations arrivant chance entre 2023 et2042, un prix dcot, en change dobligations six mois du FESF (Ministre desFinances, 2012d). Prs de 62,3 milliards deuros reus lors du PSI sont concerns(Garabedian, 2012). Le prix offert varie en fonction de lchance des titresrachets35. Ltat finance cet change hauteur de 10 milliards deuros prts parle FESF. Lobjectif est dallger le stock de dette de 20 milliards et de ramener,

    comme convenu dans laccord du 27 novembre, le ratio dette/PIB 124% en 2020.En outre, lopration doit tre ralise avant le 13 dcembre pour que la Trokadbloque les tranches daide promises.

    Aprs plus dune semaine de procdure, les volontaires apportent finalement 31,9milliards deuros de dettes en valeur nominale, soit 4 milliards de plus que cequesprait le gouvernement. Aprs quelques pripties lchange est boucl36. Infine, 20,7 milliards deuros de dette sont effacs, soit environ 6% du stock total(Les Echos, 2012c).

    Globalement, les grandes banques du pays, appeles par le gouvernementSamars faire leur devoir patriotique , ont accept la transaction qui leur taitpropose. Bien que rticentes, (car perdantes dans lchange de titres) elles ont considr navoir pas vraiment le choix dans la mesure o le versement de laideeuropenne, en grande partie destine les recapitaliser, dpendait du succs deloffre de rachat Les tablissements trangers participent galement, de mmeque certains hedge fundsqui, anticipant ce type doprations, des rumeurs circulantdans ce sens, avaient rachet bas prix de nombreuses obligations grecques.Certains fonds spculatifs ont ainsi pu raliser dnormes bnfices dans

    cette affaire37

    .

    34 Et l encore elle est conseille par la Deutsche Bank, et par Morgan Stanley.35Deux bornes de rachat, hautes et basses, sont fixes selon le type dobligation. Les seuils minimauxvont de 30,2% 38,1% du nominal, les seuils maximaux de 32,2% 40,1% (La Tribune, 2012).36Petit hic, le prix dachat moyen est plus lev que prvu : 33,8% de la valeur nominale, contre 30%prvus. Pour boucler lopration, 1,29 milliard deuros supplmentaires doit tre dbours, en plus des10 milliards prvus, soit un cot total de 11,29 milliards deuros pour racheter 31,9 milliards. 37

    Tel est le cas de Third Point, un hedge fund amricain qui gre 10 milliards de dollars. Selon leFinancial Times, il aurait engrang un profit de 500 millions de dollars grce sa stratgie sur la dettegrecque. Quelques mois avant lopration dchange, il a ainsi achet des titres obligataires grecs surle march secondaire 17% de leur valeur nominale pour les revendre 34% lors du rachat de dettemene par la Grce (Les Echos, 2012e).

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    c.Une modification drastique de la composition de la dette

    Les diffrentes oprations que nous venons de dcrire se traduisent finalement parun bouleversement complet de la composition de la dette et de ses dtenteurs.

    Un transfert de risque massif du priv au public

    Avant le PSI de mars 2012, la dette publique de la Grce tait denviron 360milliards deuros, soit environ 160% de son PIB (estimation au 1/07/2011 parBarclays). Elle se dcomposait alors en 155 milliards deuros dtenus par lesecteur public international (UEM, FESF, BCE, FMI) et 205 milliards deurospar des cranciers privs, dont le systme bancaire grec (50 milliards), lesbanques et assurances europennes (50 milliards) et les fonds dinvestissement (70milliards). Sur ces 205 milliards de crances prives, 86% taient alors soumises au

    droit grec, le reste au droit international.

    Avec le PSI, le montant dtenu par les cranciers privs diminue, ce queconfirment les donnes fournies par Open Europe (Ruparel, 2012). Alors qu la finde lanne 2011, environ un tiers (36%) de la dette grecque tait dtenu par laTroka (BCE-UEM-FESF-FMI), le ratio atteint les deux tiers (62%) suite au PSI(Graphique 2). Les projections de ltude fixeraient mme la part des crancierspublics 85% en 2015. Mcaniquement, la part du secteur priv recule de 64% en2011 un peu plus de 38% aprs le PSI, voire 15% en 2015.

    Graphique 2 : Dtention de la dette grecque

    Sources : Ruparel (2012).

    Le risque est ainsi transfr des investisseurs privs vers le secteur public

    international. Ainsi, dfaut davoir rduit le volume de la dette ( peu prs

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    constant en 2011 et 2012 selon les donnes), le PSI sest traduit avant tout parune modification drastique de sa rpartition entre cranciers privs et publics.

    Car si la Grce venait sengager dans un nouveau PSI, cette fois-ci le P signifierait coup sr public , au lieu de private 38. Cette monte de la prise

    en charge de la dette par le public sest faite en plusieurs temps. Tout dabord dansle cadre du premier plan de sauvetage de mai 2010, les membres de la zone euroont avanc directement la Grce, via des prts bilatraux, un montantproportionnel leur quote-part dans le capital de la BCE. Au total, lAllemagne aainsi d emprunter 14,7 milliards deuros (chiffre de mai 2012) pour les prter enplusieurs tranches la Grce, la France 11,1 milliards, lItalie 9,7 milliards (Tableau2).

    Tableau 2 : Exposition des pays de la zone euro dans le cadre des deux plans

    (mai 2012)

    (1) Prt dj

    vers 1er

    plan (Mds)

    Quote-part

    BCE

    (2)

    Garanties

    effectives

    apportes

    via le

    FESF

    (Mds)

    Quote-part

    FESF

    (1) + (2)

    (Mds)

    Allemagne 14,7 27,9% 31,4 29,1% 46,1France 11,1 21,0% 23,6 21,8% 34,7

    Italie 9,7 18,4% 20,7 19,2% 30,4

    Espagne 6,5 12,2% 13,8 12,8% 20,3

    Pays-Bas 3,1 5,9% 6,6 6,1% 9,7

    Belgique 1,9 3,6% 4,0 3,7% 5,9

    Autriche 1,5 2,9% 3,2 3,0% 4,7

    Portugal 1,4 2,6% 0 0,0% 1,4Finlande 1 1,8% 2,1 1,9% 3,1

    Autres 2 3,7% 2,6 2,4% 4,6

    Total 52,9 100,0% 108,0 100,0% 160,9

    Sources : Antonin (2012).

    38Comme le montre une note de lOFCE de Cline Antonin (2012), lexposition des pays de la zoneeuro la dette publique (et prive) grecque transite principalement par trois canaux : (1) les deux plansdaide de mai 2010 et de mars 2012 (la rallonge de novembre 2012 nest pas comptabilise), (2) laparticipation lEurosystme et (3) lexposition des banques commerciales.

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    Avec le deuxime plan, le FESF se substitue aux tats, ces derniers lui apportantdornavant leur garantie. Le fonds emprunte alors sur les marchs en mettant destitres et prte la Grce le montant lev. Ceci a pour avantage dtre sansincidence sur les finances publiques des pays membres. Toutefois en cas de dfautdu pays, le FESF se retournerait alors vers les tats qui devraient le renflouer selonleur quote-part. Pour la Grce, les garanties apportes atteignaient en mai 2012dj 108 milliards deuros,dont 23,6 pour la France et 31,4 pour lAllemagne.

    Suivant ces estimations un dfaut sur la totalit de la dette grecque en mai 2012aurait ainsi cot la France 34,7 milliards deuros, 46,1 milliards pour lAllemagne.Indniablement plus aujourdhui39.

    3. Les effets du monitoring autoritaire de lUE : un effondrement

    conomique, social et politique sans prcdent

    Le succs obtenu dans la conduite des programmes de restructuration contrastesvrement avec les performances enregistres par lconomie grecque. La Grce,aprs la restructuration, reste plonge dans la crise conomique, sociale et politiquela plus grave quelle ait connue depuis laprs-guerre. A de nombreux gards,comme en tmoignent les chiffres ci-dessous, sous la tutelle de la Troka, lasituation sest mme considrablement aggrave.

    a.Un effondrement conomique

    Une chute spectaculaire et durable du PIBSelon les donnes Eurostat, le PIB (rel) devrait plonger en 2012 de 6%*40. Lanne2012 marquera ainsi la cinquime anne conscutive de contraction conomique : -0,2% en 2008, puis -3,1% en 2009, -4,9% en 2010 et -7,1% en 2011 (Eurostat,2013). En cinq ans, le pays accuse ainsi une chute cumule vertigineuse deson PIB de plus de 20%. Et une sixime anne de rcession est prvue pour2013 Impacte par la crise des subprimes et la crise conomique mondiale, ladgringolade sest puissamment acclre avec lactivation du premier plandaide de mai 2010. Sur ce point, les donnes trimestrielles sont difiantes(graphique 3a). Depuis le troisime trimestre 2010 (qui marque lentre de la Grce

    sous la tutelle de la Troka), le PIB se contracte systmatiquement de plus de 4,5%chaque trimestre par rapport au mme trimestre de lanne prcdente. Ainsi, autroisime trimestre 2012, il chutait encore de 7,2% par rapport au troisime trimestre2011, soit une acclration de la rcession.

    39 Dans son tude, Antonin (2012) adjoint galement le montant de lexposition des banques

    commerciales prives et celle des tats travers leur participation lEurosystme. Si lon inclut cesdeux lments aux montants engags ou gags dans les deux plans daide, lAllemagne serait ainsiexpose hauteur de 94,6 milliards et la France 96,8 milliards.40 (*) Les donnes de 2012 et 2013 sont encore au moment de la rdaction de cette note prvisionnelles .

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    Graphique 3 : Evolution du PIB

    -10%

    -8%

    -6%

    -4%

    -2%

    0%

    2%

    4%

    6%

    8%

    (a) taux de croissance du PIB

    (trimestriel)

    1erplan(02/05/10)Subprimes

    70

    75

    80

    85

    90

    95

    100

    105

    110

    115

    To T+1 T+2 T+3 T+4 T+5 T+6 T+7

    (b) Evolution du PIB (To = 100)

    USA (To=1929) All (To = 1929)

    Grce (To=2007)

    Sources : Hellenic Statistical Authority (graph. gauche), volution du PIB en volume, pourcentage de

    variation par rapport au mme trimestre de lanne prcdente. Maddison pour les USA et lAllemagne

    (graph. droite), calcul des auteurs.

    Pour prendre la mesure des choses, prcisons que si lon compare lvolution du PIB depuis 2007 en Grce, et ce quont connu les USA et lAllemagne partir de1929, on observe alors : (1) une contraction plus brutale du PIB en dbut de priodepour les USA et lAllemagne dans les annes 30, (2) mais pour les deux pays un

    rtablissement plus rapide que celui qui se manifeste en Grce, (3) si bien quaufinal, la contraction du PIB, plus de 6 ans aprs le dclenchement de la crise dessubprimes, est plus importante que ce quont connu lAllemagne et les USAdans les annes 30 (graphique 3b).

    Point fortement inquitant : toutes les composantes de la demande

    domestique sont dans le rouge (graphique 4). La rcession prolonge, lechmage record et la longue litanie des mesures daustrit, mlant hausses de lafiscalit et baisses des salaires comme des pensions de retraite continuent tirervers le bas la consommation des mnages. Aprs avoir recul de 6,2% en 2010, la

    consommation a ainsi chut de 7,7% en 2011, comme en 2012 (Commission,2012). Dans ce climat dltre, les entreprises ninvestissent plus (-15% en 2010, -19,6% en 2011 et -14,4%* en 2012). Fixation de la Troka, les dpensesgouvernementales, attaques de toutes parts, ont galement fortement recul (-8,7% en 2010, -5,2% en 2011 et -6,2%* en 2012). Dans ce contexte, lesimportations ont galement baiss (-6.2%, -7.4%, -10%*). Seules les exportationsont profit dun lger rebond (5,2%, 0,3%, 0,8%*). Mais pas de quoi rsorber undficit commercial estim en 2011 16,9 milliards deuros.

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    Graphique 4 : les composantes du PIB (2000 = 100)

    Sources : Eurostat. C = consommation, G = dpenses publiques, I = investissement, X = exportations,

    M = importations.

    Chmage de masse et pauprisation

    Dans ce contexte macroconomique catastrophique, on assiste des faillitesdentreprises en chane. Quelque 60 000 dentre elles ont cess toute activitdepuis le dbut de la crise. La situation sur le march du travail ne cesse de se

    dgrader. Lenvole du chmage, amorce fin 2008 avec la rcession conscutive la crise financire ne prend toute son ampleur quavec la cure daustrit imposepar la Troka (graphique 5a). De 8% en moyenne au cours de lanne 2008, le tauxde chmage crot constamment depuis. En mai 2010, au moment de la signature dupremier plan daide, il atteint dj 12,1% de la population active, puis 16,8% en mai2011 pour dpasser le seuil des 25% la fin de lanne 2012, soit le quart de lapopulation active. En matire de chmage des jeunes, la Grce partage dsormaisavec lEspagne son funeste privilge : dans ces pays plus dun jeune sur deux esten chmage (56,6% en octobre 2012).

    La dvaluation externe rendue impossible par la participation leuro, la Grcesous la pression de ses cranciers a t somme de procder une dvaluation interne massive visant abaisser le cot du travail jug trop lev par sescranciers. La particularit tient ici au fait que la voie impose la Grce na pasconsist en la mise en uvre dune politique de modration salariale o le salairerel est contract en raison de la non-indexation du nominal sur linflation. Non, ondemande la Grce de couperdirectement dans le salaire nominal.Et pas auscalpel : la hache (graphique 5b). Tant le public que le priv sont concerns.Alors que le 1er mmorandum sattaquait principalement aux salaires dans lafonction publique, le 2me, en rduisant le salaire minimum de 22%, cibledirectement le secteur priv. Bien que les donnes soient anciennes, la Banque deGrce chiffrait ainsi pour 2010 la baisse du salaire nominal 4,8% et 3,3% en 2011.

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    Dans ce sens, les salaires nominaux auraient baiss entre 2009 et 2012 de 19%par rapport la moyenne europenne (Crdit Suisse, 2012). Enfin selon lOCDE, lesalaire, cette fois-ci rel, aurait chut de 25% en 2011 (Yannopoulos, 2012).

    Graphique 5 : chmage et rmunration des salaris

    Source : Eurostat.

    Si la baisse des salaires dans le public et le priv, on adjoint la contraction desretraites, qui plan de rigueur aprs plan de rigueur ont t amputes plus dune

    dizaine de fois, et les coupures effectues sur les divers transferts sociaux, le toutcombin avec une majoration brutale de divers impts, on comprend que ce sont delarges fractions de la socit grecque, qui vont des couches les plus fragiles la classe moyenne, qui sont directement victimes de pauprisation. Eurostatcomptabilisait ainsi en 2011 environ 3,4 millions de personnes pauvres ou au bordde lexclusion sociale,soit 31% de la population (Eurostat, 2012). Il sagit l du plushaut taux de pauvret jamais enregistr au sein de la zone euro.

    Une rcession qui contrarie la rduction des dficits et provoque lenvole de la

    detteLe pire peut-tre est que tous ces sacrifices imposs au peuple grec ne conduisentnullement aux rsultats attendus. En septembre 2010, lors de la premire revue duprogramme, les experts de la Troka prvoyaient que le dficit public atteindrait fin2012 6,2% du PIB, contre 13,6% du PIB en 2009 (rvis finalement 15,8%). Ilsprvoyaient galement que le dficit serait ramen 2,5% du PIB en 2014. LaTroka tablait ainsi sur un ajustement total de 11,1 points de PIB en 5 ans.

    En pratique rien de ce qui tait prvu et programm ne ses t accompli. En raison dela rcession engendre par laustrit, les recettes fiscales escomptes nont past au rendez-vous. Bien quelles croissent lgrement en 2010 et 2011, leurdynamique ne permet pas de respecter les engagements pris par la Grce en mai

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    2010, dautant plus que les dpenses peinent reculer (graphique 6a). Il en rsulteque le dficit budgtaire reste important (-9,4% en 2011). Fin 2012, -6,6% dedficit public est attendu (Commission, 2012). Malgr le non-respect des objectifsfixs par la Troka, les Grecs ont ralis un ajustement considrable (plus de 6points de PIB entre 2009 et 2011), dautant plus quil sinscrit dans un contexte detrs lourde rcession.

    Graphique 6 : dficit et dette

    Source : Eurostat.

    Malgr le non-respect des objectifs fixs par la Troka, les Grecs ont ralis unajustement considrable, dautant plus quil sinscrit dans un contexte de trslourde rcession qui a annihil une partie des sacrifices consentis par le peuplehellne. Finalement, de 2009 2012 leffort budgtaire consenti par la Grce aatteint 18,8 points de PIB. Ce qui sest traduit par une chute de 24,6% du PIB. Ainsi,malgr un effort considrable de 18,8 points de PIB, le dficit public, en raison de latrs forte contraction du PIB, na finalement diminu que de 9 points

    Malgr la rduction des dficits publics, le ratio dette/PIB a continu sonascension (graphique 6b). Fin 2011, les 160% du PIB taient franchis, plus de360 milliards deuros. Et en dpit de la restructuration intervenue au dbut delanne 2012, la dette publique pourrait se rapprocher des 180% du PIB endcembre 2012 et continuer augmenter lanne suivante alors que le nouveaudispositif dfini dans laccord du 27 novembre 2012 (voir partie 1) prvoit deramener le ratio dendettement public 124% du PIB en 2020.

    Lvasion fiscale: la crise pas pour tout le monde

    Pendant ce temps, les capitaux fuient le pays dans des proportions astronomiques.Selon les donnes de la banque centrale grecque, ce sont plus de 73 milliardsdeuros de dpts qui ont t retirs des banques hellniques entre dcembre 2009

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    et novembre 2012, dont une partie pour tre place ltranger41. Et l encore, leschoses se sont aggraves avec lentre en action de la Troka (graphique 7).

    Graphique 7 : dpts des mnages et des entreprises (Mds )

    Source : Banque nationale de Grce

    Les contrles plus resserrs ont conduit les dtenteurs de capitaux fuir un paysdans lequel ils continuaient jusque-l dtre prsents !... de la mme manire,nombre dentreprises, concurrence fiscale oblige, ont commenc leur migration en

    installant leurs siges sociaux hors de Grce, pour chapper linstallation dans cepays dun dbut de systme fiscal vritable.

    b.Crise sanitaire et rgression sociale

    Les Grecs paient le prix fort de la crise avec leur sant physique et psychologique.Cest ce que rvlent de nombreuses tudes, dont une parue en octobre 2011 dansThe Lancet (Kentikelenis et ali, 2011). Outre le manque de personnel et de matrielmdical dans les hpitaux, et les ruptures rgulires dapprovisionnement en

    mdicaments, les auteurs dcrivent une situation de crise humanitaire aggrave parles coupes rptes des dpenses publiques en matire de sant42.

    Et le choc est brutal. Tout rcemment encore, le pays disposait dun systme desant publique obissant des standards reconnus de qualit. Les chmeursbnficiaient dune couverture sant et mme en fin de droits, ils continuaient dtreaccueillis dans les hpitaux y compris lorsquils navaient pas la capacit de payerpour les soins distribus. Mais en vertu de lun des multiples plans de rigueur, les

    41

    La banque centrale hellne estime quun cinquime de ces dpts auraient ainsi t dplacs auLiechtenstein, en Suisse ou en Allemagne (Duperron, 2011).42Certains laboratoires pharmaceutiques trangers, tel lallemand Merck ou le suisse Roche, refusentmaintenant de livrer leurs mdicaments pour cause dimpays (La Tribune, 2011 ; Les Echos,2012a).

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    Grecs au chmage en fin de droits (prs de la moiti) doivent dsormais assumereux-mmes leurs dpenses de sant (Alderman, 2012)43.

    Avec la crise et les restrictions budgtaires, de trs nombreux indicateurs

    sont passs au rouge. En 2010, la consommation de drogue, notamment

    lusage dhrone, a progress de 20%. Ces chiffres sont rapprocher de ladiminution dun tiers des budgets accords aux programmes de lutte contre ladrogue, consquence de la mise en uvre du premier mmorandum. Coupesbudgtaires obligent Cette surconsommation de drogue explique en grande partiela trs forte recrudescence des contaminations VIH/SIDAdepuis la fin de lanne2010. Selon MSF, lincidence du VIH parmi les usagers de drogue Athnes a ainsiaugment de 1 250% en un an (Papadopoulou, 2012). Dans ce sens, lesstatistiques du Ministre de la sant montrent que le nombre annuel de nouvellesinfections au virus a cr de 58,2% entre 2010 et 2011, voire de 93,4% entre 2010 et2012, soit presque deux fois plus de personnes nouvellement contamines en 2012

    par rapport 2010 (graphique 8)44

    .Eradiqu en Grce au milieu des annes 1970, le paludisme a fait sa rapparition partir de 2009. Entre 120 et 130 cas ont ainsi t rapports en 2011. Le virus duNil occidental a galement fait des ravages, tuant 35 personnes en 2010. Signe dedsespoir, les suicides ont fortement augment, de 37% entre 2009 et 2011(Ekathimerini.com, 2012). Le nombre de dpressions explose (Naudet et ali, 2012).La socit grecque est traumatise (Muhl, 2012)45.

    Graphique 8 : nouvelles infections au VIH/SIDA

    Source : Ministre de la sant (2012).

    43 En raison du manque de matriel mdical, certains patients sont contraints dapporter eux-mmesseringues et autres fournitures pour leurs soins.44 Selon la directrice du centre de prvention et de contrle des maladies infectieuses, agencegouvernementale qui dpend du Ministre de la Sant, on constate des dizaines (voire plus)

    dindividus qui se seraient contamins de leur propre gr afin de recevoir une prestation spcifiqueslevant 600 euros par mois, une des rares prestations que le mmorandum na pas encoresupprimes (Grigoriou, 2011).45Voir sur ce point le tmoignage difiant dun traumatologue allemand habitu aux scnes de drame,qui sest rendu en Grce (Muhl, 2012).

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    Dans un tel contexte la crise proprement politique atteint son paroxysme dont undes effets les plus inquitants est sans conteste, la perce du parti raciste etxnophobe Aube Dore .

    4. Conclusions

    Parvenus au terme de notre tude, quelques conclusions peuvent tre proposes.

    a. La Grce, laboratoire dune solution catastrophique pourtant encours de gnralisation avec le TSCG.

    Lchec patent du 1ier plan (dont nous avons rendu compte dans notre note deJuillet 2011) na donc servi rien. Rien na t appris par la Troka et les autoritsde lUE. En dpit de lchec du 1erplan, cest dans la mme logique, encore durcie,que la Troka a poursuivi, imposant la Grce, plan aprs plan, une purgecatastrophique. Mieux encore, le modle appliqu en Grce : aide financirepublique fournie par le FESF sous condition dun ensemble de mesures frocesvisant couper la dpense publique et imprimer une puissante dvaluationinterne (salaires, nombre de fonctionnaires, pensions de retraite, dpenses de santou dducation), est celui-l mme qui a t gnralis aux autres pays mis terre par la crise financire. Ainsi notamment de lIrlande, alors mme que dans cepays, la dette publique/ PIB slevait en 2007 30%, (avant lexplosion de la crisefinancire) soit deux fois moins que la limite autorise par Maastricht Dans cedernier cas (celui de lIrlande), la solution impose si elle ntait dramatiqueserait ubuesque. Infliger ltat qui a t le plus vertueux du point de vue durespect des critres de Maastricht la mme potion stupide qu celui qui sen est leplus cart (la Grce), en dit long sur la qualit des remdes des docteurs Diafoirusde la Commission europenne.

    Le rapprochement de ces deux cas parle de lui-mme : ce nest pas danalyse et dediagnostic quil sagit propos des plans imposs, mais bien didologie. En Grce,comme en Irlande, au Portugal ou en Espagne, il sagit avant tout, en dpit de son

    chec fracassant manifest par lexplosion de 2007-2009, de poursuivrelaccomplissement de lagenda no-libral. Au lieu denregistrer son chec patent, lamise en vidence et la focalisation sur les dficits publics (qui nont explos au-deldes critres de Maastricht quavec et cause de la crise financire) ont servi etservent encore poursuivre le dmantlement de ltat social.

    De ce point de vue, la constitutionnalisation de cette voie avec la signature duTSCG, signifie une sorte dobstination dans lerreur, daveuglement au dsastre pour reprendre ici le mot de Kindelberger qui fait craindre le pire. Ce alors mmequavec la crise financire, une conjoncture exceptionnellement favorable seprsentait pour rformer lUE et enfin lui donner sa chance.

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    b. Une forme de restructuration de la dette qui garantit la finance prive,transfre le risque vers le public et aggrave la situation intrieure

    Il faut revenir aussi sur le type de restructuration de la dette auquel il a t procdet ses effets.

    La plupart du temps cette restructuration a t prsente comme un effort sansprcdent consentie par la finance prive, obtenu de haute lutte, et qui serait venusoulager le poids port par le peuple grec.

    A la vrit comme les lments runis dans ce texte permettent de le montrer,lopration de restructuration de la dette souveraine grecque appelle de tout autrecommentaire. Plusieurs observations peuvent tre faites.

    - Dabord il faut constater que la restructuration fut demble fort mal conue etcalibre.