LUTTE CONTRE L‘EVASION FISCALE … · combattere l‘evasione fiscale internazionale delle...
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THESE en cotutelle
En vue de l’obtention du grade de
DOCTEUR EN DROIT ____________________
“ L’ANALYSE EN DROIT COMPARE, FRANÇAIS ITALIEN, DES METHODES DE
LUTTE CONTRE L’EVASION FISCALE INTERNATIONALE PRATIQUEE PAR
LES GRANDES ENTREPRISES
VIA LES PRIX DE TRANSFERT ”.
“L’analisi comparata dei metodi adottati negli ordinamenti statali, francese e italiano, per
combattere l’evasione fiscale internazionale delle società di rilevanti dimensione via i
prezzi di trasferimento”.
Présentée et soutenue publiquement par :
Mehdi MEZOUAR
Le 27 mars 2014
__________________
JURY
Monsieur Philippe BONFILS, Professeur et Doyen de la faculté du droit et de science
politique d’Aix-Marseille,
Monsieur MOURALIS, Professeur à l’Université d’Avignon et des pays du Vaucluse,
Rapporteur,
Monsieur Massimo PROTO, Professeur all’Università degli studi di Parma, Rapporteur,
Monsieur Vincenzo BARBA, Professeur all’Università degli studi di Roma, Directeur
de recherches en droit italien,
Monsieur Gilles MATHIEU, Maitre de conférences à l’Université d’Aix Marseille, HDR,
Directeur de recherches en droit français.
REMERCIEMENTS
Pendant mes nombreuses années de thèse j'ai espéré arriver à ce moment qui marquerait
la fin de la rédaction. Ce serait un moment de libération car l’engagement serait honoré mais
aussi parce qu’il me permettrait de remercier tout ceux qui m’ont accompagnés.
J’y ai souvent pensé mais n’ai jamais rien osé rédiger tant que la thèse ne serait pas terminée.
Aujourd’hui et Grace à Dieu je peux enfin me mettre à écrire ce qui sonne le glas de mon statut
de doctorant et saluer par la plume tous ceux qui m’ont soutenu et assisté.
Car la réalisation d’une thèse est certes une œuvre individuelle mais paradoxalement elle ne
peut se réaliser seule. Elle nécessite un soutien continu et une compréhension accrue surtout des
personnes qui sont les plus proches de vous.
Je tenais tout d’abord à remercier mon directeur de thèse Me Mathieu pour la confiance sans
faille qu’il m'a allouée tout au long de ces années de thèse. Le hasard ou plutôt la destinée m’a
fait rencontrer cet homme plein d'humanité et prêt à vous soutenir dans toutes les situations qui
peuvent vous élever. Je salue sa pédagogie pour ne pas dire son empathie ainsi que sa capacité à
nous pousser à la réflexion libre mais toujours sensée. Vous êtes un exemple d’humilité et de
professionnalisme.
Je tiens également à remercier mon directeur italien le Pr. Barba sans qui je n’aurais pu réaliser
cette thèse en cotutelle et qui malgré la distance a toujours été avenant à mon égard, il m'a
présenté à d'autres doctorants pour faciliter mon intégration lors de ma présence à l’université
de la Sapienza et m’a conforté dans mes recherches en droit italien. Je souhaite remercier les
membres de jury qui m'honorent par leur présence, le Pr Philipe Bonfils doyen de la faculté de
droit d’Aix Marseille qui a contribué à la pérennité de ma thèse, le Pr Mouralis de l'université
d’Avignon qui a gentiment accepté la lourde tâche de rapporteur pour la partie française du jury.
Je remercie également le Pr Proto de l’université de Parme qui occupe la fonction de rapporteur
pour la partie italienne du jury et qui en plus doit apporter son analyse sur une thèse rédigée
principalement en langue française. Messieurs, je vous remercie pour cela et pour vous être
déplacés à mon intention.
A présent les remerciements vont en direction de ma famille et amis. Je ne remercierai jamais
assez ma Mère mais aussi mon père qui m'ont fait naitre et m’ont élevé. L’éducation, la
perception du monde qui nous ont inculquées m'a toujours permis de penser que dans la vie rien
n'est impossible et que grâce à Dieu il y a toujours des solutions. Je remercie et salue mon grand
frère Samir, ma petite sœur Majda et mon petit frère Hamza ainsi que ma belle mère Chérifa et
mes neveux et nièces Saad, Saja, Calogero et Salvatore. Je tiens également à remercier
chaleureusement mes beaux parents, les parents de ma femme, qui durant toute ces années
n’ont cessé de me comprendre et de me soutenir dans mes actions.
Je salue aussi mes beaux frères et belles sœurs du côté de ma femme.
Par cet ouvrage et ce grade j'espère honorer le sacrifice et le courage de mes grands parents qui
ont quitté leurs terres natales, l’Italie et le Maroc pour offrir un meilleur avenir à leurs
descendances.
Face à l’adversité, ils n’ont jamais abandonné. Ce sont des exemples de bravoure, de
dévouement et de comportement.
A présent, je terminerai en remerciant les personnes qui m’ont le plus directement soutenu, il
s'agit d'abord de mon ami et frère Kamel Soussi qui a contribué à ma réussite de part la
tranquillité d’esprit qu’il m’a offert tant par son soutien moral que matériel. Son amitié n’a
jamais vacillé malgré certaines pressions externes.
Pour cela, je le remercie de tout mon cœur et espère pouvoir lui rendre tout le bien qu’il a fait
pour moi et ma famille.
Et enfin je conclurai en rendant grâce à ma femme Maria, mon âme sœur, qui a fait preuve
d'une patience à toute épreuve. Elle a toujours été compréhensive attentive et aimante et m’a
toujours suivi dans mes décisions même si celles-ci devaient m'éloigner d’elle temporairement.
Elle fait preuve de courage face aux difficultés et la confiance qu'elle met en moi est comme un
foyer qu'elle alimente de son amour. J'espère lui être aussi bénéfique qu’elle l’a été pour moi. Je
remercie donc Dieu pour la femme qu’il m'a destiné et pour lui avoir permis de donner la vie à
ce que je qualifierai à nos yeux de l'être le plus précieux au monde, notre fils Jilani dont la
venue a magnifié notre vie et m’a encouragé à terminer cet ouvrage. Je dédie donc ce travail à
mon fils ainsi qu’à tous les enfants qui enchantent et enchanteront toute notre Famille.
1
SOMMAIRE
Introduction 2
Première partie/ Les difficultés de fixation des prix de transfert 44
TitreI. L’analyse économique de la valeur d’un bien ou service 50
Chapitre I. L’analyse théorique de la valeur 51
Section I La conception objective : la théorie de la valeur travail 52
Section II La conception subjective : la théorie de la valeur utilité 59
Chapitre II. L’analyse pratique de la valeur 68
Section I La réalité économique du groupe multinational et la valorisation de
son produit 70
Section II Une politique de commercialisation ciblée : les éléments du marketing
mix 80
TitreII. Un espace juridique parcellé : des difficultés d’ordre juridique 91
Chapitre I. La répartition de la base taxable des groupes multinationaux 93
Section I Les modalités d’imposition des revenus des sociétés multinationales 94
Section II La référence au prix de pleine concurrence 124
Chapitre II. La réintégration des bénéfices indirectement transférés : analyse des
articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR 156
Deuxième partie / Le pouvoir de contrôle de l’autorité administrative 225
TitreI. Un contrôle traditionnellement répressif 228
Chapitre I. Le contrôle fiscal a posteriori 229
Section I Le contrôle interne : le contrôle sur pièce 229
Section II Le contrôle externe : la vérification sur place 240
Chapitre II. Les conséquences du contrôle 324
Section I Les procédures de rectification 324
Section II Le rehaussement 340
TitreII. Les moyens de contrôle modernes 351
Chapitre I. Un contrôle préventif 352
Section I L’Accord préalable sur les prix de transfert 352
Section II La remise documentaire propre au prix de transfert ou « Masterfile » 397
Chapitre II. Les pistes d’améliorations 413
Section I L’accord préalable européen sur les prix de transfert 415
Section II La création de l’Agence Européenne du Contrôle Fiscal des
Grandes Entreprises (AEVF) 441
Conclusion 454
Table des Matières 474
2
INTRODUCTION
Le choix de ce sujet est consécutif à la volonté en tant que chercheur de tenter de
contribuer à l’amélioration du système fiscal qui régit nos sociétés et d’améliorer la perception
que l’individu se fait de l’imposition. La fiscalité comme nous la considérons se veut un moyen
d’améliorer le monde dans lequel nous vivons. Les hommes qui ont contribué à la création de
nos systèmes ont par altruisme instauré voire imposé ce principe de solidarité entre les individus
d’une même nation, en vue de tendre vers un standard de vie qui permettrait à chaque Homme
de vivre dans la dignité. La richesse produite ou engrangée n’est en rien l’essence de la dignité
mais son partage permet d’offrir à chacun ce que la morale nous invite à considérer comme
digne, ce que le droit naturel nous impose de faire pour honorer ce que nous sommes.
La fiscalité n’est pas une fin en soi mais un moyen parmi tant d’autres qui peut permettre d’agir
en bien. Et en tant que juriste doctorant, je me baserai sur ce moyen pour tendre vers l’objectif
qui anime ou devrait animer chaque Homme, à savoir la recherche de son bien être et la
contribution au bien être des autres.
La perception de ce sujet s’est construite au fil des lectures, de recherches scientifiques qui
m’ont permis de comprendre la primordialité de cet aspect de la fiscalité nationale et
internationale et des conséquences que les prix de transfert ont sur le monde et sur les Hommes
qui le peuplent.
L’originalité qui caractérise toute thèse de doctorat est le fruit de longues réflexions, de
questionnements incessants sur l’objet mais en même temps sur la capacité à comprendre, à
analyser la portée du sujet. Cette préoccupation était toujours présente du fait du caractère
comparé de la thèse. Comprendre la subtilité du droit fiscal français est une chose et
comprendre la subtilité du droit fiscal italien en est une autre. Nos deux droits se fondent sur la
même origine, mais l’approche adoptée par la doctrine et le législateur de chaque pays est
différente.
Nul ne naît savant, c’est pourquoi le savoir respecte une chaîne de transmission qui permet à de
jeunes étudiants d’appréhender une matière pour ensuite la maîtriser et au final contribuer à son
évolution.
Même si historiquement nous pouvons considérer que nos pays ont une base commune du droit,
la perception des juristes de chaque pays s’est différenciée au fil du temps du fait de la culture
3
propre à chaque société mais aussi du fait du mode de perception de chacun d’entre nous. Il est
clair que mon épistème influencera la vision et la présentation de notre sujet de recherche.
D’un point de vue plus général, l’ensemble des connaissances juridiques acquises au fil des
années s’est fait sur le modèle français qui se veut très structuré, très pragmatique où la justesse
des mots est primordiale et leur nombre limité à la pleine compréhension de la Loi. La
redondance non pas des termes mais des principes est atténuée au maximum. La présentation
des principes doit être faite de façon claire et concise tout en conservant évidemment un
langage purement juridique. La découverte d’une nouvelle matière, en l’espèce le droit italien,
nous offre une ouverture d’esprit. L’étude comparative contribue obligatoirement à faire évoluer
notre vision du droit.
Ce fut le cas avec l’approche italienne qui nous montre qu’un même sujet, ou qu’un même
problème peut être apprécié différemment. Même si le résultat escompté est identique dans
chaque législation, le chemin pour y parvenir sera différent voire plus rapide. D’un point de vue
général cela nous apprend qu’aucune route n’est meilleure qu’une autre, seul le sens de la
direction et la volonté d’y arriver comptent. Suite à cela, la nature du chercheur fera qu’il optera
pour telle ou telle voie.
Le droit italien qui peut être considéré comme plus proche des sources de notre droit se veut
également plus rhétorique, un même principe est présenté de différente façon, la présentation
d’une nouvelle partie nécessite à chaque fois de réitérer les grands principes applicables à la
matière. C’est ce qui explique que nombre d’ouvrages italiens sont deux à trois fois plus
volumineux que les ouvrages en droit français portant sur la même sujet. Là où un traité de droit
fiscal sera rédigé par un auteur français en 300 pages, l’auteur italien rédigera ce traité en 900
pages. Cela ne veut pas dire que le droit italien est plus développé que le droit français. Il s’agit
juste d’une question de formatage universitaire. Ce fut une des plus grandes difficultés de la
recherche que de comprendre un langage juridique dans une langue étrangère et de rechercher
dans cette langue les connaissances nécessaires à notre étude dans des ouvrages volumineux.
Il faut tout de même admettre que l’origine latine de la plupart de nos adages ou termes
juridiques ont facilité la compréhension linguistique de ce droit.
Outre cet aspect lié à la langue, la lecture de la doctrine italienne permet d’appréhender la
culture juridique du pays étudié et c’est la perception culturelle du droit qui nous autorise à
comprendre pourquoi le législateur ou la doctrine administrative ont opté pour une pratique ou
4
un type de mesure différente de ce qui existe en France. Voila un point essentiel au vu d’une
recherche qui se veut comparée car comment comprendre ou expliquer si nous ne connaissons
pas la raison pour laquelle fut instauré un principe ou plus généralement une mesure.
Je souhaite réaliser une thèse pratique dans le sens où elle relate la réalité contemporaine de la
fiscalité et du concept d’évasion fiscale internationale par la manipulation des prix de transfert.
Portalis dans son discours préliminaire au code civil de 1804 disait : « les Lois, une fois
rédigées demeurent telles qu’elles ont été écrites. Les hommes au contraire ne se reposent
jamais ; ils agissent toujours ; et ce mouvement qui ne s’arrête pas[…] produit, à chaque instant,
quelques combinaisons nouvelles »
Ce travail de recherche se veut être un outil à la compréhension de la fiscalité par les acteurs
économiques exerçant à l’international afin de se préserver de tout comportement qui pourrait
conduire à une sanction.
A cette fin, il nous est indispensable de saisir la culture juridique de chaque pays étudié, il faut
que nous comprenions le mode de pensée du législateur et du contrôleur fiscal en particulier
mais aussi des professionnels de la fiscalité, tels les enseignants chercheurs, les avocats
fiscalistes. L’existence de ces professionnels se justifie par l’importance qu’a le droit fiscal dans
nos sociétés.
L’impôt est indissociable de la société des hommes. La communauté « la civitas » s’est toujours
faite imposée, que ce soit par l’Empire sous la Rome Antique ou par les Seigneurs et l’Église
sous le Moyen Age. Mais l’objet de l’impôt était différent, la notion de souveraineté nationale et
d’intérêt général étaient absentes. Les prélèvements correspondaient plus à une taxation, à un
prix comme par exemple le prix de la liberté pour les conquis ou le droit de vivre pour les
paysans qui résidaient sur le domaine du suzerain, qui cultivaient sa terre et priaient Dieu.
Cette vision prévalait sous l’Antiquité mais elle est à nuancer car Rome est venue poser les
prémices de notre fiscalité moderne, l’instauration de la République ou « Res Publica1 » fut
conceptualisée à notre époque par la notion d’intérêt général. Rome est impressionnante de
richesse et de découverte, et la vertu de certains de ses dirigeants ou empereurs est un miroir qui
1 « Res Publica » locution latine signifiant la Chose Publique.
5
reflète les carences de notre système ou l’étroitesse d’esprit de l’Homme dit moderne. Lors de
cette époque les personnes espéraient être imposées car seul l’Homme libre payait des impôts
« le tributum », c’était là le signe de leur appartenance à Rome, il était de ce fait protégé et libre
par et pour la grandeur de Rome. Le déclin de l’Empire entraîna la perte de ses acquis et la
vision de l’impôt au moyen âge change radicalement et devient un droit d’existence, de
présence sur le domaine seigneurial.
Cette imposition féodale n’était pas par nature affectée à l’administration du territoire mais
constituait un revenu pour le seigneur qui l’utilisait comme bon lui semblait. Cette logique
s’appliquait également au roi dont la fonction de suzerain ne lui conférait que des pouvoirs très
limités en matière d’imposition. Comme tout seigneur, il devait vivre de ses propres rentes, ce
qui constituait « l’ordinaire » de ses revenus et pouvait uniquement en cas d’exception solliciter
une aide à ses vassaux et sujets. La guerre était un événement qui autorisait le roi à effectuer
une levée d’impôt. Pour obtenir cette aide féodale, le roi devait se conformer au droit coutumier
qui conférait à l’impôt royal un caractère exceptionnel, temporaire et consenti. Ce qui signifie
qu’il ne pouvait percevoir un impôt si les personnes sollicitées pour un montant établi n’avaient
pas clairement donné leur accord préalable. C’est d’ailleurs lors de la réunion des États
Généraux que le roi faisait sa demande de contribution extraordinaire. La noblesse et le clergé
statuaient sur la question avant d’accepter ou de rejeter. Le Tiers État siégeait lors de ses
assemblées mais ne disposait pas de représentants permanents élus. Ils pouvaient s’exprimer
mais n’avait pas de pouvoir de décision c’est pourquoi selon A.Barilari2, le terme de
consentement n’est pas approprié et qu’il est plus logique de parler dans ce cas précis
d’assentiment à l’impôt puisque l’accord d’un des deux ordres sollicités impliquait le peuple.
Cette procédure de levée de l’impôt était considérée comme une loi fondamentale et le roi
devait s’y soumettre. Mais au finir du Moyen âge, la guerre de cent ans va permettre au roi de
remettre en cause cet ordre ancestral. La longévité de la guerre a eu pour conséquence de nover
la contribution extraordinaire en une contribution ordinaire versée au roi pour lutter contre
l’ennemi historique. De ce fait le roi tendit à se soustraire d’une partie de ses obligations en
matière d’imposition. L’ordonnance royale de 1439 instituant une armée royale permanente
conforta la position du roi et aboutit à un prélèvement obligatoire régulier. Par cette occasion la
contribution demandée lors des États généraux n’avait pu lieu d’être, le roi venait de concentrer
en ses mains la défense du territoire par son armée ainsi que le pouvoir de lever l’impôt selon sa
2 A.Barilari, « Le consentement à l'impôt », Paris, Presses de sciences po. (2000)
6
volonté. Comme l’indique N.Elias3, la détention du monopole militaire et fiscal est la base de la
construction de l’Ancien régime.
D’un point de vue sociologique, ce renforcement de l’autorité royale fut possible car la guerre a
affaibli les pouvoirs des princes et le lien qui les unissait à leurs populations, en contre partie est
né un sentiment d’appartenance national rattaché à la personne du roi victorieux. Cette
redéfinition du pouvoir royal fut appuyée par la redécouverte des écrits de droit romain qui
s’était initiée au 21ème siècle et qui a permis de fonder théoriquement la suprématie royale.
Les légistes du roi ont restauré la notion d’« Imperium » qui est le pouvoir de commandement.
Le roi a toute autorité pour régir la vie civile et militaire en vu de préserver la « Res Publica »,
la chose publique dont il se fait le garant.
Par ses attributs, il devient le souverain monarque détenteur des fonctions régaliennes, et peut
de son propre fait lever l’impôt et instaurer les montants qu’il juge nécessaire à la protection et
à la gestion du royaume.
A présent le pouvoir royal qui se trouve au dessus des lois ne peut et n’accepte aucun contrôle
extérieur.
Avec la monarchie absolue, la population subit l’arbitraire du monarque et les inégalités
sociales nées des privilèges de la noblesse et du clergé génèrent des mouvements de
contestations. L’imposition est considérée comme abusive et illégitime ce qui crée pendant toute
la période de l’Ancien Régime de nombreuses révoltes fiscales. Ce sentiment de rejet de
l’institution est renforcé car la population n’a aucun droit de regard sur les finances publiques.
A la veille de la Révolution, le constat est le même. Le royaume est fortement endetté, Louis
XVI doit supporter de lourdes dépenses dues à son mode de vie mais principalement dues au
soutien que la France apporte aux colons anglais dans la guerre d’indépendance des États Unis.
Face à cette situation critique le royaume est en quête de financement. En vue de trouver des
solutions, le souverain invite d’éminents personnages du royaume à se constituer en Assemblée
des notables afin de recueillir leur avis notamment sur un plan fiscal. Une première réunion a
lieu en 1787 mais n’a pas les effets escomptés et une grande majorité des conviés rejettent les
propositions faites. Dans une même optique, une seconde assemblée est instaurée en 1788 afin
de préparer la réunion des États Généraux qui devront se prononcer sur la nécessité de modifier
le système fiscal. En agissant de la sorte le roi honore son engagement pris quelques temps
auparavant auprès de la noblesse et de la population. Le vote des États généraux a pour but
3 Norbert Élias, « La Dynamique de l’Occident », Éditions Calmann-Lévy, collection « Liberté de l’Esprit » (1969).
7
d’offrir une légitimité à la réforme fiscale de Louis XVI qui souhaite l’abolition du privilège
fiscal de la noblesse et du clergé et plus de transparence au niveau des dépenses publiques.
La volonté du roi est d’instaurer une certaine égalité d’imposition entre les ordres afin que tous
participent au financement de l’État. Les modifications économiques initiées au XVIIème siècle
ont fait émerger une nouvelle classe sociale aisée, la bourgeoisie dont le poids financier incite à
une certaine égalité de traitement. La 2nde Assemblée doit donc discuter des modalités de vote à
retenir pour les décisions prises lors de la réunion des États Généraux. Le roi souhaite doubler
le nombre des représentants du Tiers État ce qui le rendrait numériquement majoritaire. La
Noblesse et le clergé tentent de s’opposer à la double représentation sans y parvenir. Cette
décision royale est vue comme révolutionnaire par le Tiers État. Mais en définitive, elle n’est
que symbolique car le mode de scrutin pour entériner les propositions du Roi reste inchangé,
chaque ordre détient une voix. La supériorité numérique était un moyen de pression qui avait
pour but d’ inciter la noblesse et le clergé à voter la réforme fiscale. Le roi pensait ainsi obtenir
le consensus sans pour autant rompre radicalement avec la norme traditionnelle.
La modification du système en place, souhaité par le roi, aurait pu se réaliser pacifiquement
d’autant que la bourgeoisie, fortement représentée au sein du tiers État, recherchait moins la
détention du pouvoir qu’« une nouvelle distribution des charges et des bénéfices »4 qui leur
serait plus équitable, plus favorable.
La situation économique du pays se veut pour l’époque une des plus prospère au monde. Mais
l’inamovibilité du système d’imposition, l’augmentation certaine de la pression fiscale et
l’annonce d’une famine proche furent les générateurs de la révolution française comme nous la
connaissons et qui est venue décapiter le pouvoir en place.
Comme l’indique le Pr. Ardant, l’impôt contient en son sein « une puissance insurrectionnelle »5
non négligeable qui peut renverser l’ordre établi.
L’ histoire nous apprend que les faits marquants qui ont profondément modifié notre société au
fil des siècles ont toujours eu un lien avec la fiscalité. Selon l’utilisation qui en était faite, elle a
soit permis de renforcer le pouvoir en place soit contribué à son renversement.
4 J.E Colliard et C. Montialoux « Une brève histoire de l’impôt », La Découverte | Regards croisés sur l'économie
2007/1 - n° 1 pages 56 à 65. 5 Pr P.Ardant « Histoire de l'impôt » livre 1 p 401 Ed Fayard 1971
8
L’imposition ne disparaît pas avec les changements mais le nouveau pouvoir en place crée des
modalités d’application différentes qui sont de nouveau acceptées.
Le consentement à l’impôt est l’une des justifications de la légitimité de la Démocratie
représentative qui organise la dévolution du pouvoir dans les sociétés occidentales
contemporaines.
A ce titre, l’impôt est un élément fondamental de nos sociétés industrialisées, et a
progressivement constitué, sous l’égide des socialistes démocrates et des keynésiens, un
instrument d’intervention permettant à l’État d’assurer le respect du pacte social et de ses
évolutions. C’est pour cette raison que sous l’inspiration de Grands penseurs tels JJ Rousseau
(1712-1778), Montesquieu (1689-1755), le devoir de participation aux charges publiques selon
ses capacités contributives qui incombent à chaque individu vivant sur le territoire national fut
inscrit à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et élevé au plus haut rang
de nos législations par les instigateurs de nos constitutions.
Les pères fondateurs de nos constitutions tels le Général De Gaulle (1890-1970), Michel Debré
(1912-1996) ou Benvenuto Griziotti (1884-1956) et Ezio Vanoni (1903-1956) de la « Scuola di
Pavia » reprendront cette disposition dans le préambule de la constitution de 1958 et à l’art 53
de la « Costituzione italiana » de 1948.
Le rôle que doit jouer l’impôt dans la vie économique et sociale a été discuté dans bien des
théories qui selon les périodes ont trouvé adhésion ou rejet.
Les changements économiques et sociaux qui accompagnent le 18ème siècle apportent de
nouvelles réflexions. La notion d’intérêt public qui est celui de l’État est abandonnée au profit
de l’intérêt général qui est celui de la nation6. La fonction souveraine du roi n’est plus, elle est
remplacée pour l’intérêt de tous par un peuple souverain. La souveraineté est indivisible et
détenue par tous. La loi se veut l’expression de la volonté générale, et comme l’indique l’art 6
de la DDHC de 1789 « Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs
représentants, à sa formation ».
Ce droit est une liberté fondamentale individuelle qui s’oppose directement à l’idée de
monarchie absolue.
6 Pierre Rosanvallon, « L’État en France de 1789 à nos jours », Éditions du Seuil, collection « Histoire » (1990)
9
La révolution a permis de transmettre l’autorité suprême au peuple et est venue consacrer les
libertés individuelles. C’est à cette même période que les travaux de J. Bentham (1748-1832 ) et
de J.Stuart Mill (1806-1873) sur l’utilitarisme sont développés et serviront de base aux théories
des classiques et néo-classiques; ceux-ci feront d’eux les précurseurs du libéralisme.
Contrairement aux idées préconçues, la théorie de l’utilitarisme a comme idéal le bonheur pour
tous et considère que les individus doivent être pleinement libres, égaux et concourir par leurs
actes à la recherche du bien être général. Ces penseurs remettent en cause l’ordre moral issu des
bonnes mœurs et considèrent que la moralité n’a de critère que l’utilité qu’en tire les individus.
Ce qui signifie qu’un agissement personnel sera considéré comme hautement moral s’il confère
un maximum de plaisir au plus grand nombre d’individus. Cette théorie considère à juste titre
que l’Homme ne recherche pas uniquement son propre plaisir mais tient compte du bonheur des
autres. L’Homme cherche toujours à maximiser son plaisir et minimiser sa peine, il contribue
ainsi à la réalisation du bien être commun. Cette approche est reprise dans la théorie
économique d’A. Smith (1723-1790) dite classique qui affirme que « la somme des intérêts
particuliers amène l’intérêt général »7. Pour ce faire, l’agent économique peut entreprendre et
commercer en toute liberté sans qu’il y ait d’entrave à l’exercice de son activité. Les biens et
services proposés par les acteurs économiques se retrouvent sur le Marché qui se régule seul,
c’est le concept de la main invisible. Les classiques et néoclassiques considèrent que toute
intervention extérieure notamment des États viendraient nuire à l’autorégulation du marché et
est de ce fait préjudiciable à ceux qui y participent. L’État a son importance mais doit se limiter
aux fonctions régaliennes : battre monnaie, faire la guerre et rendre justice afin d’assurer l’ordre
public. La contribution financière demandée par l’État se veut minimale car elle sera limitée à
ces seuls besoins.
Cette vision économique libérale est réfutée par d’autres courants et principalement celui du
Socialisme de K.Marx (1818-1883), qui avec F.Engels (1820-1895) s’opposent à la logique de
marché, créatrice d’inégalités sociales. Ils prônent l’avènement du socialisme avec la révolution
prolétaire et la mise en place temporaire d’une dictature. Celle-ci aura pour but de collectiviser
les moyens de production qui sont à la base de la lutte des classes, et organiser la production
selon les capacités et compétences de chacun.
7 A.Smith « Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations » 1776
10
Tout comme la doctrine utilitariste et classique, cette doctrine a pour dessein d’instaurer la paix
sociale et une égalité de droit et de fait entre chaque individu. Toutes ces théories sont louables ;
encore faut il que les hommes qui les appliquent agissent de façon désintéressée et en toute
honorabilité.
En totale opposition avec le libéralisme, la doctrine marxiste fut instaurée dans de nombreux
pays et principalement dans ceux du bloc soviétique. Mais elle n’a pas été appliquée
conformément aux dispositions de ses auteurs. Les dirigeants communistes se sont arrêtés à la
phase dictatoriale sans jamais passer à celle bienfaitrice qu’aurait du offrir l’avènement du
socialisme.
D’un point de vue fiscal, le communisme vient limiter fortement la question inhérente à l’impôt
et au consentement des individus. Dans ce système politique, L’État absorbe la société civile et
détient le monopole de la production ce qui signifie que les individus n’ont pas à contribuer
financièrement à la gestion de l’État puisque toutes les ressources générées par la production de
biens ou services sont versées à l’État. A charge pour lui de redistribuer de façon égalitaire ses
entrées à tous les individus. En ce sens et comme l’indique le Pr. JM Monnier8, le régime de
l’Ex-Union soviétique constitue une société où l’imposition est absente.
Les pays occidentaux ont toujours opté pour la doctrine libérale mais celle-ci a subi des
variantes du fait de l’histoire, qui ont aboutit à des choix politiques ou des conduites
économiques opposés. La crise financière de 1929, la 2nde guerre mondiale ont permis
l’émergence des théories de JM Keynes(1883-1946) qui rejette l’approche néoclassique et
l’autorégulation du Marché. Il développe la notion d’État providence qui se doit d’intervenir
afin de favoriser l’économie du pays et ne pas rester inerte face à la crise. Par des politiques
conjoncturelles qui se veulent contracycliques, l’État peut diminuer la fiscalité des ménages et
des entreprises pour favoriser la demande effective et inciter à l’embauche. En période de
croissance économique, il adopte le comportement inverse et viendra diminuer les dépenses
publiques afin d’engranger des recettes en vue de relancer l’économie en cas de récession.
La fiscalité est un outil au main de l’État qui lui permet de réguler l’économie afin de conserver
une certaine stabilité. Les rentrées fiscales se veulent relativement plus importantes que celles
prévues dans le cadre de la théorie classique.
8 JM. Monnier: « L'impôt et la contrainte ou la dialectique de l'autonomie et de la responsabilité » in
www.lecercledesfiscalistes.com
11
Le keynésianisme qui favorise l’intervention des pouvoirs publics reste une doctrine libérale et
sa pensée théorique est souvent associée à tort au socialisme d’État qui lui aussi loue les
bienfaits de l’interventionnisme étatique. La différence essentielle entre ces deux courants
résulte dans leur champ d’application. Keynes est un défenseur des libertés individuelles mais
ne conçoit sa théorie que dans un cadre purement économique qui cherche à promouvoir la
consommation, facteur de croissance économique. Le socialisme d’État ou socialisme
démocratique comme il existe en Italie et plus particulièrement en France intervient dans
l’économie mais participe à l’amélioration des conditions de vies en garantissant un certains
nombres de droits pour tous qui tendent à la diminution des inégalités.
Les 20ème et 21ème siècles seront marqués par la lutte des idées politiques dont les théories ont
pour objectif commun d’adapter la gouvernance des États aux changements économiques en
vue de garantir la stabilité du pays.
Tous les États poursuivent le même objectif de croissance économique mais ils ne partagent pas
tous la même approche.
La population, par voie électorale, décide de la mise en place des politiques qui lui sont
proposées. La majorité obtenue indique que chaque individu admet consentir à ce nouveau
mode de gestion.
Malgré le respect des principes démocratiques (participation et consentement), la tendance
insurrectionnelle inhérente à l’impôt n’est pas pour autant écartée et des modalités d’exécution
qui serait considérées comme injustes par la population peuvent encore générer des révoltes
comme ce fut le cas, au début des années 50 en France, lors du mouvement de Pierre Poujade
qui s’opposait physiquement à l’action de l’administration fiscale.
Pour autant qu’elles furent revendicatrices, elles n’ont pas eu l’apanage de la Révolution
française et le système démocratique a permis d’institutionnaliser ses mouvements en les faisant
entrer dans le jeu politique.
La réussite du système fiscal nécessite de déterminer le point d’équilibre entre la recherche de
l’intérêt général et le respect des libertés individuelles.
La contrainte étatique sans laquelle ne serait possible aucune perception suit cette même
logique et constitue un facteur essentiel à la paix sociale. En ce sens la contrainte est légitime et
pose un cadre dans lequel s’équilibre les libertés de chacun conformément à la volonté de la
nation. Mais une contrainte fiscale trop faible ou trop forte des gouvernants ne permet pas
d’honorer les missions pour lesquelles ils ont été mandatés. L’État vient affaiblir : «le pacte
12
éthique liant individus et société dans une même construction institutionnelle.»9. Ce cas de
figure se retrouve lorsque les politiques publiques refrènent ou rendent impossible l’exercice
des droits reconnus de tous.
Il existe un autre aspect à prendre en compte en matière de légitimité de l’impôt et qui attrait à
la pression fiscale. Notre loi suprême impose aux gouvernants de tenir compte de la capacité
contributive de chacun et d’adapter le prélèvement fiscal à celle-ci. L’objectif fondamental est
d’éviter que la pression fiscale exercée sur les personnes ne devienne intenable. A défaut le
système fiscal perd de sa viabilité, il s’essouffle et essuie un rejet total de la population.
Face à ces situations réalistes, le comportement qualifié de déviant des personnes qui
n’honorent pas leurs obligations fiscales devient tout à fait légitime puisqu’il permet de
rééquilibrer la relation née du contrat qui lie l’État à la nation. Le refus de payer devient une
forme de résistance10 au vertu salvatrice car elle évite à la nation de tomber dans l’aliénation
fiscale et la dépossession de sa souveraineté.
Ce comportement de l’État serait d’autant plus critiquable puisque la nature abstraite de cette
entité n’a de raison d’être que de protéger et servir les intérêts de la nation. En agissant
différemment les détenteurs du pouvoir ne respectent plus leurs devoirs et modifient l’objet qui
forme le pacte démocratique.
Cette perte de légitimité nécessite soit une réadaptation du système fiscal à la réalité socio-
économique dans laquelle évolue la nation soit une modification du régime politique en place.
L’exercice de la fiscalité nous permet d’appréhender la viabilité d’un système
politique. Cette vision est relative à nos États (France-Italie) modernes monétarisés où la
solidarité se veut par principe nationale et s’exécute au travers de l’impôt. Cette approche
bienveillante de la société se caractérise par le nombre et la qualité des services publiques mis à
disposition des individus, mais aussi par l’accessibilité au moins minime de ces services à tous.
Par principe, l’État fut demandé par la Société civile pour veiller à son organisation et à son bon
fonctionnement. Pour ce faire, il fut doté de pouvoirs, et la mise en place de ces pouvoirs
nécessite des moyens financiers. C’est pour cela qu’il est demandé une contribution monétaire
aux commanditaires de l’action de l’État à savoir la Nation. Il est donc logique qu’au plus l’État
agira pour l’intérêt national, au plus il sollicitera financièrement la population.
9 Jean-Marie Monnier, Ibidem.
10 JC Martinez et J Lamarque , 1789-1989 la révolution fiscale à refaire, Paris, Litec 1986, 356p
13
L’individu peut parfois perdre de vue la raison d’être de la contribution aux charges publiques.
Ne prônant que son intérêt particulier, il occulte le caractère régulateur de l’impôt. L’évasion et
la fraude sont considérées dans nos deux pays comme un sport national et atteindre son but
confère à nos sportifs du genre un sentiment de fierté, de réussite. En termes de culture
juridique, les italiens et les français sont très proches, ils partagent la même vision de ce
comportement considéré illégal, et la plupart trouvent normal de chercher à préserver son
patrimoine par tous moyens.
Il est vrai que peu de personnes acceptent volontiers d’être imposées, souvent ils considèrent
l’impôt comme excessif et injuste; ce qui d’un point de vue psychologique peut se comprendre.
L’impôt ne se définit-il pas comme un transfert définitif, par acte de puissance publique, du
patrimoine privé vers le patrimoine public en vu de la réalisation des objectifs fixés par l’État
lui-même11 .
Pour tout juriste cette approche est normale car elle respecte un des principes qui fondent nos
finances publiques, celui de l’universalité budgétaire et de la règle de non affectation des
recettes aux dépenses. Mais pour l’individu cela se traduit par un sentiment de frustration, il ne
perçoit pas matériellement l’utilité de son impôt. Il a l’impression que la puissance publique
attend immobile que lui soit reversée une partie du tribut des personnes (physiques et morales) ,
comme s’il s’agissait du paiement d’un droit d’exercice.
L’État vous autorise à vous enrichir sur son territoire et en contre partie nous nous devons de lui
reverser une rétribution, là est l’idée de l’imposition dans l’esprit populaire; et l’individualisme
grandissant ne fera qu’accentuer ce sentiment .
Ce refus partiel ou total de l’imposition par le biais de l’évitement fiscal porte directement
atteinte aux finances publiques mais possède également une dimension morale importante. Le
pacte social instauré entre les individus est générateur de droits et de responsabilités et comme
l’indique le Pr. Monnier, par cette attitude négative :« c'est le lien social entre chacun des
membres de la collectivité qui est ici mis en cause »12 ce qui fragilise l’exercice de la vie en
communauté.
11
Pierre Beltrame, « La fiscalité en France » 15eme Ed, les fondamentaux 12
Jean-Marie MONNIER, « L'impôt et la contrainte ou la dialectique de l'autonomie et de la responsabilité », le cercle
des fiscalistes.
14
La révolution française, le pacte social de JJ Rousseau sont connus à travers le
monde et ont fait de la France, le pays des droits de l’homme et de la liberté individuelle. Mais
la mise en place de cette idéologie ne s’est pas faite uniquement par la pensée, elle a nécessité
un financement qui a pu être honoré grâce à l’imposition.
La société admet ce postulat, mais l’homme par nature a du mal à accepter cette évidence, c’est
pourquoi il tentera dès que possible de se soustraire à son obligation de participation financière
aux charges de l’État.
Cette caractéristique de l’Homme est parfaitement représentée dans la citation, de feu, le
Président Pompidou : « La fraude est à l’impôt, ce que l’ombre est à l’Homme ». La fraude est
indissociable de l’impôt et dans cette optique l’Homme est considéré comme un fraudeur né. Il
cherchera par divers moyens à diminuer tout ou partie de son revenu imposable, dans un unique
dessein qu’est celui de l’enrichissement personnel.
Il faut adopter ici une interprétation large du mot « revenu imposable », elle fut pensée par les
économistes du milieu du 20ème siècle qui considèrent le revenu : « comme l’enrichissement
net du sujet économique au cours d’une période donnée; ce gain régulier ou exceptionnel peut
être monétaire ou non »13. Cette définition a été reprise par la loi14 après la seconde guerre
mondiale car elle répondait au souci d’accroître les rentrées budgétaires et correspondait au
principe d’annualité de l’impôt « au cours d’une période donnée ».
Autre avantage de cette définition, c’est l’utilisation du terme « l’enrichissement du sujet
économique », il permet d’inclure dans cette définition tout acteur de l’économie dont l’activité
génère un profit, donc l’obligation fiscale doit peser sur toutes les personnes tant physiques que
morales. C’est à cette époque que le législateur de la plupart des pays européens dont la France
et l’Italie, a institué l’impôt sur les sociétés. L’instauration de cet impôt tout comme la création
de l’impôt unique sur le revenu n’a pas été facile à mettre en place.
S’agissant de l’impôt sur les sociétés, une partie de la doctrine française n’adhérait pas à cette
nouvelle règle, car elle liait l’imposition à la notion constitutionnelle de citoyenneté et elle
considérait que l’obligation fiscale qui pèse sur l’individu naît de la quote-part indivisible de
souveraineté nationale que le citoyen détient. Considérant à juste titre que la personne morale
est une abstraction juridique dénuée de citoyenneté, elle ne doit pas s’acquitter de l’impôt, la
richesse générée par ces entités gérées par des personnes physiques servira en tout état de cause
à l’accroissement des revenus de l’individu citoyen qui verra la totalité de sa richesse imposée.
13
Pierre Beltrame, « La fiscalité en France » 15eme Ed, les fondamentaux 14
Art 36 et suivant CGI; Art 75 et suivant TUIR
15
Cette conception doctrinale ancienne a vite été abandonné face aux exigences économiques et
au montant des recettes que cela pouvait engendrer.
Le champ d’application de l’impôt sur les sociétés n’a cessé de s’accroître touchant d’abord les
sociétés de capitaux pour s’étendre à toute société à caractère commercial et même à certaine
société civile (marchand de biens).
Selon le Pr. Beltrame15, il est fort aisé de justifier à ce jour la taxation de la personne morale.
Tout d’abord, elle détient un capital propre avec un patrimoine juridiquement distinct de celui
des associés. Ce capital tend à s’accroître au fil des exercices tirant profit de son activité au sein
de la société des hommes et profitant de l’infrastructure de celle-ci. La prise en compte des ces
éléments autorise donc à un prélèvement fiscal qui se matérialise par le transfert de façon
définitive d’une partie de son patrimoine social vers le patrimoine public de l’État qui mène les
politiques publiques.
Ensuite, la création de l’impôt sur les sociétés se justifie par le fait qu’en son absence les
actionnaires verraient leurs revenus imposables injustement augmentés car entrerait dans le
calcul de l’impôt sur le revenu la totalité des bénéfices de la société au prorata des actions
détenues par ces mêmes associés. Cette vision est juridiquement viable mais elle n’est pas
réaliste car elle ne se soucie pas de la réelle affectation des bénéfices (réserve, autofinancement)
décidée par le conseil d’administration.
A contrario, le prélèvement fiscal sur la part du bénéfice net de la société préserve les
actionnaires, notamment les plus petits qui n’ont pas de pouvoir de décision, puisque n’entre
dans le calcul de l’impôt sur le revenu que la part effectivement distribuée.
Enfin, toujours selon Pr. Beltrame, il existe un avantage pratique, il est plus facile de recouvrir
l’impôt qui devra être payé spontanément par la société plutôt que d’ordonner le paiement de
l’impôt à des centaines voire des milliers d’actionnaires.
Pour certains praticiens du droit, l’impôt sur les sociétés trouvera sa justification notamment
dans la nécessité de ne pas créer de zone d’accumulation de capital qui n’entrerait pas de façon
direct dans le champ d’application de la fiscalité. Il aurait aussi une vertu économique car
il inciterait à l’accroissement de la rentabilité économique des capitaux investis.
15
Ibidem
16
Le souci inhérent à l’impôt sur les sociétés est qu’il y a une superposition des impôts qui
pourrait être considérée comme un cumul d’imposition. La science juridique ne considère pas
cela comme un cumul car s’il s’agit du même flux financier mais de deux contribuables aux
patrimoines distincts, donc légalement on ne peut qualifier cela de cumul, mais
économiquement parlant il s’agit bien d’un cumul. C’est pourquoi les législateurs de la plupart
des pays industrialisés dont l’Italie ou la France ont opté pour un régime propre à l’imposition
des dividendes distribués qui prévoit un abattement fiscal ou un crédit d’impôt.
L’impôt sur les sociétés tout comme l’impôt sur le revenu opère par acte de puissance public un
transfert définitif d’une partie du patrimoine privé vers le patrimoine publique afin que l’État
puisse conduire des politiques d’intérêt général.
La volonté de diminuer l’impôt touche à la condition du transfert d’une partie du patrimoine
privé du contribuable, c’est pourquoi la dissimulation à l’administration fiscale d’une partie ou
de la totalité des revenus de la personne physique aura pour avantage de limiter ce transfert et
ainsi conserver pour son intérêt particulier la partie non versée.
Cette logique s’applique naturellement à l’imposition sur les sociétés, car la conception légale
du non cumul des impôts n’intéresse que très peu les associés qui optent pour la vision
économique de cette superposition. Une conception partagée par de nombreux associés
considère à juste titre qu’il faille pallier à cette perte financière en tentant de limiter le montant
du bénéfice imposable soit pour des raisons de pure enrichissement soit pour assurer un seuil de
compétitivité nécessaire à la pérennité de l’entreprise qui évolue dans un marché international
hautement concurrentiel.
Selon le pays dans lequel nous nous trouvons, la détermination du bénéfice imposable obéira a
des règles diverses. Plusieurs théories sont reconnues, la plus ancienne appelée théorie du
compte d’exploitation considère que l’assiette de l’impôt couvre les opérations conformes à
l’objet même de l’entreprise ainsi que les marchandises et les matières premières en sa
possession. Cette théorie tire son nom du fait que ces opérations sont notées dans le livre de
comptabilité à la rubrique « compte d’exploitation », toutes les autres opérations ne sont pas
prises en compte.
La théorie du bilan quant à elle tient compte pour le calcul de l’impôt du profit né de la
différence entre l’actif net en fin de période et l’actif net en début de période, diminué des
apports extérieurs et augmenté des prélèvements effectué par le chef d’entreprise. Cette
17
méthode retenue notamment par l’Allemagne est longue et compliquée à mettre en œuvre, elle
nécessite une certaine rigueur car il faut en principe réévaluer la totalité des actifs en fin
d’exercice tout en tenant compte de l’inflation monétaire.
La plupart des pays industrialisés dont la France et l’Italie ont opté pour une conception
intermédiaire dont l’évaluation de la base imposable vient de la différence entre les éléments
positifs (le bénéfice d’exploitation, les plus-values d’actifs, recettes accessoires) et les éléments
négatifs (frais généraux, amortissements, provisions) qui donne le bénéfice net imposable. Il est
possible de reporter les déficits des exercices antérieurs afin de corriger le découpage artificiel
inhérent au principe de l’annualité de l’impôt.
La présentation du mode de calcul de l’impôt sur les sociétés est indispensable à la
compréhension de notre sujet car la diminution du revenu imposable passera obligatoirement
par la majoration ou la diminution d’une des composantes de ce calcul. En matière de prix de
transfert, l’objectif sera l’augmentation ou la diminution du bénéfice d’exploitation des deux
entreprises liées. Quoiqu’il en soit la manipulation des prix de transfert ne remet pas en cause la
richesse produite par leurs relations commerciales, elle servira à limiter l’imposition des profits
en les localisant dans le pays le plus intéressant fiscalement. L’entrepreneur adopte une gestion
globale de son activité en optimisant sa fiscalité. Le but poursuivi par le dirigeant est de
minimiser le plus possible la part de ses bénéfices qu’il devra reverser aux autorités
administratives.
En matière de commerce internationale, toutes les entreprises ne sont pas du tout égales devant
l’impôt. La diversité des législations fiscales entraîne un taux d’imposition différent.
L’entreprise selon l’endroit où elle se trouve devra tenir compte dans ses prix de vente de la
charge fiscale qu’elle devra supporter afin d’arriver à un certain niveau de marge net. Pour
autant la politique de prix pratiqué est conditionnée par l’obligation de rester compétitif par
rapport aux sociétés concurrentes et dont certaines ne subissent que très peu ce coût de la
fiscalité. Cette double donnée de rentabilité et de fiscalité exerce une contrainte sur les sociétés
se situant sur des territoires à haute pression fiscale les obligeant à diminuer leur marge pour
rester compétitif et éviter la perte de client. A contrario les autres sociétés profitent de cette
situation d’élimination de la concurrence sans avoir rien à faire et tendront à accentuer ces effets
en baissant légèrement leurs prix de vente remettant ainsi en cause la politique de prix pensée
par les entreprises sous la contrainte fiscale.
18
L’imposition des sociétés en France comme en Italie respecte le principe de
territorialité, c'est-à-dire que toute société exploitée sur le territoire national doit payer l’Impôt
sur les Sociétés (IS) ou l’Imposto sui Redditi delle Società (IRES). Une société est considérée
comme étant exploitée sur le sol national16 dès lors qu’elle possède une installation fixe
d’affaires, qu’elle a pour objet la recherche de profit et qu’elle jouisse d’une autonomie de
gestion.
Pour information, le montant de l’imposition des sociétés en France représente en principe
33,33% des montants déclarés au cours d’une année ; en Italie le taux général applicable au titre
de l’IRES est de 27,5%. Par exception, il existe dans nos législations des taux réduits qui
répondent à des politiques fiscales du moment. Celles-ci peuvent tendre à la préservation ou la
promotion d’un type d’activité, d’une situation géographique ou encore être relative à la taille
de l’entreprise. Le taux moyen dans la zone euro pour l’imposition des sociétés est estimé en
2012 à 26,1%17.
L’administration qui s’occupe de l’établissement, du recouvrement et du contrôle de l’impôt est
généralement rattachée au Ministère des Finances.
Pendant de nombreuses années en France, deux administrations distinctes mais
complémentaires avaient la charge de cette mission. Il s’agissait de la Direction Générale de
Comptabilité Publique (DGCP) et la Direction Générale des Impôts (DGI) qui établissaient
l’assiette imposable et effectuaient la mission de contrôle.
La DGCP et la DGI se partageaient la compétence en matière de recouvrement des impôts
directs, indirects locaux ou étatiques. Concernant l’impôt sur les sociétés les deux
administrations pouvaient être compétentes selon le type d’impôts en question (bénéfices
distribués ou non) ou selon les décisions des différents gouvernements en place. Mais ce fut en
dernier lieu la DGI qui devait s’occuper du recouvrement et du contrôle de l’impôt sur les
sociétés.
Historiquement, le souhait du ministère des finances de rapprocher ces deux institutions n’est
pas nouveau, plusieurs tentatives furent avortées du fait d’importants de mouvements
d’opposition de part les fonctionnaires visés par cette réforme mais aussi du fait de la
16
Art 209-I CGI 17
« Europe, évolution des taux d’imposition en 2012 », site www.vie-publique.fr
19
réglementation, notamment celle sur la comptabilité publique18 qui instaure une séparation
stricte entre les ordonnateurs et les comptables. Ce principe veut que toute dépense et recette de
l’état soit prescrite par l’ordonnateur mais que le paiement se fasse après contrôle de régularité
par le comptable, l’objectif est d’éviter tout détournement de deniers publics.
Dans un souci de modernisation et d’économie de moyen, le gouvernement de 2008 est venu
fusionner ces deux institutions par une décision prise lors du Conseil de Modernisation des
Politiques Publiques (CMPP) qui a eu lieu le 04/04/2008 afin de donner naissance à la Direction
Générale des Finances Publiques (DGFiP). Le commandement a été centralisé dans un même
lieu, les services ont été regroupés. Il est clair que le rassemblement ne s’est pas seulement fait
dans les textes, il eut matériellement et physiquement lieu.
La DGFiP est placée sous l’autorité du ministère de Budget, des Comptes publics et de la
Fonction publique ;elle reprend les missions précédemment confiées à la DGI et le DGCP mais
a pour objectif de part son unité de mieux articuler le service de l’état en matière de finances
publiques.
Dès août 2008 la DGFiP est devenue opérationnelle, cette organisation centrale s’articule en 3
pôles :
- Le pôle gestion Fiscale qui reprend les activités de l’ancienne DGI ainsi que le
recouvrement de l’impôt direct des particuliers.
- Le pôle gestion Publique qui récupère les fonction de l’ex-trésor public mais sans la
mission de recouvrement de l’impôt qui lui était impartie.
- Le pôle dédié au pilotage de ses moyens dont le rôle est d’optimiser l’action des
différents services fiscaux afin d’obtenir un meilleur rendement tant en matière fiscale
qu’en matière de satisfaction du contribuable.
Concernant le niveau d’organisation, nous retrouvons celui précédemment existant à savoir un
niveau national et un niveau territorial.
Les services centraux ont une compétence nationale mais particulière, on retrouve notamment :
18
Décret 29/12/1962 n°62-1587
20
- Le service des domaines qui est le garant du patrimoine de l’État, il est chargé de
l’évaluation du patrimoine de l’État, effectue les acquisitions et les cessions des biens de
l’État.
- La direction des grandes entreprises (DGE) qui est en charge des dossiers fiscaux des
entreprises réalisant un chiffre d’affaire supérieur ou égal à 400 Millions d’euros
- La division de vérification nationale et internationale (DVNI) qui s’occupe du contrôle
des grandes entreprises
- La direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) qui travaille sur le repérage des
circuits de fraudes fiscales
- La direction nationale de vérification des situations fiscales personnelles (DNVSF) qui
s’occupe de contrôler les revenus des personnes à hauts revenus.
- La direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG) qui a pour
mission la gestion et le contrôle des entreprises étrangères sans établissement stable en
France et des personnes physiques non résidentes ayant des revenus de source française
ou y possédant un patrimoine immobilier les rendant redevables de l'ISF.
- La direction des services informatiques (DISI)
- L’école nationale de finances publiques (ENFiP).
Les services déconcentrés de la DGFiP se trouvent sur tout le territoire français et ont une
compétence générale, ce sont :
- Les directions régionales des finances publiques
- Les directions départementales des finances publiques
- Les directions spécialisées et les directions locales des finances publiques prévues pour
l’Outre Mer.
- Les services de conservations des hypothèques
- Les services des impôts des particuliers et/ou des entreprises
- Les directions spécialisées en matière de contrôle fiscal.
Pour répondre à notre sujet nous nous référerons principalement à la DVNI ainsi qu’à la DGE.
L’administration fiscale italienne est organisée autour du « Dipartimento delle Finanze», de
quatre agences fiscales autonomes : « l’Agenzia delle Entrate, l’Agenzia della Dogana,
l’Agenzia del Territorio, l’Agenzia del Demanio » et d’un corps militaire, la « Guardia di
21
Finanza » qui est une police financière directement rattachée au Ministère de l’Économie et des
Finances, chargé de la protection des intérêts économiques et financiers de l’État italien et de
l’Union européenne. Elle effectue des missions de sécurité publique et de police judiciaire mais
elle intervient principalement pour lutter contre le fraude fiscale en concurrence avec les autres
agences.
L’équivalent de notre DGFIP en charge de l’établissement, du recouvrement et de la vérification
de l’impôt au sens large est appelé « Agenzia delle Entrate » ce qui signifie littéralement
« l’Agence des entrées ».
L’ « Agenzia delle Entrate » est une personne morale de droit public, elle fut créée par l’art 57
du Décret Législatif (DL) du 30/07/1999 n°300 portant sur la réforme du gouvernement.
Son statut fut approuvé lors de la délibération du comité directeur du 13/12/2000 et ajourné par
délibération du comité de gestion du 21/03/2011.
Ce statut lui confère dans son article 1er, une indépendance réglementaire, administrative,
patrimoniale, organisationnelle, comptable et financière. Par cette mesure, il est clair que cette
entité publique revêt un caractère et une mission de la plus haute importance et jouit d’une
autonomie de gestion et d’organisation. Mais comme tout pouvoir nécessite un contre pouvoir
afin d’éviter les débordements, l’art 2 de ce même statut dispose que l’ « Agenzia delle
Entrate » exerce ses missions sous la haute vigilance du ministère de l’économie et des finances
et sous le contrôle de la cour des comptes.
L’art 4 de ce statut nous présente les principales missions conférées à cette administration. Il
s’agit en 1er lieu de porter assistance à tout contribuable en fournissant des informations en vue
d’élaborer la juste imposition conformément aux lois et règlements en vigueur. L’agent
administratif devient un réel consultant fiscal.
L’ « Agenzia delle Entrate » a pour mission de lutter par voie de contrôle et de vérification
contre toute forme d’évasion fiscale.
Elle gère et représente les intérêts de l’État italien dans les phases contentieuses et
juridictionnelles. Il est à remarquer que l’ « Agenzia » a statutairement obligation de recourir et
favoriser les procédures de conciliation pour la résolution de conflits.
Elle participe à l’exécution des obligations conventionnelles en matière fiscale.
L’ « Agenzia delle Entrate » est constitué de 3 organes :
22
Le directeur de l’agence qui est l’organe primordial et permanent de l’agence, il est nommé
pour trois années. C’est lui qui gère au quotidien les actions de l’agence. Il préside le comité de
gestion, détermine la stratégie en matière de contrôle fiscal et fait part de l’activité de l’Agence
auprès du ministère de l’Économie et des Finances.
La plupart de ses actions sous soumises à délibération du 2eme organe de l’agence qui est le
comité de gestion « comitato di gestione ». Son rôle est d’assister le directeur et de donner son
avis concernant les actes réglementaires voulus par le directeur. Le comité est composé de
quatre membres élus également pour trois années, deux d’entre eux dirigent obligatoirement
une direction centrale ou une direction régionale. Le directeur demande sa réunion dès qu’ il
estime nécessaire afin de connaître la position du comité et renforcer ainsi la décision qu’il a
prise ou prendra. Mais statutairement, il a obligation de le convoquer au moins quatre fois
l’année afin qu’il puisse délibérer sur le statut, le budget de l’agence et toute mesure
indispensable à son organisation.
Toutes les décisions sont votées à la majorité des personnes présentes, avec en cas d’égalité
voix prépondérante du président du comité. En matière de statut toutes les décisions sont prises
à la majorité absolue de tous ses membres.
Le 3eme organe est dénommé le collège des commissaires aux comptes « collegio dei revisori
dei conti ». Il est élu pour trois ans et est composé d’un président, de deux membres permanents
et deux suppléants. Son rôle est de veiller à la régularité des comptes de l’agence ainsi qu’à la
conformité des actes réglementaires par rapport à la loi. Il examine le budget et contrôle le
bilan. Il peut demander au directeur de l’agence des précisions concernant la gestion de
l’agence et informe le ministère de l’Économie et des Finances des éventuelles irrégularités.
Il assiste de droit à toutes les réunions du comité de gestion. Le collège se réunit sur demande
de son président au moins quatre fois l’année et sur demande de l’un de ses membres si cela se
révèle nécessaire.
Les décisions du collège des commissaires aux comptes sont votées à la majorité absolue.
L’ « Agenzia delle Entrate » est présente sur tout le territoire italien et s’articule autour d’un
directeur en bureau central ou périphérique. Il existe sept directions centrales, dix neuf
directions régionales et les directions provinciales de Bolzano et Trieste situées dans le nord Est
de l’Italie.
Chaque bureau est sous la responsabilité d’un dirigeant.
23
Les responsables de ses bureaux ont des rôles très importants car ils font exécuter la loi et les
décisions prises par le Directeur de l’agence, ils lui rendent compte de leur activité et peuvent
lui faire des propositions et lui exprimer des avis concernant l’application de la loi fiscale.
La direction centrale qui intéresse notre étude est celle de l’« Accertamento » qui calcule le
montant de l’impôt et c’est au sein de ce service que se trouve le secteur en charge des activités
de contrôle des grandes entreprises nationales et internationales. Ce service spécialisé gère les
relations entres administrations mais surtout assiste les entreprises italiennes qui exercent à
l’étranger et les sociétés étrangères qui exercent en Italie.
Nos administrations fiscales veillent aux intérêts financiers de nos états . Elles se doivent de
contrôler l’exactitude du montant de la base imposable déclarée par les sociétés qui exercent sur
nos territoires. Nous admettons qu’il est évident et logique qu’une personne morale cherche à
minimiser son imposition mais certains comportements sont admis alors que d’autres relèvent
de l’illégalité.
Il existe plusieurs pratiques en vue de diminuer le bénéfice imposable. Certaines d’entre elles
seront considérées comme de la fraude alors que d’autres seront qualifiées d’évasion voire
d’optimisation fiscale.
Ces 3 concepts visent le même dessein, la diminution du revenu imposable, donc nous ne
pouvons retenir comme critère de distinction l’évitement de l’impôt.
La fraude ne se caractérise pas par la finalité de l’acte mais par la méthode utilisée pour
atteindre son objectif.
La doctrine19 définit la fraude comme une infraction à la loi commise dans le but d'échapper à
l'imposition ou d'en réduire le montant.
Le terme infraction renvoie au droit pénal et nécessite la réunion des trois éléments constitutifs
de l’infraction :
- L’élément légal se trouve dans le code général des impôts à l’art 1741 Code Général des
Impôts (CGI).
- L’élément moral est l’intention de se soustraire volontairement à l’impôt, ce qui
implique qu’en vertu de l’adage : « nul délit, sans intention », si le caractère volontaire
d’éviter l’impôt n’est pas démontré, il ne peut y avoir condamnation pénale.
19
Pierre Beltrame, « La fiscalité en France » 15eme Ed, les fondamentaux
24
- L’élément matériel peut être de multiples formes, il s’agit d’une action ou omission
visant à tromper l’administration fiscale, ce peut être l’omission de déclaration ou
l’émission de fausses factures etc.…
Le manquement d’une de ces conditions rend impossible toute condamnation.
Même si le délit de fraude est présent dans le code général des impôts, la compétence
juridictionnelle appartient au juge pénal.
La « frode fiscale » en droit italien répond aux mêmes critères de forme et de fond que la
fraude en droit français.
La fraude entraîne donc une condamnation pénale, c’est d’ailleurs le critère énoncé par le Pr. B.
Castagnède20 qui distingue la fraude de l’évasion « non pas par rapport à la nature de
l’opération mais par rapport aux conséquences en matière de répression pénale qu’elle entraîne
ou par rapport à l’application effective de la règle fiscale selon qu’elle est plus ou moins
permissive […] Fraude ou évasion ont en commun de priver l’État de recette. ».
Même si la finalité est la même, la fraude demande une violation manifeste de la loi fiscale.
Donc la fraude est à différencier de l’évasion qui ne se traduit pas par la violation manifeste de
la loi fiscale entraînant une sanction pénalement répréhensible.
La notion d’évasion est à rapprocher de celle d’optimisation fiscale qui est l’utilisation de la loi
la plus favorable à la fiscalité de la société. Elle consiste aussi en un investissement financier
dans un secteur donné où il existe des exonérations ou réductions d’impôt, ce qui a un double
intérêt : diminuer le revenu global imposable et profiter d’une rentabilité à moyen long terme
qui ne sera que peu ou pas imposée. Cette optimisation est généralement permise par des
politiques fiscales choisies par les pouvoirs publics. Son objectif est de dynamiser un secteur de
l’économie et/ou une zone géographique délaissée, l’État vient donc orienter les investissements
du secteur privé en lui offrant en contre partie une diminution de son revenu imposable. Ces
investissements auront en théorie pour effets de générer une croissance économique sur le
secteur donné, c’est un moyen intelligent et normalement moins onéreux car l’État n’a pas à
puiser directement dans ses réserves budgétaires.
Dans nos États de droit, il serait improductif pour un entrepreneur de ne pas opter pour le
régime ou mesures fiscales qui conduiraient à une diminution de son revenu imposable, et à la
conservation de son patrimoine. Une décision du CE21 rappelle cette logique entrepreneuriale
20
RFFP, n°110 avril 2010 21
CE 16/06/1976
25
qui tend à minimiser les coûts fiscaux et accroître la rentabilité nette. L’utilisation sensée des
dispositions fiscales offre à l’entreprise qui évolue dans une économie libéralisée, un moyen
supplémentaire de mieux se positionner sur le marché par rapport à ses concurrents en
proposant soit un prix inférieur en valeur absolue ou en valeur relative à la qualité proposée.
Une prise de position contraire du CE aurait été paradoxale car les États exercent entre eux une
concurrence fiscale. En proposant des mesures incitatives, les États tendent à favoriser un
secteur et/ou à faire venir des entreprises sur leur territoire. ils n’hésitent pas à sacrifier des
entrées fiscales en vue de pérenniser l’économie du pays et créer de l’emploi. Cela nous montre
que la diminution tout comme la majoration des taux d’imposition sont des outils au service de
la croissance économique. L’utilisation de l’une ou l’autre mesure sera d’un point de vue
général relative à la structure économique du pays. Un pays riche et qui recense de nombreuses
entreprises aura un taux d’imposition plus élevé par rapport à un pays où résident peu
d’entreprises qui de ce fait opteront pour un taux plus faible afin d’augmenter son attractivité.
Les pays les plus riches appliquent aussi de façon particulière des taux d’imposition ou des
mesures fiscales préférentielles afin d’attirer sur leur territoire des activités à forte rentabilité.
Les entreprises conscientes des infrastructures et de la sécurité politique qu’offrent ces États ont
tout intérêt de profiter de l’avantage fiscal en s’installant sur l’un de ces territoires.
En adoptant une théorie gagnant-gagnant, les entreprises s’assurent un confort environnemental,
un bénéfice net accru et les États s’assurent l’imposition d’une nouvelle activité à marge
bénéficiaire élevée.
Sur ce point les États agissent comme des entreprises qui lorsqu’elles souhaitent pénétrer un
nouveau marché n’hésiteront pas à baisser leurs marges en vue de s’accaparer un certain
nombre de part. Et une fois bien positionnées sur le marché, elles modifieront leur politique de
prix afin d’accroître leur rentabilité et arriver à une marge bénéficiaire équivalente à celle
obtenue dans leur pays d’origine. Il en va de même pour la fiscalité sauf que la finalité
poursuivie n’est pas l’enrichissement de l’État mais le financement des politiques publiques
essentielles au pays. Dans une optique keynésienne cela passera par la promotion de
l’investissement ou la création de réserve en vue de pallier à la prochaine période de récession.
La politique fiscale conduite par un État se veut liée à ses besoins budgétaires, c’est pourquoi
un pays dont les besoins économiques et sociaux sont moindres pourra instaurer une politique
fiscale qui lui est adaptée. La nation comme les entreprises seront satisfaites de cette situation
puisque l’objectif pour lequel a été attribué ce pouvoir d’imposition à l’État sera atteint. Par
26
exemple, un pays à faible population et avec un PIB élevé pourra proposer un taux plus bas
donc plus attractif qu’un pays avec un PIB élevé mais avec une forte population. Le besoin de
financement d’un pays est conditionné par un aspect économique certain mais également par un
aspect socioculturel qu’il ne faut pas négliger.
Un pays où la solidarité humaine est fortement présente au niveau local viendra dégager en
partie l’État de certaines obligations alors qu’un pays où la solidarité humaine se veut
principalement nationale viendra générer une charge supplémentaire dont l’État devra tenir
compte pour estimer le coût des politiques publiques à mener. La considération de ces
différentes données est nécessaire à l’établissement d’un budget de l’État qui doit répondre aux
attentes de sa population. Ainsi, il apparaît normal de voir certains pays avoir une charge fiscale
moins importante par rapport à d’autres ; mais il ne faut pas pour autant considérer ce système
fiscal plus favorable comme un acte de concurrence déloyal. L’État qui fixe une imposition, en
fonction de ses besoins, et qui tend à diminuer les taux d’imposition en vue de faire venir des
entreprises qu’il n’aurait pas vu arriver s’il n’avait pas fait ce choix ne vient pas appauvrir son
pays au contraire il vient accroître les rentrées fiscales. Une fois les entreprises ancrées dans le
tissu économique national, L’État pourra augmenter ses taux d’imposition si les politiques
publiques le requièrent. Si ces taux restent compétitifs ou équivalents aux autres pays il pourra
toujours compter sur un calcul coût-opportunité des entreprises (coût du déménagement, capital
humain) les incitants à rester sur le territoire.
Le système juridique de la plupart des États imposent à leurs entreprises le respect du principe
de concurrence. Par souci d’égalité et de légalité, ils doivent se l’imposer à eux-mêmes et ne pas
prévoir des régimes fiscaux préférentiels qui se veulent dommageables au bon fonctionnement
de l’économie. Mais, en réalité ce n’est pas toujours le cas et tous les États ont déjà pris cette
voie pour favoriser leurs entrées fiscales, comme la France avec le régime de taxation au taux
des plus-values à long terme des redevances sur brevet, ou l’Italie et les centres de services
financiers et d’assurance de Trieste22. Le risque de voir perdurer ces mesures préférentielles qui
se veulent lucratives à court terme pour l’État qui les applique peut être lourd de conséquences
puisqu’il entraîne les autres États dans «une course au moins-disant fiscal »23 nuisible au
commerce et qui pourrait à l’extrême aboutir à la destruction du fondement de l’imposition.
22
B. Castagnède: “ Précis de fiscalité internationale” p55-56 3ème Ed. 2010 PUF 23
Ibidem
27
Conscient de cet enjeu, l’OCDE avec son rapport de 1998 intitulé « concurrence fiscale
dommageable : un problème mondial », l’UE avec « le code de conduite dans le domaine de la
fiscalité des entreprises » du 01/12/1997 et les travaux qui ont suivis ont permis une grande
avancée en incitant à l’abolition ou la modification de certains régimes considérés comme
fiscalement déloyaux. Même si ce code n’est pas juridiquement contraignant, nombre d’États
membres ont respecté leur engagement politique. Sur ce point, les mesures françaises et
italiennes précédemment citées ont été modifiées pour l’une et abolit pour l’autre.
Le code de conduite de 1997 définit les mesures fiscales dommageables : « comme des
mesures (y compris les pratiques administratives) ayant, ou pouvant avoir, une incidence
sensible sur la localisation des activités économiques au sein de la Communauté et établissant
un niveau d'imposition effectif nettement inférieur à ceux qui s'appliquent ».
Malgré cette volonté politique d’endiguer ce phénomène, les pays qui rencontrent des
difficultés financières peuvent succomber à la tentation de favoriser la venue de gros capitaux
par des incitations pouvant heurter le principe de concurrence. Nous citerons à titre d’exemple,
l’utilisation du crédit d’impôt recherche pour les grands groupes et les banques en France24 ou
encore le régime des quartiers généraux et centres logistiques exercés par de nombreux pays
européens.
Considérant que l’évasion fiscale est majoritairement due à des différences d’appréciation entre
administrations, il est clair que la lutte contre la concurrence déloyale est primordiale pour
endiguer efficacement l’évasion fiscale internationale par les prix de transfert. Les États qui
prévoient des dispositions fiscalement favorables accentuent de fait la différence d’appréciation
entre administrations. Ce qui a pour conséquence de nuire à l’environnement juridique dans
lequel les groupes multinationaux évoluent et échangent. Et d’un point de vue économique, il
serait irrationnel d’attendre d’un groupe qu’il écarte ce type de mesure dont il serait certain d’en
tirer un bénéfice en l’opposant à l’éventualité d’une rectification de ses prix de transfert.
D’ailleurs c’est la prise en compte de ce mode de raisonnement par les États qui explique
l’existence de ces mesures fiscales préférentielles.
Cet aspect nous confirme, dans une optique transnationale, comme il est difficile pour une
entreprise de s’assurer que l’optimisation pratiquée d’un coté de la frontière ne sera pas
qualifiée d’évasion de l’autre coté.
24
Cf. Rapport d’information du sénat 18/07/2012
28
A la vue des différents éléments précédemment présentés, nous pouvons donc dire que l’évasion
fiscale se trouve à mi chemin entre la fraude et l’optimisation. Le souci est que le chemin est
mal délimité, ce qui peut fausser les décisions que l’entrepreneur aurait prises en toute
honnêteté. La violation d’une règle fiscale de façon involontaire n’exempte pas la personne
d’une sanction administrative. Il serait injuste de ne pas admettre que la complexité des
dispositions fiscales contribue à la réalisation des erreurs commises par l’entreprise ; pour
autant cela ne constitue pas une condition d’atténuation ou d’exonération de responsabilité.
D’un point de vue juridique, ce qui différencie l’optimisation des deux autres conceptions est la
sanction. L’optimisation est légale donc il ne peut y avoir de sanction contrairement à l’évasion
ou la fraude qui sont sanctionnées par la loi. La différence entre évasion et fraude réside dans la
nature de la sanction, pour la fraude la sanction sera pénale et répondra aux principes
fondamentaux du droit pénal alors que pour l’évasion fiscale la sanction sera administrative et
revêtira toujours un caractère pécuniaire propre à la rectification fiscale. Le contentieux
appartient au juge de l’impôt.
La fraude est un délit prévue à l’art 1741 CGI et à l’art 2 DL 10/03/2000 n°74 . Elle se
caractérise par le fait de se soustraire ou tenter de se soustraire frauduleusement au paiement
total ou partiel de l’impôt. La fraude est un acte délibéré comme par exemple, l’omission de
déclaration, la dissimulation de revenu. Ce comportement est à rapprocher de la théorie de
l’abus de droit25 qui sans être un délit, vient sanctionner le comportement délibéré d’une
personne dont le but exclusif est d’éluder l’impôt en dissimulant la véritable portée d’ un acte
légal (don) par un autre acte légal (vente). Pour caractériser un abus de droit, il faut que l’acte
pris ait un caractère fictif dont le but exclusif ou « essentiel »26 est l’obtention d’un avantage
fiscal. La définition de ce concept vient exclure de son champ d’application la manipulation des
prix de transfert car ces derniers constituent réellement un acte de vente dont le but principal est
celui de commercer.
Nous pouvons en conclure que c’est la répression pénale qui caractérise la fraude et c’est la
restauration de l’application effective de la loi fiscale qui caractérise l’évasion. L’évasion se
veut extra-legem mais pas contra-legem.
25
Art 64 LPF 26
CJCE arrêt Halifax 21/02/2006 et arrêt Cadbury Schweppes 12/09/2006.
29
Mais si nous nous tenons au sujet de la thèse, il fait état des méthodes de lutte contre l’évasion
fiscale des personnes morales via le prix de transfert. Il apparaît important de définir les
éléments du sujet afin de respecter le cadre de recherche qui porte sur la notion de prix de
transfert et la comparaison de ses moyens de contrôle. l’intérêt d’étudier cet aspect spécifique
de l’évasion fiscale se justifie par des données purement économiques
Le Droit est une discipline ouverte qui interagit avec d’autres domaines; il s’agit principalement
de l’économie, la sociologie et le politique dont il faut obligatoirement tenir compte pour
développer une thèse réaliste.
La libéralisation des marchés, la mondialisation de l’économie font que les échanges
internationaux se sont largement multipliés et devraient continuer dans ce sens. Lorsqu’on
étudie les données statistiques de notre économie on s’aperçoit selon les chiffres de L’OCDE
que 60% du commerce mondial27 provient des échanges effectuées au sein des groupes
multinationaux, cette justification économique parait suffisante pour centrer le sujet sur les
transactions entre sociétés liées caractérisées en droit par la notion du prix de transfert.
La notion de prix de transfert s’applique aux contrats de vente internationaux qui s’exécutent
entre sociétés dépendantes de droit ou de fait d’un même groupe. Ces contrats ont généralement
pour objet la fourniture d’un bien ou d’un service mais les prix de transfert englobent aussi un
autre aspect qui attrait à la cession ou mobilité des actifs incorporels au sein des grands groupes
internationaux. La nature immatérielle de certaine activité facilite leur transfert d’une société à
l’autre ce qui permet de profiter d’un avantage ou de se préserver d’un désagrément consécutif
à une modification législative d’un territoire où est établi le groupe. Le déplacement de ces
actifs incorporels ne se fait pas gratuitement et impose que la société détentrice les cède à leur
juste valeur au nouveau propriétaire. A titre d’exemple de cession d’actif incorporel nous
pouvons citer l’existence d’une plate-forme informatique sur laquelle toutes les entités du
groupe se connectent afin d’effectuer des commandes nécessaires à leurs activités comme l’
approvisionnement en marchandises pour le secteur de la grande distribution par le biais de la
centrale d’achat, ou la fourniture de billets de banques nécessaires au remplissage des
distributeurs automatiques de billet. Ce genre d’activité se veut centralisé car il permet de
diminuer les coûts par économies d’échelle. Vu la place importante qu’elle occupe dans le
processus de fabrication ou de commercialisation, elle génère un chiffre d’affaire conséquent et
une marge bénéficiaire très élevée. Mais la nature abstraite de ce type d’actif, rend son
27
Rapport au Ministre d’État, de l’Économie, des Finances et de l’Industrie : « Améliorer la sécurité du droit fiscal pour
améliorer l’attractivité du territoire, Bruno Gibert septembre 2004.
30
évaluation financière difficile et aléatoire. Ce qui fait que les États ne sont généralement pas
d’accord sur le prix de vente fixé. Le pays qui voit partir cette source de revenu considérera
souvent le prix de cession comme sous évalué et rectifiera sur la base d’un transfert indirect de
bénéfices les montants qui seront déclarés par la société cédante. A contrario le pays d’accueil
aura un double avantage à ne pas voir appliquer un prix de vente trop élevé. D’une part, il
profitera de nouvelles entrées fiscales liées à cette activité fortement lucrative et d’autre part, le
coût de l’ investissement sera amorti plus rapidement préservant ainsi le montant des bénéfices
futures qui seront déclarés par la société acquéreuse.
Dans un souci de réalisme, notre recherche s’orientera sur les firmes multinationales les plus
importantes car ce sont elles qui font l’économie dans nos pays mais également dans le monde.
En France, 55% du Chiffre d’Affaire total produit serait réalisé par 4500 entreprises28. Les 3/4
des échanges internationaux sont réalisés par des entreprises françaises appartenant à des
groupes multinationaux29. Du fait de leur importance, ces « Grands Contribuables »
nécessitaient une attention particulière. Ce fut le cas tant en France qu’ en Italie.
En Italie, une classification spéciale fut créée en 2009 pour les sociétés qui avaient réalisé au
cours de cette même année un CA hors taxe supérieur ou égal à 300 Millions d’euros. Ces
entreprises qualifiées de « rilevanti dimensione » 30 ont été encadrées par des mesures
spécifiques, et représentent à ce jour 3200 sociétés italiennes.
La DGFiP s’est dotée quelques années auparavant du service de la Direction des Grandes
Entreprises (DGE) qui fut instaurée par l’arrêté du 13/12/2000. Le service de la Direction des
Grandes Entreprises (DGE) est spécialement dédié aux sociétés d’une envergure économique
importante.
Elle a pour mission d’établir l’assiette, d’effectuer le contrôle interne et le recouvrement des
principaux impôts d’une catégorie de grand contribuable dénommée « Grandes Entreprises ».
Cette direction devient l’interlocuteur fiscal unique de ces Grandes sociétés.
Le périmètre d’action de la DGE dépend du Chiffre d’affaire réalisé au cours d’une année par
une société installée en France. Conformément à l’art 344-0 de l’annexe A du CGI qui crée la
qualification de « Grandes Entreprises », doivent être déposées au siège de la DGE en île de
France toutes les déclarations fiscales :
28
Institut de l’entreprise : « propositions pour une réforme du contrôle fiscal » p 36, 2006. 29
Rapport de la Direction des études et synthèses économiques de l’INSEE : « Commerce intra-groupe, fiscalité et prix
de transferts : une analyse sur données françaises », de S.Quantin, S.Raspiller et S.Serravalle (2009). 30
Art 27 comma 10 del decreto legge n° 185 de 2008
31
- Des personnes physiques ou morales ou groupements de personnes de droit ou de fait
qui à la clôture de l’exercice ont un Chiffre d’Affaire hors taxe ou un total de l’actif brut
figurant au bilan supérieur ou égal à 600 Millions d’euros31. Le seuil a été réduit à 400
M32 d’euros en 2005 afin d’augmenter le nombre d’entreprises rattachables à cet
interlocuteur fiscal unique spécialisé.
- Des personnes physiques ou morales ou groupement de personnes de droit ou de fait qui
détiendraient à la clôture de l’exercice de façon directe ou indirecte plus de 50% du
capital ou des droit de vote d’une personne physique ou morale dont l’actif brut total ou
le CA hors taxes serait supérieur ou égal à 400 M d’euros.
Cela implique qu’il suffit que dans un groupe de société, la société mère réalise un CA ou ait un
montant total de l’actif brut supérieur au seuil indiqué, pour que toutes ses filiales françaises
dépendent de la DGE. C’est un point essentiel qui offre à la DGE une vision globale en matière
de contrôle et qui devrait rendre celui-ci relativement plus effectif car elle pourrait recouper
plus facilement toutes les informations comptables et extra-comptables des sociétés et filiales
situées sur le territoire français. Ce référencement de données dans un point central doit être un
gage de cohérence et de qualité en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. La
création de guichet unique est un facteur de sécurisation de l’environnement fiscale pour les
entreprises. De plus le fait de partager les locaux avec la DVNI qui est un service à compétence
territoriale nationale permet obligatoirement un rapprochement dans l’exercice de leurs
fonctions et offre un échange intellectuel entres les services bénéfique à la lutte contre l’évasion
fiscale.
La notion de prix de transfert fut principalement développée par l’OCDE et reprise par les états
membres à la convention.
L’Organisation de Coopération et du Développement Économique dont le siège est à Paris33 est
la principale organisation internationale en matière de fiscalité, elle a pour objectif d’offrir un
forum de discussion aux différents États signataires de la convention du 14 décembre 1960 en
vue d’identifier et de résoudre par des politiques adaptées les différents problèmes mondiaux.
Elle a pour principale fonction d’intervenir au niveau international afin de promouvoir les
31
BOI 23/11/2001 “Périmètre de la direction des grandes entreprises” 32
Décret du 18/03/2004 n°2004-245 33
OCDE 2, rue André Pascal 75775 Paris Cedex 16 France Tél. : +33 1 45 24 82 00 Fax : +33 1 45 24 85 00
32
ententes entre États en vue d’améliorer « le bien être économique et social partout dans le
monde »34. C’est pourquoi, l’OCDE intervient en matière de fiscalité, elle émet des
recommandations et rédige des modèles de convention internationale sur lesquelles peuvent
s’appuyer les États intéressés. Du point de vue des gouvernements, ces conventions viennent
protéger leur fiscalité.
Les travaux de l’OCDE ont pur but de tendre à l’amélioration des conditions des hommes en
vue d’atteindre un standard de vie commun mondial basé sur la dignité humaine,
l’apprentissage et le développement durable. Il faut savoir que l’OCDE est la reformulation de
l’Organisation Européenne de Coopération Économique, OECE qui fut instaurée en 1948 pour
administrer «le Programme de Rétablissement Européen », plus communément appelé plan
Marshall financé par les États-Unis. L’OECE avait pour but de reconstruire l’Europe et de
promouvoir la paix grâce à l’interdépendance économiques des États. Évidemment les pays
socialistes rejetèrent cette approche libérale, en réponse il se créa le Conseil d’Assistance
Mutuelle Économique ou CoMeCon, financé par l’Union Soviétique de Staline, qui disparu
avec la chute du bloc communiste en 1991.
L’OECE a eu un franc succès grâce à ses travaux sur les problèmes économiques et sociaux du
monde, ceci a poussé des pays tels les États-Unis ou le Canada a rejoindre les membres de
l’OECE afin de créer l’OCDE qui naîtra officiellement le 30/09/1961.
A ce jour 34 pays sont membre de l’OCDE et beaucoup d’autres ont des rapports privilégiés
avec cette organisation tels les nouveaux pays émergents comme le Brésil, la Chine, l’Inde.
Ensemble ils représentent pas moins de 80% des échanges et investissement mondiaux.
L’OCDE est donc l’une des principales organisations spécialisée dans l’étude de notre économie
mondiale. Tous les pays peuvent profiter de ses recherches scientifiques et se baser sur celles-ci
pour promouvoir de nouvelles politiques en vue de résoudre les problèmes sociaux
contemporains notamment grâce à l’économie de marché.
C’est pourquoi elle prône la libéralisation des échanges et le respect de l’équilibre du marché.
Notre économie mondiale est basée principalement sur une économie libérale où l’offre et la
demande se rencontrent. De cette rencontre naît le prix de vente des biens et services ou prix de
34
Cf. site de l’OCDE, http://www.oecd.org/fr/apropos/ rubrique :Notre mission.
33
marché. Pour que le monde entier profite des vertus qu’apporte le marché, il faut que la
rencontre entre l’offre et la demande se fasse de manière libre sans qu’aucun autre élément ne
vienne altérer la fixation des prix. Toute intervention étrangère viendrait nuire au cercle
vertueux du marché et par extension à la standardisation du niveau de vie mondial. Le principe
de libre concurrence est une mesure indispensable à l’accroissement du bien être social par voie
économique, il est donc essentiel que ce principe soit respecter par tous les acteurs de
l’économie.
Appliqué à notre sujet, nous nous rendons mieux compte de la portée que peut avoir la
manipulation des prix de transfert d’une firme multinationale sur l’économie mondiale, certes
elle verra les bénéfices de ses associés s’accroître mais viendra porter atteinte à la logique
bienfaitrice du marché à laquelle devrait se soumettre toute personne qui s’enrichit par la vente
de bien ou service. Vu les flux financiers générés par les sociétés associées, elles se doivent de
respecter ce principe de libre concurrence, et se référer au prix d’équilibre fixé par le marché
pour vendre leurs produits. A contrario si une société tend à minorer ou majorer ses prix de
ventes afin d’effectuer un transfert indirect de bénéfices dans le pays où ses gains seront le
moins imposés, elle ne respecte pas le principe de libre concurrence et fausse le jeu du prix
d’équilibre ce qui aura une incidence directe sur la stabilité du marché local puisque la richesse
produite dans le pays lésé n’aura pas été imposé selon les conditions prévues par la loi de celui-
ci. Cette attitude déloyale aura pour double conséquences de nuire, à moyen et long terme, aux
acteurs économiques qui exercent de façon indépendante obligés de subir des prix qui ne sont
pas nés de la rencontre de l’Offre et de la Demande ; et de porter atteinte à la fiscalité des États
qui ont subi une diminution de leurs entrées fiscales nécessaires au financement des politiques
publiques.
Il est à considérer que la juste perception de l’imposition des prix de transfert dans chacun des
pays, constitue un moyen qui permet l’amélioration des infrastructures du pays et du niveau de
vie. Ce propos pourrait paraître utopiste voire déplacé, mais il n’en est rien et sa portée est bien
fondée lorsqu’on se réfère à la part qu’ils occupent dans le commerce mondial. Les montants
non perçus sont une atteinte à l’intégrité financière du pays et à son développement humain.
Pour qu’un échange soit qualifié de prix de transfert, il faut qu’il revête 2 qualités
fondamentales :
34
Le 1er concerne la bilatéralité ou plus justement la transnationalité qui nécessite la présence de
deux entreprises sur au moins deux territoires distincts; le passage d’une frontière est nécessaire
pour que la question des prix de transfert soit posée.
Le 2nd critère touche au rapport entre les sociétés , elles doivent être de droit ou de fait liées
entre elles. Le transfert indirect de tout ou partie des bénéfices par voie de minoration ou de
majoration des prix d’achat ou de vente a pour conséquence l’augmentation du revenu
imposable de l’une des sociétés et la baisse du montant des bénéfices chez l’autre. Cette
pratique n’a d’intérêt que si les actionnaires détiennent des parts dans les deux sociétés et que
l’un des territoires a un système fiscal plus avantageux.
Cet avantage peut venir soit des différences de mode de détermination de la base imposable,
soit d’un taux d’imposition des bénéfices moindre applicable de manière générale ou sur
certains types d’activités, ou encore du fait d’un système fiscal ineffectif.
Par ce jeu de transfert, les bénéfices indirectement transférés se verront imposer dans une
moindre mesure par l’administration fiscale du pays où la fiscalité est plus favorable. La société
mère transformera ce gain fiscal en marge bénéficiaire net qui viendra grossir le bénéfice global
et le montant des dividendes à verser aux actionnaires du groupe. Ces derniers tirent un double
bénéfice de cette pratique évasive car d’une part elle renforce la solidité financière du groupe au
niveau des marchés et d’autre part elle contribue directement à leur enrichissement personnel.
Les dividendes distribués seront rapatriés, exempt d’imposition (crédit d’impôt), dans le pays
où les actionnaires ont leur foyer fiscal. Il s’agit généralement d’un pays développé (France,
Italie ou autres) où le groupe est représenté et exerce son activité.
Cette technique d’évitement se veut contraire à l’obligation qui pèse sur chaque sujet de
participer aux charges publiques en fonction de sa capacité contributive comme le prévoit l’art
13 de la Constitution française de 1958 et l’art 53 de la « Costituzione italiana » de 1947.
De plus, le principe de pleine concurrence impose à toute société de facturer ses biens ou
services en conformité avec le prix du marché. La manipulation des prix de transfert contrarie
ce principe, qui est dommageable aux finances publiques et au commerce international, c’est
pourquoi les modalités de fixation des prix de transfert et son contrôle sont tant discutés par
notamment les États membres de l’OMC et les organisations internationales qui cherchent à
encadrer ces pratiques intra-groupes.
35
Notre système juridique se veut très protecteur des libertés individuelles et a consacré le
principe de non immixtion dans la gestion de l’entreprise ce qui signifie que le directeur
général, le conseil d’administration ou en terme plus générique le « gérant » de l’entreprise est
libre de décider du mode de gestion de son entreprise que ce soit en matière financière
commerciale ou fiscale. Ce qui voudrait dire que l’État ne peut remettre en cause les choix pris
par l’entrepreneur. Mais ce principe connaît une importante limite avec la théorie de l’acte
anormal de gestion développé par la jurisprudence. Elle se définit comme tout acte qui fait
supporter une charge à l’entreprise sans qu’elle soit justifiée par les intérêts d’exploitation35.
L’entreprise a pour objectif la réalisation de profit. Donc toute décision qui favoriserait un tiers
à son détriment sera considérée comme anormale car elle nuit à la réalisation de son bénéfice.
De ce fait l’administration s’autorise à rectifier les montants déclarés en écartant l’opération
dite anormale. Ces actes peuvent prendre la forme soit de charges étrangères à l’intérêt de la
société comme la rémunération excessive des dirigeants soit de renonciations au profit comme
l’abandon de créance ou la minoration du prix de vente. Ce dernier cas est caractéristique de la
problématique des prix de transfert, malgré cela les prix de transfert jouissent d’une théorie qui
lui est propre.
L’acte anormal de gestion possède un champ d’application étendu qui se veut à la hauteur de
celui applicable à la liberté de gestion. La théorie des prix de transfert concerne une matière
spécifique tant dans son objet que dans sa forme et dont les conséquences fiscales sont
importantes. C’est pourquoi il est nécessaire qu’elle s’exerce dans un cadre légal précis.
Le Pr. Delauney considère les prix de transfert comme une : « application de l’acte anormal de
gestion, rationae loci, au domaine international et, rationae personae, au domaine des groupes
de sociétés. »36
Mais cette ressemblance connaît tout de même des tempéraments qui attraient notamment à la
finalité de l’acte. L’acte anormal de gestion est plus à considérer comme une évasion financière
que comme une évasion fiscale. L’entreprise agit volontairement contre son propre intérêt en
vue de s’appauvrir économiquement, ce qui a pour conséquence de diminuer sa base imposable.
La manipulation des prix de transfert semble suivre cette même logique sauf que la diminution
du revenu imposable n’est pas la conséquence de cet acte mais bien sa cause. L’accroissement
du bénéfice total au niveau du groupe est quant à lui la conséquence de cette manipulation .
35
CE 05/01/1965 , concl Poussière (M), J-CL fiscal, Ed technique, fascicule 226-2 36
B. Delaunay, « Acte anormal de gestion et prix de transfert », Gestion & finances publiques-La revue, 2012, 2, pp.
114-118.
36
Pour l’un, l’intérêt de la société est réellement lésé, pour l’autre l’intérêt social est effectivement
favorisé du fait d’une conception holistique du mode de gestion.
L’anormalité d’un acte au niveau national est plus aisée à démontrer que celle au niveau
international. Pour lutter contre la manipulation des prix de transfert, il est nécessaire de
posséder des éléments de comparaisons qui sont le seul moyen de prouver si le prix pratiqué est
proche de celui qui aurait été pratiqué entre deux sociétés étrangères non liées.
Pour pallier à cette difficulté, l’OCDE a mis en place des méthodes de calculs qui permettent de
vérifier si les sociétés qui appartiennent à un même groupe pratiquent des prix de vente
conformes à ceux qu’ils auraient pratiqués s’ils avaient commercé avec une société
indépendante dans des conditions similaires. Par ces méthodes dites de contrôle des prix de
transfert, l’OCDE confère aux États un moyen de vérifier la normalité des prix pratiqués. Le
commerce étant vaste et les marchandises échangées étant de toute nature l’OCDE a développé
plusieurs méthodologies qui tendent à encadrer les différentes natures de ces échanges. Car au
fil du temps et de la modernisation de notre économie, l’activité d’achat et de revente ne se
limitent plus aux simples marchandises ou à la simple prestation de service. Il existe des biens
ou services qui sont exploités différemment comme les brevets pharmaceutiques par exemple
ou encore la facturation d’un service de gestion, entendons par là l’existence des holdings
actives.
Toutes ces prestations doivent pouvoir être estimées de façon à ce qu’elles soient conformes au
marché. La situation monopolistique d’une société, la vente d’un bien incorporel ou la création
d’un nouveau besoin sont aussi des éléments qui rendent difficiles l’estimation appropriée des
prix pratiquées. Ainsi l’OCDE ne cesse de travailler sur les méthodologies applicables aux prix
de transfert afin de les revisiter de les adapter à l’évolution constante de l’économie. Ces
moyens de vérification de la conformité des prix intra-groupes pratiqués par rapport au marché
constituent la base économique sur lesquels s’appuient les États membres et non membres de
l’OCDE pour démontrer l’irrégularité des prix pratiqués entre sociétés liées en vue de transférer
indirectement les bénéfices d’une société vers « sa sœur » ou « sa mère » située à l’étranger ce
qui permet de maximiser le bénéfice net du groupe.
Cette pratique permet de limiter le paiement de l’impôt dans les pays où la fiscalité est plus
élevée afin d’accroître la rentabilité économique du groupe mais également afin de préserver sa
viabilité.
37
Toutes les sociétés d’un même groupe situées dans différents pays subissent une imposition
propre à chaque législation. La notion de groupe implique une vision collective des choses ce
qui veut dire que la société mère dont le rôle est de veiller à l’intérêt du groupe adoptera une
approche globale dans son mode de gestion. Elle tentera de limiter les coûts inhérents à son
activité mais aussi de les équilibrer afin que chaque société supporte plus ou moins la même
charge. L’imposition n’échappe pas à cette logique économique. La pratique des prix de
transfert peut être considérée comme le fruit d’une gestion fiscale globalisée tendant à répartir
la charge fiscale sur tout le groupe afin d’ assurer la viabilité économique ou équilibre
comptable de chaque membre du groupe. Par cette approche macro-environnementale, la
société mère souhaite contrôler son taux effectif d’imposition applicable à l’ensemble du groupe
et établir sur cette base des prévisions pour la pérennité du groupe. Ainsi la manipulation des
prix des transactions intra-groupes devient un instrument de régulation du facteur fiscal qui se
doit d’être intégré au processus qui amène la commercialisation.
Pour savoir si les prix exercés entre sociétés liées sont contraires aux principes du commerce
international et donc hors champ légal, les autorités administratives s’appuient sur les travaux
de l’OCDE pour vérifier la conformité des prix pratiqués. Ainsi grâce à ces moyens de contrôle,
elles peuvent redonner à ces échanges internationaux leur réelle valeur commerciale et donc
fiscale ce qui permet de réintégrer ces parties de bénéfices évadées à la fiscalité du pays lésé.
Notre étude n’a pas pour objet de juger de l’opportunité des recherches faites par l’OCDE et des
méthodes de prix de transfert qu’elle alloue aux services des États, ce serait là inapproprié à
notre science juridique et maladroit de notre part d’autant que les travaux réalisés par l’OCDE
sont des éléments clefs à la compréhension de cette problématique des prix de transfert et de ces
méfaits sur la population mondiale. Pour autant nous nous devons tout au moins de les
présenter.
L’objectif que se donne l’OCDE en la matière est de prévoir des méthodologies qui permettent
d’estimer le prix de pleine concurrence. Nous pouvons retrouver la présentation de ces
différentes méthodes au sein : « des Principes applicables en matière de prix de transfert à
l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales ». Les travaux de
l’OCDE ne sont pas uniquement destinés aux États en vue de leur permettre de réintégrer des
bénéfices illicitement transférés mais doivent tendre à l’harmonisation des pratiques
administratives des différents États et fournir aux firmes multinationales les moyens de se
préserver de ses rehaussements ou plus idéalement de se conformer au principe de pleine
38
concurrence afin de favoriser l’équité sociale. Ces principes et leurs objectifs sont d’ailleurs
repris dans « le Forum conjoint de l’UE sur les prix de transfert » en vue d’éliminer la double
imposition en cas de rectification et de réduire les divergences des pays européens dans
l’appréciation des prix de transfert pratiqués au sein de l’UE et qui ont de lourdes conséquences
financières pour les groupes installés sur notre territoire.
L’OCDE présente donc cinq méthodes qui permettent d’établir de façon approximative mais
réelle les prix qui devraient être pratiqués sur la marché. L’idée est d’établir un intervalle de
pleine concurrence dans lequel doivent s’inscrire les transactions intra-groupes afin de vérifier
leur concurrentialité.
Ces cinq « comparables » permettent d’encadrer la globalité des biens et services existants dans
le commerce. Pour ce faire, les autorités administratives doivent tenir compte des éléments
propres à chaque société, à chaque transaction. Elles doivent effectuer une comparaison réaliste
des prix pratiqués conformément au principe de loyauté de l’administration, le but n’est pas de
multiplier ou maximiser les rentrées fiscales mais de contribuer par leur action à tendre vers une
économie mondiale basée sur la pleine concurrence.
La comparaison doit donc être réaliste, elle doit tout d’abord porter sur des transactions
similaires et tenir compte également de la nature et de la qualité du bien ou service échangé, de
la fonction économique des entreprises en question (productrices, distributrices, gestionnaires),
des conditions contractuelles applicables à la transaction, de la zone géographique, de
l’existence d’un marché intermédiaire ou de la stratégie compétitive de l’entreprise (pénétration
d’un nouveau marché etc.). Tous ces éléments doivent être pris en compte pour l’application des
différentes méthodes et l’estimation du prix du marché.
Les méthodes de comparaison peuvent être placées dans deux catégories la première regroupe
les méthodes dites traditionnelles et la seconde qui se voulait subsidiaire concerne les méthodes
dites transactionnelles de bénéfices.
Grâce à ces méthodes de calcul des prix de transfert, les différentes États peuvent qualifier les
prix pratiqués lors de transactions entre sociétés appartenant à un même groupe et apprécier leur
conformité au principe de pleine concurrence qui permet aux États de repartir les montants
imposables nés de la richesse produite par les firmes multinationales sur les territoires et de les
imposer selon leur législation nationale. La réintégration des bénéfices indirectement transférés
se fera soit sur la base du droit international public avec les conventions fiscales modèle OCDE
pour l’élimination de la double imposition soit sur la base du droit interne.
39
La plupart des pays industrialisés ont élaborés des textes législatifs propres afin de lutter contre
ce problème de manipulation des prix de transfert.
Nous retrouvons ces mesure législatives, en droit italien à l’art 110 comma 7 nuovo TUIR37, et
son équivalent en droit français à l’art 57 al 1 CGI qui disposent que :
“ I componenti del reddito derivanti da operazioni con società non residenti nel territorio dello
Stato, che direttamente o indirettamente controllano l'impresa, ne sono controllate o sono
controllate dalla stessa società che controlla l'impresa, sono valutati in base al valore normale
dei beni ceduti, dei servizi prestati e dei beni e servizi ricevuti…”
"Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la
dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices
indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution du prix
d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les
comptabilités".
Le principe qui prévaut est celui de la réintégration dans la base imposable des bénéfices
indirectement transférés.
Les risques de double imposition font l’objet de mécanismes spécifiques prévus dans les
conventions fiscales signées entre États, généralement rédigées sur la base du modèle élaboré
par l’OCDE. Ces conventions comportent également des procédures d’assistance administrative
inter-étatique.
Du point de vue Européen, l’harmonisation est lente, trois directives concernant l’imposition
directe des sociétés furent adoptées en conseil des ministres des communautés européennes le
23/07/1990, la 1ère traite de la fusion des sociétés situées dans différents États Membres, la
seconde du régime fiscal des sociétés mères et filiales d’États membres différents et la 3ème
directive porte sur les conventions d’arbitrage visant à éliminer la double imposition lors de
corrections des prix dans les opérations internationales de transfert entre entreprises liées. En
matière d’entraide européenne, c’est la directive du conseil du 19/12/1977 concernant
37
Art 110 comma 7 : “ I componenti del reddito derivanti da operazioni con società non residenti nel territorio dello
Stato, che direttamente o indirettamente controllano l'impresa, ne sono controllate o sono controllate dalla stessa
società che controlla l'impresa, sono valutati in base al valore normale dei beni ceduti, dei servizi prestati e dei beni e
servizi ricevuti…”
40
l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts
directs modifiée par la directive du conseil du 21/04/2004 qui fut longtemps utilisée par les
États membres avant d’être récemment abrogée et remplacée par la directive du conseil de l’UE
du 15/02/2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal dont l’objectif est
le rapprochement des administrations des différents États membres en de vue de combattre
l’évasion fiscale internationale.
En matière de fiscalité directe, l’UE est tenue par le principe de subsidiarité qui rend son
intervention législative possible qu’en cas de carence des États membres, ceci peut expliquer la
lente avancée en matière d’harmonisation fiscale des pays de l’UE. Au niveau mondial, tous les
pays membres de l’OCDE s’accordent sur la nécessitée de lutter contre la manipulation des prix
de transfert mais pour autant l’avancée n’est pas plus flagrante. D’un point de vue général, les
pays de l’UE sont un exemple en matière d’harmonisation et de coordination des moyens
malgré cela le problème inhérent au prix de transfert persiste. La nécessité de s’accorder sur les
prix de transfert emporte le consensus de tous les États. Mais très peu d’entre eux souhaitent
voir s’élever des mesures qui viendraient uniformiser la perception que se fait chaque État du
niveau de marge applicable à chacune des activités du groupe. Cette critique se veut générale
mais s’applique tout particulièrement aux pays membres de l’UE.
Cette attitude pourrait s’expliquer par un sentiment partagé par tous les États membres de l’UE,
celui du favoritisme fiscal. Sur la base de la souveraineté nationale, les gouvernants estiment ne
devoir ou ne pouvoir faire d’effort d’harmonisation sur la question de la fiscalité des sociétés et
particulièrement sur celle des prix de transfert.
Présenter comme un fléau qu’il faut à tout prix combattre, il semblerait que cette lutte ait un
prix un peu trop élevé. Chaque pays préfère continuer à contrôler et sanctionner les entreprises
créatrices de richesse et génératrices de croissance économique en vue de revendiquer et retenir
un maximum de masse taxable. Cette vision égocentrique peut à court terme favoriser les
rentrées fiscales du pays mais constitue à moyen long terme la meilleure façon de diminuer la
richesse produite, de nuire au tissu économique national et européen ce qui au final engendra
une baisse générale des entrées fiscales.
Il est vrai que l’État peut subir une perte fiscale mais ce risque lié aux échanges intragroupes
pèse particulièrement sur le groupe lui-même. Les difficultés inhérentes aux allocations de
marge au sein même du groupe est problématique. Les fluctuations des marchés, les
modifications législatives ou réglementaires de chaque États ainsi que la nécessité de se
41
conformer au prix « concurrentiel » forment différents facteurs qui viennent ébranler la bonne
marche de l’entreprise et peuvent altérer sa viabilité.
Malgré les efforts fournis par l’OCDE pour qu’il y ait une application univoque des méthodes
de fixation de prix de transfert, les différentes administrations fiscales préfèrent conserver leur
propres perceptions des faits pour revendiquer une échappée fiscale et rectifier la base
imposable et le montant de l’imposition. Certes, certaines sociétés se jouent de la fiscalité mais
nombre d’entre elles en subissent sa difficile interprétation. La nature amovible de l’activité
économique peut avoir du mal à se conjuguer à un cadre législatif qui se veut figé.
La complexité et la diversité des systèmes fiscaux semblent être le facteur principal des
transferts indirects de bénéfices. Nombre d’auteurs tel le Pr. JC Martinez38 et nombre de
rapports comme celui présenté par O. Fouquet39 au ministre du budget en 2008 soulignent cette
caractéristique qui oblige les entreprises à œuvrer dans un climat d’insécurité juridique. Ceci est
néfaste aux affaires et à la promotion économique de nos territoires.
Pour l’intérêt national, il apparaît nécessaire de venir encadrer la production de richesse afin de
venir prélever la charge indispensable au financement des politiques publiques. L’évasion
fiscale doit être combattue mais il faut que la législation et notamment les moyens de contrôle
soit en cohérence avec cette problématique économique internationale.
Dans notre étude, nous ne nous intéresserons pas au montant de l’imposition mais à la manière
dont l’autorité publique vient contrôler la véracité des prix pratiqués et des montants déclarés.
L’intérêt de la thèse sera de présenter les différentes méthodes de lutte contre la manipulation
des prix de transfert dans nos deux pays, en gardant comme référant le droit français. Il s’agit là
d’étudier les moyens nés des législations choisies permettant de limiter les transferts indirects
de bénéfices. Cette partie nécessite une étude approfondie des textes fiscaux, réglementaires et
des diverses conventions fiscales internationales sans omettre la primordialité du droit
communautaire. L’étude comparative desdits documents, nous permettra de démontrer la
relative effectivité de ces dispositions. Se posera alors la question de l’adéquation des moyens
utilisés pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale internationale via les prix de transfert.
En d’autres termes, l’axe de recherche sera de démontrer si :
38
Jean Lamarque, "L'impôt sur le revenu et les droits de l'homme" dans Jean Claude Martinez et Alia « L'impôt sur le
revenu en question. » Paris : LITEC (1989). 39
O. Fouquet président de section au Conseil d’État « Améliorer la sécurité juridique des relations entre
l’administration fiscale et les contribuables » 2008 Rapport au Ministre du Budget.
42
« La souveraineté nationale ne constitue-t-elle pas de façon paradoxale un frein à la lutte contre
l’évasion fiscale par les prix de transfert et au développement économique des entreprises du
pays ? »
Les différences de perception entre les administrations fiscales créent un climat d’insécurité qui
peut aisément faire basculer une société dans le champ de l’illégalité instauré par l’un ou l’autre
pays.
Le risque supporté par les entreprises se veut donc proportionnel au nombre de pays dans lequel
exerce le groupe. Les États devraient tendre à l'annulation de ce risque d'autant plus lorsqu'il se
manifeste entre États appartenant à la même communauté comme c'est le cas de la France, de
l'Italie et de tous les États membres de notre Union Européenne.
Nous soulevons un problème qui attrait à la souveraineté en matière d’imposition et de contrôle.
La levée de l’impôt est une fonction sacrée jalousement gardée par nos politiques, il serait
bénéfique de faire fi de son orgueil national et d’abandonner une infime partie de ce pouvoir qui
attrait notamment au contrôle. Cela permettra de doter notre communauté d’un attirail juridique
autonome dont la portée serait internationale et offrira une lutte efficace contre l’évasion fiscale
par les prix de transfert. Ceci nécessite de sécuriser la prise de décisions des entreprises
internationales en leur offrant une appréciation harmonisée des méthodes applicables à leurs
échanges intra-groupes.
Dans le système déclaratif qui régit nos fiscalités, il est demandé au contribuable de fournir
chaque année les renseignements sur les revenus qu’il a perçus au cours de l’année. Les
personnes morales en tant que contribuables répondent à cette logique. Elles se doivent donc de
procéder, conformément au prescription de la loi fiscale, à la détermination de leur base
imposable en vue de leur imposition qu’elles acquitteront de façon spontanée et généralement
par voie électronique.
La déclaration fiscale est réputée sincère et exacte, le contribuable est quant à lui présumé être
de bonne foi ; en contre partie, l’administration est autorisée à contrôler la véracité de ses
déclarations. L’absence de ce corollaire viendrait rompre l’équilibre sacré des droits et des
obligations, qui veut que tout droit entraîne une obligation et inversement. Le contrôle des
données transmises assure l’effectivité du système déclaratif ; à travers ce contrôle
l’administration pourra déceler les erreurs involontaires ou volontaires du contribuable et en
demander la réparation. La correction de ses erreurs via le rehaussement fiscal répond à un des
43
principes fondateurs de nos sociétés à savoir le principe d’Égalité qui s’impose à tout individu,
à toute matière, et principalement en droit fiscal au travers du respect du principe d’égalité des
citoyens devant les charges publiques à qui nous avons conféré valeur constitutionnelle40.
Il existe un autre principe à prendre en compte, celui qui impose au régime en place d’instaurer
une stabilité juridique sur laquelle peuvent se reposer toute personne même morale afin de vivre
ou d’exercer son activité en pleine légalité.
Pour répondre à cette problématique, nous nous devons de présenter les moyens que les
législateurs ont mis à la disposition du détenteur de l’autorité publique afin de vérifier la
véracité des prix de transfert et si nécessaire sanctionner le contribuable au comportement
évasif (II). Mais dans un souci d’équité, nous nous devons avant tout de comprendre les
difficultés inhérentes à la fixation des prix de transfert au sein des groupes (I) et le contexte
dans lequel ce processus décisionnel s’exécute. Ce qui nous autorisera à repenser certaines
modalités de notre fiscalité en vue d’une juste application de notre principe de solidarité
nationale.
40
Art 13 DDHC 1789 et art 53 « Costituzione italiana » de 1948
45
La logique économique d’un groupe multinational implique un mode de gestion
globalisé alors que l’approche juridique du groupe se veut parcellée et impose une vision propre
à chaque entité du groupe.
Le caractère multinational d’une entreprise naît de sa présence sur différents territoires.
Cette volonté de s’émanciper s’explique par la nature même de toute entreprise qui est de faire
du profit. En devenant internationale, la société assoie sa présence sur le marché étranger et
international, elle cherche ainsi à augmenter le montant de ses bénéfices. L’activité
commerciale consiste en la fourniture d’un bien ou service à toute personne qui souhaite en
bénéficier contre le paiement d’une somme donnée. Que le produit proposé soit fabriqué,
transformé ou simplement acheté pour être revendu par l’entreprise implique la nécessité de
s’approvisionner soit en matières premières, en matières semi-finies ou en produits finis. La
bonne marche de l’entreprise demande à ce que les composantes du produit ou le produit lui-
même soient toujours accessibles dans des délais prévisibles. A défaut, la production ne peut
être lancée et la commande n’est pas honorée ce qui entraîne des conséquences financières pour
l’entreprise qui peut aller de l’obligation d’effectuer une remise ou de payer des indemnités de
retard jusqu’à la perte du client. Dans une économie où l’activité s’exerce à flux tendus pour
éviter au maximum les coûts inhérents au stock et à sa gestion, la sécurisation de toute la chaîne
de production est primordiale pour ne pas entraîner des désagréments en cascade.
L’internationalisation d’une société vient aussi du souci de sécuriser et maîtriser la zone
d’approvisionnement nécessaire à l’élaboration de son produit principal.
Le groupe cherchera donc à s’implanter sur le sol qui offre cette matière sans laquelle il ne peut
produire. Il va donc créer une entité qui aura pour mission la gestion de l’activité qui se trouve
en amont de la production d’un bien, ce peut être l’extraction de minerai, la production ou la
transformation d’un produit naturel ou synthétique. La finalité d’une de ces activités sera la
vente de la production à la société mère ou plutôt à une des filiales du groupe qui se trouve dans
le processus de fabrication du produit fini.
Le progrès en matière de transport de marchandises et la vélocité des modes de communication
actuels ont incité, du fait de leur facilité d’accès, de nombreuses d’entreprises à
s’internationaliser. Cette mutation de l’économie de marché a permis aux plus grands groupes
d’accélérer leur expansion en renforçant leur position dans les différents pays. Cela ne s’est pas
fait sans mal car ils ont du essuyer les affronts de cette libéralisation. Au préalable, seules les
46
sociétés au capital élevé pouvaient avoir une envergure multinationale ce qui obligeaient les
plus petites entreprises à contracter avec les plus grandes sociétés afin d’obtenir les biens
nécessaires à l’exercice de leurs activités de commerçant. Ils jouaient pour partie les
entremetteurs des producteurs et commerçants qui étaient localement situés dans des pays
différents. Mais à présent même les gérants des plus petites entreprises peuvent rechercher des
fournisseurs directement à la source de production. Grâce à des moyens modernes les
intermédiaires classiques ne sont plus indispensables aux commerçants locaux. Le circuit
économique traditionnel est court-circuité ce qui permet aux petites structures d’économiser sur
les coûts de production ou sur le prix d’achat des produits finis. Comme elles ont des coûts de
gestion faible et que le montant des bénéfices recherché est relatif à la taille de la société, ils
peuvent proposer des prix bon marché leur assurant tout au moins la rentabilité nécessaire à la
satisfaction de leurs besoins.
La concurrence à laquelle les grands groupes avaient l’habitude de faire face a subi une
mutation avec l’apparition d’une multitude de petits concurrents parsemés à travers le monde.
La part de marché recherchée par ces petits commerçants est faible mais additionnées entres
elles, cela constitue des sommes très importantes qui se soustraient au chiffre d’affaire des
grandes sociétés. L’ensemble de cette force nouvelle a remis en cause les stratégies
économiques de ces grands groupes en les obligeant d’une part à renforcer leur position au
niveau local alliant par acquisition les nouveaux concurrents à leur groupe, et d’autre part en les
poussant à fusionner entre eux afin de conserver leur suprématie. Pourtant, nous aurions pu
penser que ces firmes multinationales rompues aux affaires internationales et à la gestion
globalisée auraient vécu sans mal cette mondialisation mais la course à l’achat des plus petits
concurrents nous montre l’inverse et nous apprend que ces colosses de l’industrie ont vacillé
pour la plupart et ce sont effondrés pour certains. La raison vient de la difficulté de flexibilité de
cette grande structure qui voient des petites ou moyennes entreprises venir les défier sur leur
terrain ayant pour arme principale cette capacité d’adaptation, de réactivité face à un marché où
l’offre se diversifie de façon exponentielle. La conjoncture économique de ce début de siècle à
contribuer à cette restructuration du marché et les grandes industries traditionnelles ne doivent
leur salut qu’à leur puissance financière lorsqu’elle a été utilisée à bon escient à savoir
l’innovation et la consolidation des leurs bases. Par contre, ils ont du se résigner à voir surgir de
nouvelles puissances nées de ce nouveau marché empreint de technologies modernes avec qui
ils doivent partager la richesse que génère l’économie.
47
Ce constat vaut pour tous les grands groupes de tout secteur confondu, industriel, commercial,
bancaire et ultimement des nouvelles technologies.
Cette nouvelle donne nous démontre que rien n’est figé et que la bonne santé d’une entreprise
vient certes de son positionnement mais également de sa capacité à s’adapter, anticiper les
besoins des consommateurs soit en les créant (Recherche et développement) et/ou en s’affichant
(Marketing, relation publique).
Dans une optique de gestion globalisée, le groupe doit tenir compte de tous ces aspects car la
source nécessaire à la conduite de ces stratégies viendra du Chiffre d’Affaire qu’elle réalisera et
celui-ci est directement lié au prix qu’elle facturera. La fixation du prix de vente qu’il soit
destiné à des commerçants extérieurs ou des consommateurs est une donnée vitale pour la
pérennité de son entreprise mais celle-ci devient encore plus difficile lorsqu’il s’agit de
pérenniser non pas seulement une seule société mais un groupe entier car il faut tenir compte
des avantages mais surtout des inconvénients de chaque activité nécessaire à la réalisation du
produit final. Il faut considérer que dans un groupe qui applique une intégration économique
verticale, chaque entité agit selon les besoins du groupe mais réagit selon le marché auquel il
appartient. Et la difficulté de gestion d’un groupe vient de l’agrégation de toutes ces données
propres à chaque marché qu’il se doit d’imbriquer dans les relations internes du groupe. La
puissance d’une firme n’est rien si elle n’arrive pas à maîtriser l’environnement dans lequel elle
évolue.
Un groupe qui a pour activité la fabrication de pneumatique comme la société Pirelli doit passer
par de multiples processus avant de pouvoir tirer profit de la vente de son produit. Tout d’abord,
il y a la conception du pneu et comme le positionnement de la marque est élevé, elle doit opter
pour un investissement important en matière de recherche et développement. Les laboratoires
de recherche qui demandent un personnel hautement qualifié seront généralement situés sur le
pays d’origine de la marque, l’Italie ou la France qui accueillera aussi le siège social de
l’entreprise ainsi que son secteur Marketing car la connaissance de la culture du consommateur
visé est indispensable à la commercialisation du produit. Mais la fabrication du pneu demande
la réunion de plusieurs matières qui permettent d’aboutir au produit fini. Il s’agit principalement
du caoutchouc naturel (latex provenant de l’hévéa) ou synthétique issu de l’industrie
pétrochimie qui forme la gomme ainsi que des fils textiles et métalliques (acier et laiton) .
48
L’obtention de cette matière 1ère nécessite de passer par plusieurs étapes comme la culture, la
récolte de la gomme et sa transformation dans un pays d’Afrique. Pour sécuriser sa source
d’approvisionnement, il apparaît sensé pour un groupe d’aller s’installer sur ce territoire et de
créer une entité qui puisse contrôler la production de ce produit indispensable à la fabrication du
pneu et à sa valorisation.
Car c’est bien ce dernier point qui est essentiel c’est la valeur du produit autre que le prix. Nous
aurions tendance à considérer que la valeur et le prix sont une même donnée. La valeur d’un
bien ou d’un service se traduit dans le langage courant comme le coût financier, en d’autre
terme le prix à verser pour posséder ce bien ou jouir de ce service.
Il est vrai que la valeur et le prix se veulent très proches. Le prix est le moyen commun de
quantifier financièrement une valeur.
La valeur est au cœur même de notre économie car elle constitue ce pourquoi les personnes
produisent, travaillent ou commercent. La finalité de la production matérielle ou intellectuelle
est de conférer une valeur à ce qui a été réalisé par l’homme et non un prix.
Lors de la réalisation du produit tout au long de la chaîne de production, chaque entreprise a
pour fonction de valoriser le produit étape par étape. Dans cette optique, nous pouvons
considérer que l’entrepreneur tienne plus compte de la valeur réelle du bien transformé que de
son prix. Le prix est une donnée chiffrée qui permet d’établir une relation d’échange avec un
tiers. La production d’un bien n’est pas faite pour donner un prix mais pour valoriser un produit,
un savoir faire. Afin de comprendre ce que signifie le prix et comment celui-ci est décidé par
l’agent économique, il est nécessaire de comprendre ce qu’est la valeur et d’effectuer une
analyse économique de la valeur d’un bien ou service (Titre I).
Le but de chaque entrepreneur lorsqu’il s’internationalise est de valoriser sa production et cela
généralement à un moindre coût. La délocalisation de l’activité de production vise
principalement la baisse des coûts de production soit pour maximiser le profit en maintenant le
prix de vente habituellement pratiqué sur le marché où l’entreprise est déjà présente soit pour
offrir un prix plus bas et s’assurer ainsi une stabilité ou un accroissement de son activité de
distribution. Ceci nous apprend que la conception de l’entreprise par ses gérants se veut par
essence globalisée car c’est de cette vision d’ensemble que vient le souhait de s’installer dans
d’autres pays. D’un point vue psychologique, il est donc normal pour l’entrepreneur de
considérer ses activités transnationales comme une. L’environnement économique dans lequel
s’établissent les relations entres les différentes entités du groupe se veut spécifique.
49
Une fois installé dans cette logique, l’organe décisionnel que constitue la maison mère va
souhaiter optimiser ses activités en vue d’accroître sa rentabilité. Mais elle devra tenir compte
de l’espace juridique de chaque pays (Titre II) dans lequel un ou plusieurs membres du groupe
évoluent. Outre les difficultés économiques relatives au commerce, s’ajoutent les difficultés
juridiques inhérentes au commerce international. Ce qui fait peser un risque important sur
l’entreprise en rendant aléatoire la politique de prix de transfert pratiquée par le groupe.
50
Titre I. L’ANALYSE ECONOMIQUE DE LA VALEUR D’UN
BIEN OU SERVICE
Les groupes multinationaux ont pour objectif la commercialisation de leur produit.
La politique des prix de transfert vise à décider des prix qui seront pratiqués lors de transactions
entres les différentes sociétés qui appartiennent au même groupe. Ce choix résulte généralement
d’une décision prise par la société mère dont l’objet est de penser la gestion des entités
productives et commerciales qui sont sous sa maîtrise afin qu’elle et chacune de ces filiales
puissent tirer le meilleur profit de leur activité.
Le Chiffre d’Affaire qui provient de la vente des biens ou services réalisés par chaque société
doit être supérieur au coût total de la production de ces biens ou services. Ce qui veut dire que
le prix facturé par une filiale à sa consœur doit être supérieur au prix de revient du produit
qu’elle a fabriqué. Dans un schéma classique, une société sera réputée économiquement viable
lorsqu’elle sera créatrice de richesses. C'est-à-dire qu’elle permet par son activité d’une part
d’honorer les coûts de la matière 1ère, le coût de la main d’œuvre et celui inhérent au capital
(bâtiments, machines) et d’autre part de réaliser un bénéfice qui sert à rémunérer le capital
investi par les associés.
La fixation d’un prix approprié est donc essentielle à la pérennité de l’entreprise.
La société mère doit trouver un prix de vente final qui permettra une rémunération à la chaîne
des différentes entités qui ont permis la production de ce bien ou qui contribue à sa
commercialisation. La méthode la plus juste pour arriver à ce résultat nécessite de connaître la
valeur des biens ou des services proposés afin de fixer un prix de vente qui leur correspondra à
minima.
C’est cette valeur d’échange quantifiée en argent que l’administration peut remettre en cause en
estimant qu’il est soit trop bas soit trop élevé. Pour légitimer cette contestation des prix
pratiqués, elle se base sur un prix de référence, celui dit du marché. Il s’agit des prix
généralement pratiqués lors du de transactions entre sociétés indépendantes.
Ce prix du marché sera considéré comme représentatif de la valeur d’échange d’un produit.
Il peut être conforme à la valeur d’un bien mais il peut ne pas correspondre à cette valeur. Car le
prix et la valeur sont deux notions distinctes. C’est pourquoi pour déterminer si le prix décidé
par l’entreprise correspond à la réalité, il faut d’abord arriver à définir ce que représente la
51
valeur, à savoir comment une entreprise apprécie la valeur d’un bien qu’elle produit. Il est donc
nécessaire pour notre étude de comprendre ce qui fait qu’un bien acquiert de la valeur. Nous
verrons que la notion de valeur est un champ d’étude en sciences économiques nécessaire à la
justification et à la compréhension des grands courants économiques (chapitre1), la
conséquence de ce postulat nous oblige à considérer que l’estimation de la valeur d’un bien sera
tout aussi relative à la pratique d’une entreprise (chapitre 2).
Chapitre I. L'analyse théorique de la valeur
Notre mode économique est basé sur la rémunération du capital. Il est la source
d’inspiration de tous les entrepreneurs qui dans cette optique d’enrichissement vont créer des
emplois, louer ou acheter des biens immobiliers afin de parvenir à l’augmentation du capital
investi. Cet acte permet par la volonté d’une ou de plusieurs personnes de rémunérer la force de
travail des individus et d’offrir aux propriétaires fonciers un moyen de rentabiliser leurs biens
immeubles.
Ces trois éléments que sont la terre, le travail et le capital sont nécessaires à toute production.
Les grands penseurs de l’économie qu’ils appartiennent au courant libéral ou socialiste
reconnaissent que ces facteurs sont nécessaires à la production.
Qu’il s’agisse d’une entreprise d’extraction de minerai, de fabrication de pneu ou de réalisation
d’un service. Il faudra toujours un lieu pour accomplir son activité ou proposer ses services, une
force de travail pour réaliser l’objet de l’entreprise et un capital pour s’octroyer les moyens de
travailler.
Ces facteurs sont intimement liés mais c’est la valeur donnée à chacun d’entre eux qui a divisé
ou parfois même rassemblé les conceptions d’économistes tels que A.Smith, D.Ricardo, K.Marx
ou encore JB.Say.
Selon Schumpeter : « Le problème de la valeur doit toujours occuper la position centrale, en
tant qu’instrument d’analyse principal dans toute théorie pure qui part d’un schéma
rationnel »41
41
Schumpeter « Théorie de la monnaie et de la banque - Tome 2, Théorie Appliquée » p.287 Éd. l'Harmattan.
52
L’étude de la valeur en tant que théorie est un élément fondamental de la pensée économique.
Elle constitue : « une ligne de partage fondamentale de chaque côté de laquelle se sont rangés
les différents courants »42. Cette notion se veut sensible car elle influe directement sur la
structure et le mode de penser l’économie de la société civile. Elle pose les règles du jeu
implicitement acceptés de tous et à partir desquelles peuvent débuter la course à
l’enrichissement.
La dichotomie classique entre capitalisme et socialisme ne trouve pas à s’appliquer au concept
de la valeur. Paradoxalement les classiques comme A.Smith et D.Ricardo partagent la même
approche que celle de K.Marx ; à l’inverse JB.Say développe une autre théorie qui fut largement
adoptée par les néoclassiques.
Il en ressort donc deux visions ou deux théories principales qui permettent de définir la valeur ;
Dans la 1ère approche les économistes considèrent qu’il faut adopter un conception objective de
la valeur (section 1). Celle-ci n’est pas partagée par tous, elle est même rejetée par beaucoup qui
préféreront définir la valeur comme une notion subjective (section 2).
Section I / La Conception objective : la Théorie de la valeur travail
Les instigateurs et défenseurs de cette vision considèrent que la valeur permet de
comprendre par la raison ce qui fait qu’un bien est vendu à un tel prix. Le prix constitue donc
un moyen de visualiser la valeur d’un bien. La valeur est donc une notion abstraite qui ne peut
se traduire uniquement par l’observation de la chose vendue. Elle nécessite de comprendre le
processus de fabrication, d’en scinder les différentes étapes pour reconnaître véritablement
qu’un bien équivaut à tel prix.
Pour mieux comprendre cette distinction entre prix et valeur, prenons l’exemple de la contre
façon d’un produit de grande marque. Si elle est très bien faite, l’objet contrefait aura un aspect
identique au produit réel. Pourtant la valeur de l’un et de l’autre sont très différentes mais la vue
ne permettra pas d’observer la différence de valeur. Elle permet simplement de constater l’état
d’un produit fini. Le prix de vente de l’un et de l’autre sera lui aussi différent, nous pouvons
considérer que ce rapport sera de 1 à 10. La différence de prix est donc un indicateur de la
42
C.Darmangeat docteur en Sciences économiques “Les théories de la valeur” in www.pise.info
53
valeur du bien produit, il nous donne une idée sur ce que semble valoir ce bien. La notion de
prix et celle de la valeur sont souvent associées mais elle ne peuvent se substituer l’une à
l’autre. Dans notre exemple, il suffirait que le rapport de prix de vente entre le produit contrefait
et celui de marque soit de l’ordre de 8 à 10 pour comprendre que le prix n’est jamais
parfaitement identique à la valeur d’un bien car le produit véritable a beaucoup plus de valeur
que celui contrefait pourtant ils seront vendus à un prix très proche. Certes, il y aura
apparemment tromperie sur la marchandise mais il n’empêche que la différence de valeur entre
ces deux produits n’aura pas été remarquée par le consommateur dont l’annonce d’un prix élevé
conforte le sentiment d’acheter un produit valeureux.
Sous Section 1. A. Smith et D. Ricardo
La théorie de la « valeur travail » vient nous apporter un moyen concret de calculer
mathématiquement la valeur d’un bien, et donc d’estimer un prix de vente conforme à sa valeur
réelle qui serait proposée sur le marché. Pour cela, ils adoptent une conception objective de la
valeur qui peut se matérialiser par un critère mesurable, le travail.
Les classiques sont conscients de la nécessité des deux autres facteurs de production que sont la
terre et le capital, mais ils confèrent au travail une place prépondérante car ils considèrent que
tout est quantifiable en termes de travail et que celui-ci constitue par A. Smith « la source de la
richesse des nations »43.
D’autres avant lui notamment les physiocrates avaient retenu la terre comme principal facteur
de production et donc comme critère de référence en matière de valeur. Cette conception se
voulait surtout logique pour l’époque du XVIIIème siècle où la majorité de la richesse provenait
de l’agriculture. A tel point que l’industrie n’était pas considérée à cette période comme
créatrice de valeur puisqu’elle ne faisait que transformer des matières premières.
La révolution industrielle du XIXème siècle alla offrir un nouvel angle d’approche aux
économistes qui donnèrent au travail la place importante que celui-ci avait au sein de la société
civile.
Cela nous démontre encore une fois qu’il peut y avoir des perceptions différentes mais tout
aussi valables car les justifications apportées correspondent à une époque, à une culture sociale
qui apprécie différemment les mécanismes économiques dans lequel évolue l’Homme.
43
A. Smith, “La richesse des nations”, Harmondsworth: Penguin, 1974, p 104, Ed Andrew Skinner.
54
La volonté de réduire la production à un facteur unique pour mieux la quantifier a permis à la
théorie classique de A.Smith et de D.Ricardo de trouver un point d’entente avec la théorie
socialiste de K.Marx et F.Engels en conférant au travail le statut de source initiale et principale
de la production.
Toute création de richesses passe obligatoirement par l’union du travail humain et du capital qui
a lui-même était créé par le travail. Les bâtiments, les machines, tous les moyens non humains
nécessaires à la production ont été élaborés grâce au travail.
K.Marx et A.Smith se retrouvent également sur la qualification donnée à la terre, en tant
qu’espace géographique. La terre est un coût nécessaire à la production car il faut
obligatoirement un lieu pour installer son entreprise mais la terre n’a pas été créée de la main de
l’Homme. Elle existe depuis toujours et constitue un socle matériel sur lequel la production
réelle née du travail direct ou indirect de l’Homme. La location du sol oblige au versement
d’une rente au propriétaire. Le revenu foncier ne constitue pas un travail en soi car le rentier
attend immobile que soit reversé son du. Il est indifférent à la production ou la non production
d’un bien sur sa terre puisque la simple prise en location oblige au paiement du prix de cette
location. Il n’y a pas de réciprocité entre la terre et la création de richesse. Le propriétaire
perçoit un revenu sans créer de richesse. Par contre, l’entrepreneur doit prélever sur les
richesses qu’il crée pour payer un loyer au bailleur. La terre ne pouvant être produite, les
propriétaires terriens jouissent d’une situation monopolistique qui leur permette de ponctionner
un partie de la richesse créée.
D.Ricardo considère la terre, en tant qu’espace géographique, comme un facteur stérile car elle
ne génère pas de profit par elle-même. Il estime que la détention de la terre par l’État serait
favorable à l’économie car la suppression de cette rente foncière serait investie dans le travail et
le capital ce qui permettrait au final d’améliorer l’accroissement global de la richesse nationale.
Les travaux de A. Smith ont été repris et améliorés par D.Ricardo. A.Smith qui est le 1er à
énoncer que toute production est issue du travail direct ou indirect de l’Homme, n’a pu
construire une théorie unique partant de ce postulat. Il estimait que la théorie de la valeur travail
offrait un moyen de mesurer la valeur d’une marchandise créée et qu’elle permettait aussi
d’expliquer comment se crée la valeur de ce bien. De ces idées naissent deux théories qui sont
respectivement celle du « travail commandé » et celle du « travail incorporé ».
55
La théorie de la valeur commandée nous indique que la valeur d’un bien est fonction de la
quantité de travail que sa vente permet d’acheter ou de commander.
La théorie de la valeur incorporée nous informe que la valeur d’une marchandise est fonction de
la quantité de travail, direct ou indirect nécessaire à sa fabrication.
La 1ère conception qui se base sur l’achat d’une quantité de travail donne une importance
centrale au coût du travail c'est-à-dire au salaire. La valeur serait donc dépendante du salaire.
La référence a une donnée sociale pour justifier de la valeur d’un bien ne satisfait pas
D.Ricardo. Il estime que le salaire est lui-même lié à la valeur de certains produits comme la
farine par exemple. Le salaire ne peut servir de référence à la valeur du blé alors que le blé sert
lui-même de critère d’indexation du salaire. Cette référence au salaire n’offre pas un critère
objectif et indépendant à la justification de la valeur d’une marchandise.
C’est pourquoi D.Ricardo développe la théorie du travail incorporé qui fait référence a une
donnée plus technique, la productivité du travail. Afin de cadrer son raisonnement D.Ricardo
pose plusieurs hypothèses nécessaires à la justification de son mode de pensée.
Cette théorie s’applique à tous les biens produits ou reproductibles de la main de l’homme , la
terre et les œuvres d’art en sont donc exclus.
La quantité de travail incorporé nécessaire à trouver la valeur d’un bien représente une quantité
de travail social. La valeur d’un bien résulte de la moyenne des temps de travail additionnés des
différents fabricants qui ont participé à sa réalisation. Le temps de travail individuel pour la
production d’un bien ne peut à lui seul accroître ou diminuer la valeur de la marchandise
produite. Ce qui veut dire que si la production manuelle d’un tapis persan de 10m2 nécessite en
moyenne 6 mois de travail. La réalisation de ce même tapis en 12 mois de travail ne viendra pas
doubler la valeur du tapis, cette durée serait indicateur d’une productivité faible. A l’inverse,
celui qui produirait ce même tapis en trois mois ne verra pas sa valeur diminuer de moitié, il
aura juste un taux de productivité élevé ce qui lui permettrait de réaliser 2 tapis en 6 mois et
d’en tirer les bénéfices consécutifs.
Le temps de travail moyen est celui nécessaire pour produire un type de bien. Il est donc relatif
à un marché et à une époque spécifique qui donnera à ce bien une valeur unique.
Le temps de travail des différents fabricants constitue un temps total qui reprend le travail
directement lié à la réalisation et celui qui lui est indirectement lié comme la fabrication des
bâtiments ou des machines. Si pour réaliser ce tapis, il faut 5 kg de laine et un métier à tisser, il
faudra additionner les temps nécessaires à la fabrication de la de laine demandée (15 jours) et
56
du métier à tisser (15 jours) à celui de la réalisation du tapis. Ainsi la valeur du tapis en temps
de travail serait de sept mois de travail.
Par cette méthode, on peut déterminer la valeur de tous les biens produits et instaurer « un
rapport d’échange équilibré »44.
Par exemple, si la fabrication d’un luth nécessite 1 mois de travail alors le tapis persan
s’échangera idéalement contre sept instruments de musique.
Dans une société monétarisée, si on considère à titre d’exemple qu’un luth a une valeur estimée
à 1000 euros, alors le tapis persan aura idéalement une valeur estimée à 7000 euros. Ce prix est
dénommé par D.Ricardo comme étant le prix naturel d’une marchandise, il s’agit d’un moyen
scientifique d’équilibrer tous les prix des biens par rapport au travail fourni. Il s’agit d’une sorte
d’« idéal type » de la théorie de la valeur car si le prix d’équilibre était toujours celui appliqué
cela signifierait que chaque journée de travail de chaque métier serait rémunérée de la même
façon.
Sous Section 2. Karl Marx
K.Marx a repris ce concept de la valeur travail, il y a apporté une analyse
complémentaire.
Son approche de la valeur contribue à la compréhension de sa théorie générale de l’économie.
Le prix naturel d’un bien selon D.Ricardo représente la valeur intrinsèque de ce bien c'est-à-dire
tout ce qui est à nécessaire à la réalisation de cette marchandise. Qu’il s’agisse de papier, de
tissu, de composant électronique c’est toujours et uniquement le travail direct ou indirect qui est
source de valeur.
Pour K.Marx, le capital que sont les machines, les brevets, les inventions ne créent pas de
valeur. Elles transmettent à chaque produit fabriqué une partie de leur valeur qui provient de
l’accumulation du travail de l’Homme.
Il considère l’expression de « valeur du travail » inappropriée puisqu’il part du principe que
c’est le travail qui génère de la valeur.
Pour lui, la valeur n’est pas une propriété intrinsèque de l’objet créé.
44
Ibidem p2
57
Derrière l’utilisation de ce terme de valeur et le besoin indispensable d’estimer un bien par
rapport à un autre se cachent des enjeux politiques et sociaux qui tendent à faire admettre à tous
le caractère universel, naturel de la loi du marché.
Mais cette conception est propre à notre modèle capitaliste dont le but est de s’octroyer une
partie de la richesse produite par le travail du salarié. De la richesse créée par celui-ci , les
détenteurs de moyens de production n’en reversent qu’une petite partie, le salaire, nécessaire à
la survie du travailleur. Le reste de cette richesse constitue le bénéfice ou la plus-value tiré de
l’exploitation du prolétaire. K.Marx cherche à démontrer que ce système économique est
aliénant et n’offre pas d’autre choix au salarié que de louer cette force de travail.
K.Marx a du faire face à un problème que D.Ricardo n’avait pu solutionner qui consiste à
élaborer un taux de rentabilité uniforme quelque soit l’industrie afin de finaliser cette théorie de
valeur travail.
Le rapport d’échange équilibré développé par D.Ricardo et qui permet de faire circuler la
richesse entre tous à l’image de la roue d’un moulin à eau, impose pour être applicable que les
taux de profits soient aussi équilibrés. Mais celui-ci n’a pas réussi à proposer une formule
scientifique qui permettrait d’appliquer cette théorie de la valeur-travail à tous les produits et à
tous les secteurs d’activité.
K.Marx cherche à finaliser cette théorie en proposant un moyen d’appliquer un taux de plus-
value uniforme à toutes les industries ce qui permet de constater que quelque soit l’activité
industrielle , elle donne lieu à une perpétuelle exploitation capitaliste.
Pour arriver à cette démonstration scientifique, il se base sur les travaux d’A.Smith relatifs à la
division du capital. K.Marx distingue la part variable du capital qui est alloué au paiement des
salaires et la part constante qui est constitué des biens achetés nécessaires à la production
(machines, matières 1ères).
Le prix de vente d’un bien doit être supérieur au capital investi pour produire ce bien, c’est ainsi
que se crée le profit. K.Marx considère que cette différence qui constitue le bénéfice n’est autre
que la différence de traitement qu’il existe entre les prolétaires d’un côté et les exploitants de
l’autre. Cette configuration est inhérente à la société et il précise que les individus quelque soit
leur appartenance sociale ne sont pas conscients de cela. La relation entre le travail et le capital
leur parait donc naturelle. C’est le phénomène de « réification des rapports de production et du
58
rapport matériel entre les personnes »45 que K.Marx a développé au travers de la théorie du
« fétichisme marchand »46 qui fait de la marchandise le point de jonction de toutes les relations
humaines. Cette théorie est fondamentale car elle est à la « base de tout le système économique
de K.Marx, et en particulier de sa théorie de la valeur »47
Pour lui: « au lieu d'être une chose, le capital est un rapport social entre les personnes. »48 et le
bénéfice marque la preuve de la domination d’une classe envers une autre.
Les profits engendrés par l’employeur permettent d’investir dans le capital de l’entreprise, ce
qui a pour effet de pérenniser le fonctionnement du système capitaliste et de l’inscrire au fil du
temps comme une norme fondamentale de notre société.
Au delà de la théorie du travail incorporé, l’analyse marxiste considère que la valeur travail
dévoile un aspect fondamental du rapport entre les hommes. Elle vient expliquer que le marché
n’est qu’une conception créée par l’Homme. Ce que l’Homme fait, l’Homme peut le défaire,
c’est pourquoi K.Marx déclare qu’à l’instar de toute chose, le capitalisme aura une fin et la
révolution prolétarienne constitue le moyen le plus approprié à l’amélioration de la société.
K.Marx définit la valeur marchande comme l’expression d’un rapport social. Le bien produit
acquiert sa valeur de par sa substance (le travail abstrait), sa grandeur (la quantité de travail), sa
forme c'est-à-dire ce qu’il permet d’obtenir en échange.
D.Ricardo et K.Marx partagent la même conception de la valeur, toutes choses égales par
ailleurs.
Ils considèrent que la valeur nécessite d’être analysée au moyen de critère objectif : le travail
humain.
D.Ricardo reconnaît que les intérêts entre le travailleur et l’employeur sont généralement
antagonistes, la richesse qui n’est pas prise par l’un sera récupérée par l’autre mais il n’utilise
pas le terme d’exploitation du travailleur dans le sens de soumission à un ordre établi.
Tous les économistes classiques ne partagent pas ce point de vue et certains considèrent que la
société capitaliste ne génère pas d’intérêts antagonistes au contraire elle constitue le système
social le plus juste et le plus protecteur des libertés. De ce fait l’analyse de la valeur par le
45
K. Marx “Le Capital”, livre. I, tome I, 1867 p. 85, 46
Ibid. p 87 47
Isaac Roubine " Essais sur la théorie de la valeur " 1928, Chargé de recherche à l’institut Marx-Engels 48
K. Marx “Le Capital” chapitre XXXII, tome 3, p. 207. [œuvre posthume de Marx publié par Engels] 1894
59
travail ne peut être admise car elle se serait trop limitée. Ils préfèrent retenir un autre facteur
déterminant pour définir la valeur d’un bien, celui de l’utilité.
Section II / La conception subjective : La Théorie de la valeur utilité
La théorie de valeur utilité se retrouve dans de nombreuses analyses économiques
mais elle s’affirme à partir du XVIIIème siècle avec l’économiste français Etienne Bonnot de
Condillac49 puis s’émancipera au XIXème siècle sous la plume d’un autre économiste français,
Jean Baptiste Say50. Cette analyse sera reprise et appréciée différemment par d’autres auteurs
comme Thorstein Veblen51.
Sous Section 1. JB. Say et les néoclassiques
JB.Say s’oppose à l’approche ricardienne et adopte une analyse subjective de la
valeur.
Il rejette l’idée que le travail soit la seule source de la valeur et considère que si la production
d’une marchandise nécessite la réunion des trois facteurs que sont la terre, le travail et le capital
alors ils sont tous créateurs de valeur. L’interdépendance de ces facteurs oblige à n’en écarter
aucun. Donc il n’admet pas que la terre, en tant qu’espace géographique, soit considérée comme
stérile et que le capital soit le fruit du travail passé.
La production est l’opération qui permet d’accroître l’utilité d’un bien. Plus il est utile, plus il a
de la valeur. Cette conception est à rapprocher de la notion de rareté qui entre dans le processus
de valorisation d’un bien.
Cela revient à dire que pour une quantité de biens donnés, si le consommateur ne tire pas une
grande utilité du bien, la valeur de celui-ci sera faible. A l’inverse, si le consommateur considère
ce bien comme ayant une grande utilité alors sa valeur sera élevée.
En l’état la théorie de l’utilité a suscité des critiques car elle peut être facilement remise en
cause. Il suffit pour cela de reprendre le paradoxe de l’eau et du diamant énoncé par A.Smith.
49
Etienne Bonnot de Condillac, Abbé de Mureau (1715-1780) 50
Jean Baptiste Say (1767-1832) 51
Thorstein Veblen, économiste et sociologue américain (1857-1929)
60
Pour une même quantité de bien l’eau semble largement plus utile à l’homme que le diamant.
L’eau est indispensable à notre survie alors que la diamant ne l’est pas. L’utilité que l’on tire de
l’eau devrait lui donnée une valeur bien supérieure à celle du diamant. Ce qui en réalité n’est
pas le cas donc cette théorie n’est pas acceptable pour A.Smith. D’ailleurs cette analyse lui
permettra de justifier la différence entre valeur d’échange et valeur d’usage. La valeur
d’échange correspond à la quantité de travail que ce bien peut acheter, alors que la valeur
d’usage attrait à des considérations personnelles c'est-à-dire l’utilité que procure ce bien au
consommateur. Ces deux notions ne s’opposent car il ne peut y avoir d’échange s’il le bien
n’est d’aucune utilité. Par cette logique A.Smith ne s’intéresse pas à l’étude de l’utilité d’un
bien, pour lui c’est une prémisse à toute production et il n’apporte donc pas de plus-value. Un
bien ou service est nécessairement proposé car il a une utilité à défaut il ne sera pas produit.
Pour autant les néoclassiques reprendront la théorie de JB.Say pour l’affiner et lui donner une
validité scientifique. William Jevons considérait comme le co-fondateur de l’école néoclassique
avec Léon Walras52 (école de Lausanne) et Carl Menger53 (école autrichienne) justifie la valeur
par la notion de « degré final d’utilité »54. Cette approche lui permet de confondre le paradoxe
de l’eau et du diamant en indiquant que la valeur d’un bien ne provient pas de son utilité
moyenne mais de son utilité marginale c'est-à-dire de l’intérêt pour le consommateur d’en
détenir une unité supplémentaire. Le degré d'utilité d'un produit est une fonction continue de la
quantité de produits disponibles dans un temps et dans un lieu donné. Cela revient à dire que
plus un bien est rare, plus son utilité marginale est grande.
Pour tous les produits l’intérêt marginal décroit rapidement. La détention d’une hache pour un
homme qui souhaite abattre un arbre aura un intérêt marginal fort. Le degré d’utilité de cet outil
est très élevé par rapport à l’activité qu’il souhaite mener.
Par contre, si on propose une 2ème hache au même homme, celui-ci n’en tirera pas un grand
intérêt. Son utilité marginale sera faible voire nulle car elle ne lui servira pas à grand-chose à la
différence de la 1ère hache qui lui sera essentielle pour atteindre son but.
Il est en de même pour l’eau ; l’homme qui a soif dans le désert paiera le prix fort pour obtenir
un litre d’eau. Une fois sa soif étanchée, il ne paiera pas aussi cher pour un 2ème litre d’eau et
ainsi de suite. L’utilité marginale du diamant tend également à décroître mais de façon
beaucoup moins importante que l’eau. C’est ce qui explique la différence de valeur entre l’eau
52
Léon Walras, économiste français (1834-1910) 53
Carl Menger, économiste polonaise, docteur en droit (1840-1921) 54
William Stanley Jevons “Brief account of General Mathematical Theory of political economy” in Journal of the
Royal Statistical Society, p 282-287 . Publication Juin1866.
61
et le diamant car le marché ne confronte pas le degré d’utilité moyen d’un bien mais le degré
d’utilité finale.
Pour les néoclassiques, la valeur d’une marchandise ne dépend pas de son coût de production
mais de son utilité marginale. Cette utilité dépend du phénomène de rareté d’un bien mais se
veut relative à l’Homme, à sa conscience, à ce qu’il considère utile à son bien être. C’est de
cette vision subjective de la valeur que naît le mouvement néoclassique en rejetant la théorie
basée sur la valeur travail. Pour eux, la distinction faite par D.Ricardo entre les biens
reproductibles et non reproductibles n’a pas lieu de s’appliquer car la valeur d’un bien naît
moins de la main de l’Homme que de son esprit. Ils rejettent donc le travail comme source
essentielle de richesse. Dès qu’un bien possède une utilité pour autrui, il aura forcement une
valeur et donc un prix.
Le lien entre cette théorie est celle sur l’utilitarisme de J.Bentham est évidente car elle reprend
l’idée de plaisir. Au plus il est important, au plus la valeur d’un bien ou d’un service sera élevé.
Nous parlons ici de valeur d’usage celle qui vient directement de l’utilité qu’un consommateur
alloue à un bien. C’est aussi pour cette raison que l’Homme produit en général afin de tirer un
avantage, un usage de ce qu’il a fabriqué.
La valeur d’usage se distingue de la valeur d’échange qui représente un taux auquel une
marchandise s’échange. Pour les néoclassiques, la valeur d’un bien est représentée par sa valeur
d’échange elle-même liée à l’utilité subjective de chaque individu. Pour les classiques, l’utilité
est un élément qui conduit à la production mais n’entre pas dans la valorisation du produit. Ils
considèrent qu’un bien ou un service est nécessairement proposé s’il a une utilité, à défaut il ne
serait pas produit.
Notre société capitaliste s’est développée sur les études des néoclassiques, la théorie de la
valeur utilité a été préférée à celle sur la valeur travail. Les raisons qui expliquent ce choix ne
sont pas rattachées à considérations scientifiques mais répondent à des exigences politiques.
D.Ricardo admet que le capitalisme met en opposition les intérêts du travailleur à ceux de
l’exploitant. Il est conscient de cette relation sociale et ne cherche ni à la nier ni à la
promouvoir. Son objectif est de favoriser le développement du capitalisme et de combattre tout
ce qui pourrait l’entraver comme la rente foncière qui ralentit l’investissement et la croissance
économique.
62
JB.Say et les néoclassiques cherchent à nier pour des raisons politiques cette opposition
d’intérêts entre les travailleurs et les détenteurs des moyens de production.
Ils ne peuvent admettre que l’école classique par ces positions théoriques viennent légitimer
l’approche marxiste de l’économie qui revendique l’aliénation de la classe ouvrière par le
travail. Il ne faut pas donner un soupçon de raisonnabilité à la théorie socialiste.
Historiquement la théorie développée par les néoclassiques arrive à point nommé après la
publication de la pensée de K.Marx et la naissance d’un mouvement ouvrier révolutionnaire.
Par la théorie de la valeur utilité et du jeu du marché libre, les facteurs de production que sont la
terre, le travail et le capital sont rémunérés de façon équilibrée et qui correspond parfaitement à
la valeur que chaque facteur a engendrée.
L.Walras démontre que l’équilibre général doit s’établir sur un marche où la concurrence est
pure et parfaite, c'est-à-dire qu’elle ne subit aucun type d’entrave.
L’optimum de Pareto développé par l’économiste italien Vilfredo Pareto55 permit de justifier
mathématiquement que la société capitaliste est favorable à tous car elle équilibre de façon tout
à fait neutre la rémunération des facteurs de productions. Cette situation optimale qu’est la
société capitaliste est présentée comme le seul système à pouvoir améliorer la situation d’un
individu sans détériorer celle d’un autre.
Les néoclassiques reconnaissent qu’en réalité la rémunération des facteurs de productions
notamment le travail n’a pu se réaliser de façon optimale mais cela s’explique par des
phénomènes qui entravent la bonne marche du processus. Ce peut être l’intervention de l’État,
les ententes entre entreprises, les mouvements de grèves qui nuisent la rémunération effective
des facteurs de production. Ces derniers sont considérés comme une atteinte à la norme
économique et la cause qui permet de comprendre pourquoi le facteur salaire ne sont pas
rémunéré à sa juste valeur. Ce que K.Marx appelle l’exploitation est un accident de parcours du
fait du non respect des règles par certains acteurs économiques.
Cette démonstration a contribué à l’adoption de la théorie valeur utilité dans notre vision
économique.
L’exposé de ces théories qui font partie de notre culture économique commune nous apprend
que la notion de valeur peut être appréciée différemment, que l’application de critère subjectif à
cette notion rend encore plus difficile le moyen d’estimer une marchandise car chacun tiendra
compte de l’utilité personnelle qu’il tire d’un bien , et cet aspect est tout aussi relatif.
55
Vilfredo Pareto, économiste et sociologue italien (1848-1923)
63
La valeur d’un bien ou d’un service au sein d’une entreprise peut donc être calculée de
différente façon. La valeur d’échange d’un bien peut être conforme ou pas à sa valeur
intrinsèque. Il peut y avoir une correspondance exacte avec le prix du marché mais avant de
rechercher l’application d’un prix non conforme au marché, il faut chercher à définir si ce prix
est conforme au produit fabriqué. L’adoption de critères subjectifs pour définir la valeur d’un
bien oblige à admettre que la valeur d’échange d’un bien et donc a fortiori son prix peut être
tout aussi subjectif.
De plus, il existe différents phénomènes qui peuvent altérer la valeur réelle d’un bien.
André Orléan56 dans son analyse de la valeur indique que celle-ci ne trouve pas uniquement sa
source de l’utilité ou du travail incorporé. La valeur économique d’une marchandise peut
provenir d’un sentiment collectif57, du mimétisme social comme on peut le retrouver dans les
écrits de l’institutionnaliste T. Veblen.
Sous Section 2. T. Veblen et les institutionnalistes
T. Veblen part de la théorie de la valeur utilité des néoclassiques pour développer sa
propre conception intitulée « la théorie de la classe de loisir ». Ce terme n’est autre qu’un
qualificatif choisi par Veblen pour définir la classe dominante et dont il considère que : « toutes
les activités sont tournées vers la démonstration qu’elle ne peut, sous peine de déchoir,
participer à des activités industrieuses. Elle véhicule un mode de pensées et d’actions dont on
retrouve les effets dans toutes les sphères de la société. »58. Cette classe dite « oisive » selon les
termes de Veblen a institutionnalisé son mode de vie pour en faire la référence sociale. Elle crée
la distinction entre les taches dites nobles qui relèvent de l’extraordinaire ( la gouvernance
politique, la musique, le sport) et les taches dites ignobles caractérisées par leur banalité (le
travail manuel de l’artisan, de l’ouvrier, les tâches domestiques)
La consommation et les loisirs ostentatoires sont signes de richesse et de supériorité sociale. Les
différentes couches sociales chercheront par le biais de la consommation ostentatoire à atteindre
la couche qui lui est immédiatement supérieure. Le système économique fait du mode de vie
des classes supérieures un idéal de vie qu’il faut nécessairement atteindre pour être
psychologiquement et socialement bien.
56
André Orléan économiste français né le 23/05/1950 57
André Orléan, “l’empire de la valeur” p 189-190 Ed seuil 2011. 58
Thorstein Veblen, « Théorie de la classe de loisir » p 7 Ed Gallimard 1970
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Toutes les classes sociales, mêmes les plus démunies, sont traversées par ce phénomène ce qui
confirme son caractère institutionnel. Et c’est cet aspect qui différencie Veblen des
néoclassiques car pour eux les relations entre agents économiques se déroulent dans un système
statique et socialement neutre alors que le courant institutionnel considère qu’un système
économique ne peut être neutre car il se trouve intégré dans un contexte historique et social.
T. Veblen indique que la propriété est source d’estime et d’honorabilité, celui qui ne possède pas
encourt le risque de ne pas être estimé. Ce formatage économique influe sur la valeur des biens.
Pour l’auteur l’appréciation de la valeur d’un produit dépend plus de sa cherté que d’autres
valeurs59. La fixation d’un prix élevé donne de la valeur à un produit et accroît son attrait car
seule une certaine classe peut l’acheter. L’utilité n’est plus le seul élément pour valoriser un
produit, il faut lui adjoindre l’élément honorifique.
Veblen en tant que sociologue considère toutes ses dépenses ostentatoires comme du gaspillage,
dans le sens où elles ne sont pas utiles au bien être de la société. Ce système se veut pervers
puisque l’objectif poursuivi par l’individu n’est pas d’avoir beaucoup mais d’avoir plus que les
autres ce qui nuit aux relations sociales.
En tant qu’économiste, il trouve une justification à ce gaspillage ou « superfluité »60 et admet
qu’une dépense ostentatoire est tout aussi légitime qu’une autre si l’acheteur y trouve son
intérêt.
Les entreprises ont largement incorporé ces deux éléments créateurs de valeur et afin
d’augmenter leurs activités, elles n’ont de cesse de trouver des produits innovants qui
remplissent ces deux critères. Elle créent l’utilité d’un bien et en font un produit de
démarcation.
Cet art de rendre nécessaire un bien qui ne l’est pas de prime abord est le propre du marchéage
ou marketing. Il semble important de comprendre le mode de fonctionnement de cette matière
car elle permettra de continuer à démontrer que des produits semblables peuvent avoir des
valeurs d’échanges différentes.
59
Ibid p 84. 60
Néologisme inventé par Veblen, issu de la fusion des termes superflu et utilité.
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Conclusion chapitre I
Il est clair que la valeur est une notion qui s’apprécie différemment comme nous le
montre les théories présentées ci-dessus. Notre système économique a retenu comme
conception de la valeur, celle développée par les néoclassiques et considère donc qu’elle est
caractérisée par l’utilité qu’offre un bien ou un service à une personne. Nous devons donc
admettre que la valeur s’apprécie de façon subjective. Le prix d’un bien ou d’un service est
donc la représentation de la valeur d’échange d’un bien par une personne donnée et à un
moment donné. Moment où le bien proposé sera perçu comme nécessaire à la satisfaction d’un
besoin économique de l’Homme.
Le paiement du prix se fait généralement en numéraire. Mais Il ne faut pas considérer
l’obtention de monnaie comme une finalité en soi. Elle constitue simplement un moyen
d’échanger des objets de nature différente et de valeur différente. L’argent pour être utilisé doit
correspondre à une valeur, à défaut il n’est pas utilisable.
La fixation du prix est l’élément de jonction au travers duquel va s’effectuer le transfert de
propriété.
Le prix correspond à la valeur d’échange d’un bien ou d’un service à un moment donné et avec
une monnaie donnée. Il est l’élément fondamental du contrat de vente et détermine la relation
entre le vendeur et l’acheteur. Soit ils sont d’accord et concluent le contrat de vente, au contraire
soit l’acheteur considère le prix comme trop élevé ou supérieur à la valeur qu’il attribue lui-
même au bien proposé et le contrat n’est pas réalisé.
Le fait d’avoir considéré la valeur comme une notion subjective, autorise logiquement le
consommateur à adopter une approche subjective en matière de prix.
Chaque courant économique a développé sa propre idée du prix.
L’approche objective considère la valeur d’un bien et service comme le résultat d’une addition
de facteurs de production qui part de l’achat des matières premières au temps nécessaire à sa
transformation pour finir par la fourniture d’un bien ou service au consommateur. Celui qui
souhaite obtenir ce produit final devra s’acquitter d’un prix qui correspond à la réalité des coûts
engagés et du travail fourni. Pour les protagonistes de cette théorie, le prix doit être fixé tout en
ayant une considération objective mais aussi morale de l’œuvre réalisée, c’est pourquoi il est
désigné sous le terme de « juste prix ».
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Les représentants de la valeur utilité considèrent en définitive que la valeur est une notion
subjective et privée qui relève plus du champ d’étude de la psychologie que de celui de
l’économie. Pour eux, la notion de prix issue des mécanismes du marché possède une réelle
pertinence économique. Ils considèrent que dans des conditions optimales d’exercice de la loi
du marché, le « prix d’équilibre » qui est le prix de vente n’est autre que la juste représentation
de la valeur . En théorie, il n’y donc pas de distinction entre prix et valeur mais une
équivalence.
Pour les institutionnalistes, le prix influe sur la valeur d’un bien. Pour tout type de produit au
plus le prix sera conséquent au plus le bien sera considéré comme ayant de la valeur puisque la
conclusion du contrat de vente ne sera possible que pour un nombre restreint d’individus. Le
prix dit « du prestige » se veut toujours élevé et par cette occasion l’acheteur se démarque des
autres et consolide sa position sociale. Il nourrit le système qu’il idéalise et dans lequel il se
conforte.
La fixation du prix ou plutôt celle du bénéfice qui compose le prix se veut relative à
l’entrepreneur qui consciemment ou inconsciemment transcrit sa perception sociétale au travers
des prix qu’il pratique.
Cette liberté de penser ou d’agir se veut légitimer par un principe fondamental en droit
commercial qui est celui de la libre fixation des prix. Chaque personne peut décider librement
de la somme d’argent qu’il souhaite obtenir pour échanger un bien ou un service. Ainsi le prix
pratiqué et notamment la composante marge seraient relatives à l’idée que se fait un producteur
du bien qu’il a produit ou du service qu’il propose. La seule limite naturelle à ce principe veut
que l’entrepreneur ne vende pas à perte. Le prix affiché ne doit pas être inférieur au prix de
revient c'est-à-dire à la somme des coûts nécessaires à l’élaboration du produit. Car dans ce cas
l’entreprise commerciale ne serait pas viable économiquement et l’objet qui fonde le contrat de
société ne serait pas respecté.
Outre cette limite, l’entreprise peut fixer le prix de vente qu’elle souhaite. Donc elle est
légalement autorisée à opter pour le prix qu’elle considère comme étant le plus représentatif de
la valeur du produit. Ce prix ainsi déterminé peut correspondre à la notion de juste prix, à celle
du prix marché ou encore à celle du prix de prestige. Et le choix de l’une ou l’autre des options
devrait ne souffrir qu’aucune remise en cause dans notre société libérale.
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Cette approche théorique de la relativité de la valeur se retrouve dans la pratique du commerce
international. La politique des prix de vente pratiqués dépend avant tout des éléments de
production du bien ou service mais également de la politique de commercialisation choisie par
la société.
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Chapitre II. L’analyse pratique : la valeur relative d'un bien ou service
La valeur est une notion que l’on retrouve dans toutes les pensées économiques, ce
qui ce comprend aisément car le but de l’activité économique est de générer une valeur. Le prix
est un moyen d’identifier la valeur même si ce prix ne reflète pas toujours la réelle valeur du
bien ou service proposé .
La loi du marché permet de fixer un prix par la rencontre de l’offre et de la demande.
Les fluctuations de l’offre et de la demande viennent modifier le prix pratiqué démontrant ainsi
qu’un bien ou service peut ne pas être rémunéré de la même façon. Pourtant le produit en
question aura été réalisé dans les mêmes circonstances. Ceci nous permet de distinguer la valeur
du prix.
Il arrive même que le prix de vente soit inférieur à la valeur qu’à générer sa fabrication ou que
le prix d’achat soit supérieur à la valeur réelle du bien. Certains économistes distinguent
clairement dans leur théorie le prix d’un bien à celui de sa valeur réelle. Le prix de marché ne
suffit pas à déterminer la valeur réelle d’un bien.
La valeur d’un bien ou service est donc relative à la perception que se fait le producteur de ce
bien et à la marge qu’il souhaite réaliser en vendant ce bien. Comme nous l’avons vu dans le
chapitre précédent, la valeur est une donnée dont la théorie admet sa relativité notamment en
terme de valeur d’échange ce qui nous oblige à admettre que le prix induit est lui aussi empreint
de relativité. A présent, nous allons voir si cette perception théorique se retrouve également dans
la pratique du commerce et de la production de biens et services ou au contraire si l’estimation
de la valeur et la fixation du prix suivent des modalités objectives qui s’appliquent à tous et
dans toutes les circonstances et permettent d’aboutir toujours à une valeur d’échange identique
pour un produit identique proposé sur le marché libre.
En pratique, un bien acquiert sa valeur lors du processus de fabrication et c’est en bout de
chaîne que l’on peut réellement déterminer la valeur du produit. Ainsi l’entrepreneur pourra
décider d’un prix qui représentera cette valeur finale additionnée soit de façon cumulative ou
alternative d’un coût qui rémunère son travail de commerçant et/ou son investissement en
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capital ; tout dépendra de la conception qu’a l’entrepreneur de son activité. Il pourra aussi opter
pour des outils qui devrait lui permettre une rémunération accrue de son activité.
On distingue souvent la valeur intrinsèque de la valeur d’usage et d’échange. Toutes ces valeurs
peuvent être différentes mais la valeur d’échange devrait toujours avoir comme seuil plancher
de fixation, le prix relatif à la valeur intrinsèque du produit car celui-ci constitue un minimum
obligatoire à la poursuite d’une activité commerciale. Au-delà de ce seuil, la fixation de la
valeur d’échange d’un produit est sans limite à partir du moment où il y a des acheteurs.
La valorisation d’un produit suit toujours le même processus qu’il se déroule tout au long d’une
chaîne de production formée d’entreprises indépendantes ou contrôlé par un groupe. Pour
faciliter la compréhension de notre propos nous baserons notre analyse sur des exemples de
groupe de sociétés qui applique l’intégration verticale avec une unique commercialisation
externe qui s’exerce par la société la plus en aval du groupe. Le processus d’intégration
verticale tend maîtriser l’ensemble de la chaîne de production qui va transformer une matière
1ère en un produit fini au fil des passages dans les différentes unités de production ou entreprises
qui ont chacune leur spécialité.
La critique sur les prix de transfert porte sur la représentation tarifaire du produit revalorisé à
chaque sortie d’entreprise. Pour comprendre cette méfiance à l’égard des groupes, il est
important de connaître la nature d’un groupe d’entreprises, sa formation pour ensuite analyser
les modalités d’estimation de la valeur du produit que les sociétés liées s’échangent à chaque
nouvelle phase de production (section 1).
Cela veut dire que toute entreprise quelque soit le prix qu’elle pratique devra passer par une
estimation des coûts de production pour vérifier la rentabilité de son commerce. Suite à cela
l’entrepreneur décidera d’appliquer un taux de marge qu’il considère suffisant ou qu’il souhaite
maximal. Dans cette analyse, nous retrouverons naturellement de façon claire ou implicite la
distinction qui s’opère entre la théorie de la valeur travail et celle de la valeur utilité.
La valeur parallèlement au prix s’accroît tout au long du processus de fabrication et se
matérialise lors de chaque transaction entre les membres du groupe. L’objectif poursuivi par le
groupe est la commercialisation de ce produit à un agent économique extérieur, le prix versé par
celui-ci viendra rémunérer l’ensemble de l’activité du groupe. La commercialisation finale qui
sera confiée à une société contrôlée intervient une fois que la production est terminée. La valeur
acquise au fur et à mesure de cette production va représenter un prix de revient pour la société
en charge de la vente auquel elle va y ajouter sa marge bénéficiaire afin d’arriver à un prix de
vente final. La société tête de groupe peut également décider de la mise en place d’une politique
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de commercialisation renforcée (section 2) qui va permettre d’améliorer la perception du
produit par le consommateur et donc de l’offre afin de trouver des demandeurs prêts à accepter
un prix de vente final plus important en échange de ce bien.
Cette politique va faire évoluer la valeur d’échange et donc le prix de vente en jouant sur la
subjectivité de l’acheteur. Cette société qui se trouve à la proue de la filière contrôlée par le
vaisseau mère pourra sur son commandement, conserver la totalité du bénéfice marginal tiré de
son activité ou la répartir entre toutes les sociétés du groupe. Ces décisions peuvent traduire la
volonté soit de fixer la plus grosse partie des bénéfices au sein d’une seule entité du groupe
pour des raisons de gestion ou du fait d’une fiscalité attractive ; soit d’instaurer une juste
répartition de ces bénéfices entre toutes les composantes du groupe afin d’aplanir ou de répartir
de façon équilibrée la charge fiscale du groupe en tenant compte des législations fiscales de
chaque juridiction où sont présentes les entités du groupe.
Section I. La réalité économique du groupe multinational et la valorisation de
son produit
Pour comprendre la valorisation du bien ou d’un service, il est nécessaire de
comprendre le contexte économique dans lequel évoluent l’entreprise et son groupe
international (sous section 1) ceci nous permettra d’appréhender les modalités d’estimation de
la valeur d’échange du produit qui passe par le processus de fabrication du produit (sous section
2)
Sous Section 1. Le contexte économique du groupe multinational
Une société qui exerce ou qui souhaite exercer à l’international peut le faire selon
deux modes différents, soit les relations commerciales avec le marché étranger qui résulte de
l’exportation de marchandises à des exploitants indépendants ou des consommateurs finaux,
soit le présence de la société est marquée par l’existence d’une structure fixe d’affaire installée
sur le territoire étranger matérialisée par une succursale ou une filiale.
Dans le 1er des cas la problématique relative à la manipulation des prix de transfert n’est pas
rencontrée puisque les revenus de la société issus de l’exportation auront le même traitement
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fiscal que les revenus générés sur le sol national et seront imposés en conséquence par une seule
et même juridiction.
Dans le second cas, la présence d’une entité locale appartenant au groupe et rattachée
fiscalement à une juridiction étrangère fera que les revenus de son activité seront imposés par
cette juridiction. La présence d’au moins 2 systèmes fiscaux est nécessaire à toute opération de
transfert indirect de bénéfices car celle-ci n’est rendue possible que s'il existe un avantage
fiscal issu soit de la comparaison des législations fiscales nationales, soit de la présence d’une
convention fiscale de non double imposition. Au plus le groupe est présent à l’international au
plus sa structure fiscale est complexe du fait des différents systèmes d’imposition en présence.
L’interaction de ces systèmes crée un réseau fiscal dont la bonne connaissance ouvre les voies
de l’optimisation et de l’évasion fiscale. La prise en compte des considérations fiscales fait
partie inhérente du mode de gestion d’un groupe de sociétés puisqu’il permet de minimiser la
charge fiscale totale du groupe. Dans certains cas, la fiscalité va fortement influer sur la
stratégie du groupe qu’il s’agisse de fixer le lieu d’implantation d’une entité chargé de la
production ou celui du centre décisionnel de la société mère.
La volonté de créer ou de devenir un groupe multinational trouve son point d’origine dans un
pays et dans une société, rares sont les cas où l’entrepreneur c'est-à-dire celui qui a exprimé de
façon concrète sa créativité afin de venir satisfaire les besoins matériels ou immatériels
existants ou futures des personnes, a créé dans un même temps et dans deux pays distincts, au
moins deux sociétés exerçant ou non dans le même secteur d’activité. Cette union de sociétés
naît bien souvent de la volonté d’agrégation des moyens de fabrication (intégration verticale) ou
par exemple des sources de production (intégration horizontale) qui se concrétise par la
création, l’acquisition d’une entreprise ou encore la fusion avec une société du secteur
concerné. Cela peut également provenir mais dans des cas plus rares, d’une opportunité
d’affaire qui a poussé la future société mère à s’internationaliser. Pour arriver à ce stade
l’entrepreneur a su exploiter son activité au niveau national et en tirer une rentabilité qui lui a
permis de financer son expansion économique. Auparavant l’internationalisation correspondait
à un souhait d’étendre sa puissance économique à d’autres pays et d’asseoir sa notoriété au
niveau mondial.
De nos jours, l’internationalisation a perdu son image de conquérant du monde économique, de
bâtisseur d’empire financier même si c’est toujours le cas pour certaines firmes. Elle semble
paraître pour certaine sociétés nationales une nécessité. Celles-ci se placent dans certaines zones
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géographiques afin de maîtriser les coûts de production tout en préservant le processus de
fabrication. Ce qui leur permet de pouvoir continuer à proposer des prix concurrentiels sur leur
sol initial et de se préparer à l’ouverture éventuel d’un marché nouveau dans la localité
d’accueil.
Ces différentes approches révèlent un intérêt commun, celui de sécuriser la production de ses
biens ou de ses services afin de poursuivre son commerce. Le groupe forme donc un dispositif
réfléchit dont le but est de sécuriser la production, promouvoir la présence de la société sur les
différents territoires et avant toute chose générer des bénéfices en cherchant soit une rentabilité
normale, optimale ou maximale. Chaque entité a donc un rôle précis à jouer afin que la chaîne
de production ne s’enraille pas et puisse se conclure par la mise en vente du produit au prix
décidé par la société elle-même et/ou la société tête de groupe.
Nous pouvons faire un parallèle de cette description avec la division des tâches instaurée par
H.Ford au début du 19ème siècle. Celle-ci a été transposée au niveau des sociétés dans le sens où
ce ne sont plus les hommes qui effectuent des tâches spécifiques au sein d’une même entreprise
mais diverses entreprises qui effectuent un travail spécialisé au sein d’un groupe. Comme son
nom l’indique, cette spécialisation des tâches veut que chaque individu se spécialise dans un
travail ce qui a pour avantage de générer une expertise en la matière et d’accroître la
productivité grâce à ce savoir. Traditionnellement, cette spécialisation des tâches se trouvait au
sein du marché local ou national et chaque spécialité était située dans un zone géographique, un
quartier qui lui était dédié. La mondialisation est venue étendre ce concept et à présent ce sont
certaines zones ou pays du monde qui sont réputés pour leurs spécialités, comme la production
de biens en Asie, les centres d’appels en Afrique du Nord, la production de denrées en Europe et
Amérique du sud et la recherche et développement dans les pays les plus aisés, Europe de
l’ouest et Amérique du Nord
Cette volonté de diviser son activité et de s’implanter dans le pays où la zone qui semble être la
mieux adaptée à ses besoins correspond à une gestion intelligente et louable du groupe qui veut
s’offrir les meilleures opportunités de réussite.
Ce phénomène de mondialisation est avant tout un choix politique décidé et initié par les pays
les plus industrialisés ; et c’est le choix de politiques économiques et fiscales spécifiques qui
ont amené les entreprises à ce mode de gestion. La division internationale du travail « DIT » a
été développée par des économistes comme A.Smith, D.Ricardo et repris dans le théorème HOS
afin que les États adoptent cette approche. Ils en sont donc les instigateurs et certains pays
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d’implantation comme la Chine ont profité de leurs dotations factorielles et fait de leurs
faiblesses, démographie importante, faible niveau de vie, des avantages dont pouvaient tirer
profit les agents économiques extérieurs et le pays lui-même. S’agissant de la Chine, des
politiques économiques internes s’appuyant sur les dotations factorielles (travail-terre) propres à
chaque région ont été instaurées afin que chacune d’entre elles deviennent spécialisées en un
domaine. Ce qui permet d’élargir la gamme de production et d’étendre le niveau de qualité
proposé par le pays afin de répondre le plus largement possible aux demandes des entreprises de
différents secteurs.
Dans le même temps des mesures incitatives d’ordre fiscal et une législation stricte en matière
d’implantation d’entreprises sont venues parfaire cette stratégie économique.
La mise en place de politiques contraignantes pour la population ne peut se faire que si celle-ci
y est préparée, en l’espèce la culture holistique des pays d’Asie et principalement de la chine
ont permis l’application effective de celles-ci.
La stratégie organisationnelle choisie par le groupe et qui induit sur la politique de fixation des
prix pratiqués intra-groupes ainsi que sur le prix final destiné au consommateur externe sont des
exercices intimement liés. Le prix est la représentation de la valeur d’échange. Le mode de
fixation d’un prix semble naître d’une technique unique et universelle, il suffit d’établir le coût
de fabrication et d’y adjoindre un taux de marge pour déterminer le prix de vente. En économie,
le prix de vente serait le point de jonction entre la courbe de l’offre et celle de la demande.
L’élasticité du prix serait consécutive à l’augmentation ou la baisse d’une de ces deux données.
Ces données sont vraies mais s’analysent surtout de façon postérieure à l’acte de commercer.
Pour que le producteur puisse proposer un produit en échange d’autres produits, il faut
nécessairement estimer la valeur d’un bien. Le degré d’estimation de cette valeur est primordial
à toutes relations d’échanges. L’agent économique rationnel n’admettra pas de fournir un bien
en échange d’un autre bien ou d’une somme d’argent sans détenir un moyen de quantifier la
production qu’il a réalisée. Une cuillère en bois de pin ne peut raisonnablement s’échanger
contre une table du même bois. La valeur de ces biens est inégale et la fixation d’un prix ne
servira à justifier de la valeur des biens échangés que si la différence de prix entre les deux
biens est représentative de la différence de valeur. Cela veut dire que cette cuillère peut être
vendue à 1 euro ou à 1000 euros si la table affiche un prix de vente de 100 euros ou 100 000
euros. Le prix est un simple indicateur de valeur. La question essentielle en matière de
production est de savoir estimer la valeur réelle d’un bien, celle qui notamment par l’usage qui
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en fait permet d’instaurer un écart de valeur relatif à un autre bien d’un usage différent toutes
choses égales par ailleurs. De cette valeur considérée comme réelle sera déduite la valeur
d’échange qui se caractérise dans notre économie par une quantification en monnaie.
La valeur d’échange d’un bien est représentée par son prix qui permet de définir la somme
d’argent nécessaire à l’acquisition de ce bien. L’argent est le moyen commun pour faciliter
l’échange des biens et des services. La monnaie n’est pas une fin en soi car celle-ci ne détient
que très peu de valeur propre à sa réalisation c'est-à-dire sa valeur intrinsèque mais l’usage qui
est convenue entre les acteurs économiques lui confèrent une valeur relativement importante.
La valeur d’usage de la monnaie vient compléter la valeur intrinsèque pour lui donner sa valeur
réelle.
Sous Section 2. L’estimation de la valeur d’un produit dans le processus de
fabrication
La valeur intrinsèque d’un bien ou service se caractérise par sa particularité. Ce
qu’on lui reconnaît comme qualité, celle qui est proposée sur le marché qui crée l’offre et
génère la demande. Cette valeur intrinsèque se justifie principalement par les éléments de
composition de ce bien ainsi que le travail nécessaire à sa fabrication. Cette valeur intrinsèque
génère une valeur d’échange c'est-à-dire ce à quoi donne droit la production d’une unité de ce
bien par rapport à d’autre unité de bien. Un luthier qui fabrique un violon peut espérer
l’échanger contre plusieurs unités d’un bien qui sera considéra comme ayant une valeur
inférieure et il devra fournir plusieurs instruments s’il souhaite obtenir un bien d’une valeur
relative supérieure.
Dans les sociétés monétarisées, l’échange a laissé place à une rétribution en argent qui
correspond à la valeur d’échange allouée à un bien. Cette à dire que le luthier qui réalise son
ouvrage ne l’échangera plus contre un autre bien mais contre de la monnaie qui lui servira à
acheter les autres produits dont il a besoin ou qu’il désire. De nos jours, l’estimation de la
valeur intrinsèque d’un bien ou service passe par la quantification de sa valeur économique.
Le prix des biens se négocient sur le marché et la rencontre de l’offre et de la demande
permettront de définir le point d’équilibre. Une fois ce prix d’équilibre trouvé, l’échange entre
les acteurs peut se réaliser.
La manipulation des prix pratiqués au sein des groupes vient rompre avec cette logique
d’équilibre. En effet les sociétés liées évoluent dans un marché que s’est créé le groupe au fur et
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à mesure de son processus d’intégration verticale. Chaque entité du groupe vient répondre à
l’offre de la société qui la précède. Il s’agit d’un marché particulier intégré au groupe qui évolue
au sein du marché global car même si ce marché intégré semble hermétique il y aura toujours
un ou plusieurs points de connexion avec le marché libre afin de se fournir ou distribuer des
biens et services.
Les États effectuent le contrôle des prix de transfert en recherchant si le prix d’équilibre à été
respecté dans le contrat de vente ou de prestation qui unit les entités d’un même groupe. C'est-à-
dire si le prix issu du marché libre correspond à celui pratiqué entre des sociétés apparentées.
Mais la difficulté résulte dans la perpétuelle fluctuation du marché, celui-ci peut être stable mais
il n’est jamais figé c’est pourquoi d’une manière générale, les entreprises qui travaillent de
façon quasi permanente ensemble ne peuvent instaurer un contrat unique qui viendra fixer de
façon définitive le prix de leurs transactions. Par principe le droit impose de connaître au
préalable le prix applicable à un produit ou à une prestation avant de pouvoir contracter. Mais
en matière de commerce entre professionnels, la fréquence des relations contractuelles a généré
une adaptation législative afin que les parties puissent exercer dans la durée. La loi reconnaît
donc la difficulté de fixer un prix de façon précise, elle a autorisé pour cela les parties à
contracter sans pour autant connaître au préalable le prix exact de la transaction. Afin de
sécuriser leurs relations, ils doivent effectuer un contrat cadre qui permet d’indiquer les
modalités qui seront retenues lors de la fixation définitive du prix.
Ceci nous démontre que même des professionnels dont la connaissance de leur secteur
d’activité est indispensable à leur survivance ne peuvent anticiper le prix que le marché va leur
instaurer. Évidemment, l’expertise de leurs fonction font qu’ils estimeront de façon relativement
efficace le prix de vente mais sont dans l’incapacité d’indiquer précisément le prix qui sera
appliqué. C’est pour cette raison que l’OCDE préconise aux États lors de l’estimation des prix
de vente qu’ils considéraient faussés de na pas se borner à rechercher un prix exact mais plus un
intervalle dit de pleine concurrence afin que le caractère amovible des prix dû à la fluctuation
du marché soit pris en compte pour aboutir à une estimation réaliste.
Cette mise en garde faite par l’OCDE devrait normalement obliger les administrations fiscales
à relativiser les éléments de comparabilité des prix par rapport à la transaction contrôlée. Le
recoupement de toutes les informations que l’administration aura pu trouver permettra de
délimiter un intervalle dans lequel doit de se trouver le prix que les entreprises liées pratiquent
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entres elles. A défaut d’une recherche de transaction comparable à celle effectuée au sein du
groupe, il est fort probable que le doute d’une manipulation des prix de transfert par
l’administration fiscale soit généralement confirmé.
La récolte des informations doit être elle aussi réalisée selon un intervalle temporel qui autorise
de façon légitime toute comparaison.
Si nous prenons comme exemple un groupe international dont l’activité principale est la vente
d’or. La vérification des prix de transfert pratiqués entre deux sociétés liées demande la prise en
compte du cours de l’or au moment de la vente entre l’entité ghanéenne qui extrait le minerai et
une société acheteuse qui se trouve en Italie. Cette démarche est indispensable pour toutes les
administrations qui souhaitent réaliser une estimation valable des prix pratiqués sur le marché.
A défaut de cela, il serait très aisé pour une administration fiscale qui se baserait sur un cours
de l’or d’un autre moment de conclure à un transfert indirect de bénéfices et donc de rehausser
l’entreprise située sur son territoire.
Lorsque le cours d’un produit est fixé en bourse, cela offre une certaine facilité pour contrôler la
conformité des prix de transfert. Le prix des matières premières est généralement connu car
négocié sur une place boursière. Dans la chaîne de production que forme le groupe, cette
information permet de vérifier la conformité des prix pratiqués en amont. Ainsi la référence
boursière permet de connaître précisément le prix qui aurait du être fixé lors de la transaction
entre la société ghanéenne et la société italienne. Si le prix de transfert équivaut au prix du
marché alors la transaction est considérée comme normale. Mais si les montants différent alors
une des deux sociétés aura cherché à transférer de façon indirecte une partie de son bénéfice en
vue de minimiser son imposition. A ce niveau de transactions intra-groupes, le constat est
simple. Mais ce n’est pas toujours aussi facile car au fur et à mesure des cycles de productions
jusqu'à la livraison du produit fini, les difficultés vont apparaître du fait notamment de la
fluctuation du cours de l’or, de la transformation du produit, du raffinage, des risques liés au
change, au stockage, à l’acheminement du produit etc, et il ne s’agit là d’indiquer que des
problèmes relatifs au produit, mais d’autres soucis surviennent généralement et se rencontrent
lors de la production (grève, avaries, conflits armées etc.) ou lors de la gestion des entreprises
(baisse de la demande, endettement élevé, problème de trésorerie etc.), tous ces éléments
peuvent avoir une incidence sur le prix de vente à pratiquer et la plupart de ces difficultés ont un
caractère général car elles se retrouvent dans toute activité entrepreneuriale. Ce postulat
reconnu et admis par tous gestionnaires d’entreprises semble mal apprécié par l’administration
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du fait de l’utilisation récurrente de cette justification par les sociétés vérifiées ou du fait de
l’adoption par l’administration de références standardisées pour contrôler la conformité des prix
intra-groupes.
Mais continuons sur notre exemple, l’or massif (24 carats) acheté en lingot de 10 kg par la
société italienne à la filiale du Ghana sera vendu plus cher à une filiale située en Suisse qui est
spécialisée dans le traitement et le raffinage de l’or. Le rôle de cette entreprise sera d’une part
de raffiner l’or 24 ct en or 18 ct afin de répondre à la demande issue de marché semi-gros en
effet cet alliage d’or possède des capacités mieux adaptées à la réalisation de travaux
d’orfèvrerie. Ce traitement et ce raffinage de l’or nécessitent l’utilisation de procédés
spécifiques et d’autres métaux semi-précieux notamment pour parvenir aux différentes couleurs
de l’or . Dans le même temps, cette entreprise devra modifier la taille des lingots afin de les
adapter à la demande du marché pour cela elle effectuera une refonte des lingots de 10 kg sous
une forme équivalente mais avec un poids allant d’une once (31 gr) à 1 kilo.
A présent nous avons, d’un point de vue commercial, un produit semi-fini qui est destiné à des
professionnels du secteur. La société Suisse va donc vendre sa marchandise à une autre filiale
qui la suit directement. Celle-ci qui se trouve dans la principauté de Monaco aura pour fonction
de transformer ces petits lingots en bijoux prêts à être vendus sur le marché à des
consommateurs finaux, mais cette mission ne lui incombe pas. C’est pourquoi les pièces
manufacturées seront vendues à une autre filiale française qui aura la charge de les distribuer en
se basant sur son réseau mondial de bijouterie lui appartenant.
L’acheminement de l’or à chaque sortie de société est confié à une entreprise spécialisée dans le
transport sécurisé de matériaux précieux, rattachée à la juridiction fiscale sud-africaine et qui
appartient à la société italienne.
La matière 1ère va subir trois transformations avant de définir un produit fini. Ces trois
transformations et la vente des produits vont nécessiter l’intervention de 6 sociétés, 5
directement liées à l’activité de vente de bijoux et une 6ème qui s’occupe du transport. Toutes
ces sociétés appartiennent directement ou indirectement à la société mère française qui s’occupe
de la distribution et qui détient des points de vente dans les capitales des principaux pays riches
ou émergents.
Dans cet exemple d’intégration verticale, toutes les sociétés sont rattachées au même centre
décisionnel mais d’un point de vue juridique, elles sont considérés comme autonomes et
indépendantes dans le sens où le patrimoine de chacune est à différencier de ceux des autres.
78
Tous les actes ou services proposés qui se réaliseront entre ces sociétés liées nécessiteront
obligatoirement une facturation. Le montant de la prestation ou du bien doit correspondre au
prix fixé par le marché c'est-à-dire le prix auquel seraient parvenus deux sociétés indépendantes
placées dans des conditions de faits identiques.
A présent, nous devons chercher à estimer la valeur du bijoux lorsqu’il arrive au main de la
société de distribution.
La société ghanéenne par son activité d’extraction vient révéler la valeur de ce métal précieux.
Le prix de revient d’un kilo d’or pour cette entreprise vient de la somme des coûts nécessaires à
son extraction et de sa transformation en lingot de 10kg. Le bénéfice vient de la différence entre
la somme des ces coûts et la côte boursière de l’or dès la fin de sa transformation en lingot,
sachant que seul les lingots d’or massif d’au moins 10kg ont cours sur le marché boursier. C’est
donc au prix du cours que sera vendu la production d’or à l’entreprise italienne. Ce grossiste
italien dont le cours de l’or constitue son prix de revient va appliquer un taux de marge pour
rémunérer sa prestation et fixer le prix de transfert applicable à la société suisse. Celle-ci a un
rôle important dans le processus de fabrication car c’est son œuvre qui va permettre de
transformer la matière brute en un produit qui pourra être travaillé par les orfèvres. Cette étape
nécessite des moyens de productions adaptés, une sécurisation du site et l’achat de métaux
semi-précieux indispensables au raffinage de l’or. L’ensemble de ces tâches ont un coût et
doivent être rémunérées. Ils seront donc compris dans le prix de vente des petits lingots destinés
à la société monégasque qui assumera par ses achats réguliers la rentabilité de la société suisse.
Une fois à Monaco, les mains des orfèvres viendront magnifier le métal précieux et cette
activité constitue l’une des étapes après l’extraction où le produit va être le plus valorisé
principalement grâce au facteur travail. En principe, cette activité devrait être une des plus
rémunératrices de toute la chaîne de production car la matière or est travaillée pour créer un
bijou en or. Après cette manufacture, la valeur intrinsèque d’un bijou de 31g sera plus élevée
que celle d’une once d’or.
Les bijoux réalisés seront vendus à la société mère française qui est en charge de la distribution
des produits. Cette société tête de groupe a pour fonction de contrôler la gestion économique de
ces membres et de leur apporter une assistance administrative et juridique. Elle doit également
assurer la commercialisation de ses produits au travers de son réseau international de bijouterie,
gérer les commandes et les stocks, veiller à la protection de sa marque ainsi qu’à sa diffusion.
79
L’investissement et le nombre de tâches importantes qui incombe à la société mère l’oblige à
fixer des prix qui lui offrent un niveau de rémunération viable et permettent de pérenniser son
activité.
L’investissement naît d’une relation de confiance que l’investisseur alloue à un produit,
l’existence de ce sentiment tend déjà à valoriser le produit. Il cherchera à faire partager sa
perception du produit par le plus grand nombre de personne afin que ceux-ci expriment
concrètement leur sentiment d’adhésion par la consommation du bien ou service en échange de
la valeur estimée par le producteur et représentée par le prix de vente.
Dès l’instant où l’agent économique agit notamment en investissant il se met en situation de
risque car il ne peut prévoir le résultat final. Au plus le risque ou l’investissement est important
au plus la rémunération doit l’être. Chaque producteur est libre d’apprécier le risque, de ce fait
il est libre d’estimer la valeur d’échange d’un bien et donc son prix de vente.
Notre conception libérale ne peut qu’admettre le principe de libre fixation des prix mais il faut
reconnaître que la production d’un bien ou d’un service n’a d’intérêt que si celui-ci réussi à être
vendu. Ce n’est pas tant le prix que le producteur a décidé d’imposer qui compte mais plutôt le
prix que le tiers est prêt à donner pour ce bien ou ce service. C’est pourquoi quel que soit le prix
fixé à la base, celui-ci sera régulé ou réajusté par la loi du marché.
Une personne qui souhaiterait vendre un bien basique à un prix très élevé c'est-à-dire largement
au dessus de la valeur réelle du bien ne trouvera pas acquéreur. De ce fait, il diminuera son prix
jusqu’à ce qu’un individu accepte de fournir ce prix pour obtenir ce bien.
Ce sont les intérêts antagonistes ou égoïstes des parties en présence qui permettent de trouver
un point d’équilibre dans leurs relations commerciales, ce point de rencontre constitue le prix
du marché.
Mais ce point de rencontre peut être rehaussé sur le schéma de l’offre et de la demande, il faut
pour cela jouer sur la subjectivité de l’individu afin de lui faire croire à la nécessité absolue de
ce produit à son bien être social ou marquer la distinction avec les autres produits proposés par
la concurrence.
Pour ce faire plusieurs possibilités s’offrent au commerçant . Il peut accroître la valeur
intrinsèque du produit qui se définit comme la richesse nécessaire à la production et à la
réalisation d’un bien ou service. Dans ce cas, il cherchera à accroître la qualité du produit,
développer de nouvelles méthodes de fabrication ou réutiliser des méthodes ancestrales. Il va
80
donc insister sur un des trois éléments inhérents à la production, en l’espèce le travail de
l’Homme afin qu’il accentue la valeur du produit du fait de sa qualité.
Il peut également investir des capitaux afin de mettre en place une politique de
commercialisation en rapport avec la valeur qu’il veut donner à son produit. La valeur
intrinsèque reste identique mais la valeur d’échange est rehaussée du fait de la perception que le
consommateur aura du produit. Cela peut se traduire par la reconnaissance d’un sentiment de
prestige, d’appartenance à une classe sociale, à un cercle privé, etc. Dans ce cas c’est l’affichage
d’un prix bien supérieur à celui de la concurrence qui contribuera à la valorisation du produit
lui-même. Cette 2nde possibilité liée à la commercialisation du bien vient compléter ou améliorer
la valeur issue de la production.
Section II. Une politique de commercialisation ciblée : les éléments du marketing
mix
Outre la méthode traditionnelle qui permet de déterminer un prix en tenant compte
principalement des coûts de production, il existe de nouvelles pratiques qui consistent à mettre
en place un plan de marchéage ou marketing mix qui base la détermination du prix d’un produit
par rapport aux éléments de sa commercialisation. Le marketing ou mercatique se définit
comme : «l’ensemble des actions ayant pour objectifs d’étudier et d’influencer les besoins et
comportements des consommateurs et de réaliser en continu les adaptations de la production et
de l’appareil commercial en fonction des besoins et comportements précédemment
identifiés. »61
Le but est donc d’analyser les comportements et les besoins du consommateur afin de
rechercher le meilleur moyen d’y satisfaire soit en adaptant le produit à ces besoins soit en
influençant son comportement pour qu’il considère le produit proposé comme répondant à ses
besoins. Le développement du marketing a contribué à l’éducation du consommateur.
Toutes les sociétés commerciales et spécifiquement celles qui ont un caractère international
possède un service marketing qui leur permet de définir leur politique de commercialisation et
donc le prix.
61
Définition issue du JO 02/04/1987
81
L’étude de tous les aspects du marché est indispensable à toute commercialisation d’un produit,
elle permet à la société de se situer par rapport à la concurrence ce qui contribue à fixer un prix
de vente et donc une valeur d’échange. Il nous semble donc nécessaire d’étudier la valeur
donnée à un bien ou service grâce au marketing mix pour mieux comprendre la construction
d’un prix.
Le marketing mix regroupe l’ensemble des décisions et actions marketing prises pour assurer le
succès d’un produit, service, marque ou enseigne sur un marché local, national ou mondial.
Il s’agit d’une méthode d’analyse en marketing qui s’appuie sur des éléments applicables à la
vente de tous produits.
Les éléments du marketing mix sont donc tous les aspects qui doivent être pris en compte pour
adapter le produit à une politique de commercialisation ou inversement. Il s’agit de politiques
spécifiques mises en commun pour maximiser les probabilités de ventes. Il faudra attendre la
mise en vente des produits pour vérifier l’efficacité de la politique prise. A défaut de réussite, il
sera toujours possible de la moduler ou de modifier les choix de la société.
Cet outil d’analyse à été développé dans les années 60 par un professeur de Marketing
américain nommé E.Mac Carthy et constitue le modèle dit des « 4 P » pour Product, Promotion,
Price, Placement. Les éléments du marketing mix sont donc au nombre de 4 minimum, par la
suite certains auteurs en ont développé un 5ème (People) puis d’autres sont allés jusqu'à en
dénombrer 10 mais nous nous limiterons à présenter les 5 principaux. Malgré certaines
critiques, cette méthode trouve toujours s’appliquer à l’heure actuelle. Ces éléments du
marketing mix dont l’analyse permet d’élaborer un plan d’action commercial à court ou moyen
terme, concerne la politique de produit, de communication, de prix, de distribution et des
relations clients. Il s’agit d’étudier dans différentes sous section les spécificités du produit, du
prix, des moyens de communication, des canaux de distributions ainsi que les rapports avec la
clientèle, afin d’établir des politiques adaptées l’une à l’autre dont le but est de créer une
synergie qui aboutira à la vente du produit dans des conditions les plus optimales. Toutes ces
politiques sont donc étroitement liées et interagissent entre elles.
Sous Section 1. La politique produit.
Comme le produit est à la base de toute transaction, cette politique va
jouer sur le processus de production comme il a été présenté ci-dessus. Il faudra tenir
compte notamment des aspects relatifs aux caractéristiques du produit, à son
82
positionnement en terme de gamme à savoir s’il rentre dans le catégorie du bas de
gamme, du moyenne gamme ou du haute de gamme. Cette analyse du produit peut
être faite pour identifier la qualité réelle du bien soit dans le but d’améliorer le produit
en développant de nouvelles techniques de fabrication ou en adoptant des matières
1ères plus nobles, soit pour proposer sa vente dans des lieux adaptés à son
positionnement.
Si nous reprenons notre exemple sur le groupe qui œuvre dans le domaine de l’or.
Une bague de 18 ct travaillée à la main par un orfèvre aura un positionnement haut de
gamme du fait du métal précieux et du travail artisanal qui confère un caractère
unique au bijou réalisé.
Ce positionnement haut de gamme influera directement sur le choix du lieu de vente
et donc son prix. La nature du produit et la valeur intrinsèque de ce type de produit
font qu’il sera difficilement déclassé en moyenne gamme ou bas de gamme sauf si le
produit venait a être fait machinalement ou s’il était composé d’un alliage d’or de
14ct.
Sous Section 2. La politique de distribution
Ce choix est important et relatif au produit vendu car la société
commerciale doit décider du ou des canaux de distribution les mieux adaptés à la
vente du produit.
Il faut que le bien soit vendu dans une étale accessible au consommateur visé. A
défaut de quoi nous serions en présence d’une offre proposée sur le marché et qui
répond à une demande mais qui n’est pas accessible au consommateur. En matière
distribution, le 1er choix qui s’impose est de savoir s’il faut dédier sa production au
marché des particuliers (Business to Consumers) ou au marché des professionnels
(Business to Business). C’est décision aura un impact direct sur le prix de vente et
donc un même bien n’aura pas la même valeur d’échange du fait du marché sur lequel
il est proposé. Cette pratique commerciale est normale et admise de tous. En matière
de prix de transfert, le marché intégré au groupe appartient au marché des
professionnels, mais nos administrations n’admettent aucune différence de prix entre
des biens identiques vendus sur ce marché. L’opérateur professionnel doit garder à
l’esprit que le bien qu’il vend à un autre professionnel doit avoir un prix qui
83
permettent à ce dernier de se voir rémunérer son activité lorsqu'à son tour il revendra
le bien transformé ou pas sur un des deux marchés. Généralement, c’est sur le marché
des consommateurs que l’entreprise indépendante ou contrôlée effectue la plus grosse
marge bénéficiaire.
Concernant la vente d’or, seule la société mère française commerce sur le marché des
consommateurs, les autres sociétés du groupe exercent en circuit fermé où chacune
d’entre elles achète et revend à une société sœur. Les prix qu’elles pratiquent doivent
permettre la rémunération de chaque entité. La société française s’appuiera sur son
propre réseau de distribution pour commercialiser ses bijoux. Elle aurait pu minimiser
les coûts en cédant sa production à des distributeurs indépendants voire franchisés. Le
choix de cette politique nécessite de posséder l’ensemble des bijouteries à travers le
monde, d’assurer la charge de locaux dont l’emplacement et la décoration doivent
correspondre au positionnement haut de gamme de la marque. Cet impact visuel est à
rapprocher de l’aspect promotionnel de la marque de bijou.
Sous Section 3. La politique de communication
Il s’agit de promouvoir la marque par tous les moyens qui permettent
l’accroissement des ventes, cela concerne principalement les actions de publicités ou
de relations publiques. A la base, ce travail se limitait à vanter les qualités d’un
produit mais de nos jours les publicités sont devenus des créateurs d’identités sociales
dont le rattachement peut sembler nécessaire pour certains et futile pour d’autres. Le
consommateur peut tirer une utilité de ce type d’achat mais celle-ci correspond plus à
la satisfaction d’un sentiment d’appartenance ou de prestige62 qu’à la satisfaction
d’un besoin vital. A ce stade, la valeur intrinsèque est largement inférieure à la valeur
d’échange puisque la rationalité ne se limite pas à l’aspect matériel du bien acheté
mais au sentiment de bien être, de réjouissance personnelle qui dans certains cas
demande le paiement d’un prix élevé. La société commerciale considère que la
présence visuelle, auditive voire subliminale du produit qu’elle propose à la vente
revêt deux aspects. Le 1er permet d’inscrire dans la mémoire du consommateur le
nom de la marque ou du produit afin de le distinguer lors de l’achat en magasin ; le
2nd tend à créer un besoin nouveau que le consommateur pourra satisfaire en achetant
62
Ibid. p 67.
84
le bien ou service vendu. La publicité influe sur le mode de pensée du consommateur,
elle crée des repères qui permettent à l’homme moderne de se retrouver, de
s’identifier, de se sentir socialement vivant.
L’investissement publicitaire peut se révéler très important en terme de coûts, ceux-ci
méritent d’être rémunérés il est donc normale de les inclure dans le prix de vente final
mais en réalité la valorisation en terme d’échange que génère la publicité est
exponentielle par rapport à son coût. C'est-à-dire qu’une publicité massive dans les
médias et conforme au positionnement du produit autorise l’entreprise à fixer un prix
élevé. Ce prix est souvent largement supérieur à celui de la valeur intrinsèque du
produit mais cela importe peu car au-delà de la matérialité du produit, la publicité
offre un sentiment de satisfaction pour l’acheteur.
La communication peut également passer par la promotion de relations publiques
c'est-à-dire que la société cherchera à valoriser son image de marque de différentes
façon tout dépendra du public visé. Une société peut faire la promotion du coté sportif
de sa marque ou de son image en sponsorisant une course de voile, en présentant son
éthique sociétale, en faisant la promotion du respect de l’environnement ou en
prenant des mesures pour éviter l’exploitation des enfants travailleurs, ou l’achat de
produit dont nous savons qu’ils servent à financer la guerre comme c’est le cas pour
les diamants en Centrafrique etc. Le message n’est plus accès sur les bienfaits du
produit mais sur la satisfaction morale du consommateur ou le sentiment de cohésion
qui se crée avec la marque ou le groupe commercial. Ce type de promotion est
également très coûteux et vise à redorer le blason d’une société ou d’accentuer la
distinction par rapport aux autres marques concurrentes. Il permet également de fixer
des prix largement supérieurs à la valeur réelle du produit proposé à la vente.
Appliquée à notre firme qui fait le commerce d’or, la publicité consisterait à
promouvoir l’excellence du travail effectué par les orfèvres monégasques, le caractère
unique des pièces vendus. La mise en vente des bijoux dans des officines situées sur
la place Vendôme à Paris ou la via del Condotti à Roma mettent en avant le caractère
exceptionnel de la marque et donne déjà une indication sur le niveau des prix. De ce
fait se crée ainsi une distinction entre les personnes capables et ceux incapables
d’assumer le coût financier d’une bague de prestige ; fusse-t-elle uniquement faite
d’or. L’objectif poursuivi est de faire accepter dans l’esprit des personnes que la
85
valeur élevée des biens est un moyen d’accroître la valeur d’une personne grâce au
regard que les autres lui portent.
La mise en place d’événements dits de relations publiques consisterait en une activité
de mécénat ou dans le soutien d’une œuvre de charité. L’engagement de se fournir en
or dans une exploitation qui ne déverse pas de produit toxique dans les eaux locales.
Toutes ces mesures ont pour but de faire adhérer le consommateur à la marque de
fabrique de la société. Pour effectuer une politique de communication effective il faut
que celle-ci soit dirigée envers les personnes susceptibles d’adhérer au message et
capables de fournir le prix demandé.
Sous Section 4. La relation client-entreprise
Cette politique consiste à tenir compte des avis du client , une fois la
démarche de l’achat effectué. Cela passe par la mise en place d’un service après vente.
Ce point est essentiel lors de transaction avec des particuliers mais également lorsqu’il
s’agit de commercer entre professionnels. Si la personne est satisfaite du suivi malgré
un défaut du produit, le degré de confiance est renforcé et le consommateur ne se
dirigera pas vers la concurrence. Cet aspect tient compte de l’image que le personnel
donne de la société ou de la marque. Ce point peut également mettre en avant la
personnalité de l’entrepreneur ou du groupe c'est-à-dire son éthique dans les affaires, la
prise en compte de sa responsabilité sociétale envers ces employés, les personnes et le
monde alentours etc. Par son attitude commerciale et professionnelle, l’entreprise met
en avant sa vision de la société et son positionnement en terme de respect de son
environnement écologique, social et aussi fiscal. L’évasion fiscale remet en cause la
responsabilité sociétale d’une entreprise qui ne contribue pas au bien commun d’un
territoire alors que la richesse qu’il a crée s’est faite sur ce territoire.
Relativement à notre exemple basé sur la vente de bijoux, la relation client demande à
ce que le personnel responsable de la vente en boutique ait une tenue irréprochable,
qu’il traite chaque client avec égard et attention en lui proposant par exemple lors de
l’achat d’une pièce très onéreuse, d’effectuer la livraison du bien directement au
domicile de la personne.
La responsabilité sociétale se traduirait par exemple par le fait de ne pas licencier des
personnes lors de résultats bénéficiaires, de ne pas manipuler ses prix de transfert, d’
86
effectuer une déclaration réaliste des revenus imposables de toutes les sociétés et d’
honorer le paiement des impôts dans chaque juridiction où se trouve le groupe avec un
souci accru pour le respect de la légalité et de la justice sociale.
Ces services ou comportements se réalisent pendant mais surtout après que la vente soit
conclue et peuvent au préalable conduire à une revalorisation du produit et donc du
prix compte tenu de cette politique relationnelle.
Sous Section 5. La politique de prix
La réunion de tous ces éléments permet de définir la politique de prix qui
est une démarche préalable à l’instauration d’un prix de vente. La politique de prix
consiste à instaurer un prix non pas en fonction de la valeur intrinsèque ou réelle du
bien mais en fonction du taux de marge escompté, du public visé mais également du
produit et du secteur d’activité ainsi que de la place sur le marché.
La politique de prix peut évoluer au fil du temps, des événements promotionnels ou
en fonction du cycle de vie du produit. Elle réagit directement aux contraintes qu’elle
peut subir relatives à l’augmentation du prix de revient, l’image du produit, la
distribution, la concurrence et en fonction de l’élasticité prix par rapport à la
demande. En générale l’élasticité prix est négative c'est-à-dire que l’augmentation du
prix entraîne une baisse de la demande et la baisse du prix entraîne une augmentation
de la demande. Chaque niveau de prix correspond au choix d’une politique adaptée à
un objectif de vente précis.
En effet, il existe diverses possibilités pour fixer un niveau de prix en optant par
exemple pour une politique d’écrémage qui consiste à vendre à un prix élevé un bien
nouveau, le produit n’est accessible que par peu de gens ce qui implique d’appliquer
un taux de marge important ; et au fur et à mesure du cycle de vie du produit le prix
aura une tendance à la baisse. A l’inverse de la politique d’écrémage se trouve la
politique de pénétration qui consiste à instaurer un prix bas par rapport à la
concurrence afin d’adopter une attitude offensive permettant de s’octroyer une part
certaine du marché concerné. Dans ce cas précis, la valeur intrinsèque, la valeur
d’échange et le prix n’essuient pas un grand écart, il s’agit d’assurer le prix de revient
87
en allouant une marge bénéficiaire viable. L’autre avantage de cette politique est de
freiner la venue de nouveau concurrent du fait d’un taux de marge faible.
Lorsqu’il s’agit de commercialiser un produit courant et connu, la société peut décider
d’appliquer une politique de prix d’acceptabilité qui consiste à trouver le prix qui sera
perçu par le plus grand nombre comme étant acceptable. Encore une fois tout
dépendra de la perception commune du bien, par exemple si la perception est élevée
alors le prix d’acceptabilité pourra lui aussi être élevé même si le prix de revient ou la
valeur réelle du bien est faible.
Le prix d’acceptabilité n’est pas fixe il s’inscrit dans une zone d’acceptabilité et le
curseur prix va se déplacer en fonction de la demande. Si élasticité prix est forte c'est-
à-dire qu’une baisse de prix entraîne une forte hausse de la demande alors il sera
préférable de prévoir un prix plus faible donc une rentabilité unitaire moindre mais
qui sera compensée par le volume de ventes. Au final la rentabilité sera plus
importante grâce à l’instauration d’un prix faible ou relativement moins élevé que
celui de la concurrence.
Appliqué à notre groupe de sociétés qui produit et distribue des bijoux, la politique de
prix applicable à un bien de haute valeur ou de luxe nécessite d’opter pour une
politique d’écrémage qui se traduit par un prix élevé avec un taux de marge élevé.
Les biens vendus ont déjà une valeur intrinsèque importante mais celle-ci sera
largement dépassée car sur ce segment du marché l’affichage d’un prix de vente élevé
revêt un caractère psychologique essentiel qui vient rassurer l’acheteur sur la qualité
du produit et sa rareté. Dans ce cas de figure l’élasticité prix est dite inversée, elle est
donc positive c'est-à-dire que l’accroissement du prix entraîne l’accroissement de la
demande. Le phénomène d’élasticité inversée peut s’expliquer par l’effet de T.Veblen
qui nous rappelle que l’achat à un prix élevé est justifié par des besoins de distinction
et d’institutionnalisation du mode de vie de la classe aisée.
Le prix est l’indicateur essentiel et premier en terme de conclusion d’une transaction
mais son mode de fixation n’est pas si facile car il interagit avec beaucoup d’autres
facteurs amovibles ce qui fait que la valeur d’échange peut évoluer alors que la valeur
intrinsèque restera toujours la même. Elle servira de référence pour ne pas sous
estimer le prix d’un bien par rapport à sa valeur de production ce qui serait néfaste à
la bonne santé de l’entreprise et contraire à la loi française qui interdit, contrairement
à la loi italienne, la vente à perte.
88
Conclusion Titre I
Le prix est la transcription monétaire de la valeur d’échange. D’un point de vue
théorique il est admis que la valeur est relative ce qui indique que la fixation du prix est tout
aussi relative. D’un point de vue pratique, l’estimation de la valeur semble de prime abord
facile lorsque l’activité est simple mais cela devient beaucoup plus compliqué lorsque le produit
subit plusieurs transformations et nécessite l’intervention d’autres services (transport, gestion,
droit etc.). Cette difficulté liée à la production est accentuée lorsque le prix n’est plus la simple
représentation de la valeur mais devient un outil de commercialisation à part entière qui
contribue seul ou assisté d’autres politiques à accroître la valeur réelle du bien en ciblant la
psychologie de l’acheteur, en modifiant sa perception.
Toutes ces difficultés relatives à l’estimation de la valeur d’échange et du prix sont communes à
tous les acteurs économiques. Cela signifie que le prix fixé par ses acteurs sur le marché libre
n’est que rarement la parfaite représentation de la valeur du bien car dès l’instant où des
facteurs non objectifs interviennent comme la perception, l’affinité, la satisfaction de l’acheteur,
le prix ne peut être fixe et représentatif de tous les produits identiques vendus sur le marché
libre.
De plus la fixation du prix ne peut être appréciée sans tenir compte des difficultés rencontrées
par la société vérifiée et celle dont la transaction sert de référence car chaque société à son
mode organisationnel, son esprit d’entreprise. Tous ces aspects sont trop aléatoires pour être
recherchés par l’administration mais ils traduisent la réalité économique de l’entreprise qui doit
composer quotidiennement avec ces derniers. L’avantage du marché libre est qu’il offre des
moyens de cadrer les prix de vente dans le sens où les intérêts égoïstes de chaque acteur
économique va pousser à la négociation, d’un point de vue général ils instaurent un frein à la
surestimation des prix. Ce qui permet de créer une zone où le prix de vente est compris entre le
prix maximal qui devrait être refusé par l’acheteur et le prix de revient qui devrait être refusé
par le vendeur.
Cette zone que nous qualifierons de « zone de libre prix » est plus large que l’intervalle de
concurrence prescrite par l’OCDE. Elle admet comme minima la référence objective de la
valeur travail et comme maximum la référence subjective de la valeur utilité ce qui signifie que
le prix de vente doit être considéré comme conforme au marché libre dès lors qu’il est compris
entre le « juste prix » et le « prix de prestige » car il répond à notre conception libérale du
89
monde économique et social dont de grands penseurs ont conceptualisé la réalité. Cette
approche trouve une justification supplémentaire dans le fait que légalement l’entreprise n’est
pas tenue de rechercher la maximisation du profit. Elle est donc en droit d’opter pour un profit
minimal, maximal ou encore moyen qui serait représenté par la notion de prix d’équilibre.
Cette considération propre à chaque entrepreneur influe directement sur le prix de vente final de
son produit et donc sur le prix de comparaison qui sera retenu par l’administration.
Si la société a besoin de vendre toutes ses marchandises pour préserver sa trésorerie le prix va
être inférieur à celui habituellement pratiqué sur le marché. A l’inverse, si un acheteur veut
s’accaparer toute la marchandise alors il sera prêt à proposer un prix plus élevé. Il faut
également tenir compte des législations sociales qui influe sur la valeur du travail ainsi que sur
sa qualité. La rationalité économique correspond à l’achat d’un bien au meilleur prix et selon les
meilleures qualités mais la rationalité est aussi source de subjectivité qui peut faire acheter un
produit de même standard à un prix plus élevé car l’acheteur y trouve de la satisfaction. Elle
peut s’expliquer par la volonté par exemple de promouvoir la production nationale ou locale.
La fixation du prix de transfert en conformité avec le principe de pleine concurrence constitue
la référence sur laquelle repose le contrôle de ces prix par l’administration. Le prix de pleine
concurrence prend en compte les facteurs principaux qui forment la valeur du produit à savoir le
coût des matières 1ères nécessaires à la fabrication et son temps de travail. Mais ces facteurs
subissent des tempéraments que la rationalité économique explique ainsi que la volonté de
position marketing mais cela peut être modulé par des considérations plus sentimentales ou
sociales comme le sentiment de sécurité que procure une marque, le gage de qualité, la
préservation d’un savoir faire. Ou encore des valeurs extrinsèques du produit comme la bonne
entente avec l’entreprise.
Tous ces éléments sont au service de l’entreprise qui recherche le profit mais celle-ci est en
droit d’opter pour la promotion de certaines valeurs qui viendront de fait augmenter le prix de
revient.
Il apparait donc logique que dans une relation économique liant deux sociétés appartenant au
même groupe tous ces éléments sous-jacents qui forment la valeur intrinsèque du bien agissent
sur le choix du produit et donc sur le prix de transfert qui sera appliqué.
Les échanges intra-groupes se réalisent hors de la sphère commerciale classique, le poids de la
négociation, la volonté naturelle de favoriser son seul intérêt sont des éléments qui disparaissent
90
du processus commercial habituel. Les entités du groupe n’agissent pas comme des électrons
libres en circuit ouvert mais doivent suivre un circuit fermé créé et dirigé par la maison mère. Il
s’agit d’un marché au sein du marché.
La vente et l’achat de biens et services ne subissent pas les mêmes contraintes qu’impose les
relations entre deux acteurs économiques distincts. Contractuellement et commercialement,
l’échange se veut sûr et assuré. Les biens commandés seront produits conformément à la
demande initiale et la livraison des biens se fera dans les délais prévus, de plus le risque de non
paiement s’atténue voire disparaît. Outre quelques rares groupes qui se sont spécialisés dans le
pillages industriels, il n’y a pas d’intérêts à mettre en danger financière une société sœur car
cela viendrait nuire à l’ensemble de la chaîne de production notamment lorsque le groupe
cherche à maîtriser tous le processus de fabrication (intégration verticale).
Les transactions intra-groupes s’opèrent donc dans des conditions différentes de celles du
marché, elles ne subissent pas les mécanismes issus de l’intérêt particulier des parties puisque
les parties en présence sont régies pas un intérêt commun. La fixation du prix de transactions
conformes au marché devient de ce fait plus aléatoire. C’est pourquoi il est essentiel pour
sécuriser les échanges intra-groupes de vérifier la conformité des prix pratiqués en se référant à
la zone de libre prix dont la délimitation est réaliste comme nous le démontre tant l’analyse
théorique que pratique de la valeur.
La relativité de la valeur notamment d’échange vient déstabiliser le positionnement des
entreprises internationales dont les politiques de fixation des prix de transfert souffrent en plus
des distinctions économiques, des différents droits applicables dans chaque territoire sur lequel
elles se situent.
91
Titre II. UN ESPACE JURIDIQUE PARCELLE: DES
DIFFICULTES D'ORDRE JURIDIQUE.
Pour assurer la bonne marche de sa politique de commercialisation, il faut connaître
des conséquences juridiques de ses actes afin d’éviter toutes contestations postérieures à la mise
en place de son commerce. La remise en cause du comportement de l’entreprise par les autorités
publiques se fait toujours après que celle-ci ait installé sa structure et commencé à œuvrer.
C'est-à-dire après que de l’argent et du temps ont été investi. Les conséquences juridiques ne
sont visibles qu’une fois l’activité lancée, lorsque la personne morale nouvellement créée use de
sa personnalité juridique pour contracter avec des personnes présentes sur ce territoire. C’est par
ces interactions que les autorités publiques se rendent compte réellement de l’existence de
l’entreprise. Et c’est a partir de ce moment là que l’État va chercher à la contrôler afin de
vérifier non pas la licéité de son activité mais l’exercice de son activité en toute légalité ; qu’il
s'agisse de l’aspect social, environnemental et bien sûr fiscal.
Il est donc primordial pour toute société qui souhaite créer une entité de droit national de
connaître comment s’applique ce droit afin de toujours œuvrer dans le respect des règles.
En matière d’imposition des bénéfices, la société nouvellement créée aura toute la latitude
qu’elle souhaite pour gérer lors de la 1ère année son activité comme elle l’entend. Mais une fois
que l’obligation de déclaration annuelle arrivera à son terme, alors c’est à ce moment là que la
société connaîtra réellement l’application du droit national à son cas d’espèce. Et la moindre
erreur de sa part pourrait avoir des répercutions financières importantes.
L’administration fiscale a la capacité grâce à son pouvoir de contrôle de venir sanctionner toute
entreprise qui fera une mauvaise application du droit qu’elle soit involontaire ou volontaire.
C’est lors de cette phase de contrôle que débute réellement le risque de remise en question des
pratiques de l’entreprise.
Ce risque fiscal pèse sur les entreprises nouvellement créées mais également sur celles plus
habituées à œuvrer dans cet environnement juridique et économique car la nouveauté ne vient
pas seulement du mode de gestion de l’entreprise. Elle peut venir de la législation elle-même et
dont les nombreux changements demandant une certaine vigilance de la part des acteurs
économiques. A défaut de quoi ceux-ci peuvent franchir la ligne de la légalité et tomber sous le
coup de sanctions au moins financières. Ce surcoût fiscal peut avoir des conséquences sur la
92
trésorerie de l’entreprise et l’amener à des situations indélicates comme la cessation de
paiement.
La gestion d’une entreprise d’un pays à un autre peut paraître similaire surtout lorsque les
territoires d’implantation ont une culture proche, un environnement commun. Une entreprise
italienne qui s’implante en France pourra adopter le même mode de gestion de ses ressources
humaines. Mais il suffit d’une règle de droit différente pour que les habitudes juridiques prises
dans son pays d’origine deviennent des actes répréhensibles dans l’autre pays. C’est d’ailleurs
une caractéristique de la problématique des prix de transfert. Chaque pays est légitime pour
apprécier unilatéralement la véracité des prix pratiqués entre entreprises liées.
Créer un entité économique et juridique sur un territoire étranger n’a pas que des avantages, il
suscite des risques importants qui peuvent se répercuter sur la bonne santé du groupe.
L’établissement d’une filiale dans un pays autre que le sien demande beaucoup de réflexion et
de préparation. De plus, la lutte contre la manipulation des prix de transfert étant devenue un
point essentiel en matière fiscale, les États sont d’autant plus vigilants ce qui accentue le degré
d’attention sur les entreprises commerçant entre elles et appartenant au même groupe.
La société qui souhaite assurer sa politique de prix de transfert afin d’éviter tout rehaussement
doit appréhender rapidement son nouvelle environnement juridique et connaître comment se
déroule le mode d’imposition dans ce nouveau pays.
Les groupes multinationaux sont conscients de cette difficulté liée à la connaissance du droit, à
la pratique de ce droit car chaque pays même frontaliers comme la France et l’Italie ont une
législation qui reste particulière.
C’est pourquoi, il nous semble indispensable de comprendre comment les États se répartissent
la base taxable de ces sociétés multinationales (chapitre I) ce qui permet d’appréhender
l’environnement juridico-économique dans lequel ces entreprises exploitent leur activité. Une
fois ce travail effectué, il apparaît nécessaire d’analyser et de comparer les dispositifs mis en
place par nos États qui leur permettent de revendiquer la réintégration d’une partie des
bénéfices en cas de transfert indirect (Chapitre II).
93
Chapitre I. La répartition de la base taxable des groupes
multinationaux
Toute société qui souhaite s’installer sur un marché étranger doit s’informer sur les
règles de droit applicables dans cette nouvelle juridiction. Cette analyse de la situation juridique
du pays est nécessaire à la réalisation d’une étude d’implantation efficiente. Celle-ci doit tenir
compte des différentes législations qui s’appliquent de façon générale et particulière à l’activité
exercée comme par exemple le droit du travail, le droit des contrats, d’éventuelles demandes
d’autorisations administratives et évidemment la norme fiscale qui encadre l’objectif principal
de l’entreprise à savoir la réalisation de bénéfices. L’ensemble de ces droits auront une
influence direct sur le prix de vente du bien car ils sont générateurs de coûts de production. Si
lors de l’étude d’implantation, les coûts consécutifs aux relations qu’entretient la société avec
son personnel, ses fournisseurs, les clients et l’État ne sont pas pris en compte ou estimée de
façon réelle alors toute l’analyse prévisionnelle des coûts et bénéfices réalisables sera faussée.
Que ces coûts soient sous-estimés ou surestimés, les conséquences seront dommageables pour
l’entreprise. Une appréciation à la baisse des coûts viendra fausser la fixation du prix de vente
ce qui se traduira au final par une diminution du bénéfice escompté ou une mise en situation
déficitaire du fait même de la vente du produit et aussi sur le bénéfice qu’il sera effectivement
possible de réaliser. Une appréciation à la hausse des coûts entraînera également une fixation
tronquée du prix de vente dont les conséquences semblent de prime abord moins grave puisque
la vente devrait entraîner la réalisation de bénéfices non escomptés. Cette situation apparaît plus
appréciable que la précédente à la différence que l’agent économique peut considérer sur son
marché que l’usage d’un tel prix n’entraîne pas son consentement car trop élevé. Le
positionnement du produit ne sera pas adapté au segment du marché et la prise de part de
marché désirée ne pourra être réalisable car le prix de vente par rapport au produit essuiera un
rejet de l’acheteur. La surestimation des coûts, dont du prix de vente, rendra difficile
l’écoulement des biens et services produits.
Une analyse juridique mal effectuée entraînera une politique de commercialisation décalée de la
réalité du marché et sera à court ou moyen terme néfaste à la rentabilité de l’entreprise et à sa
survie sur le marché.
En matière de prix de transfert la mauvaise estimation des coûts pourra facilement se traduire
comme une volonté de vouloir délocaliser une partie des bénéfices en offrant à l’une des
94
entreprises liées la possibilité soit d’acheter à un prix inférieur à celui du marché soit de vendre
à un prix supérieur pour accroître sa part de bénéfices.
L’analyse de la situation juridique d’un marché passe également par la prise d’information sur
les autorités publiques afin de connaître les personnes responsables de la mise en application
des normes légales en général et fiscales en particulier. Le fait de réaliser un commerce dans un
pays comprend obligatoirement un volet administratif. La reconnaissance légale de l’entreprise
nécessite la prise de contact avec l’administration. L’importance de la fiscalité dans les
entreprises et les obligations qui pèsent sur elles créent une interaction entre l’entreprise et les
autorités publiques voire juridictionnelles en cas de contentieux.
C’est pourquoi pour assurer la pérennité de son commerce, une société doit connaître son
environnement juridique pour éviter la survenance d’une situation illégale qui mettrait en péril
l’activité de l’entreprise ce qui serait dommageable aux intérêts du groupe. La majoration ou la
minoration des prix de vente volontaire ou involontaire crée une défaillance de la société au
niveau de la législation fiscale qui vient contrevenir aux objectifs de la politique commerciale
mise en place. L’implantation d’une société sur un sol étranger et l’instauration d’une politique
de prix de transfert viable obligent à connaître les modalités d’impositions applicables aux
revenus de l’entreprise et du groupe (section I) ainsi que la référence qui sert de base à la
justification des transactions intra-groupes à savoir le prix de pleine concurrence (section II).
Section I / Les modalités d’imposition des revenus des sociétés
multinationales.
Les constitutions française et italienne instaurent une obligation de participation aux
charges publiques à toute personne physique ou morale. Pour la conduite de ses politiques
publiques, les États doivent trouver des moyens de financement. Ils vont donc chercher à taxer
tout ce qui a de la valeur comme le foncier, l’épargne ainsi que tout ce qui crée de la valeur
comme le travail ou les opérations commerciales. Les sociétés multinationales investissent
dans un commerce afin d’en tirer profit. Les rapports commerciaux génèrent des flux financiers
qui circulent entre les acteurs de l’économie et s’épaississent au fil des échanges. C’est sur cette
richesse créée lors de chaque transaction que l’État exerce son droit de prélèvement auprès de la
société cédante.
95
Chaque juridiction instaure un système fiscal qui lui est propre. En matière d’imposition des
bénéfices et conformément au principe de souveraineté nationale, les États sont libres de fixer
les règles fiscales applicables à la réalisation de profits, chacun serait donc libre de développer
sa propre façon de percevoir son imposition sur les bénéfices.
La manipulation des prix de transfert opère sur les bénéfices comme un moyen de répartition
de la base imposable de façon à minimiser les effets de la perception. Pour réaliser un gain
d’imposition, il est nécessaire de connaître les législations des États où sont situées les sociétés
ce qui permettra de délimiter le parcours que doivent suivre les flux financiers sortants ou
entrants destinés à la vente ou l’achat de produit. Ainsi par cette régulation des dépenses ou des
achats entre sociétés liées, une partie des bénéfices réalisables qui devait être attribuée à une
société et imposée dans le pays où elle se situe, sera localisée dans l’autre société résidente d’un
pays plus favorable fiscalement. Après avoir honorer son obligation fiscale dans le pays à la
pression fiscale moins élevée, la société apparentée ou filiale pourra soit conserver les bénéfices
nets ou redistribuera tout ou partie d’entre eux sous forme de dividende à la société faîtière.
Le schéma classique du transfert indirect de bénéfices nécessite la connaissance et le
déclenchement de deux situations fiscales, la 1ère attrait à la nature même des bénéfices réalisés
dans un ou plusieurs pays dont il faut appréhender les différents régimes d’imposition (sous
section 1) afin de décider du lieu de localisation d’une partie des bénéfices, la seconde concerne
la redistribution des dividendes vers la société mère, ce qui vient finaliser le processus
d’évasion fiscale par le rapatriement des bénéfices légalement imposés à l’étranger. Ces revenus
étrangers risquent d’augmenter de façon relative la base imposable de la société mère, il
apparaît donc important d’étudier les modalités d’imposition des dividendes (sous section 2) qui
existent au sein de chaque législation et qui tiennent compte de la situation spécifique de chaque
groupe de sociétés internationales.
Sous Section 1. Les régimes d’imposition des bénéfices.
Toutes les entreprises qui appartiennent à un groupe multinational et dont le siège
social se trouve en France ou en Italie sont par principe soumis à la même législation fiscale que
toutes les sociétés présentes dans la juridiction nationale. Généralement, les États se référent à
deux grands principes pour imposer une personne sur ses revenus nationaux et internationaux
En matière d’imposition des bénéfices des groupes de sociétés, l’instauration de l’assiette
fiscale qui regroupera les revenus d’une entreprise repose sur l’un ou l’autre de ces principes
96
qui permet de désigner la juridiction auprès de laquelle seront imposés les revenus des
entreprises multinationales.
Chaque État consacre l’un de ces principes comme étant le régime de droit commun applicable
aux revenus des sociétés multinationales et prévoit dans certains cas la possibilité d’opter pour
l’autre.
Nous allons nous référer au modèle fiscal français pour présenter en 1er lieu le régime de droit
commun applicable aux revenus d’entreprises basés sur le principe de territorialité (§1) puis
nous étudierons le principe de mondialité (§2) qui constitue dans la législation française le
système dérogatoire. La mise en place d’un régime dérogatoire s’explique par des mesures de
politique économique ou de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale. Nous
retrouvons les dispositifs du modèle français dans le système fiscal italien mais il est appliqué
de façon beaucoup plus souple. En effet, l’Italie adopte une approche particulière du régime
d’imposition des bénéfices qui lui est en tout point favorable. Celle-ci est basée sur la
distinction entre les sociétés résidentes et les sociétés non résidentes. Les sociétés non
résidentes en Italie sont soumises au principe de territorialité alors que les société résidentes
italiennes doivent appliquer le principe de mondialité. Ce qui veut dire que quelque soit la
situation d’une société internationale, le moindre lien juridique ou géographique avec l’Italie
entraînera la taxation par la juridiction italienne de l’ensemble de ses revenus mondiaux (société
résidente) ou de l’ensemble des bénéfices réalisés en Italie (société non résidente). Nous ne
pouvons que saluer cette « altruisme fiscal » de la part des autorités italiennes qui reconnaissent
tout de même qu’en présence d’une convention fiscale de non double imposition, le principe de
territorialité peut être appliqué strictement lorsque celle-ci le prévoit.
Notre étude porte sur le transfert indirect de bénéfices qui nécessite le passage de frontière, nous
ne présenterons pas le système d’intégration fiscal domestique qui est un régime qui s’exerce
uniquement au niveau national et qui consiste à consolider les pertes et profits des différentes
entités du groupe, toute située sur le même territoire.
§1. Le principe de territorialité ou « principio della fonte ».
Les législateurs français et italien ont adopté un position commune différente de la
position de la plupart des États membres de l’OCDE. La France instaure un régime de droit
commun applicable aux revenus des sociétés multinationales fondé sur le principe de
territorialité que nous retrouvons également dans le système italien. Cela signifie que toutes les
97
sociétés présentes sur le territoire national doivent s’acquitter du paiement de l’impôt sur les
sociétés (IS-IRES) qu’il s’agisse de filiales rattachées à une maison mère étrangère ou toute
autre entreprise résidente ou non résidente exploitée sur le territoire. Une société sera
considérée comme réalisant des bénéfices sur le sol national dès lors que le déroulement de son
activité répond aux critères de qualification de l’établissement stable. Selon l’art 5§1 modèle de
convention fiscale OCDE : «l’expression "établissement stable" désigne une installation fixe
d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ».
Nous retrouvons la même définition dans la législation italienne à l’art 162 TUIR63. Quant à la
jurisprudence française64 elle adopte des critères d’identification similaires qui nous indique
qu’: «un établissement stable est constitué d’une installation professionnelle génératrice de
profits, présentant une certaine permanence et dotée d’une certaine autonomie au sein de
l’entité juridique à laquelle elle appartient. »65
La France applique le principe de territorialité de façon stricte c'est-à-dire que seules les
entreprises qui sont exploitées sur le sol français sont redevables de l’impôt sur les sociétés.
Tout comme en Italie à la différence notable que même les sociétés italiennes qui n’exploitent
pas leurs activités sur le sol italien et exploitent directement une activité à l’étranger sont
redevables de l’impôt sur le revenus des sociétés (IRES) du fait de leur nationalité sauf
lorsqu’une convention fiscale prévoit le contraire. Ce qui est le cas de la convention fiscale
franco-italienne du 05/10/1989 qui dans son art 7 modèle OCDE précise que les revenus
générés par un établissement stable entraîne l’imposition des ces revenus par l’État du lieu de
présence de cet établissement.
L’application du principe de territorialité signifie qu’une société française qui détient une filiale
ou un établissement stable à l’étranger ne sera pas imposée sur les bénéfices générés par cette
entité. Dans la même optique, les charges et pertes réalisées par des filiales étrangères ne seront
pas prises en compte dans la détermination de base imposable en France. Ce principe de
territorialité se retrouve à l’art 209-1 CGI qui nous indique que :
63
Art 162 Tuir: “…l’espressione “stabile organizzazione” designa una sede fissa di affari per mezzo della quale
l’impresa non residente esercita in tutto o in parte la sua attività sul territorio dello Stato”. 64
CE, 14 février 1930, n° 12546, Dupont 1930, pp. 189 ; CE 14 décembre 1987, n° 59936, Droit fiscal, 1988, n° 5, comm. 748 65
« Le contrôle fiscal des prix de transfert », N. Gharbi, Paris, L’Harmattan 2005, p. 41.
98
« …les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés […] en tenant compte
uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France… ».
Puis, il poursuit en nous indiquant également que les résultats des entreprises étrangères
pourront être liés à la base imposable de la société mère située en France lorsqu’une convention
internationale de non double imposition le prévoit. A défaut, la juridiction française ne saurait
imposer des bénéfices provenant de sociétés hors du territoire national. Le modèle de
convention fiscale majoritairement repris par la France et l’Italie est celui de l’OCDE dont les
stipulations sur les bénéfices reprennent la même logique que celle présente dans l’art 209-1
CGI . L’art 7 al 1 modèle OCDE indique :
« Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à
moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire
d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les
bénéfices qui sont attribuables à l'établissement stable conformément aux dispositions du
paragraphe 2 sont imposables dans l'autre État. »
Selon ces normes, l’administration fiscale doit effectuer une distinction entre les revenus nés de
l’activité sur le sol français et ceux réalisés par une entreprise exploitée hors du territoire.
Par règle de symétrie les critères qui permettent de qualifier une société exploitée sur le sol
national sont les mêmes que ceux qui permettent de qualifier une société exploitée à l’étranger.
L’existence d’un établissement stable à l’étranger vient exclure de la base imposable de la
société les revenus tirés de toute activité industrielle et commerciale réalisées à l’extérieur. La
non imputabilité des profits effectués à l’étranger est appliquée même en l’absence
d’établissement stable, lorsque la société confie la conduite de ses affaires extérieures à un
représentant qualifié ou qu’elle effectue un cycle complet de commercialisation détachable de
l’activité accomplie en France.
Le représentant qualifié est une personne dépourvue de personnalité propre et qui est employée
par la société. Un pouvoir de subordination doit être exercé par la société française à son
encontre mais dans le même temps ce représentant doit avoir la capacité de négocier et de
contracter de façon autonome pour le compte de l’entreprise. A l'instar de l’établissement stable
cette personne doit constituer un centre décisionnel sur le territoire étranger mais dépendant de
la société mère française.
99
Le cycle de commercialisation complet est un critère jurisprudentiel qui permet de détacher les
revenus réalisés à l’étranger de l’entreprise nationale. Pour ce faire, le juge considère que les
opérations effectuées doivent avoir un caractère habituel ce qui demande une certaine continuité
de l’activité à l’étranger, qu’elles s’opèrent dans le cadre d’un « cycle commercial complet »
c'est-à-dire que la réalisation d’opérations industrielles et commerciales doit suivre une
articulation cohérente et être orientée vers un but déterminé. Les opérations réalisées ne doivent
pas être le prolongement des activités habituellement proposées par l’entreprise principale, elles
doivent s’en détacher pour marquer leur indépendance. Les activités peuvent être détachables
par leur nature ou par leur mode d’exécution.66
Si tous les critères sont réunis alors les bénéfices réalisés à l’étranger par la société française ne
seront pas imposés en France. A l’inverse, le CE67 a jugé que les revenus d’une société française
provenant de la vente de biens achetés hors de France et cédés directement en Afrique devaient
être intégrés à son résultat imposable en France car même si les opérations n’ont pas été
matériellement effectuées en France,« elles ont été juridiquement décidées et financièrement
traitées en France »68.
La société française ne peut revendiquer l’existence d’un cycle complet de commercialisation
lorsque les opérations réalisées à l’étranger ont été décidées, traitées et contrôlées par la société
française.
Le juge insiste sur le caractère habituel de l’activité effectuée à l’étranger pour en faire un
préalable nécessaire à la distinction entre les revenus imposables en France et ceux imposables
à l’étranger. Dans un souci de garantir une unité de traitement fiscal, le juge considère que toute
activité occasionnelle ou accessoire sera considérée comme non détachable de l’activité
principale et habituelle de la société française.
Donc, en l’absence d’établissement stable, de représentant qualifié ou de réalisation de cycle
complet de commercialisation, alors les bénéfices d’entreprises françaises provenant de sources
financières étrangères seront imposable en France, tout comme les bénéfices d’exportation
réalisés sans l’intermédiaire de professionnels indépendants (courtiers, commissionnaires).
66
CE 03/03/1976, N°98680, BODGI 4-A-14-76 67
CE 14/03/1979, n°7098, DF 1979 n°17-18 ; CE 04/07/1997, n°146930, SA Mabrek, DF 1997 n°44. 68
B Castagnède, “Précis de fiscalité internationale” p 285, fiscalité PUF 3ème éd 2010
100
La présence d’un établissement stable reste le repère principal en matière de rattachement à une
juridiction fiscale, mais au-delà de cela, les différents critères exposés ci-dessus mettent en
exergue le caractère essentiel de l’autonomie de gestion qui permet de détacher une activité et
donc un revenu de la société située sur le sol français ou étranger. Ce critère est indispensable à
la qualification d’« entreprise exploitée » hors de France.
Le CE tient toujours compte de ce critère d’autonomie pour localiser les revenus de l’entreprise
mais il admet à présent que dans des cas particuliers comme la vente internationale d’ensemble
industriel ou vente d’usine « clef en mains », il est nécessaire de ventiler les activités réalisées
sur le sol national et étranger en se basant non pas sur un critère juridique mais sur un critère
géographique à savoir le lieu d’exercice de la prestation69.
Le principe de territorialité que l’on retrouve à l’art 209-1 CGI considère que la richesse créée
doit être taxée par la juridiction dans le ressort duquel se trouve l’entreprise exploitée. En
général, les conventions fiscales liant la France aux autres pays reprennent ce principe et cette
référence à l’établissement stable mais cela n’est pas obligatoire. Cette exception est d’ailleurs
prévue à la suite de l’art 209-1 CGI qui veut que lorsque des stipulations conventionnelles le
prévoient, les bénéfices réalisés dans le pays d’accueil de l’entreprise seront rattachés à la base
taxable du pays de résidence de la société. L’Italie tient compte de ces critères de rattachement
d’activité au sol italien et notamment celui de l’établissement stable mais semble l’appliquer
dans un seul sens c'est-à-dire uniquement à l’encontre de sociétés étrangères qui viendraient
commercer et réaliser des bénéfices afin de pouvoir revendiquer son droit à l’imposition
conformément à l’art 23 al 1 TUIR70. Par contre, elle ne s’embarrasse pas de ces mêmes critères
qui permettent de distinguer l’activité réalisée à l’étranger de celle effectuée en Italie et
revendique la nationalité de l’entreprise italienne qui exploite une activité à l’étranger pour
écarter le principe de territorialité et appliquer celui de mondialité.
En adoptant le principe de territorialité comme mode d’imposition des revenus des sociétés
internationales, la France a pris un parti différent de ceux des autres pays. Mais pour autant il ne
rejette pas la possibilité d’appliquer de façon dérogatoire l’autre modèle d’imposition à savoir
celui qui repose sur le principe de mondialité ou de taxation globale des bénéfices.
69
CE 23/06/1978 70
Art 23 al 1 TUIR : “1. Ai fini dell’applicazione dell’imposta nei confronti dei non residenti si considerano prodotti
nel territorio dello Stato:[…] e) i redditi d’impresa derivanti da attività esercitate nel territorio dello Stato
mediante stabili organizzazioni…”
101
§2. Le principe de mondialité ou « principio della tassazione su base mondiale »
Il est le plus largement représenté au sein des législations des différents pays
industriels. Le principe de la mondialité veut que l’ensemble des bénéfices du groupe
international soit imposé dans le pays de résidence de la société tête de groupe. Un groupe dont
la société mère se trouve aux États-Unis verra l’ensemble des résultats de ses filiales
additionnés au sein afin d’établir un montant global du bénéfice avant impôt qui seront taxés
selon le taux applicable dans le pays de résidence. Ce principe permet d’optimiser la charge
fiscale du groupe car les résultats déficitaires sont soustraits des résultats bénéficiaires afin de
déterminer le résultat d’ensemble du groupe. Tous les revenus sont donc rapatriés au niveau de
la société mère qui du fait de sa position dominante aura la charge d’honorer l’obligation fiscale
de tout le groupe auprès de la juridiction américaine. Ce principe se réfère à la nationalité de la
société tête de groupe pour déterminer la juridiction qui est compétente pour percevoir
l’imposition relative aux revenus du groupe. L’avantage de ce mode d’imposition est qu’il tient
compte d’une gestion globalisée du groupe et du lien de subordination entre la société faîtière et
toutes ses entreprises qui lui sont rattachées. Comme la société mère détient un droit sur tous les
bénéfices de ses filiales du fait de son investissement, il apparaît préférable de venir imposer
directement la société tête de groupe.
La France prévoyait au sein de sa législation une disposition autorisant les groupes
multinationaux à opter pour le régime de consolidation mondiale des bénéfices (BMC).
L’Italie autorise toujours les firmes multinationales installées sur son territoire à opter pour ce
régime de « consolidato fiscale » ou système d’intégration fiscale internationale qui n’est autre
qu’ « une extension du principe de mondialité au niveau international »71 est prévue à l’art 130
et suivant du TUIR. Le principe de mondialité en Italie s’applique par nature aux revenus
réalisés à l’étranger du fait de l’exploitation directe (succursale) de l’activité de la société
italienne alors que le dispositif de « consolidato fiscale » est une option qui permet d’appliquer
le principe de mondialité aux revenus réalisés à l’étranger par les filiales (exploitation indirecte)
étrangères rattachées à la société mère résidente italienne.
71
FiscoOggi : “Trattamento tributario del gruppo internazionale, Il consolidato fiscale mondiale : accesso e interpello”
revue télématique de l’Agenzia delle Entrate
102
Ces différentes appellations que sont le régime consolidé, de taxation globale, d’intégration
fiscale internationale ou « istituto di consolida » servent à nommer un même système qui trouve
sa source dans le principe de mondialité.
Ce dispositif permet au groupe d’éviter une surcharge fiscale en incluant dans le calcul de leur
imposition globale pas uniquement les résultats bénéficiaires des entités du groupe mais aussi
l’ensemble des déficits accusés par certaines filiales.
Ce régime fut instauré en France par une loi du 22/07/1965 qui mit en place le régime du
bénéfice consolidé que l’on retrouve présenté en ces termes à l’art 209 quinquies du CGI:
« Les sociétés françaises agréées à cet effet par le ministre de l'économie et des finances
peuvent retenir l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu'elles
soient situées en France ou à l'étranger, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la
distribution de leurs bénéfices réalisés au titre des exercices clos avant le 6 septembre 2011. »
Ce régime dérogatoire était accordé sur agrément du ministère de l’économie et des finances
aux sociétés françaises qui pouvaient retenir l’ensemble des résultats des sociétés françaises ou
étrangères qu’elles possèdent directement ou indirectement, pour le calcul du son IS global.
Dans la législation italienne la société qui souhaite profiter de ce régime de bénéfice mondial
doit effectuer sa demander par voie électronique auprès de l’Agenzia delle Entrate.
Le dispositif de bénéfice mondial consolidé français « BMC » comprend en réalité deux
régimes distincts72. Le 1er concerne le régime de bénéfice mondial permettant d’intégrer les
résultats positifs et négatifs des entreprises exploitées de façon directe telle une succursale ou
un bureau de représentation.
Le second régime dit de bénéfice consolidé autorisait l’intégration des gains et pertes des
entreprises exploitées de façon indirecte ce qui correspond à des filiales. Elles pouvaient être
françaises ou étrangères mais obligatoirement détenues à plus de 50% par la société mère
française.
L’Italie n’opère pas cette distinction et se réfère à la notion de contrôle direct pour intégrer ou
non dans le périmètre de consolidation une entreprise étrangère exploitée indirectement. La
72
« Rapport d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international » commission
parlementaire des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire., Assemblée nationale 10/07/2013.
103
société mère doit tenir un pouvoir de contrôle comme défini à l’art 2359 al 1-1) du codice civile
qui reprend la même caractéristique que le dispositif français, à savoir que la société italienne
doit détenir plus de 50% des droits de vote lors de l’assemblée ordinaire ou plus de 50% des
droits à dividendes.
L’agrément pour la mise en place de ce régime dérogatoire était valable 5 ans et ne pouvait être
révoqué par la société. La législation italienne applique les mêmes règles. L’agrément français
fixait le périmètre de consolidation c'est-à-dire les entreprises françaises ou étrangères
exploitées directement ou indirectement dont les résultats entrent dans le calcul de l’impôt
global dû par la société tête de groupe. Il en est de même pour l’Italie qui rappelle l’obligation
d’inclure toutes les sociétés non résidentes contrôlées directement par la société italienne afin d’
éviter un détournement du dispositif fiscal.
En matière de consolidation des bénéfices, les règles qui étaient énoncées par la législation
françaises sont similaires à celles présentes dans la législation italienne. La base imposable du
groupe correspond à la somme algébrique des résultats d’exploitation de la société mère ainsi
que de toutes les entreprises entrant dans le périmètre de consolidation, dans la proportion des
parts qu’elle détient sur ces dernières.
Le résultat d’exploitation global ainsi calculé donnait lieu en cas d’exercice bénéficiaire à
l’imposition au taux appliqué en matière d’impôt sur les sociétés73. En cas de résultat consolidé
déficitaire, alors la société peut reporter le déficit sur l’exercice suivant. Malgré la consolidation
des résultats, il est fréquent pour les entreprises de rencontrer un problème de double
imposition. C’est pourquoi, il est possible d’imputer les impôts payés par la succursale ou la
filiale dans les États étrangers afin de rétablir l’équilibre fiscal et éviter ainsi de supporter une
charge fiscale supplémentaire et infondée car déjà payée dans l’un ou l’autre pays.
Cela signifie qu’après avoir calculé l’imposition brute que la société tête de groupe doit
acquitter, elle peut soustraire de ce montant les impôts payés dans les autres juridictions par ses
entreprises étrangères exploitées directement et ses entreprises nationales et étrangères
exploitées indirectement. Pour cela, il faut que les impôts qui ont été versés à l’étranger soient
par principe définitifs, sans contrepartie, calculés sur une base réelle et non forfaitaire et
exprimés en unité monétaire. Ces modalités s’appliquent aussi bien à la réalisation des
bénéfices qu'à leur distribution.
73
IS : 33,33% - IRES : 27,5%
104
Le montant de l’impôt imputable répond à la même logique que le résultat consolidé à savoir
qu’il s’effectue à hauteur de la proportion des parts détenues par la société nationale. Pour une
raison de réciprocité et de sécurisation fiscale, le montant des impôts imputables ne peut être
supérieur au montant des impôts qu’aurait du verser l’entreprise située à l’étranger si elle avait
été exploitée et imposée en Italie ou en France selon les normes fiscales en vigueur. La
possibilité de déduire les impôts payés dans un autre État se voit limitée par cette règle butoir
qui crée une limitation relative à chaque État et non à chaque entreprise. C'est-à-dire que le
calcul du montant butoir s’effectue en tenant compte de l’ensemble des résultats d’exploitation
des entreprises situées dans un même État.
En cas de dépassement, la société agréée est en droit de reporter le supplément d’imposition sur
les cinq exercices suivants, toujours en respectant la limitation qui ne peut être supérieur au
montant annuel des impôts reconstitué sur la base de la législation italienne ou française.
Le fait que les États adoptent un régime fiscal diffèrent les uns des autres multiplie le risque de
double imposition. L’OCDE tient à rappeler dans son rapport intitulé « Érosion de la base
d’imposition et transfert de bénéfices » du 19/07/2013 que le problème de la double imposition
ne se rencontre pas uniquement lorsque des juridictions appliquent strictement le principe de
territorialité pour l’un et le principe de mondialité pour l’autre car : « dans la plupart des pays,
aucun de ces deux systèmes n’existe sous une forme pure, et il n’y a pas deux systèmes fiscaux
parfaitement identiques »74. Ce qui veut dire que des juridictions qui appliquent le même
principe au sein de leur législation respective n’annule pas le risque de double imposition du
fait de l’évolution particulière de chaque système fiscal national, « l’interaction des régimes
fiscaux nationaux entraîne parfois des chevauchements, de sorte qu’un élément de revenu peut
être taxé par plusieurs pays, aboutissant à une double imposition »75.
La double imposition peut être juridique mais également économique76. Dans le 1er cas, les
États vont taxer le même produit chez un même contribuable, ce qui est fréquent lorsqu’on est
en présence de système fiscaux opposés (territorialité vs mondialité) ou basés tous les deux sur
le principe de territorialité. Dans le second cas, les États vont imposer tout ou partie d’un même
produit mais chez des contribuables différents comme par exemple lorsqu'une société mère est
74
OCDE, « Erosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices » p 38, rapport du 19/07/2013 75
Ibibem OCDE 76
Ibidem, Assemblée nationale 10/07/2013
105
imposée sur les dividendes qu’une filiale lui a versé, issus des bénéfices une 1ère fois imposés
par l’État où se situe la filiale.
Ce risque de double imposition vaut pour tous les pays et toutes les entreprises quelque soit le
régime fiscal en présence. C’est pourquoi, il important de prévoir des moyens de retrouver un
équilibre fiscal notamment grâce à la règle d’imputation des impôts versés à l’étranger. L’année
2004 est une année importante d’une part pour la France qui est venue abroger le système
d’imputation de l’avoir fiscal ou du précompte payé sur les distributions de bénéfices au profit
du crédit d’impôt, mais surtout pour l’Italie qui a réformé son imposition sur les bénéfices. En
effet, c’est au 1er janvier 2004 que fut crée l’Imposto sul reditti delle sociètà ( IRES) qui est
venu remplacer l’Imposto sul reditti delle personne giuridiche (IRPEG) en vue de s’harmoniser
avec les législations européennes. C’est lors de cette réforme que fut mis en place le système
d’intégration fiscale domestique et celui mondial qui intéresse notre étude. De plus le législateur
a instauré au même moment et en vue de lutter contre le risque de double imposition, le
mécanisme de la créance fiscale qui permet de déduire du montant brut de l’impôt calculé par
rapport au bénéfice consolidé, le montant des impôts acquitté par la filiale dans le pays étranger.
Tout comme le dispositif français, le bénéfice à intégrer dans le résultat global est calculé
proportionnellement à la participation que détient la société résidente française ou italienne sur
ses filiales. Le régime de consolidation internationale italien est équivalent à celui qui été
instauré en France.
A ce jour, le dispositif italien est toujours en vigueur ce qui n’est plus le cas du régime
dérogatoire français.
Dans un rapport d’octobre 2010 demandé par l’Assemblée nationale, le conseil des
prélèvements obligatoires avait préconisé la suppression de ce régime de bénéfice mondial
consolidé car il n’était plus adapté à la réalité du commerce international. Ce dispositif était
intéressant pour les sociétés françaises qui réalisaient la majorité de leurs bénéfices en France et
la plupart des pertes à l’étranger, ce qui ne correspondait plus « au modèle type des groupes
français internationalisés »77. Seules quelques sociétés à vocation exportatrice ou pétrolière
comme le groupe Total ont opté pour ce régime.
77
Ibidem, Assemblée nationale 10/07/2013
106
En 2011, cinq sociétés françaises bénéficiaient de ce régime. Sa faible utilisation et son coût
budgétaire important (500 millions d’euros par an) ont eu raison de sa conservation.
Le législateur a suivi les recommandations du conseil des prélèvements obligatoires et est venu
abroger ce dispositif avec la loi de finance du 19/09/201178.
L’intérêt du principe de territorialité naît de la nécessité de créer un lien direct ou un critère qui
permet de lier la société internationale au pouvoir de l’administration fiscal afin qu’il puisse
s’exercer concrètement notamment par ces moyens de contrôle. Alors que celui du principe de
mondialité est de tenir compte de la gestion globalisé du groupe multinational.
Concernant la théorie qui semble la plus efficace pour atteindre l’objectif d’équité fiscale, la
doctrine majoritaire indique que le principe de mondialité est plus adapté du fait de son
adoption par la plupart des États ce qui permet : « une allocation plus efficiente des ressources
sur le plan internationale »79. Certains auteurs comme le professeur B.Castagnède80 considèrent
que le principe de territorialité et la mise en place d’un système dérogatoire témoignent de
l’inadaptation de la territorialité aux conditions actuelles de l’activité d’entreprise car il nuirait
au déploiement international des sociétés soumises à ce principe du fait de l’impossibilité de
globaliser les pertes et profits de l’ensemble du groupe.
L’application du principe de territorialité apparaît comme un terrain favorable au transfert
indirect de bénéfices puisqu’il vient cloisonner les flux financiers en direction de la société
mère par la présence de frontière fiscale. Ce qui a pour inconvénient de créer une certaine
opacité à chaque passage de frontière et une déconnexion de nos administrations par rapport à
l’activité de l’entreprise au sein du groupe. Ce quadrillage territorial permet la localisation
artificielle de bénéfices dans des juridictions fiscales plus favorables fiscalement. A l’inverse, le
principe de mondialité soulève les barrières fiscales et considère que la juridiction qui doit
percevoir le fruit du commerce des entreprises du groupe est celle qui a donné naissance à ce
groupe et surtout à la société propriétaire de cet ensemble économique. La taxation de la
richesse créée doit donc revenir à la juridiction où réside la société mère, instigatrice initiale de
cette plus-value et non revenir à l’État d’accueil qui met son infrastructure à disposition de
78
Article 3 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 79
“Principio di territorialità e reditti d’impresa” thèse de doctorat, M. Pellechia 2009, università LUISS 80
Ibidem p. 290
107
l’entreprise qui exploite son activité, crée de la valeur, de la richesse financière sur le sol
national et au sein de la société civile locale.
Il s’agit là de deux conceptions qui abordent la question de l’internationalisation des sociétés
selon un angle de vue voire une culture différente.
Le principe de mondialité considère que l’agent économique qui souhaite investir à l’étranger
doit pouvoir le faire selon des modalités d’imposition identiques à celles qui lui seraient
applicables dans son pays de résidence. En présence d’une juridiction fiscale où l’imposition est
moins forte, la société située sur ce territoire ne pourra pas profiter de cet avantage fiscal car
elle sera taxée sur les modalités de son pays de résidence. Le but poursuivi est d’instaurer une
parité fiscale afin que chaque résident contribue selon les mêmes règles au financement des
politiques publiques du fait de la richesse qu’il a acquise. De plus, cette sécurisation de la
variable fiscale tendrait à accroître la volonté de déploiement international des entreprises
nationales.
Le principe de territorialité, quant à lui, poursuit un autre objectif celui d’instaurer les mêmes
règles fiscales à toute personne morale qui s’implanterait sur le territoire national en vu de
réaliser son commerce. Autrement dit de garantir à toute entreprise française ou étrangère qui
chercherait à s’installer sur un marché étranger ou français de se voir appliquer les mêmes
règles fiscales que les entreprises locales. Cette conception recherche la neutralité fiscale non
pas dans le pays de résidence mais sur le marché local où l’entreprise est exploitée. Pour
appliquer ce principe de territorialité, il est important que les législations proscrivent toute
forme de discrimination fiscale que ce soit du fait de la nature de l’activité et surtout du fait de
la provenance étrangère de l’entreprise.
La France persiste dans cette conception en abrogeant en 2011 le régime optionnel du bénéfice
mondial consolidé.
La tendance majoritairement favorable au principe de taxation globale est actuellement remise
en cause. Certains auteurs81 estiment depuis peu, qu’au vu de la globalisation de l’économie, le
recours au principe de territorialité est mieux adapté à l’exigence de mobilité qui caractérise
notre système économique car il garantit le même traitement fiscal entre l’investisseur national
et l’investisseur étranger. Cette neutralité fiscale n’est possible que lorsque les États en présence
81
K. Vogel, Worldwide vs. source taxation of income – A review and re-evaluation of arguments, in three parts: Parte I,
in Intertax 216 (No. 8/9, 1988); Parte II, in Intertax 310 (No. 10, 1988); e Parte III, in Intertax 393 (No. 11, 1988)
108
appliquent tous deux le principe de territorialité comme c’est le cas pour les revenus
commerciaux issus des relations d’entreprises entre la France et l’Italie.
Au niveau communautaire, l’instauration d’un marché unique et la consécration du principe de
libre concurrence invite à l’adoption du principe de territorialité par tous les États membres car
il permettrait de profiter des bienfaits de la concurrence entre États qui nous amènerait, si celle-
ci n’est pas utilisée de façon abusive, à la neutralité fiscale au sein de l’UE.
Sous Section 2. Les modalités d’imposition des dividendes
La connaissance du régime d’imposition général des bénéfices est indispensable à la
réussite de son commerce car les coûts fiscaux qu’il génère doivent être considérés soit pour
connaître le bénéfice net escomptable d’un produit dont on connaît déjà le prix de vente du fait
de sa commercialisation sur un autre marché, soit pour établir ou revisiter la politique de prix
que la société devra appliquer en vue d’atteindre un certain taux de marge. Cette phase est un
préalable à l’exploitation d’une nouvelle activité ou à la mise en place d’une entreprise
d’implantation à l’étranger. De plus, cette analyse des régimes fiscaux permet au groupe de
développer une politique d’optimisation fiscale, notamment dans le choix des lieux de
production, qui peut aboutir si elle n’est pas bien maîtrisée à franchir les limites de la légalité et
cela malgré l’absence de volonté. Cette analyse est tout aussi indispensable pour un groupe qui
souhaiterait mettre en place tout transfert indirect de bénéfices. Par le biais des transactions
intra-groupes la société mère peut décider de localiser la plus grosse partie des bénéfices issue
de ces échanges commerciaux dans le pays où la fiscalité est moindre. Les revenus seront donc
légalement imposés selon le régime fiscal du pays visé.
Pour que la manipulation des prix de transfert constitue une réelle évasion fiscale il faut
obligatoirement que la société mère et ses actionnaires profitent du gain fiscal réalisé par ce
transfert indirect de bénéfices. Pour cela la société mère du fait de sa propriété sur la société
étrangère va faire valoir ses droits sur les dividendes de sa filiale afin de les rapatrier sur son
territoire de résidence. Une fois sur place ils viendront grossir le bilan de la société mère et
seront mis en réserve, investis ou plus généralement redistribués aux actionnaires de ladite
société. Ainsi le circuit est bouclé et le gain fiscal réalisé par le transfert indirect de bénéfices
profitera à l’enrichissement personnel de ces actionnaires. Il est à noter que le choix pour la
société mère d’opter pour le régime de « consolidato fiscale » écarte s’il était appliqué de façon
109
idéale ce processus de redistribution des bénéfices puisque tous les revenus du groupe seraient
centralisés et imposés par la juridiction italienne. Mais la particularité de chaque système fiscal
national fait qu’en pratique, il est rare de voir s’appliquer parfaitement le principe de mondialité
des bénéfices.
Pour réaliser cette 2ème phase qui demande de rapatrier les dividendes des sociétés liées, il faut
obligatoirement connaître les régimes relatifs aux versements des dividendes applicables aux
groupes internationaux pour que la société mère puisse finaliser son procédé d’évasion.
Différentes règles s’appliquent en la matière, pour cela il faut opérer une distinction entre le
régime applicable aux dividendes perçus ou versés au sein d’un groupe international (§1) et
celui spécifique à la distribution de dividendes entre les entités d’un groupe présent sur le
territoire de l’UE (§2). Ces régimes tiennent compte des relations étroites entretenues par des
sociétés appartenant au même groupe.
§1. L’imposition des dividendes internationaux
Les dividendes se définissent comme les produits distribués par une société à ses
associées en vertu d’une décision prise par l’assemblée générale des actionnaires. les dividendes
ne sont autre que tout ou partie des bénéfices de la société qu’elle réalise au cours d’une année
et dont la répartition est décidée et fixée lors de la réunion de ladite assemblée générale.
Afin de mieux comprendre la problématique des prix de transfert, notre étude sur la distribution
des dividendes s’effectuera uniquement dans une optique internationale des relations intra-
groupes. La distribution des bénéfices d’une filiale se fera toujours en direction de la société
mère mais les modalités d’imposition différeront du fait de la situation géographique de ladite
société, soit qu’elle se trouve à l’étranger (A), soit qu’elle se situe dans l’un des pays qui
intéresse notre étude à savoir la France ou l’Italie (B). Nous aborderons le sujet en se référant
principalement au modèle français semblable au modèle italien et ne manquerons pas de
marquer les différences si nécessaire.
A/ Distribution de dividendes à une société mère étrangère
Dans le cas où la société mère se trouve à l’étranger, la distribution des dividendes
au sein d’un groupe est soumise par principe aux mêmes règles qui régissent le versement de
dividendes aux personnes ayant leur résidence hors de France.
110
Le processus veut que la somme d’argent transférée vers la société mère située à l’étranger
subissent un prélèvement à la source avant d’effectuer le virement. La retenue à la source qui
s’applique sur les produits des actions et parts sociales en partance pour l’étranger trouve sa
base légale à l’article 119 bis-2 CGI. Le taux applicable pour cette retenue est quant à lui prévu
à l’art 187 al 1 CGI, il est passé de 25% à 30%82 des montants distribués depuis la loi de finance
pour 2013. Cela signifie que sur la totalité des dividendes distribués, 30 % subiront une
imposition relative à l’IS avant de quitter le territoire français.
Il s’agit là du régime de droit commun mais lorsqu’il existe une convention internationale de
non double imposition entre le pays émetteur et le pays récepteur qui prévoit un taux de
prélèvement moindre ou nul, la société située dans l’un ou l’autre pays pourra demander à
bénéficier de cette stipulation plus favorable en apportant la preuve de sa résidence dans l’un
des États-parties à la convention.
En vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, l’art 187 al 2 CGI83 vient instaurer un
taux de retenue à la source qui est passé de 50% en 2011, à 55% en 2012 pour arriver à 75 %
depuis le 01/01/2013 lorsque le versement de dividendes s’effectue en direction d’un État ou
territoire non coopératif au sens du nouvel article 238-0A al 1 CGI84 et quel que soit le
domicile fiscal ou le siège social du bénéficiaire de ces revenus.
L’art 238-0A al 1 nous indique que:
« Sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2010, les États et territoires
non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et
de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de
coopération et de développement économique et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la
France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement
nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze
États ou territoires une telle convention. »
82
Art 187 al 1 CGI 83
Art 187 al 2 CGI:« 2. Le taux de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est fixé à 75 % pour les
produits mentionnés aux articles 108 à 117 bis et payés hors de France, dans un Etat ou territoire non coopératif au
sens de l'article 238-0 A. » 84
Art 238-0A introduit par l’art 22-1-I de la loi de finance rectificative pour 2009 n°2009-1674 du 29/12/2009
111
Avec la réforme fiscale de 2004, l’Italie a simplifié les modalités d’imposition des dividendes
distribués. Le système de l’avoir fiscal a été remplacé par le régime d’exonération prévu à l’art
89 al 2 TUIR85 qui dispose que :
«les dividendes distribués[…] ne concourent pas à la formation du résultat de l’exercice de
l’année à laquelle ils sont perçus car exclus des revenus de la société ou de l’entité de réception
pour 95% de leur montant ».
Le dispositif mis en place s’applique de la même façon pour les dividendes distribués d’une
entreprise italienne vers une société mère étrangère et d’une entreprise étrangère en direction
d’une société mère italienne. Toutes les entreprises commerciales apparentées peuvent profiter
de ce régime d’exonération sans qu’il ne soit nécessaire de détenir un seuil minimal de
participation entre la société mère et sa filiale étrangère.
Ce régime fiscal veut donc que le montant des dividendes d’une entreprise italienne distribués à
une société mère étrangère subit un prélèvement à la source à hauteur de 5%.
La comparaison de nos régimes de droit commun relatifs aux dividendes entrants dans nos pays,
nous apprend qu’il existe une différence de 25 points entre le taux applicable à la retenue à la
source effectuée en France et celle réalisée en Italie. Le régime de taxation des dividendes
distribués est donc plus favorable en Italie qu’en France : Une société mère, située sur un
territoire hors de l’UE et avec qui l’Italie n’a pas de clause conventionnelle plus favorable en
matière de distribution de dividendes, possède la totalité d’une filiale italienne qui va lui
reverser 1,5 Million d’euros de dividendes. La distribution de ce produit subira une imposition à
l’IRES avant le passage de la frontière sur un montant de 75 000 euros alors que dans les
mêmes conditions si la filiale avait été résidente en France la retenue à la source se serait
appliquée sur montant imposable à l’IS atteignant 500 000 euros. Le groupe en optant pour une
installation fixe d’affaire en Italie entend soustraire de la base imposable à l’IRES des
dividendes distribués par sa filiale un montant de 425 000 euros.
Les dispositions italiennes apparaissent beaucoup moins imposantes que celles issues de la loi
française. Cette attitude peut expliquer le fait que l’Italie contrairement à la France n’est pas
85
Art 89 al 2 TUIR : « Gli utili distribuiti, in qualsiasi forma e sotto qualsiasi denominazione, anche nei casi di cui
all'articolo 47, comma 7, dalle società ed enti di cui all'articolo 73, comma 1, lettere a), b) e c) non concorrono a
formare il reddito dell'esercizio in cui sono percepiti in quanto esclusi dalla formazione del reddito della società o
dell'ente ricevente per il 95 per cento del loro ammontare.»
112
prévue de dispositif plus contraignant lorsque les dividendes sont distribués au profit de sociétés
situées sur des États ou territoires non coopératifs (ETNC). Ce qui n’est pas le cas lorsque qu’à
l’inverse ces dividendes proviennent de ces ETNC.
B/ Distribution de dividende à une société mère française ou italienne
Comme il a été dit au préalable l’Italie ne fait de différence entre le régime
applicable aux dividendes en partance de l’Italie ou en provenance de l’étranger.
Nous retrouvons les dispositions relatives à l’imposition des dividendes d’une filiale étrangère
vers la société mère italienne toujours à l’art 89 al 2 TUIR qui nous indiquent que 95% des
dividendes distribués,« sous quelques formes ou dénominations que ce soit »86 à une société
italienne n’entrent pas dans le calcul des revenus de ladite société. Ce qui signifie que
seulement 5% des dividendes versés seront imposés à l’IRES par la juridiction italienne.
Ce régime est d’application large et ne demande aucune condition particulière sauf que cette
fois le législateur italien à tout de même prévu une exception qui entre dans le cadre de la lutte
contre l’évasion fiscale et la fraude fiscale. Le régime d’exonération ne peut s’appliquer aux
dividendes distribués par une société soit située sur un État ou territoire à régime fiscal
privilégié87 comme définit à l’article 127 bis al 488 TUIR soit qui se situe sur un État ou
territoire qui n’est pas qualifié de coopératif89 au sens de l’article 168 bis TUIR. Conformément
à ce dernier article, le ministre de l’économie et des finances fixe par décret la liste de ces
territoires coopératifs. L’alinéa 2 de l’art 168 bis TUIR nous indique qu’un État est qualifié de
coopératif lorsqu’il pratique « l’échange d’information » avec l’administration fiscale italienne
et que son niveau d’imposition : « n’est pas sensiblement inférieur à celui pratiqué en Italie ».
L’une ou l’autre exception entraîne une présomption de fraude ou d’évasion qui n’autorise pas
la société tête de groupe à se prévaloir du dispositif de l’art 89 TUIR et entraîne une imposition
de l’administration fiscale de 100% des dividendes distribués comme si les revenus envoyés par
cette entreprise étrangère avaient été réalisés directement sur le sol italien. Le contribuable a la
possibilité d’écarter ces présomptions de deux façons.
86
Circolare « nouveau régime de taxation des dividendes » 16/06/2004 n°26/E §3.4 87
Circolare « nouveau régime de taxation des dividendes » 16/06/2004 n°26/E §3.5 88
Art 127 bis al 4 TUIR: « Sont considérés privilégiés les régimes fiscaux des États ou territoires identifiés, cités par
décret du Ministre des Finances publié au Journal officiel, en raison du niveau de taxation sensiblement inférieur à
celui pratiqué en Italie, de l’absence d’un véritable échange d’information ou d’autres critères équivalents ». 89
Art 89 al 3 TUIR
113
La 1ère consiste pour le contribuable à exercer son droit d’interpellation90 ou rescrit fiscal, dès le
début de la prise de participation de la société contrôlée auprès de l’Agenzia delle Entrate afin
de démontrer que les revenus imputables à la société contrôlée seront régulièrement imposés à
un taux ordinaire c'est-à-dire équivalent à celui italien.
Le second moyen consiste à apporter la preuve de l’effectivité de l’activité génératrice de
bénéfices sur ce territoire.
Si l’une ou l’autre des justifications est véridique alors le contribuable italien pourra profiter
d’une exonération d’imposition de l’IRES sur 95% des dividendes reçus.
Il en est de même dans la législation française qui applique un régime d’exonération des
dividendes perçus par une société mère française dont les dispositions figurent aux articles 146
et 216 CGI.
Le versement de dividendes à une société résidente en France entraîne un accroissement de son
résultat c’est la raison pour laquelle le législateur a instauré ce régime dit de mère-fille afin de
limiter les effets de la double imposition. A l’instar du système du dispositif italien, l’art 216
CGI nous indique qu’une société mère française pourra voir l’ensemble des dividendes qu’elle
perçoit d’une entreprise étrangère complètement exonéré « défalcation faite d’une quote-part de
frais et charges » ; cette quote-part étant fixée à « 5% du produit total de participation, crédit
d’impôt inclus ». Cela signifie en pratique que 95% du montant perçu n’entrera dans la base
imposable de la société mère. L’application de ce régime écarte l’imputation du crédit d’impôt
qui accompagnerait éventuellement les dividendes du fait du caractère quasi total de
l’exonération.
A l’inverse de l’Italie la jouissance de ce régime des sociétés mères nécessite selon l’art 145 al 1
CGI la réunion de plusieurs conditions :
- La société mère doit être soumise au paiement d’un impôt sur les sociétés au taux
normal,
- Les titres de participations : «doivent revêtir la forme nominative ou être déposés
dans un établissement désigné par l'administration »91,
- Les titres de participations doivent représenter au moins 5% du capital de la
société contrôlée, ce pourcentage s’apprécie à la date de mise en paiement des
dividendes,
90
Art 11 de loi du 22/07/2000 n° 212 créant le statut du contribuable 91
Art 145 al 1 a)
114
- Les titres de participation doivent être conservés pendant au moins 2 ans.
Concernant cette dernière condition, l’utilisation du terme de « conservation » par la législateur
indique conformément à la modification faite sur l’art 145 al 1 CGI par l’art 39 de loi de finance
rectificative pour 2005 que le régime d’exonération peut être utiliser dès la 1ère année de
détention des titres et quelque soit le moment de la prise de participation. Autrement dit, une
société mère qui détient des parts dans l’entreprise contrôlée depuis moins de 2 ans, peut
bénéficier du dispositif d’exonération si elle s’engage à les conserver pendant ce terme. Le but
étant de faire coïncider ce régime d’exonération avec l’exercice de l’année où il a été utilisé. A
défaut du respect de cet engagement la société réceptrice devra, dans les trois mois qui suivent
la cession des parts, s’acquitter du montant de l’impôt qui aurait du être normalement payé en
l’absence du régime d’exonération auquel il faudra additionner des intérêts de retard.
Tout comme la législation italienne et dans un souci de renforcer la lutte contre la fraude et
l’évasion fiscales, les dividendes réalisés à partir de l’année d’exercice 2011 par des sociétés
situées sur des États et territoires non coopératifs au sens de l’art 238-0A CGI et versés à des
sociétés mères françaises ne peuvent se prévaloir du régime d’exonération. Chaque année le
ministre de l’économie et du budget dresse par arrêté la liste des ETNC après avis du ministre
des affaires étrangères. L’unique possibilité qui permettrait à une société mère française
d’écarter ce régime plus contraignant applicable aux dividendes versés par sa filiale située sur
un territoire non coopératif serait de voir cet État ou territoire sortir de la liste arrêtée par le
ministre de l’économie. Cette liste est renouvelée chaque 1er janvier ce qui veut dire qu’un pays
ne pourra au cours de l’année civile être ajouté à cette liste cela offre une certaine stabilité
juridique au sein du groupe en matière de dividendes entrants. Par contre, un État peut obtenir
durant l’année civile un statut d’État coopératif que les sociétés pourront revendiquer afin de
voir appliquer le régime des sociétés mères.
Pour ne plus être considéré comme un État non coopératif, il faut que :
- Le pays en question conclut avec la France une convention d’assistance
administrative d’échange d’informations. Une telle convention doit être signée et
appliquée de manière effective car à défaut d’échanges permettant l’obtention de
renseignements nécessaires pour appliquer la loi fiscale française, le pays
retrouvera son statut d’ETNC.
115
- Le pays soit membre du forum mondial sur la transparence et l'échange
d'informations en matière fiscale crée par l’OCDE sur décision du conseil en date
du 17/09/2009 et à qui la France n’a pas proposé la conclusion d’une convention
d’assistance administrative mutuelle.
Dans le cas où une société française ne répond pas aux conditions requise par l’art 145 CGI ou
que la société dont elle détient le contrôle est située sur un territoire non coopératif alors les
dividendes versés seront soumis au régime de droit commun qui veut que : « ces revenus entrent
dans les bases de l’impôt pour leur montant net encaissé (montant brut versé, déduction faite de
l’impôt étranger) » 92, de plus ils : « n’ouvrent pas droit à un crédit d’impôt »93.
Ce régime d’imposition classique peut dans certains cas être abandonné au profit d’un régime
plus favorable présent dans les conventions fiscales de non double imposition.
En matière de droit conventionnel, il est généralement instauré un droit de partage des
dividendes en vu de répartir la base imposable entre les deux pays. Afin d’éviter une double
imposition les impôts retenus à la source généreront un crédit d’impôt en principe équivalent au
montant de l’impôt payé à la juridiction source. Ainsi le bénéficiaire pourra faire valoir ce crédit
afin de diminuer dans le pays recevant les dividendes le montant de l’impôt dû pour l’exercice
durant lequel il a perçu les produits de sa participation. Les dividendes qui ne peuvent se
prévaloir du régime des sociétés mères pourront profiter de ce régime conventionnel ainsi que
des stipulations favorables issues de la convention fiscale de non double imposition.
La France et Italie ont conclu une convention fiscale de non double imposition à Venise le
05/10/1989 basée sur le modèle OCDE et dont il serait intéressant de regarder l’art 10 relatif
aux dividendes. Selon cette stipulation, une entreprise française détenue par une société
italienne ou une entreprise italienne détenue par une société française verra appliquer sur le
montant brut des dividendes versés une retenue à la source dont le taux variera selon sa
situation.
Si le bénéficiaire de ces dividendes est une société passible de l’IS qui détient de façon direct ou
indirect au moins 10% du capital de la société émettrice depuis une période minimale de 12
92
Ibidem B.Castagnède §498 p 536 93
Ibidem
116
mois à la date de décision de distribution, alors le taux de retenue à la source appliqué sera de
5% des dividendes distribués.
Si le bénéficiaire ne répond pas aux conditions sus citées alors le montant brut des dividendes
versés subira une retenue à la source à hauteur de 15%.
Nous remarquerons que la condition concernant la période minimale de détention de capital
présente dans cette convention est plus favorable que celle demandée par la législation française
et qui est de deux ans à la date de la mise en paiement des dividendes. Concernant la détention
du capital, la convention est plus exigeante que la loi française qui demande 5% du capital alors
que la loi italienne ne demande pas de participation minimale pour profiter du régime
d’exonération. Le taux de retenue à la source de 5% lorsque les conditions de détention sont
réunis est le même que celui appliqué aux sociétés éligibles au régime des sociétés mères
françaises et italiennes.
A ce jour, il apparaît que les conditions d’application du régime d’exonération qui se trouvent
au sein de nos législations est plus favorable que celui offert par la convention de 1989.
Du point de vue italien, le régime de participation exonération du fait de ses conditions souples
trouvera toujours à s’appliquer dans la même mesure entre une société italienne et française que
les dividendes soient émis ou perçus par la société italienne.
Du point de vue français, la situation s’apprécie différemment lorsque nous sommes en
présence de dividendes sortants de France ou d’une entreprise italienne et une société tête de
groupe française qui ne répond pas aux conditions d’application du régime des sociétés mères.
Dans ce cas, la société italienne bénéficiaire des dividendes et la société détentrice française ont
intérêt à se prévaloir des stipulations de la convention plus favorables que celles prévues par le
droit commun français notamment en matière du taux de 15% applicable à aux dividendes
perçus .
Lors de l’établissement de l’impôt sur les sociétés, les dividendes perçus seront inclus dans la
base imposable de la société. Pour éviter la double imposition, le montant de l’imposition relatif
à la retenue, à la source effectuée sur les dividendes donne droit à la société destinataire à un
crédit d’impôt94 qui sera imputable au montant de l’impôt qu’elle devra acquitter (cf. régime
d’imposition des bénéfices).
Cette retenue réalisée sur le versement des dividendes peut être analysée comme un mode de
répartition des dividendes entre la France et l’Italie sans altérer la charge fiscale globale de la
94
Art 220 CGI
117
société tête de groupe. Le mécanisme de la créance fiscale étant un moyen de neutraliser le
risque de double imposition. De plus, ce dispositif fiscal permet d’écarter toute mesure
discriminatoire et de garantir la liberté d’établissement aux sociétés françaises qui
souhaiteraient créer une installation fixe d’affaire en Italie et réciproquement pour les sociétés
italiennes.
Concernant les membres de l’UE, la commission a émis une directive malgré l’existence de
conventions fiscales entre eux qui traite déjà de ce sujet, afin d’harmoniser les législations
internes en la matière et assurer l’effectivité du marché unique et de la liberté d’établissement.
§2. L’imposition spécifique des dividendes communautaires
Le régime communautaire des dividendes de filiales se retrouve dans la directive
européenne « mère-filiale » du 23/07/199095 modifiée par une nouvelle directive du
22/12/200396
La fille étant lié à la mère, des dispositions favorables sont proposées pour faciliter la remontrer
des dividendes auprès des compte de la société tête de groupe.
L’objet de la directive est d’instaurer depuis le 01/01/1992 un régime fiscal exonératoire des
retenues à la source des dividendes lorsque les membres du groupe se trouvent sur le territoire
de l’UE. Dans le cadre de ces relations, les dividendes versés par une filiale résidente d’État
membre de l’UE à une société mère résidente d’un État membre de l’UE doivent sous certaines
conditions être exemptés de retenue à la source. Ce qui veut dire que les bénéfices réalisés par
la filiale subiront une unique imposition par l’administration fiscale du pays dans lequel elle se
trouve et ne subiront plus de nouvelles impositions du fait de leur qualité nouvelle de
dividendes distribués. Ce dispositif s’applique à toutes les sociétés commerciales.
La directive instaurant ce régime spécifique à été transposée en droit français à l’article 119 ter
CGI. S’agissant du droit italien, nous pouvions retrouver cette transposition à l’art 96 bis TUIR
qui a été abrogé par l’art 1 du DLg n° 344 du 12/12/2003 car obsolète du fait du régime
identique instauré par l’art 89 TUIR aux conditions d’application moins restrictives. L’art 89
95
Directive 90/435/CEE 96
Directive 2003/123/CE
118
TUIR se veut donc être le cadre général qui s’applique à la distribution des dividendes entre une
société mère italienne et sa fille étrangère et inversement.
Nous allons de nouveau nous concentrer vers la France et présenter le régime spécifique au
versement de dividendes intracommunautaires qui est toujours en application.
Pour bénéficier de ce régime la directive de 2003 nous rappelle les conditions que doivent
remplir les sociétés appartenant au même groupe. Outre la condition géographique primordiale
qui s’impose à la société et à sa filiale, chacune d’entre elles doit remplir des conditions
particulières.
La société distributrice doit être passible d’un impôt sur les sociétés et ne pas en être exonérée.
La société mère doit prouver qu’elle est bien la bénéficiaire effective des dividendes versés et
remplir les conditions suivantes prévues à l’alinéa 2 de l’art 119 ter CGI :
La société mère doit avoir le siège de sa direction effective au sein d’un État membre de l’UE et
ne pas être considérée du fait d’une convention fiscale conclue avec un autre État comme ayant
sa résidence fiscale hors de l’UE.
Le siège de direction effective se définit comme le : « lieu où sont en fait, principalement
concentrés les organes de direction, d'administration et de contrôle de la personne morale »97.
Ce siège est a différencier du siège statutaire qui n’est que la représentation légale du lieu où
devrait être la gestion de l’entreprise. Le conseil de l’UE en vue d’éviter toute volonté évasive
ou frauduleuse a préféré tenir compte de la situation factuelle du siège de la direction effective
plutôt que celle statutaire du siège social.
Cela implique qu’une société qui aurait son siège social dans un État membre mais exercerait le
contrôle de son entreprise hors du territoire de l’UE pourra voir l’administration lui refuser
l’application du régime prévu à l’art 119 ter CGI.
Les sociétés doivent être constituées sous une des formes juridiques qui figurent sur la liste
annexée à la directive européenne sur le régime mère-fille et établi par arrêté de chaque ministre
de l’économie. Le dernier arrêté en la matière pris par la ministre français date du 24/03/200698
et a été publié au JO le 13/05/2006. Il s’agit généralement de toutes les formes de sociétés
97
BOI 12/09/2012 : Régime de droit commun pour les dividendes communautaire § 110 in bofip.impots.gouv.fr 98
Les sociétés de droit français dénommées « société anonyme », « société en commandite par actions », « société à
responsabilité limitée », « société par actions simplifiée », « société d’assurance mutuelle », les « caisses d’épargne et
de prévoyance », les « sociétés civiles » assujetties de plein droit à l’impôt sur les sociétés, les « coopératives » et «
unions de coopératives », les établissements et entreprises publiques à caractère industriel et commercial, ainsi que les
autres sociétés constituées conformément au droit français et assujetties à l’impôt sur les sociétés en France; Les
sociétés de droit italien dénommées « società per azioni », « società in accomandita per azioni», « società a
responsibilità limitata », « società cooperativa », « società di mutua assicurazione », ainsi que les entités publiques et
privées qui ont pour objet exclusif ou principal l’exercice d’activités commerciales.
119
privées ou publiques qui ont pour but exclusif ou principal l’exercice d’une activité
commerciale. Depuis la transposition de la nouvelle directive de 2003 cette liste a été étendue
aux sociétés européennes99 ainsi que comme en dispose l’alinéa 2 bis de l’art 119 ter, aux
établissements stables se trouvant dans un État membre de l’UE. Cela signifie que si dans le
ressort de la communauté européenne, un établissement stable se trouve dans un pays, la filiale
distributrice dans un 2nd pays et la société mère dans un 3ème État membre, alors le groupe
pourra se prévaloir du régime d’exonération des dividendes communautaires. Concernant la
forme juridique de société, la loi française a étendu la champ du régime communautaire à toute
société soumise à l’IS, elle ne s’est donc pas limitée à celles édictées par la directive. En
matière de transposition le législateur national est libre de prévoir des dispositions plus larges
ou plus favorables.
Selon le calendrier prévu par la directive de 2003, le seuil de participation de la société mère
applicable aux dividendes distribués à partir du 01/01/2009 sera de 10 %, il était de 20% en
2005 et de 15% en 2007. La société mère doit donc à présent détenir au moins 10% des parts du
capital de la société distributrice française, et cela de façon directe et ininterrompue pendant au
moins deux années.
La part sociale détenue doit correspondre à l’exercice d’un droit de vote et d’un droit financier
sur la société visée. De plus toute participation indirecte d’une société également détenue par la
société mère n’entreront pas dans le mode de calcul du nombre de parts sociales qui
conditionnent l’usage de ce régime fiscal. Concernant le délai de deux ans, à l’instar du
dispositif qui figure dans l’art 119 al 2 CGI, l’engagement de conserver ses parts pendant le
délai imparti ainsi que la désignation d’une personne établie en France et responsable du
paiement de la retenue à la source en cas de non respect des engagements de la société mère
suffisant pour bénéficier du régime communautaire. A défaut, la société mère ou le responsable
désigné devra s’acquitter du montant de l’impôt indûment exonéré additionné des intérêts de
retard.
Les revenus générés par cette dernière doivent être passibles d’un impôt sur les sociétés dans
l’État membre où se situe son siège de direction effectif et ne pas en être exonérés. Dans le cas
inverse, elle ne pourra pas se prévaloir du régime mère-fille. Selon la directive du 22/12/2003
99
Directive CE 08/10/2001 n°2157 instituant le statut de la société européenne.
120
les sociétés à résidente d’un État membre dont la législation interne laisse le choix d’opter ou
non pour l’imposition sur les sociétés ne pourra se prévaloir du régime d’exonération
communautaire. L’assujettissement à l’impôt sur les sociétés doit être obligatoire et non
optionnel pour les revenus générés par les entreprises apparentées. Sur ce point le législateur
français a été plus souple car il autorise les sociétés ayant opté pour l’IS à profiter du régime
mère-fille.
Afin d’éviter les abus le 1§2 de la directive de 2003 qui vise à prévenir une utilisation abusive
du dispositif a été repris à l’alinéa 3 de l’art 119 ter CGI. Il prescrit que la société mère ne
pourra se prévaloir du régime mère-fille si elle-même est détenue par des actionnaires non
résidents sur le territoire de l’UE et qui exerce de façon directe, indirecte, de droit ou de fait le
contrôle de ladite société.
Cette disposition souhaite protéger l’objet pour lequel ce régime communautaire a été institué à
savoir accroître l’effectivité du marché unique au sein de l’Europe. Il s’en verrait détourné par
une utilisation profitable à des actionnaires non résidents de l’UE.
Toutefois la société mère résidente d’un État membre détenue par des tiers qui ne sont pas
résidents européens aura la possibilité d’obtenir l’application de ce régime mère-fille si en
réponse à l’administration fiscale, elle démontre que : «la chaîne de participation n’a pas
comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage »100 de ce
dispositif communautaire.
Dans les cas de détention directe, indirecte, de droit ou de fait de la société mère par des
personnes non résidentes au sein de l’UE, celle-ci doit apporter la preuve de sa bonne foi dans
l’utilisation non détourné de ce dispositif.
Celle ci est démontrée lorsque par exemple la chaîne de participation est antérieure à la
directive européenne créant ce régime applicable au dividendes communautaires c'est-à-dire
avant le 23/07/1990 ou encore lorsque dans la chaîne de production, le montant relatif à
l’ensemble des retenues à la source effectivement perçu par les États tiers soit au minimum égal
à celui qu’aurait perçu la France si elle avait effectué, conformément à sa législation ou son
droit conventionnel, une retenue sur les dividendes que la société résidente française aurait
distribué aux personnes non résidentes de la communauté européenne. L’objectif est d’autoriser
100
Art 119 ter al 3 CGI
121
l’utilisation de ce régime tant qu’il ne vient diminuer le montant des rentrées fiscales
escomptées.
Le régime mère fille issu de la directive a été transposé de façon plus étendue dans nos
législation internes à tel point que l’Italie a abrogé la disposition spécialement prévu pour les
groupes présents dans la communauté européenne pour la renvoyer à celle applicable à tous les
groupes internationaux. La France a conservé ce dispositif issu du droit communautaire tout en
assouplissant certaines conditions comme celle relative à la forme juridique des sociétés
éligibles à ce régime qui devait se limiter selon la directive aux seules sociétés à finalité
commerciale. L’art 119 ter est applicable à toute forme de sociétés du moment où elles sont
soumises à l’IS de façon obligatoire ou optionnelle. Sur ce point la directive indique que seules
les sociétés assujetties obligatoirement à l’impôt sur les sociétés peuvent se prévaloir de ce
régime et non ceux qui ont opté pour l’IS. Le législateur français n’a pas souhaité reprendre
cette distinction donc toutes les sociétés soumises à l’IS peuvent jouir de ce dispositif.
Il s’applique également aux sociétés situées dans un État faisant partie de la CEE et ayant
conclu avec la France une convention d’élimination des doubles impositions comportant une
clause d’assistance administrative en vue de lutter contre le fraude ou l’évasion fiscale101
Entre le régime instauré par l’art 119 bis CGI dit des sociétés mères et celui institué par l’art
119 ter CGI relatif à l’exonération totale des dividendes versés au sein de la communauté
européenne ou dénommé régime mère-fille, il existe des différences quant au taux de
participation requis pour profiter de ces régimes. La 1er demande un taux de participation de 5%
du capital social alors que le second conditionne l’usage de ce régime communautaire à un taux
de détention de 10%. Tout deux créent un régime d’exonération des dividendes au profit de la
société mère française qui est absolue en matière communautaire est relative à un taux de frais
et charges de participation de 5% pour le régime issue de l’art 119 bis CGI.
Nous retrouvons ce prélèvement de 5% relatif aux charges dans la législation italienne qui ne
compte qu’un seul régime d’exonération des dividendes. Il n’existe pas de régime d’exonération
de 100% des dividendes versés même lorsque l’art 96 bis TUIR était encore en vigueur celui-ci
prévoyait une exonération également à hauteur de 95 % des produits distribués par des sociétés
résidentes de l’UE.
101
BOI 4 C-7-07 instruction 10/05/2007 complété par une instruction du 12/07/2012 BOI 4 C-8-07
122
Cette différence qui existe entre le régime d’exonération des dividendes communautaires
présent à l’art 119 ter CGI est légèrement plus favorable que celui issu de l’art 89 TUIR (5% de
retenue à la source), mais est beaucoup plus favorable que l’art 119 bis CGI dans le cas où le
versement des dividendes se fait en direction d’une société mère étrangère (30% de retenue à la
source). Les sociétés mère situées sur le territoire de l’UE qui contrôlent des entreprises en
France trouvent un grand avantage à l’utilisation de l’art 119 ter CGI qui offre une économie
fiscale importante.
La comparaison de nos systèmes de taxations des dividendes distribués montre qu’il existe des
différences de traitements issus du droit interne. Celles-ci sont tempérées voire annulées grâce
au droit communautaire européen qui souhaite instaurer une réelle effectivité des principes qui
fondent le marché unique européen. Sur ce point la CJCE102 a jugé, suite à un renvoi préjudiciel
du CE, que constituait une entrave au principe de liberté d’établissement103 une législation
nationale qui appliquait un taux de retenu à la source différent sur la distribution des dividendes
selon que le siège de la société mère se trouve dans le même État que celui de la société
distributrice ou dans un autre État membre. La volonté européenne est de casser toute forme de
discriminations notamment fiscales au sein de notre territoire.
Suite à la directive de 1990 et de 2003, l’Italie a profité de sa réforme fiscale pour instaurer un
régime d’exonération relatif, applicable de la même façon à toutes les sociétés, nous pouvons de
nouveau saluer ici l’altruisme fiscal dont fait preuve l’Italie bien différent de celui dont elle fait
preuve en matière d’imposition des bénéfices.
La France offre ce genre de traitement favorable mais seulement pour les dividendes
communautaires ainsi que sous conditions aux dividendes en direction de sa juridiction.
Les dispositions italiennes semblent plus égalitaires que celles françaises dans le sens où
s’appliquent de la même façon pour les dividendes entrants ou sortants ce qui n’est pas le cas en
France. Pour être précis, il est vrai que cet équilibre du régime italien entre le traitement des
dividendes entrants et sortants n’est pas parfait puisque le régime d’exonération se voit écarté
lorsque les dividendes sont en provenance de territoires non coopératifs ou d’États à régime
fiscal privilégié, mais il n’est pas écarté lorsque ces dividendes sont en partance pour ces pays.
Cela peut s’expliquer par le fait que le législateur considère que les revenus de toute filiale
102
CJCE arrêt Denkavit 14/12/2006 aff C 170/05 Df 2006 n° 52. 103
Art 43 traité CE
123
italienne mêmes celle appartenant à des sociétés situées sur un ETNC subiront une imposition
selon le régime normal italien, l’IRES. Cette logique n’est pas partagée par l’administration
française qui imposera 75% des produits en direction d’ETNC, alors que la totalité des revenus
d’exploitation de l’entreprise située en France ont déjà été imposé. De plus, il n’est laissé
aucune possibilité au contribuable d’écarter cette disposition.
Le système dérogatoire italien concernant les dividendes entrants c'est-à-dire en provenance
des ETNC et des pays à fiscalité privilégiée est strict car 100 % des dividendes distribués
seront incorporés à la base imposable de la société réceptrice italienne. Afin de tempérer cette
rigueur le législateur offre des possibilités aux contribuables italiens d’écarter ce régime
spécifique en démontrant par exemple le caractère normal de son activité dans cet ETNC.
Le régime commun français applicable aux dividendes entrants incorpore 100% des produits
distribués lorsque la société française ne remplit pas les conditions pour bénéficier du régime
des sociétés mères ou lorsque les dividendes proviennent d’entreprises établies dans un ETNC
à la différence que le contribuable français n’a pas l’opportunité comme le contribuable italien
d’écarter la qualification d’ETNC afin de retrouver l’application du régime d’exonération.
Ces dispositifs sont pris afin de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, les deux approches
sont différentes, le régime français peut être qualifié d’égalitaire du fait du même niveau de
traitement qu’il impose à tous les revenus en provenance d’ETNC ce que très avantageux en
matière de rentabilité fiscale. Le régime italien qui pratique le même taux d’incorporation que
celui français apparaît non pas égalitaire mais équitable puisqu’il offre la possibilité au
contribuable italien d’écarter cette présomption de fraude ou d’évasion. Il recherche plus la
justice fiscale que la rentabilité fiscale en appliquant un taux d’incorporation élevé qu’il veut
faire supporter au contribuable qu’il considère comment étant à la marge de la légalité. Entre
l’équité et l’égalité fiscales, le choix dépend des circonstances mais en l’espèce il semble
préférable d’opter pour l’équité.
Dans le cadre d’une manipulation de prix de transfert, la rectification de la base imposable du
fait d’une réintégration des bénéfices aura un impact sur le montant de l’impôt à payer par la
société résidente en France ou en Italie. Cette modification d’imposition aura obligatoirement
un impact sur les dividendes qui ont été distribué puisque ceux-ci proviennent directement des
bénéfices. Il faudra donc effectuer un ajustement par rapport au montant des dividendes perçus
ou versés. Lorsque le régime applicable est celui de l’exonération total comme prévu par la
124
directive européenne de 2003, la question ne se pose pas puisque le taux de retenue à la source
est de 0.
Par contre lorsqu’il y a un taux de retenue à la source ou d’incorporation de 5%, 30%, 75 % ou
100% alors il faudra recalculer l’imposition sur les produits distribués en tenant compte de leur
hausse ou de leur baisse.
Pour trouver le montant des dividendes, il faut obligatoirement connaître le montant des
bénéfices rectifiés, ce qui se traduit en matière de manipulation de prix de transfert par la
recherche du prix des biens ou des services, objets des transactions entre sociétés apparentées,
qui auraient du être pratiqués si les sociétés co-contractantes avaient été des entreprises
indépendantes. Ce travail de contrôle incombe aux administrations fiscales qui devront
rechercher le prix de vente conforme à celui pratiqué sur le marché libre au moment de la
transaction afin de déterminer le véritable montant des bénéfices réalisés par la société
contrôlée. Ainsi la répartition des bénéfices pourra s’opérer entre les différentes juridictions
fiscales.
Section II / La référence au prix de pleine concurrence
Le principe de pleine concurrence veut que chaque acteur économique agisse de
façon libre sans qu’il soit exercé sur lui aucune contrainte de la part d’un autre agent
économique ou d’un tiers. Ce qui ne veut pas dire que ces acteurs économiques ne subissent pas
d’influence bien au contraire. A chaque transaction le commerçant tiendra compte de son
environnement afin de formuler en pleine liberté un prix qui correspond à la réalité de l’instant.
Il existe toujours des contraintes mais elles répondent à une loi dite du marché où les agents
économiques réagissent lorsque la courbe de l’offre rencontre à celle de la demande. C’est ce
point d’intersection qui va déterminer le prix de vente qui sera accepté par l’acheteur d’un bien
ou service. La relation entre l’offre et la demande est un mécanisme ancestral qui existe depuis
que l’Homme commerce. C’est pourquoi le principe de pleine concurrence est unanimement
reconnu par tous les États (sous section 1) comme étant le point autour duquel s’articulent
toutes les activités commerciales et donc autour duquel doit s’articuler le traitement fiscal du
bénéfice des entreprises. Mais nous verrons qu’il existe d’autres moyens alternatifs qui se
détachent de cette logique propre au commerce et instaurent un mode de répartition globale des
bénéfices du groupe selon une formule préétablie (sous section 2).
125
Sous Section 1. La sacralisation du principe de pleine concurrence
Ce principe provient de l’analyse de la loi de l’offre dont la théorie a été
conceptualisée par l’école des classiques et notamment A.Smith. Il mit en avant le phénomène
de la main invisible définit comme un fait naturel impalpable qui viendrait redistribuer les
cartes de la négociation avant chaque transaction et préciser la position de l’acheteur relative au
vendeur et inversement. La loi du marché reprise par les néoclassiques est à la base de notre
système économique libéral où l’entrave aux relations commerciales par un élément autre que la
main invisible est considérée comme nuisible à la bonne marche du commerce et à ses
conséquences bienfaitrices. Théoriquement, l’interférence des pouvoirs publics ou la possibilité
pour une personne privée d’organiser un monopole n’est pas acceptable car elle crée un
déséquilibre, une inégalité de traitement envers les acteurs économiques qui ne devraient subir
que les obligations générées par la loi du marché. Ce déséquilibre sera profitable à quelques uns
mais à terme préjudiciables à tous. Il est de connaissance commune et reconnue que l’existence
d’une concurrence peut générer une baisse de chiffre d’affaire chez un commerçant en place
mais d’un point de vue macroéconomique elle est profitable au développement de son secteur
d’activité.
Il en va de l’intérêt des acheteurs et des commerçants que de permettre l’émergence d’une
concurrence libre. Cela explique que nos droits internes cherchent à sanctionner toute action qui
générerait une situation de concurrence déloyale comme par exemple les ententes entre
entreprises indépendantes d’un même secteur, les prises de position illégales, les conflits
d’intérêts ou les situations monopolistiques.
C’est dans cette optique libérale que nos législations revendiquent le respect du principe de
pleine concurrence comme norme fondamentale et internationale du commerce dont la
consécration se trouve à l’art 9 §1 Modèle OCDE 2010 dans les termes suivants :
« 1. Lorsque
a) une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction,
ou contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant,
ou que
b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou
au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État
contractant,
126
et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou
financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient
convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient
été réalisés par l’une des entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions,
peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence. »
Cette disposition figurait déjà dans le projet de convention OECE de 1963 et vu son importance
il était donc normal de la retrouver dans la convention modèle OCDE de 1977 « concernant le
revenu et la fortune ».
La convention OCDE de 1977 a servi pendant de nombreuses années de modèle aux États qui
souhaitaient instaurer un cadre à leurs relations fiscales. Il a été naturellement repris par nos
pays respectifs lors de la signature de la convention fiscale franco-italienne : « en vue d’éviter la
double imposition en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et
la fraude fiscale. » signée à Venise le 05/10/1989.
La convention de 1977 a été récemment actualisée dans sa dernière version par la convention
OCDE du 22/07/2010.
L’article 9 de la convention modèle OCDE est utilisé par les états membres de l’OCDE mais
également par de plus en plus de pays non membres mais qui se basent sur ce modèle pour
établir des conventions fiscales bilatérales voire multilatérales.
Cet article relève d’une importance particulière car il réitère l’attachement à un idéal politico-
économique qui est celui du marché libre. C’est ce qui explique que cet article se retrouve à
l’identique à l’art 9 de la convention fiscale modèle ONU. Les relations commerciales qui
unissent les entreprises à travers le monde doivent se faire selon cette théorie et les États
détenteurs du pouvoir politique ont choisi de retenir ce critère comme pierre angulaire de toutes
les décisions de politiques économiques. Cette stipulation est un rappel du cadre dans lequel
doivent s’insérer tout ceux qui souhaitent participer au commerce et fait des États les « juges
arbitres » qui doivent veiller à la bonne marche du commerce international en faisant respecter,
théoriquement en toute impartialité, la prescription de pleine concurrence directement liée à la
notion de libre marché.
L’art 9 constitue la source de la législation internationale sur les prix de transfert car il vient
consacrer le principe de pleine concurrence et son application internationale permet de contrôler
la régularité des prix pratiqués au sein des sociétés associées. Le principe de pleine concurrence
127
n’est pas littéralement inscrit dans cet art 9 modèle OCDE mais il se comprend au travers de la
référence faites aux relations commerciales qui différeraient de celles convenues entre sociétés
indépendantes.
L’OCDE est consciente que les entreprises ont des difficultés à apprécier leurs prix de transfert
en conformité avec le principe de pleine concurrence d’autant que cette appréciation du prix se
veut subjective par rapport à la conception que ce fait chaque personne de la valeur des choses.
Nous avons vu précédemment que la valeur peut être selon les différentes théories soit objective
soit subjective. L’application de l’une ou l’autre conception ne contrevient au principe de pleine
concurrence. Les prix pratiqués peuvent donc naître de la valeur travail ou de l’utilité donnée à
un bien. Mais si l’État adopte un point de vue diffèrent de celui de l’entreprise et estime qu’il y
a un écart de prix par rapport à la pratique habituelle alors il pourra réintégrer les bénéfices qu’il
considère évadés. Ce qui veut dire que les entreprises peuvent être accusées d’avoir transféré
indirectement des bénéfices alors que celles-ci n’avaient pas l’intention de le faire puisque la
valeur marchande du produit a été faite dans le respect du libéralisme économique.
La convention fiscale OCDE se veut un outil nécessaire aux relations entre États et à la
sauvegarde des intérêts des entreprises. Afin d’améliorer les relations entre entreprises et
administrations, l’OCDE a réalisé de nombreux travaux et fournit des outils pour uniformiser
les modes d’appréciations des prix de transfert par rapport au principe de libre concurrence.
Le 1er rapport intitulé « prix de transfert et entreprises multinationales »fut publié en 1979. Puis
l’OCDE a poursuivi ses recherches et fournit une nouvelle version de ce rapport en 1995 sous
l’intitulé : «Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises
multinationales et des administrations fiscales ». Celle-ci sera complétée entre 1996 et 1998 par
de nouveaux chapitres et annexes traitant des actifs incorporels, des services, des accords de
répartition des coûts, des accords préalables et de la procédure de règlement amiable. L’OCDE
continue à réaliser des études additionnelles ou spécifiques à certains aspects des prix de
transfert dans le but d’améliorer la lutte contre les transferts indirects de bénéfices. Une
nouvelle version du rapport 1995 a été publiée sous le même titre en juillet 2010.
Il sert de base de travail aussi bien aux entreprises qu’aux administrations pour traiter de la
problématique des prix de transfert.
128
D’un point de vue national, la neutralité du marché est un moyen de promouvoir l’esprit de
l’entrepreneur en lui garantissant la liberté d’installation, ce qui est favorable à la croissance
économique. Le principe de libre concurrence comporte donc un intérêt économique et social
fort pour les ressortissants du pays ainsi que fiscal en tant que facteur de croissance économique
et d’emploi. L’augmentation des richesses nationales sera génératrice de nouvelles recettes
fiscales issues de l’imposition des bénéfices industriels mais aussi du travail et de la
consommation.
D’un point de vue strictement légal, nous devons admettre que l’application de ce principe par
rapport à loi fiscale ne suscite pas d’ intérêt essentiel. Que la totalité des bénéfices produits au
niveau national soit le fruit de deux ou plusieurs commerçants ne changera rien quant au
montant final qui sera prélevé par l’administration fiscale.
Il est clair qu’au sein d’une même juridiction fiscale, l’administration qui contrôlerait le
montant des bénéfices provenant de transactions entre sociétés liées ne s’attardera pas à
chercher si les prix pratiqués et les bénéfices qui en résultent ont été calculés conformément au
principe de pleine concurrence puisque les deux sociétés entrent dans l’assiette fiscale de l’État.
Comme c’est le contenu de cette même assiette qui sert à nourrir les finances publiques du pays,
il serait inefficient d’un point de vue purement fiscal de veiller à l’application du principe de
pleine concurrence.
Par contre dans un contexte de libéralisation du commerce au niveau mondial, la reconnaissance
commune du principe de pleine concurrence par les États révèle un intérêt hautement fiscal car
il permet de récupérer la part des bénéfices considérée comme évadée du territoire national.
Le non respect du principe de pleine concurrence intéresse l’action de l’administration
uniquement en cas d’éventuel transfert indirect de bénéfices. Ce type de transfert n’est
réalisable qu’en présence de personnes morales qui partagent une communauté d’intérêts mais
qui doivent obligatoirement se trouver sur des territoires distincts afin que l’État puisse brandir
le sceptre de la souveraineté nationale et légitimer la relocalisation des bénéfices indûment
versés à la société étrangère du fait de la non application des prix de pleine concurrence.
Le terme d’évasion fiscale invite au parallèle avec le milieu carcéral.
Cette évasion fiscale est possible grâce au soutien d’un complice se trouvant hors du territoire et
avec qui l’on partage des intérêts particuliers qui nous exemptent d’appliquer le principe de
129
pleine concurrence. Mais à la différence du droit pénal qui demande l’existence d’un dol,
l’évasion fiscal peut résulter d’une non intention des parties.
L’OCDE rappelle aux administrations qu’elles ne doivent pas obligatoirement présumer de
l’intention des entreprises à localiser une partie supplémentaire des bénéfices dans un des pays
fiscalement plus favorable104.
La fixation d’un prix de pleine concurrence entre entités liées est rendue difficile lorsque le jeu
de la négociation est faussé par l’intérêt supérieur du groupe. Ce type de relation se réalise dans
un contexte différent du marché classique c’est pourquoi les automatismes qu’il génère
habituellement sur l’acheteur et le vendeur ne trouve pas à s’appliquer dans cette sphère quasi
hermétique des marchés intégrés. Les acteurs économiques apparentés ne voient pas leurs
relations commerciales formatées par ce mécanisme de libre concurrence.
Certains s’en accommodent aisément alors qu’une grande majorité cherche à retrouver les
repères instaurés par le marché libre afin de les utiliser pour édicter des modalités d’exécution
de contrats équilibrées.
Comme nous l’indique l’OCDE, la difficulté d’établir des prix de pleine concurrence peut
provenir d’autres facteurs imposés aux entreprises et issus des pouvoirs publiques dont les
décisions génèrent des situations opposées ou contradictoires liées notamment à la valeur en
douane d’un produit, au contrôle des changes ou à une réglementation tarifaire105.
Les choix de fixation d’un prix de transfert peuvent résulter d’un besoin en fond de roulement
sous évalué, d’une mise en réserve insuffisante pour pallier à un risque ou simplement d’une
défaillance de paiement d’un client. Toutes ces possibilités généreront un défaut de trésorerie
qu’il faudra combler au plus vite. Dans le cas où cette carence en financement serait subite par
l’entreprise qui a fini sa production alors elle sera contrainte à vendre à un prix plus bas. A
l’inverse, si c’est l’entreprise acheteuse qui a des difficultés pour investir cela renforcera sa
capacité à négocier un prix à la baisse. L’une ou l’autre des décisions sera prise dans l'idée d'
assurer la survie commerciale de l’entreprise.
Il faut garder à l’esprit que ces entreprises apparentées jouissent d’une personnalité juridique
propre mais également d’une autonomie de gestion. Chaque gérant ou directeur veille à
104
“Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des
administrations ”, Chap 1, 1.2 p 33, OCDE 2010 105
Ibidem 1.4 p 34
130
promouvoir en 1er lieu les intérêts de sa société et négocie avec les sociétés du groupe de la
même manière qu’il traite ses relations commerciales avec des sociétés indépendantes. Les
responsables de chacune de ses entités sont conscients que la rentabilité économique de leurs
entreprises est le reflet du travail qu’ils ont produit et de leur capacité à diriger.
Les relations commerciales et financières entretenues au sein d’un groupe diffèrent de celles
établies entre entreprises non liées. Pour autant, chaque société tient compte de la conjoncture
économique qui fluctue sur le marché libre. Celle-ci aura obligatoirement des répercussions sur
le marché intégré du groupe et son fonctionnement d’ensemble car fondamentalement
l’ensemble de ces entreprises ne peuvent exercer leurs activités commerciales uniquement en
circuit fermé. La société faîtière peut posséder l’ensemble de la chaîne de production mais au
final la vente hors groupe aura lieu.
A défaut d’un canal d’approvisionnement indépendant qui viendra alimenter la machine
productive, il existera toujours un canal de distribution qui déversera la production du groupe
dans les eaux libres du commerce international.
Le rapport de l’OCDE de 2010 nous fait remarquer que les dirigeants locaux ont tout intérêt à
rechercher un mode de fixation de prix et de partage des bénéfices conformes au principe de
pleine concurrence. Il arrive souvent que ces responsables ont un intéressement aux bénéfices
réalisés par leur société. Dans ce cas, on retrouve la présence d’intérêts antagonistes et
personnels qui tendent à rétablir la relation habituelle qu’il peut y avoir entre deux acteurs
économiques indépendants. De ce fait, l’une ou l’autre partie en présence n’acceptera pas
facilement de diminuer la marge bénéficiaire de son entreprise sachant que le montant de ses
revenus personnels baissera en conséquence.
L’OCDE nous indique que: « La prise en compte de ces considérations par l’administration lui
permettra d’allouer efficacement les ressources affectées à la sélection des prix de transfert à
examiner et à l’examen lui-même. » En d’autres termes, le montant ou le taux de
l’intéressement aux bénéfices du dirigeant de l’entreprise local devrait être retenu comme un
critère de sélection des transactions intra-groupes à contrôler ainsi que comme moyen
d’examiner si les prix pratiqués ont été fixés dans une optique concurrentielle.
Ce critère au double intérêt permettrait d’accentuer l’efficacité des contrôles fiscaux. Ce qui ne
veut pas dire que tous les dirigeants ayant un intéressement au bénéfice fixent des prix de
transfert conforme à celui du marché. Mais vu le nombre colossal de transactions par rapport
131
aux capacités de contrôle des États, il est indispensable de rechercher les meilleurs moyens de
cibler le contrôle des prix de transfert.
Dans les grandes entreprises où le capital est largement public, la pression exercée par les
actionnaires peut inciter les dirigeants à décider d’appliquer à la société mère un niveau de
rentabilité élevé afin d’accroître la côte boursière du fait de sa réussite économique et de sa
santé financière saine. Dans ce cas les différents dirigeants qui doivent satisfaire à la demande
des actionnaires adoptent une méthode de fixation de prix de transfert favorable à la maison
mère. Mais cela ne veut pas dire que cette politique sera obligatoirement contraire au principe
de pleine concurrence. Et si c’était le cas, cela peut résulter de la volonté de contrevenir à ce
principe ou simplement le fait d’une mauvaise appréciation.
Le mode de fixation des prix de transfert est rendu difficile et aléatoire pour deux raisons. La
1ère résulte de la perte des repères naturels inhérents au marché libre, la 2nde provient de la
possibilité d’apprécier largement le principe de pleine concurrence. Il suffit d’appliquer les
différentes méthodes de détermination des prix de transfert à un même cas pour s’apercevoir
que le résultat est rarement identique. Nos administrations auraient peut être tendance à
appliquer la méthode qui leur semble la plus conforme aux intérêts de l’État. La différence
d’appréciation entre une firme multinationale et les administrations et entre ces mêmes
administrations génère une triple vérité dont deux jouiront d’une présomption de
reconnaissance. La puissance des groupes multinationaux qui apparaissent comme des colosses
de l’économie semblent s’effriter lorsque que les administrations se mettent en cheville pour
vérifier la conformité au principe de pleine concurrence des prix intra-groupes pratiqués.
L’objectif poursuivi par l’OCDE en la matière est de fournir une même grille de lecture à tous
les acteurs de l’économie internationale ainsi qu’aux administrations afin qu’ils parviennent à
utiliser les mêmes méthodes de fixation des prix de transfert pour des produits, actifs identiques
ou équivalents.
Les méthodes présentées et développées par cette organisation jouissent d’une reconnaissance
internationale mais aussi européenne à laquelle s’associent les travaux du Forum Conjoint de
l’UE de transfert (FCPT). Ce groupe d’expert issue des administrations des différents États
membres de l’UE ainsi que du secteur privé a été mise en place de façon informelle par la
commission européenne en juillet 2002. Le FCPT a pour mission de proposer dans le cadre fixé
132
par l’OCDE des moyens pragmatiques non législatifs qui permettent de résoudre les problèmes
pratiques relatifs aux prix de transfert dans l’UE. Cela dans le but d’améliorer l’efficacité de la
convention européenne d’arbitrage du 23/07/1990 visant à supprimer la double imposition en
cas de correction de bénéfices d’entreprises associées situées sur le territoire de l’UE.
L’existence de la FCPT a été officialisée par une décision de la commission européenne du
22/12/2006 instituant un groupe d’experts sur les prix de transfert.
Régulièrement ce forum rend des rapports, émet de recommandations, propose des codes de
conduite relatifs à la problématique des prix de transfert afin d’améliorer les relations fiscales
entre États membres et entreprises internationales.
Les recommandations de ces experts se basent sur le travail de l’OCDE, ils permettent de
vérifier et d’appliquer au niveau de l’UE les méthodes et remarques mises en avant par
l’organisation française.
Les travaux de l’OCDE et ceux du Forum conjoint de l’UE servent de référentiels aux
entreprises et administrations pour qu’elles adoptent des règles communes et des bonnes
pratiques en matière de politique de prix de transfert. Ces recherches forment des outils qui
n’ont pas de caractère contraignant, leur recours ne s’impose pas aux entreprises et encore
moins aux États. Ils restent libre d’appliquer ou non ces moyens de rechercher ou vérifier un
prix conforme au marché.
Le FCPT poursuit cet objectif d’uniformisation des pratiques en matière de prix de transfert et
reconnaît l’importance du travail de l’OCDE en la matière. Il invite tous les États membres et
les firmes multinationales présentes sur le territoire de l’UE à se conformer aux méthodes de
fixation de prix de transfert que l’on retrouve dans « les principes de l’OCDE applicables en
matière de prix de transfert » dans sa version de 2010. Dès le chapitre 1er, l’OCDE réitère son
attachement au principe de pleine concurrence. Celui-ci nous expose de nouveau les termes qui
fondent ce principe :
Art 9§1 convention fiscale modèle OCDE :
«…les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des
conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des
entreprises indépendantes…»
133
Le principe de pleine concurrence n’est pas transcrit de façon littérale mais se déduit de la
comparaison faite des relations d’affaire prises dans des conditions « convenues ou imposées »
et celles prises en toute indépendance. La lecture de la suite de l’article106 nous apprend que
toute relation commerciale ou financière génératrice de bénéfices doivent pour être régulière, se
construire sur une base commune qui n’est autre que la condition d’indépendance des parties
co-contractantes.
Cet article nous informe clairement que la remise en cause du prix de vente entre sociétés
associées demande de se référer à des transactions établies entre sociétés indépendantes. Cet
élément de comparabilité (§1) qui ressort de l’article en fait un préalable nécessaire à toute
utilisation des les méthodes du prix de transfert (§2) proposées par l’OCDE et qui servent à
vérifier la conformité des prix intra-groupes par rapport au principe de pleine concurrence
reconnu et appliqué de façon unanime.
§1. L’analyse de comparabilité
L’administration se doit de rechercher la conformité des prix de transfert en
effectuant une analyse de comparabilité. C'est-à-dire que chaque relation commerciale entre
entités du groupe doit être comparée au travers d’une relation identique ou similaire qui s’est
établit entre deux sociétés indépendantes.
Cela signifie que chaque société du groupe doit être considérée comme exerçant de façon
indépendante et détachée de tout intérêt extérieur.
L’analyse de comparabilité résulte de la confrontation des transactions contrôlées avec des
transactions identiques issues du marché libre. Cet un aspect primordial pour la lutte contre la
manipulation des prix de transfert car il vient légitimer le recours à l’art 9 mod OCDE. Sans
comparaison véritable il serait injuste de rejeter la politique de prix d’un groupe et d’effectuer
une réintégration.
Les éléments qui servent de comparables sont tout aussi primordiaux car ils sont la référence
qui permet de qualifier un prix de concurrentiel ou non. Ils doivent être choisis afin de
106
Art 9 conv fiscale mod OCDE §1 suite: « les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des
entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette
entreprise et imposés en conséquence. »
134
correspondre parfaitement ou similairement aux transactions intra-groupes que nos
administrations souhaitent contrôler.
Il est important de savoir comment une société indépendante évalue le degré d’intérêt
commercial et financier d’une éventuelle transaction par rapport à son objectif de rentabilité.
Il faut comprendre ce qui fait qu’une transaction sera réputée hautement bénéfique, acceptable
ou nécessaire pour l’entreprise en question. La société à qui est fait une proposition de contrat
d’achat de biens qu’elle produit, estimera le potentiel de cette transaction par rapport aux autres
opportunités réalistes présentes ou très proches qui lui sont offertes. Elle effectue un calcul de
coût-opportunité, c’est à dire qu’au vu des différentes conditions contractuelles relatives à la
quantité, au prix et autre, elle décidera d’accepter cette proposition ou de la rejeter si une autre
lui semble plus favorable. Cette rationalité économique inhérente à tout acheteur et vendeur est
considérée comme normale et constitue le prisme au travers duquel chaque acteur économique
doit étudier une proposition commerciale avant de consentir ou non au contrat.
L’OCDE recommande aux administrations de tenir compte de cette attitude lors de leur analyse
de comparabilité et afin de savoir si parmi les différentes options possibles qui s’offraient à
l’entreprise à un moment donné, a été retenue celle qui semblait la plus intéressante
économiquement, en tenant compte du facteur risque.
Une société peut rechercher un maximum de profit pour cela elle acceptera d’effectuer une
transaction qui comporte des risques importants ou au contraire elle préférera assurer un niveau
de rentabilité relatif à des objectifs moyens et opter pour une transaction moins profitable mais
plus sûre.
L’OCDE reconnaît la nécessité d’effectuer des ajustements de comparabilité lorsque certaines
modalités de la transaction intra-groupe différent de celles issues de la transaction entre
indépendants et retenues par l’administration pour effectuer la comparaison. Ces ajustements
lorsqu’ils sont possibles tendent vers une similitude accrue du comparable et renforce le degré
de fiabilité de la comparaison.
La réalisation d’une analyse de comparabilité qui tient compte de la réalité des faits est preuve
du sérieux de l’administration mais aussi de sa bonne foi nécessaire à instaurer un dialogue
constructif avec la société contrôlée.
Le souci est que l’analyse de comparabilité est un processus complexe tant pour nos
administrations que pour les entreprises. Elle s’effectue aussi bien au sein de nos
135
administrations qui sont tenues de vérifier la conformité des prix de transfert que dans les
entreprises multinationales soucieuses d’appliquer le principe de pleine concurrence.
Ce travail de comparaison demande du temps et de l’investissement. Ces raisons peuvent
ralentir ou limiter le travail de recherche indispensable à une analyse véridique des prix
pratiqués.
L’OCDE insiste sur l’importance de cette recherche de comparable et fournit une feuille de
route pour effectuer un travail d’investigation effectif. Pour cela l’OCDE cite cinq critères
essentiels à une bonne analyse de comparabilité qui sont : « les caractéristiques des biens ou des
services transférés, les fonctions assurées par les parties (compte tenu des actifs mis en œuvre et
des risques assumés), les clauses contractuelles, les circonstances économiques des parties et les
stratégies industrielles et commerciales qu’elles poursuivent. » 107
Afin d’effectuer une étude de comparabilité viable, il faut appliquer ces critères à la transaction
contrôlée mais également à celle qui servira de comparable pour en vérifier l’identicité. En cas
d’écart entre les deux transactions, il faut effectuer des ajustements et s’ils sont trop importants
alors une autre transaction plus en rapport à celle contrôlée doit être recherchée.
Ces différents facteurs de comparabilité ont une importance qui est relative à la nature de la
transaction intra-groupe ainsi qu’à la méthode utilisée pour fixer le prix de transfert.
Les « facteurs de comparabilité » sont donc :
A/ Les caractéristiques des biens et services transférés
Nous avons pu constater au préalable que la valeur d’un produit se fonde en partie
sur sa nature c'est-à-dire sa composition ainsi que son utilité. Les biens et services n’ont pas la
même nature c’est pourquoi il est important de repérer les éléments qui confèrent au produit sa
valeur substantielle. Lorsqu’il s’agit d’analyser un bien corporel, l’OCDE préconise de se baser
sur : «les caractéristiques physiques de ce bien à savoir sa qualité, sa fiabilité ainsi que sa
facilité d’approvisionnement et le volume de l’offre.».
Si l’objet de la transaction est une prestation de service alors il est utile de se référer à « la
nature et l’étendue du service ».
107
Ibidem OCDE 2010 § 1.36 p 46
136
En cas de contrôle d’actif incorporel, il faut tenir compte de : « la forme de la transaction (par
exemple, concession d’une licence ou vente), le type d’actif (par exemple, brevet, marque de
fabrique ou savoir-faire), la durée et le degré de protection et l’avantage escompté de
l’utilisation de l’actif en question. » 108
B/ Les fonctions assurées par chacune des parties (actifs utilisés et risques
assumés)
Il s’agit de repérer les fonctions des différentes sociétés, liées et indépendantes, dans
le processus de commercialisation. L’analyse fonctionnelle « a pour but d’identifier et de
comparer les activités et responsabilités économiquement significatives » 109.
La rémunération étant relative aux fonctions exercées, cela permettra d’estimer le bénéfice de
chaque société « compte tenu des actifs mis en œuvre et des risques assumés ». L’OCDE précise
dans ses « principes applicables en matière de prix de transfert » de 2010 que ce n’est pas tant le
nombre de fonctions qui compte mais plus l’importance économique de chacune de ces
fonctions « du point de vue de leur fréquence, de leur nature et de leur valeur pour les parties
respectives. »110
Dans cette optique, il est intéressant de rechercher la position de la société au sein de son
groupe, cela pourra fournir des indications supplémentaires à l’analyse de la situation.
Les principales fonctions qui pourraient être recherchées, identifiées et comparées soit par
l’administration ou la société elle-même concernent généralement : « la conception, la
fabrication, l’assemblage, la recherche-développement, la prestation de services, les achats, la
distribution, la commercialisation, la publicité, les transports, les finances et la gestion, etc. »111
Si la comparaison fonctionnelle présente des écarts significatifs entre les sociétés liées et
indépendantes, ceux-ci pourront faire l’objet d’ajustement. Mais si ces différences ne peuvent
être corrigées de façon convenable alors l’analyse fonctionnelle ne pourra être efficace et le
comparable retenu n’aura pas de valeur probante.
Concernant les « actifs utilisés » nécessaires à l’analyse fonctionnelle, l’OCDE nous invite à
tenir des comptes des biens matériels comme les usines, les équipements, ainsi que l’utilisation
d’éléments incorporels de valeur, les actifs financiers, etc. Dans un souci de réalisme,
108
Ibidem OCDE 2010 : D.1.2.1 § 1.39 109
Ibidem OCDE 2010 : D.1.2.2 § 1.42 110
Ibidem OCDE 2010 : D.1.2.2 § 1.43 111
Ibidem §1.43
137
l’ensemble de ces actifs doit être étudié au regard de leur vétusté ou nouveauté, de leur valeur
marchande, leur localisation ou de l’existence d’un droit de propriété intellectuelle…
En terme de « risques assumés », il existe plusieurs données à prendre en compte pour renforcer
la degré de fiabilité du comparable comme par exemple les risques liés : au marché (hausse des
moyens de production ou la baisse du prix des produits et/ou inversement), aux investissements
(placement immobilier peu rentable, machine défectueuse, chaîne de montage trop complexe,
etc.), à la recherche et développement (résultats aléatoires, coût trop élevé), à la finance
(variation des taux de change, des taux d’intérêts), le risque de crédit, etc.
C/ Les clauses contractuelles
Elles sont les éléments essentiels, en tant que loi des parties, qui créent et régissent
les relations commerciales ou financières de toutes les sociétés qu’elles évoluent dans le marché
libre ou intégré du groupe. Dans des transactions de pleine concurrence, elles définissent
l’objet, déterminent le prix et répartissent les risques que chacun consent d’assumer en vue de
l’obtention d’un bénéfice conséquent. L’analyse des clauses contractuelles est un élément
indispensable à l’analyse fonctionnelle des parties intéressées et de celles qui servent à la
comparaison. Elle permet de vérifier si l’équilibre des parties est respecté ou de confirmer la
correspondance entre l’allocation des bénéfices et les charges assumées par chaque société.
L’absence de contrat écrit entre les parties n’exclut pas l’analyse des clauses contractuelles car
elle est nécessaire à l’élaboration d’un comparable viable. Dans ce cas l’OCDE préconise de
regarder les correspondances et communications entretenues par ces sociétés apparentées, elles
permettront de « déduire les conditions d’une transaction »112.
A défaut de toute documentation, les modalités d’exécution du contrat devront être déduites du
comportement des parties en présence ainsi que des principes économiques habituellement
pratiqués par les agents économiques indépendants du même secteur d’activité qui ont par
nature des intérêts intrinsèques divergents. Cela permet de dessiner le profil relationnel des
entreprises indépendantes et vérifier s’il peut se calquer sur celui des sociétés apparentées. Si la
juxtaposition marque des écarts trop importants pour être ajustés alors il devient nécessaire
d’approfondir les recherches afin identifier les véritables modalités de la transaction intra-
groupe pour déceler les excès de rétribution.
112
Ibidem OCDE 2010: D.1.2.3 §1.52
138
La nécessité d’obtenir des informations sur les modalités contractuelles des transactions
potentiellement comparables sur le marché libre peut s’avérer dans les faits difficile à satisfaire
car les sources sont faibles ou indisponibles surtout lorsque l’analyse porte sur des comparables
externes113 c'est-à-dire uniquement issus de contrat de vente entre indépendants.
Comme il a été dit au préalable l’analyse de comparabilité dépend du produit concerné par la
transaction mais aussi de la méthode retenue pour fixer les prix de transfert. Dans ce cas, il est
préférable de recourir à une méthode de fixation de prix de transfert qui donne relativement
moins d’importance au facteur de comparabilité des clauses contractuelles par rapport aux
autres qui nous sont proposées.
Par exemple, si la transaction contrôlée porte sur une licence d’exploitation d’une marque et
que la méthode retenue pour fixer les prix de transfert est celle du prix comparable sur le
marché libre. La recherche d’un comparable fiable passera par l’analyse des clauses essentielles
d’un contrat de licence d’exploitation d’une marque entre sociétés indépendantes comme : la
durée de la licence, le lieu d’exploitation, la quantité de commande minimale ou les conditions
d’exclusivité. L’obtention de toutes ces informations externes fera du contrat de licence
d’exploitation d’une marque un comparable probant lors du contrôle de la transaction intra-
groupe portant sur le même objet et la méthode du prix comparable sur le marché libre trouvera
à s’appliquer efficacement. A défaut de recueil d’informations viables, le contrat de licence ne
pourra être exploité valablement par l’administration qui pourra s’orienter vers une autre
méthodologie pour tenter de reconstruire le prix de pleine concurrence.
Il apparaît important de connaître le contexte dans lequel évolue les sociétés visées afin
d’arriver à un comparable réaliste.
D/ Les circonstances économiques des parties
La situation géographique du marché sur lequel se déroule la transaction contrôlée
est un élément essentiel pour comprendre la politique de prix pratiqués. Le marché peut être
multiple, international, national, régional, entre professionnels, à destination du consommateur
final. En règle générale, pour vendre un bien et ainsi marquer sa présence sur un territoire, les
groupes multinationaux ou les sociétés exportatrices tiennent compte du pouvoir d’achat de
personnes peuplant ces marchés pour fixer leur prix de vente. Le bien est issu de la même
113
Ibidem § 1.54
139
technologie voire de la même chaîne de production mais il ne sera pas vendu au même prix du
fait de la capacité financière différente des potentiels acheteurs. Il est donc important de vérifier
si les marchés à partir desquels sont nées la transaction contrôlée et celle comparable, sont
identiques ou similaires.
Afin de déterminer la comparabilité des marchés, l’OCDE nous invite à retenir comme
caractéristiques :
« la localisation géographique, la dimension des marchés, le degré de concurrence sur les
marchés et la position concurrentielle relative des acheteurs et des vendeurs, le niveau de l’offre
et de la demande sur l’ensemble du marché, le pouvoir d’achat des consommateurs, la nature et
la portée des réglementations publiques applicables au marché, les coûts de production (en
particulier, le coût des terrains, de la main-d’œuvre et du capital), les coûts de transport, le stade
de commercialisation (détail ou gros, par exemple), la date et le moment des transactions,
etc. »114
Il est important de positionner le produit, objet de la vente, pour cela il faut rechercher la
présence ou non de produits de substitution sur ces marchés. Ce qui nous permet d’identifier la
gamme à laquelle le produit peut être rattaché. Le cycle de vie du produit est également un
élément à prendre en compte car il peut avoir une incidence substantielle sur le prix de transfert
qu’il est bon d’analyser pour s’assurer de la fiabilité du comparable. Un produit en fin de cycle
pourra voir son prix baisser tout en gardant un taux de rentabilité identique puisque les
investissements inhérents à sa production auront été amortis.
Ce type d’approche axé sur les aspects de marketing est favorable à l’application de la méthode
transactionnelle de bénéfices115
E/ Les stratégies industrielles et commerciales de chaque entreprise.
Il s’agit d’un facteur de comparabilité tout aussi important car il permet de
comprendre la logique commerciale de l’entreprise, les objectifs qu’elle s’est fixée, si
l’entreprise a une approche offensive sur le marché ou si elle cherche à assurer son activité. Il
existe de nombreux aspects propres à la stratégie d’entreprise comme par exemple
« l’innovation et la mise au point de nouveaux produits, le degré de diversification, l’aversion
114
Ibidem OCDE 2010 :D.1.2.4 § 1.55 115
Ibidem OCDE 2010 Chap 3 B5 § 3.76 p142
140
pour le risque, la prise en compte des facteurs politiques, le rôle de la législation du travail en
vigueur »116
Il faut les prendre en compte pour vérifier la comparabilité des transactions intra-groupes et
celles issues du marché libre.
La pénétration d’un nouveau marché est un moyen de justifier la différence de prix entre une
transaction contrôlée et non contrôlée sur un même marché car le vendeur aurait tout intérêt à
baisser sa marge afin d’offrir un prix inférieur à celui de son concurrent direct ou s’il souhaite
instaurer un prix égal il devra augmenter ses coûts de commercialisation au travers de poste tel
la publicité afin de marquer l’esprit des potentiels clients et revendiquer des parts du marché.
Dans les deux cas, sa marge bénéficiaire sera inférieure à celle pratiquée par son concurrent qui
lui est le plus proche.
La justification d’une diminution de la marge des bénéfices par une société qui revendique une
stratégie de pénétration de marché ou de renforcement est tout à fait acceptable et peut être
opposée à l’administration lors de la vérification de la conformité des prix de transferts. La mise
en place d’une stratégie commerciale demande plusieurs mois voire plusieurs années quand il
s’agit de pénétrer un marché. Nos administrations ne peuvent s’immiscer dans la gestion de
l’entreprise et réfuter leur politique commerciale, bien heureusement. Mais durant ce temps les
délais de prescription courent. L’administration ne pourra pas récupérer les montants transférés
de certaines sociétés qui se sont servies de cette justification pour dissimuler leur but de
transférer indirectement une partie de leurs bénéfices. Face à cette possibilité, l’OCDE demande
d’être très vigilant lorsque la baisse du prix de vente est revendiquée pour une meilleure
pénétration du marché. Il existe des éléments qui permettent de corroborer les dires du
contribuable en question comme par exemple vérifier que la baisse du prix faite au distributeur
est répercutée sur le prix de vente final. Dans le cas contraire, cela signifie que la stratégie
arguée n’est en aucun cas appliquée. Généralement ce genre de politique commerciale est
renforcé par une promotion publicitaire d’une ampleur inhabituelle. Normalement la perte de
bénéfices voulus doit s’inscrire dans un cadre temporel limité et au-delà duquel il serait
raisonnable de penser qu’une entreprise indépendante similaire aurait abandonné cette politique
de baisse de prix du fait de sa non rentabilité. Ces éléments permettent d’infirmer ou de
confirmer l’effectivité de la politique commerciale avancée.
116
Ibidem OCDE 2010 :D.1.2.5 § 1.59
141
L’analyse de la stratégie de la société contrôlée mérite d’être complétée par l’analyse de la
stratégie du groupe. La société contrôlée ne peut élaborer de stratégie de façon unilatérale au
risque de contredire soit les intérêts du groupe en diminuant à court terme la rentabilité de leur
filiale soit la stratégie d’ensemble élaborée à moyen long terme au niveau du siège de la maison
mère. La gestion globalisée de tous les groupes multinationaux fait qu’il existe forcément un
lien entre la stratégie adoptée par une entité du groupe et celle retenue pour l’ensemble du
groupe. Ainsi cela permet de mieux appréhender la fonction de ladite entreprise ainsi que son
rôle dans le processus de commercialisation des produits du groupe.
Ces critères de comparabilité doivent dans la mesure du possible être cumulés afin de permettre
aux administrations de rechercher la conformité des prix de transfert et décider ou non de la
nécessité d’une rectification fiscale du fait du transfert indirect de bénéfices. La similitude
parfaite entre les transactions intra-groupes et celles issues du marché libre peut être difficile à
obtenir c’est pourquoi il est possible de combler certains écarts lorsqu’ils ne sont pas
significatifs grâce à des ajustements de comparabilité.
L’OCDE définit cette notion de comparabilité et indique en ces termes : « qu’être comparable
signifie qu’aucune des différences éventuelles entre les situations comparées ne pourrait influer
de manière significative sur l’élément examiné du point de vue méthodologique, ou que des
ajustements de comparabilité raisonnablement fiables peuvent être pratiqués pour éliminer
l’incidence de telles différences »117
Cette analyse de comparabilité doit permettre de relater la réalité. En ce sens l’OCDE reconnaît
en plus de la nécessité d’effecteur des ajustements, la possibilité de tenir comptes des services
rendus entre sociétés qui sans faire l’objet d’une rémunération directe peuvent expliquer
l’apposition de prix inférieur à ceux habituellement pratiqués entre indépendants. Il s’agit de
contreparties non monétaires qualifiées de « compensations intentionnelles »118. Toute
prestation doit être rémunérée, il est donc important qu’une entreprise qui fournit un service à
une autre ne le fasse pas de façon désintéressée, ce qui serait contraire au principe de pleine
concurrence. Le paiement de cette prestation peut se faire soit en argent soit par compensation.
Cette compensation peut se réaliser sous la forme d’une ou plusieurs prestations de nature
égales ou différentes mais au final de même valeur, ou sous la forme d’une remise du prix de
117
Ibidem OCDE 2010 § 3.47 118
Ibidem OCDE 2010 chap 3 A.3.2 §3.13 p122
142
vente par la société bénéficiaire de l’avantage octroyé lors de la commande de bien ou service
de sa consœur qui lui a fourni le service .
En pratique, les contreparties non monétaires ne sont pas très fréquentes119 mais il faut en tenir
compte dans l’analyse de comparabilité. La difficulté résulte dans l’estimation du coût du
service rendu et de celui de la contrepartie. Pour ce faire, il faudra de nouveau rechercher des
équivalences sur le marché libre.
Une fois que les facteurs de comparabilité ont été appliqués à la transaction contrôlée ainsi qu’à
la transaction de référence pour en vérifier la fiabilité, et que les ajustements nécessaires ont été
pris en compte tout comme les éventuelles compensations intentionnelles. Alors, il est possible
d’effectuer une analyse efficiente sur les prix de vente intra-groupe en se basant sur une des
méthodes de fixation de prix de transfert proposées par l’OCDE. Celles-ci permettront de
reconstruire le prix du marché ou d’estimer le bénéfice en conformité au principe de pleine
concurrence.
La réalisation d’une étude de comparabilité réaliste est primordiale car elle oriente le choix des
entreprises ou administrations sur la méthodologie applicable à la transaction. L’OCDE ajoute
qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer à chaque transaction toutes les méthodes de fixation
qu’elle met en avant. Que le choix de la méthode doit découler de la réunion de l’ensemble des
éléments de comparaisons.
Concernant les entreprises, lorsqu’elles ont décidé de retenir une méthodologie pour fixer leurs
prix de transfert, elles doivent s’assurer de conserver tous les éléments qui permettent de
justifier de l’efficience de cette méthode dans leurs transactions intra-groupes.
L’administration quant à elle doit dans la logique analyser les prix de transfert de la société
contrôlée en tenant compte de la méthodologie qu’elle déclare adopter et des éléments qu’elle
fournit. Mais l’administration n’est en aucun cas obligée de se limiter à la méthodologie et/ou
documents avancés par la société et peut même les écarter d’entrée si elle estime qu’une des
autres méthodes proposées par l’OCDE est plus adéquate à la transaction contrôlée.
119
«prix de transfert, analyse critiques des pratiques actuelles » commission fiscalité avril 2012 du club des juristes
143
A présent, nous allons présenter les différentes méthodes de fixation de prix de transfert
proposées par l’OCDE.
§2. Les méthodes de fixation des prix de transfert
Les méthodologies applicables au prix de transfert reconnues pas l’OCDE se
divisent en deux catégories. La 1ère reprend les méthodes dites traditionnelles et la 2nde concerne
les méthodes fondées sur les bénéfices. Ces dernières portent généralement sur des biens et
services difficilement divisibles d’un point de vue économique et dont on ne peut trouver des
éléments de comparaisons directes sur le marché libre.
A/ Les méthodes traditionnelles sont au nombre de trois :
1) La méthode du prix comparable sur le marché libre ou « confronto di
prezzo » :
Il s’agit de comparer le prix de vente pratiqué entre sociétés associées à celui
pratiqué pour le même produit sur le marché libre. Cette méthode se veut très fiable concernant
les biens et services communs mais il faut veiller à ce que les conditions de similitudes
précédemment présentées soient requises à savoir que les produits en question soient identiques.
A défaut de quoi il faudra effectuer quelques ajustements et/ou tenir compte d’un d’intervalle de
concurrence raisonnable entre le prix de transfert et le prix fixé issu des transactions
comparables. Dans le cas d’une différence trop importante entre le prix de transfert et le prix du
marché, l’administration se référera au prix du marché pour estimer le montant des bénéfices
réalisés.
2) La méthode du prix de revente ou « prezzo di rivendita » :
Il s’agit de reconstituer le prix de revente que la société associée aurait pratiqué dans
le cas d’une éventuelle vente à une entreprise indépendante. Pour cela on s’appuie sur le prix
d’un produit d’abord acheté à une société liée et revendu à une société indépendante; puis on
soustrait de ce prix final la marge brute « représentant le montant sur lequel le revendeur
couvrirait ses frais de vente et autres dépenses d’exploitation et, à la lumière des fonctions
144
assumées (en tenant compte des actifs utilisés et des risques encourus), réaliserait un bénéfice
convenable »120. Ainsi le prix obtenu constitue le prix de pleine concurrence applicable à la
transaction initiale entre sociétés liées. Pour appliquer cette méthode, il faut rechercher bien
évidemment des comparables internes qui sont des transactions entre un membre du groupe et
une société externe mais également des comparables externes où seules des entreprises
indépendantes sont parties au contrat, ils peuvent servir d’indicateur quant à la marge sur le prix
de revente appliqué par des entreprises indépendantes pratiquant le même commerce
Ex : une société française vend un bien pour une valeur de 90 à une société italienne du même
groupe. Ce même bien est revendu 150 à une société espagnole indépendante. Les divers frais
liés à la revente de ce produit s’élève à 10. Le taux de marge net habituellement pratiqué pour
ce type de bien est de 50 %. Le prix de revient de ce produit est donc de 100 et le bénéfice est
de 50. La société italienne a respecté le prix de pleine concurrence. il n’y a donc pas transfert
indirect de bénéfices. Si à l’inverse le prix de vente aurait été de 120 alors il y aurait un transfert
indirect de bénéfices de 30 au profit de la société française qui vient diminuer son revenu
imposable.
Cette méthode s’applique tout particulièrement lors des opérations de commercialisation c'est-à-
dire lorsque le produit est acheté pour être directement revendu. Elle s’axe plus sur l’activité de
vente que sur le produit de la vente, c’est pourquoi lors de l’analyse des comparables la
différence de produit n’aura qu’une incidence mineure sur le taux de marge. Il est dit en fait que
l’activité d’un distributeur de grille pain et d’un distributeur de mixeur offre un taux de marge
identique de part les fonctions similaires qu’ils exercent, alors que les prix de vente de ces
différents biens ne seront pas les mêmes121. Ceci est un constat de la pratique commerciale de ce
secteur pas une règle ce qui veut dire que plus les produits seront similaires plus la méthode
sera efficace.
3) La méthode du prix de revient majoré ou « costo maggiorato» :
Cette méthode consiste à déterminer en premier lieu les coûts supportés par le
fournisseur de biens ou services dans le cadre d’échange intra-groupe. A cette somme, il
convient d’ajouter une marge brute qui offre un bénéfice approprié à l’activité du fournisseur
compte tenu de sa fonction, des actifs utilisés, des risques encourus. Cela permet de déterminer
120
Ibidem OCDE 2010 § 2.21 121
Ibidem OCDE 2010 § 2.24
145
le prix de pleine concurrence du bien ou service vendu. Cette méthode est bien adaptée aux
prestations de service, au domaine de la sous-traitance industrielle et des frais de sièges ainsi
qu’à la vente de produit semi-finis auxquels on ne peut rattacher le marché. Elle est
particulièrement adaptée lorsqu’il s’agit de vérifier un accord de répartition des coûts entre les
différentes entités du groupe. Cet accord permet de centraliser une activité spécifique comme la
recherche et le développement au sein d’une société (filiale ou maison mère) et dont les
résultats servent à l’ensemble de l’activité du groupe. Dans ce cas de figure, la société en charge
du développement ne tire de revenus que de la prestation qu’elle fournit au groupe. Comme ce
service est profitable à tous, chacun doit payer pour les prestations reçues ce qui implique que la
charge financière de ce centre de recherche ne peut être supportée par une seule société et doit
être répartie selon un accord préétabli qui détermine la participation financière de chaque entité.
A défaut, l’entreprise qui prendrait seule en charge le financement de ce centre de recherche
sera considérée comme réalisant un transfert indirect de bénéfices car elle verse à sa sœur pour
le service rendu, un prix bien supérieur à celui du marché.
Cette méthode est utilisée à défaut lorsqu’on ne peut appliquer la méthode du prix de revient du
fait de l’absence de partenaire commerciaux indépendants. L’élément essentiel lors de la
recherche de comparable sera d’identifier la marge sur coûts. Dans l’idéal, il est préférable de
faire appel à des comparables internes afin de connaître la marge brute qu’applique le
fournisseur lorsqu’il commerce avec une société non liée. Le recueil de comparables externes
servira d’indicateur pour connaître les pratiques du secteur.
Une transaction sur le marché libre constituera un comparable fiable à une transaction contrôlée
dans le cadre de la méthode du prix de revient majoré s’il existe aucune différence entre le
produit ou l’entreprise qui pourrait avoir une incidence sur la marge sur coût pratiqué sur le
marche libre. A défaut de quoi, des correctifs suffisamment précis doivent être mise en place
pour supprimer les effets matériels de ces différences. Nous retrouvons les mêmes remarques
que celles formulées pour la méthode du prix de vente puisque ces deux méthodes sont axées
sur l’identification de la marge brute.
Les méthodes traditionnelles suivent une logique de reconstruction des prix de
pleine concurrence en se basant sur la recherche des éléments du prix de vente, les méthodes
transactionnelles font l’inverse et décomposent le prix de vente ou de pleine concurrence en
partant de l’élément final le prix et en ne retenant que le bénéfice pour déterminer la réelle
imposition de chaque entreprise liée. Il s’agit ici d’examiner la répartition des produits de
146
cession. Elles sont spécialement adaptées aux firmes qui prônent l’intégration verticale qui
consiste à maîtriser toute la chaîne de production d’un bien ou service.
B/ Les méthodes transactionnelles de bénéfices :
1) La méthode transactionnelle de la marge nette ou « comparazione dei
margini netti »
Cette méthode adopte la même logique que celle applicable au prix de revient
majoré ou celle du prix de revente à la différence qu’il faille déterminer non pas la marge brute
mais la marge nette que les sociétés réalisent lors de transactions intra-groupes en la comparant
à la marge nette obtenue par ces mêmes sociétés ou des sociétés indépendantes en cas de
transactions similaires sur le marché libre. Pour cela, il faut s’appuyer sur une base économique
adaptée à laquelle il faudra appliquer le coefficient de marge nette et connaître ainsi le prix de
pleine concurrence. L’OCDE nous informe que les bases appropriées qui peuvent servir de
point de départ sont : « les ventes ou les charges d’exploitation de distribution […] pour les
activités de distribution ; les coûts complets ou les charges d’exploitation […] pour les activités
de services ou de fabrication ; les actifs opérationnels […] pour des activités à forte intensité
capitalistique comme certaines activités manufacturières ou certains services d’infrastructure.
D’autres bases peuvent être appropriées en fonction des circonstances du cas d’espèce. »122
Il faut faire appel à des comparables d’abord internes pour déterminer la clé de répartition des
bénéfices et si possible externes pour obtenir l’indicateur de bénéfice net pratiqué dans des
conditions commerciales identiques. Le recours à cette méthode demande de s’appuyer sur
l’analyse fonctionnelle de la transaction contrôlée et de la transaction libre afin de vérifier si
elles sont effectivement comparables ou si des ajustements fiables existent pour diminuer les
écarts.
L’avantage de cette méthode qui s’appuie sur la marge nette est qu’elle est moins sensible aux
variations fonctionnelles qui affectent le plus souvent les dépenses d’exploitation car celles-ci
n’ont pas d’incidence réelle sur les indicateurs de bénéfice net. De plus elle : « n’est pas non
plus affectée par les divergences de normes comptables »123. La méthode transactionnelle de la
122
Ibidem OCDE 2010 : B.3.4 § 2.87 123
Ibidem «prix de transfert, analyse critiques des pratiques actuelles » p 72
147
marge nette cherche moins à établir la normalité d’un prix que la normalité du bénéfice que l’on
peut valablement attendre de l’exercice d’une activité donnée. C’est pourquoi elle ne demande
pas d’informations très précises des prix ou des produits mais nécessite une analyse très
détaillée des fonctions de chaque entreprise.
2) La méthode du partage des bénéfices ou « ripartizione degli utili
complessivi »
La méthode fondée sur le partage des bénéfices demande de déterminer le bénéfice
global de l’ensemble de la chaîne de production pour ensuite le répartir entres les différentes
entités du groupe en fonction : « d’une base économiquement valable qui se rapproche du
partage des bénéfices qui aurait été anticipé et reflété dans un accord réalisé en pleine
concurrence.»124
Pour cela, il est nécessaire de réaliser une analyse fonctionnelle qui tient compte de leurs
activités, investissements et fonctions au sein du processus commercial dans son ensemble
(innovation, administratif. commercial etc.). Chaque entreprise percevra une partie du bénéfice
en fonction du rôle qui lui incombe et des risques encourus.
Selon l’OCDE, cette application convient : « surtout dans les cas où les parties à la transaction
effectuent des contributions sous forme d’actifs incorporels. »125 Ainsi, nonobstant le caractère
aléatoire du commerce, il est possible de déterminer approximativement la part de chaque
société intervenante dans la vente d’un produit.
Cette méthode va chercher à écarter du prix les incidences que les relations convenues ou
imposées peuvent avoir sur sa fixation en se référant à la marge bénéficiaire que des entreprises
indépendantes auraient obtenu dans des circonstances identiques ou similaires. L’obtention de
ce comparable permettra de vérifier que la conformité des marges allouées est conforme au
principe de pleine concurrence.
Cette méthode est particulièrement utilisée pour vérifier la conformité des opérations très
intégrées et pour lesquelles l’utilisation d’une méthode traditionnelle unilatérale ne serait pas
adaptée. Elle est également très fiable lorsque deux entreprises liées qui réalisent la transaction
apportent des actifs incorporels uniques et de grande valeur. Car il sera difficile de trouver des
comparables du fait des caractéristiques des actifs incorporels. D’autre part, une méthode 124
Ibidem OCDE 2010 : C1§ 2.108 p101 125
Caroline Silberztein, centre de Politique et d'Administration fiscales de l'OCDE : « Prix de transfert, un défi pour les
pays en développement ».
148
bilatérale est plus appropriée à l’approche qu’adopteront des entreprises indépendantes dans
des conditions similaires si elles devaient se partager le bénéfice de la transaction en fonction de
leurs apports respectifs.
L’utilisation de cette méthode qui tient compte des deux parties évite de retomber sur des
résultats extravagants ou improbables de l’une des sociétés par rapport à l’autre. De plus, son
caractère bilatéral rend possible la répartition équitable des gains liés aux économies d’échelle
ce qui est satisfaisant tant pour le contribuable que pour l’administration.
L’inconvénient de cette méthode résulte de son application et des difficultés d’obtenir des
informations de la part d’entreprises affiliées étrangères.
L’OCDE indique qu’il existe différentes approches qui permettent de répartir les bénéfices. Elle
en présente principalement deux en précisant qu’elles ne sont ni imposées, ni exclusives l’une
de l’autre.
L’analyse de la répartition des bénéfices peut se faire au travers de l’analyse des contributions et
l’analyse résiduelle.
La 1ère consiste à répartir les bénéfices : « en fonction d’une approximation raisonnable de la
répartition des bénéfices que des entreprises indépendantes auraient escompté de transactions
comparables.»126
En l’absence de comparable, l’analyse des contributions permet de classer par degré
d’importance les fonctions des différentes entreprises en tenant compte de la charge financière
qu’induisent ces fonctions. Ce qui permettra d’effectuer une réparation réaliste des bénéfices.
Le 2nd choix qui s’offre aux administrations et entreprises pour effectuer le partage des
bénéfices est celui de l’analyse résiduelle. L’existence de contributions non uniques lors de
transactions entre sociétés liées rendent difficiles leur personnalisation. L’analyse résiduelle
permet malgré cela de déterminer le bénéfice de chaque entreprise. D’abord cette analyse
consiste à appliquer une des autres méthodes de fixation des prix de transfert afin de déterminer
la rémunération de pleine concurrence de chacune des parties en se basant sur des transactions
comparables sur le marché libre. Après avoir redistribuer à chacune des entreprises le bénéfice
de pleine de concurrence qu’il lui revient, le reste du bénéfice global inhérent à la transaction
forme les bénéfices ou pertes résiduelles qu’il convient à nouveau de distribuer. Pour cela
l’OCDE met en avant deux pratiques :
126
Ibidem OCDE 2010 C.3.2.1 §2.119
149
La répartition du bénéfice résiduel s’effectue en se basant sur des comparables fiables issus de
la pratique du marché libre. Voici quelques exemples de transactions non contrôlées pour
lesquelles existent des critères issus du marché qui servent à répartir les bénéfices résiduels,
Ce peut être : « des accords de co-entreprise entre parties indépendantes dans lesquelles les
bénéfices sont partagés, comme des projets de développement dans les industries pétrolières et
gazières ; des accords de collaboration, de co-commercialisation ou de co-promotion dans le
domaine pharmaceutique ; des accords entre labels de musique indépendants et artistes ; des
accords entre parties indépendantes dans le secteur des services financiers ; etc. »127
En l’absence de critères de répartition basés sur des comparables issus du marché libre, il est
possible de recourir au mécanisme de la clé de répartition128. Elle peut être numérique ou
constituer une variable et doit être adaptée au circonstances de l’espèce, c’est pourquoi elle
peut s’appuyer sur différents facteurs comme : les actifs / les capitaux (actifs d’exploitation,
actifs immobilisés, actifs incorporels, capitaux employés) les charges (dépenses et / ou
investissements relatifs dans des domaines clés comme la recherche-développement,
l’ingénierie, le marketing). » ou sur « le chiffre d’affaire marginal généré, sur les effectifs
(nombre de personnes participant aux fonctions clés qui apportent de la valeur à la transaction),
sur le temps passé par un certain groupe de salariés… »129
L’objectif est de définir la clé de répartition des bénéfices entre ces différentes entités et de
vérifier que la rentabilité de chacune des entreprises est conforme au principe de pleine
concurrence.. L’OCDE précise que le terme de bénéfice inclut ici la prise en compte des pertes
qui doivent être également partagées. Il est important que l’ensemble des bénéfices doivent être
ramenés à une même monnaie.
La clé de répartition démontre à nouveau l’importance de réaliser une étude de comparabilité
approfondi afin que dans des cas particuliers puissent être trouvé un élément (actif, heure de
travail) qui permette de répartir les bénéfices de façon fiable et réaliste comme si cette
répartition avait été retenue par des sociétés indépendantes.
127
Ibidem OCDE 2010 : C.3.4.2 § 2.133 128
Ibidem OCDE 2010 : C.3.4.3/clés de répartition p111 129
Ibidem OCDE 2010 : C.3.4.3 § 2.135
150
Les méthodes transactionnelles de bénéfices étaient considérées comme des moyens
subsidiaires à la détermination des prix de pleine concurrence et considérées comme telles par
nos administrations, la circulaire n°32/9/2267 de l’administration italienne précise dans chapitre
3 §4 que : « si l’application des méthodes traditionnelles n’est pas possible notamment du fait
de l’impossibilité de trouver des transactions similaires, les méthodes alternatives peuvent être
utilisées. » 130 Mais les récents travaux de l’OCDE comme le Forum mondial sur les échanges
de renseignements de 2011 invitent les administrations à ne plus recourir à ces méthodes
transactionnelles uniquement lorsque les méthodes traditionnelles sont difficilement applicables
mais d’utiliser la méthodologie la plus adéquate pour se rapprocher du prix de pleine
concurrence131 écartant ainsi la notion de « derniers recours » qui était alors conférée aux
méthodes transactionnelles. La pratique et l’échange des bonnes pratiques avec des
professionnels de la fiscalité montrent une application de plus en plus fréquente de ces
méthodes fondées sur les bénéfices, notamment dans le domaine de l’économie numérique ou
des échanges de biens incorporels. La méthode qui se base sur la marge nette tend à s’accroître
car : « elle est moins sensible aux différences mineures entre produits »132 ce qui simplifie son
utilisation par rapport aux méthodes traditionnelles. Lorsqu’il existe peu de comparables
internes ou externes ce sont les méthodes fondées sur les bénéfices qui semblent donc à présent
être les plus adaptées.
Pour autant l’OCDE continue à déclarer dans ses principes de 2010 qu’en présence de
comparable fiable, la méthode du prix comparable sur le marché libre : « constitue le moyen le
plus direct et le plus fiable pour mettre en œuvre le principe de pleine concurrence »133 et qu’en
conséquence elle est et doit être préférée à toutes les autres.
L’important est qu’à présent il existe une certaine liberté quant au choix de la méthode mais elle
doit toujours être la plus appropriée au cas d’espèce. La bonne application d’une méthode
quelle qu’elle soit dépend de la conformité de l’analyse de comparabilité des transactions et
entreprises contrôlées.
L’OCDE insiste sur le caractère essentiel du principe de pleine concurrence et rejette toutes
autres méthodes qui ne reposeraient sur ce principe comme par exemple la méthode de
répartition globale des bénéfices selon une formule préétablie.
130
Circolare n.32/9/2267 del 1980 (cfr. capitolo III, § 4) : “ qualora non si renda possibile l’applicazione dei metodi
tradizionali, ovvero non sia possibile rintracciare transazioni similari, possono soccorrere i metodi c.d. alternativi.” 131
Ibidem OCDE Chap 2/ B. 132
Ibidem 133
Ibidem OCDE 2010 chap 1 sect B § 2.14
151
Sous Section 2. La répartition globale des bénéfices selon une formule
préétablie : une théorie alternative
Concernant cette alternative au principe de pleine concurrence pour rechercher la
juste répartition des revenus d’un groupe multinational, l’OCDE déclare qu’elle : « ne serait
acceptable ni en théorie, ni dans sa mise en œuvre, ni dans la pratique »134
Cette méthode également dite de taxation unitaire consiste à partager les bénéfices globaux du
groupe selon une clé de répartition. Pour appliquer cette technique, il faut réunir trois éléments,
d’abord il est nécessaire de délimiter le périmètre du groupe c'est-à-dire les différentes entités à
prendre en compte pour le calcul des revenus du groupe, puis il faut déterminer de façon précise
le bénéfice global et enfin arrêter une formule qui servira à répartir les bénéfices du groupe
entre les différentes entités. Les bénéfices une fois répartis seront imposés selon les dispositions
fiscales de chaque juridiction. La clé de répartition des bénéfices pourra être une variable
élaborée à partir de différents facteurs comme le chiffre d’affaire ( CA dans un pays/ CA du
groupe), les actifs, les coûts ou encore la masse salariale etc.
Cette technique semble suivre la même logique que la méthode transactionnelle du partage des
bénéfices mais la grande différence résulte du fait que la méthode de l’OCDE cherche à répartir
les bénéfices de chaque transaction indépendamment les unes des autres. Ce qui signifie de
toutes nouvelles transactions nécessitent une nouvelle clé de répartition qui tient comptes des
circonstances inhérentes à chaque vente, c’est une étude au cas par cas. La répartition globale
des bénéfices quant à elle ne cherche pas identifier le bénéfice relatif à chaque transaction mais
à instaurer une clef de répartition unique qui s’applique à l’ensemble des transactions et à toutes
les entreprises du groupe. Cette différence est fondamentale car la méthode de l’OCDE crée une
clé forfaitaire qui suit les évolutions du marché alors que l’autre clef ne naît pas du marché mais
d’une coordination et une entente préalable interne au groupe confirmé par un accord
multipartites avec la société mère et les différentes juridictions fiscales. Ce degré renforcé de
coopération entre les différents acteurs, préalable à l’utilisation de cette méthode, constitue la
raison principale du rejet de l’OCDE. Elle considère qu’en matière de fiscalité internationale, il
serait irréaliste de croire que les différentes parties réussissent à instaurer un niveau de
collaboration aussi élevé135.
134
Ibidem OCDE 2010 chap 1 sect B2 135
Ibidem OCDE 2010 chap1 sect C § 1.24
152
L’OCDE rejette tous les arguments des partisans de la répartition globale qui affirment que cette
technique accroît le degré de sécurité juridique des entreprises, offre « une plus grande
commodité administrative »136 et serait plus conforme à la réalité. Ils considèrent que le groupe
qui œuvre dans une économique globalisée avec un mode de gestion global doit voir ses
bénéfices appréciés de façon globale. La mise en place de cette méthode semblerait offrir plus
d’équité fiscale dans le sens où une juridiction fiscale qui hébergerait une entité du groupe dont
le résultat serait déficitaire pourrait malgré cela percevoir une imposition en provenance du
groupe du fait d’un résultat d’ensemble excédentaire. De plus, elle aurait pour avantage de
réduire les coûts inhérents à la comptabilité des entreprises car celle-ci s’effectuerait
directement au niveau de la société mère ; à charge pour elle de la transmettre à tous les pays où
se situent les sociétés du groupe.
L’OCDE déclare que l’utilisation de cette technique ne peut être réaliste pour plusieurs raisons
d’abord l’application automatique d’une clé de répartition prédéterminée manque de flexibilité
car elle ne tient pas compte de la pratique et de la survenue de circonstances particulières
relatives au marché ( la fluctuation des taux de changes) ou à la production (efficience ou non
d’une entreprise). Cela veut dire que la réalité des faits est sacrifiée au profit d’un schéma fiscal
rigoureux, ce qui est nuisible au commerce. L’utilisation de cette technique nécessiterait une
harmonisation des normes comptables de tous les pays afin de calculer correctement le bénéfice
global du groupe. Le choix des éléments de détermination de la clé de répartition trouverait
difficilement un consensus international car chaque État chercherait à favoriser les facteurs qui
maximiseraient les entrées fiscales. Cela créerait un sentiment de suspicion entre les différentes
administrations et les contribuables, ce qui « renforcerait le sentiment de concurrence fiscale, à
armes inégales, entre les juridictions »137. De plus il faudrait que les États trouvent un moyen de
contredire toute délocalisation artificielle, dans des pays à fiscalité faible, des facteurs qui ont
servi de base à la répartition. Les possibilités d’évasion resteraient possibles par la
manipulation des éléments de la clé de répartition.
Toutes les remarques de l’OCDE sont fondées mais nous pouvons retrouver la plupart de ces
difficultés, avec plus ou moins le même degré, dans les méthodes basées sur le principe de
pleine concurrence. Par contre, il est vrai que la mise en place du système de taxation unitaire
demande à ce qu’il soit appliqué à toutes les entreprises du groupe. A défaut de quoi il faudrait
jongler entre cette méthode de répartition et celles de l’OCDE qui continueraient à s’appliquer à
136
Ibidem OCDE 2010 chap1 sect C § 1.19 137
“Précis de fiscalité internationale” § 78 p 106 B, Castagnède , 3ème
édition puf.
153
certaines entités du groupe. Cela demande également que les plus grands pays industriels
accueillants les grands groupes internationaux s’accordent unanimement sur les modalités de
cette méthode de répartition globale des bénéfices. Ce sont là les deux principaux inconvénients
de cette méthode qui n’a jamais été utilisée au niveau international. Les États-Unis ont été les
premiers à développer cette technique en l’appliquant au niveau fédéral. L’État de Californie a
mis en place l’« Unitary Business System » et l’a appliqué au groupe d’entreprises de
nationalité américaine ou étrangères, dont les entités sont situées sur plusieurs états afin que
tous puissent percevoir une entrée fiscale, calculée selon les règles de l’état de résidence, à
partir du moment où les bénéfices et pertes consolidés du groupe aboutissent à un résultat
positif.
Au vu de ces éléments, la méthode de taxation unitaire semble difficile à mettre en place mais
pas impossible, c’est pourquoi elle ne doit pas essuyer un rejet total et « mérite de figurer au
nombre des thèmes de réflexion que suggère la quête d’un futur droit fiscal commun »138, ou
tout au moins la quête d’un droit fiscal européen des sociétés.
L’UE cherche l’harmonisation législative au sein du territoire, celle-ci vaut également pour le
droit fiscal et notamment la fiscalité directe. Les travaux de la commission européenne comme
le rapport intitulé « vers un marché intérieur sans entrave fiscale »139 évoque le recours au
système de taxation unitaire pour répartir le bénéfice consolidé d’un groupe multinational
présent sur le territoire de l’UE entre les différentes juridictions où se situent les entités du
groupe. Elle met en avant un mécanisme qui permettrait de répartir d’un commun accord
l’ensemble des bénéfices qui entreraient dans le périmètre de consolidation. L’UE ne peut
intervenir que de façon subsidiaire en matière de fiscalité directe des entreprises et les États qui
ne souhaitent en aucun cas voir leur souveraineté fiscale diminuer ne contribuent que très
faiblement à cette volonté d’instaurer un dispositif fiscal uniformisé. Ce qui explique la lente
avancée en la matière. Malgré cela l’objectif poursuivi par l’UE trouve un écho favorable à
l’instauration d’un système de répartition globale des bénéfices dans sa volonté d’élaborer une
directive qui instaurerait une « Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt des Sociétés »
(ACCIS)140. Pour cela, un groupe de travail du même nom a été mis en place par la commission
européenne. Il a pour mission de développer un cadre technique et juridique pour la mise en
place de cette assiette commune consolidée. Une ébauche de directive a été présentée par la
138
Ibid B. Castagnède § 78 p107 139
Communication de la Commission Européenne du 23/10/2001 140
Cf. communication de la commission européenne du 26/07/2007.
154
commission européenne lors d’une communication du 26/07/2006141. La suite des travaux de ce
groupe contribuera à la présentation d’une directive finale qui fera de l’ACCIS un système
d’imposition optionnel pour les firmes multinationales présentes sur au moins deux États
membres de l’UE.
Au niveau de la communauté européenne, la plupart des critiques émises par l’OCDE peuvent
être écartées comme celle relatives au taux de change, aux informations financières et au degré
de collaboration élevé. L’UE et les États membres ont la capacité politique de s’entendre sur un
modèle de répartition. D’un point de vue de la capacité légale à l’instauration d’un tel système
la commission européenne pourrait élaborer un règlement ou une directive mais elle se verrait
immédiatement opposer le sacro-saint de la souveraineté fiscale et le principe de subsidiarité en
matière d’imposition directe qui veut que les États membres agissent de leur propre chef . La
commission est autorisée à intervenir en cas de carence d’un ou des États membres. Pour autant
rappelons que la commission européenne se veut la gardienne du traité et que dans ses
prérogatives elle peut saisir la CJUE142 lorsque les États ont des dispositions fiscales qui
contrarient le respect des principes du marché commun. La cour a à maintes reprises eu
l’occasion de rappeler que « si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, il
n’en reste pas moins que ces derniers doivent l’exercer dans le respect du droit
communautaire »143
La commission européenne a déclaré que la libre circulation des biens et des personnes qui
fonde le marché intérieur européen nécessite l’abolition totale des frontières fiscales144. Cette
idée qui se veut conforme à la philosophie de l’UE, ne saurait s’appliquer de suite mais elle
pourrait à l’avenir être interprétée comme une nécessité pour la préservation ou la promotion
des intérêts du marché commun. Ainsi les dispositions fiscales particulières pourraient être
juger par la CJUE comme attentatoire aux intérêts de l’UE ce qui obligeraient les États
membres à accélérer l’harmonisation fiscale ou à défaut autoriser la commission à agir en la
matière pour garantir la libre circulation des biens et des personnes.
La méthode de répartition globale des bénéfices est à prendre en considération et surtout à
développer dans un futur proche. Pour l’heure, la répartition des bénéfices du groupe s’effectue
sur la base du principe de pleine concurrence dont il faut reconnaître qu’il emporte la
reconnaissance de l’ensemble des États membres et non membres de l’OCDE. Ce consensus
141
Ibidem 142
Art 226 du traite CE 143
CJCE arrêt du 14/02/1995, Shumacker, aff C-279/93 ; arrêt 12/09/2006, Cadbury Schweppes plc, aff C-196/04 144
Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur, juin 1985, p. 56.
155
autour du principe de pleine concurrence des États s’est forgé au fil des ans et des travaux
notamment ceux de l’OCDE. Ils ont permis de faire de ce principe, la référence économique et
juridique de toutes relations commerciales quel qu’elles soient.
Le recours au marché libre offre une grille de lecture unanime au travers de laquelle s’établit et
se contrôlent les prix des transactions pratiqués au sein des groupes. La position de l’OCDE sur
le rejet total de toute théorie alternative est compréhensible car elle remettrait en cause cette
relative sécurité qu’offre le cadre de la libre concurrence aux administrations ainsi qu’aux
entreprises internationales. Cette référence a été instaurée dans le but de repartir d’une façon
relativement équitable les bénéfices issus des transactions intra-groupes et ainsi sanctionner
l’évasion fiscale par la manipulation des prix de transfert. Ce principe est donc un moyen de
lutte mais il ne signe pas la fin des transferts indirects des bénéfices ; c’est pourquoi il doit
conserver sa primauté tant qu’il offre une sécurité accrue par rapport à d’autres moyens mais il
ne doit pas constituer un obstacle ou un monopole théorique qui légitimerait le statu quo et
empêcherait la mise ne place de toutes solutions alternatives.
Le recours au principe de pleine concurrence et aux méthodes de fixation proposées par
l’OCDE semblent être les meilleurs moyens de contrôler les transactions intra-groupes. Depuis
2010 l’OCDE a fait évoluer son approche méthodologique et ne considère plus les méthodes
transactionnelles de bénéfices comme étant subsidiaires à celles traditionnelles. Il est fort
probable que l’évolution du commerce et de la fiscalité amène l’OCDE à revoir, avec le
professionnalisme qui la caractérise, ses positions actuelles quant aux méthodes ou théories
nouvelles.
Depuis de nombreuses années, la grande majorité des pays industrialisés ont une base d’analyse
des prix qui se réfèrent au principe de pleine concurrence énoncée à l’art 9§1 de la convention
fiscale modèle OCDE. Nos administrations qui souhaitent réintégrer une partie des bénéfices
qu’elles considèrent comme indirectement transférés s’appuient non pas sur le droit
conventionnel mais principalement sur nos législations internes relatives à la lutte contre la
manipulation des prix de transfert. Nous allons donc présenter et analyser nos dispositifs
nationaux qui fondent la réintégration des transferts indirects de bénéfices à savoir l’art 57 CGI
et 110 al 7 TUIR.
156
Chapitre II. La réintégration des bénéfices indirectement transférés :
analyse des articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR
Nos systèmes fiscaux se veulent déclaratifs c'est-à-dire que toutes les sociétés
doivent déclarer le chiffre d’affaire effectué et les bénéfices réalisés au cour de l’année. Cette
déclaration est réputée de bonne foi et jouit donc d’une présomption simple que l’administration
peut remettre en cause. En matière de commerce international, nos administrations peuvent
s’appuyer sur un fondement interne ou conventionnel pour remettre en cause les prix pratiqués
(section 1), avant de nous intéresser aux termes choisis pour définir les sujets concernés par les
articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR (section 2). Puis nous analyserons la nature des relations
unissant ces personnes morales de nationalités diverses nécessaire à l’application de ce
dispositif (section 3) ; une fois les relations établies, nous nous arrêterons à l’objet sur lequel se
fonde l’échange entre ces entités liées (section 4). Ensuite, nous verrons comment les
administrations apprécient les transactions intra-groupes et les conséquences en cas de
manipulation de prix de transfert (section 5).
Section I / Fondements légaux
Nos États peuvent légalement s’appuyer sur l’art 9 du modèle OCDE, base juridique
commune en matière de lutte contre la manipulation des prix de transfert, qui instaure une
présomption simple de transfert indirect de bénéfices. Lorsque des entreprises liées organisent
un commerce dans des conditions étrangères à celles du marché libre alors les pays concernés
peuvent rejeter les prix pratiqués entre ces entreprises et inclure les bénéfices considérés non
déclarés dans le calcul de l’imposition sur les sociétés.
C’est ce qui ressort de la lettre de l’article 9 modèle OCDE de 2010 :
« 1. Lorsque
a) une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction,
ou contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant,
ou que
157
b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou
au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État
contractant,
et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou
financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient
convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient
été réalisés par l’une des entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions,
peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence.
2. Lorsqu'un État contractant inclut dans les bénéfices d'une entreprise de cet État — et impose
en conséquence — des bénéfices sur lesquels une entreprise de l'autre État contractant a été
imposée dans cet autre État, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été
réalisés par l'entreprise du premier État si les conditions convenues entre les deux entreprises
avaient été celles qui auraient été convenues entre des entreprises indépendantes, l'autre État
procède à un ajustement approprié du montant de l'impôt qui y a été perçu sur ces bénéfices.
Pour déterminer cet ajustement, il est tenu compte des autres dispositions de la présente
Convention et, si c'est nécessaire, les autorités compétentes des États contractants se
consultent.»
Outre la reconnaissance du principe de pleine concurrence en tant que norme fondamentale du
commerce international, l’art 9 al 1 prévoit la conséquence du non respect de cette référence qui
confère au États le moyen de retrouver l’équilibre dans leur perception fiscale. Il s’agit de la
possibilité de réintégrer dans la déclaration de revenus de la société, les bénéfices considérés
comme indirectement transférés.
Cet article qui figurait dans le projet de convention OECE de 1963 fut logiquement repris lors
de la rédaction de la convention OCDE de 1977 et complété du paragraphe 2. Celui-ci est venu
offrir un moyen conventionnel aux États d’ajuster le montant des revenus imposables d’une
entreprise qui auraient été rehaussée dans un des états. La méthode dite d’ajustement corrélatif
permet d’éviter aux sociétés de voir tout ou partie de leurs revenus imposés deux fois. Les
bénéfices considérés comme indirectement transférés dans le pays B ont été imposé dans ce
même pays mais suite à la remise en cause par le pays A des prix pratiqués, ces bénéfices seront
réintégrés dans les revenus imposables du pays A. Cette part de bénéfices subira donc une
158
double imposition. L’OCDE considère cette double imposition comme dommageable aux
entreprises et demande aux États de rééquilibrer la situation fiscale de l’entreprise en ajustant
leur base d’imposition.
Il est à noter que lors de la signature de la convention fiscale de 1989 entre nos deux pays, les
pouvoirs publiques ont repris à l’identique le modèle proposé par l’OCDE et notamment l’art 9
paragraphe 1 sur la réintégration des bénéfices. Le paragraphe 2 de l’art 9 modèle OCDE qui
traite de l’ajustement corrélatif se retrouve également dans la convention franco-italienne, à la
différence qu’il ne figure pas directement à l’art 9 mais dans le point n°5 du protocole
additionnel.
L’art 9 modèle OCDE semble bien adapté pour lutter contre la manipulation des prix de
transfert mais s’agissant d’un dispositif conventionnel, il faut nécessairement que le pays où se
situe la société établie à l’étranger soit membre de l’OCDE ou ait signé une convention de non
double imposition conforme au modèle OCDE afin de rendre applicable cette stipulation
conventionnelle. Cette condition de bilatéralité peut nuire à l’action de nos administrations et ne
correspond aucunement à la logique et l’attitude unilatéraliste de celles-ci. C’est pourquoi dans
un souci de bonne administration et d’indépendance du pouvoir, nos législateurs sont intervenus
pour instaurer des dispositions internes mais à des périodes bien différentes.
Le législateur français a très tôt préféré se baser sur sa loi interne pour contrer ces
délocalisations de profits et écarter ainsi la contrainte du mode conventionnel. Dès 1933, il a
prévu un moyen interne de lutter contre la manipulation des prix de transfert par la loi du
31/05/1933 dont l’art 76 constitue la source de l’art 57 CGI.
L’État italien préférait se baser sur le mode conventionnel. A ce titre un traité bilatéral entre la
France et l’Italie a été signé pour réglementer la pratique des prix de transfert en 1930.
La loi italienne a transposé ce dispositif de lutte contre la manipulation des prix de transfert en
droit interne plus tardivement en 1980.
L’art 110 al 7 TUIR a remplacé l’art 76 TUIR qui s’est substitué à l’art 75 du DPR du
29/09/1973 n°597 dont c’est l’alinéa 4 qui instaura le moyen de lutte contre la manipulation
des prix de transfert. Cet alinéa 4 fut intégré au DPR n°597/73 par l’art 38 du DPR du
30/12/1980 n°897. il semblerait que l’ensemble des conventions signées par l’Italie offrait
159
jusqu’à la fin des années 70, une base suffisante pour réintégrer les bénéfices indirectement
transférés.
L’intervention du législateur italien postérieure à la convention de 1977 explique cette
similitude qu’il y a entre la rédaction de la disposition italienne et celle de la stipulation de l’art
9 convention OCDE mais qu’on ne retrouve pas du tout dans la disposition française du fait de
son antériorité.
Cette transposition de l’art 9 modèle OCDE dans la législation interne italienne lui a permis
d’étendre son champ d’application à toute société présente sur le territoire national sans
contrepartie d’accord bilatéral.
Le cadre légal spécifique à la lutte contre la manipulation des prix de transfert se trouve donc,
en droit italien à l’art 110 comma 7 nuovo TUIR et en droit français à l’art 57 CGI :
Art 110 al 7 TUIR :
“ I componenti del reddito derivanti da operazioni con società non residenti nel territorio dello
Stato, che direttamente o indirettamente controllano l'impresa, ne sono controllate o sono
controllate dalla stessa società che controlla l'impresa, sono valutati in base al valore normale
dei beni ceduti, dei servizi prestati e dei beni e servizi ricevuti, determinato a norma del comma
2, se ne deriva aumento del reddito; la stessa disposizione si applica anche se ne deriva una
diminuzione del reddito, ma soltanto in esecuzione degli accordi conclusi con le autorità
competenti degli Stati esteri a seguito delle speciali "procedure amichevoli" previste dalle
convenzioni internazionali contro le doppie imposizioni sui redditi. La presente disposizione si
applica anche per i beni ceduti e i servizi prestati da società non residenti nel territorio dello
Stato per conto delle quali l'impresa esplica attività di vendita e collocamento di materie prime
o merci o di fabbricazione o lavorazione di prodotti.”
« Les composantes du revenu provenant d’opérations avec des sociétés qui ne résident par sur
le territoire de l’État, qui contrôlent directement ou indirectement l’entreprise, ou qui sont
elles- mêmes contrôlées ou qui sont contrôlées par la même société qui contrôle l’entreprise,
sont évaluées sur la base de la valeur normale des biens vendus, des services offerts ou des
biens et services reçus comme prévu à l’alinéa 2, s’il en résulte une augmentation du revenu ;
la même disposition s’applique s’il en résulte une diminution du revenu mais seulement en cas
d’exécution des accords conclus avec les autorités compétentes des États étrangers qui
160
prévoient une clause spéciale de « procédure amiable » prévue par les conventions
internationales contre la double imposition des revenus. La présente disposition s’applique
également aux biens et services proposés par des sociétés étrangères qui ne résident pas sur le
territoire de l’État mais pour le compte desquelles l’entreprise réalise des activités
commerciales et de stockage de matières premières ou de marchandises ou de fabrication ou de
transformation de produit. »
Art 57 CGI :
"Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la
dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices
indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution du prix
d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les
comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance
d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de
France.
La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec
des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le
régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A..."
Les deux articles se veulent similaires puisqu’ils existent pour encadrer la même problématique.
Nous nous proposons d’analyser les différentes conditions nécessaires à l’application de ce
dispositif et notre étude se voulant comparée, nous ne manquerons pas de marquer les
différences d’interprétation qui pourraient être générées en pratique ou par le choix des termes
utilisés. Pour appliquer cette présomption de transfert indirect de bénéfices, l’administration
doit apporter la preuve que d’une part les entreprises qui entretiennent des relations
commerciales appartiennent au même groupe et que d’autre part la détermination du prix de
vente issu de leurs relations n’a pas été régie par le principe de pleine concurrence.
161
Section II / Les sujets concernés par la manipulation des prix de transfert :
l’entreprise et la société commerciale
Le dispositif tiré de l’art 9 modèle OCDE s’applique aux groupes internationaux qui par
définition constitue un ensemble d’entreprises ou sociétés dont au moins deux d'entre elles sont
situées sur des territoires distincts.
Le groupe de société forme une réalité économique dont chacune des entités doit légalement
revêtir une forme juridique pour pouvoir commercer. Il semble donc important de définir ce
qu’est une entreprise et une société.
Il n’existe pas de définition juridique de l’entreprise même si le droit français comme le droit
italien y font souvent référence.
L’entreprise est une notion décrite par les sciences économiques qui sont venues au fil du temps
préciser son sens. Elle peut se définir comme : « une structure économique et sociale qui
regroupe des moyens humains, matériels, immatériels (service) et financiers, qui sont combinés
de manière organisée pour fournir des biens ou des services à des clients dans un
environnement concurrentiel (le marché) ou non concurrentiel (le monopole) avec un objectif
de rentabilité. » 145
Les auteurs la définissent également comme « l’expression concrète de la créativité dans l’ordre
de satisfaction des besoins matériels ou immatériels »146 qui permettra la réalisation de revenu.
Le législateur ne s’est pas attelé à fournir une définition juridique de l’entreprise car le droit
commercial est une matière qui s’intéresse principalement au sujet de droit, détenteur d’une
personnalité juridique, et surtout aux actes de ces sujets qui sont générateurs d’obligations.
L’entreprise par nature n’a pas de personnalité juridique, elle constitue une entité économique
abstraite qui doit soit revêtir une forme juridique soit être rattachée à un sujet de droit pour
entrer dans le cadre légal.
C’est pourquoi nos législateurs ont précisément défini les éléments qui confèrent à l’entreprise
une reconnaissance juridique.
145
C. Champaud et J. Paillusseau, « L’entreprise et de droit commercial », Coll. Dossier U. Armand Colin, Paris 1970,
p. 234. 146
Ibidem.
162
L’entreprise commerciale doit avoir une forme juridiquement reconnue pour exister, à défaut
elle n’est pas autorisée à faire du commerce, son activité principale. Le commerce se traduit par
l’action d’acheter ou de produire des biens ou des services en vue de les revendre afin d’en tirer
un bénéfice. Ce qui signifie que le commerce est avant tout un acte.
Les droits commerciaux français et italien se veulent très proches car ils ont tous deux une
source identique, le code du commerce napoléonien de 1807.
L’art 121-1 du code du commerce de 2000 et l’art 8 « del codice del commercio » 147 de 1882
qualifient à l’identique les commerçants comme : : « ceux qui exercent des actes de commerce
et en font leur profession habituelle. »
L’acte pour être réputé commercial doit revêtir un caractère habituel, répété. La récurrence est
une condition de la professionnalité, elle fait de la personne concernée un être rompu à ce type
d’activité. C’est ce qui permet de la distinguer du vendeur occasionnel qui du fait de son
manque de qualification ne peut se voir opposer des règles spécialement édictées pour des
agents économiques avertis. Donc toute personne qui effectue de façon habituelle des
opérations d’achat et de revente sera juridiquement qualifiée de commerçant, même si elle ne se
considère pas comme telle et n’a pas fait les démarches administratives obligatoires (inscription
sur les registres du commerce et/ou des sociétés).
La jurisprudence148 nous rappelle que l’idée de la répétition doit être liée à celle de la
rentabilité. Le terme de professionnel implique de façon basique que la personne effectue cette
activité afin d’en vivre, elle doit donc en tirer un bénéfice économique. L’acte entrepris doit
avoir une optique lucrative, à défaut il ne pourra être qualifié de commercial.
L’acte de commerce n’est pas défini de façon précise dans nos législations respectives mais
présenté sous la forme d’une liste non exhaustive d’activités qui sont considérées comme
commerciales. Il s’agit notamment des actes de négoces, les opérations industrielles,
financières, de prestation de service ou d’intermédiaires (acte de commerce par nature) et toutes
les opérations qui leurs sont liées. La cession de part de société pour en obtenir le contrôle (acte
de commerce par la cause) ou l’affacturage, la lettre de change (acte de commerce par la
forme). L’acte de commerce ne peut être isolé, il doit être habituel. Cela traduit l’idée de
l’exercice d’une activité professionnelle vue dans sa globalité, c’est pourquoi tous les actes qui
participent à la réalisation de cette activité seront réputés comme étant de commerce
147
Art 8 codice di commercio 1882 "Sono commercianti coloro che esercitano atti di commercio per professione
abituale, e le società commerciali" 148
Cassazione civile , sez. III, sentenza 19.06.2008 n°16612
163
conformément à la théorie juridique qui veut que l’accessoire suit le principal. La qualité de
commerçant suffit à faire de toutes les opérations qu’ils réalisent des actes de commerce même
si par nature elles ne le sont pas.
Dans notre ordonnancement juridique, le droit commercial jouit de sa propre autonomie comme
dans la plupart des autres pays européens et cela depuis de nombreuses années. Au milieu du
XXème siècle, l’Italie qui se trouvait dans un contexte politique particulier a souhaité se
détacher de ses pays voisins. Le législateur italien est venu mettre fin à cette distinction entre
droit commercial et civil en adoptant un « codice civile » en 1942 qui reprend les dispositions
de l’ancien code du commerce. Le « codice del commercio » de 1882 est donc abrogé , et la
matière commerciale perd son autonomie. Ce choix s’explique entre autre par la volonté
d’unification du droit des obligations mais aussi par le souhait de faire prévaloir cette discipline
(droits des obligations et des contrats) sur celle des droits dits réels (droit de propriété). Cette
commercialisation des rapports civils149 expliquerait pour certains auteurs : « le passage de la
figure de commerçant (codice del commercio) réputé comme spéculateur à celle d’entrepreneur
(codice civile) vue comme créateur de richesse »150 et qui contribue à la croissance du pays.
Ainsi L’art 2082 du code civil italien151 vient nous définir l’entrepreneur comme celui : « qui
exerce professionnellement une activité économique organisée afin de produire ou d’échanger
des biens et des services ». Cet article est une transposition étendue de la notion de commerçant
prévue à l’art 8 de l’ancien code du commerce italien152.
Le statut de commerçant est remplacé par celui d’entrepreneur commerçant que l’on retrouve à
l’art 2195 cc italien (dans les actes ces deux statuts se confondent). L’entrepreneur prend le
qualificatif de commerçant par les actes spécifiques qu’il réalise.
En droit français, la qualification de commerçant est génératrice d’obligations particulières et
soumet le professionnel à un régime statutaire spécifique voire contraignant prévu par le code
du commerce.
Afin d’aider à la qualification d’entreprise commerciale, la doctrine est venue fournir des
critères tirés des dispositions légales et qui permettent de déterminer l’acte commercial. Il
149
F. Galgano, Diritto commerciale, L’imprenditore, Bologna, 1982. 150
“Le sociètà dall’unità d’Italia al codice civile del 1942” in rivista della scuola supériore dell’economia e delle
finanze 151
Art 2082 codice civile 1942 “È imprenditore chi esercita professionalmente una attività economica organizzata al
fine della produzione o dello scambio di beni o di servizi.” 152
Art 8 codice di commercio 1882"Sono commercianti coloro che esercitano atti di commercio per professione
abituale, e le società commerciali"
164
s’agirait d’un « acte que réalise une entreprise dans la circulation des richesses, effectué avec
l'intention de réaliser un profit pécuniaire »153. Les trois critères qui se dégagent de cette
définition sont : l’entreprise qui se traduit par la production d’un bien ou d’un service,
l’entremise dans la circulation des richesses qui est le fait d’intervenir par une opération d’achat
et de revente entre le producteur initial et le consommateur final, et enfin la spéculation qui
nécessite que la vente intervienne en vu d’obtenir un profit dont le montant sera relatif à la
fluctuation du marché.
Ces critères de commercialité autorisent l’administration à appliquer les règles en matière
commerciales qu’elles soient prévues dans un code particulier ou général.
Cela permet surtout de retenir les règles du droit fiscal qui s’impose à ce régime spécifique.
Ainsi l’art 57 CGI et 110 al 7 TUIR trouveront à s’appliquer des lors que les activités au sein
des entreprises du groupe seront légalement prévues ou répondront à un ou plusieurs de ses
critères ci-dessus présentés. La manipulation des prix de transfert implique nécessairement la
facturation (l’achat ou la vente) d’un bien ou d’un service. Cette opération permet d’intervenir
sur les profits qui seront déclarés par l’une et l’autre entité du groupe.
Le caractère spéculatif de l’acte commercial est donc une donnée essentielle à la problématique
des prix de transfert car la difficulté des autorités sera de faire une juste estimation du bénéfice
qui aurait être perçu par l’une ou l’autre entreprise. Cela est d’autant plus compliqué dans le
sens où la spéculation fluctue avec le marché en général et les marchés locaux en particulier.
Quelque soit le droit applicable, le critère essentiel à retenir pour caractériser une entreprise
commerciale sera celui de la recherche d’un bénéfice par la vente habituelle de biens ou
services et cela quelque soit sa dénomination juridique.
C’est cette définition d’entreprise commerciale qui figure clairement à l’art 57 CGI.
Le vocabulaire « entreprise » se traduit littéralement en italien par le mot « impresa », nous le
retrouvons également dans la rédaction de l’art 110 al 7 TUIR, l’équivalent de notre art 57 CGI,
mais le législateur italien a souhaité le rattacher au terme « sociètà » qui signifie société.
L’étymologie du mot « société » vient du latin « societas » (l’union) dérivé de « socius » utilisé
pour représenter un associé, un compagnon.
153
Prof Y.Guyon : « Droit des affaires, tome 1 Droit commercial général et des sociétés » 9ème
éd , économica.
165
La société peut donc se définir comme un contrat passée entre deux ou plusieurs individus qui
s’engagent à unir leurs moyens afin d’atteindre un objectif commun. L’union de ses individus
peut poursuivre diverses finalités comme l’instauration d’un cadre de vie, le développement
culturel, social ou la réalisation de profit. En droit des affaires, la constitution d’une société
confère une existence légale à une activité licite qui se voudra lucrative. Cette notion de contrat
de société se retrouve dans le code civil italien à l’art 2247 et dans des termes identiques à l’art
1832 du code civil:
«Con il contratto di società due o più persone conferiscono beni o servizi per l' esercizio in
comune di un' attività economica allo scopo di dividerne gli utili. »
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat
d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vu de partager le bénéfice
ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ».
Cette définition classique est à relativiser depuis la 12ème directive 89/667/CEE du conseil, du
21/12/1989 sur le droit des sociétés qui a permis d’instaurer des sociétés à associé unique. La
France qui avait déjà créé par la loi du 11/07/1985 l’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité
Limitée EURL a instauré la Société Anonyme Unipersonnelle154 en 1999 mais uniquement sous
la forme simplifiée, se refusant à étendre ce concept au Société Anonyme classique155. Le
législateur italien quant à lui a prévu par la loi n°133/97 la « Sociètà a Responsabilità
Limitata Unipersonale » codifiée à l’art 2463 al 2 puis a instauré par DL n°6 du 17/01/2003 la
« Sociètà Anomima Unipersonale » codifiée à l’art 2338 cc.
Il est intéressant de noter que le législateur français n’a pas attendu la décision du conseil CE en
optant pour la dénomination d’ « Entreprise » et non de « Société » à Responsabilité
unipersonnelle. A l’inverse, le législateur italien a agit plus tardivement et a retenu la
dénomination de « Società » mais il est allé plus loin que son homologue français en autorisant
un seul associé à créer une SA classique. Le parlement français a débattu sur cette extension
lors d’un amendement à la loi breton n°842 du 26/07/2005 mais celui-ci n’a pas été entériné.
Quoiqu’il en soit qu’il s’agisse d’une union de personnes ou de la volonté d’un seul, la création
et l’enregistrement d’une société par les pouvoirs publics confèrent à la société une personnalité
154
S.A.S.U. instituée par la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 155
Rejet amendement à la loi Breton n°842 du 26/07/2005
166
morale. Grâce à celle-ci l’entité créée aura la capacité juridique afin d’œuvrer en toute légalité
au développement de son entreprise commerciale pour en tirer un bénéfice.
Le terme de « société » que ce soit en langue française ou italienne représente donc le cadre
juridique dans lequel s’exerce une activité économique. L’entreprise ou « impresa » représente
l’objet ou « lo svolgere » pour lequel la société a été instituée. Le législateur italien a choisi de
lier, dans son art 110 al 7 TUIR, l’activité commerciale à son enveloppe juridique: « con
sociètà' non residenti nel territorio dello Stato, che direttamente o indirettamente controllano
l'impresa »156. A l’inverse ,la disposition du code général des impôts (CGI) ne fait pas apparaître
la notion de « société » dans son texte : « les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui
possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France »157.
Ceci ne constitue pas un oubli de la part du législateur mais bien une volonté de favoriser le
terme « entreprise », pourtant issu des sciences économiques, à celui de « société » issu des
sciences juridiques. Le législateur français a pris le soin de conserver strictement le même terme
« entreprise » présent dans l’art 9 modèle OCDE et utilisé de façon exclusif pour qualifier les
personnes intéressées par cette stipulation.
Ainsi la rédaction offre à l’art 57 CGI un champ d’application beaucoup plus large car il ne tient
pas compte de la société comme acte juridique mais de l’entreprise comme réalité économique
dont la finalité est la réalisation d’un profit qui se doit d’être imposé.
Le terme « entreprise » ou « impresa » offre au dispositif qui permet de lutter contre la
manipulation des prix de transferts une efficacité et une sécurité accrues grâce à une
interprétation non équivoque de la loi qui s’étend à toute forme d’entreprise et donc de sociétés.
L’alliance des deux termes dans la disposition italienne permet de garantir un degré
d’application relatif à celui issu de la loi française mais il pourrait prêter à discussion. La
différence de rédaction s’explique par le besoin du législateur italien de faire apparaître la
définition juridique qui s’applique au concept économique. Ceci provient de la culture juridique
de ce législateur qui comme il a été dit en introduction ne doit pas manquer de rappeler dès que
possible le principe ou cadre juridique général qui s’applique à une spécificité de droit ou de
fait. L’utilisation de la seule notion d’entreprise dans le texte de loi ne remet pas en cause la
qualification juridique de l’entité qui pratiquerait l’évasion fiscale par la manipulation des prix
156
Art 110 comma 7 TUIR 157
Art 57 CGI
167
de transfert alors que celle de société peut offrir un moyen de contredire l’application de l’art
110 al 7 TUIR. Une filiale italienne pourrait être détenue par une personne morale étrangère
avec qui elle effectuerait des manipulations de prix de transfert mais celle-ci pourrait avoir une
dénomination juridique différente de celle de société et prendre par exemple la forme d’une
d’association dont l’objet se voudrait conforme au droit étranger auquel elle est rattachée.
L’administration française au vu de la lecture de l’art 57 CGI qui traite uniquement de
l’entreprise n’a pas eu besoin de préciser ce point et le juge français n’a eu aucune difficulté à
qualifier d’entreprise, l’activité économique d’une association domiciliée au Liechtenstein en se
basant sur le motif que celle-ci poursuivait un but lucratif158, en l’espèce elle commercialisait
les œuvres de ses adhérents, artistes handicapés, dont elle tirait un profit qu’elle mettait en
réserve.
Dans ce cas, le statut d’association pourrait rendre inapplicable l’art 110 al 7 TUIR et écarter
toute réintégration des bénéfices indirectement transférés.
Il a fallu un texte réglementaire, la circulaire n°32/1980159, qui est venue éclaircir ce point et
préciser que le terme de société doit être interprété dans sa plus ample conception. Il en résulte
que c’est le concept d’entreprise rattaché à l’art 2082 cc, en tant qu’activé économique créatrice
de richesse dont il faut tenir compte pour permettre une réintégration des bénéfices sur la base
de l’art 110 al 7 TUIR.
Par principe une association de droit français ou de droit italien n’est pas concernée par le
dispositif légal de lutte contre la manipulation des prix de transfert car le but poursuivi se veut
exclusif de tout enrichissement financier de ses adhérents. Mais elle peut tout de même exercée
en toute légalité, une activité commerciale accessoire ou principale afin de promouvoir l’objet
pour lequel elle a été créée.
En France, lorsque l’activité commerciale de l’association est accessoire c’est à dire qu’elle
n’est pas prépondérante par rapport à ses missions non lucratives, le mode de gestion de
l’association est dit désintéressé. Alors elle bénéficie d’une franchise d’imposition si le montant
de son chiffre d’affaire issu du secteur commercial n’excède pas les 60 000 euros par exercice.
Dans le cas où l’activité lucrative de l’association est prépondérante, alors son mode de gestion
sera considéré comme intéressé et l’association sera immédiatement soumise aux mêmes règles
158
CE, 24 février 1986, Req. n° 54.683 Droit fiscal, 1986, n° 22. comm. 1065 ; RJF 4/84 n° 354,conclusions Fouquet,
p. 200 ; CE sect. 12 février 1988, n° 50.368, CIL, RJF 4/88 n° 409, conclusions Le Roy, p. 217. 159
Circolare 22/09/1980 n° 32 prot n°9/2267
168
que celles appliquées aux sociétés. Le but est de préserver les autres sociétés de toute
concurrence déloyale.
La législation italienne opère cette même distinction entre activité non commerciale et
commerciale de l’association qui mérite d’être imposée comme des sociétés.
Il existe aussi des règles fiscales spécifiques qui peuvent s’avérer très favorables. La loi
n°98/1991 prévoit un régime particulier et une récente circulaire160 de l’Agenzia delle Entrate
de 2013 rappelle que les associations peuvent opter pour un régime simplifié lorsque leurs
revenus commerciaux de l’année n’excèdent pas les 250 000 euros.
Dans ce cas, il est appliqué au chiffre d’affaire déclaré un coefficient de 3 % dit « coefficiente di
redditività »161 afin d’établir le montant final qui sera imposable au taux de l’Imposta sul
Reddito delle Sociètà (IRES) fixé à 27,5%.
Prenons comme exemple une association qui aurait opté pour ce dispositif et qui déclare un CA
de 200 000 euros. L’administration fiscale italienne va appliquer à ce montant le coefficient de
3% pour obtenir le montant imposable : 200 000 x 3%= 6000 euros. L’association sera donc
imposée pour ces activités commerciales sur un montant de 6000 euros auquel sera appliqué le
taux de l’IRES de 27,5% : 6000 x 27,5% =1650 euros. Au final, l’association qui aura réalisé
200 000 euros de CA devra s’acquitter d’un montant de 1650 euros pour honorer ses obligations
fiscales.
Il est à noter que ce dispositif n’opère pas de distinction entre activités commerciales
accessoires ou principales pour être applicable. Le bénéfice qu’il offre en matière fiscale est très
avantageux et pourrait être la source d’une optimisation voire d’une évasion fiscale pour un
groupe de sociétés qui saurait inclure une association dans son processus de fabrication ou de
commercialisation.
L’association peut se voir considérée comme une société de part ses activités commerciales
licites mêmes si les règles fiscales diffèrent selon nos pays. L’absence de distribution des
bénéfices n’est donc pas un critère exclusif des dispositifs de lutte contre la manipulation des
prix de transferts.
De même, une association étrangère qui exercerait des activités considérées comme non
commerciales selon sa législation nationale ne sera pas exemptée de l’application des articles 57
160
Circolare 9/ E del 24/04/2013 161
25 della legge 13 maggio 1999, n. 133
169
CGI et 110 al 7 TUIR si ces mêmes activités sont considérées comme commerciales dans nos
pays.
L’avantage d’opter pour la seule conception économique comme dans l’art 57 CGI et 9 modèle
OCDE permet d’y inclure facilement toute activité génératrice de richesses quelque soit le statut
juridique de l’entité qui les réalisent. Cela offre une transparence indiscutable quant au cadre
normatif qui sera appliqué aux opérations réalisées entre deux entités appartenant à un même
groupe. Et informe clairement le groupe de la prise en compte du caractère réel des opérations
réalisées des lors que l’entreprise qui y participe est rattaché à la juridiction fiscale française.
Il se devra donc de faire une bonne application du principe de pleine concurrence lors de la
facturation ou du paiement des produits.
Il en est de même pour les entreprises dites sociales, dont l’Italie fut un des premiers pays à
mettre en avant ce concept. L’« impresa sociale » se traduit par l’exploitation d’une activité
économique dont la finalité n’est pas la recherche du profit mais la recherche d’un intérêt
général (social, sociétal, environnemental). Le DL n°155/2006162 instituant l’entreprise sociale
définit dans sont art 2, les secteurs d’activité auxquels peuvent s’appliquer ce statut spécial. Il
s’agit entre autre de la gestion des biens culturels, la formation universitaire ou des adultes, de
la recherche pour la protection de l’environnement. De plus, l’alinéa 4 dudit art 2 nous indique
que toute entreprise peut obtenir le statut d’ « impresa sociale » si sa masse salariale est
constituée d’au moins 30% de personnes handicapés ou dites désavantagés. L’entreprise sociale
est formellement constituée et régit par des dispositions de droit privé. Le droit italien la définit
comme ayant une « activité productrice d’utilité sociale »163. Elle exerce une activité
économique classique mais il est impossible de distribuer les dividendes de façon directe ou
indirecte entre les associés ou envers les salariés. Ils ne peuvent être utilisés que pour
poursuivre la finalité sociale que l’entreprise s’est fixée dans les statuts. C’est à dire que les
personnes qui se trouvent au sein de l’entreprise ne sont pas au service de l’activité économique
mais c’est l’activité économique qui est au service de ces personnes ou d’une cause. La
considération économique de l’entreprise, qui par nature a toujours contribué à la réalisation des
individus, est supplantée par l’intérêt sociétal. Dans une configuration classique, l’entrepreneur
contribue socialement à la réalisation de l’individu car il lui donne un moyen de subsistance.
Mais cette considération sociale naît de la volonté d’enrichissement personnel. Alors que
162
Decreto Legislativo 24 marzo 2006, n. 155, attuativo della legge delega 13 giugno 2005, n. 118 163
DL ONLUS n°460/1997
170
l’entreprise sociale est créée pour pallier aux difficultés inhérentes à la conjoncture économique
en exaltant l’aspect social de l’entreprise économique afin de contrecarrer la destruction
d’emploi. Celle-ci étant une conséquence directe de l’étouffement de l’entreprenariat.
Par cette approche sociale, ce n’est plus le capital humain qui au service de l’économie mais
l’économie qui est au service du capital humain. La gestion de ce type d’entreprise change
radicalement car l’idée d’une rentabilité maximale est abandonnée au profit d’une rentabilité
raisonnée ou de lucrativité limitée. Ce point est important car il signifie qu’une entreprise
commerciale dont l’effectif salarial serait constitué de personnes désavantagées à hauteur de
30% ne serait pas tenue de rechercher à maximiser son profit ou tout au moins à appliquer des
taux de rentabilité habituellement pratiqués dans le secteur donné. Ce qui lui permettrait
d’acheter à un prix supérieur ou de vendre à un prix inférieur à celui du marché. Cet aspect est
essentiel car il offre une possibilité de contredire le principe de pleine concurrence en se basant
sur la poursuite d’un intérêt social, ainsi l’administration fiscale ne pourrait pas remettre en
cause les prix pratiqués et par conséquence effectuer une rectification des revenus déclarés en
réintégrant dans sa base taxable les bénéfices qui auraient du être réalisés. Le DL n°155/2006
semble avoir prévu cette possibilité, c’est pourquoi son art 4 al 3 n’autorise pas les sociétés ou
groupe de sociétés qui poursuivent un but lucratif à détenir légalement le contrôle ou la
direction d’une entreprise sociale. Pour autant, il n’interdit pas à ces mêmes sociétés de
posséder des parts de cette entreprise sociale du moment qu’elle ne constitue pas la majorité
relative. Ce qui veut dire qu’une firme multinationale peut légalement détenir un maximum de
49% des parts d’une entreprise sociale qui conduirait une activité commerciale classique dont
l’effectif salarial répondrait aux prescriptions requises par le DL n°155/2006.
La France et l’UE n’ont pas encore adopté de législation spécifique à l’entreprise sociale.
L’UE adhère largement à cette nouvelle approche entrepreneuriale164 et la promeut au travers
des initiatives de la commission européenne car elle pourrait constitué « une solution innovante
pour une Europe durable »165.
Elle pourrait aussi constituer une solution innovante pour les groupes de sociétés dans leurs
stratégies d’optimisation voire d’évasion fiscale si l’UE reprenait les mêmes conditions que
celles prévues par le Décret Législatif sur l’«impresa sociale ». Une firme multinationale adopte
164
Commission européenne: « Proposition pour un règlement pour des fonds d’entrepreneuriat social européens »
adoptée le 07/12/2011 165
Comité Economique et Social Européen : « "Les Entreprises Sociales et la Stratégie Europe 2020: des solutions
innovantes pour une Europe durable" 03/10/2012
171
par essence une stratégie globale dans son mode de gestion et par le bais de cette entreprise dite
sociale, elle aura la possibilité de diminuer sa charge imposable dans un des États membres tout
en faisant la promotion de ses relations publiques auprès des gouvernants et des individus
consommateurs.
Outre les exemples précités, un groupe multinational est généralement constitué de sociétés
commerciales.
L’architecture classique d’un groupe multinational veut que l’on retrouve à sa tête la société
holding dite société mère. Le reste des membres qui se situent dans la chaîne de direction à des
échelons inférieurs peuvent être soit des filiales soit des succursales ou bureaux de
représentation.
La logique d’un groupe international est d’être présent sur différents marchés nationaux.
Lorsque la société mère décide de se positionner sur un marché afin de produire et/ou de vendre
des biens ou des services, elle le fera en adoptant l’une ou l’autre structure. Ce choix dépendra
en partie de la législation du pays et surtout du degré d’implantation souhaité.
La société mère met donc en place une stratégie de gestion qui doit garantir les résultats
escomptés ou engendrer le moins de perte possible. Le choix qui s’impose à la société tête de
groupe dépend en partie des risques financiers que comporte cet investissement ainsi que des
conséquences juridiques qu’entraîne l’une ou l’autre option. Le degré d’indépendance qu’elle
souhaite donner à l’entité qui s’installera à l’étranger conditionnera son choix entre les divers
structure qui s’offrent à elle. Si la société décide d’exploiter son activité de façon directe, elle
créera un bureau de représentation ou une succursale. Si la société décide d’exploitation son
activité de façon indirecte alors elle constituera une filiale.
Généralement, la volonté pour un groupe de s’implanter à l’étranger se traduit par son souhait
de commercialiser ses produits afin d’étendre sa clientèle et d’accroître son chiffre d’affaire et
donc son bénéfice.
Selon cette logique, la société réalise principalement de l’exportation c'est-à-dire qu’elle produit
ailleurs pour vendre sur ce nouveau marché. Cette implantation ne nécessite pas des
investissements importants en terme d’immobilisation puisque le produit arrive fini et prêt à la
vente. Dans ce cas présent, l’investissement porte essentiellement sur le volet commercial donc
relationnel de l’entreprise qui misera sur son capital humain. Le personnel dépêché sur place
afin d’instaurer une action commerciale aura pour but final de générer des commandes.
172
Cette équipe d’intervention légère n’a pas besoin de s’ancrer profondément sur le sol national
ce qui juridiquement se traduira par l’instauration d’un bureau de représentation qui comme son
nom l’indique n’est là que pour représenter la société qui se trouve à l’étranger. Il gère les
relations avec la clientèle ainsi qu’avec les pouvoirs locaux, effectue la prospection et peut
mettre en place un système de réseau avec des agents.
Le bureau de représentation est une extension commerciale, un service décentralisé de la société
et sur un plan juridique, elle n’a pas de personnalité morale qui lui est propre. Elle est
totalement dépendante de l’entreprise exportatrice.
L’autre forme d’exploitation directe possible pour la société est celle de la succursale, qui
reprend les mêmes fonctions que celles du bureau de représentation à savoir la
commercialisation des produits mais qui généralement a pour mission supplémentaire la gestion
logistique des marchandises.
D’un point de vue juridique, la succursale ne possède pas de personnalité morale, ni de
patrimoine propre, elle agit pour le compte de la société exportatrice.
Sachant cela, nous pourrions croire que les ventes réalisées par cette succursale seraient
considérées comme de simples exportations et rattachées directement au chiffre d’affaire de la
société.
Ce n’est pas le cas et les bénéfices qu’elle réalise sont imposés selon les règles du pays
d’implantation.
Le choix de l’entreprise exportatrice de vouloir exploiter son activité de façon directe au travers
d’un bureau de représentation ou succursale n’exempte pas ces dernières du paiement de
l’impôt dans le pays d’implantation malgré l’absence de personnalité juridique.
Car nos législations les considèrent comme des entités ayant une certaine stabilité sur le
territoire. Ils sont donc qualifiés « d’établissement stable » dont nous retrouvons la définition à
l’art 5 de la convention fiscale OCDE comme étant : « une installation fixe d’affaires par
l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. ». Le paragraphe
2 de cet article nous énumère quelques exemples d’établissement stable se peut être : « un siège
de direction, une succursale, un bureau, une usine, un atelier, une mine… »
L’art 162 TUIR166 reprend à l’identique cette définition de l’établissement stable. Donc
conformément au principe de territorialité prévu aux articles 209-I CGI et 3 TUIR, les
166
Inséré au TUIR par l’art 1 du Dlg 12/12/2013 n°344
173
succursales ou bureaux de représentation sont considérés comme des entreprises exploitées sur
le territoire national. En conséquence, ils sont imposés conformément aux articles 34 CGI167 et
55 TUIR168 sur les bénéfices réalisés sur ce territoire. Il apparaît une distinction entre la notion
de personnalité juridique et celle de personnalité fiscale.
Cette notion d’établissement stable est une construction purement fiscale qui nécessite la
réunion de 3 conditions pour être applicable. Tout d’abord l’entreprise étrangère qui souhaite
exploiter directement son activité sur le territoire doit y être installée de façon permanente c'est-
à-dire qu’elle possède un local habituel d’où sont gérées les activités de l’entreprise. Par
exemple, une société étrangère qui détiendrait un stand lors d’une foire commerciale ne sera pas
considérée comme étant établie de façon permanente.
Ensuite le but recherché par la succursale au travers de ses activités a pour finalité l’obtention
d’un bénéfice. Et enfin la succursale ou le bureau de représentation doit détenir une certaine
autonomie de gestion c'est-à-dire que le personnel sur place doit avoir un certain pouvoir
décisionnel comme celui d’engager la société qu’il représente au travers de signature de contrat
de vente.
Cet établissement stable contracte directement pour le compte de la société à laquelle il est
rattaché.
Donc dans ce cas de figure, il n’existe pas à proprement dit de relations commerciales entre le
bureau de représentation, la succursale et l’entreprise située à l’étranger c'est-à-dire qu’il n y a
pas de facturation de l’une envers l’autre puisqu’il s’agit de la même personne morale. Il n’y
pas non plus transfert de propriété comme lorsqu’on est en présence de sociétés filiales. La
167
Art 34 CGI : “Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le
revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale,
industrielle ou artisanale.
Il en est de même, dans les mêmes conditions, des bénéfices réalisés par les concessionnaires de mines, par les
amodiataires et sous-amodiataires de concessions minières, par les titulaires de permis d'exploitation de mines et par
les explorateurs de mines de pétrole et de gaz combustibles….” 168
Art 55 TUIR : “1. Sono redditi d'impresa quelli che derivano dall'esercizio di imprese commerciali. Per esercizio di
imprese commerciali si intende l'esercizio per professione abituale, ancorché non esclusiva, delle attività indicate
nell'art. 2195 c.c., e delle attività indicate alle lettere b) e c) del comma 2 dell'art. 32 che eccedono i limiti ivi stabiliti,
anche se non organizzate in forma d'impresa.
2. Sono inoltre considerati redditi d'impresa:
a) i redditi derivanti dall'esercizio di attività organizzate in forma d'impresa dirette alla prestazione di servizi che
non rientrano nell'art. 2195 c.c.;
b) i redditi derivanti dall'attività' di sfruttamento di miniere, cave, torbiere, saline, laghi, stagni e altre acque
interne;
c) i redditi dei terreni, per la parte derivante dall'esercizio delle attività agricole di cui all'articolo 32, pur se nei
limiti ivi stabiliti, ove spettino alle società in nome collettivo e in accomandita semplice nonché alle stabili
organizzazioni di persone fisiche non residenti esercenti attività di impresa.
3. Le disposizioni in materia di imposte sui redditi che fanno riferimento alle attività commerciali si applicano, se non
risulta diversamente, a tutte le attività indicate nel presente articolo.”
174
reconnaissance de la personnalité fiscale permet aux états de taxer les bénéfices réalisés sur leur
territoire. L’art 7 de la convention fiscale OCDE prévoit le mode pour distinguer les bénéfices
réalisés sur son territoire par l’établissement stable. Le ministère de l’économie et des finances
de France précise que les : « bénéfices à attribuer au siège et à un établissement stable
s'entendent de ceux que cet établissement stable aurait normalement réalisés s'il avait constitué
une entreprise autonome. »169 En principe seules les activités effectives de l’établissement
stable doivent être prises en compte dans l’établissement de sa base imposable. Cela veut dire
que les autres opérations qui seraient réalisées directement par l’entreprise auquelle
l’établissement stable dépend ne doivent pas lui être automatiquement rattachées.
Ceci vient exclure toute problématique liée au prix de transfert entre la société étrangère et sa
succursale car celle-ci nécessite obligatoirement l’existence d’un transfert de propriété et la
facturation d’un prix.
La notion de prix de transfert va entrer en compte lorsque la société souhaitera exploiter son
activité de façon indirecte en créant un intermédiaire juridiquement autonome qui lui permettra
d’asseoir sa présence sur le territoire souhaité. Celui-ci sera détenteur de sa propre personnalité
morale et de son propre patrimoine. Il prendra donc la forme d’une société de droit local c'est-à-
dire qu’elle aura la nationalité du pays d’implantation.
Le rôle d’une filiale est celui d’une société classique. Elle développe sa propre activité afin
d’extraire, produire, transformer des biens ou de fournir des services dans un but lucratif.
Généralement, la création d’une filiale permet une meilleure pénétration du marché car la
société est intégrée au tissu économique national, elle répertorie plus aisément les besoins de la
clientèle locale, s’adapte à sa perception et ses goûts, toujours dans un objectif d’accroissement
des ventes.
Son activité commerciale est étroitement liée à la société mère ou aux autres entités du groupe
car c’est à partir d’eux qu’il effectuera son résultat en leur achetant ou en leur cédant des biens
ou services. Les prix pratiquées entre ces sociétés dépendantes revêt un intérêt capital pour la
filiale mais son taux de marge sera en définitif décidé par la maison mère.
Après avoir vu quelles étaient les personnes susceptibles d’entrer dans le champ d’application
de l’art 57 CGI et 110 al 7 TUIR, nous allons nous intéresser à présent au critère subjectif
169
BOI INT DG 20-10-10 § D
175
applicable à ces entreprises et sans lesquelles ce dispositif de lutte contre la manipulation des
prix de transfert ne peut être applicable. Il s’agit notamment de la notion de contrôle qui régit
les relations entres les entreprises appartenant au même groupe.
Section III / Le lien de dépendance : la notion de contrôle
L’art 9 Modèle OCDE est à l’origine de nos dispositions nationales, nous
retrouvons donc la condition de contrôle d’entreprise de cet article dans nos droits internes.
« 1. Lorsque
a) une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction,
ou contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant,
ou que
b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou
au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État
contractant,
et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou
financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient
convenues entre des entreprises indépendantes… »
A lecture de cet article, il est clair qu’un lien de dépendance est requis pour permettre
l’application de ce dispositif (sous section 1). Le principe demande à ce que ce lien de
dépendance soit rapporté par l’administration170 conformément à l’adage: « actori incumbit
probatio » qui veut que la charge de la preuve incombe à celui qui allègue, prévu à l’art L 192
LPF171 et 2697 codice civile172 dont les règles ont été transposées à la matière fiscale173. Mais
170
Instruction 23/07/1998 BOI 13-L-7-98 171
Art L 192 LPF: « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification,
l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission.
Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et
que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités
invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est
soumis au juge… » 172
Art 2697 cc: “Chi vuol far valere un diritto in giudizio deve provare i fatti che ne costituiscono il fondamento. Chi
eccepisce l'inefficacia di tali fatti ovvero eccepisce che il diritto si è modificato o estinto deve provare i fatti su cui
l'eccezione si fonda” 173
Corte di cassazione sentenza 23/09/2011 n°19540
176
nous verrons que ce principe est assorti d’une exception notamment lorsqu’une des entreprises
concernée est située sur un territoire à fiscalité privilégiée (sous section 2).
Sous Section 1. Principe : l’existence d’un lien de dépendance
L’art 9 modèle OCDE énumère toutes les possibilités de dépendance permettant
d’instaurer un pouvoir de contrôle sur une société. Cette relation de dépendance sera juridique
ou de fait avec obligatoirement l’existence d’un centre de contrôle commun. Ce centre
névralgique peut être représenté au sein d’une holding par une société mère ou plus simplement
se caractériser par la présence des mêmes actionnaires majoritaires au sein des deux entreprises
ou des mêmes personnes siégeant au conseil d’administration.
La construction de l’art 9 modèle OCDE est très structurée, pragmatique par rapport à la
problématique des prix de transfert et de son lien de dépendance. Conscient que ces
manipulations sont de prime abord réalisées entre sociétés, il énumère dans son paragraphe1-a
l’entreprise, plus en tant que personne morale, qui peut agir de façon directe ou indirecte sur
une seconde entreprise afin de lui imposer ou de s’entendre sur les prix de vente des produits
issus de leur commerce.
L’utilisation des termes de « direction », « contrôle » et « capital » n’est pas fortuite. Chaque
terme représente une possibilité d’agir sur les prix fixés par une entreprise A envers une
entreprise B. En participant à la « direction », l’OCDE entend dire que l’entreprise A siège dans
le ou les organes ayant légalement compétence pour administrer l’entreprise B. Le terme de
« contrôle » renvoie à un pouvoir décisionnel qui se veut plus factuel comme par exemple
lorsque la société A est le client unique de l’entreprise B. Normalement, elle n’a pas autorité
pour agir sur la gestion de son fournisseur mais dans les faits A détient un pouvoir de vie sur
l’entreprise B. En cas de rupture de contrat, B épuisera rapidement sa trésorerie et se retrouvera
certainement en situation de cessation de paiement.
Le terme de « capital » prévoit l’hypothèse où la société A n’administre pas l’entreprise B, mais
elle en dispose par ses titres de propriétés. Le pouvoir de gérance de l’entreprise peut être confié
à un directoire composé de personnes tierces de A, comme un actionnaire minoritaire de B ou
un président directeur général salarié. L’entreprise A détient un pouvoir de nomination des
177
organes exécutifs, qui lui permit d’imposer ces choix ou politique de prix. L’esprit du
paragraphe 1-a laisse apparaître l’existence d’une relation dominante qui se traduit par une
position majoritaire de l’entreprise A sur l’entreprise B
Dans son paragraphe1-b, l’art 9 modèle OCDE reprend ce lien de dépendance caractérisé par
les mêmes termes de « direction, contrôle ou capital » et les applique aux personnes morales et
surtout physiques qui exerceraient l’un de ces pouvoirs au sein des entreprises C et D.
L’esprit issu de cet alinéa est imprégné d’un sentiment, non pas de domination, mais d’influence
qui s’exercerait par ces mêmes personnes présentes dans les deux entreprises. Leur position
double peut être génératrice d’un conflit d’intérêts ou autrement dit offrir une possibilité
d’organiser une évasion fiscale.
Ce point b du paragraphe 1 vient ainsi étendre le champ d’application de ce dispositif de lutte
contre le transfert indirect de bénéfices en tenant compte de cette relation d’entente qui, à un
degré inférieur à celle de la domination, pèsera sur les choix de ces entreprises. Car dans le cas
où l’entreprise C participerait à la direction, au contrôle ou au capital de l’entreprise D tout en
ayant une position dominante, elle n’aurait pas besoin de la présence des mêmes personnes au
sein de la société C et D, puisque dans la présente hypothèse, C aurait le pouvoir d’imposer ses
conditions à l’entreprise D. Ce qui veut dire que la base légale créée par le paragraphe 1-a
suffirait à justifier la notion de contrôle et par conséquent autoriserait la remise en cause des
prix pratiqués entre C et D.
A contrario, le paragraphe 1-a de l’art 9 ne permet d’appliquer légalement le dispositif de lutte
contre la manipulation des prix de transfert si on ne parvient pas à identifier la société C,
entreprise une et entière comme ayant un lien direct ou indirect, de droit ou de fait avec la
société D. Cette application stricte du paragraphe 1-a de l’art 9 modèle OCDE pourrait être
retenue afin de remettre en cause la condition de contrôle nécessaire à la réintégration des
bénéfices indirectement transférés (par la manipulation des prix de transfert) puisque
l’entreprise C n’a pas été identifiée comme entreprise participant à la direction, au contrôle, au
capital de l’entreprise D.
Le paragraphe1-b écarte cette possibilité et offre un moyen légal de remettre en cause la
pratique des prix s’il s’avère que la société C dans son ensemble n’est pas concernée mais qu’au
sein de celle-ci il existe des personnes physiques ou morales qui participent concurremment et
de quelques manières que ce soit au processus décisionnel qui aboutit à la fixation des prix de
transfert dans l’entreprise C et/ou D.
178
Le paragraphe 1 de l’art 9 modèle OCDE reconnaît la condition de contrôle comme étant
d’abord une relation de domination mais également une relation d’influence. Nous retrouvons
cet esprit dans les termes utilisés pour définir « les relations » entre ces sociétés qui vont à
l’encontre du principe de pleine concurrence. Elles peuvent être « imposées » ou « convenues »
et concernent évidemment des « relations commerciales » qui se traduisent généralement par la
vente ou l’achat de biens, services ou actifs incorporels qui se réaliseraient dans des conditions
contraires à celles qui régissent les rapports entre sociétés indépendantes. Cette relation de
contrôle peut également s’exercer au travers des « relations financières » et se traduire de deux
façons :
La société A peut ne pas commercer avec l’entreprise B mais elle peut lui fournir un soutien
financier au travers de prêts, d’avances qui doivent se réaliser tout en respectant le principe de
pleine concurrence. Par exemple, les taux de prêts pratiqués doivent être conformes à ceux du
marché. A défaut, ces intérêts seront assimilés à un transfert indirect de bénéfices donnant droit
à réintégration. Les abandons de créances et toutes les autres aides non justifiées seront
considérés comme moyens d’évasion fiscale.
L’entreprise B est tenue par le soutien financier que lui apporte la société A. Alors la société A
détient un pouvoir prépondérant qui lui permet d’influencer ou d’imposer les prix que doit
pratiquer l’entreprise B lors du commerce avec une entreprise tiers qui de quelques manières
que ce soit est rattachée à la société A.
A présent, nous allons reprendre les éléments de nos législations nationales qui instaurent cette
présomption de transfert indirect de bénéfices et qui spécifiquement se rapportent à l’idée de
contrôle.
Le dispositif de l’art 110 al 7 TUIR concerne comme il a été analysé précédemment les
entreprises commerciales, il réaffirme l’application du principe de pleine concurrence et
présente cette relation de contrôle qui existe entre sociétés appartenant au même groupe.
Les termes qui nous intéressent plus particulièrement se retrouvent directement au 1er alinéa :
« I componenti del reddito derivanti da operazioni con società non residenti nel territorio dello
Stato, che direttamente o indirettamente controllano l'impresa, ne sono controllate o sono
controllate dalla stessa società che controlla l'impresa, sono valutati in base al valore normale
dei beni ceduti, dei servizi prestati e dei beni e servizi ricevuti…»
179
La disposition italienne se traduit littéralement en français de cette façon :
« Les composantes du revenu provenant d’opérations avec des sociétés qui ne résident par sur
le territoire de l’État, qui contrôlent directement ou indirectement l’entreprise, ou qui sont elles
mêmes contrôlées ou qui sont contrôlées par la même société qui contrôle l’entreprise, sont
évaluées sur la base de la valeur normale des biens vendus, des services offerts ou des biens et
services reçus… »
L’architecture linguistique d’une langue peut nous conduire à une sémantique particulière. La
transcription littérale rend parfois difficile la compréhension d’une idée, nous conserverons l’art
110 al 7 sous sa forme italienne et nous en extrairons les idées qui le composent en nous
référant principalement aux travaux d’interprétation du directeur de l’Agenzia delle Entrate
ainsi qu’à ceux de professionnels du droit tel le professeur et avocat P.Valente.
Concernant la disposition française, l’art 57 CGI reprend à son compte la condition de lien de
dépendance entre société. Nous retrouvons les termes qui nous intéressent aux alinéas 1 et 2
dudit article:
« Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la
dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices
indirectement transférés à ces dernières,[…], sont incorporés aux résultats accusés par les
comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance
d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de
France.
La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec
des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le
régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A.… »
Il apparaît clair que nos législateurs respectifs n’ont pas voulu reprendre à l’identique l’art 9
modèle OCDE. Ils s’en sont tous les deux inspirés et y ont apporté leur modulation par soucis
de personnalisation ou de légitimation de fonction.
La construction juridique et grammaticale de nos dispositions nationales sont différentes et cela
ne s’explique pas uniquement par la syntaxe.
180
Il semblerait que cette fois-ci, le législateur italien ait souhaité s’approcher le plus possible de la
formulation faite par l’Organisme français. Il a tenté de reprendre les diverses possibilités qui
figurent clairement à l’art 9 modèle OCDE.
A l’inverse, le législateur français n’a pas souhaité reprendre la présentation de l’article faite par
l’OCDE.
Il a été plus succinct et a adopté une conception dualiste du contrôle que l’on retrouve au début
et à la fin de l’alinéa 1 de l’art 57 CGI. D’abord, il ne traite que de la position de dominé ou de
dominant c'est-à-dire : « les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le
contrôle d'entreprises situées hors de France ». Cette formulation semble concerner que des
relations de dépendance directe entre une entreprise se trouvant sur le territoire français et une
entreprise présente en territoire étranger. Cette condition d’extranéité laisse penser que le lien de
dépendance doit obligatoirement être tissé avec une société étrangère ; ce qui voudrait dire
qu’une entreprise située en France et qui appartient à un groupe français ne pourra pas être
inquiétée par ce dispositif de lutte contre le prix de transfert puisqu’elle ne subit le contrôle que
de la société française. Donc, si elle commerce avec une société de nationalité étrangère qui
appartient au même groupe il existe un lien entre les deux mais celui-ci n’est pas caractérisé par
la dépendance ou le contrôle. Pour écarter cette possibilité, le législateur est venu préciser à la
fin de l’alinéa 1 que cette dépendance peut s’exercer de façon indirecte commune c'est-à-dire : «
à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant
également le contrôle d'entreprises situées hors de France. » Ainsi la notion de contrôle ou de
dépendance est remplie lorsque les entreprises étrangères concernées appartiennent au même
groupe174 quelque soit leur nationalité.
Le législateur français n’a pas cherché à lister les multiples modalités d’exercice du lien de
dépendance. Il s’est limité au terme de « contrôle » sans reprendre ceux de « direction » ou de
« capital », car celui-ci suffit à traduire toutes les situations de droit ou de fait ce qui permet
d’inclure dans sa perception les deux autres termes comme cités par l’organisme français. A
l’instar de l’art 9 § 1-a convention modèle OCDE, la disposition française n’a pas souhaité
préciser si le lien qui unit les entreprises devait être juridique ou factuel car il n’est pas opportun
de le faire et permet d’éviter toute revendication en la matière.
L’avantage de choisir des propos clairs et généraux est le même que celui que l’on retrouve
dans le choix du législateur de préférer le terme d’entreprise à celui de société. Il permet d’offrir
174
CE 25/01/1989 n°49.847
181
un encadrement très large de l’art 57 CGI qui pourra s’appliquer selon l’administration175 et la
jurisprudence constante176 à toute société liée directement ou indirectement, en droit ou fait
sans qu’on puisse chercher à remettre en cause la forme des liens qui uniraient les sociétés
visées. Ce qui pourrait être regrettable c’est que l’on ne retrouve pas clairement cette idée
d’influence comme l’entend le paragraphe1-b de l’art 9 qui traite de ces mêmes personnes qui
participent directement ou indirectement à la prise de décision des entreprises; certes
l’adjonction du terme dépendance à celui de contrôle pour définir les liens qui unissent des
entreprises ainsi que l’esprit avec lequel la loi a été écrite, induisent cette idée mais elle
n’apparaît pas suffisamment marquée.
Par cette disposition de l’art 57 CGI, le législateur informe toutes les sociétés ou entreprises qui
souhaiteraient s’installer sur le sol français que la condition de dépendance nécessaire pour
présumer de transfert indirect de bénéfices sera appréciée largement et tiendra compte de toutes
les éventualités possibles en matière de contrôle. Ce qui a le mérite d’être clair et semble
assurer une lecture non équivoque du droit.
Concernant l’art 110 al 7 TUIR, le législateur italien a souhaité reprendre en partie le stipulation
de la convention modèle OCDE tout y ajoutant sa griffe :
“ I componenti del reddito derivanti da operazioni con società non residenti nel territorio dello
Stato, che direttamente o indirettamente controllano l'impresa, ne sono controllate o sono
controllate dalla stessa società che controlla l'impresa, sono valutati in base al valore normale
dei beni ceduti, dei servizi prestati e dei beni e servizi ricevuti…”
Nous avons précédemment relevé le choix du législateur d’allier le concept économique
d’entreprise à celui juridique de société. Il précise que la relation de contrôle s’exerce de la
société vers l’entreprise, c’est l’activité économique qui sert à l’évasion organisée par les
sociétés. Le dispositif de lutte contre la manipulation des prix de transfert n’est pas relatif à la
forme juridique de l’entreprise mais à son activité commerciale, ce peut donc être : « tous types
de sociétés commerciales, des entreprises individuelles, des établissement stables de sujets non
175
BOI 4 A-12-11 09/03/2001 176
CE 01/11/1987 n°55.543
182
résidents, et en terme général, tous les sujets passifs capables de produire des bénéfices
industriels et commerciaux comme indiqué à l’art 55 TUIR. »177
Même si l’art 110 al 7 n’est pas aussi exhaustif que l’art 9 de la convention, il indique les
différentes formes de contrôle possibles qui sont couvertes par ce dispositif et qui touchent les
composantes du revenus provenant d’opération avec des sociétés non résidentes qui de façon
directe ou indirecte :
- Contrôlent l’entreprise “Controllano l’impresa”,
- sont contrôlées par l’entreprise “ne sono controllate”,
- sont contrôlées par les mêmes sociétés qui contrôlent l’entreprise “sono
controllate dalle stessa sociètà che controllano l’impresa”.
Afin de mieux apprécier la notion de contrôle en droit italien, nous nous référerons à deux
circulaires qui ne se rapportent pas directement à l’art 110 TUIR al 7 mais qui sont utilisées
pour interpréter cette relation de contrôle. Il s’agit de la circulaire du 22/09/1980 n°32 (prot
n°9/2267) et celle du 12/18/1981 n°42 (prot n°12/1587). Une mesure plus récente datant du
29/09/2010 et émise par le directeur de l’Agenzia delle Entrate nous apporte également un
éclairage. Elle traite de l’obligation de fournir une documentation concernant la politique des
prix de transfert et nous permet d’identifier les trois possibilités de contrôle issues de la
formulation de l’art 110 al 7 TUIR.
L’entreprise dont l’activité « lo svolgere » se déroule en Italie peut dans sa relation avec une
société non résidente appartenant au même groupe, être considérée comme une filiale, une
société holding ou une sub-holding.
L’instruction du 29/09/2010178 nous définit ces termes :
- La filiale est une entreprise ou société résidente qui : « est contrôlée par une autre
société ou entreprise commerciale ou par un autre sujet doté de personnalité
juridique et exerçant une activité commerciale » Et qui « ne contrôle aucune
autre société ou entreprise non résidente » ;
- La société sub-holding est une société résidente qui : « est contrôlée par une
autre société ou entreprise commerciale ou par un autre sujet doté de
personnalité juridique et exerçant une activité commerciale. » Et qui : « contrôle
à son tour une ou plusieurs sociétés non résidentes » ;
177
Piergiorgio Valente “ Manuale del transfer pricing” Capitolo VI p 180 ed 1er Ipsoa 2012. 178
Provvedimento du 29/09/2010 prot. 2010/137654 p 1-2.
183
- La société holding est une société résidente qui : « n’est pas contrôlée par une
autre société ou entreprise commerciale ou par un autre sujet doté de
personnalité juridique et exerçant une activité commerciale » Et qui « contrôle
directement ou par le bais d’une sub-holding, une ou plusieurs sociétés non
résidente.
La notion de contrôle sur laquelle se base l’administration fiscale italienne est la même que
celle définie avec précision par l’art 2359 del codice civile179 sur « les sociétés contrôlées et les
sociétés associées » qui dispose que :
« sont considérées comme sociétés contrôlées :
1) Les sociétés dans lesquelles une autre société dispose de la majorité des droits de vote lors
des assemblées ordinaires ;
2) Les sociétés dans lesquelles une autre société dispose de droits de vote suffisant pour exercer
une influence dominante lors des assemblées ordinaires ;
3) Les sociétés qui sont sous l’influence dominante d’une autre société en vertu des rapports
contractuels contraignants qui les lient à l’autre société.
En vu de l’application du 1) et 2) du 1er alinéa, il est tenu compte également dans le calcul des
droits de votes ceux issus des filiales, des sociétés de fiducie et des intermédiaires ; ne sont pas
inclus les droits pour le compte de tiers.
Sont considérées comme associées, les sociétés sur lesquelles une autre société exerce une
influence notable. L’influence se présume lorsque, lors de l’assemblée ordinaire, une société
détient au moins 1/5 des droits de vote de la société ou 1/10 des droits de vote si cette dernière a
des actions cotées en bourse. »
L’art 2359 constitue une base solide pour qualifier légalement la notion de contrôle car il
définit les différentes formes de contrôle possibles. Le rattachement de cet article à la lecture de
179
Art 2359 codice civile: Sono considerate società controllate:
1) le società in cui un'altra società dispone della maggioranza dei voti esercitabili nell'assemblea ordinaria;
2) le società in cui un'altra società dispone di voti sufficienti per esercitare un'influenza dominante nell'assemblea
ordinaria;
3) le società che sono sotto influenza dominante di un'altra società in virtù di particolari vincoli contrattuali con
essa.
Ai fini dell'applicazione dei numeri 1) e 2) del primo comma si computano anche i voti spettanti a società controllate, a
società fiduciarie e a persona interposta; non si computano i voti spettanti per conto di terzi.
Sono considerate collegate le società sulle quali un'altra società esercita un'influenza notevole. L'influenza si
presume quando nell'assemblea ordinaria può essere esercitato almeno un quinto dei voti ovvero un decimo se la
società ha azioni quotate in borsa.
184
l’art 110 al 7 est opportun voire nécessaire pour garantir un champ d’application étendu du
dispositif de lutte contre la manipulation des prix de transfert. Car il fait état de la notion
d’influence comme on l’a retrouve dans l’esprit de l’art 9 §1-b modèle OCDE.
La circulaire n°32/1980 reconnaît l’intérêt de l’art 2359 cc pour caractériser le lien de
dépendance mais indique à l’administration fiscale que la notion de contrôle présente dans l’art
110 al 7 TUIR ne doit pas se référer exclusivement aux limites posées par l’art 2359 cc.
Pour le Pr. Valente cela signifie que la notion de contrôle issue de l’art 110 al 7 TUIR
comprend à la lecture de la présente circulaire : « toutes les hypothèses d’influence économique
potentielle ou actuelle, déduites des circonstances particulières. »180
Selon cette circulaire, la notion de contrôle se recherche dans les relations juridiques qui
unissent les entreprises mais également dans « les simples situations de fait » s’ils permettent de
démontrer que l’influence économique qu’exerce une société A sur une autre société B peut
créer un lien de dépendance conséquent l’autorisant à intervenir sur les décisions de gestion de
l’entreprise qui aboutirait à l’altération des prix de transfert.
Le Pr P.Valente affirme que l’interprétation faite par la circulaire n°32/1980 sur le concept de
contrôle trouve une correspondance dans le droit européen. Le 7ème directive du conseil de
l’UE181 du 13/06/1983 affirme que contrôle effectif d’une société peut s’exercer même en cas de
participation minoritaire d’une autre personne.
Nous pouvons affirmer qu’il y a une similitude entre cette directive et l’art 2359 cc qui dans son
dernier alinéa fait présumer l’influence d’une société A envers une société B, lorsque la 1ère
détient au moins 1/5 des droits de vote ou 1/10 de ceux-ci si la société est cotée en bourse.
Malgré que tous deux traitent du cas de la participation minoritaire, le vocabulaire utilisé n’a
pas la même portée car la disposition du code civil italien parle d’influence alors que la
directive parle de contrôle effectif. La directive va donc plus loin en affirmant que même en cas
de participation minoritaire, une personne peut avoir le contrôle effectif de l’entreprise. Elle
peut non pas influencer sur son mode de gestion, mais en décider pour elle et fixer une politique
de prix de vente qui lui convient.
La circulaire demande une interprétation étendue de la notion de contrôle et d’influence en se
référant à l’art 2359 cc mais pas seulement ; elle autorise la prise en compte de tous les actes
180
Ibidem p 181 181
Directive n° 83/349/CEE du conseil de l’UE du 13/06/1983
185
qui pourraient imposer ou influencer sur le pouvoir de décision de l’entreprise concernant sa
politique de prix et autres.
Conscient que le lien de dépendance qui unit les entreprises n’est pas seulement juridique, elle
énumère une liste non exhaustive de situations où l’influence économique offre une moyen de
contrôler une autre entreprise de façon directe ou indirecte. En voici quelques exemples :
- La vente exclusive des produits fabriqués par l’autre entreprise ;
- L'impossibilité de faire fonctionner l’entreprise sans le capital, les produits et la
coopération technique de l’autre entreprise ;
- Les membres communs siégeant au conseil d’administration ou dans les organes
de direction ;
- La relation familiale entre les différentes parties ;
- Le soutien financier substantiel ;
- Et en général toutes les hypothèses qui permettent d’exercer une influence sur les
décisions de gestion.
La largesse d’interprétation dont fait état la circulaire n°32/1980 dans la qualification du lien de
contrôle semble surpasser celle qui découle de la lecture de l’art 110 al 7 TUIR, puisque pour
certains auteurs l’art 110 al 7 TUIR fait état de la notion de contrôle dans sa rédaction et ne se
réfère aucunement à la notion d’influence dominante. Il apparaît de ce fait que :
« l’interprétation extensive du concept de contrôle ne soit pas acceptable »182. De ce point de
vue nous pourrions considérer que la circulaire n°32/1980 ne fait pas qu’interpréter le droit
mais crée un champ d’action nouveau qui se réfère à la notion d’influence qui n’a pas été
spécifiquement prévue ou sous entendue par le législateur. Ainsi il en va de la légalité, non pas
générale , mais particulière de cette circulaire lorsqu’elle sert à justifier de la condition de
contrôle prévue à l’art 110 al 7 TUIR.
L’utilisation d’une norme supérieure, la directive du 13/06/1983, pour définir un lien de
dépendance entre une société qui serait actionnaire minoritaire d’une autre société ne pourra
être retenue car celle-ci fait état d’un contrôle effectif de l’entreprise de la part d’un actionnaire
minoritaire et non d’ une relation d’influence de ce même actionnaire.
182
S. Mayr, “Il valore normale nei rapporti fra societa` italiane e controllate estere” , in Corr. Trib., 1990, p. 1993
186
En ce sens, la circulaire n°32/1980 présente une assise juridique de la notion de contrôle en
droit italien qui apparaît plus large que celle prévue dans le droit français, européen ou
conventionnel car elle énumère clairement le terme d’influence. Les autres textes n’utilisent pas
ce terme mais le sous entendent. Du fait de son importance, il apparaît donc essentiel de
retrouver le terme d’influence dans la disposition italienne régissant les transferts indirects de
bénéfices par les prix de transfert.
Il est donc regrettable que cette notion d’influence ne soit pas plus clairement exposée dans
l’article 110 al 7 TUIR. Le renvoi à l’art 2359 cc dont on ne peut avoir qu’une lecture univoque
pourrait offrir un gage de sécurité juridique supplémentaire pour l’entreprise. Certaines
décisions du juge fiscal reprennent cet argument et déclarent : « le concept de contrôle comme il
figure à l’art 110 al 7, doit être interprété à la lumière de l’art 2359 cc et relié aux différents cas
que cette norme prévoit »183.
Pour autant, le législateur n’a toujours pas souhaité relier la disposition fiscale à la disposition
de droit civil. Il laisse ainsi l’administration libre dans son interprétation et l’entreprise dans son
manque de précision. Ce gage d’insécurité juridique est préjudiciable aux affaires et au final
porte atteinte au principe d’égalité des personnes devant la loi car la réintégrations des bénéfices
indirectement transférés ne s’exerce pas de façon automatique à toutes les entreprises mais reste
casuelle.
Le lien de dépendance qui permet d’imposer ou d’influencer sur les prix de vente qui doivent
être pratiqués naissent du rapport juridique qui unit les entreprises, de leurs obligations
contractuelles ou encore de considération factuelles.
La notion de contrôle issue de l’art 9 modèle OCDE apparaît la plus claire et la plus
transparente pour les entreprises qui sont conscientes à la lecture de cette stipulation que toutes
les formes de contrôle ou d’influence seront nécessaires et suffisantes pour justifier d’un lien
de dépendance entre deux ou plusieurs sociétés. Concernant nos législations respectives, elles
ne peuvent se prévaloir de cette totale clarté et obligent les entreprises ou professionnels du
droit à chercher des précisions concernant ce lien de dépendance qui sous entend la notion de
contrôle mais aussi d’influence. Cette dernière notion n’est que trop peu explicite dans nos
183
Sentenza del CTP di Alessandria del 11/12/1995
187
législations internes et pourrait engendrer l’incompréhension d’une entreprise qui se verrait
rectifier ses bénéfices du fait, non pas du fait de son contrôle, mais de son éventuelle influence
envers une autre société qui s’appuierait sur leurs relations commerciales ou sur la présence des
mêmes personnes aux instances de direction. Ce manque de précision peut inciter certaines
personnes à mettre en place un transfert indirect de bénéfices considérant qu’il y a une faille
dans le système ou pousser d’autres personnes qui se sentiraient victime de cette rectification, à
faire valoir leur interprétation de la lettre de l’article devant la juridiction compétente. Il est vrai
que l’un et l’autre cas sont différents car l’intention des personnes n’est pas la même, l’un veut
se jouer du droit et l’autre subit le droit. Mais il n’empêche que le résultat de ces deux cas est à
considérer comme improductifs pour l’entreprise et l’État car il génère des charges financières
supplémentaires.
Nonobstant le principe qui veut que la charge de la preuve incombe à nos administrations, il est
nécessaire que la construction de nos législations soit structurée, cloisonnée afin de limiter les
personnes dans leurs actions ou leurs intentions d’entrer dans l’illégalité.
Car l’administration pourrait s’appuyer sur des éléments de preuve qui n’auraient pas été
envisageables par les entreprises du fait de la lettre de la loi et notamment celle issue de la
législation italienne. Il serait donc préférable que la notion de contrôle issue de nos législations
internes soit claire et qu’elle précise cette notion d’influence dans les textes afin que la lecture
de la loi se rapproche le plus possible de l’interprétation que nos administrations ont du lien de
dépendance. D’autant qu’il s’agit d’une des conditions essentielles pour présumer d’un transfert
indirect de bénéfice dont la preuve doit en principe être rapportée par l’administration.
Sous Section 2. L’exception : La présomption du lien de dépendance
La notion de contrôle et la nécessité de déterminer le lien de dépendance entre
l’entreprise établie sur le territoire et la société non résidente connaissent des exceptions dans
nos législations. La loi italienne instaure une présomption du lien d’influence alors que la loi
française va plus loin en écartant la condition du lien de dépendance dans l’application de l’art
57 CGI.
Ces exceptions ne figurent dans aucun article de la convention OCDE. La convention offre un
cadre général qui propose aux États un ensemble de moyens afin de lutter contre l’évasion, la
188
fraude fiscale et les problèmes de double imposition notamment au travers de la procédure
amiable. Les États sont libres ensuite de moduler et d’amender certaines stipulations.
Dans un souci de combattre l’évasion et la fraude fiscale, nos États prennent des dispositions
pour faciliter le travail de l’administration et permettre la restauration de base taxable des
groupes multinationaux. Dans le commentaire de l’art 9 de la convention , l’OCDE rappelle que
le durcissement des stipulations et l’instauration de mesures dérogatoires comme l’inversement
de la charge de la preuve ne vont à l’encontre de la convention et ne constitue pas une atteinte
au principe de non discrimination prévu par son article 24 .
Les États prennent donc des mesures propres pour renforcer la portée de la convention ainsi que
leurs dispositifs de lutte contre la manipulation des prix de transfert.
Le droit italien instaure une présomption simple concernant la notion d’influence qui permet de
caractériser le lien de dépendance issu de l’art 110 al 7 TUIR. L’art 2359 cc que nous avons
présenté précédemment indique dans son alinéa 3184 sur les sociétés associées que l’influence
est présumée lorsque l’entreprise détient 1/5 des droits de vote de l’autre ou 1/10 lorsque cette
autre société est cotée en bourse. Cette présomption traite de l’influence notable mais ne
s’applique pas à l’influence dominante comme indiquée à l’art 2359 cc al 1-2).
La différence entre influence dominante et influence notable résulte que dans le 1ercas
l’entreprise détient un pouvoir de délibération dit « suffisant » pour intervenir lors de la prise de
décision par l’entreprise ; dans le second cas on considère qu’une entreprise possède en fait, sur
la vie d’une autre société, un poids qui doit être pris en compte par les associés de l’entreprise y
compris ceux qui exercent le pouvoir de direction185
Donc sur la base de la circulaire n°32/1980 si l’administration s’aperçoit lors de ces recherches
qu’une société détient 20% des droits de vote d’une entreprise ou 10% si celle-ci est cotée en
bourse alors cela suffit à présumer du lien de dépendance nécessaire à l’application de l’art 110
al 7 TUIR. L’entreprise qui souhaite éviter la rectification devra entre autre démontrer que cette
détention de part, minoritaire soit elle, n’a pas pesé sur une décision de gestion qui aurait altéré
le caractère normal du prix de vente.
184
Art 2359 al 3 : « Sont considérées comme associées, les sociétés sur lesquelles une autre société exerce une
influence notable. L’influence se présume lorsque, lors de l’assemblée ordinaire, une société détient au moins 1/5 des
droits de vote de la société ou 1/10 des droits de vote si cette dernière a des actions cotées en bourse. » 185
Consiglio nazionale dei dottori commercialisti « Principi contabili e sistemi di controllo e revisione » Titre I section
3 Commissione di studio 18/05/2010 in www.cndc.it
189
Cette exception se référant au droit de vote est la seule qui permette de présumer d’un rapport
de dépendance. Ce qui oblige l’entreprise visée à apporter la preuve du contraire.
Le législateur italien n’a laissé aucune autre possibilité notamment factuelle ou territoriale pour
instaurer une présomption en vu d’appliquer l’art 110 al 7. Il existe un certain équilibre entre
l’interprétation large de la notion de contrôle et d’influence issue de l’art 2359 cc et le caractère
strict et limité de son exception dont on peut regretter qu’elle ne soit pas indiquée à l’art 110 al
7 TUIR.
Le droit français a souhaité instaurer un régime d’exception concernant le lien de
dépendance nécessaire à l’application de l’art 57 al 1 CGI lorsque l’entreprise cocontractante
est située sur un territoire à fiscalité privilégiée. Elle considère que ce lien de dépendance n’a
plus à être recherché lorsque l’entreprise est liée dans ses relations commerciales et/ou
financières à un pays où le régime fiscal est qualifié de plus favorable. Dans ce cas,
l’administration fiscale n’aura pas à s’attarder sur la relation de contrôle entre deux entreprises
et devra se limiter à démontrer le non respect du principe de concurrence dans les relations
d’affaire entretenues entre elles pour rectifier le montant de l’imposition de la société située en
France en réintégrant la part des bénéfices qui a été indirectement versée à l’entreprise située
dans un pays ou territoire à fiscalité privilégiée.
Le qualificatif de territoire ou pays à fiscalité privilégiée est régit par l’art 238 A CGI. Il relève
d’une importance particulière et mérite d’être analysé car il est nécessaire pour écarter
l’exigence du lien de dépendance dans le processus de réintégration issue de l’art 57 CGI.
Les régimes à fiscalité privilégiée plus communément appelé « paradis fiscaux » sont
considérés comme dommageables à la concurrence fiscale dite loyale des États, à cause de leur
niveau d’imposition nul ou relativement plus faible par rapport au pays de référence. Cette
notion de relativité rend difficile toute tentative de définition stricte du régime dit à fiscalité
privilégiée. C’est ce terme qui figure dans nos législations respectives, il a été préféré à la
traduction anglophone de paradis fiscal.
Suite à une demande faite en 1996 par les ministres de finances des États membres de l’OCDE,
et qui porte sur la concurrence fiscale dommageable, l’OCDE a rendu un rapport en date du
09/04/1998 qui nous précise certains critères permettant de qualifier un régime à fiscalité plus
190
favorable. L’OCDE considère qu’ :« il n’existe pas de critère unique, clair et objectif permettant
d’identifier un pays comme étant un paradis fiscal. » 186
Ce rapport met donc en avant quelques éléments pour faciliter son identification :
- Taux effectif d’imposition nul ou faible ;
- Absence d’un véritable échange de renseignements : secret bancaire et
commercial ;
- Absence de transparence dans le fonctionnement des dispositions législatives
juridiques et administratives ;
- Absence d’activités substantielles de l’entreprise ;
- Stabilité économique et politique ;
- Liberté des changes ;
- Secteur financier très développé
Selon ces différents critères, l’OCDE dresse la liste des pays dont la fiscalité est considérée
comme dommageable à la concurrence fiscale. Les États membres ne sont ni liés par les points
retenus par l’OCDE ni par la liste que l’organisme fournit régulièrement.
Ils peuvent donc décider de retenir leurs propres critères et réaliser une liste en conséquence.
Au sein de nos ordonnancements, il existe des articles qui viennent définir les régimes à
fiscalité privilégiée. Cette disposition figure, dans le droit français au pré-cité art 238 A CGI qui
traite de la non déductibilité de certaines charges lorsqu’elles proviennent de personnes
domiciliées dans des régimes à fiscalité privilégiée ; et dans le droit italien à l’art 127 bis
TUIR qui concerne les « entreprises étrangère participatives ».
L’alinéa 2 de l’art 238 A CGI indique que les personnes sont considérées comme :
« soumises à un régime fiscal privilégié dans l’État ou le territoire considéré si elles n'y sont
pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le
montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus
dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y
avaient été domiciliées ou établies. »
186
Rapport OCDE du 09/04/1998 : « Concurrence fiscale dommageable, un problème mondial »
191
L’alinéa 4 de l’art 127 bis TUIR dispose187 à son tour que :
« Sont considérés privilégiés les régimes fiscaux des États ou territoires identifiés, cités par
décret du Ministre des Finances publié au Journal officiel, en raison du niveau de taxation
sensiblement inférieur à celui pratiqué en Italie, de l’absence d’un véritable échange
d’information ou d’autres critères équivalents ».
Il est intéressant de relever la différence d’approche entre le législateur italien et français dans la
qualification du régime fiscal privilégié.
La disposition italienne s’inspire de la vision développée par l’OCDE. Dans sa formulation, on
retrouve la référence à une liste, comme le fait l’OCDE, qui sera fixé par décret du ministre des
finances188 et publié à la Gazette officielle afin que toutes personnes intéressées puissent se tenir
informer. A l’instar de l’OCDE, le législateur italien indique qu’il ne peut y avoir qu’un seul
critère pour définir un paradis fiscal, lui-même en retient deux en particulier et finit la rédaction
dudit article en précisant que d’autres critères équivalents peuvent être pris en compte.
L’avantage de cette formule est de lui octroyer un large pouvoir d’appréciation. La 2ème des
raisons qui expliquerait la qualification de « regimi fiscali privilegiati » vient de l’absence de
véritable échange d’informations entre l’Italie et le pays visé. Il s’agit également du second
critère mis en avant par l’OCDE dans son rapport de 1998. Le premier critère retenu dans ce
document attrait au taux effectif d’imposition et c’est sur point que nos législations nationales
se rejoignent. Car la loi française indique clairement que c’est le montant de l’impôt payé et
donc le taux d’imposition effectif qui sera le critère retenu pour définir un territoire à fiscalité
privilégiée. A l’inverse de l’OCDE, elle confère une certaine objectivité à la définition du
régime fiscal favorable.
Les pays dont les personnes doivent s’acquitter de leur imposition pour un montant qui est
inférieur de plus de la moitié du montant de l’impôt qu’elles auraient payé en France si elles y
étaient domiciliées, entrent dans la catégorie des pays au régime fiscal privilégié.
187
Art 127 bis comma 4 : « Si considerano privilegiati i regimi fiscali di Stati o territori individuati, con decreti del
Ministro delle finanze da pubblicare nella Gazzetta Ufficiale, in ragione del livello di tassazione sensibilmente inferiore
a quello applicato in Italia, della mancanza di un adeguato scambio di informazioni ovvero di altri criteri equivalenti.» 188
Decreto del Ministro delle finanze del 04/05/1999 aggiornato
192
Il est étonnant de noter que le législateur Français n’ait retenu dans sa définition légale qu’un
seul critère, certes primordial pour l’OCDE, et qu’il n’ait laissé aucune opportunité à d’autres
caractéristiques comme l’a fait son homologue italien.
Ce qui est paradoxal du coté de la loi italienne c’est qu’ elle reprend le critère essentiel proposé
par l’OCDE, à savoir le taux effectif d’imposition mais lui substitue le qualificatif de « nul ou
faible » 189 à celui de « sensiblement inférieur » au taux d’imposition pratiqué en Italie.
Il y a un écart de propos flagrant entre l’OCDE et la disposition italienne qui occulte une partie
importante des travaux et remarques faites par l’OCDE. La loi italienne souhaite définir un
contour à la notion de régime fiscal privilégiée tout en proposant un périmètre extrêmement
étendu.
Les conditions de la loi italienne n’étant pas cumulatives190, il suffit qu’un pays applique un
taux d’imposition sur les revenus d’entreprise inférieur à l’IRES dont le taux est de 27,5%, pour
que le gouvernement italien le considère potentiellement comme appartenant à la catégorie des
pays à fiscalité privilégiée. Là encore l’entreprise peut se sentir en position de faiblesse car le
pays dans lequel se situe la société avec qui elle entretient des relations d’affaires peut se faire
déclarer, l’année suivante, comme un régime à fiscalité favorable du fait de son taux
d’imposition des sociétés légèrement inférieur à 27,5%.
La pratique nous rassure sur ce point car la liste dressée par le ministre des Finances correspond
généralement à celle édictée par l’OCDE mais sous couvert d’une définition légale trop large se
cache une position dominante voire arbitraire de l’autorité publique italienne qui nuit au climat
de sécurité nécessaire aux entreprises. La pérennité des affaires nécessite une certaine stabilité
tout comme l’incertitude est un frein au développement économique.
Concernant la manipulation des prix de transfert, il est appréciable que le législateur italien n’ait
pas instauré la même exception que son homologue français à savoir l’absence de recherche de
lien de dépendance en présence d’un pays à fiscalité privilégié. Car celle-ci aurait été trop
aléatoire et juridiquement dangereuse vu la définition du paradis fiscal en droit italien. Ce qui
peut expliquer la position du législateur de ne pas opter pour ce genre d’exception.
189
Ibidem 190
Art 110 al 10 TUIR : “ Non sono ammessi in deduzione le spese […]. Si considerano privilegiati i regimi fiscali di
Stati o territori individuati, con decreto del Ministro[…], in ragione del livello di tassazione sensibilmente inferiore a
quello applicato in Italia, ovvero della mancanza di un adeguato scambio di informazioni, ovvero di altri criteri
equivalenti.”
193
Nous pouvons donc dire que de prime abord que l’intérêt de définir un régime à fiscalité
privilégiée ne porte pas sur la problématique des transferts intra-groupes. Deux solutions, soit le
législateur considère qu’il n’y a pas de rapport entre les territoires à régime fiscal privilégié et
les transferts indirects de bénéfices ; ce qui serait étonnant, soit il existe en droit italien un
dispositif légal plus large qui viendrait englober cette caractéristique de l’évasion fiscale. La
définition des pays à régime fiscal privilégié servirait entre autre à appliquer ce moyen légal de
lutte.
A l’inverse, l’art 238 A CGI se doit d’être clair car sa portée est lourde de conséquence. Cela
permet à tout le monde d’apprécier le caractère privilégié d’un système fiscal. Le critère
objectif portant sur le taux d’imposition effectif nous permet d’affirmer que tous les pays ou
régimes dont le taux d’imposition sur les revenus d’entreprise serait inférieur à 16,66% seront
considérés comme ayant une fiscalité privilégiée.
Un pays ou territoire qui ne pratique aucun prélèvement sur les bénéfices ou les profits
provenant d’une activité professionnelle sera qualifié de fiscalement privilégié (Andorre,
Monaco, Polynésie française, Campione, Koweït)
Un territoire ou pays dont les revenus, profits ou rémunérations présentés à l’art 238 A CGI
sont de sources extérieures et non soumis à l’impôt191 (Liban, Uruguay, Venezuela, Costa Rica)
sera considéré comme fiscalement favorable.
Lorsque le pays pratique une imposition relativement inférieure à celle de la France , il faudra
ce référer au seuil prévu par la loi pour l’inclure dans la catégorie des paradis fiscaux. Afin de
parvenir à une estimation juste du taux de prélèvement, l’administration se base sur trois règles
générales pour effectuer cette comparaison qui :
- Doit s’appliquer à des impôts considérés dans leur ensemble ou tout au moins à
un régime fiscal particulier et non à une imposition spécifique (ex. taux réduit de
certaine catégorie de revenu) ;
- Doit porter sur des impôts de même nature c'est-à-dire ceux auxquels l’entreprise
serait assujettie si elle se trouvait en France compte tenu de sa qualité et de son
statut juridique. S’agissant de l’IS, il faut rechercher le taux de prélèvement
global sur l’ensemble des impositions sur les revenus d’entreprises qui seraient
applicable dans ce pays et tenir compte également des impôts perçus pas
191
Instr. 26/06/1975 BODGI 4 C-8-75
194
seulement par l’État mais par le canton, la fédération, la commune etc.. Ceci afin
d’obtenir une comparaison juste ;
- Doit tenir compte de l’existence de régime fiscaux particuliers mise en place pour
régir des situations juridiques spécifiques tels certains revenus ou activités ou
encore certaines formes d’entreprises (société holding luxembourgeoise non
imposée sur les revenus d’investissement étranger, société de service suisse
imposé à taux réduit ou nul).
Ces règles doivent permettre de définir de façon plus ou moins réaliste le taux d’imposition
global pratiqué sur les revenus de société dans le pays visé. Si au final la charge fiscale est
inférieure à 16,66% alors le pays ou régime entrera dans la catégorie instaure par l’art 238 al 2
CGI.
En matière de prix de transfert, le dénomination de régime à fiscalité privilégiée joue un rôle
important sur la capacité de l’administration française à rectifier la base imposable d’une
entreprise. Elle n’a plus a démontrer le lien de dépendance qui unirait les entreprise ou sociétés
puisque celui-ci est écarté par la loi comme en dispose l’alinéa 2 de l’art 57 CGI qui dispose
que :
« La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue
avec des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France
dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A »
Dès lors qu’une entreprise résidente en France perçoit ou verse des revenus dans le cadre d’une
activité commerciale et dont l’administration estime qu’elle a indirectement transféré des
bénéfices en pratiquant des prix non conformes au principe de pleine concurrence, alors nul
besoin de démontrer le lien de dépendance de droit ou de fait, direct ou indirect qui unit les
parties pour effectuer une réintégration des bénéfices considérés comme évadés si l’entreprise
étrangère appartient à une juridiction dont le régime fiscal est qualifié de privilégié.
Si l’entreprise située en France ne remet pas en cause ce qualificatif de régime fiscal favorable
alors l’administration n’a pas à caractériser le lien de dépendance qui unit les sociétés.
Afin de s’octroyer un autre moyen de défense, l’entreprise doit remettre en cause le caractère
privilégié de la fiscalité du pays où est situé l’autre entreprise. Ainsi elle oblige l’administration
195
à apporter la preuve du caractère privilégié du régime fiscal de l’autre pays. Si le juge ne
partage pas son avis, alors l’administration devra prouver la condition de contrôle. Dans le cas
contraire, la condition du lien de dépendance sera écartée de l’application de l’art 57 CGI.
L’entreprise perd un moyen de contredire la présomption de transfert indirect de bénéfice, il ne
lui reste donc que la possibilité de démontrer le caractère normal de ces relations d’affaires avec
la société située sur un territoire à régime fiscal privilégié pour éviter un rehaussement fiscal.
Nos législateurs ont transposé de façon particulière la notion de contrôle ou d’influence issue de
l’art 9 modèle OCDE. La relation de contrôle est par nature inhérente à tout groupe de société
ou d’entreprise et induit obligatoirement sur le mode de gestion du groupe. Il était naturel et
indispensable de faire de cette relation un élément substantiel de nos dispositifs de lutte contre
la manipulation des prix de transfert. Il est tout aussi naturel de faire peser la charge de la
preuve sur l’administration, c’est d’ailleurs le principe avancé par la convention et posé par nos
législations. Face à la nécessité de combattre l’évasion fiscale et conscient que les paradis
fiscaux constituent un frein important à cette lutte notamment par la pratique de taux
d’imposition faible et l’absence d’échange d’informations. Le législateur français adopte une
position forte en instaurant un régime d’exception qui convient à sa définition des pays à
fiscalité privilégiée.
Le législateur italien a quant à lui adopté un régime d’exception différent qui instaure à l’art
2359 cc al 3 une présomption relative qui s’applique en cas de détention de droit de vote (20%
ou 10% pour les sociétés cotées) et concerne uniquement la notion d’influence notable. Il n’a
pas prévu de présomption qui s’applique à la notion de contrôle et d’influence dominante citées
à l’alinéa 1 dudit article, la preuve de celles-ci sera toujours à la charge de l’administration.
Mais la circulaire n°32/1980 qui demande une interprétation étendue de la notion de contrôle
prévue à l’art 110 al 7 TUIR offre un gros avantage à l’administration. Celui de se prévaloir de
la règle de l’art 2359 cc al 3 pour présumer d’un lien de dépendance entre deux sociétés et ainsi
inverser la charge de la preuve de ce lien de contrôle.
La loi italienne n’instaure pas de présomption fondée sur le caractère privilégié d’un régime
fiscal, mail elle crée une autre présomption rattachée à la situation géographique de l’entreprise
et de ses dirigeants effectifs qui sert à lutter contre le transfert indirect de bénéfices à l’instar de
celle prévue par l’art 57 al 2 CGI. Cette présomption s’applique à tous les revenus des
personnes morales étrangères lorsqu’elles sont la dépendance de résident italien.
196
L’art 73 al 5 bis TUIR192 inséré par loi n° 248/2006 instaure donc une présomption relative en
matière de résidence qui permet de rattacher au territoire national les personnes morales situées
à l’étranger lorsqu’elles contrôlent au sens de l’art 2359 cc al 1 directement ou indirectement
une entreprise résidente italienne et qu’en réalité ces entreprises sont directement ou
indirectement contrôlées ou dirigées par des résidents italiens. Le but de ces résidents italiens
est de mettre en place des sociétés intermédiaires ou écrans qui permettent de dissimuler le lien
entre eux et l’entreprise située en Italie.
Cette présomption de résidence ne concerne pas que les revenus à caractère commercial des
sociétés ou entités mais vaut pour tous leurs revenus comme il en ressort du présent art 73 al 5
bis TUIR193 :
« 5-bis. Sauf preuve du contraire, est considéré comme rattaché au territoire national de l’État,
le siège social des sociétés ou entités, qui détiennent un pouvoir de contrôle, au sens de l’art
2359 al 1 du code civil, sur les sujets visés aux lettres a) et b) de l’alinéa 1, si dans des
conditions alternatives :
a) ils sont contrôlés, même indirectement, au sens de l’art 2359 al 1 cc par des sujets résidents
sur le territoire de l’État ;
b) ils sont dirigés par un conseil d’administration, ou par un organe de gestion équivalent,
composé en majorité par des conseillers résidents sur le territoire de l’État.»
Nous relevons à nouveau l’importance de l’art 2359 cc dont une disposition fiscale fait
référence pour caractériser la notion de dépendance. A l’inverse de la circulaire n°32/1980 qui
fait une interprétation extensive de la notion de dépendance dans le dispositif de lutte contre la
manipulation des prix de transfert ; l’art 73 al 5 bis qui met en place cette présomption limite la
notion de dépendance aux cas prévus par l’al 1 de l’art 2359 cc qui traite des sociétés contrôlées
« società controllate » et plus précisément de la notion de contrôle et d’influence dominante
entre entreprises commerciales.
192
L’art 35 alinéa 13 , du DL n° 223/2006, converti par la loi n° 248/2006, inséré dans l’art 73 TUIR 193
Art 73 al 5 TUIR“ 5-bis. Salvo prova contraria, si considera esistente nel territorio dello Stato la sede
dell'amministrazione di società ed enti, che detengono partecipazioni di controllo, ai sensi dell'articolo 2359, primo
comma, del codice civile, nei soggetti di cui alle lettere a) e b) del comma 1, se, in alternativa:
a) sono controllati, anche indirettamente, ai sensi dell'articolo 2359, comma 1, del codice civile, da soggetti
residenti nel territorio dello Stato;
b) sono amministrati da un consiglio di amministrazione, o altro organo equivalente di gestione, composto in
prevalenza di consiglieri residenti nel territorio dello Stato.”
197
Ce qui veut dire qu’a contrario si ces personnes morales subiraient une influence notable
comme définie à l’al 2 de l’art 2359 cc alors l’administration ne pourrait appliquer le dispositif
issu de l’art 73 al 5 bis et donc le siège social de la société ne sera pas présumé être situé en
Italie. Le législateur a mis en place un régime de présomption uniquement pour les « società
controllate » mais pas pour les « società collegate ».
Il faut que ces sujets contrôlés entrent dans les catégories prévues par les lettres a) et b) de l’art
73 al 1194. Il s’agit de personnes morales situées sur le territoire national qui se sont constituées
en tant que sociétés commerciales sous toutes ses formes ou en tant qu’institutions publiques et
privées exerçant principalement une activité commerciale.
Enfin ces sociétés commerciales et institutions doivent être in fine soit contrôlées, toujours au
sens de l’art 2359 al 1 cc par des sujets résident italiens soit dirigées par un conseil
d’administration dont les membres sont en majorité des résidents italiens.
Une fois toutes ces conditions en cascade réunies, la présomption de résidence est applicable au
siège social de l’entreprise initialement étrangère.
Cette présomption de rattachement n’a pas pour conséquence de rapatrier uniquement les
bénéfices transférés indirectement mais de considérer la société étrangère comme une société
résidente italienne avec toutes les obligations fiscales que cela entraîne. Donc la totalité des
bénéfices réalisés par cette entreprise seront soumis au paiement de l’IRES.
A l’inverse de la circulaire n°32/1980 qui fait une interprétation extensive de la notion de
dépendance nécessaire à la réintégration des bénéfices indirectement transférés ; l’art 73 al 5 bis
est plus restrictif dans l’appréciation de la notion de contrôle.
Concernant la manipulation des prix de transferts, tous les moyens peuvent être retenus pour
qualifier un lien de contrôle, de dépendance ou d’influence dominante, notoire et tout autre type
d’influence comme nous autorise à penser la circulaire n°32/1980.
Ces deux dispositifs ne s’opposent mais se complètent car ils permettent de lutter contre toute
forme d’évasion fiscale d’une façon générale en considérant selon l’art 73 al 5 bis l’ensemble
des bénéfices de la société étrangère comme imposables en Italie;
194
Art 73 al 1 a) et b) TUIR: “1. Sono soggetti all'imposta sul reddito delle società:
a) le società per azioni e in accomandita per azioni, le società a responsabilità limitata, le società cooperative e le
società di mutua assicurazione, nonché le società europee di cui al regolamento (CE) n. 2157/2001 e le società
cooperative europee di cui al regolamento (CE) n. 1435/2003 residenti nel territorio dello Stato;
b) gli enti pubblici e privati diversi dalle società, nonché i trust, residenti nel territorio dello Stato, che hanno per
oggetto esclusivo o principale l'esercizio di attività commerciali;”
198
Dans le cas où l’administration n’arrive pas fournir des éléments probants qui permettent de
caractériser la notion de contrôle ou d’influence dominante en vue de profiter la présomption de
résidence pour rapatrier l’ensemble des bénéfices. Elle pourra chercher à prouver le lien
d’influence notable et surtout profiter de la présomption qui lui est relative prévue à l’art 2359
al 3 cc, afin de rapatrier une partie des bénéfices qui seraient considérés comme indirectement
transférés du fait de la valeur anormale des biens et services vendus.
Les présomptions qui établissent un lien de dépendance entre deux sociétés sont faites pour
faciliter l’action de l’administration dans sa la lutte contre la manipulation des prix de transfert.
Elles permettent d’écarter une des conditions d’application de nos dispositifs légaux. Nos
administrations profitent de ce gain de temps pour se focaliser sur la 2ème condition nécessaire à
la reconnaissance d’un transfert indirect de bénéfices. Il s’agit de l’étude des actes ou relations
entre entreprises, vecteurs de ces transferts indirects de bénéfices.
Section IV / Les actes relatifs à la manipulation des prix de transfert
Le lien de dépendance est primordial pour démontrer l’entente possible entre
différentes sociétés. Aucune société n’aurait intérêt à diminuer sa part de bénéfices pour venir
grossir celle d’une autre entreprise si en définitive la totalité de ces profits n’étaient pas
attribués aux mêmes personnes. Une fois cette relation de connivence possible, les sociétés qui
souhaitent favoriser le chiffre d’affaire d’une entreprise du groupe en vu d’accroître le montants
de dividendes qui seront reversés, doivent trouver un véhicule qui permette de transporter ce
bénéfice jusqu'à la destination désirée. Pour cela, elle vont logiquement utiliser le vecteur des
relations commerciales et financières. L’OCDE a souhaité mettre en exergue ces termes dans la
rédaction de l’art 9 §1 mod OCDE :
«…les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des
conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des
entreprises indépendantes,… »
199
Nos dispositifs légaux de lutte contre la manipulation des prix de transfert cherchent à englober
tous les actes par lesquels des sociétés apparentées exercent un transfert indirect de bénéfices
par manipulations de prix de transfert.
Nous pouvons facilement effectuer un parallèle entre le champ d’application de nos législations
et les moyens issus soit « des relations commerciales » (sous section 1) soit issus des
« relations financières » (sous section 2).
Les propos du législateur français et ceux du législateur italien présents dans l’art 57 CGI et
l’art 110 al TUIR nous indiquent respectivement et en 1er lieu que ce transfert indirect de
bénéfices se réalise au travers des relations commerciales : « soit par voie de majoration ou de
diminution du prix d'achat ou de vente » ou concernent « les biens cédés et les services prêtés ».
Le vocabulaire utilisé est relatif à la notion de commerce.
Ces mêmes articles continuent en nous informant que ces transferts peuvent aussi prendre la
forme de : « tout autre moyen » ou encore de « biens et services reçus ». Les autres moyens
ainsi que les biens ou services reçus ont obligatoirement un intérêt pour le groupe. C’est la
nature financière de ces moyens qui permet de favoriser de façon indirecte l’enrichissement
d’une entreprise par rapport à une autre qui serait située dans un pays où la fiscalité est plus
forte. Ce qui veut dire que si le transfert indirect de bénéfices n’est pas directement issu du
commerce alors il ne peut être que d’origine financière. Ce terme de relations financières
englobe du fait de sa définition très large tout ce qui attrait à l’argent, il permet d’inclure tous
les moyens possibles de manipulation dans le mode de gestion financière d’une entreprise.
Sous Section 1. Les actes relatifs au commerce : la vente de biens ou de services
Ceci nous apprend que la délocalisation artificielle de bénéfice trouve sa source
initiale dans la manipulation des prix de ventes pratiqués entre ces sociétés liées.
Cela passe par l’achat ou la vente à des prix minorés ou majorés de biens et services entre
sociétés apparentées195. Il peut s’agir de biens matériels qui peuvent être naturels, semi-finis ou
finis ; ou encore des biens immatériels comme les activités liées à la recherche et au
développement . Concernant les prestations, il s’agit de toutes celles nécessaires à la production
et la vente du produit (contrôle qualité, marketing) ainsi qu’à la gestion de l’entreprise (Audit,
formation…)
195
CE 02/06/1976 n° 94.758
200
Ces prix sont considérés comme manipulés car ils sont différents de ceux qui sont normalement
pratiqués lors de la conclusion de contrats de vente entre entités indépendantes. Ces dernières
qui subissent la loi du marché sont considérées comme entretenant des relations commerciales
normales. Ils servent de référence à l’administration qui cherchera à démontrer par voie de
comparaison que les prix pratiqués entre ces sociétés dépendantes ne correspondent pas à ceux
habituellement fixés par les opérateurs non liés du secteur.
L’administration va d’abord étudier la nature des relations commerciales entre ces sociétés
apparentées. Puis elle se focalisera sur les contrats de vente ou de prestations puisqu’ils
apparaissent comme la solution la plus courante pour transférer de façon indirecte une partie des
bénéfices.
Le contrat de vente est un contrat synallagmatique prévu par l’art 1102 code civil et comme il
en découle de l’art 1321 del codice civile. Ce qui veut dire que chacune des parties s’engagent
l’une envers l’autre. Dans ce type de contrat, les parties s’obligent à fournir un bien ou service
en échange du paiement du prix. Le prix se doit d’être déterminé à l’avance. Une fois l’objet
proposé et les éléments du prix fixés, les parties s’échangent mutuellement leur consentement.
C’est à ce moment que se crée le contrat de vente. L’exécution de cette convention oblige une
des partie à remettre un bien ou effectuer un service et l’autre à honorer son obligation de
paiement.
Le contrat induit donc deux rencontres, la 1ère est morale et résulte de l’expression de la volonté
des parties. La seconde est matérielle et se traduira par l’échange d’un produit contre le
versement d’une somme d’argent. C’est dans cette relation matérielle que les sociétés liées
trouvent un moyen de transférer une part supplémentaire de bénéfice indu.
Pour fixer le prix de vente d’un bien, une société A calcule le prix de revient de ce bien et y
ajoute sa marge. Dans la problématique des prix de transfert, ce bénéfice normalement attendu
va se voir greffer d’une part de bénéfices supplémentaires qui est préalablement déduite du
bénéfice que la société B réalisera lors de la revente du produit.
Ce gain futur est volontairement abandonné par la société B afin que cette part de bénéfices ne
soit pas imposée au taux relativement plus élevé du pays d’origine de B et qu’elle soit ainsi
préservée de la surpression fiscale exercée par ce pays.
La minoration et la majoration des prix de vente peuvent être utilisées pour déplacer une part de
bénéfices dans le pays où l’imposition est moindre. La manipulation des prix de transfert ne
peut se réaliser que dans un contexte de relations entre professionnels appartenant au même
groupe.
201
Cela veut dire que quelque soit l’activité de chacune de ces entreprises : la production, la
commercialisation ou la gestion, l’objectif final poursuivi par le groupe est de proposer des
biens ou des services à des sociétés ou clients qui n’appartiennent pas au groupe. C’est de là que
se crée la richesse ; elle vient rétribuer l’ensemble de la chaîne de production qui a permis la
vente du produit fini sur le marché libre. Les sociétés contrôlées commercent entres elles mais il
y a aura toujours un indépendant à qui sera vendu le produit final du groupe.
Si on adopte une logique d’intégration verticale ; comme il s’agit d’une chaîne de production,
chacune des entités qui contribue à la fabrication du produit possède comme client final une
société du groupe et ainsi de suite. Celles-ci fonctionnent comme des relais. L’objectif de cette
chaîne de production est de valoriser le produit afin d’accroître au maximum sa valeur
d’échange, quantifiable en monnaie, et obtenir le meilleur prix de vente possible qui sera facturé
au client ultime et surtout extérieur au groupe.
Dans le même esprit, la production de chacune des entités du groupe n’est pas toujours
exclusivement vendue à la société liée qui la succède dans la chaîne de production. Les filiales
jouissant de leur indépendance peuvent commercer avec d’autres entreprises et vendre le fruit
de leur production à ces indépendants. Ainsi, elles contribuent à leur enrichissement et à celui
du groupe et n’attendent pas que leur Chiffre d’affaire proviennent exclusivement de celui-ci.
Ce commerce hors groupe offre des points de comparaison à nos administrations sur lesquels
elles peuvent s’appuyer pour vérifier si les prix pratiqués avec une société contrôlée sont
semblables à ceux fixés lors de la vente de produit identique à une société qui n’est pas liée au
groupe.
La fonction de l’administration est d’analyser les différents prix pratiqués et de démontrer que
les modalités d’exécution du contrat entraînent une disparité soit que le prix pratiqué ne
correspondent pas au marché, dans ce cas l’administration se basera sur des éléments de
comparaison, soit qu’un avantage a été consenti à une filiale étrangère. Dans les deux cas
l’administration doit déterminer le montant des bénéfices qu’elle présume indirectement
transférés. .
Suite à cela, la société aura à charge de démontrer que les prix pratiqués sont conformes au prix
du marché, à la valeur du bien produit ou que l’avantage qui semble avoir été consenti ne
constitue pas un transfert indirect de bénéfices mais provient de la relation commerciale
normale entre ces entreprises ou bien constitue la contrepartie d’un avantage consenti par la
société étrangère à la société visée.
202
Si la société démontre que l’avantage consenti à sa filiale poursuit une finalité commerciale qui
a permis d’accroître son CA alors l’administration ne pourra retenir l’art 57 CGI pour tenter
d’intégrer dans l’assiette de l’impôt française la partie des bénéfices présumée délocalisée196.
Par contre, une société mère française qui vend à prix coûtant ses biens à une filiale située en
France, ne sera pas considérée comme effectuant un transfert indirect de bénéfices197 puisque la
matière taxable restera localisée sur le territoire français. Cela nous montre clairement que
l’intérêt de l’administration ne résulte pas dans le respect du principe de pleine concurrence
mais uniquement dans les moyens de venir accroître les entrées fiscales.
Dès que dans leurs relations commerciales extra territoriales, les entreprises liées appliquent des
conditions exceptionnellement favorables à l’une d’entre elle comme la facturation à des prix
largement remisés alors la perte de gain de l’entreprise sera réintégrée au montant de ses
revenus198. Ce qui veut dire à l’inverse que la facturation à une société sœur de biens ou de
services à des prix légèrement inférieurs à ceux pratiqués aux autres clients, ne doit pas être vue
comme un transfert indirect de bénéfices199.
Le juge retient comme n’étant pas toujours pertinente200 la comparaison entre les prix pratiqués
sur le marché intérieur et ceux pratiqués à l’export vu la particularité de chacun de ces marchés.
Par contre, la participation forfaitaire au frais d’exploitation d’une filiale du groupe constitué en
centrale d’achat pourra être réintégrée si le montant de ce forfait payé par une des sociétés du
groupe ne correspond pas à la quantité de service fourni à cette dernière. L’évaluation forfaitaire
doit être proportionnelle au nombre d’entreprises qui jouissent des services centralisés d’une
filiale et être répartie de façon équitable selon un accord de répartition des coûts (ARC) qui peut
reposer sur un dénominateur commun, notamment le montant total des achats effectués par
chaque société201.
L’OCDE définit les actifs incorporels comme des : « dépenses à long terme autres que l’achat
d’actifs fixes que les entreprises consentent dans le but d’améliorer leurs résultats. En plus des
investissements de technologie, ils concernent les investissements dans la formation, dans les
structures de gestion, dans l’organisation de la production, l’élaboration des relations
196
DGI , note du 31 août 1957, BOCD 1957-I-983 ; note du 18 mai 1972, BO 4 A-6-72. 197
CE 24 février 1978, n° 2372, section, RJF 4/78 n° 161, conclusions Rivière, Droit fiscal, 1978,n° 30 c. 1212. 198
CE, 3 janvier 1946, Req. n° 71.963, Lebon 1946, p. 386 199
CAA Nancy, 18 décembre 1990, n° 64, 1re ch., SA Roger Colin ; CE 28 septembre 1988, n°60805, 8e et 7e s.s., RJF
11/88, n° 1254. 200
CAA Nancy, 26 janvier 1995, BEEI, 3/95 n° 281 201
CE, 8 mai 1944, Req. 166.968 et 68.362, RO 22e vol., p. 96.
203
commerciales et technologiques avec les autres firmes, avec les fournisseurs et les
consommateurs, l’investigation des marchés, l’acquisition et l’exploitation des logiciels. »202
Ils peuvent avoir la forme de dessin industriel, de brevet d’invention de marque de fabrique, de
plate forme électronique. Ce type de bien immatériel est souvent appelé « actif de la
connaissance » car il se fonde sur un projet innovant qui demande beaucoup de travail et
d’investissement de la part de la société qui n’est pas sûre d’aboutir au résultat escompté. Cette
prise de risque nécessite d’avoir des ressources humaines et une capacité financière importante.
C’est pour ces raisons que ce sont souvent les grands groupes industriels qui développent ce
genre d’actif.
Au sein d’un groupe, la filiale qui détient un de ces actifs incorporels doit être rémunérée pour
toutes les prestations qu’elle offre aux autres sociétés du groupe, c’est d’ailleurs par le biais de
cette facturation majorée ou minorée que s’opère l’expatriation d’une partie des bénéfices. Du
fait de leur caractère immatériel, les prix de ces produits peuvent donner lieu à des tarifications
exagérées qui permettent le transfert. Les coûts des prestations ou des redevances qui sont
contractuellement encadrés doivent être relatifs aux services rendus aux filiales.
Les transferts indirects de bénéfices peuvent s’opérer lors de la cession de ces actifs incorporels.
Ils sont souvent détenus par la société mère qui se rémunère grâce aux redevances. Celle-ci peut
vouloir vendre un ou plusieurs de ces actifs à une filiale placée sur un territoire à pression
fiscale moins forte. Dans ce cas, elle lui cède le bien immatériel à un prix bas afin de minimiser
la plus-value et donc la taxation, puis la filiale demande des versements de redevance élevés
afin que la société mère ait un accroissement de charge qui viendra diminuer son revenu
imposable, délocalisant de nouveau une partie de ses bénéfices. Cette possibilité peut également
se faire de la filiale à la société mère. Imaginons que chacune des entités du groupe investisse
pour le développement d’une nouvelle molécule destinée à l’industrie pharmaceutique. Ce
travail est confié à une filiale française qui après avoir terminé la conception décide de vendre
ses actifs à la société mère située à l’étranger. Le prix de vente qui se veut inférieur au prix de
l’investissement total de base, sera considéré comme sous-évalué par rapport à la valeur
effective du bien immatériel ce qui entraînera un rehaussement de la plus-value de cession qui
tiendra compte de la valeur que l’administration ou le juge considérera comme réelle203.
202
OCDE, Principes directeurs applicables en matière de prix de transfert, § 67. 203
CE, 21 novembre 1980, n° 17.055, RJF 1/81, n° 10
204
Outre l’usage des actifs incorporels dans le processus d’évasion fiscale, il existe un autre
domaine à ce genre de pratique il s’agit des frais commun au groupe. Dans un souci de
minimiser les frais de gestion et d’uniformiser le mode de fonctionnement des sociétés du
groupe, la société mère centralise en son siège un ensemble de service administratif, juridique
ou financier destiné au soutien fonctionnel des différentes filiales. L’ensemble de ses prestations
accessibles à toutes les sociétés du groupe est facturé par la maison mère au titre des frais de
gestion ou « mangement fees » qui rémunère par exemple les prestations d’assistance ou de
représentation juridique de la société envers sa filiale.
La différence entre les frais de gestion et la redevance inhérente à un brevet d’exploitation
semble flagrante mais cela n’est pas toujours le cas notamment lorsqu’on se réfère au domaine
technique. En effet, une société mère qui détient un logiciel qu’elle fournit à sa filiale doit
recevoir une redevance pour l’utilisation de cet actif incorporel. Mais, si cette société mère a
centralisé l’assistance informatique en son sein, alors l’assistance technique postérieure à
l’installation du logiciel pourrait être regardé comme inhérente au contrat de concession ou au
contraire comme faisant des frais de gestion. Cet exemple nous montre que l’identification du
rapport commercial entres les entreprises peut être difficile et doit être apprécié au cas par cas
en tenant compte des stipulations du contrat qui les unit et des pratiques comparables s’il en
existe.
L’OCDE nous précise que la redevance constitue un paiement en contre partie du droit d’usage
de cet actif204, ce qui impliquerait que toutes les autres prestations relèvent des frais de gestion.
Tout acte en dehors du droit d’usage du bien serait donc facturable par la société mère.
Mais quelque soit la nature de la prestation, celle-ci doit avoir un coût équivalent à celui du
marché.
Les prestations proposées par la société mère ne doivent avoir un prix différent de celui des
concurrents. Le prix pratiqué pour une même prestation doit être le même pour toutes les filiales
du groupe. A défaut, l’existence d’un avantage anormal sera caractérisée et donnera lieu à
réintégration.
204
Article 12 § 2 du Modèle de convention OCDE.
205
Sous Section 2. Les actes à caractère financier
La seconde voie utilisée pour délocaliser une partie des bénéfices vers les comptes
d’une société située sur un territoire moins imposé est celle issue des relations financières.
La communauté d’intérêt qui existe entre toutes les sociétés du groupe fait que chacune d’entre
elles pourra intervenir afin d’assister une société qui aurait un besoin de financement. Ces
différentes formes d’opérations financières sont tout à fait admises entre sociétés liées205 mais
elles doivent s’exécuter en conformité avec la loi du marché. Cette logique veut que chaque
engagement financier de la part d’une société lui génère un avantage habituellement reconnu
pour des actes similaires entre sociétés indépendantes. Il arrive que des sociétés utilisent ces
moyens pour octroyer un avantage injustifié à une filiale du groupe, ce qui constitue alors un
transfert indirect de bénéfices.
Les moyens les plus connus en la matière sont :
§1. L’octroi sans contrepartie d’un prêt sans intérêt206 ou à un taux réduit207
par une filiale envers la société tête de groupe.
L’absence de taux d’intérêt208 dans le contrat de prêt qui lie les parties, sera directement
considérée comme un transfert indirect de bénéfices. Il est de même lorsque que le contrat de
prêt prévoit le versement d’un taux d’intérêt mais que celui-ci n’ait jamais été perçu209. La
société qui prête doit se comporter comme un organisme bancaire et appliquer les taux
d’intérêts du marché, à défaut ceux-ci seront considérés comme ne respectant pas le principe de
pleine concurrence et la totalité des intérêts non perçus additionnés des intérêts de retard seront
réintégrés dans la base imposable de la société prêteuse. Il existe des législations qui interdisent
la rémunération d’un prêt selon un taux d’intérêt car la création de richesse ne doit pas provenir
de l’argent mais de l’investissement productif. Le prêt d’argent est considéré comme un service
qui doit être facturé comme tout service par un prix fixe et non pas sur la base d’un taux
d’intérêt. C’est pourquoi, il est essentiel comme l’indique l’OCDE de ne pas s’arrêter à
205
D. OHL, Les prêts et avances entre sociétés d’un même groupe, Paris, Litec, 1982 206
CE 26/11/1982 n°24.360 207
CE 23/02/1966 n°64.449 208
CE, 23 février 1966, Ministère des Finances c/ Société X, Req. n° 64449, Droit fiscal, 1966, n°12, comm. 325. 209
CE, 25 mai 1955, Req. n° 31102, Bull. contributions directes, 1955, 498.
206
l’absence de taux d’intérêt mais de toujours rechercher l’existence d’une contrepartie
commerciale, financière ou matérielle.
Cette règle se retrouve à la lecture de la jurisprudence qui nous informe que lorsque qu’une
société indépendante effectue une avance sans intérêt à une autre société, alors l’absence de
rémunération peut être admise si la situation se justifie par les conditions commerciales qui les
unissent210. Par contre, cette situation n’est pas admise lorsque la raison qui explique l’absence
de rémunération du prêt se fonde sur les relations amicales ou parentales qui unissent les
responsables d’entreprises.
Une lecture trop stricte de cette jurisprudence pourrait être appréciée comme discriminatoire au
sens de l’art 24 de la convention Modèle OCDE car certains pays excluent de leur système
économique le prélèvement d’intérêts sur les prêts d’argent. Le prêt n’est pas effectué sans
contrepartie financière, matérielle ou commerciale mais il ne répond pas à cette logique d’usure.
Il est important de toujours prévoir une contrepartie financière en cas d’absence de versement
d’intérêts afin d’écarter toute présomption de transfert. Dans ce sens, nous pouvons citer une
jurisprudence du Conseil d’État qui autorise une société de fabrication à consentir un prêt qui
n’est pas temporairement soumis à intérêt afin d’aider au lancement de sa filiale étrangère qui
devait commercialiser les produits fabriqués par la société française211.
La fixation d’un taux d’intérêt pour la conclusion d’un prêt entre sociétés liées ou
indépendantes est le moyen le plus classique pour rémunérer ce prêt mais il peut être substitué
par un autre moyen dès qu’il génère un avantage équivalent ou conséquent à l’entreprise du
préteur.
Les juges adoptent en matière de prêt sans intérêt une position plus souple lorsque le prêt se
réalise de la mère à la fille et non l’inverse. D’ailleurs, ils imposent deux conditions
cumulatives pour qu’une société mère puisse prêter sans contrepartie financière des fonds à ses
filiales. Dans ce cas il faut que :
- l’argent versée sert soit à consolider la situation financière des filiales soit à
faciliter son développement ;
210
CAA de Bordeaux, 21/03/1989, Droit fiscal, 1989, n° 30-31, com. 1510 ; CE, 01/07/1987, Req. N° 65423, Droit
fiscal, 1989, n° 22-23, com. 1060 211
CE, 2 juin 1982, Req. n° 23342, Droit fiscal, 1983, n° 6, com. 191, conclusions Schricke, RJF 1982, n° 7, p. 328.
207
- les capitaux proviennent de la société mère et qu’ils soient libérés de toute
charge.212
Si la société mère agit selon ces termes alors elle écarte le risque de rehaussement fiscal pour le
prêt accordé sans intérêt à sa filiale.
§2. Des abandons de créances consentis par une société mère à une filiale dont
la situation financière était bénéficiaire213.
Il y a des situations où une société du groupe effectue un prêt à une autre société mais au lieu de
la dispenser du paiement des intérêts, elle effectue tout simplement un abandon de créance ainsi
la société qui a emprunté voit sa dette effacée. L’abandon de créance est courant en affaire et
n’est pas interdit en droit sauf quand ce moyen est utilisé au fin de transférer indirectement des
bénéfices. Il a pour avantage de délocaliser des sommes supérieures au montant des taux
d’intérêts. En principe les sociétés apparentées ont le droit comme toutes les autres sociétés
indépendantes d’effectuer des abandons de créances mais il doit y avoir un intérêt commercial
important pour la société prêteuse comme celui d’assurer sa chaîne de distribution par exemple.
A défaut, ces abandons seront directement regardés comme ayant un caractère évasif. Ceux-ci
semblent plus normaux lorsqu’ils émanent de la société mère car celle-ci peut avoir un intérêt
commercial primordial à la sauvegarde de sa filiale étrangère ou française. Mais il arrive qu’une
société mère n’entretienne pas de lien commercial avec sa filiale ; dans ce cas l’abandon de
créance est autorisé malgré son caractère purement financier s’il résulte du souci d’assurer
l’investissement de la société mère. Ce soutien est possible si le montant de la créance laissée
est proportionné à l’intérêt poursuivi par la société mère dont l’inertie aurait pu : « l’exposer à
des risques supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une action en comblement de passif ou
d’une disparition de sa filiale.»
§3. La caution donnée à des sociétés filiales étrangères, sans qu’aucune
rémunération de service ainsi rendu à ses filiales fut stipulée au profit de la
société mère214.
212
CE, 15 mai 1961, Société métropolitaine, Droit fiscal, 1961, n° 27, com. 624. 213
CAA Paris, 11/03/2005 n° 01PA01206, SA Guerlain, v. les nouvelles fiscales n° 938 p 8 214
CE 09/03/1979 n°10.454
208
Il existe un moyen d’apporter un soutien financier à une société du groupe, il s’agit du
cautionnement. Par cet acte unilatéral, la société caution s’engage à payer les dettes de l’autre
société en cas de non respect de l’obligation de paiement de cette dernière envers son créancier.
En pratique cette caution se veut solidaire avec renonciation au bénéfice de la discussion. Cela
signifie qu’au moindre défaut de paiement de la part du débiteur, le créancier peut directement
déclencher la société caution afin qu’elle se substitue, sans aucune remise en cause, au débiteur
dans son obligation de paiement. Charge pour elle de récupérer les fonds versés auprès de la
société bénéficiaire du cautionnement.
La caution est un engagement important qui se doit d’être rémunéré lorsqu’elle se réalise dans
un contexte d’affaire. La gratuité du cautionnement entre sociétés liées sera présumé comme un
transfert indirect de bénéfices par nos administrations dont le coût de cet engagement sera
évalué selon les pratiques habituelles et incluses dans le bénéfice de la société caution215 ; à
moins que la non facturation du cautionnement d’une société envers sa filiale étrangère pour la
conclusion d’un prêt bancaire, a eu un avantage commercial important comme celui
d’augmenter le nombre de commande de la filiale vers la société mère qui en a tiré un revenu
largement supérieur a celui qu’elle aurait pu espérer du simple cautionnement216. L’absence de
rémunération de la caution permet à l’administration de présumer d’un transfert .
Malgré l’absence de contrepartie financière apparente, il est demandé à nos administrations
d’estimer le coût de cet engagement par comparaison à celui pratiqué par des entreprises
indépendantes exerçant dans le même secteur. Ces entreprises références sont appelées
entreprises du « benchmark ». Elles permettent aux administrations de mesurer l’importance du
service qui a été fournit gracieusement à la filiale pour d’une part permettre la recherche d’ une
éventuelle contrepartie et d’autre part estimer de façon réaliste le montant des revenus qui sera
réintégré. Le défaut de ce travail de comparaison sera sanctionné par le juge de l’impôt217.
Une fois prouvé l’avantage anormal consenti et fixé le montant de celui-ci l’administration peut
présumer du transfert indirect de bénéfices. Pour éviter ou limiter le rehaussement, la société
aura la charge de démontrer : « qu’il était de son intérêt propre de ne pas exiger de
rémunération de sa filiale »218 .
215
CE Ass., 09/03/1979, Req. 10454, RJF, n° 193, conclusions du Commissaire du Gouvernement B. Martin-Laprade 216
CE, 3 mars 1989, Req. 77581, 7e et 9e s.s. Lainière de Picardie ; RJF 5/89, Req. 538 217
CE 7 novembre 2005, n° 266436 et 266438, 3e et 8e sous-sections, Min. c/ Sté Cap Gemini. 218
« Panorama des redressements fiscaux 2010 », Feuillets rapides Francis Lefebvre, 1/11, n° 12.
209
Il existe donc une multitude de moyens pour effectuer un transfert indirect de
bénéfices comme l’entendent l’art 57 CGI et 110 al 7 TUIR. Il y en a d’autres qui s’inscrivent
dans des pratiques financières plus ou moins particulières. Ils se réalisent lors de
restructurations d’entreprise ou lors de recherches de financement de l’entreprise auprès des
associés. La 1ère des possibilités se réalise dans un souci d’optimisation ou de réduction des
coûts de production de l’ensemble du groupe. La société mère décide de la réorganisation des
fonctions, des risques, des actifs de chaque entité du groupe. Elle va chercher à optimiser les
capacités de ses filiales en les centralisant en son sein ou au sein de l’une d’entre elle. Ce
mouvement d’actif est un véhicule adéquat au transfert indirect de bénéfices. Il permet de venir
diminuer les revenus de l’entreprise cédante en minorant les prix de vente tout en relocalisant
dans des juridictions fiscales plus confortables certaines activités à valeur ajouté élevée. La
restructuration permet à la société mère de venir alléger la charge inhérente au fonctionnement
du groupe et de redessiner la carte d’allocation des profits entre ses entreprises.
La seconde possibilité qui permet l’érosion de la base imposable est une pratique dénommée
« sous capitalisation ». Elle permet d’éviter de recourir à un financement par augmentation du
capital social et se réalise grâce aux prêts versés par ses actionnaires et qui sont inscrits au bilan
de la société sous l’intitulé d’avance en compte courant. Comme le veut la logique du marché,
l’agent qui fournit un service doit être rémunéré donc les prêts ou avances effectués par les
associés doivent être assortis de taux d’intérêt. Ces taux d’intérêt sont dans une certaine limite
déductible du résultat ce qui permet de réduire les bénéfices imposables. Au final, les
actionnaires perçoivent les dividendes et sont rémunérés pour les prêts effectués. C’est un
moyen « gagnant-gagnant » car la double position de l’associé lui permet d’accroître par
l’investissement ses revenus personnels tout en diminuant le bénéfice avant impôt de
l’entreprise. Le droit à la déductibilité des intérêts dans le revenu total des sociétés a été limité
pour éviter les abus de la part des associés. La législation en la matière se trouve respectivement
en France et en Italie aux articles 212 du CGI219 et 98 TUIR. La loi française rejette la
déduction d’une partie des intérêts qu’elle estime excessifs lorsque :
219
Art 212 CGI modifié par l'article 113 de la loi de Finances pour 2006
210
- Le taux applicable est supérieur à celui pratiqué en moyenne par les
établissements de crédit à la même période où les fonds ont été mis à disposition
lors de la période de la mise à disposition des fonds, et/ou
- Le montant total des intérêts excède celui du capital social de la société.
Dans cette même logique, la loi italienne autorise l’administration à écarter le montant des
intérêts qui serait excédentaire du fait de l’application de taux d’intérêt supérieur au taux
habituel proposé sur le marché. Cette limitation s’applique lorsque les avances proviennent d’un
associé qualifié « socio qualificato » ou d’une personne qui lui est liée « parte correlata ».
L’associé est dit qualifié selon l’art 98 al 3 TUIR lorsque :
- Il détient de façon direct ou indirect le contrôle de l’entreprise au sens de l’art
2359 codice civile ;
- Il existe un lien de parenté jusqu’au 3ème degré avec les responsables de
l’entreprise ;
- Il détient au travers d’autres personnes morales qu’il contrôle au sens de l’art
2359 cc, au moins 25% du capital social de la société italienne220.
Ce dispositif de contraste à l’utilisation fiscale de la sous capitalisation ne s’applique pas à
l’instar de la France aux établissements bancaires. Sont aussi écartés de ce dispositif les
établissements publics et les sociétés qui ne réalisent pas un CA supérieur à 5.164.569 euros221.
Le dernier alinéa de l’art 98 TUIR nous indique que cette législation anti-abus s’applique dès
lors que l’administration est en présence de sociétés faîtières, dont « l’activité exclusive ou
principale résulte de la prise de participation ». Donc les holdings purs mais également les
holdings mixtes qui ont comme principal actif des titres de participations sont quelque soit leur
CA soumis à limitation de déductibilité des intérêts issus de l’art 98 TUIR.
Il faut relever que nos dispositifs de lutte contre la sous capitalisation abusive peut être
considérés comme discriminatoire car ils s’appliquent uniquement aux associés ou entreprises
directement ou indirectement liées qui ne sont pas fiscalement rattachés à la juridiction dans le
ressort duquel se trouve l’entreprise concernée. Cette différence de traitement entre les
220
Art 98 al 3 c) 2) TUIR: “partecipa al capitale sociale dello stesso debitore con una percentuale pari o superiore al
25 per cento, alla determinazione della quale concorrono anche le partecipazioni detenute da sue parti correlate.” 221
Gabriele Marini: “Il contrasto all’utilizzo fiscale della sottocapitalizzazione” §2, in rivista della Scuola Superiore
dell’economie e delle finanze a cura del Ce.R.D.E.F
211
nationaux et personnes étrangères est remise en cause par la CJUE car elle s’oppose à la liberté
d’établissement et nuit la libre circulation des capitaux222. Plusieurs arrêts223 de la CJCE
reprennent sa jurisprudence de principe224 qui nous indique que le risque d’érosion de la base
imposable ne peut constituer une « raison impérieuse d’intérêt général » qui permette de porter
atteinte à une liberté fondamentale reconnue par le traité UE.
Nos juridictions nationales225 ainsi que nos administrations226 ont suivi le raisonnement de la
CJUE et afin d’éviter toutes condamnations, écartent les dispositifs issus des articles 212 CGI et
98 TUIR lorsque la société mère et la filiale sont situées sur les territoires des États membres de
l’UE. A contrario, si l’une d’entre elles se trouve en dehors de l’UE, alors les dispositions pour
lutter contre les excès de la sous capitalisation pourront être appliquées sauf s' il existe dans les
conventions fiscales qui unissent nos pays avec les États étrangers une clause de non
discrimination.
Il semblerait que ce dispositif de protection de la base imposable nationale issu de l’expression
de la souveraineté tende à l’atténuation du fait de leur champ d’application de plus en plus
restreint.
Mais les articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR se suffisent à eux mêmes pour réintégrer la
rémunération des moyens de financement lorsque les taux pratiqués sont disproportionnés par
rapport à la moyenne des taux de prêts appliqués par des établissements bancaires à un moment
donné.
Nos administrations se référeront au principe de libre concurrence et à la valeur normale des
biens cédés ou des taux appliqués pour remettre en cause une rémunération excessive en se
basant sur des informations requises permettant la comparaison avec des entreprises
indépendantes qui entretiennent des relations commerciales ou financières de même type.
222
A Maitrot de la Motte : « La sous-capitalisation à l'épreuve des libertés de circulation », Droit fiscal, 2010, n° 8, 196 223
CJCE, 12 décembre 2002, aff. C-324/00, Lankhorst Hohorst, Droit fiscal, 2003 ; CJCE, 6 juin 2000, aff. C-35/98,
Verkooijen, Droit fiscal, 2000; CJCE, 7 septembre 2004, aff. C-319/02, Manninen, RJF 11/04, n° 1211 224
CJCE, 16 juillet 1998, aff. C-264/96, Imperial Chemical Industries (ICI), Droit fiscal, 1998, n° 48 225
CE, 30 déc. 2003, n° 249047, SARL Coréal Gestion, Juris-Data n° 2003-080473 226
Instruction DGI du 12 janvier 2005, BOI 13 O-2-05 ; Droit fiscal, 2005, n° 13, p.263
212
Section V / Le recours à la comparaison des transactions et les conséquences
de la manipulation des prix de transfert
Le but de la manipulation des prix de transfert est de localiser de façon indirecte une
partie des profits dans la base taxable de l’entreprise qui subit l’imposition la moins importante.
Ainsi les revenus constitués dans l’autre pays ne sont pas imposés à leur juste montant. C’est de
là que provient l’obligation instaurée par le législateur, réitérée par le juge et qui impose à
l’administration de trouver des moyens permettant d’évaluer de façon réaliste la part de la
richesse (sous section 1) qui a été soustraite à l’imposition nationale. Le devoir constitutionnel
qui pèse sur toute personne est la participation au charge publique selon ses facultés. La
contribution de chacun est basée sur la richesse existante des personnes ou de celle produite sur
le sol national au cours de l’année. Il apparaît donc logique que ce devoir donne droit à la
réintégration des bénéfices (sous section 2) qui ont été volontairement ou involontairement
évadés mais nécessite que ces revenus soient quantifiés de façon réelle. Le but étant de ne pas
imposer plus que de raison la personne morale et de ce fait respecter la juste application de nos
lois constitutionnelles.
Sous Section 1. La nécessaire comparaison des transactions
Nos législations sur les prix de transfert précisent les moyens sur lesquels doivent se
baser l’administration pour effectuer cette recherche de comparables.
Comme il a été développé précédemment, le principe de pleine concurrence posé par l’art 9 de
la convention modèle OCDE ainsi que l’étude des méthodes de fixation des prix de transfert
présentée dans les travaux de l’OCDE servent de procédé à de nombreuses administrations dont
la France et l’Italie pour estimer les prix de ventes intra-groupes et les comparer aux prix issus
du marché ou qui auraient pu être fixés par des acteurs économiques indépendants lors de leur
rencontre sur le marché. Nous ne réitérerons pas sur l’analyse de l’art 9 modèle OCDE et la
méthodologie des prix de transfert, mais analyserons les termes qui figurent dans nos
législations respectives.
Pourtant fortement attachés au principe développé par l’OCDE, nos législateurs n’ont pas voulu
intégrer ou reprendre le principe de pleine concurrence de façon explicite ou directe dans les
bases légales sur lesquelles reposent la lutte contre la manipulation des prix de transfert.
213
En effet, la formulation de l’art 57 du CGI ne fait pas apparaître clairement le recours au prix né
de la rencontre de l’offre et la demande sur le marché libre. Mais, on peut déduire de
l’expression « par voie de majoration ou de minoration des prix d’achat ou de vente »
l’existence d’un point d’équilibre qui représente le prix du marché et qui servira de référence
pour qualifier un prix de faible ou d’excessif.
La disposition de l’art 110 al 7 TUIR met en avant le concept de la « valeur normale » des biens
et services cédés. La référence au principe de libre concurrence est faite de façon indirecte en
renvoyant la notion de valeur normale à l’alinéa 2 de l’art 110 TUIR qui nous indique que la
définition de cette notion se trouve à l’art 9 al 3 TUIR présentée en ces termes :
« La valeur normale représente le prix de vente moyen des biens et services de même nature ou
similaire, fixé dans des conditions de libre concurrence, durant le même stade de
commercialisation et dans un temps et un lieu réputés identiques ou à défaut réputés les plus
proches. Pour la détermination de la valeur normale, il faut se référer, si possible, aux listes et
tarifs du sujet qui a fourni les biens et services, à défaut il faut se référer aux mercuriales et
listes des chambres du commerce ainsi qu’aux tarifs des professionnels en tenant compte des
remises d’usage. Pour les biens et services sujets à une discipline de prix, il faut se référer aux
réglementations en vigueur.»227
La vérification de la normalité des prix de vente ou d’achat se base sur la pratiques des autres
entreprises dont l’absence de lien entre elle nous permet de croire que la valeur marchande d’un
bien ou service a été établie sur la base des intérêts particuliers de chaque cocontractant. Ceci
est une condition essentielle à la liberté du marché où les sujets économiques décident seuls de
façon libre et éclairée de la valeur d’échange d’un bien produit ou d’un service fourni. Ils ne
subissent aucune contrainte supplémentaire par rapport aux règles prévues pour participer au
commerce et tirer ainsi profit de leur activité. Le marché libre demande une indépendance des
sujets afin qu’ils se trouvent théoriquement sur un même pied d’égalité ce qui permet
227
Art 9 al 3 TUIR: « Per valore normale, salvo quanto stabilito nel comma 4 per i beni ivi considerati, si intende il
prezzo o corrispettivo mediamente praticato per i beni e i servizi della stessa specie o similari, in condizioni di libera
concorrenza e al medesimo stadio di commercializzazione, nel tempo e nel luogo in cui i beni o servizi sono stati
acquisiti o prestati, e, in mancanza, nel tempo e nel luogo più prossimi. Per la determinazione del valore normale si fa
riferimento, in quanto possibile, ai listini o alle tariffe del soggetto che ha fornito i beni o i servizi e, in mancanza, alle
mercuriali e ai listini delle camere di commercio e alle tariffe professionali, tenendo conto degli sconti d'uso. Per i beni
e i servizi soggetti a disciplina dei prezzi si fa riferimento ai provvedimenti in vigore»
214
d’équilibrer la relation contractuelle. Cette notion d’équilibre est nécessaire dans la théorie
libérale pour que tous puissent profiter des bienfaits communs du commerce qui contribue de
façon générale à la paix social. Il apparaît donc important de faire respecter le principe de pleine
concurrence.
Pour cela, il faut détenir des moyens de comparaisons qui sont viables, à défaut de quoi le
semblant de restauration des prix ne fera que continuer à nuire au marché.
Les facteurs de comparabilité sont donc essentiels pour comprendre, vérifier les prix de vente
pratiqués entre sociétés apparentées. Ils doivent être relatifs aux biens et services cédés en
tenant compte des fonctions de chacun ainsi qu’aux clauses contractuelles qui ont été adoptées
par rapport à un temps et un lieu donné.
La recherche de transfert indirect de bénéfices au travers de la manipulation des prix de
transfert est un exercice qui s’effectue au cas par cas. L’étude de la situation globale de
l’entreprise peut servir à mieux comprendre la situation dans laquelle se trouve le groupe mais
la rectification de ses revenus sur la base de l’art 57 CGI ne peut se faire de façon générale. Elle
nécessite d’étudier chacune des opérations et de tenir compte du contexte qui lui est applicable.
Cette condition est indispensable pour honorer l’esprit de la loi et celui défendu par l’art 9 de la
convention modèle OCDE. A défaut de quoi nous tomberions dans l’arbitraire fiscal où les
administrations feraient d’une opération ou d’un comportement, un mode d’exécution
généralisé qui mériterait un rehaussement de l’ensemble du chiffre d’affaire de l’entreprise.
Encore une fois nos modes de vérification des prix pratiqués se veulent similaires et
correspondent à l’application du principe de libre concurrence issu de l’art 9 modèle convention
OCDE que nous avons analysé préalablement. Nos administrations reprennent les indications de
l’OCDE et notamment les différentes méthodes qui permettent de vérifier la normalité des prix
de vente pratiqués au sein des groupes.
Mais la structure rédactionnelle de nos législations internes est diverse, la loi italienne qui a été
rédigée postérieurement aux travaux de l’OCDE de 1977 indique que le 1er mode de
comparaison doit être recherché dans l’étude de la moyenne des prix provenant d’entreprises
indépendantes et fixés pour la vente de biens ou services identiques ou similaires. La valeur
normale correspond au prix du marché. Il est donc nécessaire de rechercher des transactions
similaires établies par des sociétés tierces. Ce type de renseignement peut être considéré comme
ayant une valeur de fiabilité importante. L’individualisation de ses opérations peut se réaliser
soit de façon interne au groupe soit de façon externe. Dans le 1er cas, on prend comme moyen
215
de comparaison les contrats de vente établis entre la société du groupe et les entreprises tiers.
Dans le second cas, on se réfère aux contrats de vente pour des produits identiques ou similaires
qui ont été consentis par des sociétés n’ayant aucun lien de dépendance. Ces moyens de
comparaison peuvent être appréciés de façons indépendantes ou confrontés afin d’apporter une
certaine visibilité des prix sur le marché libre car chacune des sources de renseignement relate
la réalité du marché du fait de l’absence de lien des parties en présence.
L’art 9 al 3 TUIR précise que cette recherche médiane doit tenir compte pour être valable du
moment et du lieu durant lesquelles ont été fixées les conditions de vente ainsi que le « stade
commercialisation de ce bien ». Cette remarque est à rapprocher de l’étude fonctionnelle des
membres d’un groupe qui participent au processus de fabrication et de vente du produit. Cela
signifie qu’il est important pour l’administration d’identifier le rôle ou la fonction de
l’entreprise concernée car elle peut être une raison acceptable qui expliquerait une fluctuation
entre le prix de vente facturé et le prix moyen reconnu.
La disposition française est concise quant à la nécessité de comparer les prix de vente d’une
société liée à ceux issus de la moyenne des prix habituellement pratiqués par des entreprises
indépendantes. Comme il a été dit au préalable cela se retrouve de façon implicite dans l’al 1 de
l’art 57.
Par contre l’importance de la fonction exercée au sein du groupe est une donnée qui se retrouve
dans la disposition française à son alinéa 3 qui dispose que :
« En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des
procédures fiscales ou en cas d'absence de production ou de production partielle de la
documentation mentionnée au III de l'article L. 13 AA et à l'article L. 13 AB du même livre, les
bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des
éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à
L. 61 du même livre.»
Les articles 13B, 13AA et 13AB du LPF concernent les obligations de renseignement qui pèse
sur tout ou partie des entreprises face aux demandes de l’administration fiscale lors d’une
vérification de comptabilité. Les deux derniers articles qui ont été adoptés plus tardivement font
peser sur les « Grandes Entreprises » des obligations documentaires supplémentaires en matière
216
de prix de transfert. Ce sont des moyens légaux auxquels l’art 57 CGI fait référence et qui
concourent à confirmer ou infirmer la véracité des déclarations fiscales.
L’alinéa 3 de l’art 57 CGI nous indique qu’en l’absence de réponses faites aux demandes de
l’administration sur la base des ces trois articles du livre de procédure fiscale, celle-ci pourra
décider du montant des richesses générées par la société en l’estimant sur la base des éléments
qu’elle a pu se procurer et qu’elle opposera à la partie contrôlée.
L’ensemble de ces dispositions issues de l’art L 13 LPF sera plus largement traité dans la 2nde
partie qui traite des pouvoirs de l’administration lors des contrôles externes. Mais nous allons
effectuer une brève analyse d’un de ces moyens à savoir l’art L 13 B LPF pour démontrer
l’importance de justifier la manipulation par des éléments de comparaison probants.
L’art L 13 B LPF issu de la loi du 12/04/1996 nous apprend que lorsque l’administration
estime que les conditions sont réunies pour présumer d’un transfert indirect de bénéfices alors
elle peut demander à l’entreprise contrôlée de lui fournir des informations et documents
précisant principalement :
- La nature des relations qui unit les entreprises du groupe ;
- La méthode des prix de transfert retenue ;
- Les activités de chacune des entreprises du groupe avec qui elle commerce.
Outre la demande relative à la méthode de fixation de prix utilisée, les deux autres types de
demandes portent sur la place de la société au sein du groupe. Elles permettent d’appréhender la
position de la société dans l’échelle hiérarchique du groupe, ainsi que de connaître sa fonction
dans la chaîne de commercialisation. Chaque étape est créatrice d’une valeur ajoutée plus ou
moins importante. Il est donc important de connaître le rôle de l’entreprise dans ce processus.
L’alinéa 3 de l’art 57 CGI revêt en théorie un double intérêt. Tout d’abord, il incite toutes ou
parties des entreprises à se renseigner sur la problématique des prix de transfert afin d’éviter
une remise en cause de leurs prix de vente, d’une part en adoptant les bonnes méthodes et
d’autre part en préparant un argumentaire en cas de contrôle. Il permet aussi au législateur
d’insister sur l’importance pour l’administration de rechercher des informations complètes en
utilisant les différents moyens légaux mis à sa disposition ; comme l’art L13 B LPF qui lui
permet une fois le transfert indirect de bénéfices présumé de vérifier si les prix de vente qu’il
217
estime comme étant ceux qui auraient été établis selon la loi du marché, tiennent compte non
seulement du produit vendu et de l’activité mais aussi de la fonction de cette entreprise au sein
du groupe. La fonction est en lien avec la prise de risque qui influe sur l’importance de la marge
bénéficiaire.
Cette disposition contraignante pour les groupes multinationaux témoigne paradoxalement
d’une volonté du législateur de reconnaître le mode de gestion des groupes. En théorie, cet
article oblige l’administration à tenir compte de tous les paramètres inhérents à cette gestion de
groupe pour effectuer son travail de vérification. Elle ne doit pas se contenter uniquement de
comparer l’objet et le prix de la transaction.
Cette volonté est confirmée au dernier alinéa de l’art 57 CGI où le législateur précise que la
comparaison qui se limiterait au seul produit ne devra être utilisée qu’en dernier recours :
En effet l’alinéa 4 de l’art 57 CGI nous indique que :
« A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et
troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des
entreprises similaires exploitées normalement. »
La recherche des éléments de justifications de la manipulation des prix de transfert passe par
l’utilisation des moyens légaux instaurés par les trois alinéas de l’art 57 CGI . L’enchaînement
de ces trois dispositions permettent de rechercher les conditions nécessaires pour présumer d’un
transfert indirect de bénéfices (al 1-2) et aussi de restaurer de façon la plus précise possible la
base imposable de l’entreprise concernée (al 3).
Si le contrôle des prix de transfert pour chacune des opérations de l’entreprise est mis à mal par
l’absence d’élément précis et/ou la mauvaise foi de l’entreprise, l’administration cherchera à
apprécier non pas l’opération mais les produits imposables dont elle fixera le montant en se
référant aux produits déclarés par des entreprises indépendantes exerçant de façon régulière les
mêmes activités.
La dernière partie de l’art 9 al 3 TUIR fait également référence aux biens et services dont le prix
doit être analysé sur la base de la liste des tarifs produit par la société intéressée afin de partir
d’un point identique pour rechercher la normalité du prix et ainsi mieux appréhender sa
218
politique de prix de transfert. Le législateur demande à l’administration de chercher à
comprendre le raisonnement de l’entreprise avant de le remettre en cause. A défaut de cette
possibilité, l’administration fiscale italienne doit rechercher la conformité des prix pratiqués
intra-groupe à l’aide de mercuriales, sorte de répertoire officiel des prix, et de listes tarifaires
édictées par des professionnels et les chambre de commerce qui reprennent l’ensemble des prix
des différents produits vendus à un moment donné et sur un lieu donné. Ces listes servent de
nomenclature dont le rapport de comparabilité est réputé viable.
Le législateur italien qui se réfère à la valeur normale des biens et services prévue à l’art 9 al 3
TUIR met en évidence cette conséquence du principe de pleine concurrence dans la rédaction
de l’art 110 al 7 ce qui n’est pas le cas du législateur français. Comme nous avons pu le
constater l’approche de nos législateurs diffèrent surtout quant aux termes qui sont utilisés dans
les textes. Pour autant, chacun vise le même objectif à savoir la restauration de la base
imposable de l’entreprise située sur le sol national et la lutte contre l’augmentation des
transferts indirects de bénéfices. Ils reconnaissent tout deux la primordialité des principes du
libéralisme et des méthodes émises par l’OCDE dans l’analyse des prix intra-groupes qui sont
utilisées par leur administration respective.
Sous Section 2. Les conséquences de la manipulation des prix de transfert
Une fois que les fonctionnaires d’État ont établi un lien de dépendance entre les
entreprises cocontractantes ainsi que l’existence d’un prix de vente qui diffère de celui
habituellement pratiqué par le marché ou d’un avantage déraisonnable à l’encontre d’une partie
au contrat, alors ils peuvent présumer d’un transfert indirect de bénéfices. Cette présomption
leur donne le pouvoir de réintégrer dans la base taxable de l’entreprise le montant des bénéfices
désigné comme ayant été délocalisé. La finalité de l’art 57 CGI et 110 al 7 TUIR est de
rapatrier les bénéfices considérés comme évadés afin de les soumettre à l’impôt en vigueur.
Cet objectif est édicté dans nos législations dont l’art 57 CGI indique clairement :
« Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises […], les bénéfices
indirectement transférés à ces dernières […], sont incorporés aux résultats accusés par les
comptabilités… »
219
La disposition italienne adopte une autre tournure en précisant que :
« I componenti del reddito derivanti da operazioni con società non residenti[…], sono valutati
in base al valore normale dei beni ceduti, dei servizi prestati e dei beni e servizi ricevuti
determinato a norma del comma 2, se ne deriva aumento del reddito…»
« Les composantes du revenu provenant d’opérations avec des sociétés qui ne résident par sur
le territoire de l’État[…],sont évaluées sur la base de la valeur normale des biens vendus, des
services offerts ou des biens et services reçus comme prévue à l’alinéa 2, s’il en résulte une
augmentation du revenu… »
Cela signifie que les composantes du revenu d’entreprise provenant de la vente de biens et
services évaluées sur la base de la valeur normale, seront réajustées si elles aboutissent à une
augmentation du revenu.
La disposition italienne est moins directe que la disposition française. D’abord elle invite à
l’estimation des prix par rapport à la valeur normale. La différence de prix aura pour
conséquence de générer une augmentation du revenu qui nécessitera une rectification. La suite
de l’article présente le cas où l’estimation des prix de vente aboutit à une diminution des
revenus de l’entreprise en Italie dans ce cas la loi dispose que :
« …la stessa disposizione si applica anche se ne deriva una diminuzione del reddito, ma
soltanto in esecuzione degli accordi conclusi con le autorità competenti degli Stati esteri a
seguito delle speciali "procedure amichevoli" previste dalle convenzioni internazionali contro le
doppie imposizioni sui redditi…»
«…la même disposition s’applique s’il en résulte une diminution du revenu mais seulement en
cas d’exécution des accords conclus avec les autorités compétentes des États étrangers qui
prévoient une clause spéciale de « procédure amiable » prévue par les conventions
internationales contre la double imposition des revenus...»
Cela signifie que l’Italie prévoit la possibilité où les prix de vente en Italie soient surestimés par
rapport à la valeur du marché. Elle reconnaît de façon explicite que la réintégration des
220
bénéfices puisse se faire au profit de la juridiction étrangère. Pour cela il faut que les deux pays
soient liés par une convention fiscale qui permet de lutter contre la double imposition au travers
d’une clause de procédure amiable. A l’instar de l’art 9§2 mod OCDE, ce texte prévoit la
possibilité d’un ajustement approprié en cas de diminution des revenus déclarés en Italie.
Cela ne veut pas dire que dans le cas où les autorités italiennes concluent à une diminution des
bénéfices déclarés par l’entreprise située en Italie, celle-ci aura directement le droit à une baisse
de son imposition. Il faut nécessairement que l’entreprise sollicite l’autre État concerné puis
attende qu’il saisisse l’administration italienne et demande un ajustement corrélatif à l’impôt
indu en Italie.
Nous pouvons féliciter cette précision faite dans le texte de loi italien car elle est un gage de
sécurité juridique pour les entreprises puisqu’elle reconnaît que la vérification de comptabilité
peut aboutir à la surestimation des bénéfices de l’entreprise italienne. En pratique ces cas sont
rares mais la présence de ce texte traduit une volonté de collaboration des autorités italiennes
avec les autorités des autres États.
Nous ne retrouvons pas le même esprit dans l’article de la loi française où l’idée de
collaboration n’apparaît nullement. Celle-ci s’attaque directement à la réintégration des
bénéfices indirectement transférés mais ne traite pas de la possibilité de surélévation des
revenus de l’entreprise située en France et de leur éventuel ajustement avec l’autre État.
222
Nous avons étudié les modalités d’application des articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR. En
les confrontant nous nous sommes aperçus que la loi française peut offrir une certaine
transparence au niveau de sa compréhension mais peut se traduire également comme ayant un
manque d’ouverture qui peut générer des situations critiques. Il est en de même pour la loi
italienne qui peut être très explicite quant à la définition du prix de transfert et le recours en cas
de diminution ou augmentation du revenu imposable mais celle-ci aussi révèle un manque de
précision dans les conditions d’application de sa disposition dû notamment à une interprétation
trop large faite par les règlements de l’administration qui crée une instabilité de sécurité
juridique pour les entreprises. Au final chacune d’entre elles a ses avantages mais aussi ses
faiblesses. Il serait donc appréciable de reformuler nos dispositions en se basant sur
l’architecture de l’art 9 du modèle de l’OCDE tout en conservant l’application de nos
exceptions (ex : présomption de lien de dépendance) qui donnent lieu à une interprétation
raisonnée de l’administration sans pour autant chercher à étendre l’application de la loi. Car
cela pourrait constituer un manquement grave au principe fondamental de la séparation stricte
des pouvoirs chère à notre système démocratique.
La consécration par nos États des libertés individuelles et économiques est l’expression de notre
souveraineté nationale. Les autorités compétentes ont pour objectif de veiller à préserver cette
souveraineté puisqu’elle garantie la viabilité et la pérennité de nos Républiques. Mais cette
souveraineté évolue à l’instar de la société des Hommes et s’oriente vers de nouvelles directions
dessinées par les nouveaux contours de nos législations nationales, internationales et surtout
européennes.
Les prérogatives fiscales de nos États et la perception de l’imposition sont des domaines
jalousement gardés car ils constituent le moyen d’actionner les politiques publiques de l’État
grâce aux investissements et dépenses qu’autorisent ces entrées fiscales. Dans ce contexte de
mondialisation qui a mis à mal la relation économique classique que les pays riches et les pays
pauvres entretenaient depuis de nombreuses années, nos pays considérés comme riches mais qui
tendent à s’appauvrir du fait de l’absence de ressources naturelles, de la délocalisation de
l’industrie et d’une optique purement financière de notre économie, génèrent des gouvernants
qui se rattachent à la fiscalité comme une bouée à la mer et voit en elle l’unique moyen
d’assurer l’équilibre du budget. Ils considèrent que les rentrées fiscales sont la source de vie de
l’État c’est pourquoi ils font preuve d’égocentrisme fiscal et ne cherchent pas à collaborer si au
final cela ne leur est pas favorable. Le fait est que la fiscalité est le moyen de survie de l’État
223
mais ne constitue pas la source initiale de la richesse nationale. Elle est la conséquence de
l’activité de milliers de personnes morales qui est génératrice de la véritable richesse nationale.
C’est le fruit de leur travail et leur qualité de résident qui permettent l’obtention de financement
pour organiser les politiques publiques. Ce sont donc les entreprises et notamment les Grandes
Entreprises qui contribuent à honorer une partie des charges publiques.
C’est pourquoi, il est indispensable d’assurer une sécurité juridique à ces personnes afin
qu’elles mêmes puissent anticiper et prendre des décisions adéquates à la bonne santé de leur
entreprise.
Dans une économie et une Union européenne de plus en plus intégrées il serait peut être temps
de minimiser la rigueur de nos textes et faire place à un certain équilibre dans les propos du
législateur qui traduirait l’idée d’une administration capable d’accepter une éventualité diverse
de celle initialement adoptée et de s'accorder sur l'application du principe de pleine
concurrence.
Il est donc essentiel de comprendre le mode de fonctionnement de l'entreprise afin de venir
corriger non pas seulement leurs erreurs de déclaration, mais leurs appréciations des différentes
législations nationales. Cela demande de la clarté et de la précision dans les propos du
législateur et de la bienveillance dans les actions de l’administration. La situation fiscale d’un
contribuable notamment suite à des transactions intra-groupes doit être appréciée par
l’administration fiscale à la lecture des libertés qui fondent notre économie libérale et de la
conception morale ou éthique sur laquelle l’entrepreneur s’est basé pour développer son
entreprise.
La valeur d’un produit est une notion relative admise par notre système économique et
consacrer par la liberté de gestion, la liberté de fixation de prix et le droit à ne pas rechercher le
profit maximum. Il faut obligatoirement tenir compte de ces éléments pour comprendre
réellement les motifs qui fondent la politique de fixation de prix. L’approche de nos
administrations se veut généralement trop inquisitrice, sous couvert de leur souveraineté elles
ne recherchent que trop peu la collaboration directe avec les autres États et encore moins celle
avec les entreprises ; alors qu’il serait bien plus bénéfique pour notre économie et au final notre
souveraineté de trouver des solutions communes qui créent une relation tripartite équitable dans
le respect de nos principes et objectifs fondamentaux.
Au cours de cette 2ème partie, nous allons donc traiter des moyens laissés aux mains de nos
autorités administratives pour assurer ou vérifier la conformité des transactions intra-groupes, et
qui permettent de percevoir l’imposition relative à la richesse créer par les entreprises
224
appartenant à des groupes multinationaux présent dans nos États français et italien, tous deux
membres de l'UE.
226
Les administrations fiscales sont autorisées à effectuer tout contrôle portant sur les
déclarations et les actes utilisés pour l’établissement des impôts, droit, taxes et redevances de
tous les contribuables nationaux ou installés sur le territoire national, conformément à l’art 10
LPF228 et les articles 31229 et suivants du Decreto del Presidente della Repubblica (D.P.R)
29/09/73 n°600 et 51 du D.P.R du 26/10/73 n°633.
L’ordonnancement italien ne connaît pas la même codification que le droit français, il existe
certes un Code Général des Impôts (CGI) dit « Testo Unico delle imposte sui Redditi
(TUIR) »230 mais pas de Livre de Procédure Fiscale qui comprend plus de 280 articles de loi.
Toutes les dispositions relatives à la procédure fiscale se trouvent dans d’autres normes et
notamment celle qui intéresse notre matière à savoir le DPR 600/73 intitulé disposition
commune en matière d’établissement de l’imposition sur les revenus qui lui comprend moins de
80 articles.
Pour honorer leurs missions, les administrations sont en droit de demander aux contribuables de
renseigner, éclaircir et justifier les déclarations faites ou les documents déposés pour
l’établissement de leurs contributions fiscales. L’art L10 LPF et l’art 32 du D.P.R 29/09/73
viennent également poser le principe du droit de renseignement détenu par l’administration.
Cette base légale sert de cadre générale aux administrations en vue d’obtenir toutes les
justifications nécessaires à vérifier la véracité des impôts déclarés. Elle s’applique à toutes
formes d’impositions et à tous contribuables. Si l’administration a un quelconque doute sur un
montant déclaré ou sur la cohérence d’une situation fiscale, elle est en droit de demander tous
renseignements utiles. Le contribuable se devra de répondre dans un délai de 30 jours
conformément à l’art L11 LPF. Par leur généralité ces articles sont applicables en matière de
contrôle des prix de transfert mais aux vues de l’importance financière de ces transferts indirect
de bénéfice, le législateur français à préférer prévoir une mesure spécifique qui vient renforcer
le dispositif de lutte prévu à l’art 57 CGI. Lorsque l’administration fiscale présume d’une
délocalisation de bénéfice, la société contrôlée est dans l’obligation de fournir suite à la
228
Art L10 LPF : « L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement
des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions,
restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. A
cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux
déclarations souscrites ou aux actes déposés. Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L.
13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les
dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. » 229
Art 31: Attributi delle uffici delle imposte: “Gli uffici delle imposte controllano le dichiarazioni presentate dai
contribuenti e dai sostituti d’imposta, ne rilevano l’eventuale omissione e provvedono alla liquidazione delle imposte o
maggiori imposte dovute; vigilano sull’osservanza degli obblighi relativi alla tenuta delle scritture contabili....” 230
Texte Unique de l’Imposition sur les Revenus (TUIR)
227
demande de l’administration les documents qui permettent d’apprécier sa politique de prix de
transfert. Cette disposition prévue à l’art L13B LPF s’applique à toutes les entreprises
apparentées et s’exerce dans le cadre de la vérification de comptabilité régit par les articles L13
et suivants LPF. Toutefois, au sein de cet article L 13B LPF, il existe un dérogation qui vient
exclure de son champ d’application les sociétés qui intéressent précisément notre étude à savoir
les grandes entreprises. L’art L 13 B LPF ne s’applique pas aux grands contribuables entrant
dans le périmètre de la DGE231 car il existe une disposition plus contraignante réservée à ces
derniers qui vient préciser strictement toutes les informations sur les prix de transfert devant
être fournis en cas de vérification fiscale de comptabilité. Cette disposition se veut plus
contraignante pour l’entreprise tant en terme de documentation qu’en terme de mise en œuvre
puisque l’art L 13B LPF s’applique lorsque l’administration présume d’un transfert indirect de
bénéfice alors que le dispositif réservé au Grandes Entreprises n’est pas conditionné à
l’application de l’art 57 CGI. Mais nous présenterons plus loin dans notre développement ce
dispositif spécifique aux grands comptes dont la lettre figure à l’art L 13 AA LPF.
Le but de ce pouvoir de contrôle en matière de prix de transfert est de vérifier que les prix des
transactions intra-groupes soient en conformité avec ceux pratiqués sur le marché libre. Cela
offre la possibilité aux administrations fiscales de s’assurer de la régularité de la base imposable
de ce grand contribuable..
Pour exercer son devoir, les administrations fiscales utilisent un moyen de contrôle qui se veut
traditionnellement répressif (I). C’est ce qui fait que le contrôleur fiscal est mal perçu et mal
venu dans toutes les entreprises car relativement au nombre d’action et de transaction entrepris,
le risque d’avoir commis un acte qui pourrait être reprochable par l’administration est quasi
certain d’autant que l’attitude habituelle de l’administration n’a fait que confirmer ce sentiment.
Mais depuis quelques temps la volonté de renforcer la notion de consentement à l’impôt et
d’améliorer les relations avec le contribuable ont permis de développer de nouvelle forme de
contrôle, plus modernes (II) qui tient compte de la réalité économique des ces groupes
multinationaux et des difficultés qu’ils rencontrent notamment en terme d’appréhension de la
législation fiscale nationale et internationale. L’évolution législative est en bonne voie mais elle
demande une certaine constance et nécessite de poser certains jalons pour aboutir aux résultats
souhaité
231
Art L 13B §1 : « Lorsque, au cours d'une vérification de comptabilité, l'administration a réuni des éléments faisant
présumer qu'une entreprise, autre que celles mentionnées au I de l'article L. 13 AA, a opéré un transfert indirect de
bénéfices, au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, elle peut demander à cette entreprise des
informations et documents… »
228
Titre I. UN CONTROLE TRADIONNELEMENT REPRESSIF
Dès lors que l’administration contrôle un contribuable, elle aborde celui-ci de façon
à trouver des éléments qui viendront nier la bonne foi de l’entreprise et/ou contredire son calcul
de l’imposition afin de démontrer que cette dernière est en situation illégale et plus encore en
situation de fraude fiscale car c’est là le but visé par le contrôleur fiscale puisque que celle-ci
est plus gratifiante d’un point de vue professionnelle. Pour exécuter sa tache, l’agent de
l’administration fiscale dispose de moyens qui lui permettent de confondre l’entreprise en se
basant sur les déclarations fiscales. Cela explique pourquoi ce type de contrôle est dit à
postériori (chapitre I) puisqu’il nécessite au préalable le respect ou le non respect de l’obligation
de déclaration qui pèse sur la société contribuable. Dès lors que les éléments qui fixe la totalité
des bénéfices réalisés par l’entreprise sont transmis à l’administration. Celle-ci pourra contrôler
si le montant de l’impôt correspond non seulement à la base imposable déclarée par la société
mais que cette base reprend effectivement l’ensemble des bénéfices réalisés par celle-ci.
Autrement dit que la base imposable de l’entreprise n’ait pas subit une érosion voire dans des
cas plus rares une adjonction de bénéfices du fait d’un transfert indirect de bénéfice rendu
possible par une manipulation des prix de transfert. Dans ce cas, l’administration se devra de
rectifier la base imposable (Chapitre II) afin de percevoir le montant de l’impôt légitiment du.
229
Chapitre I. Le contrôle fiscal à posteriori
Nos législateurs en tant que représentant de la nation ordonnent et autorisent
l’administration des impôts à contrôler les déclarations faites par les contribuables ainsi que
tous les actes utilisés pour établir tous: « impôts, droits, taxes et redevances. » conformément
aux articles L 10 LPF et art 31 DPR n°600 du 29/09/1973.
Dans ce cadre légal, l’administration adopte une logique autoritaire afin d’assurer une meilleure
préservation des intérêts de la nation. Le contrôle à posteriori s’inscrit dans la lettre de ces
articles qui font de ce contrôle une procédure autonome et indépendante des autres types de
contrôle que nous étudierons plus tard.
Cela signifie qu’aucune société quelque soit sa situation juridique ou ses rapports avec
l’administration ne pourra légalement s’opposer à l’action de l’administration fiscale qui
souhaite contrôler la comptabilité de l’entreprise ainsi que la conformité des prix de transfert
pratiqués. Pour ce faire l’administration utilisera des moyens issus du contrôle interne(section I)
qui porte sur les déclarations de revenus et documents transmis chaque année à l’administration
conformément aux obligations fiscales qui pèse sur chaque personne morale et plus encore sur
chaque Grande Entreprise. Mais l’arme principale de l’administration en matière de contrôle
fiscal des entreprises et plus spécifiquement des transactions intra-groupes se trouve dans le
contrôle dit externe (section II) qui regroupe la vérification de comptabilité et les dispositions
propres aux transferts indirects de bénéfices.
Section I / Le contrôle interne : le contrôle sur pièce
Le contrôle sur pièce s’effectue principalement au sein même de l’administration,
dans ses locaux. Suite aux déclarations fiscales des contribuables, elle vient exercer son activité
principale garante de notre système fiscal déclaratif. Il s’agit évidemment de l’action de
contrôle des données comptables transmises par les sociétés.
Pour ce faire elle dispose des déclarations et pièces justificatives, et c’est sur cette base de
document que l’administration fiscale réalise un contrôle dit sur pièce afin d’une part de vérifier
la véracité et la cohérence des éléments fournis et d’autre part de contrôler le montant des
impôts à payer. C’est ce contrôle sur pièce qui lui permet de faire valoir son droit à
230
renseignement ou demande d’information auprès du contribuable (sous section 1) ou des tiers.
S’agissant d’une activité essentielle de l’administration fiscale, il est normal de retrouver ces
prérogatives dès les 1ers articles du livre de procédure fiscal dans le Titre intitulé « le droit de
contrôle de l’administration ». Celui-ci présente également une autre des prérogatives
essentielles au travail du contrôleur fiscal. Elle lui permet de venir corroborer et/ou compléter
les déclarations faites par l’administré soumis à la tenue d’une comptabilité, en demander à des
tiers personnes physiques ou morales en relations avec le contribuable contrôlé de lui fournir
des documents ou informations portant sur cette personne ou entreprise, il s’agit du dénommé
droit de communication (sous section 2) prévu à l’ art L 81 LPF et que nous retrouvons à l’art
32 du DPR 600/73.
Sous Section 1. La Demande de renseignements, éclaircissements et
justifications
Le législateur est venu octroyer certains moyens à l’administration fiscale afin que
celle-ci puisse exécuter sa mission. L’alinéa 3 de l’art L10 LPF232 vient nous énumérer ces
mesures qui n’ont pas la même portée juridique. Il s’agit de la demande de renseignements, la
demande d’éclaircissements et enfin la demande justifications.
La demande de renseignements prévue à l’art L 10 LPF est une simple procédure d’information,
elle peut être écrite ou verbale et elle n’a aucun caractère contraignant. Il s’agit en fait
d’autoriser l’administration à poser de simples questions en vue de compléter le dossier fiscal
du contribuable ; son champ d’action est le plus large possible, il s’applique à toutes personnes
physiques ou morales. La demande d’information n’est pas interruptive de prescription. La
largesse d’application de cette mesure est équilibrée par le fait que le contribuable n’est pas
légalement obliger d’y répondre233, et rien ne doit laisser penser que l’absence de réponse
entrainera une sanction fiscale234. D’ailleurs les écrits des fonctionnaires en matière de demande
d’information sur la base de l’art L10 LPF reprennent souvent cette formule à la forme
conditionnelle : « le fonctionnaire … souhaiterait disposer de renseignements complémentaires
concernant… »
232
Art L10 al 3 LPF: “A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou
éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés.” 233
Cour Cass, com 23/02/1999 n° 16212 234
CE, 8 et 9 ss-sect, 01/07/1987 n°54222, arrêt « Marcantetti »
231
Il est clair qu’en cas de demande, il est tout de même préférable de répondre pour deux raisons.
la 1ere consiste à montrer sa bonne foi en satisfaisant à la demande de l’administration car
chaque contribuable doit être soucieux de préserver les intérêts budgétaires de l'État ; la seconde
tend a protéger les intérêts du contribuable et est le fruit d’ une pratique doctrinale qui veut que
tout dossier soit considéré comme clos 60 jours après avoir reçu la réponse du contribuable. Un
dossier considéré clos est un dossier qui en pratique ne donnera lieu à aucun rappel.
En théorie cette demande de renseignement est applicable au prix de transfert mais en pratique
elle est utilisée que très rarement du fait de son caractère non contraignant.
Par contre, la demande d’éclaircissement et de justifications prévue à l’art 16 LPF235 est plus
cadrée. Cette procédure s’applique dans des cas spécifiquement prévues par la loi et qui attrait
principalement à l’examen fiscal de l’impôt sur le revenu (IR). La matière n’entrant pas dans le
champ de notre étude, nous arrêterons notre développement en précisant que l’absence de
réponse ou assimilée dans un délai maximum de 90 jours236 à une demande de justifications
faites sur la base de l’art16 LPF entraînera une procédure de taxation d’office conformément à
l’art L69 LPF237.
L’art 15 LPF qui autorise un agent à obtenir des explications orales ou à auditionner un
contribuable lorsque cela « lui parait utile » est également exclut du champ d’application des
personnes morales soumises à la tenue d’une comptabilité. A l’inverse le droit italien par son art
32 al 2 DPR 600/73 permet aux agents d’inviter le contribuable ou « son représentant légal» « à
comparaître » afin de fournir des informations sur l’établissement de son imposition.
S’agissant de l’impôt sur les sociétés et les prix de transfert, nous verrons que le législateur
français a prévu des dispositions spécifiques qui s’exécutent dans le cadre législatif de la
procédure de vérification fiscale. Alors que les mesures prises par le législateur italien sont
principalement d’application générale et se retrouvent à l’art 32 DPR 600/73.
235
Art L16 LPF : « Art. L16 En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au
contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses
charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu
[…]. Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et
mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. » 236
Art L16A LPF : « Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse
qui ne peut être inférieur à deux mois.
Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications,
l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en
précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. » 237
Art L69 LPF : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et
commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les
contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article
L. 16. »
232
L’autre disposition qui fait partie du contrôle interne et tend à obtenir des compléments
d’informations sur la situation fiscale d’un contribuable, notamment d’une entreprise soumise à
l’obligation de tenir une comptabilité est appelée le droit de communication.
Sous Section 2. Le Droit de communication
Le fondement du droit de communication se trouve à l’art L81 LPF et à l’art 32 DPR
600/73.
Il a pour but de permettre aux agents de l’administration fiscal d’obtenir tous documents utiles
principalement comptables, économiques ou judiciaires auprès des personnes et organismes
tiers. Les articles L82 à L96 I LPF et les alinéas 3 à 8-ter de l’art 32 DPR 600/73 établissent la
liste de toutes les personnes soumises à ce droit ; ce peut être une administration, le ministère
public, les établissements bancaires, les établissements postaux ainsi que toutes personnes
physiques ou morales en relation avec le contribuable. Ce droit de communication est donc
général.
Le terme utilisé en droit italien pour présenter ce pouvoir de l’administration peut être nommé
comme son équivalent en français « diritto di comunicazione » ou peut encore prendre la
dénomination « d’accesso » signifiant littéralement « droit d’accès », cela dépendra des
modalités d’exécution de cette prérogative.
La législation italienne prévoit dans l’al 3 de l’art 32 DPR 600/73 que ce droit de transmission
des données s’applique au contribuable lui-même. Cette mesure n’est pas spécifiquement
prévue dans les dispositions françaises mais en pratique l’administration n’hésite pas à utiliser
ce pouvoir auprès du contribuable en question. Le Conseil d'État a confirmé cette tendance par
un arrêt du 06/10/2000238. Il précise l’objet de ce droit de communication et étend son
application en indiquant notamment que ce droit doit : « permettre au service, pour
l’établissement et le contrôle de l’assiette d’un contribuable, de demander à un tiers ou,
éventuellement, au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière
ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d’investigations particulières
ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et le cas échéant, copie de certains
238
CE 06/10/2000 , sect., n°208765, Sarl Trace: RJF 12/2000.
233
documents existants qui se rapportent à l’activité professionnelle de la personne auprès de
laquelle ce droit est exercé. »
En théorie le droit de communication est un droit qui s’exerce sur place, c'est-à-dire qu’un agent
de l’administration française se présente sur les lieux afin de consulter les documents souhaités.
Comme l’indique une jurisprudence du CE du 07/02/1958 : « aucun texte n’oblige
l’administration à prévenir les contribuables de son intention d’user de son droit de
communication et du jour et de l’heure auxquels ce droit sera exercé. »
Mais la doctrine administrative impose à ses agents de prévenir au préalable le contribuable
concerné de sa venue par la biais d’un avis de passage. Ce document doit spécifier clairement
l’action pour laquelle l’agent se présente sur les lieux.
En pratique il arrive que l’avis de passage ne soit pas envoyé au préalable ; dans ce cas le
contrôleur qui se présente notifie physiquement cet avis de passage à la personne ou
l’organisme sollicité mais celui vaut surtout lorsque l’administration se déplace directement
chez la personne ou la société contrôlée.
Le droit de communication doit s’exercer de façon ciblée et ne doit pas constituer une recherche
générale de document. Appliqué aux entreprises pratiquant une activité industrielle et
commerciale, le droit de communication s’exerce conformément à l’art à l’art 32 al 3 DPR n°
600/73 239 dont nous retrouvons l’équivalent français à l’art L85 LPF et qui porte sur :
« les livres dont la tenue est rendue obligatoire par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du Code
de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses. »
ainsi que : «le rapport de gestion mentionné à l'article L. 232-1 du Code de commerce,[…] les
registres de transfert d'actions et d'obligations et sur les feuilles de présence aux assemblées
générales. »
Elle consiste pour les entreprises a un relevé passif des éléments de sa comptabilité. L’agent
doit spécifier les documents qu’il souhaite consulter, il est en droit de faire copie des pièces
239
Art 32 comma 3 DPR 600/73: “ invitare i contribuenti, indicandone il motivo, a esibire o trasmettere atti e
documenti rilevanti ai fini dell'accertamento nei loro confronti,compresi i documenti di cui al successivo art. 34.
Ai soggetti obbligati alla tenuta di scritture contabili secondo le disposizioni del titolo III può essere richiesta anche
l'esibizione dei bilanci o rendiconti e dei libri o registri previsti dalle disposizioni tributarie. L'ufficio può estrarne
copia ovvero trattenerli, rilasciandone ricevuta, per un periodo non superiore a sessanta giorni dalla ricezione. Non
possono essere trattenute le scritture cronologiche in uso”
234
qu’il juge utiles. Cette intervention doit être ponctuelle et limitée dans le temps c’est à dire à la
consultation et si nécessaire à la reproduction des documents demandés. Un droit de
communication qui s’exerce au sein d’une société pendant plus de 10 semaines et qui porte sur
la consultation de tous les documents comptables des 4 dernières années ne peut être considéré
comme relevant de la procédure du droit de communication240.
Selon la loi française le droit de communication est un droit qui s’exerce sur place mais pour
des raisons pratiques, l’administration exerce souvent cette demande de communication par le
biais de lettre envoyée en recommandé avec accusé de réception. La pratique administrative
veut qu’elle exerce son droit de communication auprès de toutes personnes qu’elles considèrent
utiles mêmes si celle-ci ne sont pas énumérées dans la loi.
La loi italienne prévoit quant à elle que l’exercice de ce droit peut s’effectuer soit par voie
postale et même par voie électronique pour les établissements bancaires et postaux afin
d’améliorer les délais d’obtention ; d’ailleurs depuis le 01/01/2006 les organismes financiers
sont tenus de se doter d’une adresse « di posta electronica certificato »241 dédiée à la réception
des demandes d’enquêtes émanant des services de contrôle (Agenzia delle Entrate, Guardia di
Finanza). C’est seulement en dernier recours que le droit de communication s’effectuera sur
place par l’accès direct aux documents demandés. Ce droit d’accès ne peut être effectué que
dans 2 hypothèses prévues par « l’instruzione sull’attività di verifica » émanant du
commandement de la « Guardia di Finanzia242 »:
- En cas d’absence de réponse dans les délais impartis à savoir 30 jours,
prorogeable de 20 jours sur demande.
- En cas de doute sur la véracité des informations transmises
L’ « accesso » matérialisé par le déplacement du contrôleur fiscal constitue donc l’exception en
matière d’obtention des documents émanant du contribuable ou des tiers. Le principe sera donc
la demande écrite adressée au tiers ou au contribuable qui sera motivée en droit et devra
préciser les documents ou informations désirés.
240
CE 9 juillet 1982 n°26305-bis, RJF 82 n°964 241
http://www.agenziaentrate.gov.it/Scheda+informativa+Indagini+finanziarie/ 242
Circolare 29/12/2008 vol III p 44
235
Concernant le formalisme applicable à ce droit, la loi française est peu contraignante. Le
contrôleur doit se présenter officiellement auprès de la personne ou organisme visé, il se rend
sur place sans avoir à annoncer sa venue. Mais la pratique administrative impose aux agents
d’envoyer ou de remettre un avis de passage précisant le jour, l’heure du passage et indiquer
qu’il s’agit de l’exercice du droit de communication. Ainsi l’administration évite toutes
confusions avec la vérification de comptabilité qui est une procédure plus contraignante et donc
offrant des garanties supplémentaires au contribuable. Toute confusion de procédure ou
débordement du droit de communication serait constitutif d’une violation d’une condition
substantielle de la légalité d’action de l’administration et pourrait conduire à annuler l’entière
procédure en cas de rectification.
La loi et doctrine administrative italienne précisent, en plus de l’obligation générale de se
présenter officiellement, que le fonctionnaire italien devra présenter l’acte signé par le Directeur
du service ou Directeur régional l’autorisant à exercer ce droit « d’accesso » auprès du tiers ou
du contribuable. Lorsqu’il s’agit d’une demande adressée à un organisme financier
l’autorisation doit émaner du Directeur central ou régional243 de l’Agenzia delle Entrate.
L’absence de ce document invalide la procédure.
En cas de refus de se soumettre au droit de communication de l’administration, la personne ou
la société réfractaire pourra se voir affliger une amende à hauteur de 1500 euros comme prévu
par l’art 1734 CGI.
La non respect de cette obligation par la personne sollicité peut provenir du refus pur et simple
mais aussi du fait que les personnes et organismes interpellés non pas respecter leurs obligations
relatifs à la tenue et à la conservation des documents à caractère économiques.
L’art L102 B LPF al 1 dispose que : « Les livres, registres, documents ou pièces » doivent être
conservés pendant 6 années à compter de leur date de rédaction ou de mention aux livres ou
registres dont la tenue est obligatoire. Quant au droit italien, la période de conservation des
documents comptables est en principe de 10 années à la date de clôture de l’exercice.
243
Circ 29/12/2008 Vol III p 39
236
Le « decreto legislativo » du 18/12/1997 n°471 intitulé : « Sanctions fiscales, impôts directs,
TVA et recouvrement » prévoit différentes sanctions applicables en cas de refus de se soumettre
au droit de communication.
L’art 9 de ce décret s’applique lorsque que les personnes soumises à la tenue et à la
conservation d’une comptabilité n’honore pas ces obligations ; dans ce cas le montant de la
sanction administrative infligée sera compris entre 1000 et 7500 euros selon les circonstances
de l’espèce.
L’art 10 quant à lui s’intéresse aux organismes financiers tels les banques, les assurances, les
sociétés fiduciaires ; et indique qu’en cas d’omission ou de réponse incomplète faite à
l’administration fiscale, la sanction oscillera entre 2000 et 40 000 euros. Le montant pourra être
diminué de moitié si le retard n’a pas dépassé de 15 jours la date à laquelle l’administration était
en droit d’obtenir cette réponse.
L’art 11 de ce décret législatif sanctionne d’un montant compris entre 250 et 2000 euros selon
les circonstances de l’espèce, le contribuable ou la tierce personne qui n’a pas répondu ou
partiellement aux demandes du contrôleur fiscal.
Il est clair que le montant des sanctions en France et en Italie diffère largement pour certaines
catégories de personne. Les banques italiennes ont la culture du secret bancaire et pendant
longtemps elles ont mis en avant ce principe pour ne pas répondre aux demandes de
l’administration fiscale. La 1ere avancée législative réelle a eu lieu en 1991 avec la loi du
30/12/1191 n° 413 mais il a fallu attendre la loi récente du 30/12/2004 n° 311 pour qu’en
matière « d’indagini finanziarie » « d’enquête financière » le secret bancaire ne soit opposable à
l’administration. Cette culture du secret peut expliquer les montants importants que les
établissements bancaires devraient supporter s’ils tentaient de s’amender de cette obligation de
communication. Au-delà de cette raison, il est tout a fait judicieux de prévoir des montants
différents selon la nature de la personne ou organisme sollicité surtout lorsqu’il s’agit
d’organismes financiers dont on sait que la participation même passive au phénomène d’évasion
fiscale n’est ni récente ni désintéressée. Le prix du silence fixé à 1500 euros ne donne que peu
de valeur au droit de communication car il semble dérisoire par rapport au flux financiers que
ces établissements génèrent alors qu’une sanction de 40 000 euros pourrait au fur et à mesure
des condamnations remettre en cause le calcul de cout-avantage lors d’une demande de
communication.
237
Par contre l’administration française ne pourra pas infliger de sanction du fait du non respect
droit de communication envers des personnes qui ont reçu cette demande par voie postale ou
envers des personnes et organismes dont la loi ne fait pas état, pour les raisons suivantes :
- L’agent ne s’est pas déplacé alors qu’il s’agit d’un droit qui s’exerce sur place ;
- La personne saisie ne figure pas dans les textes donc l’obligation de
communication ne pèse pas sur elle.
Dans ces cas précis toutes communications qui auraient été obtenues sous le coup de menace de
sanction ne pourront être recevables et la procédure de rectification qui se baserait sur ces
documents sera entachée de nullité244. Ce constat rappelle que la pratique même si elle est
admise doit être emprunt de légalité.
La demande d’information et l’exercice du droit de communication ont pour fonction d’éclairer
l’administration sur la cohérence générale du dossier fiscal de l’entreprise.
En cas d’information contradictoire qui nécessite une analyse de la comptabilité d’entreprise par
comparaison c'est-à-dire en confrontant d’autres données économiques et comptables qui
pourraient servir à prouver un transfert indirect de bénéfice, l’administration se devra d’engager
une procédure dite de vérification de comptabilité. Celle-ci lui permettra d’exercer un contrôle
actif de la société et non un simple relevé passif245 d’information, afin d’obtenir des éléments
complémentaires et poursuivre de façon plus prolongée au sein de l’entreprise son activité de
contrôle.
Par contre si le relevé passif révèle des éléments contraires à la déclaration fiscale sans qu’il y
ait besoin d’effectuer un comparatif avec les livres de comptabilité par exemple, alors
l’administration rédigera une proposition de rectification qui sera notifiée au contribuable
contrôlé.
Afin de rendre cette procédure du droit de communication plus équitable et d’instaurer un
certain équilibre entre les droits et devoirs de l’administration le législateur est venu lui imposer
des obligations qui furent introduites par l’art 27 de l’ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre
2005 et codifiées à l’art L 76 B LPF, qui dispose que :
244
CE 5 mai 2008 n°291229, Babonneau, RJF 08 n°988 245
Maïa, “Les outils du contrôle fiscal et leur combinaison”, chron. RJF 00 p.895 et ss
238
« L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des
renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir
l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la
notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie
des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. »
A la lecture de l’art L 76 B LPF, s’impose à l’administration deux obligations:
la 1ère est dite d’information et veut que la proposition de rectification fasse état dans ses
motivations :
- De la procédure qui a été mise en place pour obtenir ces informations (en l’espèce
le droit de communication) ;
- Des documents de base qui ont servi à la justification du rehaussement
d’imposition ;
- De l’identité du tiers qui a remis cette documentation (Banques, administration
étrangère etc.) ;
- De la nature même du document (contrat, facture, jugement etc.)
la seconde est dite de communication et oblige l’administration à transmettre, sur demande du
contribuable contrôlé les documents en question. Pour ce faire l’intéressé doit effectuer cette
demande sous forme écrite et dès réception de l’avis de rectification. L’administration doit lui
en communiquer copie avant la procédure de recouvrement des impôts rehaussés afin qu’il
puisse si nécessaire les remettre en cause. Une demande trop tardive de l’administré, après la
mise en recouvrement, exonère l’administration de son obligation de communication.
C’est une instruction administrative du 21/09/2006246 qui vient nous préciser les modalités
d’application de ce devoir d’information et de communication. S’agissant d’un principe général
qui s’applique à toutes les procédures de contrôle donnant lieu à rehaussement du fait de
l’obtention d’informations ou documents provenant de tiers, nous aurons l’occasion de
retrouver cette mesure dans nos développements futurs.
246
Instr. Adm. n°155 21/09/2006 BOI 13 L-6-06
239
Nous pouvons donc admettre que le droit de communication est un moyen hybride entre le
contrôle interne et externe de l’administration. Le contrôleur se déplace dans les locaux de
l’entreprise contrôlée ou dans des locaux d’organisme tiers. Ce mouvement physique hors du
service pourrait suffire à en faire un caractéristique du contrôle externe mais la doctrine
administrative considère que seul l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et
notre intéressée vérification de comptabilité constitue le contrôle fiscal externe247. Ceci peut
s’expliquer par le fait que le droit de communication se fait dans un temps court et est limité à
l’obtention de certains documents ; alors que la vérification de comptabilité consiste en une
étude approfondie de l’ensemble des documents permettant une reconstruction réaliste de la
comptabilité de l’entreprise, ce qui nécessite une présence beaucoup plus longue dans les locaux
de la société. Il est à noter que la pratique du droit de communication est très souvent associée à
la procédure de vérification de comptabilité. Elle n’existe pas uniquement comme préalable à
celle-ci mais se veut un moyen complémentaire voire indispensable à la pleine effectivité de ce
contrôle externe.
Concernant le contrôle des prix de transfert des grandes firmes multinationales ; le droit de
communication au niveau national peut se révéler être un moyen très efficace d’obtenir des
informations concernant: « l’établissement de l’assiette et le contrôle des impôts » mais au
niveau international, il rencontre vite des limites à savoir celui de son territoire d’action.
L’administration d’un pays ne peut légalement obliger un organisme, une administration qui se
situe dans un autre état ou une société qui réalise des échanges intra-groupes avec l’entreprise
contrôlé, de lui transmettre des données comptables afin de vérifier la bonne pratique des prix
de transfert par la société située dans sa juridiction. De ce fait il manquera toujours à
l’administration un pan d’information nécessaire à la recherche méthodologique du prix de
pleine concurrence qui lui servirait à établir et motiver plus aisément un transfert indirect de
bénéfices.
Face à cette incapacité légale d’obtenir des informations de tiers étrangers, les États en vue de
lutter contre la délinquance et la déviance ont développé des mesures d’entraide administrative
en se calquant sur les travaux de l’OCDE en matière d’échange d’information ou d’assistance
administrative internationale qui seront repris par la commission européenne.
247
Instr. Adm. n°155 21/09/2006 p2 BOI 13 L-6-06
240
Les États membres sont conscient que la souveraineté nationale ne joue plus pleinement son
rôle de garant de l’intérêt national et vu l’importance des montants en jeu nous pourrions arguer
que l’infime part de souveraineté abandonnée au profit de la collaboration européenne n’aura
pas les effets escomptés car la coopération entre Etats membres est une chose louable mais sera
toujours handicapée voire immobilisée par la lourdeur administrative qui caractérise nos Etats.
La Directive du Conseil de l’UE n° 16 du 15/02/2011 constitue le texte de référence en matière
de collaboration entre États membres. Mais du fait des différents dispositifs qu’elle instaure et
de la pratique de ce droit au niveau international, il est préférable de présenter ces mesures
d’assistance à la fin de l’étude du contrôle externe pour en avoir une meilleure compréhension.
Section II / Le contrôle externe : la vérification sur place
Le contrôle externe est le dispositif le plus contraignant et le plus redouté par tous
les contribuables qu’ils soient français ou italiens. Il représente le niveau d’ingérence maximum
de l’administration fiscale dans les intérêts économiques du contribuable.
La loi française opère une distinction selon la qualité du contribuable entre particulier et société.
S’il s’agit de contrôler la déclaration de revenu d’une personne physique afin d’en vérifier la
véracité, la loi française par son art L12 LPF autorise l’administration à contrôler : « la
cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la
situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal » en vue
d’établir la réelle capacité contributive de la personne contrôlée. Ce contrôle appelé Examen
contradictoire de l’Ensemble de la Situation Fiscale Personnelle (ECSFP) peut s’exercer sur
tout individu appartenant à un foyer dont le domicile fiscal est en France ou à défaut à toutes
personnes qui : « ont des obligations au titre de cet impôt. »
S’il s’agit de vérifier les sociétés ou personnes soumises à la tenue d’une comptabilité, le
dispositif de contrôle externe est simplement dénommé vérification de comptabilité et il
s’exécute dans le cadre de l’art L13 LPF dont l’alinéa 1 dispose :
« Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par
le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents
comptables. ».
241
Cette distinction même si nous la retrouvons dans la doctrine italienne n’est pas aussi marquée,
il n’existe pas un texte dédié au contrôle fiscal de l’entreprise commercial et un autre dédié aux
revenus personnel du particulier. Le législateur italien caractérise le contrôle externe par la
réunion de 3 pouvoirs que l’administration peut exercer afin de contrôler tout contribuable. Ces
3 pouvoirs qui peuvent être complémentaires et dont les effets contraignants vont crescendo
sont nommés : « Accessi, ispezioni e verifiche » à savoir « Accès, inspections et vérifications ».
Comme nous avons décidé de choisir le droit français pour base de notre étude, nous garderons
la même approche que législateur français et la doctrine tout en marquant les similitudes et
différences avec le droit italien.
Sous Section 1. Historique
Cette vérification de comptabilité proprement dite trouve son origine légale dans la
loi du 02/04/1955 accordant au gouvernement français des pouvoirs spéciaux en matière
économique et sociale et le décret du 04/11/1954 qui lui, concerne l’aménagement et les
allègements fiscaux. Ces deux textes firent suite au mouvement poujadiste qui critiquait
l’administration fiscale du moment, de favoritisme envers les plus grands contribuables. Après
la 2nde guerre mondiale, plusieurs mesures furent prisent pour relancer l’économie française.
L’amnistie fiscale de 1952 décrété par Antoine Pinay, alors ministre des finances et président du
conseil248 sous la IVème république, fut très bien accueillie par les entrepreneurs mais après son
départ du gouvernement en janvier 1953, la tendance s’inversa, les contrôles s’accentuèrent, les
redressements aussi. Nombre de petits commerçants se sont vus malmenés, contraints à la
fermeture. Ce jour d’été 1953 Pierre Poujade dénonçant cette « Gestapo fiscale » se met en
grève de l’impôt et lorsque 23 commerces dont le sien sont menacés de contrôle fiscal, alors se
crée une union de commerçants qui vient s’opposer physiquement à l’entrée des agents du fisc
dans leurs locaux. Cette action se propage dans toute la France, elle se voit d’abord réprimée
notamment par l’instauration en août 1954 de mesures proposées par le député Henri Dorey qui
prévoient des peines d’amende et d’emprisonnement à toute personne qui s’opposerait à un
contrôle fiscal. Mais cette position agressive du gouvernement qui visait à remettre en cause les
régimes particuliers concédés aux PME pendant l’entre deux guerres va vite trouver ses limites
248
Fonctions exercées du 8 mars 1952 au 8 janvier 1953
242
et face à la pression populaire, les gouvernements de Pierre Mendès France249 et plus encore de
celui d’ Edgar Faure250, instaureront cette politique dite de « détente fiscale ».
Le décret 54-1073 du 4 novembre 1954 portant aménagement et allégement fiscaux ouvre cette
voie accompagné de la loi précédemment citée du 02/04/1955. Ces textes ont pour objectif de
reprendre l’activité républicaine du contrôle fiscal en l’encadrant de garanties d’exécution. Le II
de l’art unique de la loi de 1955 instaure le premier dispositif qui vient encadrer les pouvoirs de
l’administration fiscale en matière de vérification de comptabilité des entreprises ainsi que les
1ères garanties offertes aux contribuables. Il prévoit notamment la possibilité pour le
contribuable de se faire assister d’un conseil et l’obligation pour l’administration de lui faire
part de ce droit ; l’obligation de notifier et motiver les raisons et montants du redressement ainsi
que la possibilité pour le contribuable de faire part de ses remarques et justifications dans un
délai de 20 jours et enfin l’impossibilité pour l’administration d’effectuer une deuxième
vérification fiscale en même lieu et place et concernant la même période.
L’encadrement législatif de la vérification fiscale en Italie s’est faite bien avant. En effet, la
« vérifica » trouve son origine législative dans la loi du 07/01/1929 intitulé : « Norme generali
per la repressione della violazione delle leggi finanziarie », toujours en vigueur actuellement et
qui à cette époque avait été instauré afin de venir palier aux lacunes de la législation pénale en
matière fiscale qui était quasi inexistante.
L’art 35 de cette loi définit de façon générale le principe de vérification fiscale en ces termes :
«Per assicurarsi dell'adempimento delle prescrizioni imposte dalle leggi o dai regolamenti in
materia finanziaria, gli ufficiali o gli agenti della polizia tributaria hanno facoltà di accedere in
qualunque ora negli esercizi pubblici e in ogni locale adibito ad un'azienda industriale o
commerciale ed eseguirvi verificazioni e ricerche. »251
« Pour assurer l’effectivité de certaines exigences imposées par les lois ou règlements
applicables en matière financières, les officiers ou agents de la police fiscale ont
249
Pierre Mendès France (1907-1982), Homme politique Français, sous la IVème république chef du gouvernement (du
19/06/1954 au 5/02/1955. 250
Edgar Faure (1908-1988) Homme politique français, sous la IVème république Chef du gouvernement du 20-01-
1952 au 29/02/1952 et du 23/02/1955 au 23/01/1956. 251
Art.35 legge 07/01/1929
243
le droit d'accéder à toutes heures dans tout établissement public ainsi que dans tous les locaux
utilisés par les entreprises industrielles ou commerciales afin d’ effectuer des vérifications et
des recherches. »
La lecture de cet article nous laisse penser que les pouvoirs d’investigations de l’administration
en matière d’imposition sont très étendus car d’une part il n’y a aucune limitation temporelle
puisque les agents peuvent intervenir « à toute heure » dans n’importe quel « esercizi
pubblici », qui en droit italien sont des lieux accueillants du public et conduisant une activité
commerciale ainsi que dans tous locaux dédiées à l’activité de l’entreprise. Ce droit à
vérification étendue connaît pourtant une limite, celle qui attrait au type d’imposition. Ce
pouvoir doit être exercé afin de contrôler le paiement des impôts indirects. En effet l’art 60252 de
cette loi de 1929 vient écarter l’application de ce dispositif à toutes impositions directes, en ces
termes :
“Le disposizioni contenute negli artt. 16, 19 e 22 e nei capi II e V del titolo II non si applicano
in materia di redditi soggetti a tributi diretti...”
« Les dispositions contenues dans les articles 16, 19, 22 et dans les chapitres II et V du titre II
ne s’appliquent pas en matière de revenu soumis à une imposition directe… ».
Les fonctionnaires chargés du contrôle et recouvrement des impôts indirects utilisaient
couramment la « verifica fiscale » dans son application la plus large tout comme la « Guardia di
Finanza » qui du fait de sa double compétence judiciaire et fiscale effectuait des enquêtes au
sens propre du terme. Elle organisait des filatures, interroger le voisinage, réalisait des visites
inopinées etc…, afin de démontrer la fraude.
En revanche les actions d’investigations du bureau en charge du contrôle et recouvrement des
impôts directs se caractérisaient par l’étude minutieuse et approfondie des documents
comptables et se limitaient uniquement à ces derniers conformément à ce que prévoyait le
dispositif législatif de l’époque prévu par la loi du 09/12/1928. Puis cette loi a été modifié par
252
Legge 07/01/1929, art 60: “Le disposizioni contenute negli artt. 16, 19 e 22 e nei capi II e V del titolo II non si
applicano in materia di redditi soggetti a tributi diretti, che continuano ad essere regolati dalle disposizioni e dalle
norme stabilite nelle leggi e nei regolamenti che riguardano tale materia.” Abrogée par l’art 29 du D.Leg
18/12/1997.
244
Regio Decreto253 du 17/09/1931 qui traitait de l’établissement des revenus soumis à
l’imposition directe et des sanctions en cas de défaut de déclaration.
Grâce à ce dispositif, les agents fiscaux pouvaient inviter le contribuable à comparaître, lui
demander des justifications, effectuer des visites même au sein de l’entreprise. Mais la
consultation et l’utilisation des documents extra-comptables pour établir ou justifier un
redressement leur étaient prohibées. En cas d’omission volontaire de déclaration, outre la
mesure de rectification de l’imposition due, il ne pouvait infliger au contribuable fraudeur
qu’une sanction pécuniaire qui prenait la forme d’une amende.
Nous remarquerons qu’il y avait une différence de traitement, tant en matière de contrôle qu’en
matière de sanction, entre le non respect d’une disposition financière portant sur l’impôt indirect
et celui d’une disposition fiscale portant sur les revenus.
Cette distinction s’explique par le fait que tout au long du second Royaume d’Italie (1861-1946)
la 1ere ressource de financement du budget de l'État provenait des droits de douanes. C’est
pourquoi dans l’esprit du législateur il était primordial de sécuriser les principales recettes de
l'État et de sanctionner sévèrement toute fraude à l’imposition indirecte.
La loi du 07/01/1929 qui concerne les violations des dispositions financières a dès les 1ers
articles faits état de contraventions et délits en ladite matière. L’art 2 de cette même loi renvoie
directement toutes infractions financières aux sanctions prévues par le code de procédure
pénale. Les pouvoirs qui découlent de cette loi existent pour rechercher tout comportement
contraire aux intérêts premiers de l'État afin de les réprimer pénalement et marquer ainsi les
esprits de la population italienne.
Cette loi malgré les pouvoirs étendus d’investigation qu’elle confère à la « Guardia di Finanza »
ne distingue pas de son champ d’application la matière contraventionnelle de celle délictuelle,
puisque les mêmes moyens peuvent être utilisés pour les deux types d’infractions ; la limite
étant que cette vérification ou recherche doit porter sur les impositions indirectes. L’imposition
directe est littéralement exclue de cette législation. La loi de 1928 ne prévoyant pas de tels
pouvoirs de contrôle, il est clair qu’à cette époque toutes constatations de fraude ou d’évasion
sur la déclaration de revenus qui auraient été rendu possibles aux moyens de la « vérifica
fiscale » auraient été considérées comme nulles du fait du caractère disproportionné et surtout
illégal des moyens utilisés.
253
Le Regio Decreto est un acte qui a valeur de loi émanant du conseil des ministres et promulgué par le Roi d’Italie
245
Selon une partie la doctrine italienne254, c’est cette loi de 1929 qui aurait permis la « summa
diviso » entre la sanction pénale consécutive à l’illicéité pénale et la sanction administrative qui
consiste en une obligation civile de procéder au paiement d’une somme d’argent dite « pena
pecuniaria o soprattassa ». Cette distinction qui existe entre sanction administrative et pénale est
importante car elle tend à confirmer l’analyse qui nous a permis de différencier l’évasion de la
fraude fiscale.
Me A. Salvatore dans une leçon qui s’est tenue en 2009 à la chambre pénale Ferrarèse255
indique que cette distinction entre impôt direct et indirect résulterait de la volonté de la classe
dominante de l’époque qui ne voulait pas que le contrôle des déclarations de revenu jouisse du
dispositif contraignant issu de la loi de 1929. Leur volonté a été relativement respecté car les
pouvoirs de contrôle en matière d’imposition indirect n’ont pas été transposé en matière
d’imposition direct malgré l’avancée permise par le décret royal du 17/09/1931.
Mais la reforme engagée entre 1972 et 1973 alla modifier les modalités d’exercice de la
« verifica fiscale ». Tout en maintenant l’application de l’art 35 de la loi n°4 du 07/01/1929
contenant « les normes principales applicables pour la répression en matière de violation de la
loi financière », elle est venue unifier les articles 52 et 63 du DPR du 26/10/1972256 qui crée la
Taxe sur la Valeur Ajoutée, à l’art 33 du DPR du 29/09/1973257 qui porte sur l’établissement de
l’impôt sur le revenu, au sens général du terme. En effet l’art 33 du DPR 600/73 dispose dans
son alinéa 1er que :
« Per l’esecuzione di accessi, ispezioni e verifiche si applicano le disposizioni dell’art. 52 del
decreto del Presidente della Repubblica 26 ottobre 1972, n. 633»
« Pour l’exécution de la procédure d’accès, d’inspection et de vérification sont applicables les
dispositions de l’art 52 du décret du Président de la République du 26 octobre 1972, n°633 »
254
« Evoluzione storica del sistema delle sanzioni tributarie” in www.appuntigiurisprudenza.it. 255
“I reati tributari” Lezione tenuta dall'Avv. Antonio Salvatore il 20 maggio 2009 presso la Camera Penale Ferrarese 256
D.P.R. 26 ottobre 1972, n. 633 : « Istituzione e disciplina dell'imposta sul valore aggiunto. » 257
D.P.R. 29 settembre 1973, n. 600 : « Disposizioni comuni in materia di accertamento delle imposte sui redditi »
246
L’art 52 DPR 72/633 traite des modalités du contrôle fiscal dans le cadre de la TVA, l’art 33
DPR 73/600 reprend ces mêmes modalités pour les adapter au contrôle externe de l’imposition
sur les revenus en générale et de l’impôt sur les sociétés (IRES) en particulier.
L’ensemble de ces prérogatives ont été équilibré par « lo statuto dei diritti del contribuente ».
Cette charte du contribuable instauré par la loi du 27/07/2000 n°212 offre de réelle garantie
contre les pouvoirs contraignants de l’administration. Force est de constater que l’écart
temporel entre le décret de 1973 et la loi de 2000 est important. Ceci nous montre bien une
évolution de notre société et de son droit. La volonté de combattre ce fléau qu’est l’évasion
fiscale ne pourra se faire par une approche uniquement inquisitoire. Il faut modifier les
mentalités et démontrer que le principe d’égalité est indispensable à la bonne vie de la société ;
c’est pourquoi le législateur est venu initier ce changement en imposant des règles qui
rééquilibrent les droits et devoirs de l’administration dans son action auprès des contribuables.
La démarche exemplaire d’égalité et de légalité engagée par l’administration tendra à diminuer
le sentiment d’animosité envers le contrôleur fiscal.
L’art 33 du D.P.R de 1973 traite de la « verifica fiscale » en matière d’imposition directe.
Quant à l’art 63 du D.P.R de 1972, il crée par ces 3 alinéas un devoir de coopération entre la
« Guardia di Finanza » et les bureaux gestionnaires de la TVA. Cette mesure d’entraide est
transposée aux alinéas 3, 4 et 5 de l’art 33 D.P.R de 1973 qui instaure cette même collaboration
entre la « Guardia di Finanza » et les bureaux en charge de l’imposition sur les revenus. Ces
dispositions impliquent que la « Guardia di Finanza » détient des compétences en matière de
contrôle ce qui autorise ses représentants à émettre à l’instar de l’administration fiscale
classique des mesures d’ordre réglementaire pour cadrer et orienter le travail de leurs
subalternes.
Pour connaître le fonctionnement de la « verifica fiscale » nous devons donc nous référer au
D.P.R du 26/10/1972 qui constitue la base légale des pouvoirs de contrôle conférés aux
fonctionnaires rattachés au « Ministero dell’Economia e delle Finanze ». Afin de garantir une
uniformité dans l’exécution de toutes ces mesures qui constitue la « verifica fiscale » tant par
les agents du fisc que par la police financière, le décret présidentiel et spécialement la notion de
« verifica fiscale » ont été largement commenté par la doctrine administrative. En effet, le
Commandement Général de la « Guardia di Finanza » est venu clarifier la procédure de
vérification par une circulaire du 29/12/2008 intitulée : « Istruzione sull’attività di verifica » et
247
constituée de 4 volumes représentants plus de 1200 pages. Heureusement nous n’aurons pas à
présenter l’ensemble de cette instruction, nous limiterons notre tache à l’analyse de ce qui attrait
à la vérification de comptabilité des sociétés multinationales et des rapports commerciaux
qu’elles entretiennent avec les entreprises du même groupe.
Sous Section 2. Définitions
La vérification de comptabilité peut se définir comme un ensemble d’opérations
dont l’objectif est d’examiner sur place la comptabilité d’une société, de la confronter à certains
éléments de fait en vue de contrôler la véracité des déclarations souscrites par le contribuable ;
et le cas échéant procéder à un rehaussement de son imposition.
L’ancien directeur du service des vérifications de grandes dimensions de la direction régionale
de la Sicile, G.Antico définit la verifica en ces termes:
“La verifica racchiude i due momenti dell'accesso e delle ispezioni documentali ed indica
l'analisi contabile ed extracontabile dell'attività del contribuente, comportando una permanenza,
più o meno lunga dei verificatori, presso il contribuente.”
« la vérification de comptabilité se fonde sur deux aspects que sont l’accès et l’inspection
documentaires qui permettent l’analyse comptable et extra-comptable de l’activité du
contribuable par le vérificateur lors de sa présence plus ou moins longue au sein de
l’entreprise. »
Le Commandement de la « Guardia di Finanza » dans sa circulaire du 29/12/2008 vol III qui
porte sur la « verifica fiscale », la définit comme une enquête de police administrative réalisable
à l’encontre de tout contribuable et dont le but est de :
- Prévenir, rechercher et réprimer toutes violations aux normes fiscales et
financières ;
- Qualifier et quantifier la capacité contributive du contribuable soumis à cette
enquête.
248
Cette définition est conforme aux dispositions de la loi du 23/04/1959 n°189 et du décret loi du
19/03/2001 n°68 qui constituent la base légale sur laquelle repose les principaux pouvoirs et
missions de la « Guardia di Finanza ».
La doctrine italienne258 définit de façon générale cette activité de « verifica fiscale » comme :
« uno strumento complesso di controllo che si avvale di ricerche, ispezioni documentali,
verificazioni, rilevamenti ed elaborazioni, vivificato da una particolare cultura specialistica del
verificatore, nell’ottica dell’unitarietà della gestione aziendale e dell’interdipendenza delle basi
imponibili, ai fini della tutela dei vari tributi, diretti ed indiretti. »
« un instrument complexe de contrôle basé sur des recherches, inspections documentaires,
vérifications, enquêtes et calculs qui se réalisent au travers d’une culture adaptée et spécialisée
du vérificateur lui permettant de confondre les bases imposables déclarées par rapport à
l’activité globale et réelle de l’entreprise en vue de préserver l’imposition direct et indirect. »
Il en ressort de ces définitions que la vérification de comptabilité ou « verifica fiscale » n’est
pas un moyen à proprement dit, il s’agit plus d’une situation ou d’un cadre légal dans lequel
s’unissent plusieurs moyens ou pouvoirs. L’unique forme matériel que nous pouvons allouer à
la vérification de comptabilité est qu’elle donne droit à l’examen de la comptabilité de
l’entreprise dans ses locaux et surtout pour un temps plus long que ceux des autres pouvoirs.
Ces derniers éléments sont également à relativiser selon le genre de vérification effectuée.
Nous remarquerons que la position italienne insiste sur le fait que la verifica s’établit sur des
éléments comptables mais aussi extra-comptables, selon le directeur dell’Agenzia delle Entrate
de la Sicile, le contrôle des 2 types de données est indispensable à une bonne verifica. La
doctrine française insiste moins sur la donnée extra-comptable favorisant une étude portée
principalement sur les registres de comptabilité. La constatation des éléments de fait comme le
temps de production, les ressources nécessaires à la réalisation d’un bien ou service peut être
primordial en matière d’évaluation des prix de transfert car de ces éléments dépendent la
valorisation réelle du bien comme nous avons pu le voir en 1ère partie.
Appliquée au prix de transfert la vérification de comptabilité permettra de contrôler les factures
d’achat ou de vente des biens ou services entre sociétés liées en droit ou en fait, ainsi que tous
258
Vd. Magrini R : “La verifica fiscale” - Vannini -1999.
249
les éléments comptables et extra-comptables qui viendraient corroborer ce lien de dépendance
et justifier la valeur normale des prix de transfert pratiqués.
Nous pouvons distinguer plusieurs types de vérification de comptabilité :
La vérification générale consiste en un examen approfondi de toutes les impositions dues par
l’entreprise, il s’agit là de contrôler l’exécution de ses obligations déclaratives, de vérifier le
montants des impôts versés ou le bien fondé des crédits d’impôts obtenus et cela conformément
au délai de reprise.
La vérification ponctuelle ou partielle porte soit sur un point de la déclaration fiscale de la
société soit sur un impôt précis comme l’impôt sur les bénéfices ou encore peut concerner tous
les impôts dont la société a du s’acquitter sur une période spécifique inférieure évidemment au
délai de prescription.
La doctrine italienne fait état d’un autre type de vérification de comptabilité dénommé
« verifica mirate » qui veut littéralement dire vérification ciblée. Elle consiste en un examen de
la comptabilité des entreprises appartenant à un secteur précis de l’économie, il s’agit
généralement des entreprises ayant un rapport direct avec le consommateur finale.
En France cette mesure qui attrait à la politique du contrôle fiscal orchestrée par le ministère des
finances ne voit d’intérêt en théorie à distinguer différentes formes de vérification comme peut
le fait la réglementation italienne ; même si dans la pratique, les agents du fisc français
effectuent une vérification de comptabilité soit générale soit ponctuelle. A la lecture de cette
constatation il est seulement nécessaire de savoir que la dénomination de vérification générale
et partielle existe mais cela n’altère en rien l’étendu des pouvoirs du contrôleur dans l’exercice
de ces fonctions.
Il existe en droit italien une autre distinction formelle de la verifica qui nait de l’obligation de
collaboration comme prévue à l’art 33 comma 3 du D.P.R 29/09/1973 n°600 entre les polices
financières : la « Guardia di Finanza » et « il Fisco ». Ce devoir de collaboration fait qu’une des
deux entités peut demander à l’autre d’effectuer une vérification259 notamment du fait de leur
position géographique et de la nature de l’impôt.
259
Circolare 29/12/2008 dal Comando della Guardia di Finanza:”Istruzione sull’attività di verifica” p 48
250
Cette vérification est dite alors « a richiesta » c'est-à-dire « à la demande de..», la vérification
lorsqu’elle s’effectue par le service lui-même, Guardia di Finanza ou administration fiscale, se
dénomme « verifica d’iniziativa ». Celle-ci n’a pas non plus d’intérêt particulier en matière de
pouvoir elle permet simplement de savoir qui est à l’initiative du contrôle.
Par contre nous retrouvons dans nos législations une similitude en termes de classement des
contribuables qui peut avoir un impact sur la compétence de l’organisme en charge de la
vérification de comptabilité. Le référencement de ces contribuables se base sur un critère
financier relatif à la richesse produite par ces contribuables. Une entreprise sera considérée
comme un contribuable :
- Mineur ou « soggetti di minori dimensione » lorsque son CA est inférieur à
5.154.569 millions260 en Italie et inférieur à 1,5 millions pour les ventes et 0,5
millions d’euros pour les services en France ;
- Moyen ou « soggetti di medi dimensione » lorsque son CA est compris entre
5.154.569 M et 100 M en Italie ;et compris entre 1,5 M et 152,4 M pour les
ventes et entre 0,5 M et 76,2 M d’euros pour les services ;
- Grand ou « soggetti grande o di rilenvanti dimensione » lorsque son CA est
supérieur à 100 M261 d’ euros en Italie et supérieur à 152.4 M pour les ventes et
76,2 M d’euros pour les services.
Cette distinction existe afin d’optimiser les contrôles en attribuant le travail de vérification aux
différents niveaux de l’administration fiscale. En effet en tant que service public elle se doit
d’être présente sur tout le territoire national. Mais pour obtenir un meilleur rendu,
l’administration passe outre la compétence géographique afin d’attribuer la fonction de
vérification en tenant compte des conditions économiques présentaient ci-dessus. Pour mieux
appréhender la réalité, il faut savoir que l’administration fiscale française effectue tous services
confondus environ 48 000 contrôles de sociétés par an ce qui signifie qu’environ moins de 2%
des entreprises262 installées en France subiront une vérification de comptabilité.
260
Circolare 09/04/2009 “Prevenzione e contrasto dell’evasione 2009-2011” 261
Provvedimento. 06/08/2009 dal Direttore dell’agenzia delle entrate 262
Rapport du Ministère du Budget 06/09 : « le contrôle fiscal et la lutte contre la fraude » p 8.
251
La mission de contrôle fiscal de l’administration s’exerce au niveau départemental avec les
Directions Locales Uniques (DLU) pour les contribuables dits mineurs
Au niveau inter-régional ce sont les Directions de Contrôle Fiscal (DIRCOFI) qui sont
compétentes pour le contrôle des contribuables dits moyens. Les DIRCOFI sont venues se
substituer par arrêté du 13/12/2000 aux directions régionales.
Au niveau national cette prérogative incombe à la Division de Vérification Nationale et
Internationale (DVNI) qui est compétente pour les grands contribuables. Elle réalise son activité
de contrôle en relation privilégiée avec la Direction des Grandes Entreprises (DGE) dont l’objet
est de gérer les dossiers fiscaux des très grands comptes. La DGE n’a pas vocation à effectuer
de contrôle externe mais elle peut demander à la DVNI de réaliser cette vérification de
comptabilité.
Le critère économique est celui principalement retenu pour attribuer la compétence de
vérification fiscale de certaines personnes morales mais là n’est pas le seul critère. Il se peut que
du fait de la spécificité d’une société celle-ci soit rattachée directement à la DVNI supplantant
ainsi la donnée financière, par exemple les ports autonomes ou les chambres de commerce
internationale dépendent de la DVNI.
Il existe aussi le critère dit de Holding, si une société détient plus de 15 Millions d’euros de titre
de participation et/ou déclare plus de 15 Millions d’euros de produits financiers, la DVNI est
compétente pour effectuer une vérification de comptabilité. Il en va de même lorsqu’une société
détient au moins 50% des parts ou est détenue à au moins à 50% par une société qui répond aux
critères économiques ci-dessus présentés. Ce lien de participation de droit ou de fait crée un
rattachement à la DVNI. Ce qui a pour avantage de rattacher toutes les filiales du groupe à la
compétence de la DVNI lorsque la société mère répond aux critères financiers.
La DVNI est composée d’un service de direction et de 30 brigades de vérification spécialisée
par secteur d’activité (Luxe, agroalimentaire, industrie lourdes, BTP etc..) et de 9 Brigades de
Vérifications des Comptabilités Informatisées (BVCI) qui viennent également en soutien des
brigades de vérifications classiques. La DVNI compte environ 500 agents au total dont 200
vérificateurs sur le terrain.
Concernant le rendu de leur activité il faut savoir que les chiffres ne sont pas énoncés de façon
fréquente. L’annuaire statistique consultable depuis le 01/02/2011 sur le site officiel
252
gouvernemental dédié à la question de l’impôt263 nous montre qu’entre 1995 et 2007 le montant
de l’IS recouvré grâce à l’action de la DVNI s’élève en moyenne à 2.533 Milliards d’euro par
an ce qui équivaut à 40% du total des impôts redressés par l’administration fiscale en générale.
Cette large propension est due au fait que la DVNI est compétente pour vérifier les plus grandes
sociétés.
Environ 70 000 entreprises dépendent du contrôle de la DVNI et 4500 d’entre elles réalisent à
elles seules 55% du chiffre d’affaire total produit en France264. Ce chiffre faramineux nous
démontre à nouveau la primordialité de contrôler les firmes internationales qui peuplent le
paysage économique mondial. C’est dans cette logique que fut instaurée la Direction des
Grandes Entreprises envers qui ces très grands contribuables honorent leurs obligations fiscales.
Le système italien connaît aussi une classification au niveau de l’Agenzia delle Entrate. Elle est
composé des 7 directions nationales dont la direction centrale dite « accertamento » ,
« établissement » qui s’occupe de la gestion et de la stratégie applicable aux grands
contribuables, des 19 directions régionales et les directions provinciales de Bolzano et Trieste.
La configuration organisationnelle italienne et son mode de travail est différent du modèle
français, puisque nous pourrions penser que la répartition des compétences entre différent
niveau d’administration suit la logique économique française mais ce n’est pas tout a fait le cas.
Tout d’abord nous remarquerons que le niveau des revenus pour entrer dans la catégorie des
« Grandi Contribuenti » est différent de celui requis en France. En Italie le montant minimum
de revenu pour entrer dans cette catégorie est de 100 Millions d’euros contre 152.4 M ou 76.2
M en France.
Le législateur a retenu un seul chiffre et n’effectue pas de distinction entre les sociétés
prestataires de services et celles dont l’activité est l’achat et la vente de marchandises. Nous
remarquerons que ces 100 M d’euros constituent à peu de chose près la moyenne entre les
montants retenus par le législateur français pour différencier les activités de service et de vente.
Cette distinction en droit français est née du fait que le prestation de service nécessitait à
l’origine moins d’investissement matériel, pas ou peu de stock, mais pouvait amener à des
bénéfices très élevés tout comme dans le secteur industriel qui à la différence du secteur tertiaire
263
Site officiel: www.impots.gouv.fr 264
Site de l’Institut de l’Entreprise: “ la reforme du contrôle fiscal”
253
nécessite tout au moins l’achat du bien à revendre qui rentrera dans le montant du CA réalisé.
L’immobilisation de ces actifs a un coût supporté par l’entreprise mais ne constitue en rien un
bénéfice, il apparaissait donc logique de tenir compte de cet écart pour différencier les activités
du commerce de celles du service dont la proportion du bénéfice par rapport au CA est réputée
plus importante que pour les activités marchandes.
Il faut savoir que le service « accertamento » qui a pour mission la gestion des grands comptes
appelés « Grandi Contribuenti » se compose de 3 « uffici » ou bureaux :
« l’ufficio analisi » qui comme son nom l’indique analyse tant les moyens de lutter contre la
fraude et l’évasion et répertorie la liste des entreprises considérées comme grand contribuable.
« l’ufficio governo » qui planifie les contrôles à réaliser pour l’année en cours et coordonne les
activités de contrôle avec les directions régionales.
« l’ufficio controlli » qui a la charge d’effectuer les contrôles fiscaux qui présente une certaine
complexité ainsi que les contrôles multilatéraux et simultanés avec d’autres États membres. Il a
pour rôle d’expérimenter et de valider des techniques de contrôle.
A la lecture de ses missions nous remarquerons que ce sont les directions régionales et
provinciales qui conservent leur compétence en matière de vérification de comptabilité même
lorsqu’il s’agit de grands comptes. La direction nationale n’intervient que pour coordonner son
action avec celles des directions régionales et n’effectuera sa mission de contrôle externe
lorsqu’elle celle-ci est ou se révélera particulièrement complexe. Le choix de transmettre un
contrôle à la direction nationale viendra soit de la volonté du directeur régional soit de
« l’ufficio governo » qui part sa relation étroite avec les directions régionales décidera de la
remonter du contrôle au niveau national. Donc en matière de contrôle, le service compétent sera
en principe la direction régionale ou provinciale alors que la direction nationale effectuera cette
vérification de comptabilité de manière exceptionnelle.
A l’inverse en France toutes les sociétés dont le CA est supérieur à 152.4M d’euros pour
l’activité de vente de bien et 76.2M pour celle de prestation de service relèvent obligatoirement
et exclusivement de la DVNI, les services inter-régionaux n’ont pas de compétence en la
matière.
Par contre toutes les sociétés qui relèvent de la DVNI ne relève pas obligatoirement de la DGE
dont la compétence s’exerce sur les sociétés ayant un CA hors taxe ou un total d’actif brut
254
supérieur ou égal à 400 Millions d’euros. Il y a une sous catégorie ou devrions nous dire une
sur-catégorie de contribuable qui nécessite un encadrement plus sécurisé. Il est a noté que cette
fois il n’y a pas eu de distinction entre le CA produit par les prestataires de services et celui
produit par les vendeurs de bien.
Il semblerait que le pouvoir décisionnaire estime qu’un tel montant écarte la logique qui se
réfère à l’objet social de l’entreprise pour se limiter à celle purement économique comme
adopté par le législateur italien pour qualifier les « grandi contribuenti ».
Mais tout comme en France il y a au sein de cette typologie italienne une catégorie de super
contribuable qui là aussi nécessite un encadrement spécial. Il s’agit des sociétés « di rilevanti
dimensione » qui conformément à l’art 27 comma 10 del decreto legge n° 185 de 2008, réalise
au cours d’une année un CA hors taxe supérieure ou égal à 300M d’euros en 2009. Ce montant
est dégressif, il sera de 150M d’euros l’année suivante conformément au provvedimento du
directeur de l’Agenzia delle Entrate du 20/12/2010.
Cette distinction de base entre « grandi contribuenti » et société « di rilevanti dimensione »
engendre une obligation de monitorage ou « Tutoraggio »de la part de l’administration
régionale envers ces supers contribuables. Cette mesure permet un meilleur contrôle et incite à
un dialogue plus fréquent entre administrations fiscales et firmes multinationales. Ce dispositif
ne s'applique pas automatiquement à toutes les entreprises italiennes dépassant un certain
montant de CA mais s'opère comme l'indique la circolare n°13 du 09/04/2009 sur les entreprises
qui résultent d'une : « analyse approfondie des risques liées au secteur d'activité de chaque
entreprise »265 mais aussi du de la personnalité des actionnaires, du groupe de société
d'appartenance, des opérations effectuées, des antécédents fiscaux, des demandes de rescrit faite
par le contribuable ou de tout autre élément informatif utile.
Force est de constater que le montant qui crée cette catégorie « d’imprese di rilevanti
dimensione » qui était à la base fixé à 300M d’euros, a subi une forte diminution, il a été divisé
par deux en un an. Cette tendance va se confirmer conformément à ce que voulait le législateur.
Par la circulaire n°18 du 31/05/2012, le directeur de l’ « Agenzia delle Entrate » est venu
diminuer ce seuil à 100M d’euros ce qui vient éteindre la distinction entre « Grandi
Contribuenti » et « imprese di rilevanti dimensione ». Cela signifie que toutes ces sociétés sont
à présents sont susceptibles d’être soumise à un accompagnement fiscal ou tuteurage.
265
Circolare n°13/E del 19/04/2009 p 4
255
Il est clair que la logique de l’administration fiscale était de tester ce dispositif de « tutoraggio »
dans le but d’accroître son « assiette ». Ceci afin de mieux observer et sécuriser le rendement
de l’IRES qui représente l’ une des deux Louves nourricières des finances publiques italiennes
et de sa nation. Le nombre de sociétés qui a été soumis à cette pratique de monitorage était de
3200 entreprises en 2012 contre 2609 sociétés266 en 2010. Ce dispositif a pour but de
promouvoir le respect des normes fiscales en assurant également « un niveau élevé de justesse
dans les comportements fiscaux de ces particuliers et importants contribuables »267.
Nous constatons qu’un nombre restreint de société (4500 en France et 3200 en Italie) réalisant
les Chiffres d’affaires les plus importants contribuent largement à la richesse nationale mais
elles peuvent être aussi celles qui contribuent le plus à l’évasion fiscale au sein de nos pays.
D’où la nécessité de les encadrer afin d’assurer la légalité fiscale tout en leurs offrant une
sécurité et transparence fiscale dans le traitement de leurs transactions intra-groupes.
Cette tendance à l’abaissement des seuils vaut pour l’administration française qui a diminué le
montant du CA hors taxe qui permet le rattachement à la DGE , il est passé de 600 Millions en
2002 à 400 Millions en 2004.
Mais la différence entre le seuil requis pour que les sociétés qui dépendent de la DVNI soient
rattachées à la DGE reste conséquent, elle est 247.6M pour les sociétés marchandes et de
323.8M pour les prestataires de services. La tendance n’est donc pas d’incorporer toutes les
entreprises rattachées la DVNI au service de la DGE.
Cette comparaison entre la France et l’Italie peut nous laisser penser que nos deux
administrations adoptent une vision différente de l’encadrement des grands comptes mais au
contraire l’objectif est le même sauf que la structure organisationnelle de ces 2 administrations
obligent à prévoir des mesures qui respectent cette organisation. Comme en Italie les activités
de gestion des dossiers fiscaux et de contrôle des grands contribuables sont dévolues aux
directions régionales, le travail en sus demandé pour effectuer un monitorage ne demande que
peu de ressources supplémentaires comparées aux ressources nécessaires pour la mises en place
de l’activité de la jeune DGE et de son accroissement ; en revanche le travail de la DVNI qui se
limite uniquement au contrôle externe n’a pas vu une modification quant aux nombres des
sociétés qui lui sont rattachées puisque le seuil est resté inchangé. La mobilisation des moyens
266
Circolare n°18/E del 31/05/2012 p 4 267
Ibidem
256
est un facteur primordial qui doit être pris en compte pour arriver aux résultats escomptés à
savoir l’encadrement par nos administrations des plus grands sujets créateurs de richesses.
L’objectif ici est celui de créer un rapprochement entre administrations et entreprises afin
d’améliorer les relations dans le but d’accroitre le sentiment d’appartenance à la Société civile
et donc d’acceptation de l’impôt. La France vogue vers ce rapprochement en créant une agence
hyper spécialisée et dotée d’un interlocuteur fiscal unique pour chaque société ; alors que
l’Italie s’appuie sur son réseau de direction régionale, dont certains agents s’occupent à l’année
de ces grand contribuables, pour améliorer les relations déjà existantes.
Ce choix répond encore fois à une logique culturelle, l’administration italienne et donc ses
agents sont par nature ouverts à la discussion. Même s’il existe des relations conflictuelles du
fait d’un contrôle, le contrôleur italien représentera le « Fisco » mais il ne l’incarnera pas.
En France les relations contrôleurs/entreprises sont notamment en cas de vérification de
comptabilité toutes aussi conflictuelles mais la différence résulte dans le rapport humain. La
position du contrôleur pourrait paraitre dominante voire moralisatrice aux yeux du contribuable.
Ce qui a pour défaut majeur de générer soit un sentiment de frustration soit un sentiment de
dédain qui engendreront un rejet et nuiront au relationnel.
Il est donc nécessaire pour la France de casser cette logique inquisitrice grâce notamment au
rôle de la DGE en présentant un nouvel et unique interlocuteur qui n’effectuera pas de contrôle
externe. il faut espérer que celui-ci adopte une vision globale de l’activité de l’entreprise afin de
développer une nouvelle relation plus pragmatique mais aussi plus cordiale. Un travail en bon
intelligence permettra de renforcer le sentiment d’acceptation de l’impôt et diminuera de facto
les pratiques d’évitement de l’impôt. La présence permanente et voisine de la DVNI est tout
aussi importante car elle constitue un garde fou qui viendra réprimer a priori par son effet
psychologique et évidemment à postériori par son effet rectificatif la volonté de tromper le
« Fisc ». Car la réception d’un avis de vérification qui constitue la première étape du processus
de la vérification de comptabilité a toujours un effet psychologique qui déstabilisera à coup sur
le dirigeant de l’entreprise ou le gestionnaire financier qui aura la charge de recevoir les
contrôleurs et de répondre à leurs injonctions.
257
Le préalable indispensable à la réalisation d’une vérification de comptabilité en toute légalité
débute par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification comme le garantie la charte du
contribuable vérifié dans sa version 2005 et le « statuto dei diritti del contribuente » élaboré en
2000. Cette obligation formelle est inhérente à nos deux législations. Ces textes constituent le
cadre dans lequel se déroule la vérification nous y retrouvons tous les éléments essentiels à la
réalisation de ce contrôle externe.
Sous Section 3. L’Avis de vérification
§1. Fonctions
L’avis de vérification est un document qui offre au contribuable deux principales garanties :
- La première est de l’informer sur la nature et l’étendue de la procédure
enclenchée par l’administration ;
- La seconde lui précise qu’il a le droit de se faire assister par un conseil de son
choix.
Avant toute enquête ou vérification nos administrations ont pour obligation sous peine de nullité
de remettre un avis de vérification dénommé en Italien « processo verbale di accesso » ou
« processo verbale di verifica ».
Il faut remarquer qu’à la lecture des ouvrages italiens, la notion d’avis de vérification n’est pas
aussi formellement développée que dans le droit positif français. D’un point de vue substantiel
y figure les mêmes règles mais la dénomination a moins d’importance. Cela est du au fait que la
« verifica fiscale » est une association de moyens préexistants et autonomes. La doctrine
italienne utilise plus généralement le terme de « processo verbale di accesso » que celui de
« processo verbale di verifica ». Mais pour notre étude nous utiliseront l’un et l’autre avec une
faveur pour le terme « processo verbale di verifica » du fait de sa similitude avec l’avis de
vérification.
Historiquement ces garanties d’information et d’assistance sont nées en France de la loi du
02/04/1955 instaurant les conditions d’exécution du contrôle fiscal externe et fut transposé dans
le Livre de Procédure Fiscal à l’art L 47, c’est une condition substantielle dont tout
258
manquement entraine la nullité de la procédure. Il en va de même des dispositions italiennes qui
ont instauré ces obligations dans les décrets présidentiels de 1972 et 1973 sur le contrôle fiscal.
L’art L 47 LPF dans son alinéa 1 et 2 dispose que :
« Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au
regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans
que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification.
Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine
de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de
son choix. »
Dans la législation italienne, nous retrouvons cette disposition dans « lo statuto del
contribuente » à l’art 12 al 2 :
« 2. Quando viene iniziata la verifica, il contribuente ha diritto di essere informato delle
ragioni che l’abbiano giustificata e dell’oggetto che la riguarda, della facoltà di farsi assistere
da un professionista abilitato alla difesa dinanzi agli organi di giustizia tributaria, nonché dei
diritti e degli obblighi che vanno riconosciuti al contribuente in occasione delle verifiche. »
«2. Dès le commencement de la procédure de vérification, le contribuable doit être informé des
justifications et de l’objet de ce contrôle, de la faculté de se faire assister par un professionnel
habilité à la défense devant les organes de la juridiction fiscale, ainsi que des droits et devoirs
qui incombent au contribuable à l’occasion de cette vérification de comptabilité.»
§2. La Remise de l’avis de vérification
Les deux articles ci-dessus présentés sont très similaires, même si l’un n’utilise que
le terme d’information et l’autre y adjoint le terme de justification du contrôle, l’important est
qu’ils imposent à l’administration d’avertir le contribuable qu’une vérification de comptabilité
va être entreprise.
259
Le texte français parle d’envoi ou de remise de l’avis de vérification. En pratique
l’administration favorise l’envoi de l’avis au moins 15 jours268 avant la date à laquelle va se
présenter le contrôleur.
Cette notification pour qu’elle soit légalement reconnue doit se faire par lettre recommandée
avec accusé de réception, adressée au siège social de l’entreprise afin que son responsable légal
ou son représentant puisse en accusé réception par sa signature. Concernant les groupes de
société, l’avis de vérification doit être notifié uniquement à la société qui sera soumise à
contrôle. Si un groupe de société a opté pour le régime d’intégration fiscale269 comme prévu à
l’art 223 A CGI, la tête du groupe qui est détentrice de ses filiales à hauteur d’au moins 95% n’a
pas a être avisé par l’administration sauf si c’est elle qui est contrôlé ou si la comptabilité de la
filiale vérifié se trouve dans les locaux de la société mère. En réalité tout dépendra du lieu où
est détenue la comptabilité.
En cas d’absence du responsable ou en cas de refus de signer l’accusé de réception, le dépôt du
pli postal vaudra notification, l’agent obtiendra auprès des services postaux un certificat
attestant de la délivrance du pli270.
Même si la loi ne fait état d’aucun délai pour l’envoi de l’avis de vérification l’administration
estime que l’existence du droit de se faire assister d’un conseil de son choix nécessite
logiquement l’octroi d’un certain temps afin que le contribuable prenne ces dispositions. Le
Conseil d'État confirme cette tendance mais est moins généreux concernant le délai à respecter
entre l’envoi et le jour du contrôle. Il demande que soit respecté un délai de 2 jours francs pleins
entre ces deux moments271 c'est-à-dire qui ni le jour de l’envoi ni le jour du contrôle entrent
dans le calcul de ces 2 jours. Donc entre l’envoi et le jour de contrôle doivent s’écouler au
moins 4 jours francs. Ce temps d’attente est primordial car son non respect peut entrainer la
nullité de la vérification et des impositions concernées.
La pratique et le texte italien nous montrent que le procès verbale « di accesso » sera le plus
souvent remis en main propre le jour même de la vérification. L’envoi par « mezzo
raccomandata » n’est que peu souvent utilisé. La « circolare » du Commandant de la Guardia di
Finanza du 29/12/2008 sur l’« istruzione sull’attività di verifica » prévoit uniquement qu’avant
268
Instr. adm 13 L 1311-34 269
Art 223A et suivants CGI 270
CE 27/07/1988 n°55252 271
CE 02/10/02 n°228436
260
toutes opérations, le responsable de la « verifica » et les autres contrôleurs doivent présenter
leur carte officiel ainsi que le procès verbale « di accesso »272. Il est donc clair qu’aucun
impératif de délai n’est imposé à l’administration fiscale italienne, la justification française
provenant du droit de se faire assister d’un conseil ne prévaut pas en Italie et ne pourra
engendré la nullité de la « verifica » sur ce motif. D’ailleurs la « circolare » de 2008 précise
même qu’en cas d’absence du responsable de la société ou de son représentant légal, le
personnel en place se devra de l’informer de la présence des contrôleurs afin qu’il se rende au
plus vite sur les lieux d’établissement de la société pour qu’il puisse assister au contrôle. Si ce
dernier est dans l’impossibilité de venir ou met un temps long à se rendre sur place, il sera
procédé à la « verifica » en présence d’un membre ou salarié de la société.
Lorsque l’on se réfère au texte législatif français, il y est expressément prévu que le contrôleur
puisse remettre en main propre l’avis de vérification au contribuable. Encore une fois
l’administration demande dans ce cas à ses agents d’effectuer cette remise physique quelques
jours avant la vérification afin de respecter l’effectivité du droit au conseil.
Concernant le contrôle inopiné, qui est une exception en matière de vérification, il permet au
contrôleur de remettre en main propre et le jour même l’avis de vérification au représentant
légal de la personne morale conformément à l’art L47 al 4 LPF273. Ce contrôle est rare en
matière d’IS et n’existe que pour réaliser des : « constatations matérielles des éléments
physiques de l’exploitation » comme l’inventaire du stock, le contrôle du cahier de livraisons
et/ou le relevé des documents comptables présents.
Mais l’agent en charge du contrôle ne pourra effectuer son travail d’analyse comptable de
l’entreprise seulement après avoir respecté un délai de 2 jours francs afin que la personne
morale puisse jouir pleinement de son droit d’assistance.
Le juge de l’impôt est très stricte concernant le respect de ces délais et même en matière de
contrôle inopiné il suffit que le vérificateur commence son examen critique de la comptabilité
272
Circolare 29/12/2008 dal Comando della Guardia di Finanza, Vol I p168. 273
Art L 47 al 4: « …En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de
l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au
début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer
qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. »
261
lors du 1er jour pour que le reste de la vérification et tout ou partie274 des impositions relatives
soient considérées comme nulles.
Le juge italien quant à lui ne considère pas ce délai comme une condition substantielle à la
légalité de cette procédure. Cette conception pourrait même paraître étrange aux yeux de
l’administration et de la justice italienne qui compte sur le caractère inattendu de la « verifica ».
Par cette approche l’administration italienne se détache de tous ce contentieux qui se base sur
les délais d’envoi, l’adresse de réception, le nom du responsable légal de l’entreprise.
Selon le système postal français tout envoi avec accusé de réception et amené à l’adresse
indiqué afin de remettre le pli contre signature. Si au moment de la distribution du courrier,
personne n’accuse réception du pli, un coupon sera laissé dans la boite au lettre de l’intéressé
l’invitant à venir retirer son pli directement à l’office postal. Cette lettre avec accusé de
réception sera conservée au sein de ce service postal pendant 15 jours ouvrés avant d’être
retournée à l’émetteur. 15 jours ouvrés est le délai imposé par l’administration à ses agents entre
l’envoi et le jour du contrôle. Il suffirait que le représentant légal de la société retire le pli
recommandé l’ultime jour de garde pour qu’il mette en porte à faux l’administration car il se
peut qu’elle ne respecte pas le délai franc de 2 jours pleins indispensables à l’exercice du droit
au conseil entraînant ainsi la nullité de la vérification et les impositions s’y afférents.
Il est vrai que le formalisme outrancier de l’administration française offre un niveau de contrôle
des données postales et légales très élevés mais nul système n’est à l’abri d’un esprit malin ou
même de l’inadvertance d’un agent de l’administration. Cette erreur humaine peut avoir de
lourde conséquence en matière de récupération des impôts normalement dus.
La conception italienne vient écarter ce risque puisque le procès verbal « di accesso » sera remis
en main propre et signé par le contribuable vérifié mais il faut admettre que la vison française
offre un degré de garantie supplémentaire en matière de droit du contribuable.
Si nous voulions harmoniser nos législations, l’idéal serait donc de généraliser la pratique
applicable en matière de contrôle inopiné en France, à savoir que l’avis de vérification soit
remis en main propre contre signature. Cela permettrait de relever tous les documents
274
CE 14/03/1990, n°65110
262
comptables et extra comptables nécessaires à une vérification optimale, ainsi nous
conserverions l’effet de surprise cher et indispensable à l’administration italienne mais nul
examen critique ne pourra débuter sans le respect d’un délai raisonnable indispensable à la
pleine jouissance de la garantie de se faire assister d’un conseil de son choix. 2 jours ouvrés
semblent être un délai raisonnable pour faire appel à la personne de son choix, il n’empêche que
durant ces 2 jours d’attente l’administration pourra être présente afin de recueillir toutes
informations utiles et commencer leurs analyses dès le 3ème jour ou dès l’arrivé du conseiller
fiscal de l’entreprise.
§3. La Signature de l’avis de vérification
D’un point de vue formel, l’avis de vérification doit être signé par le contribuable
concerné. La remise en main propre facilite cette condition mais en cas d’envoi, la signature
apposée sur l’accusé de réception vaut notification et équivaut à la signature de l’acte.
S’agissant d’un acte administratif, il est nécessaire que l’avis de vérification soit tout au moins
signé de la main de celui dont émane la vérification ce peut être le responsable de la DVNI par
exemple ou le vérificateur lui-même s’il possède le grade d’inspecteur. La mission de contrôle
peut également être réalisée par un fonctionnaire de catégorie B. Lors de sa venue le contrôleur
français est tenu de se présenter, de fournir un document attestant de sa qualité, la carte officiel
émanant du ministère des finances, et de fournir son grade.
Nous retrouvons ces conditions aussi au niveau de la législation italienne qui se veut en l’espèce
plus contraignante car en plus de la signature du responsable de la direction régionale ou
exception de celui du bureau national ordonnant la « vérifica », le procès verbal di « accesso »
doit être accompagné de liste nominative de l’ensemble des personnes qui vont participer à la
mission de vérification. Cette mesure est rappelée dans la « circolare » du 29/12/2008 qui
considère normale que toutes personnes jouissants de ce droit d’ingérence dans les locaux d’une
société soient identifiables. Car en cas de litige avec un des fonctionnaires en place,
l’identification de l’individu rendra plus aisé l’exercice des voies de recours par le contribuable
et renforcera son sentiment de sécurité juridique.
Nous partageons cette précaution même si elle n’est pas retenue par l’administration fiscale
française qui s’appuie sur le caractère impersonnel du service administratif pour justifier de la
263
non utilité de nommer l’ensemble du personnel qui participe au contrôle275. Certains auteur tel
Mr Drié276 estime que cette attitude est discutable ce qui pourrait entrainer d’ici peu certains
contentieux notamment auprès des instances européennes. De ce coté l’Italie est
précautionneuse et par la même vient limiter encore une fois le risque d’une possible
revendication devant le juge de l’impôt.
Quoiqu’il en soit, il doit formellement figurer sur l’avis de vérification ou le « processo verbale
di verifica », le visa du responsable du service, le nom du responsable de la vérification ainsi
que ses coordonnées professionnelles afin de permettre à l’administré d’entrer en contact avec
lui. Les voies de recours hiérarchiques possibles durant et après le contrôle, les instances
saisissables et leurs coordonnées.
Conformément à l’art L47 LPF et l’art 12 al 2 du « statuto del contribuente », toutes
vérifications de comptabilité doivent avant toute chose être précédé d’un avis de vérification
qui : « doit préciser les années soumises à vérification ».
Il « processo verbale di accesso » quant à lui doit informer de l’objet du contrôle et les raisons
qui le justifie : « informato delle ragioni che l’abbiano giustificata e dell’oggetto che la
riguarda ».
L’art L 47 LPF impose de préciser les années qui vont être soumises à vérification. Évidemment
la période de vérification ne peut porter que sur des exercices non prescrits, l’administration
agit dans la légalité et ne pourra tenter de récupérer des impositions sur des années frappées de
forclusion. La prescription en matière d’impôt sur les sociétés est dite spéciale et se limite à 3
années277 à compter de la date de clôture de l’exercice.
Une exception existe, si un groupe de société à opté pour le régime d’intégration fiscale qui
permet à une société dite « tête de groupe » d’effectuer une déclaration globale pour toutes les
filiales rattachées à ce régime. Dans ce cas il se peut que le contrôle s’effectue sur un déficit
dont l’année est prescrite mais qui a été reporté sur les années suivantes. Ce qui revient à dire
que tout ce qui touche d’un point de vue fiscal à la fixation du montant de l’imposition d’une
275
CE 26/01/1990 n°85761 276
JC Drié: “le contrôle fiscal raconté aux dirigeants et à leurs conseils” 2010 2eme ed Litec. 277
Art L169 LPF: « Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des
impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. »
264
année non prescrite pourra être contrôlée sans qu’il soit nécessaire de préciser cette spécificité
dans l’avis d’imposition.
Cette fois ci la législation italienne semble plus explicite que celle française car sans faire état
des années d’exercice soumis à contrôle dont la prescription est de 4 années278, elle demande à
ce que le directeur du contrôle justifie auprès du contribuable vérifié l’objet de cette
vérification, à savoir sur quelle imposition va porter la « verifica » et les raisons pour laquelle
l’administration fiscale effectue ce contrôle externe.
Cette mesure qui prône l’objectivité et la motivation de l’action de l’administration tend à
écarter tout contrôle arbitraire du « fisco » ou de la police financière. Mais à la lecture de la
circulaire « del commando della Guardia di Finanza » de 2008 et celle du 17/08/2000 n°
250400, nous nous apercevons que ces justifications servent à rappeler au contribuable les
fondements légaux sur lesquels reposent le pouvoir de contrôle de l’administration.
Voici les motifs issus de la « circolare » de 2008 qui viennent justifier la pratique du contrôle
fiscal:
- La réalisation des devoirs institutionnels assignés aux organes de la police « du
tribut » pour la recherche de violations des dispositions contenues dans lois
financières, qui s’exécute en conformité avec l’art 12 du « statuto del
contribuente » ;
- Au sens de l’art 35 de la loi du 07/01/1929 n°4, par la nécessité de s’assurer de la
réalisation des prescriptions imposées par les lois ou règlements en matière
financière ;
- Au sens de l’art 33 del D.P.R n°600/73, la « Guardia di Finanza » et le « Fisco »
effectuent des vérifications sur leur propre initiative ou à la demande d’un service
afin d’acquérir et de repérer les éléments utiles pour le calcul des impôts dus et
pour la répression des violations ;
- Au sens de l’art 52 del D.P.R n°633/72 qui permet de retenir les éléments utiles
pour l’établissement de l’imposition et pour la répression de l’évasion fiscale ;
- Au sens de l’art 2 al 2 del D.Lgs n° 68/2001 dans le cadre des fonctions les plus
générales de police économico-financière, attribuées à la police fiscale pour la
prévention, la recherche et la répression des violations en matière des ressources
278
Art. 43 del DPR 600/73 : “Gli avvisi di accertamento devono essere notificati, a pena di decadenza, entro il 31
dicembre del quarto anno successivo a quello in cui è stata presentata la dichiarazione”
265
et de dépenses de l’état, des régions, des administrations publiques et de l’Union
Européenne.
Les précisions apportées dans l’art 12 al 2 du « statuto del contribuente » auraient pu nous
laisser penser que les justifications présentées aux contribuables pour justifier le contrôle fiscal
auraient été plus précises plus personnalisés mais ce n’est pas le cas, il s’agit juste d’un rappel
des fondements légaux autorisant le contrôle. il aurait été plus simple de retenir l’ultime
justification émise par le commandement de la « Guardia di Finanza » en matière de
vérification et qui repose sur : « le pouvoir de l’administration de contrôler le montant des
impôts dus par chaque contribuable »279.
Il ne faut pas croire que chacune de ces mesures tendent à encadrer strictement la « verifica »
selon une pratique spécifique à chaque article puisque les pouvoirs exercés seront toujours les
mêmes. Il s’agit uniquement de présenter un attirail juridique important pour éviter toute remise
en question de la vérification. Au plus il y a de fondements légaux au plus le risque d’annulation
est limité et ce n’est pas là un gage de sécurité pour le contribuable comme aurait pu le laisser
penser la lecture de l’art 12 al 2 figurant dans la charte qui est remise au contribuable lors de la
« verifica ». La tendance vers l’augmentation du degré de « compliance » terme cher au
législateur italien pourrait générer un sentiment contraire puisque logiquement à la lecture de
cet article le contribuable va demander les raisons qui pourraient justifier son contrôle, et si en
retour l’agent ne lui propose qu’une batterie de fondements légaux difficilement
compréhensible, il jugerait de l’inutilité de cette mesure. A l’inverse le législateur français
n’exige pas d’expliquer les raisons qui justifient le contrôle, il s’en tient juste aux
considérations temporelles qui ont une réelle importance aux yeux du contribuable et n’invitent
pas à des questions dont la réponse seraient certes logique mais insatisfaisante pour le
contribuable qui sait pertinemment que l’administration fiscale a pour droit et fonction
d’effectuer des vérifications de comptabilité, dont les dispositions sont rappelées dans la charte
du contribuable.
Outre les justifications légales de la vérification de comptabilité, le contribuable italien est
informé de l’objet sur lequel porte la vérification, il s’agit de préciser le type de contrôle
effectué, s’il y est d’initiative, s’il est général ou partielle en indiquant quels impôts seront
279
Circolare 29/12/2008 dal Comando della Guardia di Finanza, Vol I p165
266
inspectés. En cas de contrôle externe qui porterait uniquement sur les prix de transfert la
vérification sera qualifié de partielle et concernera uniquement l’impôt sur les sociétés.
§4. Le Droit au conseil
La deuxième garantie essentielle offerte par l’art L47 al 2 LPF et l’art 12 al 2
« statuto del contribuente » est formulée respectivement en ces termes :
« ...mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la
faculté de se faire assister par un conseil de son choix. »
«…della facoltà di farsi assistere da un professionista abilitato alla difesa dinanzi agli organi
di giustizia tributaria... »
Nous avons précédemment vu que le droit au conseil en France est en corrélation avec le délai
d’envoi de l’avis vérification, puisque la jurisprudence tout comme la doctrine administrative
impose le respect d’un délai entre l’envoi et le jour du contrôle afin de permettre la jouissance
du droit de se faire assister d’un conseiller. Cela vaut même pour les contrôles inopinés qui ne
peuvent donner lieu à un examen critique de la comptabilité sans un délai de carence d’au
moins 2 jours francs pleins.
En Italie, la pratique favorise la remise en main propre de « l’ordine d’accesso e di verifica » et
rien n’indique qu’il faille laisser un délai d’attente avant de débuter l’analyse des données
comptables.
Le travail d’expertise des agents du « Fisco » peut débuter dès l’entrée dans les lieux. Il s’agit là
d’une première différence entre la méthode italienne et française. La seconde tient à la qualité
du conseil ; la législation française ne tient pas compte de la compétence de celui qui assiste le
contribuable lors du contrôle ce peut être tout individu. La société vérifiée qui souhaite utiliser
cette faculté a donc libre choix quant à la désignation de celui qui participera par sa présence et
son expertise au déroulement de la procédure de vérification alors que la législation italienne
impose le respect d’une qualification pour la nomination du conseil, celui-ci doit être habilité à
la défense devant les organes de la justice fiscale. L’art 12 D.lgs. du 31/12/1992 n°546 modifié
par le décret fiscal « del Collegato alla finanziara » de 2006 énumère les personnes
compétentes. Voici la liste exhaustive qui intéresse notre matière:
267
- Les avocats ;
- Les docteurs en comptabilité ;
- Les experts comptables et les comptables ;
Puis :
- Les experts en droit fiscal répondant à certains critères tel le diplôme ou
l’expérience ;
- Les fonctionnaires de l’administration fiscale et les officiers de la « Guardia di
Finanza » ayant exercés pendant 20 années ;
- Les juristes salariés de l’entreprise concernée
La professionnalité de ces personnes permet en théorie d’offrir une sécurité juridique accrue en
matière de contrôle fiscal et de mieux saisir les enjeux puisque les contrôleurs et ces personnes
utilisent un langage qui leur sont commun. Pour ces raisons le législateur italien a imposé cette
condition liée à la compétence. Il est clair que les sociétés qui nous intéressent auront les
ressources financières qui leur permettront d’opter et de jouir pleinement de cette faculté qui est
offerte à tout contribuable italien, si tenté qu’il ait les moyens nécessaires pour se l’octroyer.
Car même si le droit français comme italien connaissent l’aide juridictionnelle, celle-ci ne peut
être activée que dans le cadre du procès et non dans le cadre du contrôle.
Le législateur italien souhaite par ses restrictions légales que dès le début de la procédure de
contrôle qui pourrait donner lieu à rectification et donc à une remise en cause de celle-ci par un
recours juridictionnelle, qu’une même personne professionnelle suive l’ensemble de la
procédure.
Il est clair que cela offre une meilleure compréhension et accroit le degré de légalité de la
procédure car ce professionnel pourra défendre au mieux les intérêts de son client qu’il suit
depuis le début.
Mais pour aller pour loin, et sur la base du principe d’égalité entre administré. Il faudrait que le
législateur révise et applique la garantie d’aide juridictionnelle offerte au procès en matière de
défense dès les 1ers instants de la « verifica » afin de respecter cette logique qui tend vers la
sécurisation de la procédure et du contribuable. Mais le fait que le contribuable contrôlé ait la
faculté de choisir ou non un conseil pour l’assister lors de l’exécution du contrôle externe
dépend généralement de ses capacités financières à s’octroyer ce conseil. A défaut de ressources
268
suffisantes il ne pourra s’allouer les services d’un assistant légalement autorisé et ne pourra
même pas demander à une personne détenant des compétences ou de l’expérience en matière
fiscale de lui prêter assistance. Il est vrai qu’en cas de rectification d’imposition et de recours il
pourra jouir gratuitement de la présence d’un avocat mais celui-ci ne sera pas aussi préparé que
si il avait suivi la procédure depuis le début. Il est clair qu’encore une fois le souci d’encadrer
les moyens de défense ou la possibilité de conseil en y apportant une restriction doit être
accompagné de mesures qui respecte l’idée pour laquelle fut instauré cette mesure, et à défaut
de rééquilibrage se crée encore une distorsion entre ceux qui peuvent s’offrir une assistance et
ce qui n’en n’ont pas les moyens rendant ainsi la pratique administrative et la justice inégalitaire
et inéquitable.
Nous le conviendrons, notre conception est idéaliste mais c’est de tendre vers ces idéaux qui
nous permet d’améliorer continuellement nos systèmes.
En France, le législateur n’impose pas de compétences particulières en matière de conseil. Cela
pourrait paraître moins sécurisant mais au moins une personne physique ou morale ayant peu de
ressources conservera tout de même la possibilité de se faire assister d’un proche, mieux
sachant, pour l’assister et le défendre.
En ce qui concerne le droit de conseil appliqué aux sociétés multinationales, nous pouvons sans
risque dire qu’elles opteront toutes pour des personnes aux compétences reconnues,
spécialement en matière fiscale. Elles feront donc obligatoirement appellent à des avocats
fiscalistes, des experts-comptables ou à leurs juristes d’entreprises qui défendront au mieux
leurs intérêts. Ce sont là les mêmes personnes que nous retrouvons dans la liste issue du D.lgs
546/1992.
A noter que lorsqu’il existe un lien contractuel entre le conseil et l’entreprise vérifiée, nul
besoin d’effectuer un mandat de représentation, celui-ci est implicite. C’est une jurisprudence
de principe, qui s’applique également aux avocats dont la seule présence suffit à constituer
mandat 280
Par contre lorsque que le conseiller n’a pas de lien contractuel avec la personne vérifiée il
faudra rédiger un mandat de représentation en cas d’absence du représentant légal.
280
CE 05/06/02, n°227373
269
La conception du droit de conseil se veut une nouvelle fois différente entre nos deux droits. Les
deux pratiques sont tout à fait louables, l’important étant d’avoir la possibilité de se faire
assister, par toute personne en France et uniquement par des professionnels en Italie. Il a noté
aussi que cette différence tient compte d’un aspect social non négligeable puisque le nombre
d’expert comptable dit « dottore commercialista » ou de comptables, ainsi que le nombre
d’avocats sur le territoire italien est largement supérieur à celui en France, non pas du fait
d’une intelligence accrue mais du fait de modalités de concours ou d’exercice très différentes.
Suivant une logique purement économique si le nombre de personnes habilitées est très
important, le prix de leur service devrait être très concurrentiel.
Nous remarquerons que tous les grands groupes de société du fait de leurs ressources
financières ont la possibilité d’être fortement représenté et défendu. Mais quant est il du nombre
de conseil autorisé à participer au contrôle externe et à discuter avec les agents du de
l’administration ?
L’art L 47 LPF et l’art 12 « del statuto del contribuente » indiquent précisément le nombre de
conseil possible, le contribuable à la faculté de faire appel à « un » conseil de son choix qui
représentera la société et participera aux activités de contrôle mais la pratique administrative
française et italienne ne s’oppose pas à ce qu’il y ait plusieurs conseillers sans pour autant
dépassé un nombre raisonnable de 2 individus. Les entreprises contrôlées choisiront le plus
souvent un avocat fiscaliste et leur expert-comptable. La limitation du nombre vient du fait que
pour la bonne réalisation d’un contrôle, il faut discuter très souvent avec l’intéressé ou son
conseil. En multipliant le nombre de conseil, on multiplie les interlocuteurs ce qui peut générer
certaines incompréhensions ou quiproquos, c’est pourquoi le directeur de la vérification tendra
à discuter toujours avec les mêmes interlocuteurs pour une simple raison de cohérence des
discours.
Par contre, cela ne veut pas dire que le nombre de défenseur est limité, car en cas de contentieux
devant le juge de l’impôt, les sociétés pourront se faire représenter par un plus grand nombre de
professionnels. Ce qui est un point important tant la société commerciale que pour la société
civile car le travail de ces conseils permet de rappeler à l’administration son devoir d’agir dans
la légalité sous peine de nullité. Leur intervention est donc tout a fait louables et bénéfique à la
bonne marche de la justice et de l’administration.
270
La procédure juridictionnelle italienne oblige les personnes contrôlées à faire appel à un
professionnel habilité à les défendre lorsque le montant mis en cause dépasse les 2582.28
euros281.
La procédure juridictionnelle administrative française impose le ministère d’avocat pour les
litiges portant sur l’imposition directe. Donc toutes sociétés qui se verrait accuser de transfert
indirect de bénéfice du fait de la manipulation de ses prix de transfert, par une décision de
l’administration fiscale devra être défendu uniquement par un avocat devant le juge de l’impôt.
En droit italien c’est donc le decreto legs n°546/1992 qui reprend la liste des personnes ou
professions qui peuvent représenter une personne physique ou morale devant la « commissionne
tributaria provinciale » et « la commissione tributaria regionale » qui sont 2 des 3 organes de la
justice fiscale. Il est intéressant de noter qu’en matière de représentation et non d’assistance, la
législation italienne conserve sa logique en ne limitant pas aux seuls avocats la capacité à
représenter une personne devant le tribunal de l’impôt mais à toutes les personnes habilitées que
nous avons précédemment citées.
Par contre cette largesse s’arrêtera en cas de recours en cassation devant l’ultime organe de la
justice fiscale « il Consiglio di Stato ». A l’instar du droit français la saisine du Conseil d’Etat
italien ne se fera uniquement que par ministère d’avocat légalement compétent à se présenter
devant le juge suprême. Ceci s’explique par les spécificités et la technicité du pourvoi en
cassation.
Sous Section 4. La Charte du contribuable
Ce ne sont pas là les seules garanties offertes au contribuable il y en a d’autres. Elles
sont toutes reprises dans le « statuto del contribuente » et la charte du contribuable qui
constituent la clé de voûte des droits et devoirs du contribuable. Il est à distinguer qu’en France
il existe deux type de charte, une dédiée au contribuable en général et une spécifique aux droits
et obligations du contribuable vérifié. La législation italienne ne connaît qu’une seule charte qui
fait uniquement état des droits du contribuable face aux actions de l’administration fiscale, les
devoirs de l’administré n’y sont pas présentés explicitement.
La majeure partie des droits et devoirs de notre charte du contribuable vérifié et « statuto del
contribuente » existent depuis l’instauration du contrôle fiscal. L’administration française a dès
281
Art 12 D.lgs 31/12/1992 n°546
271
la fin des années 50282 décidé de créer une brochure expliquant la nécessité des contrôles et les
garanties des personnes soumises à la vérification de leur comptabilité. La remise de cette
brochure était obligatoire et son défaut pouvait entraîner la nullité du contrôle. A partir des
années 75, ce document fut généralisé à tout contrôle comptable et personnel, il pris à ce
moment là son nom actuel de « charte du contribuable vérifié ». Il fallu attendre 1987 pour
donner une assise légale à ce document qui fut rédigé par la commission Aicardi.
En Italie, la volonté de regrouper les différents droits du contribuable en un seul document a
débuté dans les années 90 par une proposition de loi qui n’a pas aboutit du fait de la nature
constitutionnelle de celle-ci. Ce n’est qu’en 1996, par le vote d’une loi ordinaire que fut adopté
le « statuto dei diritti del contribuente » et fut modifié par la loi du 27/07/2000 n°212
actuellement en vigueur.
Son objectif premier est d’expliquer les raisons qui justifient le contrôle externe et son
déroulement. Le but est de favoriser le dialogue entre les fonctionnaires et le contribuable et
d’éviter tout sentiment de rejet ou d’opposition dont les conséquences seraient fâcheuses pour le
contribuable du fait d’une procédure de redressement d’office des impositions visées. Cette
charte doit s’articuler entre devoirs et garanties afin de pacifier d’entrée les relations entre
administrés et agents de l’administration.
L’idée de cette charte est de conférer un caractère objectif au contrôle tout en humanisant les
relations avec le fonctionnaire d’Etat présent pour effectuer son travail sans excès ni plaisir.
Par cette approche, le sentiment d’animosité qui se crée envers l’agent de l’administration sera
en déclin. Le sentiment d’objectivité du contrôle de l’administration ne peut pas être atteint en
présentant uniquement une liste de fondements légaux sur lesquels reposent ce contrôle, il y a
en plus un comportement à adopter. Notre logique est corroboré par le fait que nos
administrations ont chacune crée un code de déontologie : « il codice di comportamento per il
personale addetto alle verifiche tributarie »283 et « la déontologie du fonctionnaire » instauré
par la loi de refonte du statut des fonctionnaires du 13/07/1983. La DGFIP insiste sur le
caractère fondamentale du respect des règles de déontologie de ses agents en matière de
vérification « eu égard au caractère sensible des missions qu’assure l’agent de l’administration
282
Note administrative du 02/06/1958 283
Art 15 Statuto dei diritti del contribuente
272
fiscale, aux prérogatives de puissances publiques dont il est investi et aux pouvoirs
d’appréciation et de décision qui sont les siens. » 284
L’immixtion dans les lieux de vie d’une société et dans ses livres de comptabilité peut générer
un sentiment de violation chez la personne morale et ses représentant surtout si elle est faite de
façon autoritaire. Psychologiquement la personne contrôlée acceptera plus facilement cette
pénétration dans son monde si le personnel vérifiant adopte une position ferme mais courtoise et
surtout non moralisatrice.
Le rappel à la loi et implicitement à la bonne morale est une charge qui a été confié par notre
société et donc par nous même, uniquement au juge. La nature magistrale de cette instance est
faite pour condamner, soumettre l’individu à la sanction et le pousser à l’acceptation de cette
sanction.
Là n’est pas le rôle de l’administration et de ses agents qui doivent exécuter une office sans
dénigrer la personne visée par ces actes.
Nous pouvons dire que les mentalités de notre société civile italienne et française se rejoignent
aisément sur ce point. Nos concitoyens ne supportent pas la critique et la remise en question
faite par une administration qui ne peut s’enorgueillir d’être parfaite et encore moins par un
agent dont ne connaissons en rien son honorabilité.
Il semblerait que le législateur italien et son administration ont bien assimilé cette donnée
culturelle et rien ne fait figurer dans les lois, les actes de l’administration ou l’attitude de ses
agents un sentiment contraire qui générerait illico un sentiment de rejet et d’animosité. Par
contre à la lecture de la charte du contribuable français, il est clair que l’administration et le
rédacteur de cette charte se place au dessus de l’administré et le choix d’utiliser un langage
direct et non impersonnel contrairement au « statuto del contribuente » renforce ce sentiment
d’opposition entre « nous » l’administration et « vous » les contribuables à qui il faut tout
expliquer, même les règles de politesse. Heureusement il existe une charte adaptée au
contribuable vérifié utilisant un ton moins irrévérencieux que la 1ere. Son rédacteur a du se
rendre compte du caractère certes poli mais réducteur d’un point de vue intellectuel de cette
charte dite générale.
284
Direction Générale des Impôts : « la Déontologie du fonctionnaire de la DGI » 2005, p 6
273
Quoiqu’il en soit, la charte des droits et devoirs du contribuable vérifié ainsi que le « statuto del
contribuente » doit être remise obligatoirement avant tout contrôle externe comme en dispose la
loi n°212/2000 ainsi que l’art L10 al 4 LPF :
« ….Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13,
l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du
contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à
l'administration. »
Tout manquement à cette obligation entraîne la nullité de la procédure et l’abandon des
rectifications, la remise de cette charte constitue un élément substantiel de la procédure de
vérification fiscale. Tout les éléments qui figure dans cette charte ou « statuto » doivent être
respectés par l’administration et lui sont donc opposable.
Généralement elle est adjointe à l’avis de vérification et preuve doit être faite de sa remise au
contribuable vérifié, cela passe principalement par la signature dudit document en même temps
que la remise de l’avis de vérification.
Outres les garanties ci-dessus présentées, comme la remise du « processo verbale di accesso »
ou de l’avis de vérification visé, le droit à un conseil, cette charte énumère tout les autres droits
essentiels inhérents au statut de contribuable vérifié comme ceux attenants aux lieux
d’exécution de la vérification, sa durée maximale, l’obligation d’un débat oral et contradictoire
tout au long de la procédure, les voies de recours possibles, ou encore l’interdiction de
renouveler une vérification déjà achevée.
Sous Section 5. La mise en pratique de la vérification sur place
Nous allons voir au cours des différents paragraphes comment se réalise en pratique
le travail du contrôleur fiscal.
§1. Le Lieu d’exécution de la vérification
En France comme en Italie, conformément à l’art L13 LPF et Art 12 al 1 « statuto del
contribuente », le principe veut que la vérification de comptabilité se déroule dans le lieu du
274
principal établissement de la personne morale. Il s’agit généralement du siège social puisqu’en
principe tous les documents comptables s’y trouvent, mais pas seulement. Tous les lieux
d’activité de l’entreprise ou tous endroits liés à la société ou à son activité peuvent faire l’objet
d’une visite en vu de constater des éléments comptables et extra-comptable le cas échéant. Le
but étant de vérifier la véracité des déclarations faites par la société. Appliqué au prix de
transfert il peut s’agir de l’endroit où s’opère le processus de fabrication particulier au coût
élevé, d’un lieu de stockage spécifique ou tout autre endroit ou élément venant corroborer la
méthode de fixation des prix de transfert présentée par l’entreprise.
Notre étude s’intéresse spécifiquement aux entreprises rattachées à la DGE, cette confrontation
d’éléments se fera alors sur la base de documents ou « Masterfile » justifiant des prix de
transfert qui auront été remis soit préalablement à la vérification pour le cas italien, soit
postérieurement à la notification de l’avis de rectification pour le cas français.
Sachant que les fonctionnaires de l’administration italienne se présentent de façon inopinée
pour entreprendre la vérification de comptabilité. L’ensemble de la comptabilité de l’entreprise
peut se trouver consigné, conformément à la loi, dans un autre endroit comme au bureau de
l’expert comptable par exemple. Dans ce cas précis le directeur de la « vérifica » demande au
responsable de lui fournir l’attestation justificative l’autorisant à déposer ses documents
comptables ailleurs, conformément à l’art 52 al 10 DPR n°633/72. Il en prend acte sur le
« processo verbale di verifica » et note immédiatement l’heure de début et de fin d’intervention
afin qu’il ne perde pas le bénéfice d’une journée de vérification. Puis il se rendra dès le jour
suivant chez la personne qui détient tous les documents comptables.
Les horaires auxquels peuvent être effectuée la vérification de comptabilité sont en droit
français comme en droit italien précisés dans la charte du contribuable vérifié et dans l’art 12 al
1 « statuto del contribuente ». Ils précisent respectivement que l’activité de contrôle externe se
fera :
- « en principe, aux heures normales d’ouverture des locaux professionnels » ;
- « sauf cas exceptionnel et urgent, durant l’horaire normal d’activité de
l’entreprise et selon des modalités telles à générer le moins de perturbations
275
possibles au bon déroulement de l’activité de l’entreprise et aux relations
commerciales ou professionnelles du contribuable »285.
Cette règle est claire si l’activité de l’entreprise est diurne, la vérification s’effectuera de plein
jour, si l’activité de l’entreprise est ininterrompue comme c’est le cas dans les grandes
industries effectuant des tours de 3x8 heures, la visite des lieux des usines ou entrepôts pourra
se faire de nuit.
La législation italienne permet « en cas exceptionnel et urgent suffisamment motivé »
d’effectuer « l’accesso » hors des heures d’ouverture de l’entreprise. La jurisprudence française
offre cette même possibilité au contrôleur si cela est fait en accord avec le contribuable
vérifié286. L’intervention peut donc avoir lieu à toute heure selon les circonstances de l’espèce
du moment que le principe du débat oral et contradictoire soit respecté.
La vérification de comptabilité peut également se dérouler de façon exceptionnelle dans les
locaux de celui qui lui sert de conseil, il doit s’agir d’un professionnel en matière comptable ou
fiscale.
La législation italienne dans son art 12 al 3 du « statuto del contribuente » admet largement
cette possibilité car le conseil de la personne vérifiée sera toujours un professionnel. Cette
mesure est plus courante qu’en France puisqu’elle figure dans le statuto del contribuente en
alinea 3 de l’art 12 qui constitue le cadre légal en matière de droit du contribuable durant la
vérification. Cet article ne requiert aucune condition spéciale pour la réalisation de la
vérification dans les locaux du conseil qui assiste ou représente la société vérifiée. Le
responsable légal de l’entreprise contrôlée doit juste en faire la demande sans avoir à la motiver.
Par contre cette motivation est indispensable en France et la doctrine administrative rappelle
que le contribuable doit effectuer lui-même le transfert des documents comptables dans les
bureaux de la personne souhaitée s’ils n’y sont pas déjà. Le transfert des données comptables
doit avoir lieu avant le début du contrôle car de toute évidence l’intéressé aura été avisé 15 jours
à l’avance.
En pratique il arrive que les fonctionnaires français effectuent la vérification dans les locaux du
conseil sans qu’il y ait une demande expresse de la personne morale ; dans ce cas la
285
Art 12 comma 1 statuto : “Essi si svolgono, salvo casi eccezionali e urgenti adeguatamente documentati,durante
l’orario ordinario di esercizio delle attività e con modalità tali da arrecare la minore turbativa possibile allo
svolgimento delle attività stesse nonché alle relazioni commerciali o professionali del contribuente.” 286
CAA Lyon 25 octobre 2000, RJF 01 n°641
276
jurisprudence se veut souple et accepte la validité du contrôle si le contribuable ne s’y est pas
opposé287.
Outre cette possibilité, la vérification peut avoir lieu dans les locaux de l’administration fiscale.
Comme au préalable cette pratique est largement reconnue en Italie, il s’agit même de la
première possibilité offerte au contribuable288. Mais celle-ci est peu utilisé en France, s’agissant
d’un contrôle sur place il est logiquement préférable d’être sur les lieux d’activité de
l’entreprise.
§2. Le Débat contradictoire et oral
La vérification de comptabilité nécessite pour être réputée légale qu’il y ait tout au
long de la procédure l’instauration d’un débat oral et contradictoire entre les parties.
Pour la doctrine et la jurisprudence française, la faculté d’effectuer la vérification de la
comptabilité dans un autre endroit que le siège social ou lieux d’activité de l’entreprise doit
rester une mesure exceptionnelle, cela s’explique par des motifs de procédure et de charge de la
preuve.
Lorsque la vérification s’effectue normalement dans les locaux de la société, la charge de la
preuve tenant au respect d’un débat contradictoire et oral durant le temps de la vérification
appartient à la personne vérifiée. Lorsque que ce contrôle sur place s’effectue chez l’expert
comptable ou l’avocat fiscaliste, la charge de la preuve est réputée appartenir toujours au
contribuable ce qui est normal car la personne où se déroule la vérification représente le
contribuable vérifié. Par contre la donne change si le contrôle externe s’effectue dans les
bureaux de l’investigateur dans ce cas la charge de la preuve s’inverse et en cas de remise en
cause de la procédure de vérification, il incombera au vérificateur de prouver que le débat
contradictoire et oral a bien eu lieu dans ses locaux. A défaut la procédure sera considérée viciée
entraînant l’impossibilité de rectifier les impôts visés.
La justice italienne ne connaît pas les mêmes motifs tendant à la régularité de la procédure car
tous les actes quotidiens, dires et remarques du vérificateur et du contribuable sont retranscrits
dans un procès-verbal journalier qui doit être signé par les deux parties. Par la même, la
287
CAA Bordeaux 02/12/1997 n°219 288
Art 12 comma 3 « statuto dei diritti del contribuente »
277
justification d’un débat contradictoire et oral se fera à la lecture du « processo verbale
giornaliere ».
Une autre motivation française, qui découle de l’obligation d’instaurer un débat oral et
contradictoire, fait qu’il est trop risqué d’accroître la possibilité d’effectuer des contrôles de
comptabilité dans d’autres lieux que celui normalement prévu à cet effet. Cette motivation
concerne le formalisme à respecter quant à l’emport des documents289, la loi française mais
aussi la loi italienne demandent à ce que ne soit emporté aucun document sauf motif
exceptionnel. Sur ce point la législation française jouit d’un formalisme rigoureux.
Pour qu’un agent de l’administration puisse emporter des documents comptables de l’entreprise
qu’il doit vérifier il faut que le contribuable lui-même est effectué de façon expresse et préalable
une demande auprès du vérificateur qui lui offre la possibilité d’emporter les données écrites
inhérentes à la société. Si le contrôleur accepte d’emporter les documents, il devra soumettre à
signature du contribuable un reçu listant toutes les pièces prises.
Évidemment il s’agit en l’espèce de documents originaux, et toute atteinte à ce formalisme
viendrait vicier la procédure. L’autorisation orale ou postérieure à l’emport n’entraînera pas
régularisation de la procédure.
Il faut savoir que le vérificateur peut répondre de façon négative à la demande du contribuable
ce qui correspond à un refus d’effectuer la vérification ailleurs.
Concernant l’emport des copies, rien ne s’oppose à ce que soit récupéré des photocopies du
moment que celui-ci ne constitue pas l’exemplaire unique. Dans ce cas, même une photocopie
devra être soumise au formalisme préalablement présenté.
Le formalisme italien en matière d’emport de document est moindre, la possibilité pour le
contribuable de demander à ce que soit réalisé la « vérifica » dans le bureau de l’administration
ou d’un professionnel étant plus largement admise, il est normal que les formalités quant à la
prise de document soient plus souples. Tous les documents seront répertoriés dans le « processo
verbale giornaliere » et soumis à signature du directeur de la « verifica » ainsi qu’à celle du
représentant de la société.
289
Doc adm 13 L 1313-16
278
Tous les documents emportés matériels ou immatériels devront être restitués à l’entreprise avant
l’envoi de la proposition de rectification pour que celui-ci puisse étudier les données qui
serviront à le confondre.
Il est à noté que le contribuable doit fournir tous les documents représentant sa comptabilité et
qu’en cas d’omission volontaire ou involontaire de certains écrits, il ne pourra s’en prévaloir
pour justifier par la suite de sa comptabilité devant le juge.
§3. Le Déroulement de la vérification
En vue d’une meilleure réalisation de la mission de vérification, nos doctrines
administratives invitent leurs contrôleurs à établir un « piano di verifica » ou calendrier
prévisionnel des visites qui auront lieux dans l’établissement. La rencontre entre vérificateur et
contribuable vérifié est faite pour rendre effective la visite et le contrôle sur place des
déclarations faites par la personne morale. Cela permet d’échanger, de comprendre la culture de
l’entreprise, son mode de fonctionnement, l’interprétation qu’elle fait des textes fiscaux et en
l’occurrence son application aux échanges intra-groupes.
La vérification de comptabilité nécessite de s’entretenir avec le responsable légal de la société
ou son représentant afin qu’il explique les choix comptables et fiscaux effectués. C’est pourquoi
le juge de l’impôt impose à l’administration de réaliser un entretien oral et contradictoire où
toutes les remarques ou incohérences relevées par le vérificateur seront présentées au principal
intéressé.
Cette obligation n’est pas née de l’esprit du législateur français, c’est une construction
prétorienne290 faite sur la base de l’art L 13 LPF et qui s’appuie sur une idée simple, celle que la
vérification de comptabilité nécessite de conserver un lien étroit avec l’entrepreneur, dont
l’activité et sa retranscription écrite est génératrice de cette comptabilité. Le relevé des données
comptables et leur analyse peuvent se faire unilatéralement, mais ne seront pas empreint d’une
juste compréhension des actes ou écritures passés. Les livres de comptabilité sont faits pour
figer dans le temps les actes de la société mais ils ne permettent pas toujours d’en comprendre
la portée c’est pourquoi il est demandé au dirigeant d’expliquer ses manœuvres. De plus il est
290
CE 21/05/1976 n° 94052
279
logique que dès l’instant où l’on émet un grief envers une personne, celle-ci doit avoir la liberté,
le temps et les moyens de s’en expliquer, à défaut de ce principe, nul acte, nulle justice ne
peuvent se prévaloir d’être conforme à l’intérêt commun.
Il y a dans la vérification de comptabilité, comme l’a souligné de façon subtile un savant
membre du conseil d’Etat, un « aspect plus humainement perceptible, que juridiquement
définissable »291.
C’est pourquoi le contrôleur fiscal se doit d’être à l’écoute de la personne vérifiée. Encore une
fois cette perception semble idéaliste mais à défaut d’être humainement appliqué, le principe du
contradictoire pourra être juridiquement opposable.
JC Drié considère que « le cœur de la vérification doit battre au rythme du débat oral et
contradictoire »292. Ce qui implique que le dialogue doit être présent durant toutes les phases de
la vérification.
Ce principe du contradictoire se retrouve également au cœur de la procédure de « verifica », à la
différence qu’il puise son fondement non pas dans la jurisprudence mais dans les textes à savoir
à l’art 52 al 6293 du D.P.R 633/72 qui instaure le principe du contradictoire durant la procédure
de verifica sur la TVA ou sur les impôts directs294 et dispose que :
« Chaque accès doit donner lieu à la rédaction d’un Procès verbale qui relate les inspections et
relevés réalisés, les demandes faites au contribuable ou à celui qui le représente ainsi que les
réponses reçues. Le PV doit être soumis à signature du contribuable ou de celui qui le
représente et au cas où indiquer le motif du refus de signature. Le contribuable a le droit d’en
recevoir copie. »
Ainsi qu’aux alinéas 4 et 7 de l’art 12 de loi n°212/2000 créant le « statuto del contribuente » et
qui disposent respectivement que :
« Des observations et remarques du contribuable et du professionnel qui éventuellement
l’assiste, doivent en être pris acte au procès verbale des opérations de vérifications » ;
291
CE 21/05/1976 n°94052, RJF 7-8/1976 n° 344, chron B. Martin-Laprade. 292
JC Drié: “le contrôle fiscal raconté aux dirigeants et à leurs conseils” 2010 2eme ed Litec 293
Art 52 comma 6 DPR 633/72: “Di ogni accesso deve essere redatto processo verbale da cui risultino le ispezioni e
le rilevazioni eseguite, le richieste fatte al contribuente o a chi lo rappresenta e le risposte ricevute. Il verbale deve
essere sottoscritto dal contribuente o da chi lo rappresenta ovvero indicare il motivo della mancata sottoscrizione. Il
contribuente ha diritto di averne copia.” 294
Art 33 comma 1 DPR 600/73: “Per l’esecuzione di accessi, ispezioni e verifiche si applicano le disposizioni
dell’art. 52 del decreto del Presidente della Repubblica 26 ottobre 1972, n. 633.”
280
«… après avoir remis copie du procès verbale de fermeture de la part des organes de contrôle,
le contribuable peut communiquer dans les 60 jours, observations et remarques qui seront
étudiées par les services d’imposition. L’avis de rehaussement ne pourra être émis avant la fin
du terme précité, sauf cas d’urgence particulière et motivée. »
Toutes ces dispositions obligent les agents de l’administration à dresser un procès verbal qui
reprend les questions posées au contribuable et d’en relever toutes les réponses ou absence de
réponse.
Le législateur italien n’a pas jugé opportun de préciser qu’il devait y avoir débat oral car la
pratique imposant la rédaction du procès verbal journalier qui conclu chaque rencontre le sous
entend naturellement.
L’agent fiscal français a la même obligation écrite mais elle se réalisera lors de la conclusion de
la procédure de vérification de comptabilité, c’est pourquoi le juge administratif a
raisonnablement instauré l’obligation d’un débat oral entre le contribuable et l’agent fiscal afin
de venir humaniser mais surtout rationaliser le débat. Un débat contradictoire écrit aurait pu être
possible et admis par la culture des administratifs français mais il aurait été source de lenteur et
d’incompréhension certaine.
L’effectivité du principe du contradictoire doit se retrouver à tous les niveaux de la vérification
et s’applique à toutes prérogatives, mêmes autonomes, déclenchées durant la procédure de
vérification, nous pensons ici à l’exercice du droit de communication. C’est pourquoi tout au
long de son travail, le contrôleur doit conserver cette donnée en tête afin de légitimer la mission
qui est la sienne et ne l’entacher d’aucune nullité
Nous pouvons distinguer au cours d’une vérification, tant en France qu’en Italie, trois phases :
La 1ere phase :
Il s’agit du jour de l’exécution de la vérification comme notifiée sur l’avis de vérification
préalablement envoyé au responsable légal de la société ou comme précisé sur « l’ordine di
accesso » remis le jour même de la « verifica ». C’est le moment où le contrôleur et le
contribuable doivent normalement se rencontrer. C’est souvent dès ce moment que le ton de la
vérification sera donné, il pourra être au mieux consensuel au pire conflictuel.
281
Il s’agit d’une prise de contact afin que le contrôleur puisse se rendre compte de l’activité de
l’entreprise, sa structure juridique et comptable, son fonctionnement, le personnel en place.
C’est pourquoi il est préférable que le dirigeant de la société soit présent ce jour là. Lorsque
l’objet de la vérification s’oriente sur les prix de transfert pratiqué par la société, cela lui permet
de présenter la culture de l’entreprise, son positionnement commercial, ses relations d’affaires
avec les entreprises associées ; exposer notamment la place que détient la société contrôlée dans
le groupe, si elle entre dans une logique d’intégration verticale d’un bien ou service. Cette
stratégie consiste en la maîtrise par la société mère de toute la chaîne de production d’un service
ou produit, cela peut aller de l’exploitation de carrière de métaux en Afrique de l’ouest pour son
usine de sidérurgie en Inde afin de vendre des rails de chemin de fer en Italie par le biais d’une
société française. Toutes ses entités ou filiales existent pour la réalisation d’un produit ou
service dont la finalité sera la vente au consommateur final. Cette donnée peut s’avérer
primordiale en matière de contrôle des prix de vente intragroupe. Les transferts indirects de
bénéfices pourraient s’opérer à tous les niveaux de production en passant par plusieurs
frontières. Pour le contrôle des prix de transfert cette stratégie d’intégration horizontale ou
verticale qui offre la possibilité d’effectuer des comparaisons avec plusieurs sociétés
indépendantes, lesquelles se retrouveront à tous les différents niveaux de la chaîne de
production. Par contre si la firme fabrique un bien rare du fait de procédé complexe ou si elle se
trouve à un moment de la chaîne en situation de quasi monopole, il sera plus difficile de
démontrer le transfert indirect de bénéfice puisque les éléments de comparaison seront réduits
voire inexistants. Le calcul par les coûts sera tout aussi aléatoire, l’entité préservée se trouvera
généralement dans un pays étranger à législation fiscale peu effective ou très protectrice ce qui
rendra difficile l’obtention d’information.
A l’inverse la stratégie dite d’intégration horizontale consiste pour une firme à acquérir le
maximum de sociétés qui opèrent dans le même secteur d’activité, l’objectif est d’amoindrir la
concurrence réelle tout en renforçant sa productivité par la réalisation d’économie d’échelle.
Cette situation n’est pas la mieux adaptée pour vérifier la concurrentialité des prix pratiqués.
Une reconstruction par les coûts de matière première, des autres produits servant à la fabrication
provenant de société indépendantes, associé à la connaissance du taux de marge généralement
pratiqué offrira une meilleure approche pour estimer les prix de transfert réalisés. Encore faut il
que le groupe de société par le jeu d’entreprise d’intermédiaire arguant d’une réelle activité ne
vienne éroder au fil des frontières les bénéfices engrangés.
282
D’où la nécessité de connaître la réalité économique de la société vérifiée pour justifier de
l’établissement de l’imposition légalement due.
C’est pourquoi la visite de l’établissement et la présence de son dirigeant sont les prémices
indispensables au bon déroulement d’une procédure de vérification. Après avoir découvert le
volet économique et social de l’entreprise, le vérificateur pourra conclure cette première
intervention et rappeler au contribuable vérifié les documents papiers ou informatisés qui
devront être mis à sa disposition lors de sa prochaine venue. De façon générale, devront être
présenté :
- Les livres journaux ;
- Les grands livres ;
- Les bilans ;
- Les journaux des opérations diverses ;
- Les pièces justificatives des dépenses professionnelles ;
- Le tableau des amortissements et des factures d’immobilisations.
Pour ce qui attrait à la recherche de transfert indirect de bénéfice via les prix de transfert, nous
devons préciser que les sociétés italiennes qui entretiennent des relations contractuelles avec
une société associée étrangère, ainsi que tous les grands comptes rattachés au périmètre de la
DGE doivent obligatoirement honorer une obligation dite documentaire en matière de prix de
transfert. Il s’agit de compiler dans un dossier tous les documents énumérés par la loi et qui
servent à la justification de la politique des prix de transfert de l’entreprise qu’elle pratique. Ce
dossier ou « Masterfile » doit être à la disposition du vérificateur. Si la société a de surcroît
souscrit à un accord préalable unilatéral ou bilatéral sur la méthode de fixation des prix de
transfert, il devra être remis à l’agent sur place. Cette accord consiste à faire valider par la ou les
administrations fiscales le mode de fixation du prix des transactions intragroupes. Mais nous
développerons plus largement ces points dans un prochain chapitre qui leur sera consacré.
Il est à noter que la dématérialisation des données comptables par le biais de logiciel est autorisé
par la loi et notamment par l’art L 13 al 2 LPF qui dispose que :
283
« Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur
l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement
ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des
déclarations rendues obligatoires par le Code général des impôts ainsi que sur la
documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. »
Dans ce cas les personnes morales qui ont opté pour ce procédé devront laisser l’accès aux
données informatisées ou remettre au vérificateur sur support numérique une copie de celles-ci.
En contrepartie l’agent fait signer un document écrit au contribuable attestant de la remise de la
comptabilité informatisée295.
En pratique et notamment pour les grandes sociétés, toute la comptabilité se fait par voie
informatique. La comptabilité informatisée doit répondre aux mêmes obligations que celles
inhérentes à la comptabilité manuelle comme en dispose le Plan Comptable Général.
L’instruction fiscale n°12 du 24/01/2006 portant sur le contrôle fiscal des comptabilités
informatisées impose à ce que tous les logiciels informatiques doivent garantir l’intangibilité et
l’irréversibilité des écritures validées afin d’honorer le caractère probant, sincère et régulier de
ladite comptabilité informatisée.
Tous manquements à la tenue d’une obligation comptable informatisée entraînera son rejet, en
conséquence la procédure d’évaluation d’office de l’imposition due pourra être déclenchée.
La 2ème phase :
Il s’agit du cœur même de la vérification car après avoir reçu tous les documents demandés,
l’agent s’attaquera au volet comptabilité de l’entreprise. Il étudiera logiquement tous les
registres de comptabilité des années figurant sur l’avis de vérification. Généralement il
travaillera par sondage afin de confronter les montants déclarés et ceux figurant dans la
comptabilité. Au vu des résultats il approfondira son étude s’il trouve certaines anomalies. Il
pourra interroger les membres du personnel et confondre leurs propos avec ceux exposés par le
dirigeant. Cette possibilité lui est offerte dans le cadre de l’exercice du droit de communication,
mais il est utile de rappeler que lorsque la demande n’est pas faite pas écrit, nul n’est tenu d’y
répondre.
295
Instr. Adm n° 30 du 06/03/2008 §17 BOI 13 L-2-08
284
La présence d’une comptabilité dématérialisée ne change rien quant aux obligations de la
société. Celle-ci devra remettre au contrôleur tous les livres comptables auxquels elle est
légalement tenue et fournir la documentation relative à l’ensemble des systèmes d’informations.
Il s’agit du manuel d’utilisation du logiciel comptable de la société afin que le vérificateur
puisse en comprendre les règles d’applications et réaliser les traitements informatiques des
données.
En cas de systèmes complexes, il peut faire appel à la Brigade de Vérification des Comptabilités
Informatisées (BVCI) afin qu’elle examine les systèmes d’informations et réalise un audit de la
comptabilité. Puis elle remettra au vérificateur principal toutes les informations nécessaires à la
poursuite de son contrôle.
Conformément à l’art L 47 A II LPF, le traitement des données informatiques pourra se faire sur
option du contribuable :
- Soit par le contrôleur en utilisant le matériel présent dans l’entreprise;
- Soit par le contribuable lui même qui effectuera tout ou partie des traitements
demandés ;
- Soit par le contrôleur cette fois ci dans ses bureaux après que lui ait été remis
copie de la comptabilité informatique.
Lors de l’étude des documents comptables, le contrôleur relèvera le cas échéant les anomalies
ou incompréhensions qui seront exposées au responsable ou représentant légal de la société afin
qu’il puisse s’en justifier conformément au principe du débat oral et contradictoire comme vu
ci-dessus.
A ce stade, l’utilité de l’obligation documentaire en matière de prix de transfert est démontrée
car elle permet un gain de temps important tant pour le contrôleur sur place que pour
l’entreprise elle-même car elle n’a pas à rechercher tous les documents qui seront demandés par
le vérificateur puisque ceux ci auront été au préalable compilé conformément aux dispositions
de l’art L 13 AA LPF.
Il est donc préférable d’honorer son obligation documentaire ainsi le travail du vérificateur n’en
sera que simplifié, le degré de bonne foi de l’entreprise n’en sera qu’accentué et enfin le temps
de présence au sein de l’établissement n’en sera que diminué.
285
La même logique s’applique aux accords préalables sur les prix de transfert puisque le
vérificateur se bornera à contrôler la juste application de la méthodologie que l’administration
avait arrêté et autorisé au préalable. Il se limitera à son étude et sa juste application permettra
d’éviter tout rehaussement par voie de réintégration des bénéfices indirectement transférés.
Ces deux mesures lorsqu’elles sont associées rende plus productif le travail de l’administration,
et vient limiter dans le temps la procédure de vérification tout en instaurant un certain climat de
confiance entre administré et administration.
L’agent fiscal est là pour rechercher et étudier des documents comptables afin de les confronter
entre eux. Si l’entreprise lui fournit matière à travailler, généralement il s’en tiendra là d’autant
que la nature des documents ou accords sur lesquels il se fonde pour effectuer sa vérification
ont été avalisé par la loi ou par les règlements. Il aura psychologiquement le sentiment d’avoir
effectué un travail conforme à ce qui lui est imparti. L’administration demande à ses agents de
ne pas s’attarder sur des vérifications de comptabilité qui semble saine. Cela permet de ne pas
perdre trop de temps sur un dossier et offre la possibilité d’en traiter plus. Le vérificateur ne doit
pas être acharné à la tache, il doit effectuer son travail de manière consciencieuse mais il est
vrai qu’une attitude fébrile ou nerveuse du contribuable vérifié viendra titiller le flair du
vérificateur et l’incitera à prolonger son contrôle.
Par contre s’il aperçoit de quelques manquements ou incohérences concernant les prix de vente
intra-groupes, il poursuivra son investigation par des mesures spécifiques au prix de transfert.
En matière d’obligation documentaire, si l’ensemble des documents présentés ne le satisfait pas
il pourra utiliser le moyen tiré de l’alinéa 3 de l’art L 13 AA LPF qui autorise l’administration à
mettre en demeure la personne morale afin qu’elle honore son obligation dans un délai
maximum de 30 jours en lui remettant les documents demandés. Le défaut de réponse ou la
réponse partielle à la mise en demeure du contrôleur entraînera des sanctions pécuniaires. Et il
poursuivra de façon plus ardue son travail d’investigation. Cette injonction issue de l’art L 13
AA LPF constitue une demande de présentation détaillée de la méthodologie pratiquée ainsi que
la documentation venant corroborer ce choix de méthode. Cet ensemble permet de déceler ou
non s’il y a eu transfert indirect de bénéfice.
286
Généralement si l’agent au cours d’une vérification de comptabilité a réuni des éléments faisant
présumer un transfert indirect de bénéfice, il peut afin de renforcer cette présomption obtenir du
contribuable des documents et justifications écrites sur le choix de méthodologie. Il s’appuie
alors sur l’art L 13 B LPF pour effectuer cette demande de justification, mais cette disposition
exclue clairement de son champ d’application les sociétés entrant dans le périmètre de la DGE.
Le législateur par son art L13 AA LPF fait porter une charge plus lourde aux grandes entreprises
internationales qui doivent honorer cette obligation documentaire. C’est pourquoi il est venu
exclure du champ de l’art L13 B ces mêmes sociétés afin qu’il n y ait pas double usage.
La 3eme phase :
Elle permet de conclure les opérations dites de vérification sur place, c’est la fin du travail de
recherche et d’analyse réalisé par le vérificateur. Elle se déroule en général dans les locaux de
l’entreprise en présence du responsable légal et/ou de son représentant. C’est un usage de
l’administration dont il est fait état dans aucune instruction administrative française.
Durant cet entretien, l’agent de l’administration va exposer aux intéressés les points qu’il a
relevé et qui pourraient faire l’objet d’une rectification. L’ultime rencontre devra se faire sous
couvert du respect du principe du contradictoire ; c’est pourquoi lors de la présentation de
l’agent, le dirigeant ou son conseil pourra intervenir en vue de justifier certains choix de gestion
qui aux yeux du vérificateur mériteraient d’être fiscalement corrigés.
Le contrôleur utilisera cette dernière entrevue pour clarifier certains aspects et parfaire ainsi son
éventuelle proposition de rectification.
Cette phase de conclusion est primordial car l’analyse de la comptabilité et de l’activité se veut
globale, par la même le responsable de l’entreprise pourra démontrer la véracité de certains
points qui lors du ou des précédents entretiens n’avait pas pu trouver justifications.
Au final l’agent de l’administration fiscale fera part de son intention de proposer ou pas une
rectification du montant des impôts déclarés qui se formalisera par l’envoi d’une proposition de
rectification.
A la différence de la procédure française, le directeur de la « verifica » remettra le jour de sa
dernière visite au contribuable un « processo verbale di constatazione » qui est une compilation
des « processi verbali giornalieri » accompagnée des ses conclusions indiquant la base
imposable rehaussée et les pénalités consécutives. Ce document vient clore la procédure di
287
« verifica » et constitue l’équivalent de notre proposition de rectification. Ces documents
devront être notifiés au contribuable.
Le déroulement de ces interventions sur place doit se faire en respectant un délai maximal. Tout
dépassement pourra entraîner la nullité de la procédure.
§4. La Durée de la vérification.
L’art L 52 LPF pose le principe de la limitation dans le temps des opérations de
vérification sur place et dispose que :
« Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents
comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne :.. »
Donc entre le 1er jour d’entrée dans les lieux de l’établissement et la dernière visite du
vérificateur se sera passé un délai de maximum 3 mois non franc.
Ce principe vaut pour toutes les entreprises individuelles, commerciales ou non et soumis à la
tenue d’une comptabilité dont le montant du CA HT n’excède pas les limites prévues au I de
l’article 302 septies A du CGI, instituant le régime simplifié d’imposition de liquidation des
taxes sur le CA,
Ces montants représentent :
- 777 000 euros pour les entreprises de vente de marchandise ;
- 234 00 euros pour les entreprises de service ainsi que toutes les autres entreprises
Les Grandes Entreprises dépassant largement ce CA, la vérification de comptabilité peut donc
dépasser la période de 3 mois sans être entaché d’irrégularité. Cette disposition ne précise la
durée du contrôle sur place en cas de dépassement des précédents seuils.
Il existe toutefois une exception qui intéresse particulièrement notre étude, c’est une mesure qui
fut instaurée par la loi de finance pour 2000296 dans son art 90 et dispose que :
« Les dispositions de l'article L. 52 ne s'appliquent pas aux personnes morales ni aux sociétés
visées à l'article 238 bis M du Code général des impôts à l'actif desquelles sont inscrits des
titres de placement ou de participation pour un montant total d'au moins 7 600 000 euros. »
296
Loi de finance du 30/12/1999
288
Toutes les personnes morales et les sociétés en participation qui ont a leur actif au moins 7 600
000 euros de titres de placement ou de participation pourront voir se prolonger la vérification de
comptabilité au-delà du délai de 3 mois, cette mesure concerne en particulier les groupes de
société ou société de holdings dont la complexité des relations nécessite une analyse plus
approfondie donc plus longue. Le législateur est venu créer cette exception afin de favoriser un
meilleur contrôle des sociétés mères qui de part leur position et pouvoir pourraient avoir
tendance à manipuler les opérations comptables de leur différentes sociétés afin de venir éluder
une partie de leurs impôts dans les pays où la fiscalité est importante. Pour cela elles s’appuient
principalement sur les mouvements financiers générés lors des transactions intragroupes.
Par contre le législateur n’a pas juge opportun de fixer légalement une limite temporelle au
contrôle de ces sociétés holdings.
La pratique administrative impose à ses agents un délai maximal de 9 mois de présence sur
place pour la réalisation d’une vérification de comptabilité des sociétés mères. Il est regrettable
que ce délai n’est pas été inscrit dans la loi puisqu’en l’absence de disposition légale,
l’administration peut sans contrainte changer ses pratiques même si elle affirme n’avoir aucun
intérêt financier ou organisationnel à voir une vérification de comptabilité durer dans le temps.
Mais par sécurité elle préfère que ne lui soit opposable aucun délai.
La loi italienne n’opère pas de distinction quant au montant du CA ou la nature de l’entreprise,
le « statuto del contribuente » est venu dan son art 12 al 5 préciser que le temps de présence des
agents civils ou militaires de l’administration financière est limité à 30 jours ouvrables. Ce délai
pourra être renouvelé une fois s’il est motivé par le caractère particulièrement complexe de
l’instruction. La demande et l’autorisation de prolongation devront être jointes au « Piano di
verifica ».
Force est de constater le grand écart qu’il y a entre la législation italienne imposant 30 jours
ouvrés et la pratique française instaurant 9 mois. Cette différence peut s’expliquer par le nombre
de vérificateur italien alloué à une même mission, ils sont généralement plus nombreux à agir
sur une même intervention alors que le contrôleur français est souvent seul voire à deux.
Obligatoirement le travail de recherche tout au moins sera plus rapide en Italie qu’en France.
Mais si l’on poursuit la lecture de l’art 12 al 5 il est clairement précisé que ce délai ne concerne
que la présence sur place des vérificateurs et ne s’applique pas à la procédure de vérification de
comptabilité elle-même.
289
L’approche française est la même à part qu’elle s’octroie une certaine largesse. Pendant 9 mois
l’administration pourra se rendre sur place afin de consulter, vérifier les données comptables et
extra-comptables de la société. Puis le contrôleur pourra continuer son travail d’analyse au sein
de ses bureaux. Heureusement qu’il existe un délai de prescription réduit à 3 ans en terme
d’Impôt sur les sociétés, pour venir limiter l’action de l’administration et l’attente du
contribuable.
Le vérificateur italien a 30 jours ouvrés pour jouir de son droit d’ « accesso e di ricerche » au
sein de l’entreprise ; passé ce délai il pourra toujours continuer sa mission d’analyse, de
confrontations des données comptables, ses investigations extérieures notamment auprès des
tiers sans venir pour autant entacher la légalité de la procédure de « vérifica ». Le législateur
italien a instauré ce délai non pas pour accroître le travail et la rentabilité des agents de
l’administration mais comme l’indique l’instruction administrative de 2008 sur « l’attività di
verifica », ce délai existe afin de venir limiter les perturbations faites au contribuable et au
déroulement de son activité qui « indubitablement pourra être compromise ou rendu
problématique par la présence indéterminée des agents sur les lieux… »297
Les considérations du législateur et du commandement de la « Guardia di Finanza » sont
louables car conscients de leur mission, ils n’omettent pas la réalité économique de l’entreprise.
En voulant sécuriser sa mission de contrôle sur les impôts, l’administration adopte des mesures
peut être démesurées mais certainement inégalitaire. Car la règle des 9 mois n’est en rien
contraignante pour l’administration, elle ne constitue pas une mesure réglementaire ou un
engagement doctrinal puisqu’il s’agit d’une simple recommandation. Par contre le délai imposé
par la vérification sur place de la comptabilité des PME constitue une mesure légale298 qui
pourra être opposable à l’administration en cas de dépassement. Cela aura pour conséquence
d’entraîner la nullité de la procédure et des impositions qui en découlent.
Cette disparité n’a pas de place dans notre système juridique qui prône l’égalité devant la loi et
ce principe fondamental, même s’il subit des tempéraments dus aux faits, impose l’instauration
d’un même degré de sécurité juridique. C’est d’ailleurs pour cela que nous ne remettons pas en
cause le délai de 9 mois, nous remettons en cause le fait que celui-ci ne soit pas encadré comme
297
Circolare N58/2008 § 6 p 186 298
Art L 52 LPF
290
l’est le délai opposable à l’administration lors du contrôle sur place des PME. Même si en
pratique la vérification de comptabilité de ces holdings ne dépasse pas ce délai de 9 mois il
n’empêche que ce vide juridique peut à terme être dommageable à nos recettes publiques car il
pourrait constituer un moyen de déséquilibrer notre système juridique devant les instances
européennes voire nationales en utilisant la question prioritaire de constitutionnalité.
En l’état actuel du droit français nous pouvons donc dire qu’en matière de vérification de
comptabilités des firmes multinationales, il n’y pas de délai portant limite des opérations de
vérifications sur place, celles-ci peuvent donc avoir lieu soit jusqu’à l’extinction de la
prescription triennale soit jusqu’à la notification de l’avis de rectification.
La fin du délai de prescription, la notification de la proposition de rectification et le « processo
verbale di constatazione » sont les éléments qui, en principe, déterminent la fin de la procédure
de vérification de comptabilité avec l’impossibilité pour l’administration d’effectuer une
nouvelle vérification des impôts et taxes des exercices qui furent précisés dans l’avis de
vérification et ce conformément à l’art 51 LPF et art 12 « statuto del contribuente ». Mais il
existe quelques exceptions qui autorisent le contrôleur à prolonger ou réitérer la vérification de
comptabilité au sein l’entreprise.
Sous Section 6. Le Retour du contrôleur au sein des locaux malgré la fin de la
Vérification.
Par exception, l’administration sera autorisée à retourner dans les locaux de
l’entreprise ou ceux de son représentant afin de procéder à une nouvelle vérification de ses
écritures lors d’agissement frauduleux ou encore dans les cas suivant :
§1. L’exercice du droit de réponse par le contribuable
Dans les 60 jours qui suivent la remise du « processo verbale di constatazione »
conformément à l’art 12 al 7 du « statuto », ou dans les 30 jours, renouvelable une fois, qui
suivent la notification de la proposition de rectification comme prévu à l’art R 57-1 LPF. Le
contribuable a la possibilité d’émettre des remarques ou d’effectuer des demandes portant sur la
proposition de rectification et ses motivations.
291
Le législateur français est venu instaurer un délai de réponse de l’administration spécifique aux
vérifications de comptabilité. Afin d’accroître le degré de loyauté, l’art L 57 A LPF oblige
l’administration à répondre aux observations du contribuable dans les 60 jours à compter de la
réception de ses remarques. A défaut de réponse dans le délai imparti, les observations seront
implicitement acceptées. C’est la doctrine administrative qui a souhaité s’imposer ce délai et
cette conséquence non négligeable qui veut que le silence au-delà des 2 mois vaut acceptation
des remarques formulées par le contribuable vérifié.
Mais cette loi limite son champ d’action aux entreprises ayant réalisées un CA inférieur à 1 526
000 euros pour la vente de marchandise et à 460 000 euros pour les prestations de service. Ce
qui exclut nos grands contribuables, et une nouvelle fois aucune disposition législative n’a été
prise pour ce type d’entreprise. Cela veut dire que légalement l’administration n’a pas de délai
pour répondre aux remarques des grandes sociétés. Malgré cela la doctrine administrative
impose à ses agents d’y apporter une réponse dans un délai de 2 mois et la jurisprudence est
venue préciser qu’en l’absence de réponse de l’administration et du fait du caractère
contradictoire de la vérification de comptabilité, la procédure de vérification sera annulée299.
L’art 57 A LPF est une mesure bénéfique à notre système car elle répond à la volonté de
l’administration de se rapprocher du contribuable en lui offrant plus de transparence. Il est
regrettable que le législateur ne soit pas intervenu en la matière pour instaurer une égalité de
droit entre toutes les sociétés laissant cette charge à la doctrine et au juge de l’impôt.
Mais depuis peu, il semblerait que celui-ci soit venu palier à cette carence législative. En effet
le vote ultime de l’Assemblée Nationale la nuit du 30/10/2013, du projet de loi visant à
simplifier les relations entre l’administration et les citoyens est venu faire de l’exception qui
voulait que le silence de l’administration vaille acceptation, la règle en la matière. L’art 1er de la
loi du 30/10/2013 est donc venu modifier l’art 21 de la loi du 12/04/2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il faut se féliciter de cette mesure qui
devrait normalement venir légaliser la pratique doctrinale et surtout jurisprudentielle en matière
du délai de réponse et de traitement du silence de l’administration concernant les remarques ou
demandes des Grandes Entreprises. Mais nous devons tout de même émettre une réserve car le
nouvel alinéa 3 de l’art 21 de la du 12/04/2000 pose une exception qui pourrait contredire cette
avancée législative. En effet le principe d’acceptation tacite de l’administration ne trouve pas à
s’appliquer :
299
CE 22/02/2002 n° 214385
292
« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les
cas prévus par décret. »
Si notre réserve s’avérerait fondée, deux conséquences sont à envisager soit cela ne changerait
rien pour les Grandes Entreprises car elles garderaient toujours le bénéfice de la jurisprudence,
dans ce cas il vaudrait mieux instaurer un décret pour venir confirmer cette position et mettre
fin à cette carence législative qui n’a pas lieu d’être notre système juridique ; ou au contraire la
doctrine et surtout la jurisprudence actuelle pourraient être remises en cause car elles
deviendraient contraires à l’application de la nouvelle loi qui veut qu’en matière de demande à
caractère financier, le silence de l’administration vaut rejet. L’application de cette nouvelle
disposition pourrait au final porter atteinte au principe du contradictoire qui régit la procédure
de rectification. Cette loi du 30/10/2013 visant à simplifier les relations avec les administrés
aura donc dans cette configuration d’espèce, un effet contraire à son objet. Si c’est le cas il faut
espérer que le gouvernement prenne dans les 12 mois qui suivent la promulgation de ladite loi
des mesures par voie d’ordonnance pour restaurer l’esprit du texte et offrir un cadre légale, gage
de stabilité, aux réponses faites aux sociétés qualifiées de moyens et grands contribuables dont
font partie les Grandes Entreprises.
Cette critique quant à l’instauration d’un cadre légale vaut toujours pour le droit italien qui
considère également le devoir de réponse de l’administration comme une condition substantielle
de la procédure de vérification dont le non respect pourra entrainer l’annulation de la procédure.
G. Scarlata300 indique dans la revue en ligne de « l’Agenzia delle Entrate » que l’administration
se doit de répondre de façon motivée aux remarques du contribuable avant la mise en
recouvrement des montants rectifiés. Mais il n’empêche que la loi n’impose aucun délai précis.
Ce qui est générateur d’inégalité de traitement entre administré et de fébrilité au sein de
l’entreprise.
§2. La vérification de comptabilité au sein d’un groupe de société
Lorsqu’une vérification a porté sur la comptabilité d'une filiale, l’administration
conserve logiquement le droit de vérifier la tête du groupe et le rattachement juridique et
300
“ Osservazione risapute al pvc ” Rivista telematica dell’ Agenzia delle entrate, www.fiscooggi.it/giurisprudenza.
293
économique de ces entités font qu’un renouvellement de la vérification des écritures comptables
sera possible par le biais des écritures de la société mère qui gère l’ensemble du groupe.
Inversement, la vérification de la comptabilité de la société mère ne vicie en rien le pouvoir de
l’administration d’exercer un contrôle externe sur la fille. Cette exception est parfaitement
adaptée aux transferts indirects de bénéfice car il n’est pas évident pour un contrôleur d’obtenir
lors de son investigation toutes les informations qui pourraient servir à la réintégration de
bénéfices évadés. La réalité du terrain nous apprend que les moyens matériaux et humains ne
sont pas toujours conséquents ce qui se répercute automatiquement sur la procédure de contrôle.
La découverte d’informations nouvelles provenant d’un autre contrôle externe sur une filiale ou
sur la société mère peut effectivement permettre de justifier de la manipulation des prix
intragroupe. Les relations privilégiées voire familiales entre ces sociétés font qu’elles se
préserveront les unes les autres en vue de dissimiler certaines données qui pourraient contredire
leur pratique « équilibrée » des prix de transfert ; mais qui en fait vient favoriser le bilan de
l’une ou l’autre société. Comme pour les personnes appartenant à une même famille il existe
une sorte d’obligation morale entre ces filiales et vis-à-vis de la mère dont la protection de ses
intérêts se veut primordiale.
§3. La procédure du droit de communication
Si suite à la conclusion des investigations, le contrôleur reçoit des documents de tiers
qu’il avait sollicité avant, pendant et même après sa mission de vérification. Il pourra de
nouveau se rendre sur les lieux afin de présenter ces éléments au contribuable et lui laisser la
possibilité de se justifier avant de les utiliser comme base ou complément à un éventuel
rehaussement.
Le droit de communication est avec le vérification de comptabilité, le meilleur moyen de lutter
contre l’évasion car il permet de recouper des informations comptables et extracomptables afin
de vérifier la véracité des déclarations souscrites par le contribuable et des documents qui
servent à justifier une charge ou un droit à déduction. Ce droit implique que tous les documents
ayant un impact économique sur la société pourront être demandés.
Lorsque l’activité de la société se limite au territoire national, l’administration de part sa
compétence territoriale et ses prérogatives légales n’aura pas de grandes difficultés à obtenir
auprès d’un tiers, un document précis sur l’activité de l’entreprise contrôlée.
294
Cette capacité à obtenir des renseignements de la part de tiers est indispensable à la mission de
contrôle qui incombe à l’administration. Dans l’hypothèse où elle ne détiendrait pas cette
possibilité, toutes personnes morales pourraient effectuer des déclarations tronquées dont la
justification serait apportée par des documents de convenance. La technique de la vérification
de comptabilité autoriserait à elle seule certainement des rehaussements de sociétés peu habiles
mais elle serait limitée dans son action puisque ce travail de contrôle, de confrontations de
données ne pourrait se réaliser qu’à l’aide des documents internes à la société. Et libre cours
serait laissée à la tentation d’utiliser des faux en écriture, cela même en présence d’un système
de sanction dur puisqu’il serait inefficient du fait d’une part de l’absence de source de
comparaison externe et d’autre part de notre systèmes judiciaire basé sur la présomption de
bonne foi et dont la charge de la preuve incombe à celui qui accuse.
En l’absence du droit de représentation ou de communication, l’unique possibilité pour
l’administration fiscale d’effectuer sa mission serait de recouper les informations nées de deux
contrôles externes de sociétés distinctes qui commercent ensemble afin d’analyser, de
confronter leurs écritures comptables et notamment les rubriques « achat et vente ». Cette
configuration viendrait limiter fortement l’action de l’administration pour des raisons de temps,
de moyens et rendrait ineffectif son contrôle. Ce scénario porterait une grave atteinte à notre
système déclaratif et nuirait aux principes qui fondent nos Républiques dont le principe
constitutionnel de solidarité nationale.
Pourtant il suffit de sortir du territoire national et errer dans la sphère du commerce
internationale pour que s’offre à nous un monde d’évasion et que l’hypothèse ci-dessus
présentée devienne une réalité. Malgré tous les risques qu’elle représente, cette réalité
persiste qu’il s’agisse de fraude ou d’évasion fiscale, exemple :
Une société française F achète des biens à une société italienne I, pour ce faire elles se sont
accordées sur une quantité et un prix qui sera réellement reversé lors de la transaction. La
société F peut aussi demander à ce que le prix figurant sur la facture soit plus élevé que celui
qui sera réellement versé ainsi lors du calcul de son CA imposable, il y aura une partie du
bénéfice qui sera dissimulé. De son coté la société I pourra édité un autre facture où figurera un
295
prix de vente moins élevé que la réalité, par là même il vient diminuer fictivement son bénéfice
et l’impôt qui en découle.
Comme il s’agit de deux entités indépendantes, gérées par deux individus non liés, il faut pour
réaliser ce subterfuge que soit les individus s’entendent sur la chose et dans ce cas l’entreprise
qui vend, dans un soucis de travail bien fait, prenne en charge l’établissement de la facture
d’achat diminué et de la facture de vente augmenté ; soit les individus réalisent, sans
nécessairement s’entendre sur la chose, des factures à leur convenance.
La manipulation des prix de transfert suit cette même logique sauf qu’elle est exempte des
comportements pénalement répréhensibles comme le fait d’établir et d’utiliser des fausses
factures, et surtout ne nuit pas des deux cotés de la frontière à la fiscalité des Etats français et
italien. Dans notre exemple précédent les sociétés F et I auront toutes deux dissimulées une
partie de leur bénéfice, et c’est là un moyen qui permet de caractériser la fraude fiscale
internationale et de la différencier de l’évasion.
Le transfert indirect de bénéfices, par le bais de l’augmentation ou la diminution des prix de
vente ou d’achat entre sociétés liées en droit ou fait, ne vient léser qu’un seul Etat en favorisant
les entrées fiscales de l’autre état.
Si nous reprenons notre exemple et ajoutons comme hypothèses que la société F et I sont liées
et que la fiscalité italienne serait plus favorable ; cela reviendrait à dire que la société F qui
achète des biens à la société I demande de lui facturer la marchandise à un prix plus élevé. La
société F en honorant son obligation de paiement viendra diminuer sa rentabilité économique et
par la même le montant de son imposition ; par contre la société I qui a encaissé réellement le
montant qui figure sur la facture est venue immédiatement accroître son bénéfice qui sera
imposé conformément à la loi fiscale italienne. Dans cette configuration, il n’y a eu nulle
intention délictuelle d’établir une fausse facture puisque le prix y figurant a été payé par la
société F et effectivement encaissé par la société I. Par contre le prix pratiqué n’est pas
conforme au principe de pleine concurrence qui régit notre système économique mondial et
c’est sur ce point que la société française du groupe sera sanctionné.
Dès l’instant où nous devons contrôler, vérifier un document ou un prix il faut obligatoirement
que nous nous rapprochions de la source créatrice ou émettrice afin d’obtenir le ou les éléments
de référence qui en l’espèce confirmeront ou infirmeront l’exactitude des données ou de la
296
pratique servant de base à l’imposition. Cela vaut dans tous les domaines et s’applique
spécifiquement à la mission de l’administration fiscale.
Le droit de communication est donc indispensable au contrôle de l’impôt en général et
particulièrement au contrôle des bénéfices déclarés des entreprises réalisant des transactions
avec leur société mère ou leurs sociétés sœurs. Ce droit se traduit au niveau international par la
demande d’assistance administrative.
Sous Section 7. La demande d’assistance administrative internationale
Cette demande permet d’obtenir d’une autorité étrangère la transmission de
documents ou renseignements concernant une société ou filiale établie dans ce pays étranger et
qui commerce avec une entreprise située sur le territoire national.
Dans ce cas précis de demande de renseignement à une autorité étrangère, le contribuable devra
être avisé de ladite demande du fait de l’importance qu’elle revêt au niveau matériel et surtout
procédural puisque le délai de reprise de l’administration sera prorogé de deux années
maximum pendant lesquels l’administration pourra rectifier le montant de l’imposition du par le
contribuable sur la base des éléments qui font l’objet la demande. Cette garantie que s’octroie
l’administration est preuve de la lenteur administrative qui régit nos sociétés et de la difficulté à
obtenir rapidement des informations qui pourraient être essentielles à une juste rectification.
La lutte contre l’évasion fiscale internationale mais également la fraude internationale impose
obligatoirement l’échange d’information entre États. Cette assistance administrative
internationale bénéfique à toutes les administrations implique nécessairement le respect du
principe de réciprocité.
La demande d’échange administrative doit reposer sur une base légalement prévue pour qu’elle
soit exécutable.
§1. Aspect général
Pour ce faire les États doivent posséder un dispositif juridique sur lequel reposera la
demande d’échange. Celui-ci peut être explicitement prévu par la législation interne, il peut
297
être le fruit de conventions internationales ou naître du droit communautaire. Ces mécanismes
ne se concurrencent pas, ils se complètent afin de cerner toutes demandes de renseignements
internationales.
Certains pays détiennent dans leur législation interne des dispositifs qui autorisent l’échange
d’informations avec des pays tiers notamment en matière de délinquance financière comme la
fraude fiscale ou le délit de blanchiment d’argent.
En règle générale, l’accord entre deux ou plusieurs administrations pour s’entendre sur
l’échange de données résulte de convention fiscale. L’OCDE reste le principal acteur en matière
de fiscalité internationale de part le nombre de ses recherches mais aussi de part les moyens
juridiques qu’elle met à disposition des États Membres et autres. Les conventions cadres
modèles OCDE en sont le principal exemple. La nécessité d’échanger des renseignements entre
administrations contribue au respect du principe de pleine concurrence qui régit notre économie
mondiale, par la même elle permet d’instaurer une justice fiscale en venant rectifier le montant
des impositions normalement dues par le contribuable à l'État ou devrions nous dire à la Nation
sur le territoire de laquelle il crée sa richesse.
L’OCDE travaille sur cette notion d’échange depuis de nombreuses années, elle a concurrencé
la globalisation de notre économie et la fraude et l’évasion fiscales qui en découlent en
présentant des travaux et conventions dans le but de rendre normal les échanges d’informations
entres les administrations des différents pays.
Le modèle de convention OCDE 1966 dit de « non double imposition » fut un des 1ers
instrument international qui prévoyait les modalités d’exécution des échanges d’informations. Il
existe aussi des conventions spécifiques aux échanges de données entre États, il s’agit des
« conventions d’échange de renseignement fiscaux » ou CERF. Quoiqu’il en soit ces
conventions se basent toutes sur l’art 26 du modèle de convention fiscale OCDE 1995 dont le
paragraphe 1 indique que :
« Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements
vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou
pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute
nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions
politiques ou de leurs collectivités locales… »
298
La France détient le record mondial de signature d’accords internationaux prévoyant une clause
d’assistance administrative en matière fiscale, plus de 114 conventions de non double
imposition ou de convention d’échange de renseignement fiscaux sont actuellement en vigueur.
L’Italie applique plus de 73 accords du même type301.
Le respect des conventions internationales « pacta sunt servanta » 302 résultent principalement de
la constitution qui vient expressément conférer une valeur supralegislative au traité
régulièrement ratifié. Cette disposition se retrouve de façon explicite à l’art 55 de la
Constitution française de 1958 instituant la Vème République et de façon implicite à l’art 10 al
1 de la « Costituzione » 303 de 1948 instituant la « Repubblica Italiana ».
Art 55 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie.»
Art 10 comma 1 : «L’ordonnancement juridique italien se conforme aux normes du droit
international généralement reconnues.»
Il se peut également que le législateur vienne par l’instauration d’une loi rappeler ce principe, la
loi française dans son art L 114 LPF autorise les échanges de renseignements à caractère fiscale
avec ses collectivités d’ outre mer et réitère le devoir d’assistance administrative mutuelle nait
des conventions internationales. Cette disposition est codifié en ces termes :
« L'administration des impôts peut échanger des renseignements avec les administrations
financières de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie
française, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises et autres
collectivités territoriales de la République française relevant d'un régime fiscal spécifique ainsi
qu'avec les États ayant conclu avec la France une convention d'assistance réciproque en
matière d'impôts pour les échanges de renseignements avec l'administration française.»
301
Coopération fiscale : « vers des règles du jeu équitables » Forum OCDE 2006 302
Traduction : « les pactes doivent être respectés » 303
Art 10 al 1 costituzione di 1946 : “L'ordinamento giuridico italiano si conforma alle norme del diritto
internazionale generalmente riconosciute.”
299
Le rapport du comité des affaires fiscales de 1977 dont une partie est dédiée à l’assistance
mutuelle administrative ainsi que le modèle de convention OCDE 1977 serviront à nourrir la
1ère mesure européenne en matière d’échange d’information entre États membres.
Car outre les dispositions internes ou le droit conventionnel, l’assistance administrative entre
pays peut se baser sur des dispositions communautaires. Celle-ci représente un intérêt
particulier pour nos pays d’autant que nous retrouvons au sein de ces dispositions un moyen
caractéristique à la demande d’échange internationale qui peut se veut révéler grâce notre
logique d’intégration, très efficace en matière de lutte contre les transferts indirects de
bénéfices.
§2. Le Droit de Communication Européen
Ce droit de communication communautaire qui a été mis en place à la fin
des années 70 a toujours été instauré par voie de directive, il a connu récemment une
modification afin de continuer à accroître son niveau d’efficacité.
A/ Fondements légaux
Conscient des risques et enjeux fiscaux, le conseil de la CEE instaure par une
directive du 19/12/1977 intitulé : « l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États
membres dans le domaine des impôts directs », un cadre communautaire à ce moyen de lutte
contre l’évasion et la fraude fiscales et renforce par son caractère obligatoire la coopération
entre États Membres.
Cette directive a vu son champ d’application s’élargir notamment au prime d’assurance et s’est
vu apporté des ajustements principalement avec la directive n°56 du 21/04/2004. Cette directive
ajustée sera applicable jusqu’au 01/01/2013.
Les nouveaux travaux de l’OCDE, notamment le Forum mondial intitulé : « Coopération fiscale
2009, vers l’établissement de règles de jeu équitable », associé à la volonté de la Commission
Européenne d’accroître le degré de rapidité et d’effectivité des demandes de renseignements
300
intracommunautaires ont données lieux à plusieurs communications de la Commission304 envers
le Conseil de l’UE qui décide le 15/02/2011 d’adopter une nouvelle directive « relative à la
coopération administrative dans le domaine fiscal. ». Cette mesure vient abroger la directive de
1977 qui malgré ses modifications ne permet : « plus aujourd’hui de répondre aux nouveaux
besoins en matière de coopération administrative. »305. Cette abrogation prendra effet le
01/01/2013, date à laquelle les États membres auront transposé les dispositions de cette
nouvelle directive dans leur droit interne.
Par son caractère large et général, la directive européenne n°16 de 2011 devient donc la
référence communautaire en matière d’assistance administrative entre États membres, elle est
entrée en vigueur le 11/03/2011.
L’avantage d’étudier des pays membres de l’UE est qu’ils sont tous deux soumis aux respect
des mêmes obligations communautaires. Il ne devrait y avoir donc aucune différence lors de la
transposition des dispositions de cette directive dans nos législations. S’il existe des différences,
elles se limiteront uniquement à des éléments de forme de ce droit de « communication
communautaire ».
A ce jour la nouvelle directive n’a pas encore était littéralement transposée dans nos droits
internes malgré le délai imparti à nos Etats de le faire avant le 01/01/2013, c’est donc pour
l’heure les dispositions de la directive de 1977(modifiée) que ne retrouvons dans nos
législations aux art L 114 A LPF et l’art 31 bis DPR 29/09/1973 n°600 inséré par Dlg du
19/09/2005 n. 215.
Ils disposent respectivement :
Art L 114 A LPF : « Sous réserve de réciprocité, les administrations financières peuvent
communiquer aux administrations des États membres de la Communauté européenne des
renseignements pour l'établissement et le recouvrement des impôts sur le revenu et sur la
fortune, de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des taxes assises sur les primes
d'assurance…».
304
Communication au Conseil du 31/05/2006 sur :«la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue
d’améliorer la lutte contre la fraude fiscale » 305
Directive UE du conseil 15/02/2011 n° 16 §5
301
Art 31 bis al 1 DPR 600/73306: « L’administration financière procède, avec les autorités
compétentes des autres États membres de l’UE, à l’échange d’informations nécessaires pour
contribuer à établir de façon correct l’assiette des impôts sur le revenu et sur le patrimoine.
Elle peut à cette fin, autoriser la présence sur le territoire de l’État de fonctionnaires des
administrations fiscales des autres États membres »
Le devoir de transposition qui pèse sur tous les États membres est indispensable à la bonne
marche de l’UE car il vient harmoniser nos systèmes pour créer plus d’égalité entre les
personnes situées sur la sol européen. La commission européenne a donc adressé à l’État italien
le 04/02/2013 une mise en demeure307 lui rappelant l’obligation de se conformer à la directive
de n°16 de 2011. Celle-ci a été suivi le 20/06/2013308 par un avis motivé envers l’Italie et quatre
autres Etats membres (Belgique, Grèce, Pologne, Finlande) leur demandant de transposer ou de
l’informer de la transposition la directive relative à la coopération européenne de 2011 dans leur
droit interne. En novembre 2013, l’Italie comme la Finlande ont modifié leur législation et la
directive a été transposée en quelques phrases dans le droit interne italien par Dlgs du
21/11/2013. Ainsi l'Italie à éviter le risque d’être traduite devant la CJUE.
La France quant à elle n’est pas en reste, car un avis motivé de la commission309 en date du
20/11/2013 rappelle à la France son obligation de transposer la totalité de la directive n°16 de
2011 dans sa loi nationale. La France n’a toujours pas pris les mesures nécessaires estimant que
toutes les dispositions de la directive étaient déjà présentes dans son droit interne notamment
par voie réglementaire. Elle possède un délai de 2 mois pour répondre aux demandes de la
commission et à défaut de régularisation ou de réponse satisfaisante la commission pourra
renvoyer l’État français devant la CJUE.
Il est fort regrettable de voir la réaction tardive ou négative de nos pays même si l’un d’entre
eux estime avoir des raisons valables pour ne pas transposer la directive. Il est impressionnant
de voir la France toujours prête à lutter contre l’évasion fiscale, le secret bancaire lors de
306
Art 31 bis comma 1 DPR 600/73 : “L’Amministrazione finanziaria provvede allo scambio, con le altre autorità
competenti degli Stati membri dell’Unione europea, delle informazioni necessarie per assicurare il corretto
accertamento delle imposte sul reddito e sul patrimonio. Essa, a tale fine, può autorizzare la presenza nel territorio
dello Stato di funzionari delle amministrazioni fiscali degli altri Stati membri.” 307
Legge di delegazione europea n°45 12/07/2013 ACN. -1326/XVII - Allegato B §95 308
Commission Européenne - IP/13/572 du 20/06/2013. 309
Commission Européenne Mémo 13/1005.
302
réunion ou de sommets politiques mondiaux et européens pour au final ne pas montrer
l’exemple bien au contraire. Par contre lorsqu' il s’agit de signer des accords avec d’autres Etats
pour s’engager à transférer de façon automatique certaines données financières comme ce fut le
cas le 14/11/2013 avec les Etats Unis d’Amérique et l’ accord FACTA (Foreign Account Tax
Compliance Act), la France « manifeste sa mobilisation totale »310. Les accords FATCA sont
issus de la législation américaine311 et ont pour but de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale
et de faire de l’échange automatique d’information un standard mondial. Ces accords créent une
obligation qui pèse sur les établissements financiers internationaux les obligeant à transmettre
aux Administrations parties à l’accord des informations, notamment sur les comptes bancaires,
qu’ils détiennent sur leurs contribuables respectifs. C’est une mesure bénéfique à la lutte contre
la fraude fiscale. D’ailleurs la France et l’Italie ainsi que d’autres Etats membres de l’UE
comme l’Angleterre, l’Allemagne et l’Espagne ont transmis une lettre au Commissaire
Européen en charge de la fiscalité, Mr A. Semeta lui faisant part de leur volonté commune
d’instaurer un système équivalent à la loi FATCA pour qu’il soit appliqué au sein de l’UE.
Tout d’abord nous devons féliciter nos pays pour l’engagement sans faille à la lutte contre
l’évasion fiscale surtout lorsqu’elle intervient au sein de l’UE. Puis nous devons saluer, cette
fois sans ironie, les Etats Unis qui continuent à nous faire part de leurs avancées législatives et
contribuent à l’émancipation intellectuelle de nos politiques nationaux. Il est regrettable qu’il
faille une nouvelle fois l’intervention de cette puissance économique pour nous guider et faire
que les mentalités et volontés politiques évoluent dans la même lignée et de façon rapide. Alors
que l’idée d’une Union Européenne et sa mise en construction ont débuté en parole il y a plus
de 60 ans lors du discours de Robert Schumann, ministres français des Affaires Étrangères de
l’époque, le 09/05/1950 pour se matérialiser par la création de la CECA en 1951 et la CEE
avec la signature du traité de Rome le 25/03/1957 dont la France et l’Italie furent entres autres
parties.
Revenant sur l’échange d’information au sein de l’UE, nous pouvons considérer à ce jour que
les dispositions de la directive transposées dans le droit italien et dans un futur proche dans la
législation française sont celles qui régissent les relations entre les administrations des Etats
européens. C’est pourquoi nous présenterons principalement la directive du 15/02/2011 car
310
http://www.economie.gouv.fr/lutte-contre-evasion-fiscale-fatca-europeen 311
Loi du 18/03/2010 dite « Foreign Account Tax Compliance Act » introduite au chapitre IV du Code Federal des
Impots des Etats Unis d’Amérique.
303
c’est elle qui dispose pour l’avenir. Elle reprend les acquis de la directive du 19/12/1997 en y
apportant des ajustements mais crée de nouvelles obligations qui incitent à la collaboration
réelle et effective des administrations des pays membres. Nous n’omettrons de remarquer les
modifications ou innovations importantes par rapport à l’ancienne directive de 1977.
Il est à noter qu’en principe nos gouvernants sont réceptifs aux travaux faits par l’OCDE et
tendent à appliquer toutes les recommandations que celle-ci propose même celles qui pourraient
être considérées comme non indispensables mais préférables.
Le champ d’application de cette directive du 15/02/2011 s’étend à tous types d’impôt et taxes
directes et indirectes à l’exception de ceux régit par d’autres textes communautaires à savoir les
demandes d’échanges d’information concernant la TVA, les droits d’accises et de douanes ou
les cotisations sociales.
la directive du 15/12/2011 qui prévoit en autres l’échange automatique d’information a vu son
champ d’application étendu par la directive du 12/06/2013 qui est venue y inclure l’échange de
nouvelles données financières comme par exemple celles sur les revenus professionnels, ou la
propriété de biens immobiliers. Ces dernières mesures seront applicables à partir du 01/01/2015.
Le demande de renseignement issue d’une administration nécessaire à l’établissement ou le
contrôle de l’IS ou IRES forme l’un des objets principaux sur lesquels se fondent la directive de
2011. Elle porte sur tous types de documents qui concernent la situation fiscale d’un
contribuable en général et d’une entreprise en particulier. Elle se concrétisera soit par la
transmission des informations que l'État requis à en sa possession soit par la diligence d’une
enquête administrative qui se traduit par : « l’ensemble des contrôles, vérifications et actions
réalisés par les États membres dans l’exercice de leurs responsabilités en vue d’assurer la
bonne application de la législation fiscale. »312
Pour cela les États adopteront la norme dite de la « pertinence vraisemblable » afin d’accéder à
la requête des États requérants. L’échange de renseignement sur la base de cette directive et de
ses transpositions en droit interne doivent respecter l’objet pour laquelle cette mesure a été
votée.
312
Art 3 al 7 de la directive du 15/20/2011
304
La directive indique dans un soucis d’équilibre du à son application étendue, que les États ne
sont pas libres d’effectuer des « recherches tous azimuts ». Les demandes devront être ciblées et
motivées par les circonstances de l’espèce. Elles s’effectueront principalement par voie
électronique sécurisée en utilisant le réseau commun de communication.
La présente directive réitère la mesure prévue à l’art 2 de la directive de 1977 modifiée et
précise que l’autorité requise procède à la recherche d’information faite par l'État requérant
comme si elle procédait pour elle-même en se fondant sur ses dispositions internes et pratiques
habituelles.
La directive impose aux États membres de préciser quelle est l’autorité nationale compétente à
qui il faudra adresser les demandes. L’Italie a désigné « il Direttore Generale delle Finanze » et
la France a désigné la DGFIP. La Commission Européenne est en contact direct avec les
autorités compétentes nommées dont la liste a été publiée au JO de l’UE. Ces mêmes autorités
doivent désigner un bureau central de liaison qui pourra administrer les demandes de
coopération internationale.
Le Conseil invite les parties à nommer un service de liaisons ainsi que des fonctionnaires
compétents afin d’effectuer les recherches et d’accroître la rapidité des échanges.
Par ces mesures d’incitation le conseil tend à la création d’une réelle administration de
l’échange d’information intra-européen. Celles-ci ne font pas obstacles à l’instauration d’agents
de liaisons au sein des ambassades comme le pratiquent la France et l’Italie, la présence
physique d’un fonctionnaire sur le territoire d’un autre État membre constitue un pas de plus
vers la coopération.
Mais pour des raisons de disparité de moyen entre États, le conseil n’a pas imposé ce type de
mesure. Par contre il s’en fait le promoteur et dans son art 11, la directive invite les États à la
mobilité de leurs agents. Moyennant accord entre les autorités compétentes, des agents dument
habilités pourront être présents dans les locaux de l’autorité requise, assister aux enquêtes et
même y participer.
Cette disposition spéciale renforce les tissus de la collaboration et tend à créer par la nature de
ce texte non plus une pratique conventionnelle mais une pratique communautaire.
305
B/ Les délais de réponse
La directive instaure dans son art 7 une innovation qui était indispensable à
l’amélioration de la coopération et à sa réelle effectivité ; puisqu’elle vient soumettre les États
membres au respect de délais. L’État qui reçoit une demande d’échange de renseignement devra
honorer son engagement le plus vite possible et au plus tard dans les 6 mois qui suivent la date
de réception de la demande. Elle ajoute ensuite que si l'État requis est déjà en possession des
informations demandées, « les communications sont effectuées dans un délai de deux mois
suivant cette date. »
Voila une mesure phare qui devrait vraiment améliorer la lutte contre l’évasion fiscale
internationale car en instaurant un délai elle crée une réelle obligation qui pèse sur les États
membres ; aucune précision à ce sujet ne figurait pas dans la précédente directive. La volonté
d’arrêter un délai nous montre que la pratique née du dispositif précédemment applicable
souffrait d’avarie qui faisait que les documents étaient livrés dans des délais trop longs ou
n’étaient pas du tout livrés ce qui venait fortement limiter l’action de l’administration et la
précision de celle-ci.
L’importance des informations obtenues à l’étranger revêt un caractère primordial car elles
permettent de confondre le contribuable. L’administration vient lui opposer des documents
internes au groupe dont il ne pourra nier l’existence. Ces documents peuvent avoir une
incidence directe ou indirecte sur l’action de l’administration, directe dans le sens où à elles
seules, elles permettent de justifier d’un transfert de bénéfice (factures, récépissé de livraison) et
indirecte dans le sens où les renseignements reçus serviront d’éléments de comparaisons à la
méthodologie utilisée par la société pour fixer ses prix intra-groupes (méthode de fabrication,
coût de la matière première).
Lorsque les sociétés qui commercent entre elles ne sont pas liées en droit, le recueil des
informations ici permettra de prouver qu’il y a bien un lien de dépendance entre ces deux
entités. Notamment si la société française est le client principal voire unique de la société
italienne influant ainsi sur le prix de vente à fixer et dépassant le cadre de la négociation
commerciale classique. Cette pratique porte atteinte au respect du principe de pleine
concurrence.
Donc tous ces éléments provenant de l’étranger faciliteront énormément la tache de
l’administration, en lui offrant même les moyens de passer de la présomption de transfert
306
indirect de bénéfice à la confirmation de ce transfert. Ce dispositif d’échange permet lorsqu’il
est effectif l’instauration d’une justice fiscale nécessaire et bénéfique à tous.
Un autre délai est important et pourrait avoir des conséquences en matière d’obligation entre
État. L’art 7 al 6 de la directive prévoit que si l'État requis : « n’est pas en mesure de répondre à
la demande d’informations ou refuse d’y répondre pour les motifs visés à l’article 17 », elle doit
en aviser « immédiatement » l'État ou le faire au plus tard dans le mois qui suit la notification
de cette demande.
Le législateur a souhaité agir sur les pratiques administratives et combattre un de ses principaux
défauts, la lenteur. Par cette mesure il impose à l'État qui est saisi de la demande d’en prendre
connaissance directement et d’en effectuer une instruction sommaire afin de savoir si il est apte
à répondre à cette demande d’assistance administrative.
Si l'État requis annonce qu’il ne pourra honorer son obligation, l’administration requérante, sans
avoir à attendre inutilement, se dirigera vers d’autres pistes afin de réaliser sa mission de
contrôle. Par contre si après avoir accusé réception de la demande et qu’il s’est écoulé une
période d’un mois, alors son silence vaudra acceptation de cette demande et engagement que
tous les moyens utiles seront mis en œuvre afin d’obtenir et transmettre les informations
nécessaires à l’instruction du dossier fiscal du contribuable vérifié.
Dans ce cas le contrôleur poursuivra ses recherches considérant qu’il recevra, au plus tard dans
les 5 mois qui suivent, les informations nécessaires à la voie d’analyse qu’il a choisie pour
instruire ce dossier.
Si au bout du compte, il ne reçoit aucune information de la part de l’autre État alors la voie
d’analyse et les recherches sur lesquelles il souhaitait s’appuyer seront fortement compromises
voire anéanties. La perte du temps sera dommageable à l’action de l’administration et L'État
membre qui est lésé pourra faire valoir sur la base de cet article 7 ses droits devant la CJUE.
C/ La procédure d’échange automatique et spontanée
La présente directive reprend les dispositions prévues dans la directive de 1977 mais
elle étend leur application.
L’art 8 instaure la procédure d’échange automatique entre autorité compétente
concernant: «...les informations se rapportant aux périodes imposables à compter du 1 er janvier
2014 dont elle dispose au sujet des personnes résidant dans cet autre État membre… ». Il s’agit
307
d’informations se rapportant aux impôts sur le revenu des personnes physiques donc il
n’intéresse pas notre étude. Mais il se peut que dès 2017, cette procédure d’échanges
automatiques soit étendue à d’autres catégories.
La procédure d’échange spontané est déjà prévue à l’art 4 de la directive de 1977 et est reprise à
l’art 9 de la présente directive. Toutes les informations utiles à caractère fiscale devront être,
sans demande préalable, communiqué à l'État membre intéressé notamment lorsque l’autorité
compétente d’un État présume d’une diminution d’impôts, ou taxes dans un autre État membre.
Cette procédure est spécifiquement prévue pour lutter contre la manipulation des prix de
transfert et indique que les informations devront être spontanément transmises lorsque :
« l’autorité compétente d’un État membre a des raisons de supposer qu’il peut exister une
diminution de taxe ou d’impôt résultant de transferts fictifs de bénéfices à l’intérieur de groupes
d’entreprises »313.
Les renseignements devront être transmis le plus rapidement possible et au plus tard dans le
mois qui suit la découverte de l’information.
Ici l’instauration d’un délai est simplement formelle puisque l’initiative laissée à l'État
concernant la transmission de renseignement de façon spontanée est de nature subjective. Elle
dépendra de l’agent en charge d’un dossier fiscal, de son intérêt à la collaboration, du service et
de son organisation.
Si l’agent ou le bureau compétent décide de transmettre une information ; qui pourra en
pratique juger du caractère tardif ou non de la transmission ? Il serait étonnant qu’une autorité
compétente transmette une information avec des éléments qui viendrait la culpabiliser.
Cette mesure se veut bénéfique à la lutte contre l’évasion fiscale. Il faut pour cela que les
gouvernements reconnaissent pleinement la nécessité de collaborer en toute transparence.
Si les administrations des Etats membres de l’UE décidaient de réunir l’ensemble des
documents qu’elles possèdent ou à défaut tout au moins qu’elles transmettent, elles se
doteraient d’une base de donnée européenne regroupant un florilège d’information provenant
d’entreprises indépendantes qui exercent dans les différents secteur d’activité ou de sociétés
appartenant à des groupes mais qui commercent avec d’autres entreprises indépendantes. Cette
mesure serait légalement viable mais se devra d’être encadrée de façon à limiter la consultation
et à préserver ainsi le secret de l’information.
313
Art 9 §1(d) directive Conseil UE 15/02/2011
308
D/ Le secret des échanges
Afin de rassurer les États et les forcer à la collaboration, la présente directive impose
aux administrations un secret officiel quant à la transmission des informations. Elles doivent
uniquement : « servir à l’administration et l’application de la législation interne des États
membres relative aux taxes et impôts visés » 314 par la directive. Cela attrait notamment à
l’établissement des impôts et leur contrôle ainsi qu’à toute procédure judiciaire ou
administrative conséquentes. Par contre il y a une différence notoire avec la directive de 1997
en matière d’utilisation et divulgation d’information. Elle précise qu’ : « en tout état de cause,
ces informations ne sont accessibles qu'aux personnes directement concernées par
l'établissement de l'impôt ou par le contrôle administratif de l'établissement de l'impôt.»315
Cette mesure de 1977 impose explicitement aux administrations de permettre l’accès aux
personnes directement concernées, il s’agit principalement du contribuable qui conformément
au principe du contradictoire doit être à même de consulter et porter ses remarques sur les
documents qui lui sont opposables. Mais en utilisant des termes plus généraux, la directive de
2011 laisse aux États membres la possibilité d’opter clairement pour la transmission des
documents au contribuable ou non. Car la transmission des documents issue du droit de
communication national ou européen n’est pas directement obligatoire, tout dépendra des
législations internes. En Italie même si la procédure « d’accesso » ne fait pas état de procédure
contradictoire dans son déroulement, il est clair qu’avant toute rectification, les documents
servant de base à celle-ci seront présentés au contribuable. En droit français, les documents
reçus des tiers lors de l’exercice du droit de communication ne sont pas directement transmis.
Le contribuable doit en faire la demande et ce dans les deux mois avant la mise en
recouvrement des impositions rectifiées. A défaut il ne pourra pas avoir accès aux documents
qui servirent à son rehaussement.
Le Conseil aurai pu reprendre les mêmes termes que la directive de 1977 voire même en choisir
des plus précis, réaffirmant ainsi le respect du principe du contradictoire comme garantie
fondamentale du justiciable. Mais il n’a pas pu ou pas voulu brider les moyens permettant le
rehaussement d’impôt dans certains pays de l’UE, perdant ainsi une belle occasion
d’uniformiser les procédures.
314
Art 16 §1 Directive Conseil UE 15/02/2011 315
Art 7 §1 Directive Conseil UE 19/12/1977 mod. Directive 21/04/2004
309
Outre le secret des échanges qu’impose la directive, elle instaure et reprend de façon
équivalente les limites prévues par la directive de 1977 quant à la demande d’échange de
renseignement entre États membres de l’UE.
E/ Les Limites aux demandes d’échanges
Tout d’abord et conformément à l’art 17 de la nouvelle directive, il faut avant tout
usage du droit de communication européen que l'État requérant est « déjà exploité toutes les
sources habituelles d’information auxquelles elle peut avoir recours pour obtenir les
informations demandées »316. Il s’agit donc d’une mesure subsidiaire qui vient en complément
des moyens internes au pays. Cela tend à éviter l’abus de procédure d’un pays membre qui
souhaiterait se soulager d’une charge de travail en obligeant un autre État membre à effectuer
cette recherche à sa place. De plus cette limite vise à préserver le contribuable des effets
consécutifs au déclenchement d’une procédure d’assistance administrative qui vient allonger le
délai de reprise de l’administration.
Cette disposition a son importance au niveau de la procédure de rectification car son non
respect pourrait servir à la défense et venir annuler le droit à la prorogation du délai de
prescription de 2 années en se fondant sur le caractère abusif de la demande d’échange
européen. De ce fait la procédure de rectification s’en trouverait entachée de nullité du fait de sa
forclusion. Cette sécurité tend à limiter les abus des administrations qui serait tenter de faire une
demande d’assistance internationale dans l’unique dessein d’accroître la durée de droit de
rectification de l’administration.
L'État requis n’a pas a honorer son obligation de renseignement si la demande ou le mode
d’obtention du renseignement est contraire à son droit interne. Nous pourrions y déceler une
aubaine pour les pays qui aime à respecter le secret bancaire, il n’en sera rien car l’art 18 §3 de
la directive exclu comme motif de refus le fait que l’information soit détenue par : « une
banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant
qu’agent ou fiduciaire, ou qu’elles se rapportent à une participation au capital d’une
personne. »
316
Art 17 §1 Directive UE 15/02/2011
310
Le secret bancaire est rompu et les pays membres qui le pratique encore devront ajuster leur
droit interne en ce sens. Cette mesure sonne théoriquement le glas du secret bancaire qui après
de nombreuses années de bons et loyaux services auprès des banques les plus respectables, il
s’éteint et devient donc inopposable sur tout le territoire de l’UE.
Par contre la directive admet comme légitime le refus de transmettre une information qui
conduirait à divulguer : « un secret commercial, industriel ou professionnel ou un procédé
commercial, ou une information dont la divulgation serait contraire à l’ordre public. »317 Donc
si l’obtention d’un procédé de fabrication est nécessaire à la détermination des couts pour
vérifier la concurrentialité des prix pratiqués par une firme multinationale, il est plus que
probable que la demande d’information soit rejetée sur la base de l’un de ces motifs.
L'État requis n’est donc pas tenu de fournir soit des procédés qui mettraient en péril la santé
économique d’une entreprise située sur le sol national soit des informations qui toucheraient à
l’ordre public du pays.
Cette notion d’entraide administrative impulsée par cette directive implique qu’il y ait une
certaine réciprocité dans les relations entre États membres, mais aussi dans les moyens
d’œuvrer à cette obligation. C’est pourquoi il est autorisé de rejeter une demande si le dispositif
juridique qui permettrait à l'État requis de fournir les renseignements demandés ne saurait
exister dans le droit du pays requérant. Il faut un certain équilibre dans les relations et il serait
paradoxal qu’un pays qui ne peut conformément à sa loi obtenir un type d’information,
demande à un autre pays l’obtention de ce même type d’information.
Ce motif de rejet de la demande d’information est intéressante dans le sens où elle incite à
l’uniformisation des législations des Etats membres de l’UE soit en l’adoption de nouveaux
dispositifs internes, soit en l’abrogation de certains d’entre eux. Il faut noter que la directive de
1977 prévoit cette possibilité de refuser la transmission d’information : « lorsque l'État
intéressé n'est pas en mesure de fournir une transmission d'informations équivalentes pour des
raisons de fait ou de droit. » Le conseil n’a pas retenu cette notion de « raisons de fait » car
d’une part elle a un caractère trop subjectif et d’autre part accentue les inégalités entre tous les
pays membres. Certains ont moins de moyens que d’autres donc il est logique que la recherche
et l’obtention de l’information est plus difficile. A contrario, cela ne justifie pas un rejet par un
317
Art 17 §4 Directive UE 15/02/2011
311
pays plus aisé de la demande d’information en provenance d’un pays au moyen moindre. En
écartant cette mesure le conseil préserve de façon certaine l’efficience de cette nouvelle
directive et l’unité au sein de l’UE.
L’art 19 de la directive suit cette même logique d’uniformisation en obligeant à ce que le degré
le plus poussé de collaboration qui existe soit celui entretenue tout au moins entre les Etats
membres de l’UE. Il indique que lorsqu’un pays membre à une collaboration plus étendue avec
un pays tiers, il ne peut pas refuser à un État membre qui en émettrait le souhait, d’appliquer ce
même niveau de coopération.
Toujours dans cette optique de rapprochement, la directive de 2011 prévoit des triangulations
quant à la transmission des renseignements entre État membres. Si l’un d’entre eux après avoir
obtenu une information pour son compte, s’aperçoit de son utilité vraisemblable pour un des
autres Etats membres, alors il informe le pays source de son intention de transmettre le
renseignement à l’autre pays membres. Dans ce cas, à réception de la demande d’autorisation le
pays source pourra s’y opposer dans les 10 jours. A défaut son silence vaudra acceptation et le
pays requérant transmettra l’information au 3ème Etat membre.
Cette possibilité existe aussi avec les pays tiers. A savoir que lorsqu’un État membre par le biais
d’une convention obtient des informations à caractère fiscale de la part d’un pays tiers et
qu’elles s’avèrent utiles à d’autres pays membres ; alors avec l’autorisation du pays tiers, il
pourra transmettre ces informations aux autorités compétentes des États membres concernés
ainsi qu’à toutes autres autorités compétentes qui en ferait la demande.
L’inverse est possible, c'est-à-dire que dans la nécessité de collaborer avec d’autres pays non
membres de l’UE, la directive autorise à ce que le pays requérant transmette les informations
utiles à un pays tiers. Dans ce cas il en avise l'État requis qui doit donner son autorisation avant
tout envoi et le pays tiers doit s'engager « à coopérer pour réunir des éléments prouvant le
caractère irrégulier ou illégal des opérations qui paraissent »318 contraire à la loi fiscale du
pays concerné.
Voila un mesure qui pousse à la collaboration mondiale et a l’obtention d’informations, de
documents qui pourraient servir à toute procédure tendant à la juste imposition des
contribuables présents sur le territoire européen.
318
Art 24 § 2 Directive UE du 15/02/2011
312
C’est dans cette optique de préservation de sa base imposable que le gouvernement américain a
obligée à raison les autres Etats à se soumettre à sa législation en signant l’ accords dit FATCA
dont la France est déjà partenaire ainsi que très prochainement l’Italie. D’ailleurs la mise en
application de ce dispositif anti-évasion devait être effective initialement à partir du 01/01/2013
puis cette date a été remise au 01/01/2014 pour être une nouvelle fois repoussée au 01/07/2014
afin que des pays comme l’Italie puisse s’organiser afin de faciliter l’application d’une telle
mesure.
Tous ces renseignements s’ils sont compilés pourraient être une arme redoutable contre la
fraude et surtout l’évasion fiscale internationale des personnes morales. Cette base de données
s’enrichirait au fil des demandes et de part leur caractère international et spécial. Elles ne
concerneraient non pas tous les contribuables mais principalement les importantes firmes
multinationales qui réalisent entre 60 et 80% du commerce mondial.
Il semble nécessaire si la volonté réelle de combattre ce fléau existe, d’instaurer à l’instar du
périmètre de la DGE, une catégorie d’entreprise dont le CA annuel supérieur ou égal à 100 M
d’euros leurs vaudrait ainsi qu’à leurs filiales de voir toutes les informations obtenues grâce au
droit de communication européen ou international si l’état étranger requis en donne son accord,
regroupées dans cette base de donnée. Celle-ci favoriserait les recoupements et accentuerait la
rapidité d’action de nos administrations qui subissent deux principales contraintes. La première
issue de la lourdeur des procédures internes qui sclérose leurs actions et la seconde née de la
capacité des grandes groupes à créer, muter, céder ou liquider leurs filiales rendant encore plus
difficile la tache qui incombe au contrôleur fiscal.
Par ce moyen nous améliorerons la qualité du contrôle fiscal en détenant un recueil fournis
adapté à la recherche de comparable probant indispensable à l’évaluation méthodologique des
prix de transfert. Ainsi nous serons mieux préparés à la vérification fiscale unilatérale ou
multilatérale de la comptabilité des firmes multinationales et de leurs filiales.
§3. Le contrôle simultané
La commission et Conseil de l’UE conscients de la nécessité non pas uniquement
d’échanger des informations mais de pouvoir agir en commun et dans le même sens, ont prévu
une clause instaurant le contrôle fiscal simultané élevant le degré de collaboration intra-
européenne. Ce dispositif qui est né des travaux de l’OCDE a pour base juridique l’art 26 du
313
modèle de la Convention fiscale qui traite de « l’échange des renseignements ». Mais il existe
également une convention Modèle OCDE spécifique à la procédure de contrôle simultané.
Ce contrôle simultané peut être de nature conventionnel ou communautaire, nous continuerons
dans notre lignée et étudierons les dispositions du droit européen élaborées sur la base du
modèle conventionnel.
Le contrôle simultané dans notre droit communautaire est prévu par la directive de 1977 mais
fut intégré lors de la modification de cette dernière par la directive du 24/04/2004. La directive
de 2011 reprend littéralement ce moyen et l’énumère dans son art 12 §1 :
« Lorsque deux ou plusieurs États membres conviennent de procéder, chacun sur leur propre
territoire, à des contrôles simultanés d’une ou de plusieurs personnes présentant pour eux un
intérêt commun ou complémentaire, en vue d’échanger les informations ainsi obtenues… »
C’est une forme d’assistance administrative qui s’exécute dans le respect des dispositions de la
présente directive, elle ne déroge pas à la procédure applicable en matière d’échange
d’information. C'est-à-dire que toutes transmissions de documents devront se faire sur demande
comme le veut l’art 5 ou automatiquement conformément à l’art 8 ou spontanément comme en
dispose l’art 9 de la directive du 15/02/2011.
Comme l’indique le rapport de l’OCDE 2010 intitulé : « Principes applicables en matière de
prix de transferts à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales »,
ce contrôle fiscal simultané constitue un moyen d’entraide mutuelle d’une particulière
efficacité « lorsque l'accès à des renseignements qui se trouvent dans un pays tiers est
déterminant pour une enquête fiscale ».
Il a pour principal objectif d’obtenir les éléments de fait qui sont mis en avant par les sociétés
internationales pour justifier du choix de leur méthodologie. L’article 12 de la directive ne
précise pas le type de contrôle qu’il tend englober. Il est clair que sa présence dans ce dispositif
communautaire instaurant la demande d’échange de renseignement entre États membres nous
permet de confirmer que ce contrôle simultané doit être compris comme devant s’exécuter sur
place.
314
A/ Le déroulement du contrôle
Afin de faciliter les relations entre administrations participantes, il est désigné dans
chaque État un contrôleur national chargé de superviser, coordonner l’ensemble des procédures
de contrôle simultané et arrêter les dossiers qui seront soumis au contrôleur national des autres
États concernés.
Le rapprochement induit par cette mesure accélère l’échange d’information entre autorités
compétentes. Ce gain de temps et donc d’argent permis par la communauté des moyens est
bénéfique aux finances publiques de chaque État participant.
La coopération active que prône cet article doit contribuer à la résolution rapide des problèmes
notamment celui lié à la double imposition lorsqu’il y a rectification d’impôt effectué dans un
des États participants.
Les États peuvent adopter des conventions ad hoc permettant de venir préciser l’objet du
contrôle et son déroulement.
Le contrôle simultané peut être bilatéral mais aussi multilatéral si les États en question ont tous
un intérêt « commun ou complémentaire » à la réalisation de ce contrôle externe. C’est
d’ailleurs là le critère principal qui doit motiver la décision d’un contrôle simultané. L’intérêt
« commun ou complémentaire » du contrôle doit permettre d’établir la réelle imposition due
dans chaque pays participant.
En pratique l’État, notamment grâce l’exercice du contrôle sur pièce, relève les sociétés qui
méritent d’être proposées à la réalisation d’un contrôle simultané. Il peut s’agir d’une société
mère et ses filiales, de deux ou plusieurs sociétés liées en droit ou en fait ou encore de société
exerçant dans le même secteur d’activité.
Après avoir constitué un dossier présentant le ou les entreprises concernées et avoir motivé
l’intérêt de ce contrôle, l’Etat en informe le ou les autorités compétentes ayant un intérêt fiscal à
cette collaboration et leur soumet le dossier en précisant clairement le délai dans lequel devra
être réalisé le contrôle.
Après avoir réceptionné le dossier et effectué leurs propres investigations en interne, le ou les
états invités au contrôle décident :
315
soit d’y participer dans ce cas ils en informent expressément l’autorité compétente à l’origine de
la demande, précise le nom du contribuable, les impôts à vérifier, les exercices fiscaux
concernés et nomme un interlocuteur unique en leur sein qui s’occupera de la mise en place
pratique du contrôle ;
soit il décline l’invitation et devront fournir les motivations de leur refus. Les limites apportées
en matière de refus nées de la demande d’échange de renseignement comme prévue à l’art 17 de
le directive de 2011 ne sont pas applicables à la proposition de contrôle simultané. Les motifs
de refus peuvent être de droit mais aussi de fait.
Si la demande est accueillie favorablement, les États membres concernés se réunissent par le
bais de leur responsable avant toute recherche sur place afin de s’entendre sur la stratégie à
adopter lors du contrôle. Ils effectueront une présentation des règles de procédures internes
applicables à la vérification de comptabilité, les délais de prescription, la durée du contrôle, les
garanties du contribuable ainsi que toutes mesures qu’ils jugeront utiles. Ils décident d’un
calendrier quant aux échanges d’informations et à l’action même du contrôle. Pour améliorer
l’efficacité de ce dispositif, les vérifications sur place devront débuter en temps similaire tenant
compte des règles de notification de l’avis de vérification propre à chaque législation. Et enfin
arrêter la date butoir du contrôle simultané. Il est à noter que toute administration peut mettre
fin à sa participation au contrôle en cours de procédure si elle l’estime nécessaire. Elle doit en
informer par écrit les responsables de chaque administration participante ainsi que la
Commission Européenne.
Comme l’indique l’OCDE dans son rapport de 2010, ce dispositif s’avère particulièrement bien
adapté au contrôle des prix de transfert car il permet de cerner la source ou le lieu propice à
l’évasion fiscale notamment dans le cas où les transactions intragroupes traversent plusieurs
pays qu’ils soient ou non à fiscalité privilégié. De même il constitue l’outil le plus avancé
lorsqu’il s’agit d’instruire des affaires d’une certaine complexité dans l’évaluation des prix de
transfert comme celles inhérentes aux transactions financières novatrices.
L’échange de renseignement quant aux pratiques d’une firme multinationale permet de
comprendre sa culture d’entreprise, son mode de gestion ou encore ses procédés de fabrication
et les coûts qui y sont relatifs. Le contrôle simultané permet de corroborer ou non les
informations qui seraient fournis par l’entreprise pour justifier de sa politique à un des États
316
sans que celui-ci puisse réellement vérifier la justesse des arguments avancés. Il peut s’agir de
l’évaluation des accords de répartition des coûts ou du choix des méthodes de partage des
bénéfices.
Il permet également d’obtenir des informations concernant un secteur d’activité, et de mieux en
cerner sa réalité économique grâce à l’échange des renseignements générés par ce contrôle.
Le personnel responsable de la réalisation d’un contrôle acquiert par l’échange d’information et
des bonnes pratiques, une expertise essentielle à sa mission qu’il aurait plus difficilement acquis
sans sa participation au contrôle simultané. Cette disposition tend à créer des agents fiscaux du
marché commun. De plus il permet à ces fonctionnaires de discuter des méthodes de fixation
des prix de transfert les mieux adaptées à chaque situation tendant ainsi vers une appréciation
commune de ces méthodes ce qui aura pour conséquence de venir limiter le contentieux liés au
choix de la méthodologie applicable et donc celui lié à la double imposition. Ces avantages tirés
du contrôle simultané offre un terrain propice à l’aboutissement des procédures de résolution
amiable des différends en cas de double imposition et à l’amélioration des délais. Ce mode de
résolution se retrouve généralement dans les conventions fiscales bilatérales de non double
impositions mais également dans la convention européenne d’arbitrage du 23 juillet 1990 qui
impose une obligation de résultat aux parties.
Les responsables en charge du contrôle doivent faire en sorte d’adopter une vision semblable
sur les faits à rapporter lors des conclusions qui serviront à motiver si nécessaire chacune des
procédures de rectification du ou des pays concernés. Agissant dans le cadre du droit
communautaire d’importantes divergences d’appréciations des faits seraient dommageables au
dispositif d’assistance administrative européen et à l’uniformisation de la justice au sein de
l’UE.
Cette invitation à présenter des conclusions concertées peut être favorable au contribuable lors
de la phase de l’instruction de l’enquête administrative car il se peut que dans un ou plusieurs
des pays, les éléments justifiant de sa méthode de fixation des prix intra-groupes ne soient pas
totalement rejetés ce qui viendrait influencer une 3ème administration qui elle aurait rejeté en
bloc toutes ses explications. La nécessité de collaborer pourrait inciter un des État à réviser sa
copie et admettre certains éléments de justifications. Ce qui serait bénéfique au contribuable, le
montant de la rectification pourrait en définitif être inférieur à ce que laissait entendre le
317
contrôleur lors du débat contradictoire. Cette collaboration peut constituer un gage de sécurité
juridique accrue envers les sociétés multinationales qui sont souvent lésées du fait des
appréciations différentes des administrations sur la pratique de leurs transactions intra-groupes.
Le contrôle simultané est un contrôle effectué de façon indépendante par chaque administration
fiscale et selon les règles qui lui sont propres. L’administration française suivra les règles de la
vérification de comptabilité et l’administration italienne celles de la « Verifica ».
Pour assurer l’efficacité et l’efficience de ce contrôle simultané, les responsables doivent
s’efforcer de communiquer le plus possible et échanger de façon régulière les documents qui
serviraient aux autres agents nationaux pour la réalisation de leur mission de contrôle.
Ils doivent tenter de se réunir plusieurs fois avant, durant la procédure et lors de sa conclusion.
La rencontre physique reste le moyen le plus rapide et efficace pour échanger et confronter ses
arguments. C’est pourquoi, outre l’échange par voie postale ou électronique, la commission
insiste sur la nécessité de se réunir et si possible une fois dans chacun des différents pays
participants.
A ce titre si la législation du pays l’autorise, les agents en provenance des autres États parties au
contrôle simultané peuvent participer aux enquêtes administratives dudit pays. Cette disposition
prévue à l’art 11 de la présente directive reprend dans son paragraphe 1, la disposition de l’art 6
de la directive 1977 qui autorise : « la présence dans le premier État membre d'agents de
l'administration fiscale de l'autre État membre» pour favoriser le déroulement de la procédure
d’échange d’information. Mais le Conseil de l’UE dans sa nouvelle directive va beaucoup plus
loin en instaurant un paragraphe 2 qui dispose :
« Dans la mesure où la législation de l’État membre requis le permet, l’accord visé au
paragraphe 1 peut prévoir que, dans les cas où des fonctionnaires de l’autorité requérante
assistent aux enquêtes administratives, ceux-ci peuvent interroger des personnes et examiner
des documents.
Tout refus d’une personne faisant l’objet d’une enquête de se conformer aux mesures
d’inspection des fonctionnaires de l’autorité requérante est considéré par l’autorité requise
comme un refus opposé à ses propres fonctionnaires.»
Cette disposition absente de la directive du 19/12/1977 et de la directive modificative du
21/04/04 permet donc la participation active de l’agent étranger à l’enquête administrative sur
318
un territoire qui n’est pas le sien. Cette avancée est remarquable car elle repousse les limites de
la collaboration et renforce le sentiment d’appartenance à la communauté européenne. La
compétence territoriale indissociable du principe fondamentale de souveraineté nationale nous
prouve que cette dernière peut être appréciée différemment pourvu qu’elle ne perde pas de vue
ce pour quoi elle existe et qui se justifie par la préservation de l’intérêt supérieur de la Nation.
Cette mesure vient, le temps des opérations de contrôle, conférer à l’agent étranger le même
statut que celui de l’agent national de part ses prérogatives d’enquête et des conséquences en
cas d’opposition. Nous pourrions dire que le temps de l’enquête l’agent détaché à l’étranger est
assimilé à un fonctionnaire du pays d’accueil, il devient un collaborateur occasionnel de
l’administration fiscale de cet État. Cette situation sera partagé par chaque fonctionnaire de
chaque État participant lorsqu’ils se rendront au fur et à mesure de l’enquête dans chacun de ces
pays comme l’invite à la faire la Commission Européenne. Cela promeut le sentiment
d’appartenance à la Communauté Européenne et génère d’un point de vue matériel des
compétences qui nous autorisent à promouvoir la mise en place d’un statut de Contrôleur Fiscal
Européen.
B/ La conclusion du contrôle simultané
La conclusion du contrôle fiscal simultané fait suite à la rencontre ou
correspondance des responsables de chaque État. Ils indiquent expressément et généralement
par écrit la fin de cette procédure d’échange administratif.
A l’issue de cet entretien, deux cas de figure se présentent :
Soit les représentants se mettent d’accord sur la méthode de détermination des prix de transfert
applicable à la société contrôlé. Alors ils appliquent cette méthodologie afin de calculer le
montant des impôts qu’ils estiment dus dans chacun de leur pays. Ils rédigent une proposition
de rectification ou « processo di constatazione » et ils établissent en ce sens un ajustement
corrélatif. Par leur rapidité d’action ils écartent le risque lié à la prescription et contribue à
éviter le contentieux lié à la double imposition.
Le contribuable quant à lui pourra accepter les conclusions des vérificateurs dans chaque pays,
il honorera sa dette et économisera le temps et l’argent que lui auraient couté le déclenchement
de nombreuses procédures dans les différents État membres qui ont participé à ce contrôle.
319
Si le contribuable rejette l’avis de rectification ou « processo verbale di constatazione » alors il
ne lui reste plus qu’a effectuer des recours hiérarchiques puis juridictionnels, conformément aux
garanties qui lui sont offertes, propre à chaque législation interne. Si aucun de ces recours
aboutis, les autorités compétentes auront fait l’économie du temps et du cout d’une procédure
de résolution amiable de non double imposition.
Soit les représentants ne s’entendent pas sur la méthodologie à appliquer aux transactions intra-
groupes du ou des contribuables vérifiés. Alors ils en font part à leur autorité compétente. Dans
ce cas elles perdront le bénéfice d’un accord qui exclu le contentieux sur la non double
imposition; mais elles auront tout de même tirés avantages des informations échangés durant ce
contrôle.
Elles retomberont dans le schéma classique de la vérification de comptabilité propre à leur
législation et émettront des avis de rectification selon la méthodologie de fixation des prix de
transfert que chacune des administrations aura retenu. Les sociétés visées par ce contrôle
simultané qui sont en générale la société Mère et ses filiales devront être informées de l’absence
d’accord entre administrations.
Le fait d’être informé de l’absence d’accord, leur permettent de contester la ou les rectifications
mais surtout d’agir vite pour déclencher une procédure de résolution amiable des différends du
fait de la double imposition et si nécessaire une procédure d’arbitrage sur la base de la
convention européenne du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas
de correction des bénéfices d'entreprises.
Avec cet arbitrage européen, il sera certain que parmi les pays participants, il y en aura un ou
plusieurs qui se verront imposer une décision qui ne leur sera pas favorable. La perte de temps
et d’argent sera ici flagrante et il pourrait en sortir un sentiment de frustration défavorable à
l’instauration d’un climat d’entente entre administration des États membres.
C’est pourquoi la complémentarité de ces mesures pousse indubitablement au consensus, à la
collaboration des États membres de l’UE afin que quoiqu’il advienne une solution commune
soit trouvée.
En dernier lieu, chaque responsable désigné par son autorité compétente ou par le responsable
nationale des contrôles simultanés doit rédiger un rapport détaillé qui comprend :
- Un résume reprenant les phases du contrôle fiscale, les moyens utilisés et
objectifs souhaités qui ont été atteint ou non,
320
- Le montant s’il y a lieu des impositions rehaussés et l’intérêt qualitatif et
quantitatif de ce contrôle sur le montant rectifié,
- La position du contribuable face à ce contrôle fiscal ainsi que les mentions
apportées sur l’avis de vérification ou « processo verbale di constatazione »,
- Les opérations et pratiques des sociétés qui engendrent un risque d’évasion
fiscale important,
- Le niveau de collaboration entres les différentes autorités compétentes, la qualité
des renseignements et leur rapidité de transmission,
- Les points positifs et négatifs de la procédure de contrôle fiscal simultané soit à
caractère général soit à caractère particulier et tous commentaires en vue
d’améliorer l’efficacité de ce dispositif.
Ce rapport doit être remis au directeur national en charge de toutes les procédures de contrôle
simultané et dans un souci de transparence tous les rapports doit être remis à chaque autorité
compétente qui a participé à ce contrôle, ainsi qu’à la Commission Européenne. Cette remontée
d’information pratique permet d’évaluer ce dispositif, son déroulement, son niveau d’efficacité
et de rentabilité. Ces constats doivent permettre de relever les points forts et faibles de cette
procédure afin d’en repousser les limites.
Le contrôle fiscal simultané est une faculté laissée aux États membres qui à la différence de la
demande d’échange de renseignement n’est soumise à aucune obligation de résultat, ce qui
explique qu’il n’ait pas de directive qui lui est propre. Il est donc logiquement inclus dans la
directive sur la demande d’échange de renseignement car en pratique il s’agit plus de la récolte
commune d’information et de leur recoupement en vue d’établir conformément au principe de
souveraineté et de façon unilatérale une rectification des bases imposables dans chacun des pays
participants. D’ailleurs ce dispositif ne s’en cache pas, c’est la simultanéité qui caractérise ce
contrôle et non la communauté même si de temps en temps l’art 11 § 2 lui en donne les allures.
En vue de « garantir le bon fonctionnement du dispositif de coopération administrative prévu
par la présente directive »319 les autorités compétentes doivent coordonner leurs efforts,
travailler directement ensemble et entretenir une relation étroite avec la Commission qui
assistée du Comité de la Coopération Économique reçoivent des États membres les données
319
Art 22§1 c) Directive 15/02/2011
321
statistiques, rapports et toutes informations pertinentes nécessaires à l’évaluation de l’efficacité
de cette directive. Tous les 5 ans, la Commission remet au Parlement un rapport sur
l’application de la présente directive.
La volonté de la commission et du conseil de l’UE de procéder à une nouvelle écriture de la
directive de 1977(modifiée) sur la demande d’échange de renseignement est louable et justifiée
car si de prima bord elle reprend les mêmes dispositions que celle prévue par la directive du
19/12/1997, il est certain qu’elle contient en son sein des mesures phares qui viennent nous
éclairer sur la pratique des prix de transfert dont l’opacité s’accroît au fur et à mesure des
passages de frontière.
Une fois les informations obtenues par le bais de la demande d’échange de renseignement et
notamment par la procédure de contrôle simultané, la collaboration prend fin selon les
modalités ci-dessus présentés et la procédure interne de vérification de comptabilité reprend son
cours.
La fin de la vérification de comptabilité n’est donc pas concomitante à la fin du contrôle
simultané. Que les autorités compétentes se soient mises d’accord ou pas sur la méthodologie à
retenir, les administrations fiscales finaliseront leur analyse et émettront chacune un acte
administratif unilatéral qui indique au contribuable la position de l’administration concernant
les impôts et exercices qui ont fait l’objet du contrôle.
Sous Section 8. La conclusion du contrôle externe
A ce stade de la procédure il n’y a que deux possibilités qui se présentent à l’agent
fiscal. Au vu des éléments recueillis et des analyses faites au cours de son investigation portant
sur la comptabilité de l’entreprise, il estimera que la comptabilité des exercices vérifiés est
conforme. L’administration a utilisé son droit de contrôle sur les obligations fiscales du
contribuable qui les a loyalement honorées dans ce cas le rehaussement n’a pas lieu d’être.
Soit lors du contrôle, le vérificateur a relevé des anomalies dans les écritures comptables, dans
la façon de traiter les échanges commerciaux intra-groupes qu’il a jugé non conforme au
principe de pleine concurrence ou non conforme à la méthodologie que la société est tenue de
respecter ou qu’elle a mis en avant dans sa documentation portant sur la méthodologie des prix
de transfert conformément à l’art L13 AA LPF et qui a été présenté au contrôleur dès le début
322
de la vérification de comptabilité. Dans ce cas il y aura lieu de réintégrer les bénéfices
indirectement transférés dans la base imposable de la société vérifiée et proposer l’acquittement
des impôts normalement dus additionnés des pénalités et intérêts de retard légalement prévus.
les sociétés pourront soit accepter directement soit remettre en cause, en suivant les voies de
recours reconnus, la proposition de rectification faite par chaque administration fiscale.
Nous marquons ici la fin de la mission du contrôle fiscale externe. Le vérificateur
informe donc la société de sa décision de redresser ou pas son imposition. Cette décision doit
lui être obligatoirement notifiée quelle qu’elle soit, c'est-à-dire que si l’agent fiscal conclu à
l’absence de rectification il devra justement remettre au contribuable vérifié un « avis d’absence
de rectification » afin que celui-ci ne reste pas dans l’attente d’un décision défavorable qui
n’arrivera jamais. En général le contrôleur, lors de sa dernière rencontre avec le contribuable lui
fait part à l’oral de ses conclusions et l’informe expressément qu’il n’y aura pas de rectification.
Mais il est normal que l’administration après avoir débuté sa mission de contrôle par un écrit,
l’avis de vérification ou « PV di verifica », conclut cette dernière par un autre écrit. Il en va de
notre tradition juridique et de notre sens de la courtoisie. Outre l’aspect relationnel, l’avis
d’absence de rectification et le « PV di constatazione » qui établit la conformité des comptes,
revêt un aspect juridique primordial. En effet grâce à cet avis ou PV l’administration ne pourra
plus remettre en cause la comptabilité et les années qui ont été vérifié320.
Cette avis ou PV qui constate l’absence de rectification ne pourra être émis que dans le cadre
d’une procédure de vérification sur place, en effet lors du contrôle sur pièce les agents de
l’administration fiscale n’informe pas la société de leur action et lorsqu’il n’y a aucune erreur
ou anomalie, ils n’ont pas non plus besoin d’en informer le contribuable car ce contrôle est
interne au service. Ce propos est a nuancé dans le cas d’une demande de renseignements prévue
à l’art L 10 LPF, l’administration dans le but d’améliorer les relations entre elle et le
contribuable321 s’engage à informer l’intéressé de la suite des événements, et en cas de silence
de sa part dans les 60 jours, le contribuable pourra considérer son dossier comme clos.
La rectification de la comptabilité d’une grande société qui a manipulé ses prix de transfert
pourra se faire non seulement lors de la conclusion de la mission de vérification sur place ou
320
Art L 51 LPF 321
Communication Ministre de l’Economie et des Finances 03/11/2004
323
« verifica » mais pourra se faire également suite à la mission de contrôle sur pièce de
l’administration. Si nous tenons compte de la législation italienne édicté à l’ alinéa 2-ter322 du
Dlgs du 18/12/1997 relatif à l’obligation documentaire qui pèse sur toutes sociétés réalisant des
transactions intra-groupes, nous devons préciser que ce « Masterfile » doit être remis
annuellement en même temps que le bilan. Donc le contrôle des prix de transfert par le biais du
« Masterfile » fait partie de la procédure de contrôle interne italienne et ce contrôle interne
pourrait donner lieu à une rectification des impositions dues.
Dans la plupart des ouvrages, il est souvent spécifié que la proposition de rectification met fin à
la mission de vérification de comptabilité, ce qui est vrai, mais plus généralement la proposition
de rectification met fin à toutes missions de contrôle dites à posteriori qu’elles soient internes
ou externes. En pratique il faut savoir que la grande majorité des deniers publics récupérés se
fera par l’envoi d’une proposition de rectification réalisé suite à une procédure de vérification
de comptabilité. A titre d’exemple, en 2008 l’administration fiscale française à récupéré en
droits nets323 au titre de l'IS plus de 2.274.000.000 grâce à la vérification de comptabilité contre
650.000.000 pour le contrôle sur pièce.
Il est clair que la Direction Grandes Entreprises ou les directions régionales réalisent des
contrôles sur pièce qui constituent un recoupement d’information en vue de contrôler
l’imposition déclarée mais la difficulté de la matière concernant la méthodologie des prix de
transfert fait que le recoupement d’information est rarement suffisant pour établir qu’il y a eu
transfert indirect de bénéfice. Le contrôle sur pièce constitue plus un moyen de cibler quelles
sociétés devraient être contrôlées.
A présent nous allons voir les conséquences du contrôle fiscal qui débute par la notification au
contribuable de la proposition de rectification ou « Processo Verbale di constatazione ».
322
Cfr. art. 1, comma 2-ter del decreto legislativo 18 dicembre 1997, n. 471: “In caso di rettifica del valore normale dei
prezzi di trasferimento praticati nell'ambito delle operazioni di cui all'articolo 110, comma 7, del decreto del Presidente
della Repubblica 22 dicembre 1986, n. 917 da cui derivi una maggiore imposta o una differenza del credito, la sanzione
di cui al comma 2 non si applica qualora, nel corso dell'accesso, ispezione o verifica o di altra attività istruttoria, il
contribuente consegni all'Amministrazione finanziaria la documentazione indicata in apposito provvedimento del
Direttore dell'Agenzia delle entrate idonea a consentire il riscontro della conformità al valore normale dei prezzi di
trasferimento praticati. Il contribuente che detiene la documentazione prevista dal provvedimento di cui al periodo
precedente, deve darne apposita comunicazione all'Amministrazione finanziaria secondo le modalità e i termini ivi
indicati. In assenza di detta comunicazione si rende applicabile il comma 2”. 323
Source: www.impot.gouv.fr “statistiques officiel du contrôle fiscal”
324
Chapitre II. Les conséquences du contrôle
La conséquence logique de tout contrôle de l’administration fiscal sera a minima la
récupération des impôts qui auraient du être normalement versé par la société au début de
l’année suivant la clôture de son exercice. Si lors d’un contrôle, l’agent de l’administration
relève une omission, une erreur, une dissimulation commise par le contribuable, il devra évaluer
le montant de l’impôt réellement du additionné des sanctions (section II).
Pour ce faire il ne peut pas se baser sur des considérations personnelles, même s’il y a toujours
une part de subjectivité, celle-ci ne doit pas diriger la rectification. Le vérificateur est tenu de
respecter une méthode. La rectification doit être basée sur des éléments concrets qui permettent
une estimation réelle de la base imposable et donc des prix qui seraient pratiqués entre entités
non dépendantes. Ces justifications et moyens de comparaisons obtenues sont le ciment qui
permettront de solidifier la restauration de la base imposable faite par le vérificateur.
Cette construction intellectuelle s’ appuie sur des éléments obtenus tout au long de la procédure
de contrôle et se devront de figurer dans la procédure de rectification quelle qu’elle soit
(section I) afin de légaliser le rehaussement.
Suite à cela le contribuable pourra réagir de deux façons soit il considère le travail présenté
comme réel et justifié dans ce cas il n’a plus qu’à se plier au commandement de
l’administration, soit il considère ce raisonnement comme totalement ou partiellement infondé
dans ce cas il remettra en cause cette avis de rectification en utilisant les moyens qui lui sont
offerts afin de venir diminuer les droits à payer ou annuler la proposition de rehaussement. Car
il se peut que la société agisse en toute bonne foi considérant que les comparaisons faites ne
sont pas en adéquation avec la réalité du marché ; ou elle peut être consciente du caractère
évasif des prix de transfert qu’elle pratique mais tentera par tous moyens de diminuer la base
imposable rectifiée en cassant la réflexion apportée par le contrôleur et donc par
l’administration fiscale. C’est de la solidité formelle et substantielle de l’avis de rectification
que dépend la récupération des impôts éludés.
Section I / Les procédures de rectification
La procédure de rectification se matérialise par la proposition de rectification (sous
section 1) qui sera présenté au contribuable. Les motivations de ce qui fondent le rehaussement
325
et le droit d’y apporter remarques caractérisent la notion du contradictoire, principe qui régit
notre droit et notre système de justice. C’est donc naturellement que nos législateurs ont érigé le
respect du contradictoire comme principe qui doit conduire toute l’action de l’administration
fiscale324 et notamment la procédure (sous section 2) qui attrait à la formulation de la
proposition de rectification. Par exception l’administration conduira une procédure dite de
taxation d’office (sous section 3) ou « determinazione d’ufficio »325 dans des cas particuliers
afin de déterminer de façon unilatérale la base imposable.
Sous Section 1. La proposition de rectification
L’acte qui conclu le contrôle fiscal et plus spécifiquement la mission de vérification
sur place est dénommé proposition de rectification qui comme son nom l’indique propose au
contribuable de rectifier, conformément à l’appréciation que l’administration a eu de la base
imposable, le montant de l’impôt qui doit être normalement acquitté par le contribuable
additionné des pénalités ou sanctions du a son retard ou à ses manquements délibérés.
En droit italien, l’acte qui joue cette fonction est nommé « Avviso di accertamento », il fait suite
au « Processo Verbale di constatazione » ou « di chiusura» qui lui vient clore la mission du
vérificateur sur place.
Pour être valable cet acte de proposition ou de constatation doit répondre à des conditions de
forme et de fond qui touche à la motivation de cette proposition. Tout manquement d’une de ces
conditions entraine la nullité de la procédure et la déchéance des droits et pénalités consécutifs.
La proposition de rectification doit être datée et signée par l’agent des impôts compétent, en
général il s’agit de celui qui a conduit la vérification de comptabilité. La réglementation
italienne impose en plus le visa du responsable de service à savoir le responsable de la direction
régionale ou nationale. Cette obligation s’impose en France lorsque la proposition prévoit des
sanctions fiscales pour manquement délibéré à ses obligations fiscales ce qui était définit
auparavant par la mauvaise foi du contribuable.
324
Art L55 LPF : “Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une
insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des
impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications
correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61
A.” 325
Cir NE/2008 Vol I p 167
326
Le simple nom dactylographié du contrôleur ne suffit pas à remplir cette condition, il doit y
avoir une apposition manuscrite qu’il s’agisse de son nom ou de sa signature. En Italie
l’apposition de la signature dit « Firma » doit faire apparaître clairement le nom et prénom des
fonctionnaires de l’administration ; la gestuelle écrite qui personnalise chacune de nos
signatures n’est pas admise en Italie. Le contrôleur doit y préciser son grade, le service auquel il
est rattaché ainsi que les coordonnées du service. Ceci a encore plus d’importance en Italie où
cohabite l’administration fiscale civile et militaire.
La proposition de rectification doit présenter quelles sont les impositions et exercices mise en
cause ainsi que la nature du contrôle qui a permis de conclure au rehaussement des bases
imposables, il s’agit généralement de la procédure de vérification de comptabilité.
En outre elle doit faire apparaître que conformément à la loi tout déclenchement d’une
procédure de rectification sera assortie de sanctions fiscales.
La proposition de rectification et le « Processo verbale di constatazione » doivent être notifiés
au contribuable vérifié. Lorsqu’il s’agit d une personne morale, son nom doit figurer sur ce
document ; la notification sera au profit du responsable légal de l’entreprise.
L’obligation de notification se fera selon la culture propre à chaque administration. La loi
française autorise à ce que celle-ci se fasse en personne mais en pratique elle s’effectuera
toujours par l’envoi en recommandé avec accusé de réception. Nous retrouvons à ce stade de la
procédure les mêmes risques que ceux liés à la notification de l’avis de rectification notamment
celui de la prescription ou de la preuve de la remise du pli postal.
La pratique italienne optera pour une remise en main propre contre signature du contribuable.
L’absence du contribuable ou de son représentant n’empêche pas les agents fiscaux de remettre
ce document à une personne employée ou liée à l’entreprise, ceci ne vient en rien vicier la
procédure contrairement à ce qui pourrait se passer en France.
Il est intéressant de noter que l’administration n’est contrainte à aucun délai légal pour effectuer
cet envoi. La seule limite qui parait donc exister est celle liée au délai de prescription triennal
dans lequel l’administration est autorisée à agir. Cela implique qu’en théorie, après avoir
effectué une vérification de comptabilité sur une année 2010, elle pourra notifier sa décision de
rectifier ou non jusqu’au 31 décembre 2014. Si le contrôle de l’administration à eu lieu en 2012
alors la société vérifiée se trouvera dans une sorte de sursis de décision qui pourra durer 2
années. Le contribuable italien quant à lui sera fixer sur son sort dès la fin de la mission de
vérification sur place car le « processo verbale di constatazione » qui est l’acte final de la
327
« verifica » doit être remis le dernier jour de la présence du vérificateur. Nous pouvons dire
conformément au « statuto del contribuente » que la remise du « PV di constatazione » se fera
au plus tard 30 jours ouvrés après la date du début de la mission de vérification, ce délai pourra
être doublé en cas de particulière complexité de l’instruction.
Il semblerait que l’administration française tend à jouir pleinement des délais de prescriptions
qui lui sont impartis et ne veut en aucun cas voir son action restreinte cela n’est pas très
rassurant pour l’administré mais il se pourrait que l’administration joue la psychologie et
s’appuie sur les vertus reconnues du sursis. L’administration n’a pas intérêt à laisser perdurer un
dossier mais le manque de réglementation devait être relevé car il laisse une place à la
discrétion du personnel administratif et donc à l’inégalité des traitements entre administrés.
Tout comme l’avis de vérification le législateur impose à ce que l’administration fournisse une
nouvelle fois la charte du contribuable vérifié et qu’il lui soit rappelé la faculté de se faire
assister par un conseil de son choix326 en France. Le conseil ne peut être autorisé en Italie que
s’il est habilité par la loi conformément à l’art 12 al 2 du « statuto del contribuente ».
Ce document doit également préciser les voies de recours possibles offert au contribuable ainsi
que les délais impartis pour effectuer ces recours.
Il peut s’agir de recours hiérarchiques, gracieux ou juridictionnels. Pour faciliter leur saisine, les
coordonnées des personnes susceptibles d’intervenir doivent également figurer sur la
proposition de rectification. Nous présenterons brièvement les voies de recours pré-
juridictionnels plus loin dans notre étude.
Et en dernier lieu la proposition de rectification ou « PV di constatazione » doivent préciser au
contribuable contrôlé qu’il a la possibilité de l’accepter ou de présenter ses observations dans
les 30 jours, renouvelable une fois327, pour la France et dans les 60 jours pour Italie328 qui
suivent la notification de l’acte.
326
Art L 54B LPF 327
Art L 57 al 2 LPF 328
Art 12 comma 7 Legge 27/07/2000 “statuto del contribuente”
328
La proposition de rectification va venir encadrer par son fond et sa forme le contentieux fiscal
entre l’administré et l’administration comme la lettre de licenciement encadre le litige en droit
social entre l’employé et l’employeur.
Cet acte vient sceller la mission de contrôle de l’administration et met fin au délai de
prescription de l’administration pour les impôts et exercices qui ont été contrôlé.
C’est ce motif qui explique pourquoi l’administration est obligée même lorsqu’aucune anomalie
n’a été décelée de fournir un « avis d’absence de rectification » afin que le contribuable jouisse
de ses garanties.
Sous Section 2. La procédure contradictoire
Le document qui est remis au contribuable contrôlé doit de nouveau présenter la nature
du contrôle, les impôts sur lesquels il porte ainsi que les exercices concernés. Vu l’importance
qu’il revêt dans la procédure de contrôle il se doit d’être complet d’un point de vue formel et
motivé d’un point de vue substantiel comme le prévoit l’art L 57 al 1 LPF ainsi que l’art 7 al 1
de la loi 27/07/2000 n°212. Ils disposent respectivement :
« L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être
motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son
acceptation. »
« Gli atti dell’amministrazione finanziaria sono motivati secondo quanto prescritto
dall’articolo 3 della legge 7 agosto 1990, n. 241 (1), concernente la motivazione dei
provvedimenti amministrativi, indicando i presupposti di fatto e le ragioni giuridiche che hanno
determinato la decisione dell’amministrazione. Se nella motivazione si fa riferimento ad un
altro atto, questo deve essere allegato all’atto che lo richiama.»329
La motivation de l’acte administratif ou plus précisément de la proposition de rectification est
essentielle au respect du principe du contradictoire. Sans connaissances des fondements, nulle
défense possible.
329
Art 7 comma 1 legge n°212/2000: « Les actes de l’administration financières doivent être motivés selon les
prescriptions de l’art 3 de la loi du 07 août 1990, n° 241 (1), concernant la motivation des mesures administratives,
indiquant les éléments de faits et les motifs juridiques sur lesquels reposent la décision de l’administration. Si dans la
motivation, il est fait référence à un autre acte, celui-ci doit être joint à l’acte principal. »
329
Il doit donc être fait état des motifs de droit « ragioni giuridiche » et de fait « presupposti di
fatto » qui justifient pour l’administration cette rectification, ainsi que les conséquences
financières de la rectification conformément à ce que prévoit l’instruction administrative du
17/01/1978 et celle de 29/12/2008 « sull’attività di verifica ». Une rectification non motivée
entrainera la nullité de la procédure, et l’agent ne pourra pallier à cette carence lors des réponses
faites au contribuable330 car cela viendrait fausser l’esprit du principe du contradictoire.
Quand la vérification porte sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés,
l’administration précise au contribuable la nature des traitements effectués qui ont servi de base
à la rectification.
De plus chaque imposition et exercice redressés doivent faire l’objet d’un chef de rectification
distinct. Cette mesure est une sécurité pour le contribuable et surtout pour l’administration, car
la motivation de l’acte s’apprécie non pas d’une façon générale mais par chef de rectification ;
ce qui permet en l’absence de justifications précises sur un impôt ou un exercice contrôlé de
n’entacher que partiellement la proposition de rectification, ne contaminant pas ainsi les autres
chefs de rectification.
L’exposé de ces motifs doit être cohérent afin de permettre au contribuable sa compréhension
pour qu’il puisse le cas échéant effectuer des remarques. Cela ne signifie pas qu’elle doit être
« minutieusement détaillée » mais comme l’indique la circulaire du 29/12/2008 « sull’attivita di
verifica » elle doit être suffisamment explicite et présenté point par point les motifs du
redressement. Tous les documents comptables et extra comptables qui justifient les erreurs
matérielles, dévoilent des incohérences et ont contribué à la construction intellectuelle du
vérificateur doivent être mentionnés et portés à la connaissance du contribuable331.
Cette notion est primordiale pour notre matière car le vérificateur devra démontrer l’existence
de comparables et leur cohérente application au cas d’espèce, pour remettre en cause les prix
des transactions intra-groupes. Sans cela la remise en cause des prix pratiqués conduira à une
annulation de l’acte et des impôts rehaussés car celui-ci sera considéré comme n’étant pas assez
motivé.
330
CAA Bordeaux 02/12/1997 n° 96-420 331
Circ 29/12/2008 vol I p 187 : “la motivazione deve risultare sufficiente e puntuale (….) è necessario che sia forniti
tutti gli elementi idonei per la ricostruzione del iter logico-giuridico seguito dall’organo che ha proceduto alla
formazione del atto, individuati, per espressa previsione normativa, nei presupposto di fatto e nelle ragione giuridiche”
330
Il est important pour le vérificateur tout d’abord d’apprécier correctement la fonction de
l’entreprise au sein du groupe puis d’opter pour la méthodologie adéquate applicable au type de
transaction qu’il rencontre. En général il débutera l’étude de conformité des prix de transfert
pratiqué en se basant sur la méthodologie avancée par la société elle-même et tentera de vérifier
si les prix énoncés entre dans l’intervalle de pleine concurrence qui constitue la fourchette de
prix acceptable pour définir si les conditions d’une transactions entre entreprises liées sont de
pleine concurrence.
Il pourra aussi rejeter la méthodologie présenter par la société vérifiée et retenir une
méthodologie qui lui semble plus propice au produit, bien ou service, qui fait l’objet du contrat
de vente inter entreprise. Mais le choix d’appliquer une autre méthode de calcul de prix de
transfert ne doit pas avoir pour objet d’invalider les prix pratiqués dans l’unique dessein
d’augmenter à court terme les rentrées fiscales de l'État. Cette substitution doit poursuivre un
intérêt plus grand qui est celui de préserver le marché grâce à une concurrence saine et
contribuer à la justice sociale qui est largement plus bénéfique à long terme pour la santé
économique du pays en particulier et du monde en général.
Le choix de la méthodologie sera fonction du type du bien ou service visé. Le vérificateur peut
du fait de son expérience connaître quelle méthodologie s’applique le mieux à un produit mais
en principe il se réfère aux travaux de l’OCDE, expert en la matière, pour retenir la méthode la
plus adéquat au produit ou au moins celle qui se rapproche le plus de l’activité exercée par
l’entreprise vérifiée. De façon périodique l’OCDE émet des rapports ou des commentaires qui
suivent l’évolution du commerce mondial afin de fournir les meilleurs moyens aux entreprises
comme aux administrations de vérifier la validité d’une méthodologie et la concurrentialité des
prix pratiqués.
S’agissant des documents obtenus auprès des tiers grâce à l’exercice du droit de communication
l’administration à le devoir d’informer le contribuable de la nature, de la source et du contenu
des documents qui ont effectivement servi au calcul du montant imposable proposé.
L’administration financière italienne considère ces documents comme faisant partie des
« presupposti di fatto » qui constitue le support factuel concluant à la rectification de la base
imposable. Ils seront donc logiquement joints au « PV di constatazione ». A l’inverse
l’administration fiscale française considère qu’il n’est pas tenue de présenter ces documents
conjointement à la proposition de rectification adressée au contribuable. L’obtention de ces
331
pièces sera possible mais se fera sur initiative du contribuable à condition qu’il en fasse avant la
procédure de mise en recouvrement qui pourra être déclenché dans les 30 ou 60 jours après
notification de l’avis de redressement.
Ce devoir de transmission de l’administration française connaît plusieurs limites à son exercice.
Il est a noter que cette faculté d’obtention des documents provenant des tiers n’est pas précisée
dans la proposition de rectification. Même si cette prérogative est prévue dans la charte du
contribuable vérifié, il n’empêche que les documents ou renseignements obtenus par l’exercice
de ce droit de communication ont la même fonction que ceux obtenu en dehors ce droit. Par
soucis d’égalité et de légalité il serait opportun d’inclure ce droit à transmission dans la
proposition de rectification.
Par contre si cette demande est adressée à une autorité étrangère dans le cadre d’une convention
internationale de non double imposition ou d’échange d’information alors il se peut que
l’administration du fait des stipulations de ladite convention ne soit pas autorisée à fournir ce
renseignement ou document. Dans ce cas il sera impossible d’obtenir communication d’une
information qui sert effectivement au calcul de l’imposition.
Dans le cadre du droit de communication européen, la directive du Conseil de l’UE du
19/12/1977 autorisait la transmission des données ou informations reçues à toutes personnes
directement concernées mais la nouvelle directive du Conseil de l’UE du 15/02/2011 applicable
depuis le 01/01/2013 n’est pas aussi explicite et se réfère au droit des États membres. Ce qui
laisse supposer que la transmission de documents obtenus par la procédure d’assistance
administrative européenne suive le même régime que ceux obtenus lors de l’exercice de droit de
communication sur le territoire national. Le contribuable français devra donc en faire la
demande dans les délais impartis.
Lorsque l’exercice de droit de communication a permis l’obtention d’un renseignement sans
que l’administration ai pu en avoir copie alors elle n’est pas tenue de fournir le document
servant de base au rehaussement de l’imposition. Elle invite le contribuable à s’adresser
directement à la source de cette information ; nonobstant le fait que le contribuable ne dispose
d’aucun moyen légal contraignant pour obtenir cette information, il est clair que cette mesure
instaure un déséquilibre entre administration et administré.
332
De plus si nous présumons que l’administration est toujours de bonne foi et fait preuve d’une
grande probité tout au long de sa mission, il est clair qu’il n’existe aucune possibilité de savoir
si elle a effectivement reçu un renseignement exempt de support papier ou informatique.
Quoiqu’il en soit même si l’administration est présumée loyale dans ses agissements, le défaut
de transmission d’un document qui sert effectivement au rehaussement de la base imposable
d’un contribuable vient porter atteinte au principe du contradictoire.
Les motivations en droit sont indissociables de la légalité d’une décision ou d’un acte
administratif, car malgré l’importance des éléments de faits, la remise en cause par le
contribuable du montant des impôts rehaussés se fera aussi en utilisant les dispositifs juridiques
ou « ragioni giuridiche » qui servent de base à l’action de l’administration. Cette notion de
« ragioni giuridiche » ou « raisons juridiques » demande l’exposé des arguments juridiques sur
lesquels l’acte se fonde la proposition mais pas seulement, ils doivent s’articuler avec les faits
propres à cette verifica, « in relazione alle risultanze dell’istruttoria »332. Pour que la motivation
soit considérée comme valable il faut que les « presupposti di fatto » et « ragioni giuridiche »
s’imbriquent de façon cohérente afin que le vérificateur propose un raisonnement solide et
même temps linéaire pour que le contribuable puisse comprendre clairement ce qui lui est
reproché et assurer ainsi au mieux sa défense. Ce qui veut dire que toutes rectifications basées
sur l’art 110 al 7 TUIR relatif aux transferts indirects de bénéfice devront être motivées de sorte
que les faits exposés par le vérificateur viennent se calquer sur la lettre et l’esprit de cette article
afin d’en comprendre son intelligence.
L’approche française est équivalente sauf qu’il y a quelques différences notamment à ce qui
attrait à la notion de « ragioni giuridiche » italienne. Il est étonnant de savoir que le contrôleur
fiscal français n’est pas tenu par la loi de préciser sur la proposition de rectification les éléments
légaux qui servent de base à celle-ci. L’instruction administrative du 17/01/1978 recommande à
ses agents de faire apparaître les normes en vigueur sans pour autant les y enjoindre. Donc si
une proposition de rectification ne précise pas les textes législatifs qui la justifient, elle ne sera
pas considérée comme entachée d’irrégularité. Le CE retient l’absence de loi ou de règlement
en la matière pour faire valoir cette position333.
332
dall’articolo 3 della legge 7 agosto 1990, n. 241 333
CE 21/01/1991 n°74287
333
Cette position jurisprudentielle est paradoxale en plusieurs points :
Tout d’abord car elle s’oppose directement à la conception de la Cour de Cassation. Certes ce
n’est pas la 1ère fois mais en terme de droit à la défense qui doit régir notre justice, il est
préjudiciable pour le système dans son entier de voir une telle différence dans le traitement des
justiciables. De plus la légalité est un des principes fondamentaux de notre système juridique, il
apparaît logique que tout acte administratif qui vient modifier la situation d’un usager et donc
d’un contribuable se doit d’être justifier par la loi ou les règlements.
Quant à la motivation, elle se doit d’être claire, précise afin de permettre l’entière
compréhension de cette situation au contribuable vérifié pour qu’il puisse au mieux faire valoir
ses arguments. Comment peut-on remettre en cause les agissements d’un contribuable grâce à
des moyens juridiques complexes, pensés pour préserver les intérêts de l'État et de la Nation
sans préciser l’attirail juridique qui sert à rectifier la base imposable de ce contribuable. Il n’est
pas demandé d’expliquer l’objet de la loi et encore moins son application au cas d’espèce
comme le définit la « ragione giuridica », mais juste de préciser le fondement qui a servi de
base à la construction intellectuelle du vérificateur afin que le contribuable puisse aisément les
retrouver, les étudier et en apprécier l’application à son cas.
De plus une telle position va à l’encontre de sa propre jurisprudence car le CE ne sanctionne pas
l’absence des textes dans la proposition mais sanctionne une proposition de redressement
qu’elle estime insuffisamment motivée alors que le contribuable indiquait l’avoir lui-même
comprise, ce qui était corroborer par les observations qu’il avait envoyées à l’administration.
Même si la doctrine administrative indique qu’il est préférable de préciser les textes qui fondent
la vérification, que la plupart des vérificateurs le font, l’attitude laxiste du législateur offre des
tempéraments à la pratique des contrôleurs car certains estimeront nécessaires la présentation
des fondements légaux et d’autres non, créant de fait un déséquilibre entre les administrés.
Cela n’exempte par le vérificateur de son obligation de fournir une argumentation construite et
cohérente qui justifie pour lui la rectification. Mais cette attitude porte tout de même atteinte à
l’obligation de motivation de tout acte administratif et constitue une atteinte flagrante au droit
de la défense. La présentation des armes est gage de loyauté.
Les dispositions de l’art 52 du DPR 633/72 et l’art 33 du DPR 600/73 imposent à ce que toutes
les opérations effectuées tout au long de la mission du vérificateur soient inscrites au « PV di
334
constatazione » ainsi que toutes les remarques, questions du contribuable et les réponses faites
par l’enquêteur financier.
« Il commando della Guardia di Finanza » indique dans sa circulaire de 2008 que la fonction du
« PV di constatazione » est de 3 natures :
La 1ère consiste à présenter à l’appui de document, le déroulement du contrôle ainsi que la
méthodologie adoptée qui a permis d’aboutir à ce résultat.
La 2nde est de porter formellement à la connaissance du contribuable vérifié tous les événements
qui ce sont déroulés durant l’exécution de la « verifica » afin de le mettre en position d’assurer
le mieux possible sa défense.
La 3ème est d’apporter les éléments concrets à l’administration fiscale afin qu’elle décide si il
est nécessaire de venir rectifier les déclarations faites afin de réévaluer l’imposition due et d’en
demander liquidation.
Notre proposition de rectification est de même nature que le « PV di constatazione » à la
différence que cet acte en droit français vaut notification de redressement, ce qui se concrétise
en droit italien par « l’Avviso di Accertamento » ou « Avis d’établissement » émis par le
directeur de l’Agenzia delle Entrate territorialement compétent. Cet avis doit été notifié au
contribuable soit de personne soit par LRAR.
Nous considérons en France que le travail du contrôleur est directement lié à l’administration, il
n’y a pas de distinction entre ces deux personnes. L’administration étant une entité abstraite,
l’agent en est son émanation physique qui agit en son nom et pour son nom.
Alors que la conception italienne considère la mission du vérificateur comme préalable au
pouvoir de rectification de l’administration. C’est l’Agenzia delle Entrate qui par le biais de son
directeur décidera seule de redresser un contribuable. Ce pouvoir n’est pas partagé ou délégué à
l’agent fiscal comme en droit français. L’agent est plus considéré comme un missionnaire de
l’administration qu’un représentant de l’administration.
Nous ne pouvons nous empêcher de relever ce point quant à la conception du travail dans les
administrations italiennes et françaises. Au cours de notre présence en Italie nous avons souvent
chercher à comprendre pourquoi nos administrations étaient si similaires mais en même temps
si différentes. La similitude se retrouve dans la lenteur, la complication ; la différence résulte de
l’esprit dans lequel les agents effectuent leurs missions. Ils sont tout aussi sérieux et formalistes
335
mais l’agent italien se veut détaché, il n’incarne pas sa fonction à la différence de l’agent
français. Il ne s’agit pas là de préjuger mais de ressenti confirmé au cours de nombreuses
expériences. Et force est de constater que le détachement est empreint d’objectivité.
Le « Processo Verbale di constatazione » est considéré comme un moyen indispensable à la
procédure de contrôle et à la récupération des deniers injustement déclarés mais il n’a pas de
valeur juridique autonome, il fait parti d’un tout. Il a pour objet d’apporter à l’autorité
compétente, l’Agenzia delle Entrate des éléments de faits et de droit dont l’analyse produite par
le vérificateur lui permettra de conclure à une minoration de la base imposable et à la nécessité
d’un rehaussement de celle-ci.
La doctrine italienne définit le « PV di constatazione » comme un acte à forte valeur probante
mais de nature « endoprocedimentale »334c'est-à-dire pré-procédurale au rehaussement des
impôts. Il permet de clarifier la situation fiscale du contribuable et d’offrir des éléments
substantiels sur lesquels pourra se reposer le directeur de l’« Agenzia » territorialement
compétent afin de motiver sa décision de rectification.
Lors de la communication du « PV di constatazione », le contribuable à 60 jours pour émettre
des observations conformément à l’art 12 al 7 « statuto del contribuente ». Avant l’extinction de
ce délai le directeur du service compétent ne pourra émettre d’« Avviso di accertamento ». Ce
délai est instauré pour laisser le temps au contribuable de comprendre ce qui lui est reproché et
surtout d’apporter des faits concrets qui viendront remettre en cause les conclusions du
vérificateur. Une fois les remarques reçues, le responsable du bureau de l’établissement de
l’impôt « ufficio accertatore » a obligation d’évaluer ces observations avant de notifier à la
société vérifiée la rectification des montants imposés par un acte administratif unilatéral
dénommé « Avviso di Accertamento in rettifica ». Depuis le 01/10/2011 tous les « avvisi di
accertamento » sont devenus exécutoires335, le contribuable a donc obligation de payer le
supplément d’imposition additionné des intérêts de retard et des éventuelles sanctions, dans les
60 jours qui suivent la notification de l’acte.
Ce dispositif met fin à la pratique de « la cartella di pagamento » en ce qui concerne l’impôt sur
le revenu pris dans sons sens général. Il s’agit en l’espèce d’un document qui reprend toutes les
334
Circolare 29/12/2008 vol I p 220 “La funzione delle processo verbale di constatazione” 335
Legge 15/07/2011 n°111
336
données à caractère financiers consécutives à l’ «avviso di accertamento » et présente les
recours possibles en cas de contestation. Il émane des services du groupe Equitalia336 qui est
une société par action au capital 100% public et dont la mission est de recouvrir sur le territoire
nationale les impôts et taxes dus à l'État italien. Il est a noter que beaucoup d’avocats 337
regrettent déjà la « cartella di pagamento » car elle permettait sur demande d’obtenir le
paiement par échéancier de la dette. Cette mesure est toujours possible d’un point de vue
théorique mais n’est pas effective dans la pratique aux dires de ces avocats fiscalistes.
La législation française impose également à ce que soit laisser un temps au contribuable vérifié
pour émettre des observations conformément à l’art 57 al 2 LPF. Ce délai est en principe de 30
jours mais peut être renouvelé sur simple demande du contribuable. Après avoir répondu aux
observations du contribuable, l’administration fiscale lui notifie un acte dénommé « avis de
mise en recouvrement » qui doit être visé par le comptable public désigné par arrêté du
ministère chargé du budget. Ce document indique outre le délai, le montant total dont la
personne doit s’acquitter pour honorer sa dette qui fait suite à la procédure de contrôle fiscal.
Quoiqu’il en soit ces distinctions n’auront pas d’importance pour un contribuable dans
l’hypothèse où il se ferait redressé fiscalement une fois en France puis une autre fois en Italie. Il
doit savoir que la proposition de rectification aura comme équivalent italien le « PV di
constatazione » car il sont tout deux la conséquence de la vérification de comptabilité ; et l’avis
de mise en recouvrement sera à juste titre assimilé à l’«aviso di accertamento in rettifica ».
Il existe des situations où le vérificateur n’a pas eu la possibilité d’échafauder son projet de
vérification né de sa réflexion, de ses connaissances législatives et comptables qu’il a associé à
ses recherches et échanges entretenus avec le contribuable. Cet ensemble lui permet de vérifier
la véracité des déclarations faites et la normalité des prix pratiqués. Au fil de son inspection, il
s’est fait un avis sur la position de l’entreprise vis-à-vis du droit fiscal. Mais cet avis s’est
construit sur la base du contradictoire, il n’a pas recherché seul les éléments nécessaires à la
construction ou reconstruction de la base imposable car il reçu assistance du contribuable qui a
honoré ses engagements inhérents à son obligation déclarative et à son obligation de se
336
http://www.gruppoequitalia.it/equitalia/opencms/it/gruppo/chisiamo/ 337
http://www.fulcorossi.it/news-tax-a-lex/40-lavviso-di-accertamento-fiscale-esecutivo-lennesima-vessazione-per-i-
contribuenti.html
337
soumettre à la loi du contrôle. Mais il y a des moments où le principe du contradictoire ne peut
être respecté car le contribuable n’a pas observé ses engagements dans ce cas le non respect des
lois et le manque de collaboration oblige l’administration fiscale à écarter la procédure dite du
contradictoire et à opter pour une procédure unilatérale moins équitable dira-t-on mais en
adéquation avec la situation rencontrée.
Sous Section 3. La procédure de taxation d’office
Notre système déclaratif dont l’effectivité n’est possible que s’il y a contrôle, ne
peut admettre que soit empêchée la mission de contrôle de l’administration fiscale. C’est
pourquoi le législateur à instaurer cette procédure dite de taxation et d’évaluation d’office afin
de fournir à l’administration fiscale tout moyen pour la réalisation de sa mission. Cette mesure
se doit d’être contraignante et punie sévèrement afin que l’exemplarité de cette sanction incite
les autres contribuables au respect de leurs obligations fiscales, sans cela nombre de personnes
opteraient pour le non respect de ses engagements citoyens et parieraient sur l’impossibilité
pour l’administration de contrôler tout le monde, afin de venir préserver leurs intérêts financiers
personnels. En droit français nous distinguons deux procédures, l’une est dite de taxation
d’office lorsqu’elle porte sur l’ensemble des revenus, l’autre est dite d’évaluation d’office
lorsqu’elle porte sur un revenu catégoriel. Il s’agit là d’une distinction sémantique mais toutes
deux entraînent les mêmes effets. L’art L65 LPF traite de cette mesure exceptionnelle et les
articles L66 à L74 LPF en énumèrent les cas d’application.
Art L65 LPF :
« Dans les cas limitativement énumérés à la présente section, les revenus ou bénéfices
imposables des contribuables et les éléments servant au calcul des taxes sur le chiffre d'affaires,
des droits d'enregistrement et taxes assimilées ainsi que des taxes assises sur les salaires ou les
rémunérations sont taxés ou évalués d'office.»
En droit italien la procédure de taxation d’office connaît aussi une distinction sémantique mais
qui revêt un caractère plus marqué que la formulation française. Nous retrouvons cette
procédure aux articles 39 al 2 et 41 al 1 DPR n°600/1973 qui opèrent non pas une distinction
sur la portée de l’évaluation d’office à savoir général ou catégoriel mais sur le degré de
manquement à ses obligations de la déclaration. L’art 41 al 1 suscité utilisera le terme
338
« Accertemento d’ufficio » pour la fixation unilatérale du montant des revenus des personnes
physiques et morales qui ont omis de présenter leur déclaration, alors que l’art 39 al 2 traitera de
« Accertamento induttivo » pour calculer la base imposable des personnes qui ont effectué leur
déclaration comptable mais qui ressort après contrôle comme incomplète, fausse ou inexacte.
L’art 39 al 2 vient préciser les cas où l’administration fiscale a la faculté d’écarter tout ou partie
des documents comptables existants ou obtenus et de poser des présomptions simples pour
calculer la base imposable de la société. Normalement lorsque l’administration pose des
présomptions simples pour reconstruire une base imposable, il faut que nécessairement ces
informations retenues soient « conséquentes, précises et concordantes » comme le dispose l’art
39 al 1 d338 du DPR n°600/1973, mais s’agissant de la taxation d’office cette condition est
écartée du fait comportement du contribuable.
L’art 39 al 2 dispose que :
« En dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, l’administration des impôts détermine
les revenues de l’entreprise sur la base des données et des informations recueillies ou portées à
sa connaissance, avec la faculté d’écarter tout ou partie des résultats du bilan et des écritures
comptables existantes et d’user pour ce faire de présomption ne répondant pas aux
caractéristiques dont la lettre d) de l’alinéa précédent fait état….»339
Ce dispositif permet donc à l’administration sur « la base des éléments qu’elle détient, qu’elle a
pu obtenir ou qu’elle présume » de terminer de façon unilatérale le montant de la base
imposable de la société concernée.
Nous pouvons regrouper 3 cas qui s’appliquent de façon générale à la procédure de taxation ou
évaluation d’office des revenus d’entreprise:
- Omission ou retard dans la déclaration de ses revenus ;
- Refus de répondre à une demande contraignante de l’administration ;
- Tout fait du contribuable ou du tiers qui s’opposerait à la mission de vérification
de comptabilité ou « diritto di Accesso ».
338
Art 39 comma 1 d : “...L’esistenza di attività non dichiarate o la inesistenza di passività dichiarate è desumibile
anche sulla base di presunzioni semplici, purché queste siano gravi, precise e concordanti.” 339
Art 39 comma 2 DPR 600/73: « In deroga alle disposizioni del comma precedente l’ufficio delle imposte determina
il reddito d’impresa sulla base dei dati e delle notizie comunque raccolti o venuti a sua conoscenza, con facoltà di
prescindere in tutto o in parte dalle risultanze del bilancio e dalle scritture contabili in quanto esistenti e di avvalersi
anche di presunzioni prive dei requisiti di cui alla lettera d) del precedente comma:…»
339
En l’absence de toutes données concrètes sur la comptabilité d’une société, ou de leurs
incertitudes, l’administration fiscale adoptera un raisonnement par induction, partant de données
générales telles des statistiques, des moyennes de couts, de prix de vente ou des taux de
rentabilité du secteur afin d’établir sur une base probabiliste les montants qu’aurait déclaré la
société en voie de redressement. L’administration établira le profil fiscal de la société par des
données souvent non comptables, c’est pourquoi en Italie cette procédure d’évaluation d’office
et aussi dénommée « Accertamento extracontabile ».
Nous devions présenter la procédure de taxation d’office en tant qu’exception au principe du
contradictoire mais l’avons fait de façon sommaire car en pratique les firmes multinationales
n’omettent pas d’effectuer leurs déclarations et ont pour habitudes de répondre aux injonctions
de l’administration. De part l’importance de leurs recettes et l’impact qu’elles ont sur la société,
une carence ou omission de leur part entraînerait directement une réaction de l’administration
fiscale. Afin d’éviter cela, elles se soumettent à leurs obligations déclaratives et si elles ne les
respectent que partiellement, le moindre rappel sera honoré. De plus le législateur français
impose, sauf exceptions340 à l’administration fiscale d’adresser une mise en demeure préalable à
tout procédure d’évaluation d’office afin que le contribuable puisse dans les 30 jours présenter
ou compléter ses déclarations.
La procédure d’évaluation d’office a pour effet d’inverser la charge de la preuve. Le
contribuable devra donc prouver par tous moyens que les montants retenus par l’administration
sont de nature exagérés. En toute logique il ne pourra pas se prévaloir des éléments comptables
qu’il n’a pas voulu soumettre à l’administration afin de prouver le caractère exagéré de
l’estimation faite par l’administration.
Par contre l’administration devra tout au moins justifier de l’utilisation de cette procédure
exceptionnelle en se référant expressément aux situations permettant cette mesure. Pour notre
matière, l’évaluation d’office se fera sur la base de l’opposition au contrôle sur place et de
l’absence de réponse faite aux demandes du vérificateur ou à la mise en demeure de
l’administration.
En matière de prix de transfert, L’art 13 AA LPF qui fait peser une obligation de remise
documentaire spécifique lors de la venue du contrôleur entraîne, si elle n’est pas respectée, une
340
Art 67 al 2 et 68 al 2 LPF
340
mise en demeure par l’administration française. Mais la société qui ne se conformerait pas à son
obligation dans les 30 jours qui suivent la mise en demeure ne se verra pas appliquer la
procédure d’évaluation d’office mais se fera mettre à l’amende d’un montant de 10 000 euros
par exercice contrôlée341.
Cette procédure qui par nature est moins contraignante que la procédure contradictoire ne doit
être vue comme une liberté absolue laissée à l’administration dans la reconstitution des
bénéfices imposables. Le juge français comme italien demande à l’administration d’indiquer les
méthodes employées ainsi que les calculs effectués pour déterminer la base imposable du
contribuable. Ce dernier pourra toujours se fonder sur l’inexactitude de ces éléments pour
remettre en cause la proposition de rectification ou « avviso di accertamento ». L’administration
doit également informer le contribuable si elle a obtenu des informations auprès des tiers.
Conformément en droit italien celui-ci en recevra copie et en droit français il pourra en
demander communication avant la procédure de mise en recouvrement.
Dans les cas prévues par la loi et qui donne lieu à une procédure de taxation d’office, il est clair
que le comportement du contribuable contrôlé n’a pas été le plus collaboratif possible, il est
donc logique que lui soit affligé quelques sanctions. La majoration ne portera pas sur
l’ensemble de l’imposition applicable à ses bénéfices mais uniquement sur les montants
additionnels nés de la rectification par voie de taxation d’office.
En pratique les sociétés internationales honorent leurs obligations déclaratives donc la sanction
retenue sera celle applicable lors de la procédure de principe celle du contradictoire et sera
relative aux manquements ou incohérences décelés par les agents fiscaux.
Section II / Le rehaussement
La mission de contrôle fiscal a pour but de rétablir la réelle imposition qui doit être
acquittée par le contribuable en fonction de sa capacité contributive. Ce qui implique que la
richesse produite par les sociétés se doit d’être imposée à son juste montant. En opérant un
transfert indirect de bénéfice, la société est venue diminuer sa base imposable et donc le
341
Art 1735 ter CGI
341
montant de l’impôt qu’elle aurait du verser en rapport avec les bénéfices qu’elle aurait
normalement produit sur le territoire national.
La conclusion de la vérification de comptabilité par les agents de l’administration financière
permet de définir selon des éléments concrets, la réalité de l’impôt du par le contribuable. Le
rehaussement effectué sur les montants préalablement déclaré permet de restaurer le principe
d’égalité devant les charges publiques. Mais le fait d’avoir diminuer son imposition que se soit
volontairement ou involontairement, de bonne ou de mauvaise foi ne change rien au fait que
l’espace d’un temps, l'État et plus généralement la nation ont subi un préjudice car ils n’ont pas
pu jouir normalement de l’argent qui aurait du être à leur disposition. Cette perte financière
influe directement sur le financement des politiques publiques portant ainsi atteinte à la « Res
publica » qui fonde nos sociétés actuelles.
La réparation du préjudice subi n’aura pas a être attestée par un juge comme cela se fait pour
toutes autres matières du droit, elle résultera des dispositions législatives exorbitantes de droit
commun allouées aux pouvoirs et devoirs de l’administration qui l’autorisent à récupérer la
différence entre ce qui aurait du être déclaré et ce qui a était déclaré. Il s’agit en l’espèce de la
réintégration des bénéfices injustement transférés dont le fondement légal se trouve
respectivement en France et en Italie à l’art 57 CGI et à l’art 110 al 7 TUIR. Mais cela ne suffit
pas pour réparer entièrement le préjudice financier subi. Le temps passé ne pourra être rattrapé
et l’inflation fait qu’une unité de valeur monétaire à un instant T n’aura plus la même valeur à
un instant T+1.
C’est pourquoi le législateur a instauré pour pallier à cette carence les intérêts de retard (sous
section 1) qui se définissent comme le prix du temps. En plus de ces intérêts de retard
applicables aux montants réintégrés, le législateur à prévu d’autres mesures d’ordre financières
qui viennent sanctionner (sous section 2) le contribuable du fait de son attitude ou
comportement, cette fois-ci le critère de mauvaise foi sera retenu pour infliger cette peine. Ce
qui n’est pas le cas lors de l’application d’intérêts de retard.
Sous Section 1. Les intérêts de retard
Chaque rectification de la comptabilité d’une société donnera lieu obligatoirement à
la perception d’intérêts de retard qui seront appliqués mensuellement ou annuellement au
montant de l’impôt à récupérer.
342
Il faut distinguer les intérêts de retard qui s’appliquent sur les sommes qui auraient du être
déclarées et qui ont été rectifiées, à ceux qui attrait à l’obligation de paiement lorsqu’elle n’a
pas été honorée dans les délais impartis. Ces dispositions sont régies par les articles 1727 342 et
1730 du CGI et par équivalence aux articles 20343 et 30 du DPR n°602 du 29/09/1973.
En premier, nous les intérêts concernent le rappel de toutes créances fiscales.
Depuis le 01/01/2006 le taux des intérêts de retard en France est légalement fixé à 0.40% par
mois344 qui viendront s’appliquer aux sommes dues par le contribuable redressé. Le taux dans la
législation italienne est de 4% par an. Nous remarquerons que d’un coté le taux est mensuel et
de l’autre annuel ; amener à la même échelle le taux français serait de 4,8% par an.
Le point de départ du calcul se fait à partir du mois (France) ou du jour (Italie) suivant celui au
cours duquel la dernière déclaration soumise à vérification aurait du ou a été déposée.
Le point d’arrivée est normalement arrêté au dernier jour du mois où le paiement à lieu 345en
France et est arrêté le jour même du paiement en Italie. Cette logique journalière sera celle
retenue pour tous les autres calculs en Italie.
En matière de vérification de comptabilité, le point d’arrivée est celui du dernier jour du mois
où la proposition est notifiée au contribuable français ; le déclenchement d’une procédure
d’assistance administrative internationale qui proroge le délai de prescription de l’action de
l’administration ne viendra pas modifier pas le point d’arrivé du paiement des intérêts de retard.
En pratique, si une société se voit notifié une proposition de rectification le 15/08/2012 qui
porte sur l’exercice clos le 31/12/2010 et prévoit pour un rappel d’imposition de 1 M d’euros.
Alors les pénalités de retard s’élèveront à :
1 M x 0.40% x 20 = 80 000 euros de pénalités de retard en France.
1 M x (4% ÷ 365 x 590) = 64657,53 euros de pénalités de retard en Italie.
342
Art 1727 CGI :« Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux
administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard.
A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. II.» 343
Art 20 DPR 602/73: “sulle imposte o sulle maggiori imposte dovute in base alla liquidazione ed al controllo
formale della dichiarazione od all’accertamento d’ufficio si applicano, a partire dal giorno successivo a quello di
scadenza del pagamento e fino alla data di consegna al concessionario dei ruoli nei quali tali imposte sono iscritte, gli
interessi al tasso del 4 per cento annuo”. 344
article 29 de la loi de finances pour 2006 345
Art 1727 IV CGI
343
Ces articles nous indiquent que tant que le contribuable n’a pas honoré le paiement de son
impôt, à celui-ci s’ajoutera les intérêts de retard. Par contre si le montant des impositions
rectifiées n’excède pas 1/20ème du CA de la société rectifiée, elle n’aura pas à s’acquitter du
paiement des intérêts de retard sauf en cas de manquement délibéré. Cette « tolérance légale »
se trouve à l’art 1727 II al 4 CGI.
En cas de rectification d’une filiale appartenant à un groupe qui a opté pour le régime
d’intégration fiscal, le seuil du 1/20ème s’appréciera selon le CA de l’entreprise vérifiée et non
par rapport au CA total du de la société tête de groupe.
Si nous reprenons notre exemple précédent, il suffit que le CA de la société rectifiée soit
supérieur à 20 Millions d’euros pour que les intérêts de retard ne soient pas acquittés.
L’obligation qui naît de la mise en recouvrement peut également entraîner l’application d’intérêt
de retard supplémentaire.
Dans le cas où le contribuable n’effectue pas son paiement dans les délais impartis qui figurent
dans le rôle il pourra subir une majoration de son imposition.
L’art 1730 CGI indique que le : « retard dans le paiement des sommes dues […] donne lieu à
l'application d'une majoration de 10 % »
Nous retrouvons cette même mesure à l’art 30 DPR 602/1973 qui traite des « interessi di mora »
dont le taux a été fixé, par instruction du Directeur de « l’Agenzia delle Entrate » du
17/07/2012, à 4,5504 % par an. La méthode concernant le calcul des intérêts « di mora » est la
même que celle précédemment utilisée pour le calcul des intérêts appliqués aux impôts
rehaussés.
La différence notoire entre l’instauration d’un intérêt de retard supplémentaire en France et en
Italie résulte de son mode de calcul : la France applique un taux forfaitaire sans tenir compte du
moment où l’erreur est corrigé ou le paiement effectué, à la différence de l’Italie qui adopte une
méthode proportionnelle comme pour le calcul de l’intérêt de retard classique. Cette approche
forfaitaire nous parait plus en adéquation avec la nécessité de combattre l’évasion fiscale et
modifier les mentalités car les conséquences financières sont immédiates plus lourdes. Elle
incite le contribuable à établir sa base de façon juste et le pousse au paiement de celui-ci dans
les délais imposés.
344
Ces intérêts de retard ne constituent en rien une sanction, ils peuvent donc être cumulés346 avec
des mesures répressives qui viennent punir le comportement de la personne morale.
Sous Section 2. Les sanctions fiscales
La taxation d’office née du refus de se soumettre à une procédure contraignante de
l’administration entraîne une seule sanction d’ordre financière qui se traduit par une majoration
applicable sur les montants dus. Ce taux dépendra de la rapidité d’action du contribuable après
que celui-ci ait été mis en demeure d’honorer ses obligations envers l’administration.
Si celui-ci réagit dans les 30 jours qui suivent sa mise en demeure, le taux majoré sera de 10%,
il passera à 40% si la réponse ou déclaration apportée à l’administration se fait après les 30
jours de la 1ere mise en demeure ; et enfin il sera de 80% si les déclarations et les documents
sont déposés après une 2ème mise en demeure.
En cas d’opposition à contrôle la sanction administrative retenue sera la plus sévère à savoir
100 % des droits rappelés comme prévue à l’art 1732 CGI.
L’art 1734 CGI prévoit que l’absence de tenue de comptabilité, la destruction des données
comptables avant le délai légalement prévu ainsi que le refus de communiquer à
l’administration des documents ou renseignements soumis au droit de communication
entraînent l’application d’une amende de 1500 euros.
L’art 1735 ter CGI indique que le non respect de l’obligation documentaire qui incombe aux
sociétés multinationales entrant dans le périmètre de la DGE entraîne après mise en demeure,
une amende de 10 000 euros par exercice vérifié. En cas de manquements graves à cette
obligation l’amende pourra atteindre 5 % des bénéfices transférés au sens de l’art 57 CGI. Cette
disposition spécifique au prix de transfert est bien adaptée et peut s’avérer rentable eu égard à
l’importance des bénéfices évadés.
Dans la législation italienne les sanctions fiscales sont fixées par le DPR du 18/12/1997 n° 471.
L’article 1 indique qu’en cas d’omission de déclaration, « omessa di declarazione » des impôts
directs, la sanction sera de 120% à 240% du montant normalement du.
346
Art 1727 I CGI
345
L’alinéa 2 de cet article 1 dispose que si l’impôt déclaré est inférieur à celui réellement du alors
la différence entre le montant déclaré et celui rectifié subira une majoration de 100% à 200%.
L’alinéa 3 prévoit si les violations prévues aux alinéas 1 et 2 sont le fruit de revenus produits à
l’étranger alors elles pourront être augmentées d’un tiers.
L’art 9 al 1 DPR du 18/12/1997 prévoit qu’en cas de refus d’exhiber la comptabilité lors des
missions de contrôle, la société se verra affligée une sanction administrative comprise entre 2 et
15 Millions de Lire soit entre 1032 et 7500 euros par exercice, le montant sera doublé pour les
entreprises dont le CA annuel estimé est supérieur à 75 000 euros.
L’art 11 al 1 DPR 471/97 prévoit qu’en l’absence de réponse faite à l’administration dans le
cadre de ses pouvoirs de contrôle, une sanction comprise entre 258 et 2032 euros peut lui être
infligée. La sanction pourra être réduite de moitié si le contribuable répond aux demandes de
l’administration dans les 30 jours qui suivent la notification de la sanction.
L’art 13 dudit DPR prévoit qu’en cas de retard de paiement dans les délais impartis qui font
suite à la mise en recouvrement une majoration de 30% est effectuée sur les montants qui
auraient du être versés.
Dès l’instant où le contrôleur entend proposer une sanction il doit présenter au contribuable le
mode de calcul de cette sanction afin que celui-ci une fois informé, puisse vérifier si le calcul a
été bien réalisé et soit conscient des conséquences financières de la procédure de redressement.
Il en va de même pour l’instauration des intérêts de retard. Le contrôleur a obligation de
présenter les éléments de fait et de droit qui lui ont permis de conclure à une diminution de la
base imposable et en demander rectification, il est donc normal que cette même logique
s’applique aux majorations et pénalités consécutives de l’appréciation que l’administration à
faite de la situation fiscale d’un contribuable. Le manquement à une de ces obligations
entraînera la nullité de la procédure et des montants consécutifs.
Une fois que le vérificateur à compiler et articuler toutes les informations qui justifient selon lui
la rectification de la base imposable alors il les soumet au contribuable via la proposition de
rectification et le « PV di constatazione ».
Conformément à l’art 57 al 2 LPF et à l’art 12 al 7 « statuto del contribuente », le contribuable
aura un temps afin d’apporter des observations sur le document qui reprend les motivations du
vérificateur justifiant le redressement. Ce délai est de 30 jours renouvelable en France et de 60
346
jours en Italie comme nous l’avons vu précédemment. Avant l’extinction de ces délais, aucune
mise en recouvrement ne pourra être déclenchée, à défaut toute la procédure sera annulée.
Mais il se peut aussi que le contribuable soit d’accord avec les conclusions du vérificateur, alors
il en informe l’administration par écrit en apposant son consentement sur la proposition de
rectification ou sur le « PV di constatazione ». Pour ce faire le consentement doit être total.
Le consentement total peut s’exprimer de façon implicite ou explicite.
Si le contribuable n’émet aucune observation dans les délais qui lui sont impartis,
l’administration française applique l’adage « qui ne dit mot consent » et considérera que
l’absence de réponse vaut acceptation tacite des termes de la proposition de rectification
notifiée.
Le consentement total est explicite lorsque le contribuable exprime de façon écrite et claire son
accord avec l’ensemble des conclusions du vérificateur.
En droit italien ce consentement explicite, « acquiescenza » vaut adhésion au Procès Verbal,
s’il est présenté dans les 30 jours qui suivent la remise du « PV di constatazione ». Cela aura
pour effet l’octroi de quelques avantages financiers comme le dégrèvement d’une partie des
sanctions347 à savoir 1/6 de celles-ci.
Par contre la pratique italienne considère que la signature apposée sur le « PV di
constatazione » a «valore di confessione stragiudiziale […], forma piena prova contro colui che
l'ha resa »348, ce qui équivaut à une confession fiscale qui servira à le confondre.
Il suffit pour cela que le contribuable n’ait rédigé aucune remarque sur le « PV di
constatazione » pour considérer cela comme un aveu ; sans entrainer les avantages de la pleine
adhésion, la signature du PV en entraîne ses inconvénients. Donc dans cette configuration il est
préférable pour le contribuable d’exprimer son adhésion afin de jouir de ses avantages, plutôt
que d’apposer simplement sa signature.
Le consentement partiel exprime l’acceptation d’une partie des conclusions du vérificateur,
dans ce cas ces effets se limiteront aux éléments retenus.
Le contribuable peut également accepter la proposition de rectification mais sous certaines
conditions. Les conditions sont assimilées à des observations de la part du contribuable et sont
347
Art 5 bis Dlgs n°218/1997 : “Accertamento per adesione” 348
Circ 29/12/2008 N/1 p 222
347
traitées selon la procédure applicable en cas de rejet de la proposition. C'est-à-dire que même si
l’administration accepte les conditions posées par le contribuable elle doit le faire de façon
explicite en lui envoyant un écrit attestant de l’accord entre celui-ci et l’administration.
Lorsque l’administration considère que le contribuable à exprimer son accord. Elle lui fait part
selon le cas, dans les 60 à 90 jours qui ont suivi la notification de la proposition de rectification
ou remise du « PV di constatazione », « avviso di accertamento » ou bien un avis de mise en
recouvrement qui lui indique les montants à payer ainsi que les délais pour se libérer de cette
dette.
Que le contribuable ait exprimé son consentement total, partiel ou son rejet des conclusions du
vérificateur, il devra s’acquitter du montant des impôts, intérêts de retard et pénalités nés des
sommes rehaussées conformément au principe du préalable. Mais le déclenchement de certains
recours non juridictionnels mettra en suspens l’avis de mise recouvrement en attendant la
réponse de la personne ou comité saisi. Par contre la saisine du juge de l’impôt n’a pour
principe aucun effet suspensif sur l’obligation de paiement qui pèse sur le contribuable.
Les taux d’intérêt de retard appliqués en Italie se révèlent moins importants que ceux
prévus par la législation française. Le calcul des intérêts de retard au prorata des jours passés et
non des mois entamés fait que la pratique italienne est plus souple dans son principe. Mais la
« tolérance légale » issue de l’art 1727 II al 4 CGI peut faire si elle est appliquée que le système
français soit finalement plus souple. Nous pourrions nous demander si cette exception ne porte
pas atteinte de façon trop importante aux intérêts financiers de l’Etat. Reprenons notre exemple
précédent : une entreprise reçoit le 15/08/2012 une proposition de rectification à hauteur de 1M
d’euro portant sur l’exercice de l’année 2010 au cours de laquelle elle a réalisé un CA supérieur
à 20 M d’euro. La tolérance légale applicable si le montant de la rectification ne dépasse le
1/20ème du CA de l’année 2010 fera perdre aux finances publiques un gain de 80 000 euros.
Mais cette mesure se veut plutôt positive dans le sens où elle tient compte de la bonne foi du
contribuable et n’aura l’avantage de s’appliquer qu’en cas de manquement délibéré de la part du
contribuable en matière de déclaration. A l’inverse sur ce point l’Italie applique le degré de
tolérance zéro.
348
Le régime de sanction italien se veut beaucoup plus contraignant que celui français. La
majoration de 100 à 200 % des impôts éludés comme prévue à l’art 1 al 2 DPR 471/1997
constitue une mesure incisive qui freine l’envie d’évasion.
Il est nécessaire pour changer la psychologie des grands groupes et contre balancer leurs calculs
coûts avantages de faire payer cher le prix du temps car il porte directement atteinte au
financement des politiques d’intérêt général. L’instauration de taux plus élevés qui leur seraient
spécifiquement applicables pourrait être une solution mais se révélerait certainement
inconstitutionnelle et tout à fait contraire à notre conception intellectuelle. Nous affirmons que
le Temps doit avoir le même prix pour tous.
Par contre il est possible de créer des sanctions spécifiques aux comportements des personnes
morales qui part leurs transferts indirects de bénéfice nuisent aux conséquences bienfaitrices du
marché libre. Nous pourrions transposer en droit français la majoration de l’art 1 al 2 DPR
471/1997 ou généraliser la sanction qui prévoit la majoration de 80% des montants dissimulés
en cas de manœuvre frauduleuse ou d’abus de droit encadré par l’art 1729 CGI, afin de
sanctionner la manipulation des prix de transfert. Cela aurait indubitablement des retombées
financières importantes qui serviraient à accroître les moyens de lutte contre l’évasion via les
prix de transfert. Mais reste à savoir si cela suffirait à résoudre le fond du problème car il faut
admettre que certains groupes internationaux se joue des différentes lois alors que d’autres les
subissent principalement du fait des différentes interprétations des administrations fiscales
concernées.
349
Conclusion Titre I
Nous avons vu tout au long de ce titre I les moyens traditionnellement utilisés par
nos administrations pour redonner à la base imposable de ces grands contribuables leur
véritable valeur. Après avoir pris connaissance de ces pouvoirs, nous pouvons considérer que
les moyens répressifs mise en place dans nos législations sont effectifs et permettent en théorie
d’obtenir toutes les informations à la juste fixation des prix de transfert. Ce recoupement
d’informations, l’analyse qui est faite de la comptabilité de ces sociétés par nos vérificateurs et
leur encadrement spécifique au niveau national sont primordiaux à la lutte contre les transferts
indirects de bénéfices. Mais ils se heurtent à la même limite qui constitue l’essence même des
prix de transferts à savoir la bilatéralité ou la transnationalité de ce type d’échange. Le passage
des frontières met légalement fin à la souveraineté et aux pouvoirs qui en découlent.
La mise en place de mesures internationales et européennes permettent de pallier à cette
carence, en déclenchant la puissance publique de l’autre État sur la base de la collaboration, et
d’obtenir les données indispensables pour confondre le contribuable vérifié.
L’association des moyens nationaux et internationaux confèrent à nos administrations les armes
nécessaires pour déceler tout comportement évasif, les justifier et les rectifier additionnés des
intérêts et pénalités de retard. Sauf que la stratégie de combat n’est pas adaptée, elles mènent
une guerre de tranchées alors qu’elles devraient mener une guerre aérienne, pour atteindre les
centres névralgiques de cette pratique injuste.
L’administration doit se positionner de façon à pouvoir observer les échanges intra-groupes afin
de mieux comprendre la réalité économique des ces sociétés multinationales. Pour cela il faut
qu’elle adopte une vue dominante ce qui ne veut pas dire que son attitude doit l’être aussi,
l’administration se doit d’être parfaite sur la forme comme sur le fond. Nous avons au fil de
notre développement, comparé ses actions et les avons critiquées pour tenter de les améliorer en
vue d’en écarter toute subjectivité. Ce devoir d’exemplarité incombe en premier lieu à celui qui
détient l’autorité surtout lorsqu’il s’agit d’une autorité publique.
L'administration doit combattre férocement ce phénomène mais en adoptant une approche
raisonnée de cette problématique des prix de transfert, elle doit entrer en discussion avec ces
entreprises pour trouver des moyens non pas uniquement répressifs mais aussi préventifs pour
lutter contre ce type d’évasion fiscale et aussi sécuriser la gestion des entreprises. C’est
pourquoi depuis quelques années nos législateurs, sur la base des travaux de l’OCDE, ont mis
350
en place de nouvelles pratiques plus modernes en vue d’aborder le problème différemment en
tenant compte notamment des difficultés inhérentes à la fixation des prix de transfert.
351
Titre II. LES MOYENS DE CONTROLE MODERNES
Lorsqu’il est question d’évasion fiscale les firmes multinationales, il apparaît
comme une évidence que les entreprises qui s’adonnent à cette pratique le font toujours de
façon délibérées et sont conscientes juridiquement de ce qu’elle font, même si cela est vrai dans
certains cas, nous ne pouvons ériger cette idée comme postulat car le droit nous apprend a
respecter certains principes qui en font sa grandeur, certes il y a la présomption d’innocence en
droit pénal mais appliqués à d’autre matière et de façon générale il y a l’obligation de justifier
de toutes allégations et de respecter le principe du contradictoire pour obtenir condamnation et
réparation. Ces mesures qui nous préservent de l’arbitraire valent pour tous et leur juste
application nous permet de comprendre que même si un groupe multinational est condamné sur
la base de l’évasion fiscale par manipulation des prix de transfert, il s’avère souvent qu’il n’était
pas réellement conscient de ce transfert indirect de bénéfice et que cette attitude provient de
circonstances purement économiques ou d'une mauvaise utilisation des méthodologies
applicables aux prix de transfert. Dans ce cas la condamnation se veut légitime mais elle résulte
d’un comportement involontaire génératrice d' un sentiment d’injustice voire d’animosité chez
le contribuable rehaussée. C’est pourquoi le législateur conscient de ce fait et soucieux
d’améliorer les relations entre les contribuables et l’administration, est venu créer des mesures
préventives pour limiter ces conflits.
Nos législations connaissent des dispositifs dont le but est d'offrir une relative sécurité aux
sociétés qui exercent à l’international et effectuent des transactions intra-groupes.
La mise en place de ces mesures se fait généralement à l'initiative des entreprises et entrent dans
le cadre du contrôle dit préventif (I) mais la mise en application des ces moyens ainsi que de
ceux vus précédemment ne suffisent pas à contrer ce phénomène évasif et il apparaît
indispensable, si la volonté politique est réelle, de prévoir des modalités d'application nouvelles
qui amélioreront indéniablement la résolution des problèmes liées à la pratique des prix de
transfert (II).
352
Chapitre I. Un contrôle préventif
Le contrôle préventif a pour but comme son nom l’indique de prévenir toute
situation illégale et relation contentieuse entre l’entreprise et l’administration fiscale. Il a pour
objectif de sécuriser la gestion fiscale de l’entreprise par l’adoption de mesures qui doivent
permettre d’aboutir à un calcul de l’imposition de la société sur une base réelle grâce à
l’application légitime de la loi fiscale. Ce qui a pour intérêt principal d’éviter toute rectification
de la base d’imposition de la société appartenant au groupe multinational.
Ces mesures ont une double fonction soit apporter un éclairage précis à l’administration sur la
politique des prix de transfert pratiquée par la société, soit obtenir l’aval de l’administration sur
les modalités d’exécution des transactions intra-groupes.
Pour être effective, ces dispositions doivent obligatoirement être prises antérieurement à
l’obligation de déclaration fiscale qui pèse sur le contribuable, c’est pourquoi relativement à ce
point de référence, ces actes sont considérés appartiennent à la procédure de contrôle dit a
priori.
Le contrôle a priori regroupe diverses procédures qui doivent être déclenchées à l’initiative du
contribuable, il s’agit principalement à la vue de notre sujet de l’accord préalable sur la fixation
des prix de transferts ou « accordi preventivi sui prezzi di trasferimenti » (section I). Puis nous
ferons état de l’obligation documentaire (section II) en matière de prix de transfert qui est un
dispositif applicable de façon spécifique aux sociétés qualifiées de grands contribuables.
Section I / L’Accord préalable sur les prix de transfert
L’accord préalable sur les prix de transfert trouve son origine (sous section 1) dans la
technique du rescrit fiscal ou « diritto di interpello », c’est pourquoi il est indispensable de
présenter ce dispositif afin de mieux comprendre les conséquences qu’emporte la notion
d’accord préalable sur les prix de transfert. Ces accords comprennent deux dispositifs de lutte
contre la manipulation des prix de transfert. L’une intitulée accord unilatéral sur les prix de
transfert implique qu’une seule administration a donner son aval sur la politique de prix de
transfert de l’entreprise ; le second qui se dit bilatérale indique que les deux administrations qui
se répartissent la base taxable de sociétés apparentées présentes sur leur territoire respectif se
353
sont entendus sur la méthodologie prix pratiqués lors de transactions entre ces sociétés
appartenant au même groupe. Nous verrons que nonobstant le caractère bilatéral d’un de ces
accords, les modalités d’établissement et d’applications de ce dispositif (sous section 2) sont
identiques.
Sous Section 1. Origines : le rescrit fiscal “il diritto di interpello”
Afin de favoriser la compréhension de notre sujet d’étude, nous allons présenter les
possibilités offertes aux usagers du service public pour obtenir de la part de l’administration un
éclaircissement concernant l’interprétation du texte fiscal. Nous opterons pour une approche
chronologique des moyens mis à la disposition des contribuables ou investisseurs étrangers pour
connaître la position de l’administration fiscale. Au fil du temps, nous verrons que les
administrations adopterons des approches différentes plus par la forme que par le fond et qui
nous permettent de saisir quelques éléments sur la culture juridique des pays étudiés.
Le droit est une matière essentielle à la vie en société, il est donc indispensable pour le bien être
de la société et son bien être personnel de connaître la législation qui s’applique dans son pays
de résidence. C’est la connaissance du droit par les hommes qui garantit pour partie sa bonne
application lui permettant ainsi de jouer pleinement son objet de régulateur social.
C’est pourquoi tout citoyen et tout résident d’un pays a pour obligation de connaître la loi. D’un
point de vue pratique, il sera difficile pour tout individu de satisfaire à cette obligation, pour
cela il existe des professionnels du droit, qui même s’ils sont généralistes ont chacun leur
domaine de prédilection, afin de fournir à tout individu et dans certains cas de façon gracieuse,
une réponse concernant un point de droit touchant la vie ou le patrimoine de l’individu.
L’adage qui veut que « nul n’est censé ignorer la loi » sous entend obligatoirement que la loi qui
doit être connue ait un rapport avec la vie de l’individu et aura une interaction sur celle-ci.
Même si cet adage instaure également l’obligation de publicité de lois et des textes de portée
générale, il n’empêche que naturellement la loi sera remise en cause ou utilisée par une
personne que si cela a un intérêt pour lui. Elle aura donc des effets immédiats sur l’individu ou
des effets prévisibles pour l’individu.
354
§1. Principes
C’est pourquoi, il est indispensable pour la bonne gestion d’un État de droit de
fournir à toute personne intéressée l’interprétation adoptée ou qui sera adoptée par
l’administration et qui aura des conséquences sur la personne physique ou morale. De là vient la
nécessité de créer un droit à interpellation qui fut d’ailleurs le nom retenu par le législateur
italien « diritto di interpello » alors que la doctrine française lui préférera le nom de « rescrit ».
Ce droit est aussi ancien que la loi elle-même car chaque législateur a toujours eu à répondre à
des demandes soit de précisions soit de modalités d’application de sa loi. Rome avec ses
sénateurs et ses empereurs qui lorsqu’ils étaient interpellés par une personne privée ou un
fonctionnaire public rendaient une décision souveraine au travers du « Rescriptum Principis »
afin de préciser la volonté juridique du Prince concernant l’interprétation d’une loi ou son
application à un cas concret. Nos systèmes politiques ayant pour origine le droit romain, il est
normal que nous retrouvions cette nécessité d’interpeller le législateur ou celui qui va exécuter
la loi afin d’en connaître son interprétation.
Le 1er droit d’interpellation est confié aux représentants du peuple au travers notamment des
questions parlementaires ou des débats oraux précédant le vote d’une loi. Cela leur permet
d’appréhender l’esprit d’une loi et de contrôler l’activité du gouvernement détenteur du pouvoir
exécutif. Cette mesure indispensable à l’équilibre des pouvoirs a d’ailleurs été renforcé par la
réforme constitutionnelle de 2008 qui impose obligatoirement qu’une séance minimum par
semaine soit dédiée aux questions des parlementaires et réponses du gouvernement349. Les
parlementaires italiens disposent de cette même prérogative à travers « l’interrogazione e
l’interpellanza parlementare. » ; la première est utilisée pour obtenir des précisions sur
l’application d’un texte par rapport à une situation concrète alors que « l’interpellanza » est un
moyen d’obtenir des précisions concernant l’intention ou les modalités d’application générales
d’un texte.
349
L’article 48 constitution de 1958 dispose qu’« une séance par semaine, y compris pendant les sessions
extraordinaires prévues à l’art 29, au moins est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux
réponses du Gouvernement».
355
L’Assemblée Nationale prévoit pas moins de 16 séances par mois dédiées aux différentes
questions, le Sénat s’en impose 6 par mois tandis que le règlement « del Senato » et de la
« Camera dei Deputati »350 en imposent pas moins de 4 pour la chambre des sages et 10 pour
celle des députés, sans compter la possibilité d’effectuer des demandes d’urgences à réponses
quasi immédiates. L’exercice de ce pouvoir par nos représentants donne lieu à une réponse qui
conformément au principe de publicité sera librement consultable notamment via une
publication en ligne sur les sites internet des différentes chambres.
Cela nous montre le caractère essentiel du droit d’interrogation qui constitue lorsqu’il émane
des représentants de la nation, un mécanisme de contrôle désigné sous le nom de « rescrit
informel » par la doctrine française.
La notion de rescrit formel est attachée à la demande faite par un « redevable de bonne foi »
comme le prescrit la loi. La distinction de rescrit formel et informel n’apparaît pas à la lecture
des ouvrages de droit italien car le terme « rescritto » revêt un caractère historique attaché au
devoir de l’Empereur, le législateur moderne parlera de « diritto di interpello » ou utilisera le
terme anglais « tax ruling ».
En conformité avec notre sujet d’étude, il n’est pas nécessaire d’approfondir la notion de rescrit
informel car nous nous intéressons uniquement, dans une optique fiscale, aux demandes de
précisions faites par des personnes de droit privé en l’espèce les personnes morales.
Afin d’éviter de multiples répétitions, nous retiendrons la dénomination française pour parler du
rescrit fiscal et de son équivalent italien « il diritto di interpello ». Nous opposerons les deux
termes quand cela sera nécessaire.
Le rescrit fiscal fonde son existence sur la nécessité de garantir une meilleure sécurité juridique
et d’apporter une limite au droit de reprise de l’administration en lui interdisant de procéder à
des rehaussement contraires à ses propres prises de position formelle. Ce sont ainsi les deux
objectifs poursuivis pas le rescrit fiscal dont il est actuellement fait une large publicité depuis
les années 2000.
350
Regolamento Camera dei deputati: art. 128 -136 e succ. Regolamento Senato della Repubblica: art. 154 e succ.
356
Le rescrit fiscal se définit comme une demande faite par un contribuable auprès de
l’administration fiscale afin de connaître formellement sa position concernant l’interprétation
d’un texte fiscal ou l’interprétation d’une situation de fait au regard du droit fiscal.
Une fois que l’administration adopte une position, les contribuables peuvent s’appuyer sur cette
dernière pour établir leur imposition, sans crainte de subir une rectification fiscale de leurs
revenus puisqu’ils auront suivi et appliqué de bonne foi l’interprétation émise par
l’administration. Cela signifie que toute nouvelle interprétation ne pourra leur être opposable.
Le législateur italien retient la même définition mais il met l’accent sur le fait que la demande
doit concerner l’application d’une disposition fiscale à un cas concret ou personnel. Il
semblerait que la demande de précision qui revêt un caractère général n’est attribuée qu’aux
représentants de la Nation.
§2. Fondements
Au fil du XXème siècle, l’administration a souhaité rassurer les contribuables sur les
conséquences fiscales d’un acte juridique comme par exemple la cession, la donation ou les
mesures fiscales incitatives etc.
A ce jour, la base légale qui fonde le rescrit fiscal dans l’ordonnancement français et italien se
trouve aux articles L 80 A, L80 B LPF et à l’art 11 della legge del 27/07/2000 n °212. Cette loi
instaure le « statuto dei diritti del contribuente » qui reprend l’ensemble des droits du
contribuable italien, nous retrouvons son équivalence en droit français dans la charte du
contribuable mais qui se veut moins formelle et moins exhaustive.
Concernant les modalités d’application du rescrit il faudra se référer principalement à
l’instruction administrative du 09/09/2010351 et il decreto ministeriale del 26/04/2001 n°209.
Les rescrits français ou italiens poursuivent les mêmes objectifs, nous verrons tout au long de ce
paragraphe qu’il existe des différences entre nos droits même s’il faut reconnaître que l’analyse
de cette procédure nous poussera a fortiori à des rapprochements évidents.
Tout d’abord la principale différence entre nos deux droits résulte de l’approche adoptée par nos
doctrines administratives et par nos législateurs. La possibilité de rescrit fiscal est un dispositif
351
BOI 13 L-11-10 n°86 du 04/10/2010
357
mis en place en France par la doctrine administrative puis relégué par le législateur, alors
que « il diritto di interpello » fut à l’initiative du législateur italien.
Même si les objectifs visés sont les mêmes notamment sécuriser le contribuable concernant
l’application d’une mesure fiscale, il est intéressant de noter qu’en droit français le rescrit fiscal
est une conséquence de la garantie contre le changement doctrinal que l’administration
française s’est imposée dès 1928 dans une instruction générale datée du 31 janvier de la même
année alors que le contribuable italien a du attendre, pour jouir de la garantie qui vient préserver
son revenu imposable contre le changement des prises de position formelles émises par
l’administration financière, l’art 21 della legge del 30/12/1991 n°413 qui crée un rescrit fiscal
dit spécial, « diritto di interpello speciale », car il vient limiter la demande de prise de position
formelle de l’administration à des cas légalement énumérés.
Avant cela, l’usager italien ne pouvait s’appuyer sur aucun document émis par l’administratif
pour sécuriser son mode de calcul de l’impôt en cas de loi fiscale à caractère équivoque.
A la différence de l’Italie, l’intervention législative française même si, elle est successive à une
réflexion de la doctrine, s’est faite beaucoup plus tôt notamment par le biais de la loi n° 59-
1472 du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal et divers aménagements
fiscaux. Pour information c’est cette même loi qui instaura l’impôt annuel unique sur les
revenus des personnes physiques.
L’art 100 de la loi du 28 décembre 1959 crée une réelle garantie contre tout changement de la
doctrine administrative, aujourd’hui codifié à l’art L 80A alinéa 1 LPF qui dispose dans sa
version actuellement en vigueur que :
« Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du
rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le
redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est
fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. »
Cette disposition fait état de l’interprétation par le contribuable de bonne foi d’un texte fiscal
qui a été formellement admis auparavant par l’administration. Il s’agit donc d’un point de droit
358
fiscal de portée générale352 tel que celui se rapportant à tout impôt ou taxes prévues dans le
Code Général des Impôts ainsi qu’à l’assiette, au taux ou à la liquidation de l’impôt présent
dans le même code.
A la lecture de ce 1er alinéa, il est aisé de comprendre que pendant de nombreuses années les
documents internes à l’administration même s’ils avaient une fonction interprétative sortaient
du champ d’application du 1er alinéa de l’art L80A LPF. Mais une décision du Conseil d'État
statuant en session plénière en date du 07/02/1968353 vient renforcer ce principe de non
rétroactivité de la doctrine administrative en étendant cette garantie aux documents
interprétatifs internes à l’administration qui sont publiés tels les circulaires ou instructions que
les contribuables pourront opposer à l’administration fiscale. Le législateur viendra légaliser
cette position par l’art 21 de la loi du 09/07/1970 codifié à l’alinéa 2 de l’art L80A LPF et qui
dispose :
« Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration
avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapporté à
la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une
interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes
conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux
pénalités fiscales. »
Cette position de rejet des documents internes, inopposables à l’administration sera celle
retenue par la loi fiscale italienne lors de l’instauration des diverses procédures de rescrit. Les
documents qui servent à préciser ou à résoudre des problèmes d’interprétation de la loi que sont
les circulaires ou résolutions émises par le ministère des finances peuvent être utilisés par le
contribuable pour établir son revenu imposable mais cela ne lui offre aucune garantie contre un
rehaussement futur et sa bonne foi ne le préserve pas non plus des sanctions fiscales. C’est ce
qui explique que le juge lui-même ne peut s’appuyer sur ces résolutions ou circulaires pour
rendre une décision favorable au justiciable : « toutes les interprétations d’ordre ministériel
n’existent que pour gérer les relations hiérarchiques internes à l’administration dont découlent
la bonne organisation du service »354.
352
BOI 13 L-11-10 n°86 du 04/10/2010, p 9 353
Droit fiscal 1968 n°46-47 354
Cf: article du Docteur G. Pallavicini: “Nuove prospettive riguardo all’ attività interpretativo del Fisco” inserito in
Diritto&Diritti nel luglio 2001 et Cours de droit fiscal 2008 de l’Université de Cagliari , prof. Filippo Rau.
359
Cette différence de point de vue entre le droit français et italien semble étonnante, nous
pourrions logiquement arguer que le droit français est plus sécurisant plus complet ce qui est en
partie vrai mais la position italienne est en conformité avec sa logique juridique car la principale
différence entre nos deux droits résulte dans le fait que le rescrit italien n’est pas une
conséquence de la garantie contre le changement doctrinal, c’est un droit autonome mis à la
disposition de l’usager pour qu’il se renseigne sur l’application d’une loi fiscale à un cas qui lui
est personnel et concret. C’est un point essentiel qui nous montre une différence de culture
juridique, l’approche doit être positive pour l’usager italien qui doit de lui-même obtenir la
position de son administration à sa demande expresse alors que l’usager français pourra se baser
sur ou s’assister des textes émis par son administration sans même qu’elle se soit engagée au
préalable sur son cas particulier.
L’art L80 A LPF n’a pas d’équivalent en droit italien. Le droit français offre une réelle garantie
contre le changement doctrinal alors que la protection offerte en droit italien est plus une
garantie contre une prise de position formelle de l’administration financière sur un cas
individuel et précis dont nous retrouvons l’équivalence en droit français sous la dénomination
de « rescrit général » codifié à l’art L80 B al 1 LPF. Il fut instauré par l’art 19 de la loi n° 87-
502 du 8 juillet 1987 ; lequel dispose que:
« La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :
1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de
fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est
saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.
Un décret en Conseil d'État355 précise les modalités d'application du présent 1°, notamment le
contenu, le lieu ainsi que les modalités de dépôt de cette demande ;»
Cette disposition est complétée par des dispositions particulières qui entraînent la garantie
contre le changement doctrinal lorsque l’administration n’a pas pris formellement position dans
355
Décret CE n° 2009-1701 du 30 décembre 2009
360
les délais qui lui sont impartis. Nous retrouvons ces exceptions aux alinéas 2 à 6 et alinéa 8 de
l’art L 80 B LPF :
- Certains régimes d’amortissements exceptionnels (art L 80B 2°) ;
- L’exonération de l’impôt sur les bénéfices en faveur des entreprises nouvelles
prévue à l’art 44 sexies CGI ou des entreprises situées en zone franche urbaine
prévue à l’art 44 octies CGI (art L 80B 2°) ;
- Le crédit d’impôt pour dépenses de recherches prévu à l’art 244 B CGI (Art L
80B 3° et 3°bis) ;
- Le régime des jeunes entreprises innovantes prévu à l’art 44 sexies-O A CGI ( art
L 80B 4°) ;
- Le régime des entreprises implantées dans les pôles de compétitivité implantés
prévu à l’art 44 undecies CGI (art L 80 B 5°) ;
- Le régime relatif aux demandes concernant l’existence d’établissements stables
(art L 80 B 6°) ;
- La qualification des revenus tirés d’une activité professionnelle indépendante et le
régime d’imposition de l’activité professionnelle d’une société civile (art L 80 B
8°).
La législation italienne a également adopté la technique du rescrit dont nous allons présenter les
différentes typologies qui se sont élaborées au fil des années et dans un sens inversé à
l’approche française.
§3. Les différentes appellations italiennes
A/ « L’interpello speciale » ou rescrit spécial :
Il s’agit du 1er rescrit mis en place qui permet au contribuable italien d’obtenir une garantie de
non rehaussement en cas d’application de bonne foi de cette décision administrative
individuelle. Conformément à l’alinéa 2 de l’art 21 de la loi du 30/12/1991, la demande d’avis
« parere » par l’intéressé doit concerner un cas concret entrant spécifiquement dans les champs
d’application suivants :
361
- L’art 37 comma 3 del D.P.R 29/09/1973 n° 600 relatif aux hypothèses concernant
l’interposition fictive de personnes ;
- L’art 37 bis del D.P.R 29/09/1973 n°600 relatif aux comportements inopposables
de l’administration concernant les actes, faits et relations d’affaire portant sur les
opérations qui pourraient être utilisées dans un but d’éluder l’impôt comme par
exemple :
- Les transformations, fusions et scissions, liquidations volontaires et distributions
de dividendes aux actionnaires prélevés sur les capitaux propres ;
- Les participations de société, ainsi que les opérations relatives à la cession ou
jouissance des entreprises ou groupes de société ;
- Cessions de crédit etc.
- L’art 74 comma 2 del Testo Unico delle Imposto sui Redditi (TUIR) relatif à la
qualification de frais spécifiques tels les frais de publicité, de propagande ou de
représentation ;
- L’art 11 comma 13 della legge 413/1991 relative à la qualification des opérations
réalisée entre société résidente et société fiscalement domiciliée, hors d’Europe,
et dans un pays ou territoire à fiscalité privilégiée au sens de l’art 76 comma 7-bis
del TUIR ;
- L’art 96 comma 7 TUIR relative à la participation de sujets résidents hors de
l’Union européenne, détenues dans une société mère italienne ;
- L’art 3 comma 3 lettera a) del Decreto legislativo 18/12/1997 n°466 concernant
l’application des dispositions relatives aux transferts d’argent des résidents.
L’art 21 comma 1 della Legge 30/12/1991 a créé un comité consultatif pour les normes anti
fraude qui pouvait être saisi afin d’émettre un avis concernant l’interprétation d’une norme
fiscale à un cas concret. Il pouvait être saisi directement par le contribuable afin d’obtenir un
second avis autre que celui donné par l’administration financière ou en cas de défaut de réponse
de cette dernière. L’avis rendu avait pour réelle conséquence de faire peser la charge de la
preuve, en cas de phase contentieuse, sur la partie qui ne s’était pas conformée à la décision
rendue. Ce comité a été supprimé notamment pour des motifs de réduction des dépenses
publiques par le Decreto legge del 04/07/2006.
362
B/ « L’interpello corretivo » ou rescrit de désapplication :
Il fut introduit par l’art 7 al 1 du décret législatif du 08/10/1997 n° 358 et inséré à l’art 37 bis al
3 du D.P.R n°600 du 29/09/1973. Ce rescrit dont les modalités d’application sont fixées par il
decreto ministeriale du 19/06/98 n°259 permet à un contribuable de demander au directeur
régional de l’administration fiscale « l’Agenzia delle Entrate » d’écarter par rapport à un cas
concret certaines dispositions fiscales qui se veulent restrictives ou répressives et prises pour
lutter de façon générale contre la fraude fiscale, comme celles qui viennent limiter la
déductibilité des frais d’exploitation. Par sa nature “l’interpello di disapplicazione” ne peut
interferer ni avec “l’interpello speciale” ni avec “l’Interpello ordinario”.
C/ « L’interpello ordinario » ou rescrit général :
Il s’agit du mode de rescrit le plus récent qui fut introduit dans la législation italienne à l’art 11
della legge del 27/07/2000 n°212 qui instaure la charte du contribuable italien:
« Ciascun contribuente può inoltrare per iscritto all'amministrazione finanziaria, che risponde
entro centoventi giorni, circostanziate e specifiche istanze di interpello concernenti
l'applicazione delle disposizioni tributarie a casi concreti e personali, qualora vi siano obiettive
condizioni di incertezza sulla corretta interpretazione delle disposizioni stesse. La
presentazione dell'istanza non ha effetto sulle scadenze previste dalla disciplina tributaria.”
« Chaque contribuable peut soumettre par écrit à l’administration financière, qui répondra
dans les 120 jours, toute demande d’interpellation circonstanciée et spécifique concernant
l’application des dispositions fiscales à des cas concrets et personnels, s’il y a des conditions
objectives d’incertitude concernant la bonne interprétation de la disposition en question. Le
dépôt de la demande n’a aucun effet sur les délais fixés par la loi. »
Il est intéressant de noter que nos législations évoluent dans le même sens mais ne suivent pas
la même chronologie. Aux vues des lois précitées, nous nous apercevons que la charte du
contribuable italien fut adoptée en 2000 alors que celle dont peuvent à présent se prévaloir le
contribuable français fut votée en 2005. A l’inverse la garantie contre le changement doctrinal
363
qui a pour conséquence l’instauration du rescrit général existe en France depuis 1959 puis
étendue en 1970 alors qu’il a fallu attendre cette même charte du contribuable de 2000 pour
offrir la possibilité de demander une prise de position formelle de l’administration italienne
concernant l’application d’une disposition fiscale, quelle qu’elle soit, à un cas pratique.
La principale différence qui existe entre nos deux rescrits généraux résulte dans la personne
autorisée à jouir de cette possibilité, en France toute personne morale ou physique peut
demander l’interprétation de l’administration fiscale par rapport à un cas concret, alors qu’en
Italie il est spécifié dans la loi que la demande doit être faite par un contribuable. Une société
qui souhaiterait s’installer en France serait donc autorisée à questionner l’administration sur un
cas concret afin de connaître le traitement fiscal qui lui sera réservé ce qui est un bon point en
matière d’incitation à l’investissement et d’appréhension de l’environnement fiscal alors que
cette possibilité n’est pas légalement offerte en Italie.
Le point qui rapproche cette même forme de rescrit est que l’absence de réponse de nos
administrations française et italienne ou le retard dans les délais de réponse légalement prévus à
savoir 120 jours pour l’Italie et 90 jours pour la France entraîne acceptation de l’interprétation
présentée par le demandeur.
A présent que nous connaissons la base du rescrit fiscal général, nous allons nous intéresser au
rescrit spécialement dédié au prix de transfert.
Sous Section 2. Les modalités d’application de l’Accord préalable
La procédure d’accord préalable a pour fonction de sécuriser les transactions intra-
groupes futures, en effet les sociétés multinationales peuvent solliciter des administrations des
pays dans lesquels elles sont résidentes de valider leurs méthodes de calculs concernant la
fixation de leurs prix de vente internes. Cette demande peut être effectuée auprès de
l’administration fiscale de plusieurs ou d’un seul pays. Elle a pour principal effet de préserver la
société demanderesse de tout rehaussement de son bénéfice imposable qui se baserait sur la
remise en cause de ses prix de vente pratiqués au sein du même groupe de société et qui
constitue selon l’art 57 CGI et 110 comma 7 TUIR un transfert indirect de bénéfice.
Conformément à ces articles, tout transfert indirect de bénéfice doit être réintégré au résultat
accusé par la comptabilité de la société présente en France et/ou en Italie.
364
§1. Encadrement juridique
Le critère de bi ou multinationalité inhérent à la notion de prix de transfert invite à
ce que la demande soit faite auprès des administrations des pays dans lesquels sont pratiquées
les transactions intra-groupes, c’est pourquoi en premier lieu la doctrine administrative
française et italienne n’avaient prôné que logiquement la nécessaire bilatéralité de ce type
d’accord.
Les modalités de cette procédure dans la réglementation française et italienne sont inscrites
pour la France à l’instruction administrative n°12296 du 07/09/1999356 et pour l’Italie à
l’instruction de la Guardia di Finanza n°1 du 29/12/2008357 qui reprend celle du Directeur de
« l’Agenzia delle Entrate » du 23/07/2004. Ces instructions déclinent les conditions nécessaires
à la mise en place et à la reconnaissance de cet accord bilatéral. Pour ce faire, il faut que la
société demanderesse ait par nature une activité internationale avec une société liée. Le
caractère multilatéral de cet accord administratif nécessite que les pays en présence se soient
entendus sur les garanties qu’offrent cette procédure et les conséquences en cas de remise en
cause. Les États désireux de mettre en place cette technique doivent préalablement instaurer un
cadre conventionnel qui viendrait régir les relations inter-étatiques en matière de fiscalité.
La mise en place de cet accord doit se baser sur l’existence d’une convention de non double
imposition (modèle OCDE) qui prévoit notamment la conduite à tenir en cas de divergences ou
de doutes quant à l’interprétation de la convention qui conduiraient à la double imposition
d’une : « personne physique ou morale qui en vertu de la législation du pays contractant est
assujettie à l’impôt dans ce pays.» 358
C’est pourquoi l’OCDE a élaboré cette procédure d’accord préalable dont elle avait posé les
prémices des 1979 afin de pousser les sociétés à respecter le principe de libre concurrence. Ce
principe a pour vertu de développer l’économie de chaque pays, de préserver l’économie
mondiale ainsi que les finances publiques des états à système fiscal effectif. En ce sens l’OCDE
reconnaît que la signature d’accords préalables par des pays en voie de développement tend à
améliorer l’effectivité de leur fiscalité.
356
BOI 4 A-8-99 ; Dr fisc. 1999, n°40,instr.12296 357
Istruzione sull’attività di verifica dal Commando Generale della Guardia di Finanza n.1/2008 vol III 358
Art 4 Convention Modèle OCDE concernant les revenus et la fortune.
365
En matière d’imposition des personnes physiques et morales, l’OCDE a rédigé un modèle de
convention cadre qui traite des revenus au sens large des personnes physiques et morales ainsi
que de la fortune et qui donne une base conventionnelle aux pays qui souhaitent s’entendre sur
leur fiscalité. Les États se référent à la clause de l’art 25.3359 de la convention modèle OCDE
pour autoriser la signature d’accord préalable bilatéral.
Cette clause dite de procédure amiable incite les parties présentes à trouver un accord en vue de
résoudre un conflit d’imposition. Le dispositif s’applique donc en matière d’accord bilatéral sur
les prix de transfert, il prône la résolution amiable des différends entre États par voie d’accord
préventif mais laisse libre choix aux États quant à la forme ou au contenu de cet accord.
Cette disposition vient encadrer toutes les situations qui peuvent naître du respect ou du non
respect de l’accord bilatéral établi par les États et accepté par l’entreprise. En ce sens, en cas de
non respect de la méthode de fixation par la société, l’administration fiscale qui contrôle
effectuera un rehaussement de la base imposable de cette entreprise. En effet la remise en cause
des prix de transaction par un Pays A engendra un rehaussement de la base imposable dans ce
même pays A ce qui entraînera automatiquement une double imposition car les revenus
rehaussés dans le pays A auront déjà été imposé dans le pays B, s’agissant de transfert indirect
de bénéfices, la société aura fait figurer les sommes rectifiées dans la base imposable de ce pays
B.
Nous comprenons l’importance de cette condition d’entente conventionnelle entre États,
indispensable à la signature d’un accord préalable bilatéral sur les prix de transfert, car elle
constitue un moyen légal de résolution tendant à préserver l’assiette fiscale des États
signataires. Elle offre par la même occasion une garantie de non double imposition au
contribuable, qui à ce niveau de transaction constitue une réelle économie pour la firme
multinationale.
En l’absence de convention de non double imposition, il sera plus que difficile pour la firme
multinationale de demander à l’administration étrangère de lui rendre une partie des impôts
qu’elle lui a déjà versées, d’autant qu’à l’initial c’est la firme elle-même qui a fixé le montant
359
Art 25.3 Convention modèle OCDE : « Les autorités compétentes des États contractants s'efforcent, par voie
d'accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l'interprétation ou
l'application de la Convention. Elles peuvent aussi se concerter en vue d'éliminer la double imposition dans les cas non
prévus par la Convention ».
366
de ses revenus imposables par l’administration étrangère. Certes la firme est en droit de faire
cette demande mais dans ce cas, la faute, l’erreur volontaire ou involontaire qu’elle a commise
lui sera opposée et sa demande se verra certainement rejetée. D’où l’importance de l’existence
d’une convention fiscale afin d’éviter des conflits d’imposition subis par le contribuable qui
n’est pas toujours conscient de ce transfert de bénéfice. Suite à cela, il est aisé de comprendre
pourquoi les administrations française et italienne favorisent ce type d’accord qui constitue le
principe en matière d’accord préalable car il offre plus de sécurité du fait de l’engagement des 3
parties en jeu.
L’exception si l’on peut dire à la procédure d’accord préalable bilatéral fut instaurée par la loi
de finance rectificative pour 2004 qui est venue par la même occasion conférer à l’instruction
administrative du 07/09/1999 instauratrice de la procédure d’accord bilatéral une valeur
législative en la reprenant à son identique. Le principe de l’accord préalable bilatéral est
légalement posé ainsi que son exception à l’art 20 de ladite loi rectificative, le législateur est
venu créer une procédure similaire de part son caractère préalable mais différente de part son
caractère unilatéral.
Nous retrouvons ce dispositif d’accord préalable sur les prix de transfert dans la législation
italienne d’abord à l’art 8 du « Decreto Legislativo » du 30/09/2003 n° 269, qui fut repris et
converti au niveau législatif dans les semaines qui ont suivi par la « Legge » du 24/11/2003 n°
326. Les modalités d’application des « accordi sui prezzi di trasferimento » plus généralement
nommé en Italie « Ruling internazionale » sont présentées par l’instruction du Directeur de
l’Agenzia delle Entrate du 23/07/2004.
Il faut dès à présent remarquer qu’à la lecture de l’art 8 et de son alinéa 3 le législateur italien
n’opère pas de distinction prononcée entre accord bilatéral et accord unilatéral.
Art 8 al 3 DL 30/09/2003 indique :
«3. In base alla normativa comunitaria, l’amministrazione finanziaria invia copia dell’accordo
all’autorità` fiscale competente degli Stati di residenza o di stabilimento delle imprese con i
quali i contribuenti pongono in essere le relative operazioni. »
«3. Sur la base du droit communautaire, l’administration fiscale envoie copie de l’accord à
l’autorité fiscale compétente des États où se situent les sociétés avec qui le demandeur entend
réaliser des échanges intra-groupes. »
367
Cet article nous informe que l’administration italienne décide de l’accord en collaboration avec
le contribuable italien avant de le soumettre aux différentes administrations fiscales. Ce qui
signifie que l’accord n’acquiert son caractère bilatéral qu’après acceptation par l’autre État.
Nous insisterons donc plus sur la distinction entre accord bilatéral et unilatéral qui est plus
marquée en droit français.
Quoiqu’il en soit, grâce à cet accord préalable dit unilatéral sur les prix de transfert, une société
commerçant en France ou en Italie pourra solliciter de l’administration française ou italienne un
engagement concernant la méthode de fixation de ses prix de transfert afin de sécuriser son
activité au niveau de l’administration saisie.
En droit français, ces accords préventifs visant à la préservation des intérêts pécuniaires des
États ou de l'État partie ainsi que des personnes morales demanderesses furent codifiés dans le
cadre de l’art L 80 B LPF et précisément à l’art L80 B 7° LPF.
La garantie offerte par le « rescrit général » prévu à l’art L 80 B al 1 est étendu aux accords sur
les prix de transfert par l’art L 80 B al 7 en ces termes :
«Lorsque l'administration a conclu un accord préalable portant sur la méthode de
détermination des prix mentionnés au 2° de l'article L. 13 B, soit avec l'autorité compétente
désignée par une convention fiscale bilatérale destinée à éliminer les doubles impositions, soit
avec le contribuable ;»
Ces accords sur les prix de transfert ont pour intérêt majeur de protéger les sociétés
demanderesses de tout changement doctrinal dans l’application d’un texte de loi ou
d’appréciation d’une méthode de calcul. En effet, conformément à l’art L80 B LPF,
l’administration s’engage à n’effectuer aucun rehaussement d’imposition lorsqu’elle a conclu
un accord sur la méthode de détermination des prix de transferts mentionnés au 2°de l’art L13 B
LPF, soit de façon bilatérale avec l’administration de l'État co-signataire d’une convention
fiscale pour la non double imposition, soit de façon unilatérale avec le contribuable lui-même.
Lorsque nous regardons de près l’art L80 B al 1 LPF qui dispose que :
« Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de
fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est
saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. »
368
Nous pouvons nous demander pourquoi l’administration fiscale n’a pas pris cette base légale
pour s’engager sur des accords préalables unilatéraux puisque conformément à ce texte, il est
demandé à l’administration de fournir sa position concernant « l’appréciation d’une situation de
fait au regard d’un texte fiscal ». L’accord préalable unilatéral ne porte-t-il pas sur
l’appréciation de la conformité par l’administration fiscale d’une pratique visant à fixer les prix
de transactions intra-groupes qui seront réellement utilisés lors des échanges sur le marché.
Partant de ce constat l’administration française aurait pu, à l’instar de l’approche italienne,
s’appuyer sur l’art L 80 B al 1 LPF pour élaborer en toute légalité un accord préalable
unilatérale et sur l’art 25.3 de la convention modèle OCDE pour conférer à cet accord un
critère de bilatéralité en la soumettant à l’acceptation de l’autre État concerné.
Mais il est clair que l’administration n’a jamais conclu ou souhaité conclure d’accord unilatéral
avant l’entrée en vigueur de l’art L80B 7° LPF en 2005.
Cela peut s’expliquer de deux façons :
La première serait que l’administration voulait éviter tout contentieux sur la base de l’art L 80
CB LPF360 qui autorise tout contribuable, qui a vu sa demande de rescrit général prévu à l’alinéa
1 de l’art L 80 B ou spécial prévu aux alinéas 2 à 6 et alinéa 8 du même article, rejetée
explicitement ou tacitement de saisir une formation collégiale pour un 2ème examen. Ce qui
aurait pour conséquence l’augmentation de la charge de travail. Cette solution aurait été fort
probable et légalement viable si la loi de 2008361 qui autorise à soumettre sa demande de rescrit
à une formation collégiale n’avait pas été postérieure à celle qui autorise la signature d’un
accord unilatéral362.
Il est a noter que l’unique alinéa de l’art L 80 B LPF qui est exclu du dispositif de l’art L 80 CB
LPF est celui qui concerne la demande d’accord préalable sur les prix de transfert. Il est
regrettable que dans un souci d’amélioration des relations entre administration et contribuables
et de sécurisation des rentrées fiscales, le législateur l’ait exclu de façon flagrante.
360
Art L80 CB LPF : « Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise
et complète déposée au titre des 1° à 6° ou du 8° de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C par un redevable de bonne
foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette
demande, à la condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux.[…] Lorsqu'elle est saisie d'une demande de second
examen, auquel elle procède de manière collégiale, l'administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux
applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. » 361
Art 50 de la loi de finance rectificative pour 2008 362
Art 20 de la loi de finance rectificative pour 2004
369
Concernant la deuxième raison, qui pourrait expliquer l’attitude de la doctrine administrative et
celle du législateur, elle se déduit des alinéas 2 à 6 et alinéa 8 de l’art L 80 B LPF qui traitent de
l’acceptation tacite du rescrit demandé par le contribuable.
L’alinéa 1 de l’art L80 B LPF qui pose le principe du rescrit général et préserve le demandeur
contre toute modification doctrinale, adopte une forme grammaticale déclarative :
« Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une position de
fait…».
Ce qui a contrario veut dire, si l’administration n’a pas pris formellement position, la demande
ou appréciation faite par le demandeur ne pourra entraîner les garanties inhérentes à l’art L80 A
LPF.
Dans les alinéas 2 à 6 et 8, le législateur vient préciser les cas où le silence de l’administration
ne vaut pas rejet et entraîne la garantie inhérente à l’Art L80 A contre tout changement
doctrinal.
Toutes ces exceptions sont rédigées sous la forme négative et débute de la sorte : « Lorsque
l’administration n’a pas répondu dans un délai de 3 mois à un redevable… ».
Quant à l’alinéa 7, il fait figure d’exception au sein des exceptions car il est le seul à prendre
une forme déclarative, à l’instar de l’alinéa 1 de principe.
La formalité en droit français, tout comme en droit italien se matérialise en un écrit. L’absence
d’écrit vaut par principe en droit administratif absence de formalisme sauf s' il existe une
exception législative, ce qui est le cas des paragraphes 2 à 6 et du paragraphe 8 de l’art L80 B
LPF. Mais alors pourquoi venir réaffirmer la nécessité du consentement express de
l’administration dans l’alinéa 7 alors que celui est prévu dans l’alinéa 1.
Pour certains auteurs363 cela s’explique pour la volonté du législateur de se conformer aux pays
voisins qui avaient déjà érigé en loi la procédure d’accord préalable bilatéral ce qui est
certainement vrai car cela permet de pérenniser ce dispositif en lui conférant une place
supérieure dans la hiérarchie des normes offrant ainsi une plus grande garantie juridique au
contribuable demandeur. Mais c’était là aussi l’unique moyen d’obliger la doctrine
administrative à accepter la pratique de l’accord préalable unilatéral, chose quelle n’avait jamais
fait auparavant alors qu’elle en avait les moyens juridiques. Il était nécessaire de créer ce
363
Revue Jurisprudence Procédure fiscales, cote 05,2005
370
dispositif d’accord unilatéral car la lourdeur administrative et les carences inhérents aux accords
bilatéraux étaient un frein à l’amélioration des relations fiscales entre l’administration et les
contribuables ainsi qu’à la sécurisation financière de l’entreprise.
De plus, la consécration législative de l’accord préalable sur les prix de transfert en implique sa
publicité et pousse l’administration fiscale, la Direction Générale des Impôts et des Finances
publiques DGIFP aujourd’hui à diffuser largement cette information notamment auprès des
entreprises dans le but d’accroître leurs utilisations.
En effet le champ d’application de l’accord préalable s’est étendu grâce à la loi du 30/12/2004
de finances rectificative pour 2004. L’instruction administrative n°12296 du 07/09/1999 faisait
état de l’accord préalable bilatéral et ne prévoyait pas d’accord unilatéral. La volonté du
législateur de créer ce dispositif unilatéral est le fruit du rapport de Me B.Gibert commandé par
le ministère de l’économie et des finances publiques et intitulé : « Améliorer la sécurité du droit
fiscal pour renforcer l’attractivité du territoire » ; et dont l’une des mesures est de doter notre
attirail juridique de ce moyen de défense contre l’évasion fiscale à l’instar de pays partenaires
tels l’Italie ou les États Unis. Ce rapport a été remis au ministre d'État de l’économie et des
finances publiques en septembre 2004, moins de 4 mois avant le vote du projet de loi
consacrant les accords préalables sur les prix de transfert.
En matière d’accord unilatéral, le dispositif ne peut être utilisé que pour les exercices qui ont
débuté le 01/01/2005, comme prévu par la loi de finance rectificative pour 2004. En pratique, il
a fallu attendre plus de 6 mois pour que l’instruction administrative364 daté du 24/06/2005
présente les modalités d’application de cette nouvelle procédure.
Elle a pour principal effet d’étendre la garantie qu’offre l’Art L80 A LPF365 en matière d’accord
préalable sur les prix de transfert qui permet au contribuable de bonne foi de se préserver de
364
Bulletin Officiel des Impôts, BOI 4-A-11-05 n°110 du 24 juin 2005 365
Art L80A LPF: « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement
poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est
démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par
l'administration.
Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses
instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut
poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à
l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de
l'impôt et aux pénalités fiscales. »
371
tout rehaussement fiscal qui se baserait sur une nouvelle lecture d’un texte fiscal par
l’administration.
Par nouvelle lecture, cela implique que l’administration fiscale ait déjà donné son avis
concernant l’application du texte et pour garantir une certaine stabilité juridique et un bon
fonctionnement des affaires, il est normal que l’interprétation que l’administration ait faite ne
soit pas opposable au contribuable qui lui-même s’est basé sur cette interprétation pour établir
sa base imposable.
Appliqué au prix de transfert, cet accord est pour l’administration fiscale une prise de position
formelle concernant la méthodologie applicable en matière de biens ou services cédés ou
achetés entre sociétés liées en droit ou en fait.
L’administration et la société demanderesse déterminent un ensemble de critères qui seront
appliqués pour fixer les prix de transactions futures, cela peut être la méthodologie de base
retenue pour établir les prix de transfert ou : « les éléments de comparaison, et les hypothèses
principales quant à l’évolution future du secteur d’activité. » comme cités dans l’instruction
administrative n°110 du 24/06/2005.
Par sa nature unilatérale, cet accord n’emporte pas de garantie contre la double imposition en
cas de rehaussement par l’autre État.
S’agissant d’un problème majeur, il est normal que les administrations sollicitent avant tout la
conclusion d’un accord bilatéral puisqu’il existe une réponse conventionnelle prévue pour la
résolution de ce problème qui ne touche pas tant les finances des pays, puisque chaque pays
calculera le montant imposable conformément à l’application de ses règles de droit, mais celles
des entreprises internationales.
La double imposition est donc principalement un problème économique pour l’entreprise
concernée, car elle nuit à sa rentabilité et peut être génératrice de problèmes de trésorerie, une
dépense non anticipée et importante peut mettre à mal une société pourtant en bonne santé.
C’est pourquoi l’OCDE cherche à annuler ce risque. La majoration des coûts qu’elle soit
volontaire par la manipulation des prix de transferts ou involontaire par l’application de règles
de droit fiscal propres conduisant à une double imposition vient nuire à l’économie globalisée et
porter atteinte au principe de libre concurrence. L’entreprise doit supporter un coût que les
autres sociétés offrant les mêmes biens ou services n’ont pas à supporter. Donc cela vient
372
fausser la concurrence puisque ces sociétés de nationalités différentes pénétreront le marché
concerné avec des meilleurs prix, même si à l’initial le coût de production des produits offerts
est le même pour tous. Notre entreprise doublement imposée pourra être éliminée du marché.
Dans le meilleur des cas d’autres concurrents intégreront le marché et dans le pire des cas,
l’élimination non naturelle de notre 1ère entreprise conduira à une situation monopolistique qui
n’est pas souhaitable pour le consommateur final car cela conduit à une hausse non justifiée des
prix et la recherche de l’amélioration et de la standardisation du mode de vie ne sera que plus
difficile. En ce sens, il est clair que l’intérêt particulier d’une entreprise dans le cas qui nous
intéresse peut avoir d’importants effets négatifs pour notre Société mondiale d’où l’importance
de lutter contre tout ce qui porte atteinte à la libre concurrence des entreprises comme la fraude
ou l’évasion fiscale.
Les administrations françaises et italiennes chercheront toujours à établir un accord bilatéral car
il offre plus de garantie et tend à une harmonisation de l’interprétation des pays sur les
méthodes de prix de transfert pour un secteur ou une activité donnée.
Le consensus entre États n’est pas toujours facile et nécessite un certain temps, c’est dans cet
optique que fut créé l’accord préalable unilatéral sur les prix de transfert car il fallait pallier
premièrement au défaut d’entente conventionnelle entre États, deuxièmement à la lourdeur
administrative que peut parfois avoir la mise en place d’un accord bilatéral et troisièmement à
un défaut d’entente entre administrations.
L’instruction administrative du 24/06/2005 s’est inspirée du rapport Gibert366 pour préciser les
cas où les administrations choisiront par dépit la mise en place de procédure dite unilatérale.
Les entreprises multinationales pourront demander que soit signé un accord unilatéral lorsque :
- Aucune procédure d’accord préalable sur les prix de transfert n’existe dans l’autre
État concerné. La procédure bilatérale sera donc privilégiée lorsque les
transactions sont réalisées avec des entreprises situées dans les principaux États
suivants qui connaissent une procédure équivalente :
États membres de l’OCDE : l’Italie, les États-Unis, le Royaume-
Uni, les Pays-Bas, le Japon, la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, le
Canada, le Danemark, … ;
366
Rapport Gibert sept 2004: “Améliorer la sécurité du droit fiscal pour renforcer l’attractivité du territoire”
373
Pays non-membres de l’OCDE : l’Argentine, le Brésil, la
Russie… ;
- « les transactions concernent un grand nombre de pays (exemple : une entreprise
de production située en France qui dispose de nombreuses filiales de distribution
dans différents pays étrangers). Toutefois, dans ces situations, et dans l’hypothèse
où les transactions seraient principalement réalisées avec des entreprises situées
dans un petit nombre d'États disposant de la procédure bilatérale, cette procédure
serait privilégiée avec ces États ; »
Il est clair que l’administration insiste sur le caractère exceptionnel de la procédure unilatérale
car même dans ses exceptions, elle vient rappeler la primordialité de la procédure bilatérale.
Cette exception ci-dessus n’était pas prévue dans le rapport Gibert, c’est la seule d’ailleurs, elle
fut ajoutée par la doctrine administrative dans son instruction du 24/06/2005. La doctrine
administrative française n’a jamais utilisé avant l’intervention législative, la procédure d’accord
préalable alors qu’elle aurait pu le faire comme nous l’avions vu en se fondant sur l’art L80 B
1° LPF. A la façon dont a été écrit le paragraphe, nous pouvons toujours ressentir une certaine
prudence voire une réticence à l’égard de cet accord unilatéral.
- « les transactions portent sur des sujets particuliers ou d’une complexité limitée
mais source récurrente de divergence d’appréciation (par exemple : problème de
validation de la clef de répartition, refacturations de frais communs à l’ensemble
des sociétés du groupe, frais de direction générale,…) »
L’administration pourra déclencher la procédure d’accord unilatéral dès la prise de contact avec
l’entreprise demanderesse, lorsqu’elle sait que l’accord bilatéral ne pourra être négocié et signé
avec l’autre État. Cette considération de l’administration peut être le fruit de l’expérience ou la
différence de qualification juridique née d’une lecture non équivoque de la législation étrangère.
Cette mesure a pour objectif d’éviter une perte de temps et de moyens pour l’entreprise
demanderesse mais aussi pour les services fiscaux.
- « l’entreprise est une petite ou moyenne entreprise (PME). »
374
La nature même des PME incite à la simplification des demandes d’accords. L’instruction
administrative en date du 28/11/2006367 vient préciser les modalités applicables aux PME afin
d’alléger la procédure d’accord préalable sur les prix de transfert. Encore une fois à la lecture de
l’instruction de 2006, la procédure unilatérale est considérée comme subsidiaire et la procédure
bilatérale reste le principe applicable. Pourtant si l’on se réfère à la section 3 de l’instruction
administrative n°110 du 24 juin 2005, cet accord unilatéral semble « bien adapté à la situation
des PME », mais pour des raisons « de spécificité, une procédure bilatérale allégée sera mise en
place ».
Cette approche correspond aux prescriptions du rapport Gibert de 2004 sur le renforcement de
la sécurité juridique en droit fiscal368, car il préconise de faciliter l’accès des PME par :
- La création de l’accord préalable unilatéral
- un effort d’information de la part de la DGI sur la question des prix de transfert et
l’existence de cette procédure.
Lorsque nous regardons le Rapport de Me Gibert, nous avons le sentiment que l’accord
unilatéral correspond exactement au cadre de vie des PME, mais la présentation qui en est faite
dans les instructions administratives semblent démontrer que le procédé qui s’adapte le mieux à
toute situation et à toute entreprise quelque soit sa taille est l’accord bilatéral.
Nous sommes tous d’accord pour promouvoir l’accord bilatéral car il dépasse de loin les
garanties qu’offre l’accord unilatéral. Il permet principalement d’éliminer le risque de double
imposition qui peut avoir des conséquences désastreuses sur la survie d’une société. Mais nous
sommes en droit de nous demander si cette approche aussi négative de l’accord unilatéral
qu’adopte l’administration fiscale française vient du seul souci de protéger le contribuable en
vue de lui offrir un soutien et de meilleures garanties pour le bien être économique de sa
société ; ou cela provient-il du souci de l’administration de se préserver de la surcharge de
travail qui serait la conséquence de nombreuses signatures d’accords unilatéraux, et dont la
méthode de fixation par l’administration française serait remise en cause par l’autre État. Ceci
aurait pour conséquence de générer une double imposition et donc le déclenchement de
367
Bulletin Officiel des Impôts: BOI 4-A-13-06 n° 194 du 28 novembre 2006 368
Rapport Gibert sept 2004: “Améliorer la sécurité du droit fiscal pour renforcer l’attractivité du territoire”, p9
375
nombreuses procédures de règlements amiables ou d’arbitrage qui seraient à la charge du
service central des impôts.
Notre sujet s’intéresse pour des raisons financières aux grandes firmes multinationales, mais
l’approche qu’adopte l’administration fiscale envers les PME peut nous faire comprendre la
culture de l’administration qui semble rechercher la facilité non pas pour des raisons subjectives
mais pour des raisons de moyens. Elle ne pourra faire face à un afflux de demande ou à la mise
en place de nombreuses procédures pour éliminer une double imposition qui ne sont pas sûres
d’aboutir.
Quoiqu’il en soit le rapport Gibert qui fut rédigé avec le concours de deux inspecteurs des
finances, Mr Corso Bavagnoli et Mr JB Nicolas, a servi de base à la consécration de nouvelles
mesures préalables en vue de préserver les finances publiques et améliorer les relations entre le
Fisc et le contribuable. Mais il laisse à la doctrine administrative l’opportunité de décider de la
procédure pour la mise en place des accords unilatéraux.
Le déroulement de la procédure d’accord unilatéral reprend toutes les mesures prévues dans la
procédure d’accord bilatéral, à l’exception bien sur, de la condition de « négociation avec
l’autre autorité compétente ».
Selon la doctrine administrative italienne, la procédure pour l’établissement d’un accord
bilatéral ou unilatéral sera strictement la même. La procédure d’accord bilatéral englobe la
procédure d’accord unilatéral. Nous nous limiterons donc à cette première pour connaître la
mise en place, le suivi et le renouvellement de cette procédure le cas échéant. Pour cela nous
nous baserons sur l’instruction du 07/09/1999 et du « Provvedimento del Direttore dell Agenzia
delle Entrate » du 23/07/2004.
§2. Etablissement de l’Accord préalable
A/ Dépôt de la demande
La mise en place de cet accord se fait sur l’initiative du contribuable et est gratuite,
ce qui est préférable pour favoriser son utilisation, il faut savoir que ce n’est pas toujours le
cas : aux États Unis par exemple, il est demandé un droit d’ouverture de dossier qui varie entre
376
5000 et 50 000 USD369 selon la taille de la société. Cette possibilité avait été discutée en France
comme en Italie mais elle fut logiquement et rapidement écartée tenant compte du fait qu’il ne
s’agissait pas d’un avantage octroyé ou un service rendu par l’administration qui nécessite une
rémunération.
La procédure s’ouvre en pratique par le dépôt d’une demande d’accord préalable auprès du
bureau chargé de la négociation des accords, le bureau CF3370 de l’ancienne Direction Générale
des Impôts qui depuis le 03/04/2008 a fusionné avec l’ancienne Direction générale de la
Comptabilité publique pour ne former qu’un seul organe appelé Direction Générale des
Finances Publiques (DGFIP).
Pour l’Italie, le dépôt de la demande se fera à l’ Ufficio Ruling Internazionale - Direzione
Centrale Accertamento dell’Agenzia delle Entrate - Settore Internazionale. À la différence de la
France qui centralise toutes les demandes à Paris. Il existe en Italie deux bureaux qui gèrent les
demandes de « ruling internazionale ».
La demande se fera dans les bureaux de Milan371 si la société demanderesse a son domicile
fiscale dans l’une des régions suivantes :
- Valle d’Aosta, Piemonte, Liguria, Lombardia, Emilia Romagna, Veneto, Trentino
Alto Adige, Friuli Venezia Giulia;
La demande se fera à Rome372 lorsque la société a son domicile fiscal situé dans l’une des
régions suivantes :
- Toscana, Marche, Umbria, Lazio, Sardegna, Abruzzo, Molise, Campania,
Basilicata, Puglia, Calabria e Sicilia.
La demande peut se faire sur papier libre et n’a pas à suivre de formalisme particulier. Elle doit
être adressée au service compétent par le moyen d’une Lettre Recommandé avec Accusé de
Réception.
369
Rapport Gibert 2004 p 33 370
Adresse: Chef du bureau CF3 chargé des affaires internationales 64-70 Allée de Bercy, Télédoc 872, 75012
Paris.Courriel: [email protected] 371
Indirizzo: Ufficio Ruling Internazionale - Direzione Centrale Accertamento - Settore internazionale à Milano, Via
Manin, 25, C.a.p. 20121, 372
Indirizzo: Ufficio Ruling Internazionale - Direzione Centrale Accertamento - Settore Internazionale à Roma, Via
Cristoforo Colombo, 426 c/d, C.a.p. 00145 Courriel: [email protected]
377
B/ Réunion préliminaire
Avant toute instruction de la demande pour la partie française et 30 jours après
réception de la demande pour la partie italienne, un entretien est fixé entre les administrations et
le demandeur afin de discuter de la mise en place de ce type d’accord pour les sociétés liées ou
le groupe de sociétés. Les administrations justifieront de l’existence ou non d’une convention
fiscale entre leur pays prévoyant une clause de procédure amiable.
L’administration italienne demande à ce que soit fourni un ensemble de document lors de
l’envoi qui sont nécessaires à la préparation de l’entretien comme les produits, les différentes
entreprises et pays concernés.
Cette réunion permet surtout aux administrations de préciser au demandeur les documents à
fournir ou à compléter pour effectuer l’étude méthodologique du calcul des prix de transferts
pratiqué et afin de vérifier la conformité du mode de calcul qui est ou sera proposé par la
société. Cette réunion offre également la possibilité au demandeur de poser des questions et
prendre des informations utiles en vue de l’établissement de cet accord notamment sur son
objet, ses effets, sa durée etc.
Une fois la réunion préliminaire réalisée, le demandeur peut déposer formellement sa demande
avec tous les documents nécessaires à son instruction.
La demande doit se faire au moins 6 mois avant l’ouverture du premier exercice visé par la
demande. Par exemple, une entreprise qui souhaiterait valider sa méthode de fixation de ses prix
de transfert en déposant une demande en juin 2012 pourra se prévaloir de son accord préalable
pour les transactions qui seront incluses dans l’exercice comptable de janvier 2013. L’idéal dans
cette situation sera que la délai de conclusion de l’accord préalable soit de 6 mois ce qui est
rarement le cas vu la complexité des dossiers et les moyens humains mis à disposition ;
l’administration italienne quant à elle n’a pas fixé de délai pour le dépôt de la demande.
Il est important de rappeler que l’administration ne donne pas son aval sur la fixation des prix
de transfert car ce serait là une atteinte au principe de non immixtion de l’administration dans la
gestion de la société. L’administration vient valider la méthode adoptée par l’entreprise afin
qu’elle-même fixe des prix en conformité avec le principe de pleine concurrence.
378
L’accord peut concerner un seul produit ou tous les biens corporels, incorporels et prestations de
service qu’offrent l’entreprise à la société à laquelle elle est liée soit horizontalement (société du
même groupe) soit verticalement (société mère et filiales). Il s’agit en droit de toutes les
activités qui pourraient donner lieu à une proposition de rectification émise sur la base de l’art
57 CGI et art 110 comma 7 TUIR.
Au vu des éléments que fournira la société, l’administration fiscale pourra restreindre ou même
étendre la portée de l’accord, tout dépendra de l’objet sur lequel porte la demande et du rapport
entretenu avec « l’autre autorité compétente ». Les administrations sont sur le même pied
d’égalité, ce sont des négociants qui tendent à trouver un accord gagnant-gagnant afin de
préserver au mieux les intérêts fiscaux de leur États respectifs.
La demande d’accord préalable est à l’initiative du contribuable qui doit fournir des éléments
sur la méthode qu’il veut appliquer à ses transactions intra-groupes mais il ne prend pas part à
la négociation de l’accord a proprement dit, cette compétence est laissée aux États respectifs.
Même si l’administration tend à améliorer ses relations avec les contribuables, certains aspects
de cette procédure d’accord préalable nous montrent qu’elle reste tout de même la partie
dominante : c’est elle qui accepte la demande après avoir « évoquer l’opportunité d’un accord »
lors de la réunion préliminaire, puis elle examine la demande et enfin c’est elle qui négocie ce
qui veut dire qu’elle peut modifier à son gré la méthode initialement déposée donc au final c’est
elle qui propose l’accord à signer.
Concernant la procédure d’accord préalable bilatéral, la société doit dans les deux mois qui
suivent la demande faite auprès de la DGFIP, fournir copie de la demande faite au bureau de
l’administration étrangère compétente en la matière, pour l’Italie il s’agirait de « l’Ufficio
Ruling internazionale dell’Agenzia delle Entrate ».
Par contre si la procédure devait être initiée en Italie, le contribuable ne serait pas tenu par cette
condition car l’administration italienne se chargerait de transmettre cette demande en fin de
procédure, une fois l’accord préalable établi.
C/ Production documentaire
Par principe la même demande et les mêmes documents doivent être respectivement
fournis, en langues officielles aux deux administrations afin qu’elles détiennent les mêmes
informations pour émettre ou non un avis favorable.
379
Pour cela la société doit renseigner tous les documents utiles à l’appréciation de la méthode de
fixation des prix de transfert intra-groupe, il s’agit principalement de données commerciales,
financières, juridiques voire techniques si le service ou produit en question est innovant ou très
peu commercialisé. Dans ce cas il est demandé au contribuable de fournir dans la mesure du
possible les éléments qui permettent de :
- Rassembler les données pertinentes sur les prix pratiqués lors de transactions
comparables sur le marché libre ;
- faute de pouvoir disposer de ces informations, identifier toutes les transactions
susceptibles d’être comparables mais pour lesquelles des données fiables ne sont
pas disponibles ;
- dans l’impossibilité d’identifier de telles transactions, rassembler des données
pertinentes sur les prix appliqués lors de transactions similaires, même si celles-ci
ne sont pas étroitement comparables, effectuées sur le marché libre et proposer
les ajustements nécessaires à leur application à ses propres opérations.
La confrontation de toutes ces informations a pour finalité de démontrer que la méthode utilisée
par ladite société est conforme au principe de pleine concurrence, que les prix issus de cette
méthode ne viendront pas fausser le marché et léser les sociétés similaires et indépendantes qui
exercent dans le même secteur d’activité.
A défaut d’élément de comparaison même lointain, nos administrations demandent au
contribuable qu’il démontre que le prix qu’il fixera : « permet d’approcher le prix de pleine
concurrence ». Il est clair que par cette approche le service public reconnaît d’un point de vue
macroéconomique la perpétuelle mutation du marché et d’un point de vue microéconomique la
primordialité de l’innovation en tant que facteur de réussite économique pour les sociétés ou
groupes de société. Il existe des secteurs d’activités qui n’offrent pas de comparable sur le
marché. Nos systèmes de communication en sont un exemple, ils ont tellement évolué qu’ils
sont devenus des acteurs majeurs de notre économie mondiale, d’un point de vue fonctionnel
car le monde les utilise, et d’un point de vue commercial par rapport aux bénéfices qu’ils
génèrent. Il faut admettre que la justification par tout moyen de la normalité du prix de vente
confirme cette tendance de l’administration à vouloir assouplir ses modes d’action.
380
Dans le souci de présenter un accord conforme à la réalité du marché, le contribuable peut être
convoqué ou plutôt invité à des réunions techniques afin qu’il expose ou précise sa
méthodologie car il faut considérer ce contribuable comme un spécialiste dans son domaine. Par
souci d’exactitude il peut être demandé au contribuable d’accueillir les agents de
l’administration dans ses locaux afin qu’ils déterminent par tout moyen approprié la validité de
la méthode proposée, soit en fournissant des documents comptables ou extra comptables soit en
présentant le processus de fabrication ou effectuant des visites sur sites, etc. Il est à noter que le
Directeur de l’Agenzia delle Entrate impose à tous ses agents de rédiger un procès verbal lors
de tout échange contradictoire avec le demandeur et de lui en remettre copie. Le but est de
conserver une preuve écrite de ce qui a été exposé et/ou débattu.
Compte tenu que la demande porte sur des transactions futures, il est demandé au contribuable
de fournir des prévisions concernant une éventuelle modification de l’état du marché, de son
activité etc. C’est pourquoi la société doit présenter des hypothèses de base c'est-à-dire un cadre
sur lequel peut se fonder l’administration afin d’émettre un avis réaliste en conformité avec
l’état actuel du marché ou de l’économie. Toute sortie du cadre préalablement fixée pourra
entraîner une remise en cause partielle voire totale de l’accord. Pour cela, la société doit prévoir
des ajustements en cas d'une modification des paramètres de base. Ce qui nécessitera soit une
simple révision de l’accord soit une suspension de l’accord pour la période restante. Cette
réserve se base également sur la volonté de respecter le principe de pleine concurrence et dans
une optique consensuelle tous les ajustements présentés font pleinement partis à l’accord et
devront être acceptés par les deux administrations lors du processus de négociation.
Pour appuyer sa demande le contribuable peut effectuer des études techniques par des experts
reconnus et cela peut être fait dans tous les domaines (économique, technique, juridique et
financier) qu’il considérerait opportun. L’administration peut également s’adjoindre les services
d’un expert public ou privé pour l’établissement de l’accord. La sécurité ou la confiance que
souhaite instaurer cet accord pousse à la transparence, l’administration peut demander à tout
moment et sur toute matière des renseignements.
Le désir de répondre aux agents fiscaux afin qu’ils instruisent au mieux leurs dossiers accentue
le degré de bonne foi du contribuable envers l’administration. Afin de conserver ce climat de
bonne relation, l’administration n’a pas imposé de délai de réponse aux demandes ou précisions
qu’elle adresse au contribuable, celui-ci devra y répondre dans les « meilleurs délais ». Il
381
semblerait que l’administration veut se défaire de son image de « froide institution
inquisitrice ». Mais la naturelle prudence de l’administration fiscale et de sa doctrine n’omettent
pas de dire clairement que toute demande d’accord préalable n’aura aucun effet suspensif sur un
contrôle fiscal en cours et ne préserve pas d’un contrôle pendant la phase d’instruction de
l’accord préalable.
Par souci d’égalité, la doctrine vient préciser aussi que la demande d’accord préalable ne
suspend pas le délai de prescription de l’action administrative, et même le contribuable qui fait
l’objet d’une vérification de comptabilité en cours est en droit de demander l’ouverture d’une
procédure d’accord préalable pour ses transactions futures. L’approche est conciliante et
absolument pas répressive, car il faut être conscient qu’une société peut être rehaussée sur la
base de l’art 57 CGI et de l’art 110 TUIR, du fait d’une erreur d’interprétation de la loi fiscale
ou d’une approche trop économique dans sa façon de gérer le groupe. Certes cette présentation
semble un peu idéaliste mais n’en est pas moins réaliste. Il faut toujours prôner la croyance en
la bonne foi du sujet de droit, mais prévoir des gardes fous afin de ne pas le tenter à la déviance.
Nous reconnaissons à la sanction une vertu bienfaitrice qui vient à l’instar de la sanction en
droit pénal, expier la mauvaise action, réparer et surtout préserver d’un mal futur les intérêts
fiscaux de la société.
D/ Confidentialité et secret fiscal
A l’obligation de fournir tous moyens nécessaires à l’instruction de la demande
d’accord préalable sur les prix de transfert, le contribuable pourrait opposer à l’administration la
confidentialité de l’information puisqu’il faut rappeler que nous sommes toujours dans un
processus de consensus où les parties participent librement à l’établissement d’un accord. Cela
signifie quel e caractère impératif que nous retrouverons par exemple dans la vérification de
comptabilité ne pourra être invoqué pour obtenir un document. Mais afin de conserver cette
démarche volontariste et ce climat de transparence, la doctrine administrative est venue
clairement préciser que la confidentialité d’un document ne pourra faire obstacle à sa
communication.
Comme il s’agit de transactions qui portent sur le futur, les sociétés pourraient craindre la
divulgation d’informations primordiales car ils doivent fournir tous les renseignements que
l’administration considérerait utiles comme le processus de fabrication, le contrat cadre de
vente, la fiche technique du produit ou les modalités du service. Leurs révélations pourraient
nuire à la croissance du groupe. Afin de pallier à cette crainte les services fiscaux
382
s’engagent : « à ne pas divulguer à des tiers autres que l’autorité compétente partie à l’accord,
l’information transmise et à respecter les règles de confidentialité qui se rapportent directement
à l’existence et au montant de l’impôt dû par le contribuable ». Ainsi toutes les informations
transmises, dans le cadre de l’accord, seront pleinement couvertes par les règles relatives au
secret fiscal et adressées uniquement à l’autre administration.
Les administrations françaises et italiennes ne peuvent garantir le secret fiscal que sur leur
territoire. Elles attirent l’attention des demandeurs sur la possibilité que soit divulguées par
l’autre État partie certaines informations conformément à leur législation ; à charge pour
l’entreprise de s’en informer. Cette précaution émise par l’administration montre sa volonté
d’instaurer un climat de confiance et d’éviter toute conséquence désastreuse qui pourrait naître
de la divulgation d’informations considérées comme confidentielles donc essentielles à la bonne
santé économique de la société ou du groupe.
Durant toute la phase d’instruction la société demanderesse tiendra informée l’administration de
l’évolution des procédures qu’elle a initié avec l’autre ou les autres autorités étrangères. Elle se
devra également de fournir à l’administration française la copie de tous les documents qui ont
été demandé par l’autre administration afin de préparer le mieux possible la phase de
négociation.
Une fois que l’administration estime avoir reçu tous les éléments nécessaires à l’instruction de
la demande, elle informe le contribuable de la position qu’elle adopte par rapport à la méthode
de fixation des prix de transfert qui lui a été soumise. Le terme « position » montre que les
agents fiscaux détiennent une certaine flexibilité quant à la méthode présentée, c'est-à-dire que
leur rôle ne se limite pas à valider ou invalider la proposition faite par l’entreprise mais à la
modeler, la rendant ainsi légalement admissible. Ils peuvent donc modifier au vu des éléments
fournis et des recherches effectuées la méthodologie applicable au calcul des prix de transfert.
Ils se positionnent donc quant à la méthode formellement acceptée par leur service et qui sera
présentée dès le début de la phase de négociation avec l’autre administration.
La phase dira-t-on d’instruction unilatérale terminée, l’administration après avoir pris
formellement position envers le contribuable, va initier la phase de négociation avec les services
fiscaux étrangers. Elles vont toutes deux poursuivre l’examen conjoint de la demande afin de
parvenir à la conclusion d’un accord conforme à la position émise; pour cela l’administration
peut demander au contribuable des informations complémentaires nécessaires à la conclusion
de l’accord.
383
E/ Phase de négociation
Tout au long de la phase d’échange entre les autorités compétentes, le demandeur est
tenu au courant des avancées de la procédure, n’oublions pas que nous sommes dans une
période où la volonté politique est d’améliorer les relations entre le contribuable et
l’administration fiscale. A ce moment précis de la procédure l’entente entre l’administration
française et le contribuable se veut plus que cordial car ils œuvrent pour le même objectif ; tous
deux se trouvent dans le même camp et souhaitent que l’administration étrangère les rejoignent.
Ce type d’accord modifie réellement les relations entre le contribuable et le fisc, même si au
final l’accord n’est pas conclu. L’agent fiscal perd son statut de contrôleur et revêt celui de
conseiller économique et fiscal de l’entreprise car par leur action combinée ils tendent tout deux
à préserver les intérêts économiques et par la même sociaux de l’entreprise ou du groupe.
Il faut tout de même remarquer que les administrations française ou italienne cherchent à rester
maître du jeu ; même s’il semblerait que les relations entre contribuable et administration
tendent à s’équilibrer, il ne faut pas omettre que le rôle de l’entreprise est uniquement celui de
demandeur. Il propose une méthodologie pour fixer les prix de ses transactions intragroupes,
fournit les éléments qui viennent justifier son raisonnement économique, puis doit répondre aux
demandes de précisions faites par l’administration, recevoir les services fiscaux si ceux-ci
estiment une visite des locaux nécessaire et enfin attendre que l’administration donne sa
position. Ce qui veut dire qu’elle peut ajuster la méthode initialement déposée afin qu’elle
corresponde à ses prescriptions. Après avoir pris formellement position, elle en informe le
demandeur et poursuit l’examen conjoint de la demande avec l’autre autorité compétente sans
lui demander son aval sur les possibles ajustements effectués. Cette position vaut surtout pour
l’administration française ; l’instruction administrative 4-A-8-99 est équivoque sur ce point et
ne prévoit rien à en terme de consentement du demandeur en cours de procédure. Elle oblige
seulement l’administration à informer le demandeur de la position qu’elle a pris:
« Dès lors que l’administration aura établi sa position sur la méthode de détermination des prix
de transfert proposée par le contribuable – position dont elle l’informera -, elle poursuit
l’examen conjoint de celle-ci avec l’autre autorité compétente partie à la négociation ».
Cette procédure d’accord préalable nous montre que l’administration reste la partie dominante :
c’est elle qui accepte la demande après avoir « évoquer l’opportunité d’un accord » lors de la
384
réunion préliminaire, puis elle examine la demande et enfin c’est elle qui négocie ce qui veut
dire qu’elle peut modifier à son gré la méthode initialement déposée donc au final c’est elle qui
propose l’accord à signer.
Cela nous montre bien la suprématie des administrations par rapport aux contribuables,
puissants soient-ils, car seules les autorités compétentes ont la capacité à participer à la
négociation de l’accord.
Encore une fois le contribuable est présenté comme un élément passif qui intervient à la
demande de l’administration pour fournir des justifications.
Le demandeur n’est donc pas partie au contrat puisqu’il n’intervient pas effectivement dans la
négociation même si au final il est en signataire. Il est regrettable que vu le poids financier de ce
type de société ou groupe de multinationale dont les actes ont des impacts sociaux
considérables, ne leur soit pas attribué un siège à la table des négociations, faisant d’eux des
parties prenantes aux contrats au sens civil du terme. Cela peut paraître illusoire mais il existe
bien des négociations entre États et groupes d’industrie notamment lorsque ces derniers doivent
créer un nouveau site de production (Ex : Toyota Valencienne). Les États entrent en concurrence
et celui qui offrira le plus d’avantages économiques et surtout fiscaux, verra se créer un pôle de
production générateur d’emploi. Est-ce peut être l’impact visuel et médiatique qu’offre la
construction d’une usine ou d’un parc de jeux, générateurs de milliers d’emplois, qui incitent à
considérer ces sociétés comme des partenaires privilégiés ?
L’impact non visible mais certain de la sécurisation des finances publiques devrait être un
facteur primordial à prendre en compte pour valoriser la place de ces grandes sociétés qui se
prêtent au jeu de la transparence. C’est pourquoi il faut que l’émettre des mesures incitatives
afin que soit récompensée l’action volontaire des ces grands groupes de société :
Tout d’abord leur conférer la possibilité de participer aux négociations, cela aurait un effet
psychologique certain pour les sociétés car elles seraient acteur tout au long de la procédure et
pas uniquement demandeur, informateur ; puis cela leur permettrait de mieux comprendre les
règles fiscales des pays concernés et la participation à la négociation inter-administrative
pousserait à la compréhension.
Cette critique vaut tant pour l’administration française qu’italienne mais la procédure italienne
se différencie de celle française car elle laisse plus de place à la négociation entre elle et le
contribuable et instaure dans sa procédure le principe du contradictoire dans l’élaboration de
385
l’accord. Ceci ne veut pas dire que certains ou même la plupart des fonctionnaires français
n’incluent pas ce principe dans leur mode de travail mais l’aléa que crée la non présence de ce
principe dans les textes peut être générateur d’un traitement inégalitaire entre contribuables.
Il faut rassurer le contribuable et instaurer des mesures législatives incitatives : l’entreprise
demanderesse peut prendre un risque en effectuant une demande d’accord préalable. En
fournissant des informations sur son mode de gestion interne, elle pourrait se mettre à découvert
ou plutôt s’exposer à la lumière du contrôle fiscal ; car même si elle est de bonne foi, la société
peut transmettre des documents lors de l’instruction d’un dossier qui pourrait conduire à une
vérification de comptabilité ; tout comme la possible visite sur site des agents fiscaux peut
entraîner des suspicions conduisant à un contrôle. Soyons réalistes en admettant que toutes les
sociétés dans tous les domaines ont obligatoirement des failles dans leur gestion qui lorsqu’elles
sont révélées conduisent à des condamnations sociales, fiscales voire pénales.
La prise de risque et la bonne volonté de ces sociétés se doivent d’être récompensées
puisqu’elles viennent sécuriser nos finances publiques et nous préserver des coûts normalement
alloués en cas de procédure classique de contrôle fiscal et de toute autre procédure qui en
découle.
C’est pourquoi proposer la déduction d’un certain pourcentage sur les montants de la base
imposable serait une bonne mesure incitative pour souscrire à un accord préalable sur la
méthode des prix de transfert. Dans ce cas précis, il faut pour respecter un certain équilibre,
accentuer les sanctions en matière d’évasion afin que lorsque les individus détenteurs des
pouvoirs de direction sur les personnes morales effectueront leurs calculs « coût-opportunité »
ou « risques-avantages », optent pour le respect des règles fiscales et pour le gain fiscal
légalement acquis par la signature d’un accord préalable.
Il est clair que tant que nous ne changerons pas la mentalité de nos pays face à l’imposition, le
problème de l’évasion persistera. La sensibilisation, l’éducation, la compréhension sont des
armes largement plus efficaces que la répression ou la condamnation même s’ils se doivent
d’exister. L’éducation des contribuables viendra dans sa globalité modifier la façon de penser de
nos sociétés civiles. Le changement de perception de la société civile face à l’impôt et à
l’évasion nous autorisera à prévoir des sanctions plus sévères que tous accepteront puisqu'avant
de sanctionner, le protecteur de la souveraineté nationale aura pris des mesures
d’assouplissement qui incitent à la responsabilisation des personnes morales. Plus le degré de
responsabilité est important plus le degré de sanction doit être élevé. Par la confiance que l'État
386
ou plutôt la Nation alloue avec cette mesure, elle s’octroie le droit d’accroître son châtiment.
Cette démarche positive si elle est expliquée à tous et non pas seulement aux personnes morales
améliorera la perception qu’ont les individus de l’administration qui dans l’esprit collectif
français est une sorte de cyclope de glace déconnecté de toute réalité humaine et dans l’esprit
collectif italien, un colosse qui par la faiblesse de ses pieds d’argile n’arrive pas à se mouvoir
sans le soutien d’une personne haut placée sur laquelle il peut s’appuyer pour marcher ou
devrions nous dire fonctionner.
La modification des mentalités par l’instauration de mesure incitative à la signature d’accord
préalable et l’augmentation des mesures de sanction peuvent être un moyen efficace à la lutte
contre l’évasion fiscale via les prix de transfert et donc à l’augmentation et la sécurisation des
rentrées fiscales. Outre cette mesure financière, il peut exister d’autres moyens non financier
pour sensibiliser et responsabiliser nos individus et nos sociétés civiles au respect de leur
obligation de contribution aux charges publiques.
Une fois la phase d’échange terminée, l’autre autorité compétente informe l’administration, où
fut déposée en premier la demande, de son acceptation ou du rejet de l’accord.
En cas de rejet de la proposition faite par l’administration italienne, l’accord qui a été établi
avec le contribuable avant son envoi à l’autre autorité compétente adoptera un caractère
d’unilatéralité et sera soumis à signature du contribuable et de l’autorité italienne pour légaliser
sa mise en place.
En cas de rejet de la proposition faite par l’administration française, la procédure sera réputée
close et les services fiscaux français informeront le contribuable de ce rejet, conformément à ce
que prévoit l’instruction administrative sur l’accord préalable bilatéral dans sa section 3.
Au final tout le temps passé et le travail effectué par la société et l’administration française en
vue d’atteindre les objectifs inhérents à cette procédure d’accord préalable seront réduit à néant.
S’agissant de la demande d’accord bilatéral, il est logique que la non-entente entre les États
parties entraîne l’absence d’accord. Mais ce qui semble étonnant c’est que la caducité de la
demande d’accord bilatéral n’entraîne pas de facto l’instauration d’un accord unilatéral sur les
prix de transfert. La phase d’examen conjointe entre l’administration et le demandeur conduit à
une prise de position unilatérale de l’administration française. Le temps passé par les agents
fiscaux à étudier les documents fournis, à visiter les installations, et le temps passé par le
demandeur à fournir cette documentation, à recevoir les agents fiscaux, à se rendre aux réunions
387
techniques prévues par obtenir l’accord n’entraîneront légalement aucun effet et l’avantage
psychologique positif qu’aurait pu générer la phase d’examen conjoint entre l’administration et
le contribuable occasionnera un sentiment de déception et d’abandon pour le contribuable.
A présent, il lui reste la possibilité de rebondir sur une demande d’accord unilatéral. Mais pour
cela il faut recommencer à l’initial la procédure d’accord unilatérale et sa phase d’instruction
qui prend un certain temps et demande une certaine disponibilité. A ce stade, il se peut que le
demandeur remette en cause ce procédé et son utilité, ainsi que l’efficacité de son
administration. Face à ce constat fort possible, il est étonnant que l’instruction administrative 4-
A-11-05 du 24/06/2005 n’ait pas anticipé ce possible rejet psychologique et rédigé une clause
de ce type :
« en cas de non-entente entre les autorités compétentes pour la conclusion d’un accord
bilatéral, la position prise par l’administration constituera une proposition d’accord préalable
unilatéral envers le demandeur ; le service chargé de l’instruction de la demande adressera au
contribuable une lettre définissant les termes de l’accord unilatéral. Le contribuable fera
connaître en retour et par sa signature son intention de s’engager à respecter les conditions
d’application de cet accord ».
Alors que cette même instruction sur l’accord unilatéral stipule dans sa dernière section, la
section 4 que :
«Le contenu de la demande, le déroulement de la procédure, la conclusion de l’accord, le
mécanisme de suivi et de renouvellement de l’accord préalable unilatéral de prix sont décrits
dans l’instruction 4 A-8-99373 à laquelle il convient de se reporter. Bien entendu, les
développements afférents à l’aspect bilatéral de cette instruction ne sont pas à prendre en
considération ».
Elle vient même préciser que :
« Les documents à présenter à l’appui de la demande d’accord préalable unilatéral et la
justification de la méthode retenue pour la détermination des prix de transfert sont identiques à
ceux exigés pour une demande d’accord bilatéral ».
373
BOI 4 A-8-99 ; Dr fisc. 1999, n°40,instruction n° 12296 relative à la procédure d’accord préalable bilatérale sur les
prix de transfert.
388
Au vu de ces éléments, où la procédure d’accord unilatéral suit celle de l’accord bilatéral
comme il a été dit ci-dessus. Il est difficile de comprendre pourquoi la doctrine administrative
n’a pas rentabilisé les travaux et recherches effectués lors de la procédure bilatérale en
prévoyant automatiquement la substitution de ladite procédure par celle de l’accord unilatéral
dont l’instruction nécessite tout au moins les mêmes documents que ceux prévus pour la
recherche d’un accord bilatéral.
La doctrine reconnaît la mésentente qu’il peut y avoir entre administrations fiscales, elle en fait
même une condition d’ouverture à l’accord unilatéral mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin
et créer ainsi une situation paradoxale. Cela montre la réticence de la doctrine administrative
concernant cette technique. C’est d’ailleurs l’intervention du législateur qui l’a obligé à
réglementer sur les modalités de cette nouvelle procédure qu’elle considère comme secondaire.
Mais justement en prévoyant cette clause de subsidiarité, elle aurait renforcé le caractère
principal de l’accord bilatéral. Il serait devenu dans la logique des demandeurs comme les
prémices à tout accord préalable unilatéral, créant ainsi une continuité entre les accords
préalables et non une opposition comme l’esprit des textes nous laisse le percevoir. Par la même
occasion cette clause de subsidiarité permettrait au contribuable demandeur de ne pas essuyer
un rejet cuisant en cas de négociation inter-étatique non concluante. Puisqu’il se prévaudrait
tout au moins d’un accord unilatéral le protégeant de tout changement doctrinal et de tout
rehaussement prévu sur la base de l’art 57 CGI. Mais à trop vouloir promouvoir la bilatéralité
en matière d’accord sur les prix de transfert, il se peut que la mauvaise publicité qui pourrait
naître soit de l’incapacité entre certaines administrations à conclure un accord bilatéral soit de la
situation paradoxale générée par l’administration, pousse les entreprises multinationales dont la
logique est toujours productive à se désintéresser de ce procédé qu’il soit bilatéral ou unilatéral.
L’union Européenne est le fruit du marché unique, tous les États admettent sans réserve la
libéralité du marché et la nécessité de respecter le principe de pleine concurrence, il serait donc
normal qu’ils s’accordent tous lors de l’établissement d’un accord préalable mais ce n’est pas
toujours le cas. Il serait donc nécessaire pour l’intérêt du marché européen et par la même pour
l’intérêt du marché mondial que notre droit communautaire à qui nous reconnaissons une place
prédominante dans la hiérarchie de normes édicte une directive venant obliger les États
membres de l’UE à la conclusion d’accord préalable bilatéral.
Cette logique est applicable au niveau mondial puisque les traités ont également une valeur
supralégislative et pourrait s’appliquer aux pays membres de l’OCDE ou ayant des relations
389
privilégiées avec celle-ci , mais ces différents États n’ont pas opté pour la logique d’intégration
communautaire, de ce fait nous préférons exposer cette possibilité au niveau européen.
Cette mesure est tout à fait viable au regard de ce qui existe en matière de fiscalité. Nous
voulons pour exemple la convention européenne sur « l’élimination des doubles impositions
dans le cas de correctif des bénéfices entre entreprises associées ». Cette convention d’arbitrage
qui fut signée le 23/07/1990374 crée un comité consultatif qui émet un avis contraignant au cas
où les États parties concernés ne trouvent pas d’accord tendant à l’élimination de la double
imposition née de la pratique des prix de transfert.
Il serait donc aisé d’un point de vue légal de créer sur la base du droit communautaire une
obligation de résultat incombant aux États membres en vue de l’adoption d’un accord préalable
bilatéral. Pour ce faire, la directive semble un moyen plus approprié que la convention et
pourrait allouer des moyens financiers, matériels et humains indispensables à la rapide et
effective application de cette nouvelle mesure qui tendrait à créer un Accord Préalable
Européen. Nous parlerons de cette possibilité dans la partie dédiée à l’amélioration de nos
systèmes de défense contre les transferts indirects de bénéfices.
Pour l’heure la procédure existante permet d’aboutir à un accord préalable bilatéral car il arrive
que les États s’accordent.
F/ Entente entre les autorités compétentes
Si la négociation s’est révélée fructueuse et que l’administration étrangère a donné
son aval à l’administration française ou italienne pour la signature de l’accord préalable. La
société demanderesse recevra un écrit définissant les termes de l’accord entre les
administrations et elle-même. Après lecture des modalités de l’accord, la société pourra soit ne
pas y donner suite soit accepter volontiers les termes de l’accord préalable bilatéral sur les prix
de transfert et s’engager à les respecter, elle devra renvoyer le document signé à
l’administration où elle a initié sa demande qui le communiquera à l’administration étrangère.
G/ Contenu de l’Accord
L’accord qui est soumis à l’entreprise doit comprendre plusieurs informations, qu’il soit
unilatéral ou bilatéral, elles seront équivalentes. L’accord doit notamment faire figurer :
374
Convention 90/436/CEE
390
- Les entreprises et transactions couvertes par l’accord ;
- La description de la méthode de détermination des prix de transfert retenue ;
- La description des hypothèses de base et modalités de révision ou d’annulation de
l’accord (mécanismes d’ajustement compensatoires ou automatiques) ;
- La date d’entrée en vigueur de l’accord ;
- La durée de l’accord ou exercices couverts par l’accord ;
- Les renseignements à porter dans le « rapport annuel » et dispositif de suivi tel
qu’il est déterminé lors de l’accord ;
- Les conditions de renouvellement de l’accord
H/ Durée de l’Accord
Sur ce point la législation des différents pays peut varier mais elle imposera toujours
un minimum d’une durée de 3 ans sur les conseils de l’OCDE.
Comme le prévoit les textes qui nous intéressent ici, l’accord peut être pris pour une durée fixe
de 3 ans pour l’Italie375 et de 3 à 5 ans pour la France376.
Les différentes administrations parties décident de la durée à donner à l’accord en retenant
comme critère le type d’activité, le secteur concerné ou la particularité du produit. S’il s’agit
d’une activité classique avec un processus de fabrication connu et des matériaux communs, les
États opteront pour une durée de 5 ans car ce secteur du marché revêt une certaine stabilité qui
pousse à une sécurisation à long terme des échanges intra-groupes. En revanche si cette
branche du marché est enclin à certaines mutations de part l’amélioration continue des procédés
de fabrication, la rareté des biens de productions ou la nouveauté du produit ou service, les
services fiscaux opteront par souci d’efficacité pour la période la plus courte, celle de 3 années.
L’autre critère qui influe sur la période est qui n'attrait pas à l’activité de l’entreprise, ce sont les
relations entretenues avec l’autre autorité compétente. Si des accords ont déjà été signé
auparavant, ils opteront pour la même durée que celle fixée dans les précédents accords. Pour
375
Articolo comma 2 Legge n°326/2003 376
BOI 4 A-8-99 Chap 3 Section 3.
391
que cet accord soit vraiment effectif et offre le maximum de garantie il faut que la date d’entrée
en vigueur de cet accord entre les parties soit la même tout comme la date de fin d’accord ou de
renouvellement de l’accord. Ainsi les administrations arrêteront une durée commune qui sera
conforme à la durée prévue par les textes fiscaux applicables dans leur législation respective.
Si un accord devrait être signé entre la France et l’Italie, au vu de la législation italienne,
l’accord ne pourrait dépasser une durée initiale de 3 années à compter du 1er exercice sur lequel
porte la demande. Si la demande concerne l’exercice de 2012, l’accord arrivera à terme à la
clôture de l’exercice de 2014 à savoir le 1er janvier 2015.
S’agissant de l’accord unilatéral, l’administration italienne respectera le délai de 3 ans alors que
l’administration française retiendra le 1er critère concernant le secteur ou le produit objet de la
transaction. La durée sera laissée à la discrétion de l’administration qui fixera un délai de 3 à 5
ans renouvelable.
I/ Effets de l’Accord
Comme nous l’avions précédemment vu, l’accord préalable a un double objectif, le
1er étant de valider une méthodologie initialement proposée par une société ou groupe de société
pour qu’elle fixe, conformément au principe de pleine concurrence, les prix de ses transactions
intra-groupes qui ne pourront être remise en cause par l’administration ce qui préserve la société
de tout rehaussement fiscal sur la base de l’art 57 CGI et de l’art 110 comma 7 TUIR ; le second
étant de préserver la société signataire d’un accord bilatéral, de tout risque de double imposition
ce qui par la même occasion vient préserver l’assiette fiscale des États parties.
Une fois l’accord signé, l’administration partie s’interdit de remettre en cause l’accord qu’il soit
bilatéral ou unilatéral tant que la société, réputée de bonne foi, respecte tous les engagements
dudit accord.
Cela implique que toute « présentation erronée des faits, dissimulation d’informations, erreurs
ou omissions imputables au contribuable lors de l’établissement de sa demande » ou tout « non
respect des obligations contenues dans l’accord par le contribuable ou manœuvres
frauduleuses » auront pour effet d’engendrer l’annulation de l’accord, qui sera donc considéré
comme n’ayant jamais existé. L’administration se devra d’informer l’autre autorité compétente
de ce manquement afin qu’elle considère également de son coté l’accord comme nul et non
avenu.
En pratique, l’administration s’apercevra du manque de sincérité de l’entreprise signataire lors
de la réalisation de ses contrôles habituels. Car la garantie qu’offre l’art L80 B LPF et 21 della
392
legge n. 413/1991, ne constitue pas immunité en matière de contrôle fiscal, ils obligent
l’administration à ne pas remettre en cause la méthode sur laquelle elle a donné son accord. Ce
qui veut dire que pendant toute la période de l’accord, si les services fiscaux l’estiment
opportun, ils pourront effectuer un contrôle fiscal de ladite société afin de vérifier la
comptabilité de l’entreprise et l’application de bonne foi de l’accord.
Outre la transmission d’informations erronées lors de phase d’instruction de la demande et le
non respect des obligations de l’accord, des éléments extérieurs à l’entreprise peuvent remettre
en cause cet accord préalable. Il s’agit des modifications des paramètres de base sur lesquels a
été fondé l’accord. Comme celui-ci concerne des transactions futures, il est demandé à
l’entreprise de fournir des hypothèses de départ réalistes et applicables pour les périodes
concernées. Elle doit également prévoir des ajustements en cas d’évolution du marché afin de
rester en phase avec l’application du principe de pleine concurrence. S’il s’avère que les bases
servant de fondation à cet accord sont instables et n’en garantissent plus la conformité face aux
normes économiques en vigueur, l’accord sera au mieux révisé afin de redevenir conforme à la
réalité du marché ou au pire il sera suspendu pour le reste de la période en cours.
La suspension de l’accord même si elle est regrettable pour l’entreprise et l’administration n’est
pas une remise en cause de la bonne foi de la société qui pourra se prévaloir des garanties
qu’offre cet accord sur toute la période où il a été appliqué sauf si bien évidemment la société
était consciente de ce changement et qu’elle n’ait pas avisé l’administration à temps. Ce qui
constituerait une application non sincère de ses engagements, comme prévu dans le cas
précédent.
J/ Dispositif de suivi
Quoiqu’il en soit, outre les mesures de contrôle classiques que peut utiliser
l’administration fiscale pour vérifier la comptabilité d’une entreprise, la doctrine fiscale a prévu
un dispositif de suivi au sein même de l’accord. L’octroi des avantages qu’offre cette procédure
naît du respect en toute bonne foi des obligations pour lesquelles l’entreprise s’est engagée.
Cette meure protectrice qu’est l’accord préalable implique un droit de contrôle pour
l’administration qui pourra vérifier d’une part la bonne exécution du contrat et d’autre part la
validité du cadre dans lequel l’accord a été signé.
Pour ce faire la société contribuable devra remettre un rapport annuel sur l’activité ou le produit
prévu dans l’accord afin que les services fiscaux puissent au vu des éléments fournis vérifier
393
que la méthode pratiquée pour fixer le prix de ses échanges intra-groupes est bien celle qui a
était retenue par l’administration. Les éléments qui doivent figurer au rapport sont précisés dans
l’accord lui-même et s’adaptent aux circonstances de fait de chaque société ou groupe de
sociétés. La date du dépôt de ce rapport annuel n’est fixée ni par la loi ni par les règlements
mais il apparaît logique que ce rapport soit généralement remis dans les 6 mois qui suivent la
clôture de l’exercice comptable.
Quoiqu’il en soit la date de dépôt du rapport sera inscrite à l’accord.
Si l’entreprise omet de remettre ce rapport, elle recevra une mise en demeure l’enjoignant de
respecter son obligation d’information. Si la société n’a pas répondu dans un délai de 30 jours
après notification de la mise en demeure, cela aura pour conséquence l’annulation dudit contrat
à compter de l’exercice pour lequel la société n’a pas déposé de rapport.
L’instruction administrative française vient rappeler que toutes les sociétés restent, malgré la
signature d’un accord préalable, soumises à l’obligation générale de garder à disposition de
l’administration toute la documentation qui attrait à la détermination de prix de transfert de
l’entreprise.
Après examen de ce rapport, les services fiscaux peuvent soit :
- Constater aucun manquement à l’accord, la société peut donc continuer de se
prévaloir des effets de cette procédure ;
- Estimer que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations ce qui entraînera
l’annulation du contrat à compter de l’exercice comptable concerné dans le
rapport ;
- Remarquer que la méthodologie est bien appliquée mais qu’elle conduit à des
résultats différents de ceux initialement prévus dans l’accord, principalement dus
à une modification des hypothèses de base. Dans ce cas le contrat sera révisée en
conformité avec les ajustements prévus à cet effet dans celui-ci.
K/ Non rétroactivité
Comme nous avons pu le voir ci-dessus, la demande d’accord auprès de
l’administration doit se faire avant le début du 1er exercice concerné par la demande et est
valable selon les cas pour les 2 à 4 exercices suivants.
La procédure d’accord préalable sur les prix de transfert concerne les transactions futures, il ne
peut donc en principe être rétroactif, mais la doctrine administrative des pays étudiés a prévu
394
une exception. L’accord peut concerner l’exercice durant lequel a été déposé la demande. La
seule condition nécessaire à l’obtention de cette exception est que la société vienne préciser
cette date dès le tout début de la procédure. Normalement, une société qui effectuerait une
demande d’accord préalable en juin 2012 devrait voir cet accord s’appliquer pour l’exercice de
2013 qui débutera dès Janvier 2013. Mais si lors de l’ouverture de la procédure en Juin 2012,
elle informe l’administration qu’elle souhaite jouir des garanties offertes par l’accord préalable
dès l’exercice de 2012 donc dès Janvier de cette même année, l’administration accédera à sa
demande en cas de conclusion d’un accord préalable.
Ce qui veut dire qu’a contrario, s'il s’avère que la société n’a pas, dès le début de l’initiative,
agit en toute bonne foi en respectant la méthodologie et les obligations qu’elle s’est
expressément engagée à honorer sur le papier. Elle ne pourra pas bénéficier de la prise de
position de l’administration. Il est donc préférable pour les sociétés d’effectuer leur demande
pour les exercices non entamés.
L/ Procédure de renouvellement
Dans l’optique où la société respecte ses obligations inhérentes à l’accord telle que
l’utilisation conforme de la méthodologie sur la fixation des prix de transfert approuvée par
l’administration et la remise annuelle du rapport d’information justifiant cette bonne
application. La société peut, au terme de l’accord préalable sur les prix de transfert à savoir 3 à
5 ans, demander le renouvellement de cette procédure afin que tous continuent à jouir des effets
de cette mesure préventive.
Pour cela, il faut que la société fasse la demande par LRAC auprès du même service 6 mois
avant l’expiration de l’accord pour la France et 3 mois avant en Italie. A défaut de demande de
renouvellement dans les délais, l’administration informera expressément le contribuable que
l’accord prendra fin à échéance. Le renouvellement de l’accord ne peut se faire de façon tacite,
il demande toujours la manifestation expresse de l’entreprise.
L’administration italienne s’engage à donner sa réponse par écrit au moins 15 jours avant la date
d’échéance. Plusieurs possibilités s’offrent à elle :
soit elle rejette la demande de renouvellement où figure les motivations de sa décision;
soit elle considère au vu du dispositif de suivi que l’accord est conforme à son objet et décide de
le reconduire pour la même durée. Mais l’administration fera toujours figurer dans cet écrit un
paragraphe indiquant que pour mieux évaluer l’opportunité de ce renouvellement elle se réserve
395
le droit demander à la société « des documents, données et informations » supplémentaires,
« inviter le demandeur ou son représentant à ce présenter afin d’obtenir des éclaircissements »
ou « procéder à la visite »377 des locaux de l’entreprise.
L’acceptation par l’administration française de la demande de renouvellement ne constitue pas
une reconduction du contrat comme cela pourrait le sous entendre mais s’apparente plus à une
nouvelle demande qui devra respecter les modalités d’instruction appliquées à la négociation
initiale. Pour l’administration, il ne s’agit là pas de reprendre les éléments nés de la première
instruction mais de respecter les modalités qui permettent d’obtenir les données nécessaires à la
demande.
La doctrine administrative précise qu’: « en l’absence de modifications substantielles des
conditions d’exercice de l’activité et des principaux paramètres de l’accord antérieur », la
nouvelle procédure de négociation « peut être allégée ». La prudence voire la méfiance de
l’administration se fait sentir, car si tous les termes de l’accord ont été respecté ainsi que les
délais, s’il s’agit de la même activité ou produit et que les paramètres de base n’ont pas évolué,
pourquoi imposer une nouvelle fois les mêmes modalités d’instruction et utiliser l’expression
« la nouvelle procédure de négociation peut être allégée » et non pas : « la nouvelle procédure
est allégée. » ; ce qui laisse une marge de manœuvre à l’agent fiscal instructeur du dossier qui
choisira à son gré d’alléger ou non la phase de négociation d’un même accord qui s’effectuera
dans les mêmes circonstances et selon les mêmes modalités que le précédent. Au final le
contribuable doit fournir à nouveau tous les éléments nécessaires à l’établissement de l’accord
ce qui pourrait lui paraître contraignant et improductif puisque les dispositifs de suivi auxquels
il se soumet existent pour vérifier chaque année la juste application de la méthodologie et la non
modification des paramètres préétablis. Concernant le renouvellement d’accord unilatéral,
l’instruction en la matière378 n’apporte aucune précision et renvoi à l’instruction sur l’accord
préalable bilatéral379 qui fait surtout état de la phase de négociation entre autorité compétente.
Vu le caractère subsidiaire de cet accord unilatéral, les modalités d’instruction devront être
strictement respectées pour permettre sa reconduction.
377
Provvedimento du 23/07/2004 § 12. 378
BOI 4 A-11-05 379
BOI 4 A-8-99
396
Les détenteurs du pouvoir législatif et exécutif italiens et français suivent le même
objectif mais n’utilisent pas la même approche ni le même esprit pour présenter et promouvoir
la procédure d’accord préalable. La procédure italienne s’apparente plus à une demande
d’accord unilatéral qui sera ensuite soumis comme le veut l’art 8 al 3 de la loi n°326 du
24/11/03, à la signature de l’autre État.
En France, l’administration insiste sur le fait que dans les deux mois qui suivent le dépôt de la
demande, tous les documents transmis à l’autre État doivent impérativement lui être remis en
copie. Nous sommes en droit de nous demander si ceci est fait dans un souci qualitatif
d’établissement de l’accord ou si cela correspond à la tradition administrative de vouloir tout
connaître à l’instar d’une mère dominatrice à qu’il ne faut absolument rien caché. D’autant
qu’une fois hors de France l’administration n’a que peu de moyens de savoir si tous les
documents fournis à l’autorité étrangère lui ont été strictement transmis. Cette attitude a pour
incidence de se traduire comme un manque de confiance envers les sociétés situées en France
ce qui vient s’opposer à la présomption de bonne foi applicable à tout contribuable.
Paradoxalement La méfiance incite à la désobéissance, il est donc regrettable d’entacher la
volonté de l’administration française de se présenter comme un collaborateur du monde des
affaires en adoptant inconsciemment peut être une habitude autoritaire.
Dans le système italien, le législateur et agents de l’administration donnent réellement le
sentiment d’agir comme des collaborateurs, d’ailleurs la phase de négociation ne se limite pas
aux autorités compétentes. Le contribuable est invité par l’administration à siéger à la table des
négociation où l’échange contradictoire est de principe. Dans cet optique une dialectique
s’installent entres ces deux acteurs dont les intérêts premiers se veulent plutôt opposés.
De plus, il est clairement exposé dans l’instruction administrative française que la non
acceptation de l’accord par l'État étranger entraîne sa nullité. Alors que la réglementation
italienne ne fait pas état de cette annulation de procédure ; libre choix est laissé à
l’administration en cas d’échec des négociations avec l’autre autorité compétente de requalifier
cet accord qui se voulait bilatéral en accord unilatéral. Tout au moins l’administration italienne
fait économie du temps passé à instruire ce dossier en le rendant applicable. Pour le
contribuable qui cherche à sécuriser sa fiscalité d’entreprise et s’accorder avec les autorités, une
demi satisfaction est toujours préférable à une totale frustration.
Il existe d’autres moyens préventifs qui permettent d’apporter une certaine sérénité quant à la
situation fiscale de l’entreprise comme par exemple la demande de contrôle fiscal à l’initiative
397
du contribuable codifiée à l’art L13C LPF. Sur cette base, une entreprise peut demander à
l’administration de vérifier des points précis concernant des opérations que la société a déjà
réalisé avant et pendant l’année en cours, pour cela l’administration effectue son contrôle
généralement au siège social de l’entreprise. Si l’administration accepte d’effectuer ce contrôle
chacune de ses observation ou conclusions emporteront la garantie couverte par l’art L80 A LPF
et constitueront des prises de position formelles de l’administration conformément à l’art L80 B
LPF. Vu que notre étude s’adresse aux groupes multinationaux nous ne développerons pas plus
cette pratique.
Ce contrôle ne s’applique pas à notre étude pour deux motifs. L’instruction administrative du
n°47 du 14 mars 2006380 qui prévoit les modalités d’application de ce contrôle volontaire, vient
expressément exclure de son champ les Grandes Entreprises ainsi toutes les demandes portant
sur les prix de transfert eu égard à l’importance et la nature des investigations qu’elles
requièrent. Par contre, il existe au sein de nos législations des mesures mieux adaptées aux
grandes sociétés qui se sont vues chargées d’une obligation de remise documentaire concernant
la fixation de leur prix de transfert.
Section II / La remise documentaire propre au prix de transfert : « il Masterfile »
Les pays États membres de l’UE sont conscients des enjeux relatifs à la
problématique des prix de transfert. A ce titre, les réunions du conseil de l’UE où participent les
ministres de chaque État membre selon leur domaine de compétences servent à orienter et
coordonner l’action des pays membres dans un souci d’harmonisation de nos législations et de
recherches de solutions communes aux problèmes contemporains. Pour ce qui touche à la
matière fiscale, le conseil se réunit en formation dite ECOFIN regroupant tous les Ministres de
l’Economie et des Finances des États membres. Le conseil de l’UE exerce ses prérogatives
législatives sur propositions faites par la Commission Européenne.
380
BOI 13 L-2-06 du 14 mars 2006
398
Sous Section 1. Un code de conduite européen
Par une communication du 23/10/2001 intitulé : « vers un marché intérieure sans entrave
fiscale », la Commission Européenne a invité le conseil de l’UE à créer un Forum conjoint de
l’UE sur la fixation des prix de transfert (FCPT).
C’est en juin 2002 que fut créé de façon informelle ce forum conjoint qui traite toujours de la
problématique des prix de transfert au sein de l’UE. Ce groupe d’experts qui fut officiellement
reconnu en 2006 a pour mission de « conseiller la Commission Européenne sur les questions
fiscales en matière de prix de transfert »381, proposer des moyens d’harmoniser les pratiques des
Etats membres en matière de prix de transfert et donc de lutter contre l’évasion fiscale.
Pour cela, ils s’appuient sur les différents rapports émis par l’OCDE concernant « les principes
directeurs en matière de prix de transfert » ou « OCSE Guidelines » dont le 1er date de 1979382
qui sera complété par celui du 13/07/1995383 qui lui-même sera complété et mis à jour par le
rapport du 22/07/2010.
Concernant l’obligation de documentation portant sur la méthodologie de fixation des prix de
transfert il faut se référer au chapitre V dudit rapport qui apporte des recommandations
concernant les pratiques administratives et les documents qui pourraient être fournis par les
entreprises associées pratiquant des échanges intra-groupes, pour cela le groupe d’experts qui
forme le forum conjoint de l’UE, a sur la base de ce chapitre transposé ces recommandations au
cadre communautaire. Ce qui a donné lieu à une résolution du conseil de l’UE en date du
27/06/2006 créant : « un code de conduite relatif à la documentation des prix de transfert pour
les entreprises associées au sein de l’UE » qui pourra être repris de façon identique ou non384
dans chaque législation nationale.
Les travaux de l’ OCDE permettent de poser le cadre général dans lequel la Commission et le
Conseil de l’UE ainsi que les États membres doivent agir. Le forum conjoint de l’UE respectent
les prérogatives émises par l’OCDE mais vient préciser la nature des différents documents que
381
Décision de la commission européenne du 22/12/2006 :instituant un groupe d’experts sur les prix de transfert. 382
Rapport de l'OCDE :« Prix de transfert et entreprises multinationales » 1979. 383
Rapport de l’OCDE: “Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises
multinationales et des administrations fiscales » 1995. 384
Résolution Conseil UE 27/06/2006 : « considérant que tout État membre peut décider de ne pas prévoir de règles en
matière de documentation relative aux prix de transfert ou d'exiger une documentation moins importante que celle visée
dans le code de conduite figurant dans la présente résolution; »
399
les États membres devront demander aux sociétés associées exerçant dans l’Union Européenne.
L’objectif est de créer une documentation standardisée et partiellement concentrée.
La position de l’OCDE en tant que comité scientifique veille à garantir un certain équilibre
entre les parties afin de préserver la fiscalité des pays et veiller à la bonne marche du commerce
européen et mondial.
L’OCDE insiste sur le rôle des entrepreneurs et leurs responsabilités, ils doivent anticiper et
retenir les documents utiles qui permettront de justifier au mieux leur politique ou le choix de la
méthode adoptée en matière de fixation des prix de transfert, témoignant ainsi de l’effort réel de
se conforter aux règles du commerce international et à la législation fiscale du pays dans lequel
ils se trouvent.
L’OCDE va plus loin encore en énonçant que chaque contribuable devrait : « s'efforcer de
déterminer ses prix de transfert sur le plan fiscal conformément au principe de pleine
concurrence […] avant de fixer ces prix. »385
Cette conception du comité des affaires fiscales de l’OCDE joue sur la bonne foi du
contribuable qui doit intégrer un mode de pensée fiscal à sa pratique économique, ce qui semble
évident pour certains et qui l’est beaucoup moins pour d’autres. En agissant de la sorte, la
société anticipe toute remise en cause de sa politique sur les prix de transfert. Par cette
anticipation elle vient limiter le temps d’action de l’administration au sein de sa structure et
écarte tous risques de sanctions administratives. Cette attitude correspond au principe de gestion
prudente d’une entité économique, cher à l’OCDE, qui prône le respect des règles et bonnes
pratiques visant à préserver la santé financière de la société.
Le bénéfice de cette mesure qui nécessite la conservation des documents justifiant la fixation de
ses prix de transfert ne peut être qu’appréciable. Comme le signale le directeur de l’Agenzia
delle Entrate, cette pratique s’inscrit dans un contexte plus ample d’amélioration des relations
entre contribuable et administration financière comme prévu à l’art 10 « del Statuto dei diritti
del contribuente » et tend à augmenter le degré de « compliance »386. Ce terme anglophone peut
se traduire par la compréhension des acteurs économiques des pratiques fiscales et leurs
nécessaires applications, ou plus généralement par la reconnaissance des règles préétablies et
leur bien fondé.
385
Rapport de l’OCDE 1995, Chapitre V, paragraphe 5.3 386
Circolare N.58/E, provvedimento del Direttore dell’agenzia delle Entrate, paragrafo 2 p 8.
400
C’est d’ailleurs dans cette logique que le comité des affaires fiscales considère que l’obligation
documentaire qui pèse sur les sociétés doit être anticipée par l’entreprise elle-même, mais
exécutable uniquement lors de la phase de vérification par le contrôleur fiscal.
Le comité des affaires fiscales de l’OCDE insiste sur le caractère non figé des prix de transfert
dont la fixation varie selon la conjoncture du marché ou la structure de l’entreprise. Par
principe, il invite les États membres à ne pas imposer à leurs sociétés internationales résidentes
une remise documentaire annuelle ; mais si vraiment les pays souhaiteraient opter pour
l’exception et associer cette mesure à l’obligation annuelle de déclaration fiscale, alors les
documents demandés devraient: « se limiter à ceux qui sont suffisants pour permettre à
l'administration fiscale de se faire une idée des contribuables devant faire l'objet d'un examen
plus approfondi »387.
Ce point qui semble être un détail, révèle au contraire un enjeu processuel primordial. Car il ne
faudrait pas omettre dans nos législations respectives la règle en matière de charge de la preuve.
Nos deux systèmes reconnaissent et appliquent l’adage juridique : « Actori incumbit probatio :
la charge de la preuve incombe à celui qui allègue ».
C’est l’administration qui en premier lieu doit motiver sa décision de rehaussement en
démontrant que les prix de transfert pratiqués ne sont pas conformes au principe de pleine
concurrence. Pour arriver à cette conclusion il faut généralement effectuer une vérification
fiscale du contribuable qui en cas de transfert indirect de bénéfices subirait un rehaussement de
son imposition dans le pays où s’effectue le contrôle.
Cette documentation offre à l’administration un possible renversement ou détournement de
charge de la preuve puisque les sociétés qui remettraient de façon annuelle et circonstanciée les
documents attestant du bien fondé de leur prix de transfert viendraient en réalité justifier de la
conformité de leur prix par rapport au principe de pleine concurrence. Ce qui porterait une
grave atteinte à deux de nos principes juridiques les plus importants à savoir celui de la charge
de la preuve et celui du caractère contradictoire de la vérification fiscale.
Il ne faudrait pas tomber dans la facilité d’action car l’instauration d’une obligation
documentaire annuelle et détaillée serait contraire aux principes en vigueur et sanctionnable par
le juge national et européen du fait du caractère inégalitaire de la procédure. Ce qui viendrait
annuler tout rétablissement de l’impôt réellement dû.
387
Rapport de l’OCDE 1995, Chapitre V, paragraphe 5.15
401
C’est pourquoi les pays qui souhaiteraient malgré cela imposer cette obligation de façon
annuelle doivent le faire avec prudence et prévoir une mesure compensatoire ou exonératoire.
Sur la question du moment de la remise documentaire, le code de l’UE sur les prix de transfert
reste silencieux. Le groupe d’expert européen a volontairement omis de remettre la
recommandation de l’OCDE pour laisser une plus grande marge de manœuvre aux Etats de
l’UE.
S’agissant de la forme et de la nature des documents qui devront être présentés à
l’administration fiscale. Le Forum conjoint européen sur les prix de transfert est venu par son
travail énumérer les documents qui devront être fournis.
Sous Section 2. La nature des documents
Le comité d’expert considère que la documentation se doit d’être standardisée et
partiellement centralisée afin de simplifier les exigences en matière de prix de transfert
appliqués dans le cadre d’activités transfrontalières. L’Italie et la France suivent
scrupuleusement, d’un point de vue documentaire, les recommandations faites par le code de
conduite relatif à la documentation en matière de prix de transfert qui prévoit que chaque entité
d’un groupe multinational présent sur le sol européen doit constituer une documentation propre
et unique en respectant les mêmes règles pour tous. Ces différentes stipulations se retrouvent
respectivement pour la France et l’Italie dans l’instruction du 23/12/2010388 et « il
provvedimento » du 29/09/2010 prot. n. 2010/137654.
La société mère ou le siège d’un groupe d’entreprise doit réaliser un seul jeu de documents qui
servira de base pour présenter de façon globale l’activité du groupe sur le territoire de l’UE et
sur lequel se reposera chaque entreprise affiliée pour établir une documentation locale
concernant sa propre activité.
Il y a lieu de distinguer deux volets concernant cette documentation :
Le premier volet concerne tous les renseignements se rapportant directement au groupe
multinational et qui constitue la « documentation de base » qui sert notamment à refléter la
réalité économique de la firme multinationale et présenter les méthodes adoptées pour la
388
BOI 4A-10-10
402
fixation de ses prix de transfert. Elle doit être accessible à tous les pays membres de l’UE
concernés.
Le second volet regroupe tous les renseignements se rapportant à l’entreprise associée et qui
constitue la « documentation spécifique » qui complète la documentation principale, cette
documentation est dédiée principalement à l’administration fiscale dans le ressort de laquelle se
trouve la société affiliée mais ce qui n’exclut en rien sa possible communication à toute
administration légitimement concernée.
§1. La documentation de base ou « Masterfile » est constituée de toutes les
informations communes harmonisées valables pour toutes les entreprises
associées situées sur le territoire de l’UE, à savoir :
- une description générale de l'entreprise et de sa stratégie, y compris des
modifications apportées à cette dernière par rapport à l'exercice fiscal précédent;
- une description générale de la structure organisationnelle, juridique et
opérationnelle du groupe d'entreprises multinationales (comprenant notamment
un organigramme, une liste des membres du groupe et une description de la
participation de la société-mère dans les filiales);
- un inventaire général des entreprises associées, engagées dans des transactions
contrôlées, impliquant des entreprises établies dans l'UE;
- une description générale des transactions contrôlées impliquant des entreprises
associées établies dans l'UE, c'est-à-dire une description générale des éléments
suivants :
les flux de transactions (actifs corporels et incorporels, services,
éléments financiers),
les flux de facturation, et
les montants des flux de transactions;
- une description générale des fonctions exercées et des risques assumés, de même
que des changements intervenus au niveau de ces fonctions et risques par rapport
à l'exercice fiscal précédent, tels que le passage du statut de distributeur à part
entière au statut de commissionnaire;
403
- une liste des actifs incorporels détenus (brevets, marques de fabrique, marques de
commerce, savoir faire, etc.) et des redevances versées ou perçues ;
- une description de la politique du groupe en matière de prix de transfert pratiqués
entre entreprises ou une description de la méthode de fixation des prix de transfert
adoptée au sein du groupe, expliquant dans quelle mesure les prix de transfert de
l'entreprise respectent le principe de pleine concurrence;
- une liste des accords de répartition des coûts et des accords sur les prix de
transfert dès lors qu'ils impliquent des membres du groupe établis dans l'UE; et
- une déclaration dans laquelle chaque contribuable national s'engage à fournir, sur
demande, des informations complémentaires dans un délai raisonnable et dans le
respect des règles nationales.
§2. La documentation spécifique ou « documentazione nazionale » reprendra
les éléments et activités propres à la société associée, à savoir :
- une description détaillée de l'entreprise et de sa stratégie, y compris des
modifications apportées à cette dernière par rapport à l'exercice fiscal précédent;
- une description et une explication des transactions contrôlées spécifiques au pays
concernés, mentionnant notamment les éléments suivants:
les flux de transactions (actifs corporels et incorporels, services,
éléments financiers),
les flux de facturation, et
les montants des flux de transactions;
- une analyse de comparabilité englobant notamment:
les caractéristiques des biens et des services,
une analyse fonctionnelle (fonctions exercées, actifs utilisés,
risques assumés),
les clauses contractuelles,
la situation économique, et
les stratégies commerciales poursuivies;
404
En toute logique, la documentation doit être rédigée dans la langue du pays concerné,
concernant le « Masterfile » il pourrait être rédigé en anglais voire dans une des autres langues
officielles de l’UE tel le français afin de limiter les coûts de traduction. L’Italie a fait le choix
d’autoriser une présentation générale du groupe en anglais389 ; par contre la documentation
nationale doit être rédigée en Italien.
La doctrine française ne prévoit pas cette possibilité de fournir la document de base en langue
étrangère. Tour d’abord car le français est une langue procédurale officielle de l’UE tout comme
l’anglais ; étant donné que le groupe ou filiale exerce une activité sur le sol français il est clair
qu’elle utilise quotidiennement la langue du pays, elle possède donc le capital humain
nécessaire pour réaliser une traduction du document de base en français de plus que le
document spécifique doit obligatoirement être rédigé en français.
Le choix d’opter pour une documentation nationale en anglais par la doctrine italienne coïncide
avec l’invitation faite par l’OCDE et le FCPT de l’UE envers les firmes multinationales
d’appliquer ce procédé à la rédaction de la documentation pour le groupe et ses filiales quelque
soit leur situation géographique. Cela s’explique aussi par cette tendance de la société italienne
d’angliciser leur vocabulaire, faisant fi de la richesse de leur langue originale qui par sa
structure et son histoire s’est toujours opposée aux langues anglo-saxonnes. Dans un domaine
aussi spécifique que la politique de fixation des prix de transfert, les tempéraments qu’apporte
la richesse du vocabulaire des langues d’origine latine devraient être favorisés au détriment de
langues qui se veulent plus adaptées aux activités et à la négociation commerciale. D’ailleurs il
faut remarquer que malgré la prédominance de l’Anglais dans les relations internationales, la
langue française reste réputée comme étant la mieux adaptée aux relations diplomatiques.
La Commission Européenne devrait imposer lors de matière technique qui demande de la
précision une langue procédurale d’origine latine, et vu que le français répond à ces deux
conditions, elle aurait du être retenue et présentée comme option pour la réalisation de la
documentation de base. D’autant que le français est largement utilisé au sein de l’UE en matière
processuelle.
Quoiqu’il en soit cette remise documentaire ne constitue pas une option pour les entreprises
concernées mais bien un devoir qu’elles doivent honorer selon les conditions imposées par nos
différentes lois.
389
Provvedimento 29/09/2010 paragraphe 8.1 p 9.
405
Sous Section 3. Une obligation légale
Nos deux législations adoptent une approche diverse concernant cette obligation
documentaire.
La différence primordiale résulte dans la manière d’utiliser ce nouvel outil qui sert à lutter
contre la manipulation des prix de transfert.
Le législateur italien vient créer cette obligation documentaire en s’appuyant sur le texte de
portée général qui prévoit les sanctions applicables en cas de « violation relative à la déclaration
sur les revenus » prévu à l’art 1 du decreto legislativo du 18/12/1997, n°471, lequel dispose que
toute violation entraînera une sanction administrative pouvant aller de 100% a 200% des
montants dissimulés.
Par le decreto-legge du 31/05/2010 n°78 modifiant la loi du 30/07/2010 n°122, il est introduit
un alinéa 2-ter390 au decreto legislativo du 18/12/1997 qui prévoit que toute société honorant
son obligation documentaire en matière de prix de transfert ne pourra se voir sanctionner sur la
base de l’art 1 al 2 du decreto legislativo précédemment cité. Il vient créer un régime
d’exonération en matière de sanction administrative liée à la vérification fiscale et la
rectification encadrée par l’art 110 comma 7 TUIR. Les modalités précisant le champ et le
contenu de cette obligation documentaire furent apportées par une mesure ou
« provvedimento » émanant « del Direttore dell’Agenzia delle Entrate » en date du 29/09/2010
et repris dans la circulaire n°58/E du 15/12/2010. La remise de la documentation doit
accompagner la remise de déclaration annuelle sur les revenus.
Il s’agit bien là d'une mesure incitative qui répond aux invitations de l’OCDE qui depuis
1995391 insiste sur la nécessité de créer cette compilation documentaire qui permet de justifier
les prix de transfert intra-groupes effectués par les firmes multinationales. Cette obligation
révèle un double intérêt qui est celui de diminuer la durée des vérifications afin que les sociétés
390
Cfr. art. 1, comma 2-ter del decreto legislativo 18 dicembre 1997, n. 471: “In caso di rettifica del valore normale
dei prezzi di trasferimento praticati nell'ambito delle operazioni di cui all'articolo 110, comma 7, del decreto del
Presidente della Repubblica 22 dicembre 1986, n. 917 da cui derivi una maggiore imposta o una differenza del credito,
la sanzione di cui al comma 2 non si applica qualora, nel corso dell'accesso, ispezione o verifica o di altra attività
istruttoria, il contribuente consegni all'Amministrazione finanziaria la documentazione indicata in apposito
provvedimento del Direttore dell'Agenzia delle entrate idonea a consentire il riscontro della conformità al valore
normale dei prezzi di trasferimento praticati. Il contribuente che detiene la documentazione prevista dal provvedimento
di cui al periodo precedente, deve darne apposita comunicazione all'Amministrazione finanziaria secondo le modalità e
i termini ivi indicati. In assenza di detta comunicazione si rende applicabile il comma 2”. 391
Site OCDE: « Principes directeurs en matière de prix de transfert du 13/07/1995 »
406
retrouvent une ambiance normale de travail et surtout celui de faciliter la compréhension des
administrations fiscales lors des contrôles pour la détermination réelle des prix de transfert
pratiqués par les sociétés résidentes italiennes. Cela revient à dire qu’en cas de déclaration
infidèle de l’impôt sur les sociétés (Imposto sul Reditto delle Società), une opportunité est
laissée aux contribuables contrôlés afin de s’amender de tout comportement déviant en se
préservant d’une taxation administrative importante, pour cela il lui est demandé de fournir aux
contrôleurs les meilleurs moyens pour calculer son effective capacité contributive.
L’approche pourrait paraître laxiste car nous pourrions arguer que les sociétés honoreront leur
obligation documentaire tout en fournissant des documents qui ne révèlent pas la réalité ou qui
seraient intelligemment falsifiés mais la circulaire N°58/E met en avant l’importance de « la
collaboration basée sur la buona fede (bonne foi) et la transparence des rapports fiscaux »392.
Par cet équilibre de « sanction-exonération » le législateur cherche à modifier la psychologie de
ces entreprises ou groupes multinationaux en les invitant à reconnaître immédiatement leurs
éventuels défauts et à les réparer.
La législation italienne dans sa retranscription des prérogatives de l’OCDE a instauré cette
obligation documentaire à toutes le sociétés italiennes qui ont une activité internationale avec
une entreprise liée quelque soit leur taille ou chiffre d’affaire, même si des allègements sont
prévus pour les entreprises qualifiées de plus petites qui réalisent tout de même un CA inférieur
ou égal à 50 millions d’euros. Cette obligation de fournir un « Masterfile », terme utilisé par la
doctrine italienne, est une obligation annuelle qui doit accompagner la déclaration annuelle des
revenus. Cela montre la portée psychologique de cette mesure qui veut habituer au fil des
années les entreprises existantes et futures à fournir tous les renseignements concernant la
fixation des prix de transfert. Cette disposition légale aux vertus pédagogiques tend à un
encadrement moral de l’activité commerciale des sociétés et à l’accroissement du degré de
« compliance ».
Le législateur français adopte quant à lui une approche non exonératoire, plus classique de cette
recommandation faite par l’OCDE et reprise lors du Forum conjoint de l’Union Européenne
concernant le code de conduite relatif à la documentation des prix de transfert pour les
entreprises associées au sein de l'Union européenne (EU TPD) en date du 27/06/2006.
392
Circolare N58/E del 15/12/2010 p 8.
407
Il fut introduit dans l’ordonnancement français, par l’art 14 de la loi de finance rectificative
pour 2009, codifié à l’art L 13 AA du livre de procédure fiscal393, une obligation de tenir à
disposition de l’administration fiscale une documentation permettant de justifier la politique de
fixation des prix de transfert pratiquée par la société vérifiée.
L’insertion de cette disposition dans le cadre de l’art 13 LPF n’est pas fortuite car c’est ce cadre
législatif qui autorise l’administration fiscale à effectuer une vérification de comptabilité d’un
contribuable astreint à tenir et présenter tous les documents comptables pour justifier les
montants des revenus déclarés.
Le procédure fiscale est déjà dotée d’une disposition concernant une obligation d’information et
donc de remise documentaire qui est spécifique à la politique de fixation des prix de transfert.
Cette disposition est prévue à l’art L13 B al 2 LPF qui s’exécute toujours dans le cadre d’une
vérification de comptabilité et qui enjoint tout contribuable présumé réaliser des transferts
indirects de bénéfices de renseigner clairement l’administration sur la nature de ses relations
entretenues avec une ou plusieurs sociétés étrangères liées en droit ou en fait, la méthode de
détermination de ses prix de transfert accompagnée d’éléments justificatifs, les activités
exercées par chaque entreprise cocontractante et enfin le traitement fiscal réservé aux opérations
intra-groupes. Cette mesure qui se veut générale s’adresse en principe à toutes les sociétés à
caractère international qui échangent des biens ou services avec une société affiliée en droit ou
en fait, mais par exceptions elle ne s’applique pas comme il a été vu dans le Titre précédent aux
entreprises soumise à une obligation plus lourde.
C’est le nouvel article L13 AA LPF qui vient accentuer cette obligation mais l’imposer à un
certain nombre de sociétés, celles qui relèvent fiscalement de la Direction des Grandes
Entreprises (DGE) tel que défini à l’article 344-0 A de l’annexe III au code général des impôts,
à savoir les entreprises internationales dont le chiffre d’affaire ou l’actif brut est supérieure ou
égal à 400 millions d’euros.
Cette disposition confirme le caractère primordial des échanges au sein des grands groupes
multinationaux dans le commerce mondial.
393
Art L 13 AA LPF § 1 : « Les personnes morales établies en France : a) Dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes
ou l'actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 400 millions d'euros,[…] doivent tenir à disposition de
l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de
transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques liées au sens du 12 de l'article 39 du même code
établies ou constituées hors de France, ci-après désignées par les termes : " entreprises associées ”.»
408
C’est pourquoi le législateur français a limité cette obligation de documentation uniquement aux
grands comptes, écartant de ce fait toutes les autres sociétés qui elles restent soumises à
l’obligation classique. Voila une différence marquante sur le choix de nos législateurs car en
droit italien l’obligation documentaire au sens de l’art L 13 AA LPF vaut pour toutes les
sociétés effectuant des transactions intra-groupes. Là n’est pas l’unique différence importante
entre nos systèmes légaux puisque la loi italienne impose que le « Masterfile » doit
accompagner la déclaration annuelle de revenus, alors que la loi française dispose que
l’obligation documentaire qui pèse sur les grands comptes doit être exécutée uniquement
lorsqu’il y a une procédure de vérification à l’encontre de la société installée en France.
A l’inverse de la législation italienne qui adopte une mesure dérogatoire ou dite de
« disapplicazione della sanzioni » pour instituer cette obligation documentaire, la législation
française crée une obligation dont le non respect entraîne une sanction. Ici s’applique le système
classique d’« obligation-sanction » qui se veut tout aussi équilibré que le système de « sanction-
exonération » choisi par les pouvoirs publics italien conformément aux recommandations du
conseil de l’UE et de l’OCDE. Encore une fois le but poursuivi est identique tout comme la
mesure mais l’approche de nos législations sur cette obligation diffère.
Le gain de temps obtenu grâce à cette mesure permet d’augmenter le nombre de vérifications et
donc la fréquence des contrôles ce qui du point de vue de la rentabilité fiscale est largement
appréciable et cela qu’il y ait ou non transferts indirect de bénéfice. Si les sociétés ne respectent
pas cette obligation ou présentent des documents qui ne permettent pas de justifier de la
conformité des prix pratiqués, alors les rectifications fiscales viendront accroître le montant du
des finances publiques, la productivité de l’administration sera source de rentabilité financière.
Si les sociétés respectent cette obligation ou présentent des documents qui viennent confirmer la
normalité des prix de leurs transactions intra-groupes, alors il n’y aura nul besoin d’effectuer de
rehaussement puisque les montants déclarés seront réelles et la perception fiscale sera de ce fait
optimale. La productivité de l’administration ne viendra que confirmer une fiscalité déjà
encaissée mais aussi préserver cette rentabilité par des contrôles qui se veulent plus préventifs
que répressifs.
L’obligation documentaire est une mesure qui facilite le travail de l’administration tout en
offrant un moyen aux sociétés d’expliquer leur politique de prix de transfert. De plus ce
dispositif a une vertu éducative qui se doit d’être préservée par nos administrations. Pour cela
409
elles ne doivent faire de la remise documentaire une charge trop lourde pour l’entreprise en lui
demandant un nombre trop important de documents ou de justifications car la société aura vite
fait de penser que l’administration cherche d’une part la moindre information qui lui permettrait
de présumer d’un transfert indirect de bénéfice et d’autre part de détourner le système de la
preuve. Ce constat aurait pour effet de nuire à l’objectif andragogique de ce dispositif.
Malgré ses avantages, l’obligation documentaire instaurée par l’OCDE, reprise par le conseil de
l’UE n’entre pas dans le système normatif européen.
Nous aurions pu croire que cette mesure aurait du être imposé à tous les États membres mais
les termes de la résolution du 27/06/2006 sont sans équivoques. Elle nous rappelle à deux
reprises le caractère facultatif de ce code de conduite européen qui constitue : « un engagement
politique et n’affecte pas les droits et obligations des États membres », elle précise même
que : « tout État membre peut décider de ne pas prévoir de règles en matière de documentation
de prix de transfert. » Mais il semblerait étonnant que la plupart des États qui subissent
l’évasion fiscale n’adoptent pas cette règle concernant l’obligation documentaire.
L’Italie et la France ont clairement choisi d’insérer cette mesure dans leur législation car tous
deux souhaitent lutter contre cette forme d’évasion. L’objectif poursuivi est donc le même, par
contre l’approche est différente, c’est là que nous voyons l’influence culturelle dans
l’application du droit. Nous avons pu relever dans les paragraphes précédents les différences
notoires entre nos droits mais la principale différence résulte dans l’appréhension de cette
mesure par le législateur et la doctrine qui pour l’Italie considèrent celle-ci comme un
complément au contrôle a priori de la fixation des prix de transfert, alors que pour la loi
française, l’obligation documentaire se fera toujours dans le cadre du contrôle à posteriori et
plus précisément à la suite de la vérification fiscale. Le point de césure entre ces deux types de
contrôle se situe après l’envoi de la déclaration fiscale de l’entreprise ou à échéance de la date
d’envoi.
En optant pour une vision préventive dans son application de l’obligation documentaire, la
législation italienne considère ce « Masterfile » et cette « documentazione nazionale » comme
une continuité du « ruling internazionale » ou accord préventif sur les prix de transfert et
cherche à associer l’entité économique à l’activité de l’administration fiscale faisant de lui
« collaborateur » qui vient préserver les intérêts de sa société et de la Société. Par cette
410
approche conciliatrice, le pouvoir exécutif et législatif italien tend à modifier la mentalité de
l’acteur économique italien car toute approche frontale conduirait à un échec, la culture
méditerranéenne aime la conciliation mais cherchera toujours à se détourner et à détourner les
règles d'un système qui se voudrait inquisitoire.
A l’inverse, la conception adoptée par le législateur français concernant cette obligation
documentaire se veut respectueuse des recommandations des organisations européennes et
internationales en imposant l’exécution effective de cette obligation documentaire uniquement
lors de la phase de la vérification fiscale, c'est-à-dire après notification de l’avis de vérification.
L’approche et la présentation qui en faite est en parfaite osmose avec la culture juridique
française qui se veut très cadrée. C’est certainement pour cette raison que cette mesure voit son
champ d’action restreint aux grandes sociétés internationales qui réalisent un Chiffre d’affaire
supérieur ou égal à 400 millions d’euros.
D’un point de vue pratique cette limitation du champ d’action se veut conforme à la réalité du
problème et permettra de mieux le combattre.
En revanche la généralité de cette mesure tant par son champ d’application que part le nombre
de document à fournir pourrait en droit italien porter préjudice et nuire aux bénéfices escomptés
pour cette obligation. Sur ce point la doctrine française se veut encore très pragmatique et
indique que cet ensemble documentaire : « n’a pas vocation à excéder une cinquantaine de
pages.394 ». Par contre la position dominante adoptée par l’administration française vis-à-vis de
l’entreprise pourra quant à elle nuire aux bonnes relations avec le contribuable, écartant l’aspect
primordial qu’est la nécessité d’éduquer et de changer les mentalités. La notion anglo-saxonne
de « compliance » reprise par le Directeur de l’Agenzia delle Entrate dans son instruction du
29/09/2010 n’est pas assez recherchée par la machine administrative française.
En ce qui concerne le nombre de pages requis pour honorer son obligation documentaire en
droit italien la doctrine administrative n’a rien précisé à ce sujet. L’OCDE indique qu’en cas de
remise annuelle de la documentation, il ne faut pas que celle-ci soit excessive et doit fournir un
cadre qui permet de comparer les prix de transfert pratiqués par rapport à la valeur normale des
biens ou services échangés sur le marché libre.
394
Instruction du 23/12/2010 BOI 4A-10-10 paragraphe 21
411
A l’inverse l’OCDE préconise un nombre de pages plus important en cas de remise ad hoc.
Nous pouvons donc à raison estimer que le nombre de pages demandées par la doctrine
française constitue un maximum à ne pas dépasser. Mais il faut craindre que sur ce point
l’administration financière italienne de part sa culture soit moins « complaisante » et ne se
contente pas d’un maximum de cinquante pages. Le risque étant de fausser le jeu de la
collaboration et d’écarter le bénéfice du régime exonératoire en rejetant de façon systématique
le dossier présenté par une société qui se serait basée sur les recommandations de l’OCDE et du
code de conduite européen pour élaborer sa documentation.
Il est dommageable que la Commission n’ait pas été sur ce point plus précise et surtout qu’elle
n’ait pas proposé ce code de conduite sous forme de directive ce qui aurait eu pour effet de
généraliser cette pratique et d’accélérer l’harmonisation de la documentation et son formalisme
dans tous les États membres.
Cette distinction entre l’approche adoptée par l’Italie et la France nous a permis de démontrer
que cette mesure peut être considérée à la fois comme un moyen de lutte a priori ou a posteriori,
tout dépend de l’application qui en est faite. Il est vrai qu’en introduction nous avons opté pour
une approche comparative en prenant comme base de référence le droit français mais face à
cette différence de conception nous avons décidé de faire primer l’approche italienne car nous
devions tenir compte du fait qu’en théorie comme en pratique il est primordial que la
constitution de cette documentation se fasse concurremment à l’établissement des prix qui
seront appliqués entre les entreprises associées. Ce qui implique que cette justification
documentaire se fasse dès le début et tout au long du processus de fixation du prix afin de
prouver son aspect pleinement concurrentiel. Cette démarche expressément soulignée par
l’OCDE dans « les principes directeurs en matière de prix de transfert », reprise par la
législation italienne et qui se veut a priori à toute vérification de comptabilité explique pourquoi
nous n’avons pas voulu présenter l’obligation documentaire dans le chapitre sur le contrôle à
posteriori mais dans celui sur le contrôle préventif. Et notre choix se confirme par la très récente
loi du 06/12/2013 relative à la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
qui au travers de son article 45 a instauré une nouvelle disposition dans le CGI. En effet depuis
le 08/12/2013 l’article L 223 quinquies B oblige les entreprises soumises à l’obligation
documentaire posée par l’art L 13 AA LPF à fournir une version allégée de cette documentation
sur les prix de transfert dans les 6 mois suivant leur déclaration de résultat. Cette nouvelle
412
documentation est également composée de deux volets. Le 1er est relatif aux informations
générales portant sur le groupe d’entreprises associées telles que :
- Une description générale de l'activité déployée, incluant les changements intervenus au
cours de l'exercice ;
- Une liste des principaux actifs incorporels détenus, notamment brevets, marques, noms
commerciaux et savoir-faire, en relation avec l'entreprise ;
- Une description générale de la politique de prix de transfert du groupe et les
changements intervenus au cours de l'exercice ;
Le second volet est spécifique à l’entreprise déclarante et doit présenter :
- Une description de l'activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de
l'exercice ;
- Un état récapitulatif des opérations réalisées avec d'autres entreprises associées, par
nature et par montant, lorsque le montant agrégé par nature de transactions excède
100 000 € ;
- Une présentation de la ou des méthodes de détermination des prix de transfert dans le
respect du principe de pleine concurrence en indiquant la principale méthode utilisée et
les changements intervenus au cours de l'exercice.
Nous pouvons donc dire que la France tend à renforcer son dispositif de lutte en optant pour les
deux approches proposées par l’OCDE ainsi nous retrouvons le caractère a priori de ce mode de
contrôle comme c’est le cas dans la législation italienne à la différence que le respect de cette
obligation nouvelle n’est pas assortit d’une exonération de sanction en cas de rehaussement.
Mais cette nouvelle mesure respecte le souhait de l’OCDE qui demande à ce que la
documentation ne doit pas être excessive puisque le but de celle-ci est de permettre à
l’administration de se faire une idée sur le contribuable dont la situation fiscale mériterait un
examen approfondi.
Quoiqu’il en soit la récente application de ces dispositifs en fait indubitablement des moyens de
contrôle modernes. Après avoir fait état de ces dispositifs législatifs récents et leur application,
nous allons chercher à améliorer le contrôle fiscal des prix pratiqués lors des transactions intra-
groupes en vue d’endiguer les transferts indirect de bénéfices.
413
Chapitre II. Les pistes d'améliorations
La lecture comparative du droit nous pousse obligatoirement à la réflexion. Celle-ci
s’élabore au fil des présentations et analyses des systèmes. Cela nous amène en 1er lieu à repérer
les avantages et inconvénients d’une législation par rapport à une autre. Ce qui nous entraîne a
fortiori à définir quelles sont les mesures les mieux adaptées à la lutte contre les transferts
indirects de bénéfices. Indépendamment de leur origine, qu'elles soient françaises ou italiennes
cela n’a que peu d’importance l’essentiel étant l’effectivité et surtout l’efficacité de cette
mesure. Nous avons pu remarquer lors de nos différents développements que les dispositifs mis
en place sont souvent identiques du fait de la proximité de nos origines juridiques, de notre
situation géographique et évidemment de notre appartenance à l’Union Européenne dont l’effet
des directives et règlements influent directement sur nos législations nationales. La nature
même de la directive se veut bien adaptée à notre système d’intégration politique. La volonté
politique de l’UE n’est pas de créer une culture européenne indépendante et autonome mais
d’unir toutes ses cultures locales afin d’en faire la richesse de notre communauté. En ce sens la
directive est parfaitement appropriée à cet objectif car elle instaure un cadre qui permet de
respecter nos spécificités culturelles. L’acceptation de ce cadre unique montre qu’à un certain
niveau de réflexion, de positionnement philosophique ou politique nous partageons la même
culture mais nous devons respecter pour le bien de tous, les particularités locales qui fondent
notre Nation européenne issue de cette volonté commune de vivre ensemble dans la liberté,
l’égalité et la paix.
Les dispositifs de l’UE issus des travaux de l’OCDE, de la commission ou d’un législateur local
se veulent identiques d’un point de vue général mais l’étude des particularités nous permet
d’énoncer que les modalités mises en place dans un pays semblent mieux appropriées à
l’objectif communément poursuivi. Riche de ces multiples applications nous devons nous
appuyer sur celles-ci pour tendre vers un dispositif de défense plus optimal mieux adapté qui
tient compte notamment du caractère international des prix de transfert et du fait que la plupart
des Grandes Entreprises préfèrent s’assurer de la légalité de leurs activités.
Face à ce fléau que représente la manipulation des prix de transfert, la lutte accrue et incessante
des États pour endiguer ce système et préserver leurs fiscalités qui ne cessent d’être érodées du
fait de l’avancée continue de ce phénomène, principal facteur d’évasion fiscale en Europe, nous
sommes en droit de considérer qu’il y a une carence non pas d’actions mais de résultats des
414
États membres qui malgré une étroite collaboration ne parviennent pas à limiter ou même
freiner ce problème qui nuit lourdement et durablement aux intérêts économiques de l’UE et des
politiques publiques de croissance.
Que face à ces atteintes contre l’intégrité financière, économique et donc sociale de la Nation
européenne, il est nécessaire sinon primordial d’utiliser l’attirail juridique que nous offre notre
traité de l'UE et notamment l'art 5 al 3395 dont l'esprit et la lettre nous permettent de revendiquer
le recours à la souveraineté européenne seule capable de créer dans un délai raisonnable une
arme suffisamment efficace et puissante pour remporter la lutte contre la manipulation des prix
de transfert. Ainsi contribuerons-nous à abolir les frontières de la fiscalité pour qu’au sein de
notre Union, les entreprises liées puissent œuvrer en toute sécurité grâce à l’homogénéité des
règles fiscales. Ce qui aura pour finalité de pacifier les relations entre contribuables et
administrations, préserver l’imposition et instaurer plus d’équité fiscale au sein des États
membres de l’Union.
Pour cela, nous allons nous appuyer sur une mesure phare et innovante qui nous parait devenir
indispensable si la volonté politique de lutter contre ce phénomène évasif existe, il s'agit de la
mise en place de l’Agence Européenne de la Vérification Fiscale des Grands Contribuables
(AEVF) (section II). D’ailleurs même en l’absence de cette volonté commune des législateurs
ou administrations nationales nous verrons que des dispositions issues de la législation
communautaire confère la compétence suffisante pour dépasser les intérêts nationaux
particuliers et promouvoir ainsi l’intérêt supérieur de la Nation européenne.
Mais avant cela nous retrouverons des modalités du contrôle fiscal à priori qui existent dans
chacun de nos États mais qui méritent d’être renforcés par des mesures qui apparaissent
évidentes en vue d’élaborer dans la lignée du droit de communication européen, un Accord
Préalable Européen sur les prix de transfert (APE) (section I). Nous allons reprendre telles
quelles les mesures que nous considérons suffisantes et qui ont déjà donné lieu à un
développement approfondi mais nous insisterons sur celles qui méritent plus d’attention du fait
notamment d’une différence d’application au sein de nos législations nationales. Certaines
seront aménagées et d’autres seront créées pour favoriser l’efficacité de nos mesures modernes.
395
Art 5 al 3 Préambule Traité UE 09/05/2008 “3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne
relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action
envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau
régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de
l'Union.”
415
Nous adopterons comme postulat de recherche, l’amélioration des relations entre contribuable
et administration et la sécurisation tant des deniers publics que de la fiscalité des entreprises.
Pour parvenir à cela il faut restaurer la notion de consentement à l’impôt par une application
loyale et équitable de la loi fiscale tout au moins sur le sol européen envers ces Grandes
Entreprises pour qu’elles puissent continuer à produire et créer des richesses qui participent au
financement des politiques publiques nationales et européennes.
Section I / L’accord préalable européen sur les prix de transfert
Nous allons commencer par présenter les principes (sous section 1) qui régissent
notre idée avant de proposer une directive européenne (sous section 2) qui pourrait encadrer ce
dispositif d'accord préalable européen sur les prix de transfert.
Sous Section 1. Principes
Comme nous l’avons vu précédemment l’accord préalable unilatéral ou bilatéral
constitue un moyen efficace pour préserver la base fiscale des sociétés et éviter toute
rectification. Ces effets sont d’autant plus importants lorsque l’accord vient sécuriser la gestion
fiscale de l’entreprise dans deux ou plusieurs pays. C’est pour cette raison que le législateur
français fait de l’accord bilatéral le principe en la matière. Nos États sont convaincus des
bienfaits de l’accord préalable mais pour jouir de ces derniers, encore faut il qu'il soit conclu.
Tous les pays semblent partager cet enthousiasme autour de l’accord préalable et depuis ces
dernières années beaucoup d'entre eux se sont dotés de ce dispositif anti-évasif et la tendance
continue à se rependre à travers le monde. Malgré la reconnaissance explicite ou implicite du
principe de pleine concurrence par la quasi majorité des pays et leur référence aux travaux
réalisés en la matière par l’OCDE, la pratique nous démontre que la mise en place de ces
accords bilatéraux rencontrent des obstacles quant à la finalisation entre les autorités des
différents États. A tel point que le législateur français est intervenu pour forcer l’administration
à accepter de passer des accords unilatéraux avec les entreprises.
Nous avons également noter que la bilatéralité de l’accord préalable italien passe par la mise en
place d’un accord unilatéral par les autorités et une fois celui-ci terminé, il est soumis aux
416
autorités étrangères pour confirmation ou rejet. En cas de rejet celui-ci conserve sa nature
première et reste toujours applicable.
A la différence de la pratique française où les procédures d’accords existantes sont
indépendantes l’une de l’autre. Le déclenchement d’une procédure d’accord bilatéral qui au
final n’aboutira pas, sera considérée comme nulle conformément à l’instruction du
07/09/1999396 , et n’entraînera donc pas automatiquement la mise en place d’un accord
unilatéral reprenant les mêmes conditions. Il faudra que l’entreprise effectue une nouvelle
procédure. Cette attitude nous amène à la réflexion que tout d’abord l’approche pourtant
opposée de l’administration française et italienne quant à la conclusion des accords bilatéraux
traduit une attitude individualiste et non coopérative dans le sens où l’administration italienne
établit son accord qui devrait assurer pleinement le respect de sa fiscalité et ensuite elle le
soumet en l’état aux pays qui pourraient être intéressés. La France semble adopter une position
apparemment plus ouverte quant à la conclusion d’un accord bilatéral du fait de son caractère
principal et qui laisse à penser que la procédure d’accord unilatérale sera au final plus strict
quant aux conditions d’application de la méthode de calcul et des hypothèses de base.
Autrement dit que l’administration française se voudra plus ouverte en présence d’une autre
administration afin de finaliser leur objectif commun. Mais il n’en est rien puisqu’elle n’entre
pas en discussion avec l’autorité étrangère. Elle établira seule sa proposition d’accord et si le ou
les autres administrations étrangères ne s’accordent pas avec la position de la France alors
l’accord n’aboutira pas. Et dans ce cas il n’est nullement nécessaire de conserver les éventuelles
concessions qui auraient pu être admises pour favoriser l’adoption d’un accord à caractère
bilatéral. C’est pourquoi cette procédure doit s’éteindre pour permettre à l’administration
française de reprendre sa posture initiale face à la demande de la société.
Les accords bilatéraux sont des outils conventionnels qui servent à préserver l’assiette fiscale
des autorités parties à l’accord et éliminer les risques de double imposition ce qui permet de
stabiliser l’environnement fiscal des sociétés multinationales.
Au final l’accord bilatéral vient préserver la fiscalité des États et le traitement fiscal des
transactions intra-groupes qui sont prévues par l’accord. Ce qui veut dire qu'au moins quatre
personnes morales sont concernées à savoir les deux États parties et les deux entreprises liées
396
BOI 4 A-8-99, Section 3
417
qui commercent entre elles puisque les États s’engagent à ne pas remettre en cause la pratique
commerciale de ces entreprises apparentées.
En présence d’un groupe multinational qui développe une politique d’intégration verticale nous
pourrions facilement mettre en place un accord multipartite qui inclut toutes les juridictions des
États membres de l’UE sur les territoires desquels se trouvent les entités du groupe ; Ou à
défaut d’une entente commune sur la méthodologie applicable aux différentes opérations du
groupe du fait de leurs spécificités il serait plus aisé d’instaurer une chaîne d’accords bilatéraux
qui suivraient le même cheminement que les opérations transnationales du groupe. La plupart
des États concernés devront s’accorder avec aux moins deux autres États afin d’unir les
différents maillons de la chaîne.
Ce procédé est tout à fait possible et viable si la volonté des États est de suivre les
recommandations de l’OCDE qui demandent l’instauration de régimes fiscaux exempts
d’incitations fiscales dites dommageables ou agressives. L’UE ne pourra que partager cette avis
car il conduira à une harmonisation des législations des États membres et mettra fin aux
mesures qui entravent le marché intérieur. Ce but est réalisable car il ne sera pas mis en place
uniquement du fait de dispositions juridiques mais s’imposeront progressivement aux États
membres du fait de la pratique des accords bilatéraux et/ou multilatéraux créant ainsi un
consensus sur la fiscalité européenne. Mais pour parvenir à ce résultat qui marquerait une
grande avancée dans notre construction européenne, il faut trouver un moyen de lancer nos
États sur cette voie et au vu de la volonté politique réelle des gouvernants nationaux il faudra
nécessairement la mise en place d’au moins une mesure contraignante. Et pourtant c’est cette
même volonté politique qui à une autre époque, lança la création européenne. Mais celle-ci
semble s’être essoufflée au profit de politiques à court terme déconnectées de cette idéologie, et
qui ne pensent qu’à préserver, non sans mal, la richesse ou plutôt les finances de nos États face
à nos économies nationales en difficultés. Comme s'ils avaient omis que ce facteur économique
fut le fait historique initial qui aboutit à l’instauration d’une communauté économique et
politique afin d'éliminer toute discorde et de préserver la paix au sein des peuples.
L’existence de ces accords bilatéraux ou multilatéraux constitue un moyen de parvenir en 1er
lieu à cet objectif de sécurisation économique et d’harmonisation fiscale mais leur fondement
légal vient limiter leur portée puisqu’ils sont régis par le droit conventionnel qui repose
418
uniquement sur le consensus des États. En effet la base légale des ces accords se trouve à l’art
25.3397 de la convention modèle OCDE.
En conséquence, les accords ne peuvent être conclus qu'avec des États avec lesquels la France
ou l’Italie a signé une convention fiscale comportant une disposition similaire à l'article 25.3 de
la Convention Modèle OCDE :
« Les autorités compétentes des États contractants s'efforcent, par voie d'accord amiable, de
résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l'interprétation
ou l'application de la Convention. Elles peuvent aussi se concerter en vue d'éliminer la double
imposition dans les cas non prévus par la Convention.»
Nous devrions retrouver cette même disposition dans la convention fiscale franco-italienne du
05/10/1989. En effet, il existe un clause dite amiable dans ladite convention mais qui figure à
l’art 26. Par contre, aucun de ces 4 alinéas ne propose une formulation identique à celle de l’art
25-3 de la convention modèle OCDE. L’alinéa 2 de l’art 26 semble être celui qui se rapproche
le plus dans sa formulation qui veut que :
« 2. Dans le cas où l'exécution de certaines dispositions de cette Convention donnerait lieu à
des difficultés ou à des doutes, les autorités fiscales des deux États contractants s'entendront
pour interpréter ces dispositions dans l'esprit de la Convention. »
Cet alinéa comme le reste de l’article se réfère expressément aux dispositions présentes dans la
convention alors que le modèle OCDE permet aux différents États de s’entendre sur des : « cas
non prévus par la convention ».
Force est de constater qu’à la lecture de cette disposition, les accords préalables sur les prix de
transfert comprenant la participation des autorités françaises et italiennes ne peuvent avoir
comme assise juridique le droit conventionnel.
Bien heureusement, nos États détiennent au sein de leur législation interne les fondements
légaux qui permettent la conclusion d’un tel accord et qui se trouvent aux articles L 80 B al 7
LPF et 8 al 3 du DL 30/09/2003. Mais nous pouvons tout de même nous interroger sur la
397
Art 25-3 convention fiscale mod OCDE: « 3. Les autorités compétentes des États contractants s’efforcent, par voie
d’accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou
l’application de la Convention. Elles peuvent aussi se concerter en vue d’éliminer la double imposition dans les cas non
prévus par la Convention. »
419
légalité ou plutôt la conformité d’un accord bilatéral qui engage deux États souverains et qui
possède comme base légale une loi nationale.
Ce qui est encore plus intéressant et qui légitime de surcroît notre vision communautaire de
l’accord préalable européen résulte de la formulation de l’alinéa 3 de l’art 8398 qui débute en ces
termes :
« sur la base du droit communautaire, l’administration fiscale envoie copie de l’accord à
l’autorité fiscale compétente des États... ».
Donc la législation italienne autorise à se référer au droit communautaire pour établir des
accords préalables sur les prix de transfert, même si elle n’énumère pas explicitement cette
base.
La procédure de demande d’échange d’informations au sein de l’UE repose également sur une
loi nationale mais la différence résulte du fait que celle-ci prend clairement sa source dans le
droit communautaire qui se veut supranational. De plus, il ne s’agit que de transmissions
d’informations ayant aucune incidence sur les entrées fiscales de chaque État.
Nous pourrions estimer que l’art 8 al 3 DL n°269/2003 se réfère à la directive du 15/02/11
« relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal » considérant que l’accord
préalable sur les prix de transfert constitue une information fiscale. Mais il n’empêche que ce
dispositif ou tout autre moyen similaire ne sont pas une seule fois énoncé dans ladite directive.
Donc le lien que la loi italienne instaure avec le droit communautaire n’est pas si apparent et
mériterait d’être explicité.
Vu que théoriquement tous les États membres de l’UE ont un intérêt à la préservation de leur
fiscalité, que tous partagent cette volonté de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales
internationales, que la légalité est un principe qui fonde notre système juridique, que la
précision de nos droits garantissent leur viabilité, il apparaît donc logique et nécessaire
particulièrement pour les relations franco-italiennes que la procédure d’accord préalable sur les
prix de transfert trouve un fondement solide en la base du droit communautaire. Il ne s’agit pas
398
Art 8 comma 3 DL 30/109/2003: «3. Sur la base du droit communautaire, l’administration fiscale envoie copie de
l’accord à l’autorité fiscale compétente des États où se situent les sociétés avec qui le demandeur entend réaliser des
échanges intra-groupes. »
420
seulement de mettre en place une résolution votée par le conseil de l’UE réunit en formation
Ecofin comme ce fut le cas lors du vote en date du 27/06/2006 qui crée « un code de conduite
relatif à la documentation des prix de transfert pour les entreprises associées au sein de l’UE »
dont la portée est informative ou encore de soumettre au conseil de l’UE une convention
intergouvernementale comme ce fut le cas de celle sur l’élimination de la double imposition en
cas de correction des bénéfices d’entreprises associées qui avait été proposée initialement en
1976399 par la Commission européenne sous la forme d'une directive pour finalement être votée
et entrée en vigueur sous sa forme actuelle en 1995 ; mais bien d’instaurer un dispositif
législatif communautaire applicable sur tout le territoire à l’instar de la directive du 15/02/2011
qui s’applique à tout type d’impôts dont l’imposition directe des sociétés, et cherche à imposer
des moyens efficaces pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales au sein de l’UE. Ceux-ci
reposent principalement sur l’obligation d’échange d’informations et la possibilité d’effectuer
des contrôles sur place simultanés.
Au sein de cette directive, c’est le caractère obligatoire de l’échange d’informations qui nous
intéresse. En effet, nous allons nous baser sur cette partie de directive ainsi que sur l’aspect
procédural de la convention européenne d’arbitrage contre la double imposition du 20/08/1990
afin de prévoir des dispositions qui permettront d’enjoindre les États membres de l’UE à
parvenir à la conclusion d’un accord bilatéral ou multilatéral.
Pour ce faire, nous allons tenter de rédiger un exemple de directive qui pourrait être proposé par
la Commission européenne et qui abordera la mise en place de cette procédure d’accord
préalable européen. Celle-ci pourra aboutir de deux façons. Les États membres devront en 1er
lieu mettre tous les moyens en œuvre pour arriver à la conclusion cet accord. A défaut de quoi,
une commission mixte spécialisée sur les prix de transfert se devra de rédiger cet accord pour le
compte de ces administrations sans qu’elles aient la possibilité de l’amender ou de le rejeter.
Sachant que le problème majeur des accords résulte dans leur conclusion, il faut laisser la
possibilité aux États de s’accorder et le fait qu’en l’absence d’entente, cet engagement soit
confié à la commission fiscale sur les prix de transfert (CFPT) incitera les États à trouver un
compromis. Par contre s’ils persistent dans leurs positions, nous ne pouvons laisser sans
réponse ces sociétés multinationales en quête de stabilité alors que d’autres grandes entreprises
peuvent jouir de cette garantie au sein de différents États Membres. La communion de nos
399
JO C 301 du 21 décembre 1976
421
intérêts au sein de l’UE offre un terrain de négociation fertile à la résolution d’un accord entre
les États membres. La société gardera toujours la possibilité de rejeter la proposition si elle lui
semble inadaptée mais les États membres doivent s’entendre.
Pour des raisons d’efficience, nous avons fait le choix de limiter le champ d’application de cet
accord préalable européen aux groupes de sociétés présent sur le territoire de plusieurs États
membres et dont l’une des entreprises réalise un CA brut annuel supérieur ou égal à 400
Millions d’euros qui équivaut au seuil de rattachement de la DGE. Nous aurions pu retenir un
montant du CA équivalent à 152,4 Millions pour la vente de marchandises et 76,2 millions pour
les services qui permettent de qualifier une entreprise de grands contribuables en droit français
et de la rattacher au périmètre de la DVNI ; ou encore opter pour un montant de CA de 100
Millions d’euros retenu en droit en italien pour qualifier une entreprise de contribuable « di
rilevante dimensione ». Mais nous souhaitons appliquer en 1er lieu ce dispositif à la catégorie
des Grandes Entreprises et nous avons préféré la particularité française. Nous pouvons rappeler
que la mesure de « tutoraggio » instaurée par le législateur italien était à l’initial réservée pour
encadrer les Grandes Entreprises réalisant un CA supérieur ou égal à 300 Millions d’euros,
avant d’être étendu à tous les contribuables « di rilevante dimensione ».
A ce tel niveau de CA, nous considérons qu'il y a une probabilité importante pour que la
capacité financière de ces groupes multinationaux ait servi à accroître leur positionnement sur le
territoire de plusieurs États membres de l’UE. La finalité de cet accord européen est de faciliter
la conclusion d’accords bilatéraux mais surtout d’instaurer des accords multilatéraux qui
conduiront à une juste répartition des bases taxables entre pays de l’UE.
De plus, l’avantage de retenir le périmètre de la DGE comme critère de sélection permet
essentiellement d'instaurer un cadre limité aux entreprises qui véhiculent le plus de richesse
d'autant que cette mesure apporte un équilibre à l’obligation de remise documentaire qui pèse
sur elles lors du contrôle a posteriori.
Sous Section 2. Proposition de directive relative à l’instauration d’un accord
préalable européen multilatéral ou bilatéral sur les prix de
transfert
422
LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment ses articles 4 al 3400 et
115401,
vu la proposition de la Commission européenne,
vu l’avis du Parlement européen,
vu l’avis du Comité économique et social européen,
statuant conformément à une procédure législative spéciale,
considérant ce qui suit:
(1) Face à la mondialisation et aux enjeux des transactions intra-groupes dans le commerce
européen et mondial, il apparaît plus que nécessaire pour les États membres de l’Union
Européenne de se doter de moyens efficaces qui viendront sécuriser leurs fiscalités. Que
les relations d’affaires entretenues par les groupes multinationaux présents sur le
territoire de l’UE et leurs conséquences fiscales se doivent d’être anticipées par les États
membres afin que chaque entreprise puisse jouir librement des bienfaits du marché
commun sans devoir subir le phénomène de double imposition qui constitue une entrave
au bon fonctionnement du Marché.
400
Art 4 al 3 traité UE: « 3. En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et
s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités.
Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations
découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union.
Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible
de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union. » 401
Art 115 traité UE: “Sans préjudice de l'article 114, le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure
législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête des
directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui
ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur.”
423
(2) Du fait de la reconnaissance unanime des États membres du principe de pleine
concurrence en matière de commerce international et de la standardisation de la
procédure d’accords préalables sur les prix de transfert dans tous les États industrialisés
(3) Conscient que les États n’appliquent pas tous le même principe quant à l'imposition des
bénéfices mais que tous subissent une évasion fiscale générée par la manipulation des
prix de transfert.
(4) Tous les États tendent à promouvoir l’attractivité de leur territoire par des mesures
fiscales favorables, l'atteinte de cet objectif doit se faire sans nuire au marché intérieur et
au bien être de la population européenne mais en leur assurant un même degré de
sécurité et de transparence juridique dans l'application de leurs législations.
(5) Compte tenu de la nécessité pour la plupart des États Membres d’instaurer des
dispositions particulières afin d’encadrer l’imposition relative aux grandes entreprises
ou grands contribuables de part l’importance des revenus qu'ils génèrent et de
l'imposition versée.
(6) Il apparaît nécessaire de limiter le champ d’application de cette directive aux entreprises
internationales de grande envergure.
(7) Dès lors, il convient d’adopter une approche nouvelle, grâce à l’élaboration d’un texte
conférant aux États membres ou à la commission fiscale créée par la présente directive,
la compétence nécessaire pour aboutir efficacement à la conclusion d’un accord
préalable sur les prix de transfert au niveau européen en vue de surmonter les effets
négatifs de ce phénomène évasif favorable à une mondialisation sans cesse croissante.
(8) Il est donc demandé au États membres d’établir en 1er lieu selon les règles de la présente
directive, un accord préalable sur les prix de transfert qui sera bilatéral ou multilatéral
selon le nombre d’État intéressé. A défaut d'entente entre ces États, la commission sur les
prix de transfert interviendra afin d’élaborer cette proposition d'accord préalable qui ne
pourra être refusé par les États parties.
(9) Il conviendrait de fixer des délais pour l’établissement de l’accord sur les prix de
transfert afin que les grandes entreprises concernées par la présente directive, puissent
profiter de ses effets dans des délais raisonnables.
(10) Il importe essentiel que des fonctionnaires de l’administration fiscale d’un État membre
puissent être présents sur le territoire d’un autre État membre.
(11) Étant donné que la situation fiscale d’un ou de plusieurs contribuables établis dans
différents États membres présentent souvent un intérêt commun ou complémentaire, il
424
convient de rendre effective cette procédure préventive en vue d’éviter la rectification
par plusieurs États membres et les conséquences de la double imposition.
(12) A défaut du respect de l’accord par les Grandes Entreprises, le recours à la procédure
simultanée issue de la directive du 15/02/11 ou de tout autre contrôle aux effets au moins
similaires est fortement recommandé.
(13) La présente directive respecte les droits fondamentaux et est conforme aux principes
reconnus, en particulier, par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
(14) Étant donné que les objectifs de l’action envisagée, à savoir la mise en place d’un
accord préalable européen sur les prix de transfert entre les États membres afin de
surmonter les effets négatifs sur le marché intérieur des transferts indirects de bénéfices,
ne peuvent pas être réalisés de manière concluante par les États membres et peuvent
donc, pour des raisons d’uniformité et d’efficacité, être mieux réalisés au niveau
communautaire, l’Union peut arrêter des mesures, conformément au principe de
subsidiarité énoncé à l’article 5 du traité sur l’Union européenne. Conformément au
principe de proportionnalité énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce
qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs,
Propose la présente directive:
Chapitre 1
Dispositions générales
Art premier : Objet
1. La présente directive établit les règles et procédures selon lesquelles les Etats membres
s’engagent communément à la conclusion d’un accord préalable sur les prix de transfert
qui consiste à valider de façon préventive la méthodologie applicable aux prix de vente
pratiqués lors de leurs relations commerciales ou financières entre deux entreprises liées.
2. L’accord préalable sur les prix de transfert constitue une prise de position formelle des
administrations sur un cas concret et dont le respect de termes par l’entreprise intéressée
aura pour but d’éviter toute rectification fiscale sur les transactions intra-groupes citées à
l’accord.
425
3. La présente directive n’a pas pour objectif de fixer les méthodes applicables et les
critères qui devront être retenus dans l’accord préalable. Cette considération est laissée à
la libre appréciation d’abord de l’entreprise et enfin des autorités ou de la commission
fiscale en charge de la rédaction de l’accord.
4. La présente directive n’a pas vocation à remettre en cause les accords préalables sur les
prix de transfert déjà constitués au sein de l’UE ou avec d’autres administrations
étrangères. Elle ne porte pas non plus atteinte à l’exécution de toute obligation des États
membres quant à une coopération administrative plus étendue qui résulterait d’autres
instruments juridiques.
5. La directive n’a pour objectif d’instaurer une reconnaissance juridique de la notion de
groupe dans les législations des Etats membres.
Art 2 : Champ d’application
1. L’accord préalable européen sur les prix de transfert peut s’appliquer à tout ou partie des
relations commerciales, financières ou de toute autre nature réalisée par des entreprises
au sein d’un groupe de sociétés internationales présent sur différents États membres et
qui pourraient être considéré comme un transfert indirect de bénéfices par la juridiction
fiscale du territoire auquel elles sont rattachées et où les traités s’appliquent en vertu de
l’article 52 du traité sur l’Union Européenne.
2. Le recours à l’accord préalable européen est limité aux grandes entreprises
commerciales constituées en groupe international qualifiées aussi de grands
contribuables lorsqu’elles réalisent un Chiffre d’affaire brut annuel supérieur ou égal à
400 Millions d’euros par an.
3. Il s’applique également à toutes les entreprises dont le Chiffre d’affaire brut annuel est
inférieur au seuil des 400 millions d’euros mais qui sont liées directement ou
indirectement en droit en fait à une entreprise définie à l’alinéa précédent.
426
Art 3 : Définitions :
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1. «Autorité compétente» d’un État membre: l’autorité désignée en tant que telle par cet
État membre ;
2. Le « bureau de liaison » représente l’endroit qui a été désigné comme tel et qui est le
responsable privilégié des contacts avec les autres États membres et la Grande Entreprise
et ses entités en vue d’établir l’accord;
3. «Fonctionnaire compétent»: tout fonctionnaire qui est autorisé à procéder à l’instruction
et l’établissement de l’accord préalable européen ;
4. « Etat membre » : Etat membre de l'Union Européenne ;
5. « l’accord » ou « contrat »: terme représentant l’accord préalable européen sur les prix
de transfert.
6. « Grande entreprise » : personne morale qui conduit une activité commerciale ou
industrielle constituant ou appartenant à un groupe international de société et dont le
Chiffre d’affaire brut annuel est supérieur ou égal à 400 millions d’euros ;
7. « Grand contribuable » : autre terme pour qualifier l’entreprise citée au précédent
alinéa ;
8. « Entreprise » : personne morale à laquelle s'applique l'accord ;
9. « La commission fiscale » : commission mixte créée par la présente directive et
regroupant des spécialistes de la fiscalité internationale ;
10. La notion de « transfert indirect de bénéfices » se doit d’être apprécié à la lecture du
droit de chaque État membre concerné ;
Le transfert indirect de bénéfice s’opère généralement par la minoration ou la majoration
des prix de vente ou d’achat ou par toute autre moyen lors des transactions entre deux
entreprises dont l’une d’entre elles participe directement ou indirectement à la direction,
ou contrôle ou au capital de l’autre entreprise ; ou que les mêmes personnes participent
directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital de l’entreprise
située sur le territoire d’un État membre et de l’ entreprise située sur le territoire de
l’autre État membre ;
11. « Proposition » : proposition de l’accord préalable européen sur les prix de transfert.
427
Art 4 : Organisation
1. La demande d’accord européen préalable sur les prix de transfert se fait à l’initiative de
l'entreprise, il ne peut être rétroactif et se veut en principe gratuite. Celle-ci doit informer
les différents États concernés en adressant la requête à l’administration désignée comme
étant l’autorité compétente par les États membres.
2. Pour ce faire chaque État devra indiquer à la Commission européenne quelle est son
autorité habituellement compétente pour traiter des accords bilatéraux ou multilatéraux
ainsi que le lieu de situation de celle-ci qui constitue le bureau de liaison. En cas de
changement, d’autorité compétente ou de bureau de liaison, l’État en informe
directement la Commission. La liste des autorités compétentes sera annexée à la présente
directive lors de la publication au JO UE.
3. Les fonctionnaires compétents s’engagent à ne pas divulguer à des tiers autres que
l’autorité compétente partie à l’accord, les informations transmises et à respecter les
règles de confidentialité qui se rapportent directement à l’existence et au montant de
l’impôt dû par le contribuable.
Art 5 : Contenu de l’accord
1. L’accord qui est soumis à l’entreprise doit faire figurer plusieurs informations comme :
Les entreprises et transactions commerciales ou financières couvertes par l’accord;
La description de la méthode de détermination des prix de transfert retenue ;
La description des hypothèses de base et modalités de révision ou d’annulation de
l’accord (mécanismes d’ajustement compensatoires ou automatiques) ;
La date d’entrée en vigueur de l’accord ;
La durée de l’accord ou exercices couverts par l’accord ;
Les renseignements à porter dans le « rapport annuel » et dispositif de suivi tel
qu’il est déterminé lors de l’accord ;
Les conditions de renouvellement de l’accord
428
2. Chaque année l’entreprise envoie aux autorités compétentes, dans le mois qui suit le
commencement de l’année civile un rapport d’activités sur le ou les objets de l’accord
préalable afin que celles-ci puissent vérifier la bonne exécution du contrat ainsi que la
validité des hypothèses de base sur lesquelles a été instauré l’accord.
3. En cas de changement dans les hypothèses de base, les autorités compétentes
s’entretiennent et décident en commun de réviser l’accord selon les modalités prévues
dans celui-ci. Ils en informent l’entreprise qui devra en prendre acte et agir en
conséquence.
4. Lorsque l’accord préalable a été proposé par la commission, les autorités compétentes
transmettent copie du rapport d’activité au président de la commission en indiquant s’il y
a eu lieu à modification des hypothèses de base, les raisons et les révisions apportées.
Chapitre 2 : Procédures d'établissement de l'accord
Section 1 : La procédure principale
Art 6 : Déclenchement
1. Les autorités compétentes après avoir reçues la demande émanant de l'entreprise,
invitent dans les 30 jours qui suivent, leurs responsables légaux ou représentants à se
présenter dans les bureaux de liaison respectifs pour un entretien afin de discuter du
dispositif européen et ses effets.
2. Lors de ce 1er entretien chaque fonctionnaire demande les transactions ou relations
financières que l’entreprise souhaite voir encadrer par l’accord ainsi que tous les
documents utiles à l’appréciation de la méthode de fixation des prix de transfert entre les
entreprises liées.
429
Article 7 : Mise en relation des autorités compétentes
1. Une fois les documents reçus, le bureau de liaison auprès duquel a été faite la demande
en 1er contact dans les 30 jours ouvrés les autres bureaux afin que les fonctionnaires en
charge du dossier comparent et communiquent sur les documents en possession. Puis ils
se transmettent si nécessaire les documents non partagés afin que tous constituent le
même dossier.
2. Tous les documents demandés par chacun des fonctionnaires devront être communiqués
aux autres fonctionnaires dans les 30 jours ouvrés qui suivent leur entretien.
3. Après ce délai les fonctionnaires ont 60 jours pour effectuer une 1ère analyse des
documents fournis
Article 8: 1ère Réunion commune
1. Après la phase d’analyse de 60 jours, les autorités compétentes organisent en un 1er lieu
une rencontre avec les responsables ou représentants de l’entreprise dans le pays où
réside l’entreprise demanderesse afin que ses responsables ou représentant présentent la
méthodologie proposée, la nature des transactions retenues et le cadre dans lequel elles
doivent s’exécuter ainsi que les ajustements en cas de modifications des critères
d’application de base.
2. La durée de l’accord est comprise entre 3 et 5 ans, elle est proposée par l’entreprise mais
peut être modifiée par les des Etats parties.
3. Chacun des fonctionnaires présente ensuite son analyse de la méthodologie proposée, ses
remarques et éventuellement la méthode de calcul qu’il trouve la plus appropriée. Puis le
responsable ou représentant de l’entreprise présentent ses remarques, apportent des
précisions et répondent aux questions en vue d’instaurer un débat constructif entre les
parties présentes.
430
4. Un complément d’information, une visite de l’entreprise ou tout autre moyen susceptible
de contribuer à une meilleure compréhension des activités et du fonctionnement de
l’entreprise peuvent être demandés par les fonctionnaires ou proposés par les
responsables ou représentants de l’entreprise.
Art 9: Le pré-accord
1. Après cette 1ère rencontre, les fonctionnaires disposent d’un délai 90 jours ouvrés pour
analyser en profondeur les données fournies afin établir un pré-accord qui peut soit
reprendre en l’état la proposition de l’entreprise soit en modifier tout ou partie.
Art 10: 2nde Réunion commune
1. Une 2nde réunion est organisée sur le territoire d'une autre autorité compétente. Les
responsables ou représentants de l’entreprise présentent de façon succincte leur
proposition et les éventuels amendements suite aux observations faites lors du 1er
entretien. Chaque fonctionnaire présentera son pré-accord de façon résumé et insistera
principalement sur les points de convergences et de divergences en relations avec la
proposition de l’entreprise. Puis une discussion sera ouverte où chacun pourra proposer
des observations et apporter des précisions.
2. Dans les 60 jours qui suivent cette 2ème rencontre, les fonctionnaires en charge du dossier
se rencontrent sur le territoire d'une autre autorité compétente ou à défaut dans le pays
où réside l’entreprise demanderesse afin de présenter leurs accords respectifs et de
décider en commun de l’accord final qui sera présenté à l’entreprise dans les 15 jours qui
suivent l’arrêt de l’accord.
Art 11 : Conclusion de l'accord
1. Une fois l’accord final rédigé dans les langues des Etats parties et dans une langue
officiel de l’UE comme le français, il est transmis à l’entreprise. Celle-ci au travers de
son responsable légal à 30 jours pour accepter ou rejeter les termes du contrat.
431
2. En cas d’acceptation par l’entreprise, l’accord sera applicable à l’exercice qui suit la
signature de celui-ci par l’entreprise.
3. En l’absence de réponse, l’entreprise devra s’acquitter de frais de fonctionnement à
hauteur de 50 000 euros par Etat partie.
4. Tous les éléments ou informations complémentaires présentés lors des différentes
rencontres feront l’objet de procès verbaux qui devront être signés par chacune des
parties en présence à la fin de leurs réunions. Ils devront être retranscrits dans la langue
officielle de la juridiction fiscale de rattachement de l'entreprise demanderesse.
5. Les différentes rencontres dureront le temps nécessaires à la présentation des
propositions, des analyses et remarques ainsi que le cas échéant le temps des visites,
mais sans excéder 4 jours consécutifs.
6. Tout retard dans les délais et tout manquement à l’une des mesures présentées dans cet
article entraînera l’attribution de compétence à la commission fiscale qui se devra de
terminer l’accord dans les meilleurs délais sans excéder un maximum de 6 mois après
leur saisine officielle.
Art 12 : Refus d’entente entre les Etats concernés
1. En cas d’incapacité pour les Etats membres de s’entendre sur l’établissement d’un
accord préalable européen, les fonctionnaires compétents dressent un procès verbal
motivé sur les raisons de cette non conclusion.
2. Les bureaux de liaisons en informent directement la Commission Européenne qui saisit
le commissaire aux affaires fiscales afin qu’il réunisse la commission fiscale européenne
sur les prix de transfert pour l’établissement de l’accord. Les autorités compétentes
doivent envoyer dans les 30 jours à la Commission Européenne, l’ensemble des
documents qui ont servi à l’instruction de l’accord ainsi que la totalité des procès
verbaux.
432
Section 2 : La procédure secondaire
Art 13: La Commission Fiscale Européenne sur les Prix de Transfert (CFPT)
1. Un organe dénommé commission fiscale européenne sur les prix de transfert est
constitué afin d’instruire et d’établir un accord préalable européen sur les prix de
transfert ainsi que d’émettre des avis consultatifs dans les cas prévus par la présente
directive.
Art 14 : Composition
1. La commission est un organe collégial rattaché à la Commission Européenne dont les
membres sont nommés pour 3 années et qui se réunit de façon ad hoc dans les locaux de
la Commission Européenne.
2. Chaque Etat est représenté par 3 membres qui siègent à la commission lorsque l'Etat est
partie à l'accord préalable.
3. La commission est de composition mixte, elle comprend un fonctionnaire de chaque Etat
partie à l’accord appartenant à l’administration fiscale du pays et ayant au moins un
grade d’officier. Celui-ci doit être dûment habilité à engager son administration.
4. La présidence d'honneur est confiée au commissaire européen en charge des affaires
fiscales.
5. Chaque Etat propose une liste de 9 personnalités renommées en matière de fiscalité et
appartenant à l'une des catégories suivantes :
a) Magistrats de l’ordre administratif ou judiciaire ;
b) Professeurs d’université, maîtres de conférences ou docteurs dans la matière du
droit ou de l’économie ;
c) Avocats ou Expert comptables, juristes de Grandes Entreprises.
433
6. Le président d'honneur nomme parmi cette liste 2 personnalités dont obligatoirement un
magistrat afin qu’elles siègent à la commission.
7. L’entreprise à l’initiative la demande d’accord préalable est invitée à siéger à la
commission afin qu’elle puisse contribuer à l’établissement de l’accord mais sans pour
autant avoir la capacité de voter. Elle devra être représentée par un professionnel
appartenant à la catégorie (b) ou (c).
Art 15: Déroulement de la procédure
1. La commission fiscale établit son accord en reprenant la base de travail qui a servi à
l’instruction du dossier ainsi que l'ensemble des procès verbaux. Elle peut demander
toute information supplémentaire ou complémentaire et effectuer des visites si
nécessaires jusqu'à l’arrêt définitif de la proposition.
2. La commission propose un accord qui reprend les mêmes éléments que ceux figurant à
l’article 5.
3. La commission se réunit au moins 3 fois à intervalle de 45 jours maximum en vue de
rechercher et arrêter la ou les méthodes les plus adaptées aux transactions commerciales
ou financières, objets de l'accord. A chaque fin de réunion un vote est entrepris pour
arrêter les décisions ou cheminement méthodologique qui amèneront à la proposition de
l’accord final. Chaque membre de la commission qui participent aux votes des décisions
s’engagent à les incorporer en toute bonne foi dans la construction intellectuelle devant
aboutir à la proposition de l’accord.
4. L'ultime réunion a pour objectif de présenter les dernières observations ou modifications
nécessaire à l'adoption de la proposition qui sera soumise à l’entreprise. Avant le vote
définitif de l’accord le représentant de l’entreprise a la possibilité d’émettre des
observations, remarques ou présenter d'autres éléments qui pourraient justifier une
modification non substantielle de l’accord.
434
5. L'accord pourra subir des amendements en cas de situation nouvelle exceptionnelle et
pour des raisons de cohérence légitime.
6. Les principaux éléments présentés lors de ces réunions ainsi que les décisions votées
feront l’objet de procès verbaux qui devront être signés par tous les membres de la
commission.
Article16: Prise de décision
1. Les décisions sont prises à la majorité des voix. Chaque membre nommé par le
commissaire européen dispose d’une voix et à obligation de voter.
En cas d’égalité des votes, la voix du président de la commission est prépondérante.
Chapitre 3 : Conclusion de l'accord
Art 17: Conclusion de l'accord
1. Dès lors que la proposition de l'accord a été voté, ils engagent les Etats membres parties.
L'accord est rédigé dans les langues des Etats-parties et dans une langue officielle de
l’UE comme le français.
2. L'accord définitif est notifié le jour même au représentant de l'entreprise à l’initiative de
la demande ou à son responsable légal qui est invité à se présenter dans les locaux de la
commission fiscale. Le responsable légal ou le représentant de l'entreprise pourra
accepter directement les termes de l'accord en apposant sa signature dans le même temps
que les représentants des Etats partis. A défaut d'acceptation immédiate, l'entreprise
devra faire part de sa décision dans les 15 jours qui suivent la notification.
3. En cas d’acceptation, le responsable de l'entreprise envoie l’accord préalable européen
sur les prix de transfert signé au secrétariat du commissaire chargé aux affaire fiscales
qui en fait notification aux différents Etats parties. Le dispositif de suivi est ensuite laissé
à la charge des Etats parties qui s'exécute conformément à l'art 5 al 2, 3 et 4.
435
4. En cas de refus, la procédure de demande d’accord préalable européen sera réputée
close.
5. En l’absence de réponse dans les délais impartis, l'accord sera réputé refusé et
l’entreprise devra, sauf cas de force majeur, s’acquitter de frais de procédure à hauteur
de 50 000 euros au profit de chaque Etat parties et de la commission fiscale.
Chapitre 4 : Non respect de l’accord préalable
Art 18 : Non respect des termes de l'accord
1. En cas de non respect des termes de l’accord, l’autorité compétente du pays à l'origine
du contrôle en averti immédiatement les autorités compétentes des autres Etats-parties.
L'accord sera considéré comme nul. Lorsque le cadre hypothétique de base et ses
ajustements deviennent inadaptés à la situation économique des transactions visées à
l'accord, celui-ci sera suspendu.
2. Les conséquences de l'annulation de l'accord sont régies par le droit national des Etats
membres concernés.
3. En cas de contestation par l'entreprise, l’administration concernée pourra demander la
réunion de la commission sur les prix de transfert relative aux Etats parties afin que
celle-ci émette un avis consultatif quant à l' application non conforme de l’accord par
l’entreprise visée. Cet avis devra être demandé avant tout recours juridictionnel et
transmis à toutes les parties à l'accord
4. Un avis consultatif sur l’application conforme ou non de l’accord par l’entreprise visée
pourra également être effectué à la demande de celle-ci mais uniquement lorsque la
commission sur les prix de transfert aura été l’instigatrice de l’accord du fait de
l'application de l’art 11 al 6 et de l'art 12 al 1.
436
Chapitre 5: Renouvellement de l'accord
Art 19 : Procédure de renouvellement.
1. Le renouvellement de l’accord devra être explicitement demandé par l’entreprise auprès
des administrations fiscales des Etats-parties, 6 mois avant la date d’échéance.
2. Les autorités compétentes analysent les éléments en leur possession et peuvent si
nécessaire demander des informations complémentaires qu’ils doivent s’échanger. Puis
ils s’accordent pour le renouveler en l'état, en y apportant des ajustements ou sur son non
renouvellement.
3. La décision est notifiée à l’entreprise par les autorités compétentes au plus tard 2 mois
avant la date d’échéance. En cas de refus celles-ci doivent obligatoirement être motivées.
4. Si les Etats-parties ne s'entendent pas sur le renouvellement de l'accord, alors celui-ci
prendra fin à la date prévue et l’entreprise sera invitée à effectuer une nouvelle demande
auprès des autorités compétentes des Etats concernés.
Chapitre 6 : Dispositions spéciales.
Art 20 : saisine de la commission par les Etats membres
1. Les Etats membres ont la possibilité de confier directement à la commission la mission
d’établir un accord préalable dans le respect des conditions de l’art 2 lorsque :
(1) Le ou les objets de l’accord révèlent être d’une certaine complexité ;
(2) Quatre Etats membres ou plus sont concernés par la demande de l’entreprise.
Dans ce cas tous les Etats à l’accord doivent expressément reconnaître le
transfert de la demande à la commission sur les prix de transfert par
communication officielle auprès de la Commission européenne
Art 21 : Etablissement d'un accord avec un Etat tiers
437
1. La commission peut être sollicitée pour établir un accord multilatéral comprenant aux
moins deux Etats membres et un ou plusieurs Etats tiers. Dans ce cas, les Etats membres
de l’UE partie à l’accord en font la demande expresse auprès de la Commission
européenne qui déclenchera la réunion de la commission relative aux Etats concernés.
Art 22 : Refus multiples
1. Par exception, si au terme de 3 demandes d’accord préalable faite par la même entreprise
et portant sur les mêmes transactions ou relations financières, aucune d’entre elles n’a
été finalement accepté par l'entreprise alors celle-ci pourra demander à la Commission
Européenne par le biais du commissaire chargé des affaires fiscales de saisir la
commission fiscale relative aux Etats concernés afin que celle-ci établisse un accord
selon les règles de la procédure dite spéciale sur la base des documents qui ont servi à
instruire les précédentes demandes et conformément.
L’accord établit sera reconnu comme conforme par les Etats concernés et sera en cas
d'acceptation applicable dès le prochain exercice. Cette procédure particulière nécessite
le dépôt d'une caution de 50 000 euros par l'entreprise intéressée.
2. En cas d’acceptation de l’accord par l’entreprise, la caution lui sera reversée.
En cas de désaccord de l’entreprise, la caution sera conservée et allouée au
fonctionnement de la commission fiscale sur les prix de transfert.
Chapitre 7 : Dispositions finales
Art 23 : Echanges de bonnes pratiques
1. Les États membres, conjointement avec la Commission, examinent et évaluent les
procédures d'établissement et de conclusion de l'accord préalable européen sur les prix
de transfert prévue par la présente directive et échangent leurs expériences dans le but
d’améliorer ce dispositif et, le cas échéant, d’élaborer des règles plus efficientes.
438
2. Le commissaire chargé aux affaires fiscales reçoit copie de tous les accords européens
sur les prix de transfert établis ou conclus ainsi que les rapports de suivi.
Art 24 : Rapports
1. Tous les trois ans après le 1er janvier 2015, la Commission soumet au Parlement
européen et au Conseil un rapport sur l’application de la présente directive.
Art 25 : Transposition
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et
administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive à compter du
01/01/2015.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence
à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur
publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États
membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles
de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.
Art 26 : Entrée en vigueur
1. La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de
l’Union européenne.
Art 27 : Destinataires
1. Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Marseille,
439
La mise en place de cette directive permet d’inciter ou a défaut d’imposer
l’instauration d’accord préalable sur les prix de transfert. Pour cela la commission fiscale sur les
prix de transfert joue un rôle essentiel car d’une part elle a le pouvoir de contraindre une ou
plusieurs administrations à appliquer la même méthodologie relative aux transactions au sein
d'un même groupe et d’autre part la mise en place de cette organisme va rassurer les grandes
entreprises et promouvoir ce dispositif préventif dont tous reconnaissent le caractère bénéfique.
Lorsque les Etats ne parviennent pas à s’entendre, la commission intervient mais une fois
l’accord conclu, celle-ci s’efface et donne le relais aux Etats notamment en matière de suivi afin
qu’ils perçoivent les bienfaits de l’accord et contribuent à la pérennité de cette mesure. Nos
administrations n’ont pas l’habitude en matière de contrôle fiscal de s’engager mutuellement sur
des décisions futures, elles n’apprécient pas de se sentir tenue l'une envers l'autre. Il faut donc
les aider à franchir ce cap afin de constater qu’il n’y a ni risque ni perte de contrôle lorsque
l’engagement est pris en toute transparence.
Ce qui confère la légitimité à cette commission fiscale est son organisation mixte regroupant
des fonctionnaires de l’administration qui ne subissent pas la même autorité à savoir le
vérificateur fiscal et le juge des impôts. La présence d'un magistrat renforce la légitimité de la
commission et permet d’orienter le raisonnement des administrations fiscales en mettant en
avant la position d’un juge dont l’un de ses pairs pourrait avoir à se prononcer sur la conformité
en droit et en fait d'une proposition de rectification issue de l’administration fiscale. Cette
mesure ne crée aucune incompatibilité entre le fonction de juge est celle de commissaire fiscal
car elle favorise le respect des droits du contribuable et la préservation de la fiscalité nationale.
Dans le système juridique italien, nous retrouvons une mesure équivalente en la personne du
garant des contribuables « Garante del contribuente » instauré à l’art 13 de la loi n°2012/2000
qui crée la charte du contribuable italien « Statuto del contribuent ».
Le garant du contribuable est un organe collégial autonome opérant auprès de chaque Direction
Régionale de l’Agenzia delle Entrate. Cet organe est nommé par le président de la commission
fiscale « commissione tributaria regionale » qui choisit 3 membres parmi les 3 catégories
indiquées à l’alinéa 2 dudit article 13402. Le 1er membre qui préside la commission doit
402
Art 13 comma 2 Legge n° 212/2000: “2. Il Garante del contribuente, operante in piena autonomia, è organo
collegiale costituito da tre componenti[…]alle seguenti categorie:
a) magistrati, professori universitari di materie giuridiche ed economiche, notai, sia a riposo sia in attività di
servizio;
b) dirigenti dell’amministrazione finanziaria e ufficiali generali e superiori della Guardia di finanza, a riposo da
almeno due anni, scelti in una terna formata, per ciascuna direzione regionale delle entrate, rispettivamente, per i
440
obligatoirement être un magistrat, un Professeur de droit ou d’économie, un notaire en activité
ou en retraite. Le second membre est un dirigeant de l’administration financière ou un officier
général de la Guardia di Finanza en repos depuis au moins deux ans. Le troisième est nommé
parmi les avocats ou les experts comptables.
Cet organe a pour mission de vérifier si le charte du contribuable italien a bien été respectée par
l’administration fiscale. Suite à sa saisine par un contribuable, il peut demander des
justifications, effectuer des visites si nécessaire en vue d’émettre ou non des recommandations
qui devront être suivies par l’administration fiscale. Cette commission a le pouvoir de faire
cesser la vérification de comptabilité en cas d’action illégitime de la part du contrôleur ce qui
aura pour effet d’annuler la procédure de rectification.
Cette mixité accroît le degré de confiance ou « compliance » du contribuable. C’est pourquoi
nous avons opté pour la même approche et la mise en place d’une commission fiscale sur les
prix de transfert dont la principale compétence est d’établir des accords préalables bilatéraux ou
multilatéraux dont nous pouvons affirmer qu'il est particulièrement bien adapté à la
problématique des transferts indirects de bénéfices.
Mais là n’est pas la seule mesure qui rehausserait au niveau européen le dispositif de lutte
contre la manipulation des prix de transfert.
Il nous apparaît important de concentrer ces différents moyens au sein d’un organisme qui
auraient des prérogatives non pas nouvelles mais dont les modalités d’application seraient
mieux adaptées, garantissant ainsi une efficacité accrue. Nous souhaitons, dans la lignée de
l’accord préalable européen, instaurer une Agence Européenne de la Vérification fiscale des
Grandes Entreprises (AEVF) qui travaillera en synergie avec la commission fiscale sur les prix
de transfert ainsi que les États membres pour offrir une arme à la portée de cette évasion fiscale
internationale et dont la précision fera sa force et sa renommée.
primi, dal direttore generale del Dipartimento delle entrate e, per i secondi, dal Comandante generale della Guardia di
finanza;
c) avvocati, dottori commercialisti e ragionieri collegiati, pensionati, scelti in una terna formata, per ciascuna
direzione regionale delle entrate, dai rispettivi ordini di appartenenza.”
441
Section II. La création de l’Agence Européenne du Contrôle Fiscal des
Grandes Entreprises (AEVF).
Vu que 4500 sociétés situées sur le sol français réalisent à elles seules 55% du chiffre
d’affaire total produit en France403, qu’en 2003 les entreprises entrants dans le périmètre de la
DGE réalisées 46,2%404 des entrées fiscales en matière d’IS, il apparaît important d’instaurer
des mesures qui proposent un traitement spécifique à ces entreprises dont l’économie se veut
capital pour la prospérité de nos États. C’est pourquoi elles nécessitent un encadrement
particulier à l’instar de la mesure italienne de « Tutoraggio » dont le but est d'instaurer un suivi
et de renforcer le contrôle fiscal de certaines sociétés. Ce tuteurage fiscal s'applique aux
entreprises dont le secteur d'activité, le type de transaction ou la personnalité des actionnaires
ont été analysé par l'administration fiscale comme présentant un risque relativement accru en
matière d'évasion fiscale. En 2009, seules les entreprises réalisant un CA supérieur à 300
Millions d'euros pouvaient se voir imposer ce dispositif. Parmi toutes les sociétés répondant à
ce critère, 1167405 d’entre elles se sont vues imposer ce tuteurage. Leur nombre est passé à 2763
entreprises406 en 2011 notamment du fait d'un champ d'application étendu aux entreprises ayant
réalisées un CA supérieur à 150 Millions d'euros. En 2012, la généralisation de cette mesure aux
entreprises qualifiées « di rilenvanti dimensione » c'est à dire celles réalisant un CA supérieur à
100 Millions d'euros ont permis d'appliquer ce tuteurage à 3200 sociétés407
Si nous voulons instaurer une mesure efficace à la lutte contre l’évasion fiscale par transfert
indirect de bénéfices nous devons nous concentrer sur les plus grandes sociétés situées dans les
Etats membres de l’UE et qui sont susceptibles d’éroder volontairement ou involontairement
leurs bases imposables. D’un point de vue de l’analyse des données comptables, le contrôle des
prix de transfert sera facilité par le fait que les grandes entreprises ont vu les règles en matière
de finance et de comptabilité internationale (IFRS-IAS-IFRIC) s' harmoniser depuis le 01/05/05
en vertu du règlement CE n° 16/06/2002 du Parlement et du Conseil et du règlement CE
n°1126/2008 de la Commission en date du 03/11/2008. Pour mieux percevoir la portée de cette
Agence nous allons en présenter les fondements (sous section 1) avant d’étudier son mode
organisationnel spécifiquement adapté (sous section 2) à l’atteinte de sa mission.
403
Site de l’Institut de l’Entreprise: “ la reforme du contrôle fiscal” 404
Rapport de l’Assemblée Nationale n°1976 mis en distribution le 09/12/04 405
Circolare n°18 del 31/02/2012 p 4 406
Ibidem 407
Circolare n°25/E del 31/07/2013 p 5
442
Sous Section 1. Fondements
La mise en place de cette mesure relative au contrôle fiscal externe viendra porter
assistance aux organes nationaux en charge de cette mission. En 2009, le contrôle externe en
France a porté sur seulement 2% des entreprises408 toute taille confondue. Il y n’a donc pas de
risque d’empiétement ou de confrontation des services au contraire cette mesure ne viendra que
parfaire l’action des administrations fiscales au sein de l'UE mais celle-ci nécessite que les États
souverains acceptent expressément ce transfert ou cette délégation de compétence auprès de
cette instance spéciale européenne. Il est donc préférable dans ce cas d’opter pour une
convention européenne plutôt que de choisir la voie du règlement ou de la directive comme
nous l’avons fait pour l’accord préalable. Pourtant nous pourrions mettre en avant le principe de
subsidiarité prévu à l’art 5 al 3 du traité de l’UE qui dispose que :
« En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence
exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action
envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au
niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des
dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union. »
Ainsi nous pourrions arguer que la mise en place du mesure communautaire est mieux adaptée à
la lutte contre ce type d’évasion fiscale d’envergure internationale et qu’il y a une carence de
nos États en matière de contrôle externe du fait de l’incapacité à freiner la manipulation des prix
de vente intra-groupes et que de ce fait l’UE peut intervenir en usant de son attirail juridique
pour parvenir à des résultats probants. De plus, nous devons admettre que les transferts indirects
de bénéfices ont une incidence négative sur le marché communautaire car ils auront introduit
dans le jeu de la concurrence des prix qui ont été fixé hors la loi du marché. Par rapport à ce
déséquilibre de prix, aucun moyen n’est prévu pour réparer le dommage généré sur le marché et
subit par les autres commerçants. Il y a donc de quoi motiver l’intervention législative
européenne conformément au protocole n°2 sur l’application du principe de subsidiarité et de
proportionnalité409. Sur ce point les mesures que nous proposons respectent ces deux principes.
408
Rapport du Ministère du Budget 06/09 : « le contrôle fiscal et la lutte contre la fraude » p 8. 409
Journal officiel n° C 340 du 10 Novembre 1997
443
Ce protocole demande également que la Commission procède à de larges consultations
auxquelles elle n'est pas liée avant de proposer un acte devant les instances législatives
européennes. Cette solution apparaît juridiquement viable comme c’est le cas pour l’accord
préalable européen mais nous préférerons faire reposer notre proposition non pas sur une
directive mais sur une convention intergouvernementale afin de marquer de façon effective la
volonté des États membres de lutter efficacement contre la délocalisation des bénéfices dans un
1er temps au sein de notre Union Européenne. Car il est nécessaire de dissocier les moyens de
contrôle répressif donc à l’initiative des administrations de ceux qui se veulent préventifs et à
l’initiative des entreprises comme lors des accords préalables. Quant il s’agit d’intervenir pour
la protection du budget mais surtout pour la sécurité des entreprises et donc indirectement des
personnes, le recours à la directive ou au règlement est tout à fait approprié car il renforce par
une mesure positive la légitimité de notre UE et donc le sentiment d’appartenance à cette
communauté. Par contre lorsqu'il s’agit de mettre en place des mesures plus répressives, il est
bon que celles-ci proviennent des États membres qui demandent à les élever au niveau européen
en créant soit des dispositions identiques pour toute la communauté soit des organes compétents
sur tout le territoire de l’UE. Cela démontre aux personnes déviantes que nos États ne veulent
plus être limités par leur souveraineté territoriale et par la relative lenteur de la coopération
administrative et préfèrent transmettre une partie de leurs prérogatives au profit d’une agence
européenne qui exercera ses fonctions de façon autonome.
Il apparaît nécessaire que la mise en place d’une mesure préventive d’un niveau européen soit
équilibrée par l’instauration d’une mesure répressive de même niveau.
Du fait de la composition de l’agence que nous présenterons plus tard, celle-ci sera tout au
moins aussi efficace que les administrations nationales qui effectuent des contrôles simultanés
mais obligatoirement beaucoup plus rapides dans l’exécution et la conclusion des vérifications
de comptabilité qui portent sur les entités d’un groupe multinational présent dans les différents
États membres. Automatiquement le nombre de contrôles au niveau européen augmentera ce
qui sera bénéfique à la protection du marché et à la fiscalité des États qui profiteront des
rectifications fiscales réalisés par les fonctionnaires de cette agence à l’encontre des entreprises
présentes sur leur territoire respectif. Il est nul question de remettre en cause le droit à
perception de chacun des États mais juste d’améliorer l’efficience de la vérification de
comptabilité en l’élevant au niveau européen. C’est pourquoi à l’instar de l’accord préalable
européen sur les prix de transfert, nous estimons qu'il faille limiter la compétence de cette
agence aux sociétés dont le chiffre d’affaire annuel brut soit supérieur ou égal à 400 millions
444
d’euros ainsi qu'à toutes les entreprises qui dépendent d'elles en droit ou en fait de façon directe
ou indirecte. L'action de cette Agence doit être concentrée sur les entreprises les plus
importantes et/ou celles dont l'activité révèle un risque de délocalisation de bénéfices élevés.
Logiquement l’Agence ne pourra intervenir que lorsque la vérification fiscale concerne au
moins deux sociétés liées situées sur le territoire de deux États membres.
Le recours à la voie conventionnelle pour instaurer cette Agence se justifie notamment par la
démonstration de la volonté des États membres à participer activement à la lutte contre les
transferts indirects de bénéfices mais également par l’instauration d’une obligation de résultat
quant à la conclusion commune du contrôle externe. Cette mesure vient marquer une différence
notoire avec le contrôle fiscal simultané instauré par la directive relative à la coopération fiscale
du 15/02/2011. Dans le cadre du contrôle fiscal simultané, les fonctionnaires n’ont pas de
réelles obligations quant à la décision finale, en effet ces derniers au vu des éléments étudiés
peuvent ou non se mettre d’accord sur la méthodologie applicable aux transactions de la société.
S'ils y parviennent, ils écartent tout risque de double imposition puisqu'ils pourront aisément
s'entendre sur l’ajustement corrélatif à effectuer suite à la rectification fiscale. A défaut
d’entente, chaque administration effectuera sa proposition de rectification au risque de créer une
double imposition. Dans ce cas l’entreprise redressée devra demander l’ouverture d’une
procédure de résolution amiable des différends et si elle n’aboutit pas l’un des États pourra
déclencher une procédure d’arbitrage sur la base de la convention européenne du 23 juillet 1990
relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises.
La convention européenne d’arbitrage constitue un moyen efficace pour éliminer la double
imposition, le problème qui persiste est celui du temps nécessaire à l’obtention de l’avis de la
commission consultative.
Outre la notion d’obligation de résultat qui pourrait caractériser le travail de l’agence de la
vérification fiscale, nous préférons considérer que les agents qui composent cette agence
œuvreront en parfaite intelligence pour le bien de l’UE et donc de leur pays respectif à l’instar
de nos contrôleurs nationaux qui effectuent une vérification à plusieurs et concluent par une
seule proposition de vérification. L’exemple italien est probant puisque les contrôleurs ou la
police financière sont généralement nombreux lors des contrôles externes mais comme ils
poursuivent le même objectif qui n’est pas celui de favoriser le budget de l’État mais de faire
une juste application de la loi fiscale, ils arrivent à s'entendre sur la proposition de rectification.
Il pourrait nous être opposé que malgré une approche positive des agents dans leur mode de
445
travail, les lois des différents pays pourraient aboutir du fait de leur application à une conclusion
différente. Mais nous avons vu que le problème des prix de transfert et le risque de double
imposition résultent moins de la loi que de l’appréciation que ce font les différentes
administrations fiscales de l’entreprise et de ses transactions intra-groupes. C’est pourquoi cette
réunion d'agents fiscaux européens au sein d’une même structure et recevant des formations
communes sera bénéfique à la lutte contre la manipulation des prix de transfert. Cette proximité
quotidienne sera source de discussions, d’échanges voire de confrontations mais tous ces
éléments contribueront obligatoirement à la construction d’une culture de travail et/ou d’un
mode de perception partagé. Le devoir d’entente entre ces agents spécialisés sera primordial à
l’atteinte de l’objectif fixé.
Cet environnement d'excellence facilitera l’obligation qui pèse sur les agents d’opter pour une
méthode de prix de transfert commune qu’ils appliqueront à la proposition de rectification.
Du fait que chaque agent engage son administration, l'aboutissement à une appréciation
partagée de la méthodologie applicable aux prix des transactions pratiquées entre deux sociétés
liées situées sur deux Etats membres différents entraine indubitablement la reconnaissance
d'une double imposition, qui compte tenu de la vérification fiscale et de la bonne foi des Etats
se devra d'être automatiquement éliminée soit par voie de résolution amiable soit par
engagement express des Etats qui figurera dans la convention intergouvernementale instaurant
cette Agence Européenne de la Vérification Fiscale (AEVF).
Cette garantie de pallier rapidement à cette double imposition en cas de rectification des prix de
transfert constituera une mesure qui contribuera réellement à l’amélioration des relations entre
les administrations et cette catégorie de grands contribuables qui participe largement à la
richesse tant économique que fiscale du pays. Les prérogatives de l’agence n’ont pas pour
fonction de résoudre les problèmes de double imposition mais de les faciliter voire de les
prévenir par une appréciation concertée de la méthodologie applicable au prix de transfert.
Des dispositions spécifiques seront tout de même prévues pour partager les fonctionnaires en
cas de désaccord. En ce sens l’Agence Européenne de la vérification fiscale nécessite la mise en
place d’une organisation adaptée.
Sous Section 2. Une organisation adaptée
Tout au long de notre travail de recherche nous avons vu et démontré à quel point le
rapprochement de nos administrations est nécessaire à l’amélioration de la lutte contre les
446
transferts indirects de bénéfices et à l’instauration d’un climat juridique stable. La mise en place
de cette agence permettrait d’accélérer ce rapprochement qui tend vers une harmonisation du
mode de gestion de notre contentieux fiscal. Nous ne souhaitons pas altérer la nature de la DGE
ni la vider de sa compétence mais confier des attributions spécifiques à cette agence européenne
de la vérification fiscale (AEVF). La DGE conservera donc la totalité de ces fonctions et
travaillera en étroite collaboration avec cette agence européenne. Ce sera également le cas d'une
des directions centrales de l’Agenzia delle Entrate nommée direction de l’« accertamento » dont
« l’ufficio governo » à pour fonction de planifier et coordonner les contrôles. La différence avec
le système italien en matière de contrôle est que celui à toujours maintenu la territorialité
comme principal critère de compétence, c'est-à-dire que chaque direction régionale ou
provinciale à la charge d’effectuer la vérification de comptabilité des entreprises les plus
importantes sauf en cas de particulière complexité. Dans ce cas c’est un des trois bureaux de la
direction « accertamento » qui le réalise. Il s’agit du bureau des contrôles « ufficio di controlli »
qui intervient également en matière de contrôle simultané.
Inévitablement une partie des contrôles qui auraient du être effectués par la direction régionale,
« l’ufficio di controlli » ou la DVNI seront confiés à l’agence fiscale européenne. Mais il est
clair que les agents qui seront désignés par les Etats membres proviendront logiquement de ces
différentes administrations spécialisées. A présent, nous allons traiter de la composition de cette
Agence et de son mode de fonctionnement.
§ 1. Composition
L’agence européenne de la vérification fiscale devra être composée d’au moins 3
fonctionnaires de l’administration fiscale de chacun des États Membres dont l’un d’entre eux
sera obligatoirement celui qui a été nommé à la commission fiscale sur les prix de transfert. Les
autres agents seront nommés pour 3 ans et devront être issus des services réservés à la
vérification fiscale des entreprises les plus importantes, de ceux en charge des contrôles
simultanés ou encore de ceux dédiés au contrôle des données informatiques. Ainsi un minimum
de 81 agents seront en charges des plus grandes entreprises résidentes de l’UE. Les
fonctionnaires de chaque États membres seront affectés aux vérifications où figurent les
entreprises situées sur leur pays d’origine. Ainsi il se créera automatiquement des groupes
autour des besoins de la vérification européenne.
447
La direction de l’agence devra être confiée à une personnalité qui sera élue pour un mandat de 5
ans par les différents Ministres des finances des États membres réunis en formation Ecofin. La
liste des différentes personnalités susceptibles d’occuper cette haute fonction sera proposée par
le Commissaire européen chargé aux affaires fiscales. Il est important de laisser un certain
temps de présence afin que ce responsable puisse mettre en place son service.
§ 2. L'organisation des contrôles
L’Agence Européenne de la Vérification Fiscale doit bénéficier d’une certaine
autonomie opérationnelle à l’instar de l’Office Européen de la Lutte Anti-Fraude (OLAF) dont
la principale mission est de préserver les intérêts financiers de l’UE en effectuant des enquêtes
internes aux services de l’UE ou externes auprès d’agents économiques partenaires en vu de
lutter contre la fraude et la corruption.
Tous les agents nommés à l' AEVF sont détachés de leur administration pour un temps
déterminé et sont directement rattaché au directeur de l’Agence.
Le directeur de l’Agence doit avoir la capacité de pouvoir effectuer des contrôles sur son
initiative sans que les différents États ou instances européennes viennent entraver son intention.
Dans ce cas, il devra informer les États concernés qui devront en accusé réception. La
commission fiscale sur les prix de transfert qui reçoit les rapports annuels de suivi relatif aux
accords préalables qu’elle aura effectué pourra également demander le déclenchement d’une
vérification fiscale européenne.
Mais l’esprit dans lequel doit être instauré cette convention fait que le déclenchement principal
de la vérification européenne doit provenir majoritairement des États puisque ce dispositif a été
pensé pour eux et dans l’objectif premier de préserver leurs entrées fiscales.
Comme l’unique mission de l’Agence est d’effectuer des contrôles externes de niveau européen,
les administrations nationales qui reçoivent les déclarations fiscales sont les mieux placées pour
indiquer quelles sont les entreprises qui méritent d’être vérifiées comme c’est le cas en matière
de contrôle simultané de la DGE ou de « l’ufficio governo ». Dès lors qu’il est question de prix
de transfert et que l’entreprise a un CA supérieur ou égal à 400 Millions euros ou qu’il existe un
lien de parenté avec une entreprise qui répond à ce montant, alors l’État en informe l’Agence
qui accuse réception de la demande et lui indique quels sont les autres États membres sur
lesquels résident les entités du groupe. Le directeur de l’Agence prend contact avec le ou les
autorités compétentes notamment celles en matière de contrôle simultané afin de les aviser du
448
contrôle externe à venir ; d’autant que celles-ci devraient avoir un intérêt commun ou
complémentaire à la réalisation de cette vérification européenne. L'instauration de cette Agence
viendra rendre obsolète le dispositif de contrôle simultané basé sur la coopération au sein des
États membres de l'UE mais uniquement pour les entreprises qui entrent dans le périmètre de
compétence de l'agence.
Il apparaît essentiel de permettre la saisine de l’Agence par un seul État membre du moment
que les transactions intra-groupes sont effectuées par des entreprises qui répondent aux critères
de rattachement à l'AEVF comme c'est le cas des sociétés tête du groupe mais aussi de ces
multitudes d’entreprises moyennes contrôlées par ces premières qui contribuent à faciliter la
délocalisation de bénéfices.
Tous les États concernés par cette vérification européenne doivent communiquer à l’agence tous
les documents utiles en leur possession, le dossier fiscal du contribuable, les éventuels accords
préalables et les rapports de suivi ainsi que tous les documents utiles au déroulement de la
mission de contrôle. L’agence a la capacité d’exercer un droit de communication à la faveur du
droit interne et des dispositions communautaires comme la directive du 15/02/2011 créant le
droit de communication européen.
Généralement chaque administration fiscale planifie au préalable les contrôles qu’elle souhaite
effectuer, il serait bon que celles-ci fassent connaître au directeur de l’Agence les entreprises
susceptibles de subir une vérification fiscale européenne afin que celui-ci prévoit un calendrier
des contrôles et organise de façon optimale les différentes visites.
Dès lors qu’une vérification est planifiée, le directeur désigne le ou les fonctionnaires
appartenant à chacun des États membres qui devront former une unité dédiée au contrôle
externe, ainsi que le noms des différentes sociétés soumises au contrôle, leur lieu de résidence et
le ou les objets de cette vérification ainsi que les exercices concernés conformément aux règles
de prescription en vigueur dans le pays où s’effectuera la visite. Il rédige pour ce faire un avis
de vérification justifiant de cette intervention.
Nous ne ferons pas une présentation exhaustive de toute la procédure comme nous avons pu le
faire pour la vérification de comptabilité ou la « verifica » puisque le droit qui régit le contrôle
sur place sera celui du pays dans lequel se trouve l’entreprise concernée. Mais il serait bon par
la suite de penser à harmoniser dans la mesure du possible les procédures de contrôles externes
en retenant les points de nos législations ou pratiques qui apparaissent comme les plus efficients
449
pour assurer tant le bon déroulement du travail des contrôleurs que la garantie des droits du
contribuable vérifié.
Les agents européens se doivent d’agir en toute légalité pour ne pas venir entacher la régularité
de la vérification.
C’est pourquoi les visites de chaque pays doivent être conduites par le fonctionnaire détaché de
ce pays et qui sera désigné pour l'occasion comme responsable de la vérification par le directeur
de l’Agence. Tous les agents qui constituent l’unité participent en principe à la vérification sur
place de toutes les entreprises concernées ce qui facilitera la compréhension globale de la
gestion fiscale du groupe et conduira à une appréciation similaire ou commune de la ou des
méthodes les mieux adaptées à la fixation des prix de transactions intra-groupes.
Chaque entreprise citée à l’avis de vérification subira une visite sur place. Les autorités
d’accueil se devront de porter l’assistance nécessaire à la bonne conduite de la mission de ces
agents. Comme il est prévu dans le cas du contrôle simultané, toute atteinte ou refus de se
conformer aux prérogatives des agents durant l’exercice de leur mission sera considéré comme
une opposition au contrôle qui donnera lieu à une procédure de taxation d’office et de sanctions
conformément au droit du pays où se déroule la visite. Pour effectuer leurs missions, les agents
doivent avoir accès aux documents comptables et extra-comptables de l’entreprise, ils peuvent
interroger les personnes dans l’entreprise et visiter tous les locaux détenus, loués ou occupés
pour l’activité de l’entreprise. Concernant l’emport des documents écrits ou électroniques, les
vérificateurs doivent avoir le droit d’en faire copie et de les emporter. Ils doivent également
détenir le droit d’effectuer des photos pour le bien de l’enquête, celles-ci ainsi que tous les
autres éléments de la vérification seront soumis au respect des règles de confidentialité.
A chaque fin de visite, les agents se réunissent et dressent un procès verbal journalier où
figurent les éléments qui semblent essentiels à la vérification de la méthodologie appliquée par
l'entreprise comme certains documents, des témoignages ou des observations. Le procès verbal
doit reprendre les remarques individuelles de chaque vérificateur si nécessaire et se conclure par
une appréciation globale de la visite par l'unité. De plus, ils dressent une liste de tous les
documents papiers ou électroniques qui ont été copié. Tous les vérificateurs présents devront
apposer leur signature sur ces deux documents.
Nonobstant la législation propre à chaque pays, le déroulement des missions se devra d'être
relativement semblable.
La durée de la vérification de comptabilité sera celle estimée comme étant nécessaire à la
réalisation de la mission sans excéder le délai maximum prévu par la loi du pays. Outre la
450
présence dans les locaux de l’entreprise, l’administration du pays d’accueil allouera un lieu où
les vérificateurs pourront se réunir pour classer, analyser les documents et œuvrer à leur
mission.
Une fois l’ensemble des contrôles sur places effectués, les agents de retour dans leurs locaux
présentent un résumé de leurs recherches et analyses au directeur de l’Agence. Puis ils rédigent
en commun la proposition dite générale de non rectification ou de rectification en indiquant les
noms de toutes les entreprises visitées et qui ont participé à la délocalisation d’une partie des
bénéfices ainsi que la méthodologie qu’ils ont retenue comme celle appliquée aux transactions
intra-groupes concernées. Dans le cas où il y aura un désaccord sur la méthodologie à appliquer
au prix de transfert, tous les documents sont soumis au contrôle du directeur de l’Agence qui
après un exposé des agents concernés, décidera de celle qu’il considère la plus appropriée. En
cas de difficulté ou de doute il peut solliciter l’avis de la commission fiscale sur les prix de
transfert auquel il sera lié.
Ensuite les agents rectifient les bases imposables des sociétés concernées, établissent le calcul
de la dette fiscale additionnée des intérêts de retard et sanctions conformément à la loi du pays
de résidence des entreprises visées. Ils effectuent les ajustements corrélatifs en respect du
principe de non double imposition. Puis ils signent le document qui devra être contresigné par le
directeur et qui sera transmis aux différents États membres concernés avant d’être envoyé à titre
informatif à la société tête de groupe.
Dans le même temps, chaque agent désigné comme responsable dans son pays aura rédigé dans
sa langue d’origine une proposition de rectification dite spécifique qui reprend à l’identique les
motivations concernant l’entreprise située sur le territoire de sa juridiction d'attache ainsi que la
méthodologie sur les prix de transfert retenue, il devra aussi accompagné ce document de
l’ensemble des résumés journaliers retranscrits dans sa langue d'origine et portant sur cette
entreprise ainsi que la liste des pièces obtenues.
Concernant la vérification spécifique, il ne reprend que la partie où figure le mode de calcul, le
montant détaillé de la totalité de la dette fiscale et les ajustements corrélatifs. Celui-ci devra être
signé par le directeur et l’Agence le transmettra à l’autorité compétente pour qu’elle en prenne
acte et notifie cette proposition de rectification spécifique à l’entreprise concernée. Seule cette
proposition de rectification spécifique pourra être attaquable donc l'entreprise conformément au
droit interne pourra émettre des observations ou remarques suite à cette proposition qui devront
être transmises par l'autorité compétente à l'Agence dans les 30 jours qui suivent la réception
des remarques ou observations. Dans ce cas, ces remarques seront soumises à l’unité ayant
451
effectuée le contrôle ainsi qu’au directeur de l’Agence. Ils auront la capacité d’en tenir compte
ou pas et de modifier en conséquence la proposition de rectification générale et celles
spécifiques. En cas de modifications, le directeur de l’Agence les notifie aux administrations
concernées. La réponse au contribuable devra être apportée dans les 30 jours qui suivent la
réception des remarques ou observations par l'agence.
Concernant l’ajustement corrélatif, celui ci est permis du fait que la référence actuelle et
unanime des États membres en matière de commerce international repose sur le principe de
pleine concurrence.
L’application de la disposition sur la présomption de transferts indirects de bénéfices comme
prévue aux articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR nous indique que d’un coté de la frontière il y a
une augmentation de la base imposable de l'entreprise rehaussée ce qui entraîne de l’autre coté
de la frontière fiscale une diminution de la base imposable de l'entreprise liée cocontractante.
Par exemple un société A achète des biens à une société B qui appartient au même groupe.
Suite à la vérification fiscale de la société A, l’Agence constate une diminution de sa base
imposable par des achats à des prix majorés de biens vendus par la société B. Dans ce cas, il
procède à une rectification à la hausse du montant des revenus déclarés. La société B qui subit
également cette vérification fiscale verra le montant de ces bénéfices diminué puisqu’une partie
d’entre eux auront été relocalisée dans la juridiction fiscale de la société A. De ce fait, la
juridiction fiscale où se situe la société B aura perçu un excédent d’impôt. A ce stade la partie
des bénéfices transférés à la société B puis réintégrés à la société A aura été doublement
imposée. Comme les agents devront aboutir à une proposition commune, la conclusion d’une
vérification fiscale européenne engendrera toujours, en cas de rehaussement, une situation de
double imposition qui se devra d’être automatiquement corrigée puisque les agents représentant
chaque juridiction calculeront les bénéfices de chaque société en appliquant la même référence
tarifaire. Ce prix de vente qui constitue un produit pour la société B permettra de connaître son
bénéfice réel et ce même prix d’achat qui constitue une charge pour la société A servira à
déterminer le bénéfice que celle-ci a réellement effectué en revendant le bien acheté à la société
B.
L’ajustement corrélatif devra avoir une reconnaissance automatique par les différents États
concernés dès lors que les sociétés vérifiées adhèrent à leur proposition de rectification
452
spécifique et que la société tête de groupe adhère à celle dite générale. Tant que les sociétés du
groupe qui ont opéré ce transfert de bénéfices ne consentent à adhérer la proposition de
rectification, l’ajustement sera suspendu et les entreprises pourront user de leurs voies de
recours internes. Ceci permet d’éviter de devoir réajuster les montants rectifiés en cas de
décision favorable de l’administration nationale ou du juge de l’impôt. Il faut avouer que cette
situation se révélerait d’une extrême complexité si les différents juges nationaux remettaient en
cause les propositions spécifiques faites par l’Agence. Afin d’éviter ces soucis et de perdre le
bénéfice de cette vérification fiscale européenne. Il faut conditionner le droit à l’ajustement
corrélatif automatique à l’acceptation de la proposition de rectification. Il existe notamment au
sein de la législation italienne des mesures incitatives à l’adhésion410 du contribuable. Les
sociétés rectifiées et/ou la société mère devront formuler leur adhésion dans les 90 jours qui
suivent la notification des propositions. En cas de remarques ou d’observations faites sur la ou
les propositions, ce délai d’acceptation sera prorogé.
En cas de refus ou de la fin du délai d’acceptation, la mission principale de l’Agence qui est le
contrôle fiscal externe sera effectuée et celle-ci n’aura plus lieu d’intervenir. Le bénéfice de
l'ajustement corrélatif automatique sera perdu pour le groupe de sociétés et nous retomberons
dans la situation classique qui fait suite à une vérification fiscale nationale. La société rectifiée
conserve, en cas de contestation, le droit d'user des voies de recours juridictionnels et
préalablement des recours internes administratifs ainsi excepté celui hiérarchique qui s'est fait
ou aurait du se faire auprès de l'Agence. Dans ce cas les ajustements corrélatifs au profit des
entreprises appartenant au groupe devront être obtenus par la voie administrative ou par le
déclenchement d'une procédure de recours amiable ou d'’arbitrage.
Notre Agence Européenne de le Vérification Fiscale (AEVF) par sa spécificité pourrait
permettre l’obtention de résultats probants tant pour les États membres que les entreprises, ce
qui serait vertueux pour le marché unique. C’est pourquoi il faudrait en plus de son cadre
fonctionnel précédemment développé et conformément à son seuil de compétence lui attribuer
une prérogative particulière en matière de contrôle fiscal simultané avec des administrations
non européennes. Cette mesure est généralement prévue par la convention modèle OCDE
d’assistance administrative qui inclut ce type de contrôle ou par des conventions spécifiquement
établies pour régir le contrôle simultané avec des pays tiers à l'UE. Dès lors qu’une demande de
410
DLgs n° 218 du 19/06/1997
453
contrôle simultané émane d’un pays extérieur à l’UE et se fait en direction d’un État membre,
celui-ci en informe l’Agence qui recherche si d’autres États auraient un intérêt commun ou
complémentaire avec les entreprises ou le groupe d’entreprise visé par cette demande de
contrôle simultané et s'il existe entre ces États membres et l’État tiers une convention qui
autorise cette mesure. Dans ce cas précis il serait bon que la réalisation de ce contrôle soit
confiée à l’AEVF afin qu’il y ait une application uniforme des règles de la vérification fiscale
pour les entreprises appartenant à cette même catégorie. En l’absence de convention prévoyant
la possibilité d’effectuer un contrôle simultané, il sera difficile de justifier de la légalité de ce
dispositif même si la directive du 15/02/2011 autorise par son art 24 et dans certaines conditions
l’échange d’informations avec des pays tiers. Pour pallier à cela il faudrait soit instaurer des
conventions multilatérales intergouvernementales d’assistance administrative d’application
continue ou ad hoc prévoyant l’échange d’informations et les modalités du contrôle simultané
qui confieraient expressément cette mission à l'Agence Européenne de la Vérification fiscale ce
qui aura pour avantage de rendre plus efficient le contrôle fiscal international et de faire la
publicité de notre dispositif de défense au monde des affaires et au monde politique.
455
Tout au long de notre développement nous avons tout d'abord cherché à démontrer
qu'il peut être difficile pour une entreprise de se positionner sur ses prix de transfert sans
craindre une éventuelle remise en cause de part les administrations fiscales.
Cette instabilité est générée par la nécessité d'instaurer un critère de référence économique, le
principe de pleine concurrence, à l'application de la loi. L'ensemble des pays qui participent au
commerce international reconnaissent de façon explicite ou implicite le principe de pleine
concurrence. Mais l'économie étant une matière encore moins figée que le droit, l'appréciation
de cette référence par rapport à la conformité des prix de transfert intra-groupes est tout à fait
libre voire aléatoire d'une juridiction fiscale à une autre, c'est pourquoi nombre de sociétés qui
ne souhaitent pas pratiquer l'évasion fiscale sont susceptibles de se voir condamner sur la base
du transfert indirect de bénéfices comme régit par l'art 57 CGI et 110 al 7 TUIR. Il apparaît
donc que ce critère économique devrait être réapprécier à la lecture de la pensée libérale, pour
ce faire l'analyse de comparabilité qui permet de vérifier la conformité du prix des transactions
intra-groupes doit se voir complétée par un autre critère qui viendrait améliorer la perception de
la politique des prix de transfert choisie par ces sociétés. Il faut nécessairement tenir compte de
la conception économique que se fait l'entrepreneur de sa propre entreprise. Ainsi la part de
subjectivité laissée aux administrations et qui pourrait paraître trop large se verrait atténuée ou
cadrée par l'approche économique de l'entreprise. Ce qui paradoxalement facilitera la tâche de
l'administration puisque grâce à cette approche, elle s'offre une grille de lecture à appliquer à
l'activité de l'entreprise ce qui lui permettra de vérifier rapidement si les prix pratiqués
correspondent à la logique économique avancée tout en respectant pleinement les principes
fondamentaux de la liberté de gestion et de fixation des prix qui forment les remparts de la
liberté d'entreprendre.
Pour valider cette redéfinition du contrôle de l'activité économique de l'entreprise, il faut
obligatoirement garder à l'esprit que le principe de pleine concurrence demande à ce que les
prix pratiqués entre sociétés apparentées soit les mêmes que ceux qui auraient pu être fixés
entre sociétés indépendantes. Sur un même marché, il est fréquent que les vendeurs d'un produit
identique affichent ou acceptent des prix différents tout dépend de l'esprit mercantile du vendeur
qui peut être avide de profit ou avoir une approche suffisante de celui-ci. Ainsi en admettant
cette réalité, nous appliquerons pleinement le principe d'égalité et écarterons cette approche
négative des entreprises liées qui n'est justifiée par aucun fondement juridique. Le travail de
l'OCDE a été long et difficile, mais elle est tout de même parvenue à faire accepter ce critère de
456
pleine concurrence par la plupart des pays. A ce jour, il faut continuer à améliorer notre système
en élargissant l'intervalle de pleine concurrence à la zone de libre prix, celle qui est comprise
entre le juste prix et le prix du prestige car il est trop restrictif de penser que le prix d'équilibre
constitue à lui seul la juste représentation de la valeur d'un bien ou service mis sur le marché ;
l'analyse théorique comme pratique nous l'a démontré. Nous ne pouvons demander aux
entreprises de respecter les principes de l'économie libérale qui servent à l'application de la loi
en occultant une partie de ce qui constitue notre pensée économique. Les théories classiques et
néoclassiques qui fondent cette pensée économique ont été mises en pratique par les
entrepreneurs et industriels de nos sociétés civiles dont les actions ont été confortées par nos
pouvoirs publics qui sont venus légaliser ce système libéral voire ultralibéral qui régit notre
monde économique. Il serait donc logique de demander aux différents groupes de sociétés de
préciser la conception économique qu’elles appliquent dans le traitement de leurs affaires vu
que la liberté fonde notre système politique et le libéralisme notre système économique. S’il
s’avère lors du contrôle de l’administration financière que l’ensemble des prix pratiqués par le
groupe en son sein et en dehors sont cohérents avec son mode de pensée alors la société devra
être considérée comme avoir agit en toute légalité.
Nous ne cherchons pas être utopiste ou simpliste dans notre analyse mais réaliste afin que le
système que l’on qualifie de libéral et qui fait notre économie soit appliqué de façon cohérente
avec sa nature et qu'une partie ne soit pas écartée de façon unilatérale par des administrations
qui cherchent des rentrées fiscales surtout en période de récession ; là aussi il y aurait à discuter
à la lecture des grandes théories de l’intérêt économique de cette approche.
Le but de cette juste application du libéralisme et de la transparence des administrations est de
restaurer la notion de consentement à l’impôt ou « compliance » qui est nécessaire à la solidité
du pacte social et donc de la paix sociale.
La société capitaliste est présentée comme étant le mode d’organisation social le plus juste où la
liberté de chacun est respectée. Mais apparemment l’Homme et précisément l’Homme
entrepreneur n’est pas si libre que cela dans le sens où le système sociétal régenté par nos
politiques semble avoir une aversion à la pratique du juste prix et une incitation insidieuse à la
réalisation d’un bénéfice maximal qu’offre la loi du marché.
Le positionnement de l’administration se devrait d’être exempt de la recherche d’intérêts
économiques et assurer la protection des libertés. Mais l'administration fiscale omet
457
volontairement la diversité d’appréciation de la valeur et du mode de gestion libre reconnu à
chaque entrepreneur. Au contraire, elle reconnaît souvent comme seul gain possible celui qui
aurait du être réalisé dans des conditions optimales de marché et s’oppose ainsi à la volonté de
la personne qui n’a pas cherché ou n'a pas pu réaliser ce profit. Le souhait de ne pas maximiser
ce gain serait donc directement perçu comme une volonté de minimiser la base imposable de
l’entreprise.
Pourtant les jurisprudences françaises411 et italiennes nous rappellent que la maximisation du
profit n’est pas une condition obligatoire à la pratique du commerce.
D’ailleurs, en matière de profit, il ne pèse aucune obligation légale sur l’entreprise. Le devoir de
l’entrepreneur est de préserver les intérêts de la personne morale qu'il a créée et de ne pas la
piller ou la conduire à la faillite volontaire. Outre ces aspects, l’entrepreneur est libre de fixer
les prix qui assureront la viabilité économique de son activité.
Il y a donc une différence entre les droits reconnus aux personnes et l’attitude de
l’administration par rapport à ces droits. Il semblerait que ces premiers soient inconsidérés,
oubliés par l’administration fiscale qui ne les inclut que trop rarement lors de ses analyses ou
revendications sur la manipulation des prix de transfert.
Il apparaît clairement que le droit fiscal n’apprécie pas la viabilité économique de la même
façon lorsqu’il s’agit d’un groupe de sociétés. Il existe une sorte de discrimination entre sociétés
liées et sociétés indépendantes. A secteur d’activité identique, l’entrepreneur indépendant ne
sera pas inquiété par le fisc s’il pratique des prix inférieurs au prix moyen du marché mais tout à
fait viable pour la bonne marche de son entreprise. A l’inverse, une société ne peut vendre à une
filiale du groupe des produits à des prix tout aussi viables mais inférieurs à ceux que pratiquent
la majorité de ses concurrents, sans risquer d’être rectifier par la juridiction fiscale.
L’administration considère que le capital investi dans l’entreprise doit être rémunéré non pas
selon un minima que les investisseurs seront libres d’apprécier mais selon un minima issu du
secteur sur lequel se place l’entreprise. Si nous prenons par exemple un groupe de sociétés qui
commercialise de petits électroménagers, la marge bénéficiaire généralement reconnue pour les
distributeurs de ce type de produit est de 30% du prix de revient. La filiale distribuant ce produit
411
CE de 7 juillet 1958, req. N°35977
458
au consommateur final qui réaliserait un Chiffre d’Affaire de 130 doit obligatoirement avoir
effectué une marge bénéficiaire minimale de 30. A défaut, l’administration pourra considérer sa
rentabilité comme trop faible par rapport à l’activité poursuivie et cela sera perçu comme un
transfert indirect de bénéfices au profit d’une filiale située en amont. Pour ce faire, elle
recherchera le prix que l’entreprise distributrice a versé pour obtenir les petits électroménagers.
Si ce prix semble ne pas correspondre au prix habituellement proposé par des sociétés
indépendantes, alors la manipulation des prix de transfert sera justifiée et le montant des
bénéfices déclarés rehaussés.
Donc l’analyse théorique de la valeur nous permet de remettre en cause ce postulat que
constitue la référence au prix du marché représenté par le prix d'équilibre et ainsi de justifier de
la différence relative des prix pratiqués au sein d’un groupe à partir du moment où la politique
des prix pratiqués est rattachée à une des théories économiques qui fondent notre système
libéral.
Notre système reconnaît comme subjectif la conception de la valeur. Ce qui implique qu’il
existe une subjectivité quant à la fixation du prix. En pratique, c’est ce qui rend difficile le
travail de l’administration fiscale dont nous pourrions comprendre l’intérêt de chercher un prix
qu'elle considérera comme étant celui du marché mais le souci est qu'elle exerce cette approche
de façon unilatéral mais surtout de façon univoque c'est à dire uniquement lorsqu'il y trouve un
intérêt budgétaire soit le prix d'achat est trop élevé, soit le prix de vente est trop faible. Par
contre lorsqu'il s'agit d'entrer en discussion avec une autre administration en vue d'éliminer la
double imposition suite à la rectification d'une société alors la réciprocité qui devrait
caractériser le comportement de l’administration n’est pas marquée. D'ailleurs la formulation de
la législation française en matière de transfert indirect de bénéfices démontre à l’inverse de la
législation italienne une volonté de dissimuler cette réciprocité et ses effets.
Vu que nos administrations appliquent toutes le même principe, elles devront donc s'entendre
aisément et rapidement sur les résolutions des cas de double imposition. La relativité des prix
de transfert existe certes entre administrations et entreprises et se confirme également entre
administrations. La relativité de la valeur notamment d’échange vient déstabiliser également le
positionnement des entreprises internationales dont les politiques de fixation des prix de
transfert souffrent de la divergence des administrations.
459
Il apparaît donc essentiel de reconnaître la validité de la zone de libre prix c’est à dire celle qui
fait que le prix pratiqué par les entreprises est conforme à notre système économique libéral. De
ce fait la liberté de fixation de prix qui s'exerce dans cette zone se veut légale donc conforme au
principe de pleine concurrence vu que les prix affichés auraient pu être acceptés par un acteur
indépendant. Au delà de cela, la zone de libre prix permet la reconnaissance du mode de pensée
de l’entreprise et de sa culture. Chaque entreprise possède une culture, il est donc nécessaire
d’en tenir compte pour faire une application réaliste du principe de pleine concurrence d’un
point de vue économique qui doit être déterminé en fonction de la politique commerciale
adoptée par le groupe. Cette politique peut être facilement déterminable à la lecture des taux de
rentabilité choisis par le groupe de sociétés et selon un cadre conjoncturel économique donné.
La reconnaissance de cet élément subjectif relatif à la culture de l’entreprise se veut tout a fait
logique car parfaitement adapté à la réalité économique. Nous retrouvons parmi les éléments du
marketing mix qui fondent la politique de prix et de commercialisation ce facteur de
communication qui fait partie des cinq majeurs.
Le droit est toujours en décalage avec la réalité c’est pourquoi la prise en compte de cet élément
dans l’analyse de comparabilité indispensable à l’usage des méthodes de fixation de prix de
transfert apparaît comme essentielle. Tout comme il est essentiel de retenir pour l’OCDE le fait
que l’entrepreneur ou responsable local peut avoir un intérêt à ce que le mode de fixation des
prix de transfert et la répartition des bénéfices du groupe soient conformes au principe de pleine
concurrence. Car celui-ci possède un intéressement sur les bénéfices.
L’ensemble de ces mesures viennent préciser l’analyse de comparabilité et ne rend que plus
équitable l’application du droit et de la justice.
Nous avons vu lors de la 1ère partie comment le modèle économique pour lequel nous avons
adhéré conçoit et régit le commerce mondial. Le principe de pleine concurrence est un élément
fondamental car il instaure un cadre légal qui doit être respecté par tous les acteurs
économiques pour établir leurs relations commerciales et exécuter leurs obligations réciproques.
L’intérêt de ce principe est de promouvoir le marché libre et profiter des vertus du libéralisme
économique qui autorisent et contribuent à l’émancipation économique et sociale des Hommes
en particulier et de la société civile en général.
Cette reconnaissance du principe de pleine concurrence semble exister à la base pour la
préservation du marché et des sociétés qui jouent le jeu de la concurrence. Mais cette règle
permet principalement aux États ou idéalement parlant aux nations de détenir un moyen légal
460
qui les autorise sur la base de ce principe à tirer un tribut plus ou moins juste de la richesse issue
des relations commerciales entre sociétés liées de nationalités différentes.
Le non respect du principe de pleine concurrence qui est préjudiciable au marché et donc aux
entreprises ne leur offre aucune possibilité directe d’obtenir réparation du préjudice subi. C’est
la communauté et non l’entrepreneur qui obtient réparation née de ce manquement aux règles de
commerce. L’entreprise ou le secteur d’activité continue à travailler sans qu’il n'y ait eu aucune
remise en l’état du marché initial. Ce principe est fondamental en commerce mais appliqué au
prix de transfert, il ne sert que les intérêts directs de l’État ou non ceux des entreprises pour qui
il a été instauré.
Les entreprises n’ont rien à y gagner et ce sont les entreprises associées exerçant en toute bonne
foi qui ont le plus à perdre s’il s’avère qu’une des administrations considère de son point de vue
que l’une d’entre elles n’a pas pratiqué le prix du marché.
Cette conception libérale qui fut fondée pour l’amélioration des relations économiques et donc
sociales des individus semble avoir trouvé aux yeux des « juges arbitres » un intérêt budgétaire
exclusif. A présent, il semblerait qu’omettant l’essence même du marché libre qu’est la
circulation des biens, des personnes et l’avènement de la paix par l’entretien de bonnes relations
commerciales, les gouvernants n’ont d’yeux que pour le montant des deniers qui formera le
budget. Agissant comme des entreprises, ils ne recherchent que l’accroissement des entrées à
chaque nouvelle année parfois au détriment du commerce lui-même. Ils appliquent donc une
logique d’entreprise à leur gestion mais écartent celle-ci des justifications des entreprises
lorsqu’elle ne convient pas à la rentabilité de l’État.
Certes l’accroissement de la population, les besoins des individus seraient une bonne excuse à
la recherche effrénée de budget mais à quoi bon améliorer la situation économique et sociale
des individus si à l’initial, des mesures ou des interprétations de l’administration nuisent à la
santé des entreprises dont seule la pérennité est garante de croissance économique et donc
fondamentalement du bien être social. Leurs attitudes se veulent paradoxales en pratique car
elles vont à l’encontre de ce que promeuvent les théories néoclassiques et Keynésiennes
choisies par ces mêmes politiques. Pourtant, d’un coté ils en ont fait une raison d’État
génératrice de conflits idéologiques et militaires ; mais d’un autre coté, ils sont dans l’incapacité
de s’accorder du point de vue fiscal pour améliorer la sécurité juridique des entreprises et éviter
de prendre des mesures internes dites d’incitations fiscales dont le rendu se veut au final néfaste
au commerce et donc contraire à l’idéal économique libéral.
461
Le droit est une matière noble dont l'application doit retranscrire cette vertu. Il faut
nécessairement instaurer des règles dés l'instant où il y a communauté de vie et interactions
entre les Hommes. La matière fiscale contribue à l'émancipation de la société civile et la
préservation de l’intérêt commun impose donc la mise en place de mesures qui viennent
contrôler l’intérêt des individus pour éviter que ceux-ci s’exonèrent ou diminuent leurs
obligations. Dans notre conception républicaine, cette fonction est confiée à loi et c'est à
l'administration qu'incombe le devoir d’exécuter ce que la loi prescrit. Nous avons vu dans la
seconde partie comment s'exerce le pouvoir de l'administration en matière de contrôle des prix
de transfert et avons conclu que les modalités de celui-ci étaient effectives, qu'elles pouvaient
être améliorées en interne mais que vu l'envergure du problème rencontré, les prérogatives de
nos administrations souffriront toujours de leur limite territoriale. La souveraineté nationale
comme elle est exprimée aujourd'hui apparaît comme un frein à la lutte contre les transferts
indirects de bénéfices comme si celle-ci n'avait d'autres recours que de combattre cette forme
d'évasion uniquement sur son territoire. Nous affirmons que la souveraineté ne doit pas être
réduite à la simple expression d'un de ses critères de définition à savoir le territoire et qu'au
contraire cette souveraineté ne doit être limitée que par la volonté de la nation ou plutôt des
nations. Et s'il en va de l’intérêt de la nation de déléguer ou transférer une partie de ses
compétences comme c'est le cas depuis l'instauration de l'Union Européenne et avant cela de la
CECA ou la CEE alors certaines prérogatives que nos nations confèrent aux administrations en
termes de contrôle fiscal des transactions intra-groupes doivent être prises en charge par un
pouvoir supranational dont l'essence même est la préservation de l’intérêt supérieur de la nation
européenne. L'instauration de ces dispositifs au niveau européen ne fera que promouvoir cet
intérêt et contribuera à améliorer la lutte contre la délocalisation des bénéfices au sein de notre
Union. De plus l’agrégation de ces mesures constitueront un partenaire de taille pour étendre
cette lutte hors des frontières européennes notamment par l’entente avec les pays tiers dont
quasiment tous subissent les méfaits de cette forme d'évasion fiscale.
Le vote de la directive sur l'accord préalable européen sur les prix de transfert et ses modalités
d'application contribueront à améliorer l'efficience du marché commun par la sécurisation de la
fiscalité des groupes de sociétés présents en Europe ou en relation avec l'UE.
Le vote de la convention intergouvernementale créant l'Agence Européenne de la Vérification
Fiscale des Grandes Entreprises (AEVF) et amenant des modalités d'exercice particulières sera
bénéfique aux différentes juridictions fiscales et plus encore au droit lui même grâce à une
462
application concertée des méthodes de fixation de prix de transfert. Le pouvoir de contrainte de
ces vérificateurs fiscaux sera équilibré par la possibilité pour les entreprises du groupe
rehaussées d'éliminer de façon automatique la double imposition. L’objectif serait qu’à terme
tous les groupes multinationaux situés sur le territoire européen et quel que soit leur taille
puissent jouir ou être soumis à ces dispositifs. L’atteinte d’un tel degré de sécurisation fiscale
pour les entreprises et surtout pour les Etats membres pourrait aboutir pour certaines entreprises
liées, précisément celles résidentes de l’UE et commerçant uniquement sur le marché commun,
à la nécessaire relecture de la loi par la remise en cause de la notion de présomption de transfert
indirect de bénéfices. En effet, celle-ci n’aurait pu de raison d’être du fait de la pleine
transparence fiscale du mode de gestion de ces entreprises. L’instauration de cette présomption
s’explique par l’opacité de la fiscalité, la difficulté d’obtenir les informations nécessaires à la
justification d’un transfert indirect de bénéfices et le caractère international de cette forme
d’évasion fiscale. Tous ces éléments ont comme point commun la limite territoriale instaurée
par l’application actuelle de la souveraineté nationale. Mais l’élévation des modalités de
contrôle en la matière entrainera l’élimination de ces obstructions à la vérité. Le retour à une
situation normale ou maitrisée demanderait un retour aux principes de base qui fondent l’action
de l’administration avec la tâche un peu plus ardue de ne pas seulement présumer de l’illégalité
d’un fait mais de le prouver.
Quoiqu’il en soit l’arrivée à cette situation de contrôle idéal demande tout d’abord de mettre en
place ces mesures nouvelles en direction des Grandes Entreprises pour qu’elles, ainsi que les
Etats membres, puissent en tirer avantage.
C’est pourquoi cette Agence doit disposer d'un niveau d’excellence en terme de vérification
fiscale et jouir d'une pleine confiance de part les États membres qui de surcroit pourront profiter
de ces compétences pour promouvoir et réaliser des contrôles simultanés avec des pays tiers.
En matière de rapport avec les pays tiers, nous insistons également sur la possibilité de laisser à
la commission fiscale sur les prix de transfert d’effectuer des accords préalables entre
l’entreprise demanderesse, les États membres de l’UE concernés et des États étrangers.
Notre souci est d’élever la capacité de négocier et de vérifier la pratique des prix de transferts
au sein de groupes de sociétés surtout au niveau européen puisque nous détenons la possibilité
légale et/ou politique de renforcer l’attirail juridique européen nécessaire à la conquête de cette
espace économique sécurisé.
463
Ces mesures remodelées ou nouvelles contribueront assurément à optimiser la lutte contre les
transferts indirects de bénéfices et nous comptons sur l’exemplarité et l’efficacité de cette
approche concentrée pour tenter d’aboutir à l'instauration d'un même degré de sécurité au
niveau international.
Il apparaît donc essentiel de continuer le travail de comparaison entre nos législations afin d'en
tirer les mesures les plus efficientes. Nous avons choisi d'analyser et de comparer les mesures
de lutte contre les transferts indirects de bénéfices de ces Grandes Entreprises existantes au sein
de la législation française et italienne afin de les critiquer et pourvoir à l'instauration de
dispositifs plus efficaces rendus possible par notre appartenance à l'Union Européenne. Ce qui
aura pour avantage de créer une harmonisation et une application de ces mesures sur tout le
territoire de notre communauté mais ce travail de recherche comparé dont nous considérons
qu'il apporte solutions se doit d’être agréé par l'étude comparée d'autres droits et notamment
ceux issus des pays étrangers tels les États Unis d'Amérique, le Japon, le Canada, la Chine,
l'Inde, l’Allemagne ou encore ceux issus des unions politiques tels l'Union des Nations Sud
Américaine (UNASUR) ou encore l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires (OHADA). La comparaison est source de remise en question et souvent d'amélioration
tout dépend de l'esprit avec lequel celle ci s'exerce et de notre degré d'humilité. Nous espérons
par ce travail avoir contribué un tant soit peu à l'amélioration des moyens de lutte contre la
manipulation des prix de transfert ou tout au moins à une meilleure compréhension de la
problématique des prix de transfert tant pour les juristes que les non juristes.
Quoiqu'il en soit l’harmonisation des règles en matière de contrôle fiscal au niveau européen
sera amenée par la communauté des moyens et la mise en œuvre de ces dispositifs que sont
l’accord préalable européen sur les prix de transfert avec l’instauration de la commission fiscale
sur les prix de transfert ainsi que la vérification fiscale européenne avec la création de l’Agence
Européenne de la Vérification fiscale.
La mise en place de ces dispositifs et la stabilité juridique qu’ils apporteront pourrait servir au
renforcement de la volonté de la Commission Européenne d'instaurer un régime fiscal de
consolidation pour les sociétés œuvrant sur le territoire de l’UE, il s’agit de l’ACCIS « Assiette
Commune Consolidée pour l’Impôt sur les Sociétés » que nous avons présenté dans notre 1ère
partie. Ce système alternatif semble particulièrement bien adapté aux Grandes Entreprises
soumises aux mêmes règles comptables. L’instauration de cet ACCIS au niveau européen
464
nécessiterait par souci d’égalité fiscale et selon le Pr Castagnède412 l'adoption d’un mécanisme
de répartition de la base taxable des entreprises concernées afin que chaque État membre puisse
percevoir une imposition sur la richesse créée sur son territoire. Nous considérons que les
bienfaits du marché libre et plus précisément du marche européen ainsi que ceux de la fiscalité
demandent l’adoption de régimes fiscaux qui contribue à l’imposition par le pays sur lequel
l’entreprise crée sa richesse comme c’est le cas avec le principe de territorialité de l’impôt sur
les sociétés. L’application de ce principe par tous les États membres faciliterait la mise en place
de l’ACCIS qui apparaît pour la Commission413 comme une solution efficace au niveau
européen, d'autant qu'elle permettrait d'accroître le niveau de justice fiscale au sein de notre
communauté européenne et contribuera à la reconnaissance de cette responsabilité sociétale qui
pèse sur toutes les sociétés mais particulièrement sur ces grands groupes multinationaux. Ainsi
la fiscalité honorera pleinement la fonction économique et/ou sociale qui fonde son existence
dans notre société libre mais cela ne pourra effectivement avoir lieu que si l'Homme décideur
honore pleinement la fonction pour laquelle il a été mandaté par la Nation.
412
B.Castagnède “Précis de fiscalité internationale” §25 p 33 , 3ème
ed PUF 413
Communication Commission UE du 24/11/2003
465
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474
TABLES DES MATIERES
Sommaire
INTRODUCTION 2
PARTIE 1/ LES DIFFICULTES DE FIXATION DES PRIX DE TRANSFERT 44
TitreI. L’ANALYSE ECONONIQUE DE LA VALEUR D’UN BIEN OU SERVICE 50
Chapitre I. L’analyse théorique de la valeur 51
Section I La conception objective : La théorie de la valeur travail 52
Sous Section 1. A. Smith et D. Ricardo 53
Sous Section 2. K. Marx 56
Section II La conception subjective : la théorie de la valeur utilité 59
Sous Section 1. JB. Say et W. Jevons de l’école des néoclassiques 59
Sous Section 2. T.Veblen et l’école institutionnaliste 63
Conclusion Chapitre I 65
Chapitre II. L’analyse pratique de la valeur 68
Section I La réalité économique du groupe multinational et la valorisation
de son produit 70
Sous Section 1. Le contexte économique du groupe multinational 70
Sous Section 2. L’estimation de la valeur d’un produit dans le processus de
Fabrication 74
Section II Une politique de commercialisation ciblée : les éléments du
marketing mix 80
Sous Section 1. La politique produit 81
Sous Section 2. La politique de distribution 82
Sous Section 3. La politique de communication 83
475
Sous Section 4. La relation client entreprise 85
Sous Section 5. La politique de prix 86
Conclusion Titre I 88
TitreII. UN ESPACE JURIDIQUE PARCELLE : DES DIFFICULTES
D’ORDRE JURIDIQUE 91
Chapitre I. La répartition de la base taxable des groupes multinationaux 93
Section I Les modalités d’imposition des revenus des sociétés multinationales 94
Sous Section 1. Les régimes d’imposition des bénéfices 95
§1. Le principe de territorialité ou principio della fonte 96
§2. Le principe de mondialité ou principio della tassazione
su base mondiale 101
Sous Section 2. Les modalités d’imposition des dividendes 108
§1. L’imposition des dividendes internationaux 109
A/ Distribution de dividendes à une société mère étrangère 109
B/ Distribution de dividende à une société mère française ou italienne 112
§2. L’imposition spécifique des dividendes communautaires 117
Section II La référence au prix de pleine concurrence 124
Sous Section 1. La sacralisation du principe de pleine concurrence 125
§1. L’analyse de comparabilité 133
A/ Les caractéristiques des biens et services transférés 135
B/ Les fonctions assurées par chacune des parties 136
C/ Les clauses contractuelles 137
D/ Les circonstances économiques des parties 138
E/ Les stratégies industrielles et commerciales de chaque entreprise 139
§2. Les méthodes de fixation des prix de transfert 143
A/ méthodes traditionnelles fondées sur les transactions 143
476
1) La méthode du prix comparable sur le marché libre ou « confronto di
prezzo » 143
2) La méthode du prix de revente ou « prezzo di rivendita » 143
3) La méthode du prix de revient majoré ou « costo maggiorato» 144
B/ Les méthodes transactionnelles de bénéfices 146
1) La méthode transactionnelle de la marge nette ou « comparazione dei
margini netti » 146
2) La méthode du partage des bénéfices ou « ripartizione degli utili
complessivi » 147
Sous Section 2. La répartition globale des bénéfices selon une formule
préétablie : une théorie alternative 151
Chapitre II. La réintégration des bénéfices indirectement transférés : analyse des
articles 57 CGI et 110 al 7 TUIR 156
Section I Fondements légaux 156
Section II Les sujets concernés : l’entreprise et la société commerciale 161
Section III Le lien de dépendance : la notion de contrôle 175
Sous Section 1. Principe : l’existence du lien de dépendance 176
Sous Section 2. Exception : la présomption du lien de dépendance 187
Section IV Les actes relatifs à la manipulation des prix de transfert 198
Sous Section 1. Les actes relatifs au commerce : la vente de bien ou de service 199
Sous Section 2. Les actes à caractère financiers 204
§1. L’octroi sans contrepartie d’un prêt 205
§2. L’abandon de créances 207
§3. La caution sans rémunération 207
477
Section V Le recours à la comparaison des transactions et les conséquences
de la manipulation des prix de transfert 212
Sous Section 1. La nécessaire comparaison des transactions 212
Sous Section 2. Les conséquences de la manipulation des prix de transfert 218
CONCLUSION PARTIE 1 221
PARTIE 2 / LE POUVOIR DE CONTROLE DE L’AUTORITE ADMINISTRATIVE 225
TitreI. UN CONTROLE TRADITIONELLEMENT REPRESSIF 228
Chapitre I. Le contrôle fiscal a posteriori 229
Le contrôle interne : le contrôle sur pièce 229
Sous Section 1. La Demande de renseignements, éclaircissements
et justifications 230
Sous Section 2. Le Droit de communication 232
Le contrôle externe : la vérification sur place 240
Sous Section 1. Historique 241
Sous Section 2. Définitions 247
Sous Section 3. Avis de vérification 257
§1. Fonctions 257
§2. La Remise de l’avis de vérification 258
§3. La signature de l’avis de vérification 262
§4. Le droit au conseil 266
Sous Section 4. La charte du contribuable 270
Sous Section 5. La mise en pratique de la vérification sur place 273
§1. Le Lieu d’exécution de la vérification 273
§2. Le débat oral et contradictoire 276
§3. Le déroulement de la vérification 278
§4. La durée de la vérification 287
478
Sous Section 6. Le Retour du contrôleur au sein des locaux malgré la fin
de la vérification 290
§1. L’exercice du droit de réponse par le contribuable 290
§2. La vérification de comptabilité au sein d’un groupe de société 292
§3. La procédure du droit de communication 293
Sous Section 7. La demande d’assistance administrative internationale 296
§1. Aspect général 296
§2. Le droit de communication européen 299
A/ Fondements légaux 299
B/ Les délais de réponse 305
C/ La procédure d’échange automatique et spontanée 306
D/ Le secret des échanges 308
E/ Les limites aux demandes d’échanges 309
§3. Le contrôle simultané 312
A/ Le déroulement du contrôle 314
B/ La conclusion du contrôle 318
Sous Section 8. La fin du contrôle externe 321
Chapitre II. Les conséquences du contrôle 324
Les procédures de rectification 324
Sous Section 1. La proposition de rectification 325
Sous Section 2. La procédure contradictoire 328
Sous Section 3. La procédure de taxation d’office 337
Le rehaussement 340
Sous Section 1. Les intérêts de retard 341
Sous Section 2. Les sanctions fiscales 344
Conclusion Titre I 349
TitreII. LES MOYENS DE CONTROLE MODERNES 351
479
Chapitre I. Un contrôle préventif 352
Section I L’Accord préalable sur les prix de transfert 352
Sous Section 1. Origines : le rescrit fiscal “ il diritto di interpello” 353
§1. Principes 353
§2. Fondements 356
§3. Les différentes appellations italiennes 360
A/ « L’interpello speciale » ou rescrit spécial 360
B/ « L’interpello corretivo » ou rescrit de désapplication 362
C/ « L’interpello ordinario » ou rescrit général 362
Sous Section 2. Les modalités d’application de l’accord préalable 363
§1. Encadrement juridique 364
§2. Etablissement de l’accord préalable 375
A/ Dépôt de la demande 375
B/ Réunion préliminaire 377
C/ Production documentaire 378
D/ Confidentialité et secret fiscal 380
E/ Phase de négociation 383
F/ Entente entre les autorités compétentes 389
G/ Contenu de l’Accord 389
H/ Durée de l’Accord 390
I/ Effets de l’Accord 391
J/ Dispositif de suivi 392
K/ Non rétroactivité 393
L/ Procédure de renouvellement 394
Section II La remise documentaire propre au prix de transfert ou « Masterfile » 397
Sous Section 1. Un code de conduite européen 398
Sous Section 2. La nature des documents 401
§1. La documentation de base 402
§2. La documentation spécifique 403
Sous Section 3. Une obligation légale 405
480
Les pistes d’améliorations 413
Section I L’accord préalable européen sur les prix de transfert 415
Sous Section 1. Principes 415
Sous Section 2. Proposition de directive européenne 421
Section II La création de l’Agence Européenne du Contrôle Fiscal des
Grandes Entreprises (AEVF) 441
Sous Section 1. Fondements 442
Sous Section 2. Une organisation adaptée 445
§1. Composition 446
§2. L'organisation des contrôles 447
CONCLUSION FINALE 454
Eléments bibliographiques 465
Table des Matières 474