UNIVERSITÉ PARIS EST CRÉTEIL
FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
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ANNÉE 2014 N°
THÈSE
POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT
DE
DOCTEUR EN MÉDECINE
Discipline : Médecine Générale
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Présentée et soutenue publiquement le :
À : CRÉTEIL (PARIS EST CRÉTEIL)
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Par CORSIN Lola
Née le 13/10/1986 à Villeneuve-Saint-Georges
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FACTEURS EXPLICATIFS DE LA PRESCRIPTION DES INHIBITEURS DE LA POMPE À
PROTONS HORS RECOMMANDATIONS CHEZ LES SUJETS DE PLUS DE 75 ANS :
MÉTHODE QUALITATIVE
PRÉSIDENTE DE THÈSE : LE CONSERVATEUR DE LA
Pr. PAILLAUD Éléna BIBLIOTHÉQUE
DIRECTEUR DE THÈSE : UNIVERSITAIRE
Dr. KRYPCIAK Sébastien
2
Remerciements
Arrivée à la fin de ce travail, je tiens à remercier :
- mon directeur de thèse, Sébastien KRYPCIAK, qui m’a d’abord fait aimer la
gériatrie et qui a accepté d’être mon directeur de thèse. Il a su durant tout ce long
travail me soutenir malgré les diverses difficultés rencontrées, entretenir et
pousser ma motivation jusqu’à son aboutissement, à tout moment, et même aux
heures tardives.
- Sandrine BERCIER, pour sa disponibilité, ses explications et son aide qui m’ont
permis de découvrir, de me confronter et d’apprécier l’analyse qualitative.
- les médecins généralistes qui ont accepté de m’accorder du temps pour réaliser
un entretien.
- le Professeur Éléna PAILLAUD, pour sa patience et notre future collaboration.
- le jury pour la lecture de mon travail.
- Isabelle, ma maman, et Michèle, ma grand-mère, pour leur œil affuté et leurs
corrections rapides.
- Laura, pour son aide précieuse.
- Fanny et Adrien pour leur présence quotidienne.
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Table des matières
GLOSSAIRE ............................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION : ................................................................................................................................... 5
MATÉRIEL ET MÉTHODE : ................................................................................................................ 11
1. Type d’étude .................................................................................................................................. 11
2. Recrutement des médecins ..................................................................................................... 12
3. Les entretiens ............................................................................................................................... 13
4. Le recueil des données .............................................................................................................. 14
5. Analyse des données .................................................................................................................. 14
RÉSULTATS : .......................................................................................................................................... 15
1. Population ..................................................................................................................................... 15
1.1. Description de l’échantillon des médecins interrogés ............................................... 18
1.2. Description des patients et leur pathologie ................................................................... 20
2. Les critères décisionnels de la poursuite des IPP chez les sujets âgés hors recommandations ............................................................................................................................... 24
2.1. La situation ................................................................................................................................ 24
2.2. Les recommandations ............................................................................................................ 30
2.3. Les médecins ............................................................................................................................. 35
DISCUSSION : ......................................................................................................................................... 39
1. Principaux résultats et hypothèses explicatives .............................................................. 39
2. Forces et apports de l’étude .................................................................................................... 46
3. Limites de l’étude (biais) .......................................................................................................... 47
4. Perspectives .................................................................................................................................. 49
CONCLUSION : ....................................................................................................................................... 51
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 53 ANNEXE ANNEXE 1 : Recommandations de bonne pratique des anti-sécrétoires gastriques chez l’adulte .................................................................................................................................................................... 60 ANNEXE 2 : Guide d’entretien ......................................................................................................................... 61 ANNEXE 3 : Entretien n° 6 (choix d’un entretien type) ......................................................................... 63
4
GLOSSAIRE
AAP : Antiagrégant plaquettaire
ACFA : Arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire
AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament
AVC : Accident vasculaire cérébral
AVK : Antivitamine K
Cf : Confère
CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie
Drees : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
E : Entretien
EP : Embolie pulmonaire
FOGD : Fibroscopie oeso-gastro-duodénale
HAS : Haute Autorité de Santé
Hp : Helicobacter pylori
HTA : Hypertension artérielle
IMC : Indice de masse corporelle
IPP : Inhibiteur de la Pompe à Protons
MMS : Mini mental score
NACO : Nouveaux anticoagulants oraux
RGO : Reflux gastro-oesophagien
TVP : Thrombose veineuse profonde
UGD : Ulcère gastroduodénal
UPEC : Université Paris Est Créteil
5
INTRODUCTION :
Les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP) ont fait leur entrée sur le marché à la fin
des années 1980. Ils ont été une grande avancée dans la thérapeutique digestive
(œsophage et estomac) en remplaçant les différents anti sécrétoires (cimetidine,
ranitidine, bismuth…). Ils ont limité le risque d’hémorragie digestive sur des ulcères
gastroduodénaux et ont réduit leur prise en charge chirurgicale, avec, dans une étude
américaine, une diminution de 80% des chirurgies d’ulcères gastro-duodénaux entre
1980 et 1999 (52).
Les IPP font l’objet de recommandations d’utilisation précises. Il s’agit des
recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS) de 1989, mises à jour en 2007 (1), et celles de la Haute Autorité de Santé
(HAS) en 2009 (29).
Les indications des IPP (la posologie, la durée) sont bien décrites dans les
recommandations de la HAS. Les IPP ont une indication pour plusieurs pathologies qui
sont les suivantes : le traitement d’un ulcère gastroduodénal (UGD), le reflux gastro-
oesophagien (RGO), l’éradication d’Helicobacter pylori (Hp), la prévention des lésions
digestives lors de la mise sous anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas de
facteurs de risque (patients de plus de 65 ans sous AINS, ou avec des antécédents
d’ulcère gastro-duodénal, ou traités par corticoïde, anticoagulant ou antiagrégant
plaquettaire) et enfin le syndrome de Zollinger-Ellison. (cf. Annexe I)
Les recommandations médicales ont pour but d’uniformiser les pratiques médicales,
d’un praticien à un autre, en se basant sur des données scientifiques fiables et de limiter
la réalisation d’actes non justifiés et pouvant être délétères soit pour le patient, soit d’un
point de vue économique.
De nombreuses études ont montré les limites de ces recommandations et une difficulté
d’adhésion des médecins à ces pratiques.
6
La prescription des IPP est bien décrite par les recommandations, mais de nombreuses
études ont mis en évidence qu’une grande partie de la population sous IPP ne rentrait
pas dans les critères de ces recommandations. Une proportion importante de patients
est sous IPP sans indication justifiée. Une étude espagnole a montré que 47% des
patients séjournant dans des hôpitaux généraux espagnols reçoivent des IPP (12). Il
s’agit essentiellement des patients âgés, phénomène en partie lié aux recommandations
de la HAS, fixant l’âge des patients à risque d’ulcère gastroduodénal au-dessus de 65
ans. Dans une étude française mono-centrique prospective, 30,7% des patients de
l’étude étaient sous IPP, les classes d’âge les plus exposées sont les personnes âgées :
60% des 70-79 ans et 54% des 80 à 89 ans (43). Parmi ces patients, près des deux tiers
(67%) n’ont pas d’indication à une prescription d’IPP. Des résultats similaires ont été
retrouvés dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni, où 61% des patients sous IPP
n’avaient pas d’indication (15).
La consommation médicamenteuse en population gériatrique est un vrai problème de
santé. La sur-prescription des IPP en est un exemple probant. L’équipe de Legrain et al.,
a longuement travaillé sur la polymédication des personnes âgées et sur l’overuse des
médicaments, une notification de la HAS a d’ailleurs été rédigée sur ce sujet (41).
Cependant, la prise d’IPP ne semble pas être dénuée d’effets secondaires.
Les effets secondaires des IPP à court terme sont rares et souvent peu intenses. Ils
disparaissent généralement à l’arrêt de la prescription des IPP. Les effets les plus
fréquemment rapportés sont les diarrhées, les nausées et vomissements, les douleurs
abdominales et les maux de tête. Ils touchent moins de 5% des patients sous IPP et
disparaissent rapidement à l’arrêt du traitement (44).
Mais au-delà de ces effets peu inquiétants et réversibles à l’arrêt du traitement,
plusieurs études ont mis en avant d’éventuels effets indésirables graves, bien que moins
fréquents, associés à une exposition prolongée aux IPP, en cas de prescription
inappropriée mais aussi en cas de dose non adaptée.
Une étude cas-témoin issue d’une base de données de médecine générale hollandaise,
sur une cohorte de 7642 cas de pneumopathie communautaire versus 34176 témoins, a
montré qu’il y avait plus de pneumopathie chez les patients sous IPP avec OR 1,5 (IC :
7
1,3-1,7), ce d’autant que l’instauration était récente, de moins de 7 jours OR 5 (IC : 2,1-
11,7) (40). Une étude danoise a conclu à une association entre la prise d’IPP et une
augmentation du risque de pneumopathie communautaire (OR 1.5 ; IC 95% :1.3-1.7)
(25). Ces études concluent donc à un sur-risque de pneumopathie lorsque les patients
sont sous IPP.
Les explications mises en avant seraient, possiblement, une action directe des IPP sur
l’immunité et une colonisation bactérienne digestive qui, lors des épisodes de RGO,
contaminerait les voies respiratoires. Cette association favoriserait des infections
pulmonaires. Une autre étude cas-témoin canadienne, de patients hospitalisés pour une
pneumopathie communautaire, a montré que les patients d’au moins 65 ans inclus
étaient plus fréquemment ré-hospitalisés pour un second épisode de pneumopathie
lorsqu’ils avaient initié un traitement par anti-sécrétoire (IPP ou antihistaminique H2)
après le premier épisode (OR 2,1 ; IC95 % 1,4–3,0) (21).
Les infections gastro-intestinales à Clostridium difficile semblent également plus
fréquentes d’après plusieurs études rétrospectives (RR ajusté entre 1,9 et 3,5 selon les
études) (17,18, 60). Une étude de cohorte de plus fort niveau de preuve, américaine, a
montré une augmentation du risque de colite nosocomiale à Clostridium difficile, avec
un mécanisme dose-dépendant (31).
D’autres infections gastro-intestinales sous IPP semblent plus fréquentes, comme le
montre une méta-analyse, avec une majoration du risque d’infection à Salmonella,
Campylobacter et Shigella (OR 2.55 ; IC95% : 1.53–4.26)) (42).
La majoration du risque de cancer gastrique semblerait possible par plusieurs
mécanismes, dont l’hypochlorydrie, engendrée par les IPP, qui favoriserait le
développement d’Helicobacter pylori, impliquée dans la carcinogenèse gastrique (39),
mais de nombreuses études ne sont pas en accord avec cette association. Il semble donc
nécessaire d’obtenir d’autres études avant de pouvoir conclure à un lien de causalité
entre la prise d’IPP et la survenue de cancers digestifs.
Une étude américaine prospective réalisée au sein d’une cohorte de patients suivis pour
un syndrome de Zollinger-Ellison, a montré que les taux de vitamine B12 étaient
significativement abaissés chez les patients traités au long cours par un IPP, sans
8
aucune perturbation des paramètres hématologiques. La durée du traitement par
oméprazole était significativement et inversement corrélée au taux de vitamine B12
(55). La prise d’IPP au long cours pourrait perturber la production de vitamine B12,
sans preuve de retentissement clinico-biologique pour le moment.
L’exposition prolongée aux IPP diminuerait l’absorption duodénale du fer, notamment
par une diminution de l’acidité gastrique qui favorise cette absorption (54). Chez les
patients sans autre anomalie de l’absorption du fer, il n’a pas été mis en évidence, pour
le moment, de conséquence clinique de cette diminution de la biodisponibilité du fer
(32), probablement par le biais d’un mécanisme adaptatif (38).
Des cas d’hypomagnésémie sévère ont été rapportés chez des patients traités par IPP au
long cours (33), possiblement par une augmentation des pertes digestives. Cet effet
secondaire est rapidement réversible à l’arrêt du traitement.
Les IPP majoreraient le risque fracturaire. L’explication physiopathologique serait une
malabsorption digestive du calcium, en empêchant l’ionisation du calcium ingéré ; il y
aurait donc un mécanisme ostéoporotique. Une étude prospective conduite à partir de
la cohorte Women’s Health Initiative (WHI), a retrouvé un lien entre une exposition
régulière aux IPP et l’augmentation du risque de fracture vertébrale (RR 1,47 ; IC95 %
1,18–1,82), de fracture du bras ou du poignet (RR 1,26; IC95% 1,05–1,51) et du risque
fracturaire global (RR 1,25 ; IC95 % 1,15–1,36), mais pas du risque de fracture du col du
fémur (RR 1,00; IC95% 0,71–1,40) (24). À l’inverse, une méta-analyse a étudié plus
spécifiquement le risque de fracture du col du fémur ; elle a mis en évidence une
augmentation de ce risque chez les patients traités par IPP (OR poolé 1,24 ; IC95 %
1,15–1,34), mais les auteurs eux-mêmes restent prudents dans leurs conclusions
compte tenu des résultats contradictoires obtenus dans l’analyse en sous-groupes en
fonction de la durée d’exposition (59). Les résultats de ces deux études diffèrent dans
leur conclusion sur l’association des IPP avec le risque de fracture du col du fémur.
D’autres études ne sont pas en accord avec ces conclusions et auraient montré une
action positive des IPP sur la résorption osseuse, en inhibant les ostéoclastes (22). C’est
pourquoi, il semble nécessaire d’attendre d’autres études avant toute conclusion hâtive.
Néanmoins, cette éventualité doit rester à l’esprit lors de la prescription d’IPP chez des
9
patients sous traitements majorant le risque fracturaire.
Des cas de néphrite tubuo-interstitielle ont été rapportés avec tous les IPP (26), plutôt à
court terme, la fréquence augmenterait parallèlement à la consommation d’IPP (11).
Grâce à de nombreuses études, une pharmacodépendance aux IPP a été prouvée. Un
essai randomisé de 2009, en double insu, versus placebo, réalisé chez 120 volontaires
sains asymptomatiques, a confirmé l’impact clinique de cet effet rebond en montrant
qu’après seulement huit semaines d’un traitement par ésoméprazole à la posologie de
40 mg/j, 44 % des sujets exposés présentaient les symptômes d’un effet rebond
(brûlures d’estomac, reflux gastro-œsophagien ou dyspepsie), contre 15 % dans le
groupe témoin (49). Ces symptômes survenaient dès la deuxième semaine suivant
l’arrêt de l’IPP et étaient encore décrits à la fin de la période de suivi, soit quatre
semaines après l’arrêt. D’autres essais multicentriques, randomisés, en double insu ont
montré que parmi des patients recevant un IPP au long cours, moins d’un tiers
parvenait à arrêter le traitement sans effet sur le contrôle des symptômes et la qualité
de vie, tandis qu’un autre tiers passait à un traitement « à la demande » (9-56).
En dehors des effets secondaires liés aux IPP, il y a la possibilité d’interactions
médicamenteuses. Les IPP peuvent réduire l’acidité gastrique et de ce fait diminuent la
biodisponibilité et l’absorption de certains médicaments, tels que des antifongiques
(itraconazole (34)), des immunosuppresseurs (mycophénolate mofétil (37)) ou encore
des antirétroviraux (atazanavir (36)).
L’effet inverse est aussi vrai, par le biais du cytochrome P450. Il a été montré que
l’oméprazole augmentait la biodisponibilité de la tocdigoxine (47) et de la nifédipine
(53) en inhibant au niveau intestinal une iso-enzyme du cyhrome P450.
Une étude danoise rétrospective ayant inclu près de 20 000 patients traités par aspirine
en prévention secondaire, après un premier infarctus du myocarde, a mis en évidence
un risque accru d’événements cardiovasculaires chez ceux qui avaient été exposés à un
IPP sur la même période, contrairement à ceux qui avaient été exposés à un
antihistaminique H2 (13). Ces données semblent confirmer les hypothèses proposées
par d’autres auteurs danois qui avaient déjà montré que la prise concomitante d’un IPP
réduisait l’efficacité anti-agrégante de l’aspirine chez des patients atteints d’une
10
coronaropathie (57). D’autres études prospectives sont nécessaires pour modifier les
pratiques.
Pour la question du clopidogrel et des IPP, une recommandation de l’ANSM de 2009,
préconise de limiter la prise concomitante d’un IPP et du clopidogrel (5). Néanmoins, il
n’est pas possible, à l’heure actuelle, de confirmer l’impact clinique de cette association
(58). Dans la mesure où l’inhibition du CYP 2C19 par les IPP est réversible et compte
tenu de la courte demi-vie des IPP, il est également possible de minimiser les
conséquences cliniques de cette interaction en prescrivant l’IPP le matin et le
clopidogrel le soir (14).
Les effets indésirables graves liés aux IPP sont rares, mais sur une population fragile,
telle que les personnes âgées et fortement exposée aux IPP, ces effets secondaires
peuvent devenir significatifs en terme de santé publique (50).
L’autre problème de cette prescription importante d’IPP, est un problème de santé
publique, avec un coût économique non négligeable. Cette difficulté a été soulignée dans
différents pays du monde. La consommation d’IPP a énormément augmenté au cours
des dernières années. La prévalence des traitements de longue durée est en
progression, avec un nombre important de ces prescriptions en dehors des
recommandations. En 2010, les antiulcéreux (IPP et anti-H2) étaient la 5ème classe
médicamenteuse la plus prescrite au monde, et les ventes s’élevaient à USD$ 218 billion
(45). En 2012, en France, les IPP font partie des médicaments les plus prescrits, en
occupant la 4ème place en terme de quantité, et la 13ème place en terme de valeur. En
2012, 99 millions de boîtes ont été vendues (3), soit 3,1 % de part de marché, contre
2,3% en 2002, pour la quantité, mais avec une baisse de la part de marché en terme de
valeur, 2,9% contre 5,9% en 2002. Ce phénomène est dû à une prescription de produits
génériques.
De nombreuses études quantitatives ont donc constaté cette sur-prescription en dehors
des critères de recommandations responsables, comme nous venons de le voir, d’effets
délétères au long cours et d’un coût non négligeable. Mais peu d’études se sont
intéressées aux facteurs explicatifs et aux raisons de ces prescriptions, au delà de
11
l’étiologie. Les phénomènes biomédicaux de ces prescriptions ont été en partie étudiés,
tandis que les phénomènes sociaux beaucoup moins.
L’objectif de l’étude était de déterminer les facteurs associés à la prescription
inappropriée des IPP.
L’intérêt d’une étude qualitative sur le sujet, est de chercher à comprendre les
caractères subjectifs de ces prescriptions, comme le vécu du médecin, les demandes du
patient ou les interactions entre le médecin et son patient (7). Toutes ces données sont
difficilement mesurables et limitent la valeur des explications fournies par des études
quantitatives, car elles sont difficilement abordées par ce type d’étude. L’intérêt de cette
étude est de soulever des hypothèses jusque là non envisagées, en étudiant les sujets
dans leur environnement pour une meilleure compréhension du contexte. Ce travail
permettrait peut-être une possible remise en question des prescriptions ou des
recommandations et l’évocation de solutions jusqu’ici non testées, pour pallier ce
problème.
MATÉRIEL ET MÉTHODE :
1. Type d’étude
Nous avons choisi de réaliser une étude qualitative, compréhensive, afin de tenter de
mettre en évidence les facteurs déterminants de la prescription hors recommandations
des IPP intrinsèques au médecin (à son vécu, ses perceptions de la médecine et du
patient), au patient et à la relation entre le patient et son médecin généraliste.
Les hypothèses soulevées par mon questionnement, avant le début de l’étude, étaient
les suivantes : les IPP sont prescrits au long cours en dehors des recommandations, car
ils semblent être des médicaments peu dangereux. D’autre part, les prescriptions hors
recommandations des IPP sont probablement liées à des facteurs dépendant du patient,
du médecin et de leur relation.
12
L’intérêt d’une étude qualitative est d’étudier des données subjectives et la complexité
d’une prescription d’IPP chez les patients âgés de plus de 75 ans, hospitalisés en unité
de gériatrie aiguë à l’hôpital Henri Mondor.
Le choix de la méthode qualitative a été validé et s’est fait avec le département de
médecine générale de l’Université Paris Est Créteil (UPEC).
L’avantage de cette méthode est de permettre aux médecins interviewés, de s’exprimer
librement et de minimiser l’influence, sur leurs réponses, d’un questionnaire à
questions fermées. Le choix s’est porté sur des entretiens individuels, afin que chaque
médecin puisse exprimer sa problématique des IPP, en partant d’un cas concret
rencontré au cabinet. La réalisation de focus groupe limitait l’expression libre de chaque
médecin sur une situation spécifique et aurait été possiblement moins contributive, de
plus cette méthode est aussi plus difficile d’un point de vue organisationnel.
2. Recrutement des médecins
Le recrutement des patients sous IPP a eu lieu dans le service de médecine gériatrique
aiguë de l’Hôpital Henri Mondor, dans le service du Pr E. Paillaud, au cours du mois
d’avril 2014. Tous les patients hospitalisés dans les 32 lits de gériatrie ont été screenés
durant cette période de façon systématique et exhaustive afin de limiter les biais de
sélection.
Tous les patients sous IPP ont été recrutés dans un premier temps. Puis, dans un
deuxième temps, parmi ce groupe de patients, nous n’avons sélectionné que ceux
n’ayant manifestement pas d’indication à une prescription d’IPP correspondant à nos
sujets d’étude.
Le recrutement des médecins généralistes s’est fait sur cette base de patients, en
prenant leurs coordonnées dans leurs dossiers.
Notre critère d’inclusion était tous les patients de plus de 75 ans hospitalisés durant la
période de recrutement, sans aucun critère de pathologie.
13
Le critère de sélection parmi ces patients était : tous les patients sans indication à une
prescription d’IPP. La prescription d’IPP a été évaluée, pour chacun d’eux, par
l’intermédiaire de l’ordonnance des traitements d’entrée et des antécédents recueillis
auprès du médecin traitant.
Les critères d’exclusion qui nous ont permis de faire une sélection des médecins à
interroger étaient : tous les patients avec une recommandation de la prescription d’IPP
selon les critères de l’Afssaps (ulcère gastroduodénal en cours de traitement, RGO,
syndrome de Zollinger-Ellison, prévention des risques d’ulcère gastroduodénal sous
AINS, éradication d’Helicobacter pylori), les patients sans médecins généralistes et
l’absence de prescription d’IPP.
3. Les entretiens
Nous avons décidé de faire un recueil des données, basé sur des entretiens qualitatifs
semi-directifs, individuels, pour permettre l’expression libre des médecins.
Il a été réalisé deux entretiens successifs, pour permettre d’obtenir une meilleure
adhésion des médecins généralistes et de s’adapter à leur disponibilité. Il n’aurait pas
été possible de réaliser un seul entretien, compte tenu de la longueur prévisible de
l’interview individuel. Le premier entretien était une prise de contact pour expliquer le
but de l’étude et fixer un rendez-vous.
Les entretiens se sont déroulés par téléphone entre les mois de mai et juillet 2014,
après un premier contact téléphonique avec les médecins traitants pour leur expliquer
la démarche de l’étude et le rendez-vous a ensuite été fixé dans un second temps, selon
leur convenance, afin d’obtenir leur attention et leur participation.
Ils ont été menés à l’aide d’un guide, préalablement rédigé en étroite collaboration avec
le département de médecine générale de l’UPEC, qui a été progressivement modifié à la
suite des premiers entretiens et testé auprès de mon directeur de thèse afin de
14
permettre un déroulement d’une discussion la plus fluide et la moins directive possible.
La conduite des entretiens a été basée sur les conseils donnés sur le déroulement d’un
entretien dans le livre de sociologie « L’entretien compréhensif » (35).
Ce guide d’entretien (cf. Annexe 2) était fait de grandes parties correspondant aux
thématiques principales à aborder au cours de l’entretien. Les questions étaient des
questions claires, ouvertes et les plus neutres possible.
Chaque grande thématique était constituée de différents points que le médecin devait
aborder ou qui permettaient à l’investigateur de formuler des questions ouvertes de
relance et d’orientation thématique sans limiter l’expression du médecin.
Les principaux sujets abordés étaient les suivants : le contexte de prescription d’IPP
chez les patients recrutés, les raisons de la prescription et de la poursuite des IPP par le
médecin généraliste, l’expérience du médecin généraliste vis-à-vis des IPP et ses
modalités de prescription d’IPP en population générale.
Les entretiens avaient pour objectif d’arriver à la saturation théorique, c’est-à-dire
lorsque de nouveaux entretiens n’apportent pas de nouvelles informations.
4. Le recueil des données
Les données ont été recueillies par un investigateur unique, par téléphone et
enregistrées à l’aide d‘un dictaphone après information du médecin sur les modalités de
l’enregistrement des entretiens et obtention de leur accord quant à l’enregistrement
téléphonique. La transcription des données s’est faite sur le mode d’une transcription
verbatim, avec une transcription « mot à mot », afin de coller au maximum à la réalité
des propos tenus par les médecins interviewés (cf. Annexe 3).
5. Analyse des données
15
Les données ont ensuite été analysées et traitées de façon anonyme. L’analyse des
données s’est faite en deux temps : un analyse en lecture continue puis thématique,
comme le préconise le livre de sociologie « L’entretien » (10).
L’analyse longitudinale a été faite à l’aide d’un fichier Excel, par entretien puis par
groupes d’entretiens, par une analyse lexicale et sémantique.
L’analyse thématique a fait suite à l’analyse longitudinale des groupes d’entretiens. Des
champs thématiques ont été mis en évidence à la suite des différentes réponses des
médecins généralistes et recoupées dans chaque entretien.
Ce qui a permis de faire tout d’abord une lecture à priori et à posteriori afin d’analyser
les données sous différents axes.
Cette analyse s’est faite en triple lecture, par le Dr S. Bercier, médecin généraliste à la
faculté de médecine générale de l’UPEC, le Dr S. Krypciak directeur de thèse et moi-
même. Il s’agit d’élaborer des thèmes d’étude, de les soumettre aux deux autres
protagonistes et de les valider, afin d’avoir trois visions complémentaires (celle de
l’investigateur, du médecin généraliste et du médecin hospitalier), c’est la
« triangulation de l’analyse ».
RÉSULTATS :
1. Population
Nous avons recruté 112 patients, dont 68 (soit 60,7% de la population de l’étude)
étaient sous IPP et, parmi eux, 44 patients (soit 64,7% des patients sous IPP), qui nous
semblaient ne pas avoir d’indication à cette prescription selon les recommandations de
l’Afssaps, citées précédemment.
Parmi les 44 patients, 41 seulement avaient un médecin généraliste « identifiable »,
dont 39 médecins généralistes différents.
16
Seulement 25 médecins généralistes ont pu être contactés. Parmi eux, 15 ont accepté de
fixer un deuxième rendez-vous et seuls 10 médecins étaient disponibles le jour du 2ème
entretien, malgré des relances. (cf. Diagramme 1 : diagramme de flux). 14 se sont
révélés injoignables soit par obstacle de la part des secrétariats, soit en raison des
congés.
Les entretiens ont duré en moyenne 13min 20s. Le plus court étant de 7min 33s et le
plus long de 20min 45s.
10 entretiens ont pu être réalisés et analysables, compte tenu du type d’analyse choisi,
pourvoyeur de temps dans le recueil des données et leur analyse, et d’une difficulté
d’obtention de réponse positive de la part des médecins généralistes.
17
Diagramme 1 : Diagramme de flux
112 patients recrutés
68 patients sous IPP 24 patients avec une indication
d’IPP.
44 patients sans indication d’IPP 3 patients sans
médecin généraliste
connu. 41 patients avec un médecin généraliste
14 médecins non joignables.
39 médecins généralistes différents
- 3 refus, - 3 médecins généralistes non traitants, - 1 suivi par un gastroentérologue, - 3 qui n’ont pas recontacté l’intervieweur malgré sollicitations.
25 médecins généralistes contactés
15 rendez-vous pour un 2nd entretien
5 refus lors du second entetien.
10 entretiens finalisés
18
1.1 Description de l’échantillon des médecins interrogés
Les caractéristiques des médecins interviewés ne sont pas similaires et
homogènes, mais cette situation est un élément enrichissant pour une analyse
qualitative, car elle permet d’espérer un plus grand panel de réponses pour pouvoir
envisager le plus d’hypothèses possibles à la prescription d’IPP en dehors des
recommandations.
Les médecins généralistes étaient d’âges différents, avec une durée d’exercice
diverse, ainsi que dans leur mode d’activité.
La répartition des médecins par tranches d’âge n’est pas homogène. Ils étaient
âgés pour la plupart de moins de 40 ans donc en début d’exercice ou de plus de 60
ans.
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4
5
6
7
30-39ans 40-49ans 50-59ans 60-65ans
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Âge des médecins
Diagramme 2: Répartiton des médecins par tranches d'âge
19
Les deux tiers des médecins interrogés sont des hommes.
La plupart des médecins interrogés ont une activité libérale en cabinet.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Femme Homme
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Sexe des médecins interrogés
Diagramme 3: Répartition des médecins par sexe
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Remplaçant Centre de santé Cabinet libéral
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Type d'activité
Diagramme 4 : Mode d'activité des médecins interrogés
20
Les deux-tiers des médecins interviewés sont installés depuis plus de 20 ans.
1.2. Description des patients et leur pathologie
Les patients recrutés lors de la période d’inclusion, qui étaient sous IPP en dehors
des recommandations, avaient des caractéristiques d’âge et d’antécédents différentes.
Seuls les 10 patients pour lesquels nous avons pu obtenir un entretien avec le
médecin traitant, ont été étudiés, sur les 44 initialement recrutés. Ceci en raison des
données que nous voulions étudier qui ne sont pas uniquement objectives (antécédents
du patient). En effet, d’autres sont plus subjectives (souhait du patient), ou nécessitent
de recueillir les données du binôme et d’obtenir la participation du médecin traitant (la
relation entre le médecin et son patient, la réalisation ou non du FOGD, la réapparition
des symptômes).
Nous avons d’abord répertorié les antécédents des patients, en les identifiant par
numéro d’entretien. Parmi les patients pour lesquels nous avons pu interviewer leur
médecin généraliste, 9 avaient au moins un facteur de risque cardio-vasculaire. 5 sur 10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
non installé < 10 ans 10-20 ans > 20 ans
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Date d'installation
Diagramme 5 : Répartition des médecins par ancienneté d'installation
21
étaient atteints d’une cardiopathie ischémique et 5 d’une arythmie cardiaque par
fibrillation auriculaire.
L’insuffisance rénale chronique sévère avec une clairance inférieure à 30ml/min a
été retrouvée chez 5 patients.
Au niveau neurologique, sur les 8 patients pour qui le MMS a pu être réalisé, aucun
n’avait un MMS au dessus de 26/30. Parmi eux, 4 étaient diagnostiqués avec des
troubles cognitifs, les autres nécessitaient une réévaluation à distance de
l’hospitalisation en gériatrie aiguë. 3 patients souffraient de syndrome anxio-dépressif.
Tableau I : Caractéristiques des patients recrutés.
E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 E10
HTA Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui 0 Oui Oui
Diabète Oui 0 Oui 0 0 Oui 0 Oui 0 0
Dyslipidémie Oui 0 0 0 0 Oui 0 0 0 0
Obésité IMC>30kg/m2 Oui Oui Oui 0 0 Oui 0 0 Oui 0
Cardiopathie ischémique 0 0 0 0 Oui Oui Oui Oui Oui 0
ACFA 0 0 Oui 0 Oui Oui 0 0 Oui Oui
TVP/EP 0 0 Oui 0 0 0 0 0 0 0
Insuffisance rénale chronique Cl<30ml/min 0 0 Oui Oui 0 Oui Oui 0 Oui 0
AVC 0 Oui 0 0 0 0 0 0 0 Oui
Syndrome anxio-dépressif 0 Oui 0 0 Oui 0 0 0 0 Oui
Troubles cognitifs 0 Oui 0 Oui AR 0 AR Oui Oui Oui
Syndrome Parkinsonien 0 0 0 Oui 0 0 0 0 0 0
MMS 26/28
13/30
Non fait
Non fait
17/30
20/23
23/30
20/30
Non fait
15/30
E : entretien, HTA : hypertension artérielle , IMC : indice de masse corporelle, ACFA : arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire, TVP : thrombose veineuse profonde,
EP : embolie pulmonaire, AVC : accident vasculaire cérébral, MMS : Mini Mental Score, AR :à réévaluer ; 0 : absent, Oui : Présent.
22
Sur les 10 patients sélectionnés, il y avait autant d’hommes que de femmes.
Ils avaient des âges variables, allant de 75 ans à 99 ans.
Chez ces patients, la prescription d’IPP était instaurée, dans la majorité des cas,
par une autre personne que le médecin généraliste (MG) lui-même et en priorité il
s’agissait d’une primo-prescription hospitalière, 4 cas sur 10.
0
1
2
3
4
75-80ans 81-85ans 86-90ans 91-95ans >96ans
No
mb
re d
e p
ati
en
ts
Âge des patients
Diagramme 6 : Répartition des patients recrutés par classe d'âge
0
1
2
3
4
MédecinGénéraliste
Hôpital Spécialisteambulatoire
Autre MédecinGénéraliste
Inconnu
No
mb
re d
e p
ati
en
ts
Type d'activité des médecins initiateurs d'IPP
Diagramme 7 : Primo-prescripteur des IPP
23
Il a été réalisé une FOGD chez 2 patients, l’une ne décelant aucune anomalie et
l’autre de l’angiodysplasie gastrique.
FOGD : fibroscopie oeso-gastro-duodénale.
Neuf patients sur les dix étaient soit sous antiagrégant plaquettaire (APP), soit
sous antivitamine K (AVK), soit sous association des deux ou sous bi-antiagrégation
plaquettaire.
AAP : antiagrégant plaquettaire, AVK : antivitamine K, NACO : nouveaux
anticoagulants oraux.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
FOGD pas de FOGD Inconnu
No
mb
re d
e p
ati
en
ts
Réalisation d'une FOGD ou non
Diagramme 8 : Réalisation d'une FOGD avant l'instauration d'IPP chez les patients
0
1
2
3
An
tiag
réga
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pla
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ire
(AA
P)
AV
K+
AA
P
An
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AC
O)
Rie
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No
mb
re d
e p
ati
en
ts
Type de traitement
Diagramme 9 : Patients sous antiagrégant plaquettaire ou sous anticoagulant
24
L’IPP le plus souvent prescrit, dans 8 cas sur 10, était l’Esoméprazole avec une
posologie variant de 20 mg à 40 mg deux fois par jour. Les deux autres IPP retrouvés
étaient le Rabéprazole à la posologie de 20mg par jour et l’Oméprazole à la même
dose.
Les patients étaient sous IPP depuis plus d’un an, pour au moins 5 d’entre eux. Il y
avait trois patients pour qui la date d’instauration des IPP était imprécise mais elle
était antérieure à plus de 2 ans au mimimum (au moins 2 ans, au moins 3 ans et au
moins 4 ans). Pour les patients consommant des IPP depuis plus d’un an, 2 en
prenaient depuis moins de 5ans, 2 entre 6 et 10 ans et 1 depuis plus de 10ans.
2. Les critères décisionnels de la poursuite des IPP chez les sujets
âgés hors recommandations
Il a été mis en évidence différents critères décisionnels dans la poursuite des IPP par les
médecins généralistes chez les sujets âgés en dehors des recommandations. Il s’agit des
trois axes de décision qui interviennent en médecine générale, l’Evidence Based
Medecine.
Les trois axes retrouvés dans cette étude, sur la prescription d’IPP chez les sujets âgés
en dehors des recommandations, sont :
1. La situation de la prescription d’IPP chez les patients âgés.
2. Le rôle des recommandations (modalités et caractéristiques) dans ces prescriptions.
3. Le rôle du prescripteur (le médecin généraliste).
2.1. La situation
- La prescription initiale :
25
Les médecins généralistes ont fréquemment souligné que la prescription initiale est la
plupart du temps introduite par des spécialistes ambulatoires (n=2) ou lors d’un
séjour hospitalier (n=5).
« C’est plutôt fait par les autres en général. » (E4)
« C’est le gastro-entérologue qui a proposé 40mg. » (E3)
« Elle a été introduite par les services où il a été hospitalisé, notamment en gériatrie. »
(E4)
La prescription hospitalière semble être la plus fréquente, pour les patients âgés
ayant été hospitalisés (n=5), et quel que soit le service dans lequel ils étaient
hospitalisés : réanimation, cardiologie, neurologie, gériatrie…
« Dès qu’ils sortent de l’hôpital ils ont des IPP. » ( E10)
« Les patients qui sortent de l’hôpital, sortent systématiquement sous IPP. » (E5)
Ils ont d’ailleurs plus de difficultés vis à vis des prescriptions d’IPP, lorsque
l’indication n’est pas évidente et donc pas comprise (n=3).
« Je l’ignore totalement. » (E10)
« Les IPP, on ne sait pas forcément pourquoi ils ont été instaurés, souvent c’est pour des
polymédications. » (E10)
Ces situations rendent l’arrêt des IPP plus difficile pour les médecins généralistes.
« C’est vrai que quand c’est démarré… » (E6)
« C’est compliqué de l’arrêter une fois qu’il a été instauré. » (E10)
- Le patient âgé polypathologique :
Il est souvent souligné que le patient âgé est un patient polypathologique et
polymédicamenté, ce qui est parfois source de prescription d’IPP chez ces patients.
« Les IPP, on ne sait pas forcément pourquoi ils ont été instaurés, souvent c’est pour des
polymédications. » (E10)
Mais aussi de difficultés pour les médecins généralistes dans la réévaluation des IPP
(5 occurrences).
26
« Une ordonnance complètement fleuve. »(E2)
« Le problème d’un traitement chez des patients vieillissants c’est l’empilement des
prescriptions. » (E6)
La réévaluation des thérapeutiques dans cette population dépend du médecin
généraliste.
Certains médecins la font (n=2).
« À chaque renouvellement, à chaque consultation, à chaque fois je me pose la question. »
(E5)
D’autres trouvent que la situation est parfois trop complexe et priorisent leur
réévaluation des thérapeutiques aux pathologies lourdes (n=8).
« Ce n’est pas une priorité. » (E10)
« Ce genre de prescription je dois dire que non. » (E6)
La réévaluation des IPP n’est donc pas une priorité pour les médecins généralistes.
Les raisons retrouvées de cette non-réévaluation sont multiples.
Ils disent être plus occupés et privilégier des problèmes qui leur semblent plus
importants et prioritaires (n=6).
« Ce n’est pas celui que j’ai envie d’arrêter tout de suite face à une liste de 20
médicaments. » (E10)
« ça n’a pas été ma préoccupation principale. » (E2)
« Qu’elle avait d’autres problèmes beaucoup plus importants. » (E6)
Ils trouvent qu’ils manquent de temps dans leur consultation pour pouvoir
réévaluer ces prescriptions qu’ils considèrent comme secondaires (n=5).
« On court un peu et on se dit, aujourd’hui bah non c’est pas le moment, j’ai pas le temps. »
(E2)
La prescription au domicile, ou par le biais de logiciels informatiques, semble
rendre la réévaluation des IPP plus difficile.
« On reconduit d’un clic de souris. » (E2)
« Ce n’est pas quelqu’un que je vois au cabinet, je n’ai aucune idée. » (E10)
Enfin, l’un des derniers points soulignés par les médecins généralistes est le fait
que la prescription d’IPP chez les personnes âgées est une situation très prévalente,
27
rendant de ce fait les médecins moins vigilants à ces prescriptions et à leur
réévaluation.
« C’est des choses qu’on croise très souvent. » (E1)
- Le patient âgé a une image de fragilité pour les médecins généralistes:
Les médecins généralistes interrogés considèrent les personnes âgées comme des
personnes fragilisées. L’âge est pour eux un critère de fragilité (et donc une probable
assimilation à un élément de gravité) qui revient souvent dans leur décision
d’introduire un IPP ou de le poursuivre. Probablement que le caractère
polypathologique des personnes âgées intervient dans leur vision de fragilité de cette
population.
Ce critère de « personne âgée » est considéré comme un critère de fragilité par les
médecins interrogés au même titre que l’alcoolisme ou le tabac… (n=4)
« Chez les alcooliques peut être un peu plus. » (E2)
« La prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens chez des personnes âgées et les
fumeurs. » (E6)
Mais la définition de fragilité par les médecins généralistes semble être un concept
vague, sans définition concise et claire.
« Il a le profil, à me faire une ulcération un jour. » (E4)
Les raisons de cette vision par les médecins sont liées à leur vécu au cours de leur
carrière. Notamment, s’ils ont été confrontés à des hémorragies digestives chez leurs
patients. Une partie importante des médecins interrogés a été confrontée à des
hémorragies digestives dans leur patientèle. (n=5)
« Oui, souvent (…) et en particulier chez les personnes âgées. Et j’ai eu malheureusement
des patients qui ont disparu comme ça. »(E9)
Cette situation semble avoir un impact sur leur pratique, puisque plusieurs médecins
interrogés, disent que leurs prescriptions s’en voient modifiées et qu’ils ont plus de
facilités à ajouter un IPP chez les patients âgés, pour éviter d’être confrontés à une
hémorragie digestive.
28
« Je sais que c’est coûteux, mais je dors tranquillement. Cela me garantit un sommeil
correct. » (E9)
Ce, d’autant qu’ils estiment que certains patients âgés ne souhaitent pas être ennuyés
avec une prise de médicaments. Les médecins ont, de ce fait, la crainte que leurs
patients ne leur signalent pas, s’ils venaient à souffrir d’une symptomatologie
digestive.
Les médecins ont donc peur des hémorragies digestives. (n=6)
« Après c’est un peu difficile de dire “on arrête et puis on verra”, parce que si “on verra” et
c’est l’hémorragie digestive. » (E10)
Ils craignent de ne pas pouvoir réaliser d’explorations digestives chez ces patients
fragilisés en cas d’hémorragie digestive. (n=3)
« Il est beaucoup plus compliqué de faire une anesthésie générale à cet âge-là. » (E5)
« Je n’aurai pas les moyens de l’investiguer s’il se met à saigner. » (E4)
C’est pourquoi, ils ont des craintes lorsqu’ils arrêtent les IPP dans cette population.
(n=3)
« On a par habitude ou en tout cas par crainte peut-être de les arrêter, l’habitude de
poursuivre ces médicaments. » (E10)
Ils mettent en avant que tous ces éléments interviennent dans leurs prescriptions d’IPP
chez les personnes âgées et de ce fait, ils arrêtent moins les IPP chez les patients âgés.
« Chez les personnes âgées, je le fais moins volontiers. »(E10)
Ils disent ne l’arrêter uniquement que lorsqu’ils sont certains de leur inutilité chez
leurs patients. (n=3)
« Pour les gens qui n’ont vraiment pas besoin j’arrête. » (E3)
- Les patients âgés et leur relation aux médicaments : Une autre des difficultés des médecins généralistes, face à leurs patients, est la relation
des personnes âgées à leurs médicaments, rendant la réévaluation et la négociation avec
le patient parfois difficile.
29
Un des médecins interrogés, a d’abord souligné la compliance des patients, vis-à-vis
des médicaments prescrits sur l’ordonnance et considère qu’ils prennent leur
traitement dont les IPP parce qu’il est prescrit, sans forcément savoir pour quelle
raison médicale et sans être nécessairement symptomatiques.
« Mr X. il le prend parce que c’est prescrit. » (E1)
Le problème suivant soulevé par les médecins est une demande importante des
patients pour un traitement pour l’estomac. (n=4)
« Ils sont souvent demandeurs d’un truc pour l’estomac. (E1)
« Les gens sont assez demandeurs. » (E10)
Ils ont de plus l’impression, qu’une fois ce traitement instauré, les patients ne
souhaitent plus l’arrêter. (n=3)
« Ils ont du Mopral une fois et ils en reveulent toute leur vie. » (E1)
« Il y a toujours, les gens qu’on a l’impression qu’ils sont un peu dépendants aux IPP. » (E4)
Ainsi, les patients souhaitent que les médecins généralistes prescrivent leur
ordonnance habituelle, avec les mêmes traitements, sans faire de réévaluation.
« Il voulait que je remette toujours la même ordonnance. » (E8)
Un autre des médecins interrogés précise que leurs patients insistent pour avoir leur
prescription d’IPP.
« Ils arrivent à me l’arracher la prescription. » (E2)
Les médecins généralistes disent discuter avec leurs patients de leur prescription IPP
pour l'arrêter mais n'arrivent pas forcément à convaincre les patients de la
nécessité de le faire.
« Quand on essaye de les sevrer en IPP, on essaye de discuter un peu de ça avec eux. Mais je
ne suis pas sûr qu’on soit entendu. » (E2)
Ils craignent que leurs patients ne soient pas contents s’ils venaient à leur arrêter les
IPP.
« Prescrire juste un petit gel quelconque à quelqu’un qui a mal et qui va revenir 48H après,
en nous disant que ça ne marche pas il va pester. » (E10)
Les médecins ont émis des doutes sur l’arrêt réel des IPP par leurs patients et
craignent un nomadisme médical plus important.
30
« Est ce que les patients vont vraiment l’arrêter ? » (E2)
« Si c’est pas chez moi, la prescription est parfois faite ailleurs. » (E2)
L’un des facteurs mis en avant par les médecins interrogés, pouvant expliquer les
raisons qui pousseraient les patients à ne pas arrêter les IPP, est qu’il semble plus facile
pour le patient de prendre un IPP quotidiennement que de tenir des règles hygiéno-
diététiques, parfois contraignantes.
« Il est plus simple de prendre un IPP que de tenir les règles hygiéno-diététiques. » (E2)
Enfin, les médecins interrogés disent avoir une confiance limitée dans
l'autoévaluation du patient, vis-à-vis d’une symptomatologie digestive et ce, d’autant
plus que leurs patients sont âgés. (n=5)
« Quelqu’un qui sera incapable de me dire s’il a des reflux, mal au ventre, un méléna ou des
choses comme ça, je ne vais juste pas essayer de l’arrêter en fait. » (E1)
« Je pense qu’à 88ans, on n’est pas trop juge de dire si on veut ou pas ses traitements. »
(E5)
« Maintenant chez la personne âgée, discuter d’arrêter une molécule c’est plus compliqué.
Déjà ils ne disent pas forcément les symptômes, c’est plus compliqué. » (E10)
Certains médecins interviewés ont parfois l’impression que leurs patients en ont assez
de prendre leur santé en considération et de prendre des médicaments et ainsi ils
risqueraient de ne pas avertir le médecin en cas de symptomatologie digestive
inquiétante. (n=3)
« Il avait arrêté tous les traitements, il en avait marre. » (E1)
« Mme X. ne veut qu’on s’occupe de rien, (…) elle ne voulait surtout pas consulter quoique
ce soit. » (E5)
2.2. Les recommandations
- Les recommandations dans les indications à visée curative :
Les recommandations des IPP traitent de deux sujets différents lorsque les IPP sont
prescrits à visée curative. Il y a l’indication du traitement et la durée du traitement.
31
Les médecins généralistes semblent mieux connaître les indications des IPP à visée
curative.
Certains confirment qu’ils ont une bonne connaissance des recommandations. (n=4)
« Oui, on va dire que je les maîtrise plutôt bien. » (E8)
Tandis que d’autres ont l’impression de n’avoir qu’une connaissance partielle des
recommandations.
« Il y a peut-être des choses que j’ignore. « (E9)
Néanmoins, la durée du traitement et la décision de l’arrêter paraissent être un sujet
plus difficile pour les médecins généralistes.
Il semblerait que le manque de connaissance des effets secondaires des IPP soit une
des raisons des problèmes de durée de prescription des IPP. (n=10).
« Si ça m’inquiète […] y a rien d’écrit dans la littérature sur la majoration du risque de
néoplasie gastrique, si ? » (E2)
« Oui effectivement je ne connais pas. » (E8)
Les médecins interrogés ont des difficultés à faire la part des choses entre le besoin
de poursuivre les IPP et la non-nécessité. Ils ont parfois du mal à faire le tri des
informations lors de l’interrogatoire de leurs patients âgés et éprouvent des problèmes
pour savoir s’ils peuvent interrompre le traitement par IPP de leurs patients en toute
sérénité. (n=6)
« C’est un peu difficile, après de faire la part des choses, entre j’ai peur de l’arrêter, j’ai pas
envie que vous me l’enleviez, et oui, il m’est vraiment utile. » (E1)
« Il a beaucoup de plaintes qui sont difficiles à analyser. » (E6)
Certaines situations semblent mettre plus fréquemment les médecins généralistes en
difficulté. Dans l’étude, les médecins interviewés, ont mis en avant le problème du
patient souffrant de reflux gastro-oesophagien et ceux d’endo-brachy-œsophage,
pour lesquels l’indication et la durée de prescription ne sont pas une situation évidente.
« Ca pêche, c’est quand ils ont des RGO. » (E2)
« L’EBO et la prescription au long cours qui est un problème. » (E4)
32
Plusieurs médecins ont souligné le fait qu’ils n’appliquent pas toujours les
recommandations à la lettre. (n=5)
« Mais sur le terrain je ne les applique pas. » (E10)
Notamment, parce qu’ils éprouvent des difficultés à se plier aux recommandations.
« Me plier aux recommandations, j’ai eu beaucoup de mal. » (E2)
Plusieurs des médecins interrogés, après avoir discuté avec eux sur le sujet des IPP,
semblent prêts à se remettre en question et sont demandeurs d’informations,
notamment sur les résultats de la thèse réalisée.
« Si on peut avoir un petit retour, ce serait intéressant. » (E6)
- Indication des IPP à visée préventive :
Dans les indications à visée préventive, le problème posé est différent.
Les médecins généralistes ont tendance à considérer les IPP comme un traitement
préventif.
« IPP c’est en préventif ». (E5)
La prescription d’un antiagrégant plaquettaire est une raison d’une prescription d’IPP
par les médecins généralistes interrogés. Il semblerait qu’il y ait un amalgame entre le
mode d’action des AINS et des antiagrégants plaquettaires par les médecins. (n=15)
« Ce d’autant plus que c’est quand même un monsieur qui est sous Kardec. » (E1)
« Avec les AAP, effectivement, dans la grande majorité des cas. » (E5)
« Qui dit stents dit aussi prescription d’antiagrégants plaquettaires, et mise sous IPP de
précaution. » (E7)
« Les patients âgés qui sont sous traitement antiagrégant au long cours je fais quasi
automatiquement une prescription. » (E6)
Une autre raison de leur prescription d’IPP chez les personnes âgées est la prescription
d’AVK. (n=8)
« Les personnes âgées avec Previscan. » (E3)
33
« Avec la protection chez les patients qui ont des antiagrégants/anticoagulants, c’est la
principale indication. « (E6)
Les autres motifs de prescription à visée préventive donnés par les médecins étaient
tous différents. Certains ont parlé de l’angiodysplasie (E1), des corticoïdes (E5-7-
10).
La prescription d’IPP chez les patients âgés, par les médecins généralistes, dépend de
leur vécu et du type de complications digestives auxquelles ils ont été confrontés,
sous certains traitements. Ainsi, s’ils n’ont pas rencontré d’hémorragie digestive sous
une classe thérapeutique, leur prescription d’IPP, dans cette population, sera moins
importante.
« Non, pas systématiquement. Avec le Xarelto®, etc, non non. Je pense que c’est mon
expérience. » (E9)
« Non. Parce que dans mon expérience, je n’ai pas eu de problèmes digestifs sévères avec
corticoïdes. » (E9)
Ainsi, certains préfèrent prescrire un IPP pour ne pas avoir d’inquiétude et ne pas
être amenés à faire des explorations digestives.
« Je sais que c’est coûteux, mais je dors tranquillement. Cela me garantit un sommeil
correct. » (E9)
Plusieurs des médecins interrogés ont mis en avant le fait qu’ils avaient peur des AINS
chez les personnes âgées.
« Les AINS, chez les personnes âgées, je n’en prescris quasiment jamais. Ça me fait trop
peur. » (E2)
- Prescription d’IPP versus explorations digestives, priorisation de la symptomatologie et de l’examen clinique :
Les médecins généralistes semblent trouver que la prescription d’IPP chez les
personnes âgées est plus simple que la réalisation d’explorations digestives, à différents
points de vue.
Il leur semble plus difficile de réaliser des explorations digestives dans la
patientèle âgée. (n=4)
34
« Il est beaucoup plus compliqué de faire une anesthésie générale à cet âge là. » (E5)
« Dame qui a beaucoup beaucoup de problèmes, qui a du mal à se déplacer, et donc je
n’avais pas jugé bon de faire des examens complémentaires. » (E8)
Ils disent d’ailleurs ne pas toujours réaliser d’explorations digestives en cas de
symptomatologie digestive chez leurs patients âgés..
« Et à priori sur le même point d’appel, parce qu’il n’y avait rien d’autre en tout cas
cliniquement. » (E1)
« Il n’y a pas eu, de fibro oeso-gastro-duodénale. » (E2)
Les raisons sont, tout d’abord, en termes de stratégie de prise en charge sur le plan
organisationnel, d’accès aux soins et examens complémentaires.
« Je n’aurai pas les moyens de l’investiguer s’il se met à saigner. » (E4)
« Dame qui a beaucoup beaucoup de problèmes, qui a du mal à se déplacer, et donc je
n’avais pas jugé bon de faire des examens complémentaires. » (E8)
Mais aussi, en terme d’acceptation vis-à-vis du patient, la prise d’IPP semble plus
facilement négociable que la réalisation d’examens d’explorations digestives.
Les patients préfèrent prendre un IPP à la réalisation d’explorations digestives.
« Bon bah maintenant on va faire une fibroscopie, il va pester aussi. » (E10)
Les patients sont ainsi demandeurs de traitements pour l’estomac.
« Il faut bien cibler la prescription, parce que même les patients sans facteurs de risque,
sont extrêmement demandeurs d’IPP. » (E5)
D’autant plus que les médecins généralistes mettent en avant que les patients
consultant pour une symptomatologie digestive ont souvent déjà essayé les anti-H2.
« Souvent quand ils viennent, ils sont déjà passés par cette case-là. » (E1)
D’autre part, les médecins généralistes font confiance aux symptômes exposés par les
patients pour poser le diagnostic et ainsi pour initier les traitements.
Plusieurs médecins généralistes ont mis en avant le fait que leur prescription d’IPP,
dépend de leur ressenti du patient. Il s’agit d’une évaluation subjective.
« L’âge physique. » (E3)
35
- L’application des recommandations en ambulatoire par les médecins
généralistes :
Le dernier problème soulevé par les médecins généralistes est la difficulté
d’application des recommandations aux situations rencontrées et à la médecine
ambulatoire.
Les médecins interrogés considèrent que les recommandations publiées sont parfois
critiquables.
« Parfois, je trouve que les recommandations, il y a de quoi piquer des crises et se poser
pleins de questions. » (E2)
« Je ne dis pas que toutes les recommandations de la haute autorité ne sont pas valides
mais il faut en prendre et en laisser. » (E6)
En partie, car elles ne sont pas faites par des médecins généralistes, mais par des
médecins hospitaliers, souvent peu au fait de la réalité des moyens disponibles en
ville. (n=3)
« Les recommandations sont publiées par des hospitaliers qui sont dans leur coin, (…) ils
ne sont pas au fait de la réalité quotidienne » (E2)
« Qu’on est bien amené à constater quelle est la pratique réelle de ceux qui élaborent les
recommandations. Elles sont souvent un peu différentes de la pratique. » (E6)
Ainsi, certains médecins généralistes mettent en avant que, si parfois ils n’appliquent
pas les recommandations, c’est qu’ils n’ont pas les possibilités de le faire et donc pas
le choix.
« Tu sors des recommandations parce que tu ne peux pas faire autrement. » (E2)
« Que bien souvent en ville on ne peut pas mettre en application ce que l’on apprend dans
les livres. » (E10)
2.3. Les médecins
- Position des médecins généralistes en situation :
36
Sur le terrain, en situation, tous les médecins généralistes ne se positionnent pas de la
même manière pour les essais de sevrage. Il ne semble pas y avoir de réponse unanime
et des pratiques très différentes. Certains disent tenter le sevrage, tandis que d’autres
non (n=5).
L’une des raisons évoquée est le manque de sensibilisation des médecins généralistes
à la bonne prescription des IPP et à leurs effets secondaires.
« On n’est pas très sensibilisé à ça. » (E2)
- Les relations des médecins généralistes avec les autres professionnels de santé,
prescripteurs d’IPP :
Le choix du médecin, face à cette prescription d’IPP, dépend du primo-prescripteur et
de la relation établie entre le médecin généraliste et cet autre professionnel de santé.
Il semblerait que les médecins généralistes soient plus sceptiques sur la prescription
d’IPP faite en milieu hospitalier, plutôt que par un confrère à qui ils ont adressé le
patient et avec lequel ils ont des contacts.
« Pour l’hospitalier c’est compliqué. En ville, je trouve qu’il y a moins d’abus. » (E5)
Néanmoins, la réévaluation de la prescription d’IPP d’un autre professionnel de
santé semble être à l’origine de difficultés pour les médecins généralistes qui ont
tendance à suivre leur point de vue. (n=3)
« Cette approche de remettre en question je ne sais pas, j’ai jamais eu l’occasion. » (E5)
« Comme ça a été prescrit à l’hôpital, oui je leur laisse. » (E10)
De plus, ils ont des difficultés à être entendus par leurs patients face aux
prescriptions qui sont faites par l‘hôpital et qu’ils sont parfois amenés à remettre en
cause.
« Donc après c’est difficile d’expliquer au patient que c’est la même chose qu’à l’hôpital. »
(E6)
37
Et lorsqu’ils décident de ne pas renouveler ce traitement, certains patients réussissent à
obtenir leur prescription d’IPP par un autre médecin ou par le pharmacien.
« Eu la prescription d’IPP pas quelqu’un d’autre. » (E2)
Un autre élément, mis en avant par les médecins généralistes interviewés, est la
prescription importante d’IPP par les autres médecins. (n=4)
« Les gastros, ils entérinent souvent ce type de prescription. » (E2)
« C’est plutôt fait par les autres en général. » (E4)
- Point de vue des médecins généralistes sur les IPP :
La vision des IPP par les médecins généralistes est une vision plutôt positive avec un
effet révolutionnaire sur les pathologies digestives des patients et des effets
secondaires peu nombreux.
Nombreux sont les médecins généralistes interrogés qui ont vu l’arrivée des IPP sur le
marché. (n=4)
Ces généralistes concernés considèrent, en majorité, que les IPP ont changé leur
pratique de la médecine. (n=7)
« Une révolution. » (E5)
« Oui, ça a changé la médecine. » (E6)
Ils disent avoir constaté une diminution des complications et avoir des réponses en
terme de thérapeutique à donner aux patients avec des symptômes qu’ils ne
réussissaient pas à traiter.
« Aucun de mes patients n’a été opéré de l’estomac depuis que les IPP sont arrivés. » (E4)
« Ah oui ! Surtout dans le RGO. Ça a changé aussi la situation avec les AINS. » (E2)
« Bah ça a quand même transformé la vie des gens, parce qu’avant on avait pas grand
chose, ça ne soignait pas spécialement. » (E9)
38
La constatation de cette avancée thérapeutique, par les médecins interrogés, a modifié
la vision des médecins généralistes qui considèrent, pour la plupart, que les IPP ne
sont pas des médicaments dangereux. (n=8)
« Dangereux ? Non. » (E3-8)
« Je dirais, que par rapport aux AINS, il y a plus dangereux que les IPP. » (E5)
Certains, même, vont jusqu’à une impression d’innocuité des IPP, ayant pour
conséquence de rendre leur prescription d’IPP plus fréquente et facile.
« Ai tendance à prescrire de façon assez facile. » (E1)
- Le médecin généraliste et son statut d’acteur de santé collective :
Pour le rôle d’acteur de santé collective, l’objectif de la maîtrise des coûts et des
thérapeutiques, par les médecins généralistes interrogés, est très contrasté.
Certains disent s’en préoccuper, et d’autres non.
Au niveau du coût des IPP, tous les médecins généralistes interrogés ne connaissent
pas exactement le prix des IPP.
« Je n’ai pas en effet les prix exacts en tête, mais il me semble qu’il y en a certains, plus que
d’autres. » (E1)
Certains disent ne pas connaître les prix des différents IPP.
« Non je n’ai pas été comparé le prix des IPP. » (E9)
Certains disent adapter leur prescription, notamment au niveau du type de molécule
choisi, au coût engendré. Ils choisissent donc la molécule qui est pour eux la moins
chère. (n=4)
« C’est le Pantoprazole le moins cher. » (E7)
« J’essaye d’en réduire au maximum le coût. » (E6)
Plusieurs médecins ont souligné le problème du marché de l’Assistance Publique des
Hôpitaux Parisiens, avec la molécule Esoméprazole, faussant parfois leur vision du
prix des différentes molécules sur le marché de l’ambulatoire et leur absence de
prescription en dénomination commune internationale. Ce point de vue était
39
certainement influencé par le fait que les patients dépendaient tous de l’hôpital Henri
Mondor où ils avaient été hospitalisés.
« Inexium, c’est souvent à Mondor, mais les gens en ville, étaient souvent sou Pariet, ou
autre éventuellement, et ça c’est un truc qui sort de l’AP. » (E4)
« À Mondor, et donc là il est sorti sous Inexium. » (E10)
« Qu’on a beaucoup de difficultés parce que les patients ressortent généralement de
l’hôpital avec des produits non génériques. » (E6)
L’objectif de maîtrise des thérapeutiques est mis en difficulté par la vision des IPP
comme un traitement préventif par les médecins généralistes. Ce point de vue majore
la quantité de prescription d’IPP.
DISCUSSION :
1. Principaux résultats et hypothèses explicatives
- Population de l’étude :
Le nombre de patients sous IPP dans l’étude était de 61%. Ce résultat est supérieur aux
études quantitatives réalisées en population générale, puisqu’elles ont entre 30 et 50%
de leurs patients sous IPP : 47% dans une étude réalisée en Espagne (12), 30,7% dans
une étude française monocentrique (43). Néanmoins, la population étudiée par notre
travail était une population spécifique, une population gériatrique, donc plus exposée
aux IPP. Le pourcentage de prescriptions d’IPP, de l’étude, dans cette population âgée,
est concordant avec ceux des différentes études quantitatives déjà réalisées. Dans
l’étude monocentrique française, 60% des 70-79ans et 54% des 80-89ans étaient sous
IPP (43).
Le pourcentage de prescriptions hors recommandations, dans l’étude, était de 64,7%.
Des résultats similaires ont été retrouvés dans une étude française quantitative réalisée
dans un service de médecine interne où la prescription d’IPP était non conforme à
40
l’AMM dans 67% des cas (12).Deux-tiers des prescriptions d’IPP, en moyenne, sont
hors recommandations. En comparaison, la prescription d’antibiotiques non conforme
aux recommandations est de 40% (30).
Cette prescription hors recommandation, n’est pas sans risque comme nous avons pu le
constater dans différentes études. Tant d’un point de vue des effets secondaires
encourus par les patients (infections pulmonaires, digestives, troubles de l’absorption
digestive, pharmacodépendance aux IPP, interactions médicamenteuses), que d’un
point de vue économie de la santé, avec une majoration des dépenses de santé liée à
cette sur-prescription.
La prescription inappropriée des antibiotiques a conduit la Caisse Primaire d’Assurance
Maladie (CPAM) à faire des campagnes contre ces prescriptions inappropriées, avec
pour slogan : « les antibiotiques ce n’est pas automatique ». De la même manière, une
sensibilisation à la prescription inappropriée des IPP pourrait être faite, puisque deux
tiers des prescriptions ne sont pas conformes, valeur plus importante que les
antibiotiques, qui est de 40% (30). Néanmoins, les conséquences de ces prescriptions
inappropriées d’IPP sont plus relatives que pour les prescriptions inappropriées
d’antibiotiques en termes de santé individuelle et collective.
- Facteurs explicatifs des prescriptions d’IPP hors recommandations :
Nous n’avons pas trouvé de travail avec la même méthodologie qualitative nous
permettant de comparer les résultats de l’étude.
Néanmoins, il y a eu plusieurs études quantitatives abordant ce sujet permettant de
recouper les données et de comparer les résultats avec notre travail.
Les résultats de l’étude retrouvent trois axes principaux dans les facteurs explicatifs de
la prescription d’IPP en dehors des recommandations chez les personnes âgées : une
responsabilité partagée dans cette prescription d’IPP par différents intervenants, une
vision « idyllique » des IPP et la complexité du patient âgé.
Pour la responsabilité de prescription en dehors des recommandations, elle semble être
41
partagée par plusieurs personnes.
Dans cette étude, les médecins ont souligné, à plusieurs reprises, que la primo-
prescription d’IPP venait souvent d’un autre médecin et fréquemment de l’hôpital. Une
étude française ne semble pas être en accord avec cette hypothèse de primo-
prescription hospitalière puisqu’elle a révélé que la prévalence globale de prescriptions
d’IPP non conformes à l’AMM était identique chez les patients pour lesquels le
traitement avait été initié en ville et à l’hôpital (65 vs 76% ; p=0,10) (12). Cette étude
met donc une nouvelle fois en avant une co-responsabilité des médecins hospitaliers et
ambulatoires dans la prescription des IPP hors recommandations tant au niveau de
l’initiation du médicament que de son renouvellement.
Les raisons de cette première prescription étaient souvent incertaines, rendant la
réévaluation et la décision d’arrêt plus difficiles pour les médecins interrogés.
Il semblerait donc qu’il est plus difficile de prendre des décisions sur une thérapeutique
que l’on n’a pas choisi d’instaurer, se posant alors une question de légitimité au droit de
la réévaluation.
Cette étude permet de rappeler la nécessité de la coordination des soins entre les
différents spécialistes (médecins généralistes/autres spécialités ville/hôpital).
Les médecins traitants sont un des protagonistes de la prescription d’IPP. Ils ont été
nombreux à souligner que la prescription d’IPP n’était pas leur priorité et que la
réévaluation de cette prescription était bien souvent secondaire dans leurs objectifs.
En partie, parce qu’ils manquent de temps au cours de leurs consultations pour
réévaluer cette prescription, que la prescription d’IPP leur semble anodine et que la
négociation pour convaincre les patients de la nécessité de l’arrêt de ce médicament est
pourvoyeuse de temps.
L’autre frein mis en avant est la prescription informatisée, par un renouvellement « d’un
clic de souris » des prescriptions. La mise en place de logiciels d’aide à la prescription
pourrait être une des réponses à apporter aux limites de la prescription « rapide » par
informatique.
Le renforcement des nouveaux modes de rémunération, au forfait ou par majoration,
est une réponse apportée aux médecins traitants, leur permettant de consacrer plus de
42
temps aux consultations des patients les plus complexes. Il s’agit des patients sortant
d’hospitalisation (dans le cadre du suivi de court séjour), ou des personnes âgées de
plus de 80 ans (majoration de la consultation de 5 euros), ou le forfait annuel de 40
euros pour les patients en affection longue durée, ou le forfait médecin traitant de 5
euros/an pour le suivi des patients hors affection longue durée (6). Tous ces avantages
financiers sont possibles pour les médecins généralistes, s’ils acceptent d’adhérer au
contrat d’accès aux soins. Ils sont une réponse financière permettant de pallier le temps
consacré pour la réévaluation des traitements et notamment des IPP chez les patients et
leur éducation.
Le motif de prescription des IPP dans la population de l’étude était avant tout préventif,
plus que curatif. Les médecins généralistes disent avoir une bonne connaissance des
recommandations à but curatif et moins pour celles des prescriptions à visée
préventive. L’une des raisons de cette sur-prescription à visée préventive est, pour les
médecins généralistes, la crainte d’une hémorragie digestive chez leurs patients âgés, ce
qui les amène à prescrire fréquemment des IPP, chez leurs patients sous antiagrégants
plaquettaires ou anticoagulants oraux.
Les médecins généralistes semblent avoir été plus confrontés à des complications
digestives graves qu’aux effets secondaires des IPP. Ils considèrent , de ce fait, la
iatrogénie des IPP plus comme « potentielle» que concrète et ce point de vue est à
l’origine d’un manque de connaissances sur les effets secondaires des IPP.
La prescription d’IPP, en association aux antiagrégants plaquettaires, soulève le
problème des interactions médicamenteuses entre le clopidogrel et les IPP, source de
débats nombreux, avec des résultats d’études très discordants (4), mais ne permettant
pas de conclure à une absence certaine d’interaction. Une étude menée dans l’Ohio, aux
Etats-Unis, a montré une augmentation des effets indésirables cardiologiques chez des
patients traités par l’antiplaquettaire en post-angioplastie et qui avaient des IPP,
puisque 26% des patients ayant eu une pose de stent, traités par une association
clopidogrel/IPP, sont revenus pour un nouvel épisode d’infarctus myocardique dans
l’année, contre 16% des patients uniquement traités par clopidogrel (19). Une méta-
43
analyse ne confirme pas ces données, puisque le risque relatif de l’association d’un IPP
au risque de maladie cardiovasculaire grave était de 0,99 (IC : 0.82-1.19) (48). Un tel
effet deletere de cette interaction medicamenteuse n’est pas confirme dans une etude
evaluant l’utilisation du clopidogrel dans les infarctus du myocarde recents sur une
large population française (51) (3170 patients). L’adjonction des inhibiteurs de la
pompe a protons n’est pas associee a une augmentation du risque intra-hospitalier, de
mortalite, de recidive d’infarctus, d’AVC, de saignements ou de transfusions, et ce, quel
que soit le type d’inhibiteur de pompe a protons utilise ou le genotype 2C19 considere.
Il faut de ce fait avoir une prescription d’IPP encore plus justifiée, lors d’une association
au clopidogrel, afin de ne faire encourir au patient que le risque incertain, mais
inévitable, avec une balance bénéfice-risque favorable pour cette association.
Un autre facteur explicatif mis en avant par cette étude, est l’impression des médecins
généralistes que la population gériatrique a des difficultés d’accès aux soins, rendant
l’application des recommandations par les médecins généralistes difficile. Il semblerait
qu’il y ait un manque de coordination entre la ville et l’hôpital, à l’origine de ces
difficultés. Les médecins généralistes semblent, dans cette étude, réticents à la
réalisation d’explorations digestives dans leur population gériatrique, source d’une
augmentation de leurs prescriptions d’IPP à visée préventive dans cette catégorie de
patients. Néanmoins, une étude de la Direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques (Drees) ne met pas en évidence cet argument, les
personnes âgées ayant plus recours à l’hôpital que la population de moins de 70ans
mais avec un délai d’accès plus long (18). Il convient de rappeler que la réalisation d’une
fibroscopie oesogastroduodénale peut être pratiquée sans anesthésie générale,
s’agissant certes d’un geste peu agréable, cela limite le risque lié à l’anesthésie chez
cette population fragilisée et considérée comme à risque par les médecins généralistes.
D’autant plus qu’il existe des recommandations de l’Agence Nationale d’Accréditation et
d’Évaluation en Santé (ANAES), déterminant les situations où les explorations
digestives par FOGD sont recommandées en première intention (2). Pour la population
gériatrique, ils préconisent de réaliser une FOGD, en cas de dysphagie isolée ou
d’odynophagie d’origine œsophagienne, de nausées ou vomissements persistants et
isolés depuis plus de 48H sans origine extra-digestive ou occlusion intestinale aiguë, de
44
dyspepsie, d’anémie chronique ferriprive ou de carence martiale, de saignement digestif
aigu d’origine haute ou de reflux gastro-œsophagien. Au niveau épidémiologique, une
étude anglo-saxonne a réalisé une revue de la littérature concernant les données
épidémiologiques des pathologies digestives des sujets âgés. Les résultats montrent une
augmentation des cancers, notamment chez l’homme : le cancer de l’œsophage touchait
47,5/100 000 hommes de 55 à 59 ans et 162,7/100 000 après 85 ans. Le cancer
gastrique touchait 28,6/100 000 des hommes de 55 à 59 ans et 200,9/100 000 après 85
ans. Les pathologies digestives non ulcéreuses chez les hommes de plus de 85 ans
augmentaient aussi, notamment les pathologies ulcéreuses œsophagiennes (136,3/100
000 habitants après 85 ans), gastriques (177/100 000 habitants après 85 ans),
duodénales (219,7/100 000 après 85 ans) (23). Ces données épidémiologiques
concernant les pathologies digestives sont également retrouvées au niveau
international avec des variations identiques en fonction de l’âge.
D’autre part, le patient âgé est vu par les médecins traitants comme un patient
polypathologique et donc polymédicamenté. Cette situation est source de difficultés
pour les médecins traitants pour qu’ils puissent faire la part des choses dans la
symptomatologie des patients, ce qui abaisserait leur seuil de vigilance face à la
prescription d’IPP en dehors des recommandations.
Néanmoins, si ces patients sont polymédicamentés, le risque d’iatrogénie par
interaction médicamenteuse est lui aussi augmenté, et cela majore le caractère de
fragilité des populations gériatriques. Ce problème est soulevé par les
recommandations de la HAS qui reprennent les données du Pr S. Legrain sur la
consommation médicamenteuse chez le sujet âgé : les modalités de prescription sub-
optimale (overuse, misuse, underuse) et l’évaluation de l’observance des traitements
(41). L’ajout d’un médicament ou l’interaction des traitements habituels avec un
épisode aigu est parfois à l’origine d’une modification de l’équilibre, avec une incapacité
à l’équilibration et à l’adaptation de l’organisme à la situation. Cette situation de fragilité
rend le patient âgé plus sensible aux effets des médicaments, devenant parfois plus
dangereux que bénéfiques. La polymédication, notamment par IPP, peut donc majorer, à
l’instar de la vision des médecins généralistes sur leur innocuité, la fragilité de ces
patients. Une méta-analyse a estimé à 16,6%, le taux d’hospitalisation moyen dû à un
problème lié à un médicament chez le sujet âgé, à partir de 17 études observationnelles
45
(8).
Une etude anglaise, prospective, sur 18 820 admissions de l'adulte, permet une
estimation plus fiable du poids de l’iatrogenie (46). 5,2% des admissions etaient
directement lies a un accident iatrogenique ; l'âge moyen des sujets admis pour
iatrogenie etait de 76 ans (vs 66 ans pour tous les sujets admis) ; des interactions
medicamenteuses dangereuses etaient retrouvees dans 16,6% des cas ; les
medicaments les plus incrimines etaient les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les
diuretiques et la coumadine. 70% des accidents etaient potentiellement ou
certainement evitables.
Une etude française, prospective, effectuee a partir de 2814 admissions de sujets âgés
de 70 ans et plus, retrouve 500 effets indesirables lies aux medicaments presents a
l'admission (19). Les medicaments les plus impliques sont ceux du systeme
cardiovasculaire (43.7%) et les psychotropes (31.1%). Une interaction medicamenteuse
etait impliquee dans 60,6% des accidents. Moins connue, car souvent non recensee dans
les enquêtes, la survenue d'un evenement intercurrent aigu, le plus souvent une
deshydratation, etait retrouvee dans 44.2% des cas. 40,2% des accidents ont ete
consideres comme evitables.
Enfin, le rôle de l’éducation dans la prescription d’IPP semble être un frein à la
réévaluation des traitements. Les médecins de l’étude décrivent des difficultés d’auto-
évaluation de la population gériatrique face à leur symptomatologie digestive,
notamment des difficultés à alerter leur médecin traitant. Ils mettent aussi en avant,
l’attachement des patients à leur traitement, avec une forte demande d’IPP de leur part,
et la difficulté de les convaincre de privilégier les mesures hygiéno-diététiques, souvent
contraignantes, plutôt que la prise quotidienne d’un IPP, en cas de reflux gastro-
œsophagien.
Néanmoins, le bénéfice de l’éducation thérapeutique a été montré, notamment par
l’équipe du Pr S. Legrain (41), faisant l’objet de recommandations de la part de la HAS
(28), qui donne des outils d’aide à la mise en place d’une éducation thérapeutique,
notamment les modalités de présentation de l’éducation thérapeutique des médecins
généralistes à leurs patients afin d’obtenir leur adhésion (27). Il serait peut-être
souhaitable de faire parvenir ces méthodes aux médecins traitants.
46
2. Forces et apports de l’étude
- Forces de l’étude :
Cette méthodologie permet d’étudier, de façon plus juste, la complexité de la
prescription médicamenteuse et la relation entre les données de la science, les
connaissances et les croyances du médecin, les demandes du patient et la relation qui
les unit.
Au niveau méthodologique, les points forts de l’étude sont l’absence de sélection des
médecins généralistes. Tous les patients ont été inclus durant la période de l’étude.
Le recueil de données a été fait par un unique médecin recruteur formé sur les
recommandations, ce qui limite la variabilité dans le recrutement et favorise la
connaissance des critères d’exclusion (les recommandations et les étiologies justifiant
une prescription d’IPP), pour réaliser une meilleure sélection.
La réalisation des entretiens, par une seule personne, limite le risque de variabilité
entre les entretiens et le risque de poser des questions trop fermées, du fait d’un
manque d’aisance avec les données du guide d’entretien.
La lecture des entretiens et du travail d’analyse a été réalisée par trois lecteurs
différents avec des modes d’activité professionnelle différents (un médecin libéral
généraliste, un médecin hospitalier gériatre et un interne de médecine générale). Cette
triangulation a permis une analyse plus approfondie des données et une confrontation
des points de vue, souvent différents, du fait de pratiques médicales hétérogènes. Cette
situation permet d’espérer limiter la perte de données qui n’auraient pas été exploitées,
de façon involontaire, par omission.
Une étude qualitative favorise la libre expression des médecins interrogés et permet
l’émergence de thèmes et hypothèses non envisagés par une thèse quantitative avec un
questionnaire à réponses fermées, ou lors de l’initiation du travail.
- Les apports de l’étude :
47
On peut noter une implication clinique forte et un intérêt des médecins généralistes sur
le sujet, avec une demande de retour d’informations sur l’analyse et parfois une remise
en question de leurs pratiques.
Cette étude rappelle la nécessité de réévaluation de l’ordonnance par les médecins
traitants, par le biais des formations et lors des consultations. Chaque consultation
devrait faire l’objet d’un temps de questionnement et de réévaluation des traitements.
Les résultats de l’étude ont mis en avant que les médecins hospitaliers prescrivent par
excès les IPP, une sensibilisation de ce corps médical semble nécessaire. Une vision plus
gériatrique, avec une prise en charge globale de cette population, doit leur être
rappelée puisque leur pratique a tendance à se limiter à la prise en charge du problème
aigu. Cette prise en charge globale passe aussi par la réévaluation de l’ordonnance à
l’entrée et à la sortie de l’hospitalisation pour limiter la iatrogénie, en se questionnant
sur la nécessité de poursuivre chaque médicament.
La relation médecin-malade doit être modifiée, avec une adaptation de cette relation,
avec une part réservée à l’éducation thérapeutique plus importante auprès des patients.
Même si cette prise en charge est chronophage, les résultats de l’étude de S. Legrain
(41) mettent en avant les bénéfices, en limitant la iatrogénie et les hospitalisations
secondaires.
Enfin, il faut travailler sur la relation de confiance entre les différents protagonistes et
améliorer la communication entre les médecins généralistes et les médecins
hospitaliers.
3. Limites de l’étude (biais)
Ce travail comporte des limites qu’il est nécessaire de mettre en avant. - Les biais de sélection :
48
Parmi les biais de sélection, il a été retrouvé deux types de biais dans cette étude : le
biais de recrutement et le biais de non réponse.
Les médecins généralistes ayant accepté de répondre étaient pour la plupart des
médecins en fin de carrière, avec un âge au moins supérieur à 50 ans.
Le taux de non réponse est élevé, il correspond au nombre de médecins contactés qui
n’ont pas souhaité répondre à l’étude, ainsi que ceux qui n’ont pu être joints ou qui
n’étaient pas disponibles lors du deuxième rendez-vous.
Un faible pourcentage des médecins généralistes s’est révélé joignable, en partie à cause
d’un blocage par un premier intermédiaire, les secrétariats, mais aussi du fait d’une
incompatibilité d’emploi du temps entre le médecin interviewé et l’enquêteur.
Les autres raisons retrouvées pouvant expliquer le refus de participation à l’enquête de
la part des médecins interrogés, étaient des médecins généralistes qui n’étaient pas les
médecins traitants des patients sélectionnés ou bien qui ne suivaient pas les patients
depuis longtemps et ne souhaitaient donc pas répondre.
La dernière justification, de la part des médecins interrogés, était la méthodologie
choisie, avec un mode de recueil des données (l’entretien) consommateur de temps.
- Les biais de classement :
Le premier biais de classement est le biais de déclaration, il s’agit d’une erreur dans le
recueil des données collectées au cours des entretiens. Il survient à différents moments
du recueil des données. Tout d’abord, lors de l’obtention de l’adhésion des médecins à
accepter l’interview, puis lors de la conduite des entretiens.
La réalisation d’entretiens téléphoniques limite l’attention des médecins généralistes,
mais aussi l’analyse contextuelle des réponses apportées par les médecins.
Pour pallier ce biais, les entretiens ont été enregistrés au dictaphone et retranscrits mot
à mot. De plus, ils ont été réalisés à un moment choisi par le médecin.
Néanmoins, une perte d’informations reste inévitable au moment de la retranscription
mais aussi lors de la réalisation des entretiens téléphoniques (intonation, gestuelle,
attitude physique…).
49
L’autre problème rencontré est celui de la mémoire des médecins (incertitude sur la
date, l’étiologie du diagnostic…) avec un risque d’interprétation pouvant être favorisé
soit par une initiation du traitement très lointaine, soit par un médecin qui n’est pas le
premier prescripteur ou des médecins généralistes qui sont les médecins traitants de
leurs patients depuis très peu de temps et n’ont pas été les instaurateurs du traitement
par IPP.
Ce biais est malheureusement inévitable en réalisant l’étude uniquement du côté du
médecin.
Le deuxième biais est celui de la subjectivité de l’enquêtrice. Le médecin intervieweur
peut orienter les réponses des médecins et être parfois amené à mener l’entretien de
façon trop directive.
Ce biais a tenté d’être limité par la formulation de questions les plus ouvertes possible.
Néanmoins, certaines formulations devaient être plus suggestives ou être plus fermées
ou directives, laissant parfois suggérer l’avis personnel de l’enquêtrice.
L’une des difficultés de l’analyse qualitative est le travail de distanciation, lors de
l’analyse des données, qu’il est parfois difficile de réaliser, le chercheur ayant forcément
un avis personnel qu’il doit savoir mettre de côté.
Ce biais a été limité par l’analyse des données par une méthode de triangulation grâce à
3 relecteurs différents, avec des activités médicales variées, à l’origine d’opinions
souvent divergentes.
4. Perspectives
Grâce à l’étude que nous avons réalisée, nous avons pu mettre en avant des critères
explicatifs dans la prescription inappropriée et la réévaluation des IPP.
La réalisation d’études plus grandes, multicentriques voir quantitatives, permettrait de
corroborer les facteurs explicatifs les plus fréquents dans la prescription hors
recommandations des IPP mis en avant par ce travail, pour ensuite,tenter de trouver
des réponses à ces problèmes de prescription inappropriée. Une solution, pour évaluer
les prescriptions d’IPP, serait de réaliser une étude en s’associant à la CPAM, en incluant
50
tous les patients recensés par la sécurité sociale sous IPP et de vérifier l’indication de
cette prescription.
Une formation sur les modalités des prescriptions d’IPP à visée préventive semble
nécessaire, tant auprès des médecins généralistes que des médecins hospitaliers, soit
par un envoi des recommandations par voie postale ou par mail afin de diffuser au
mieux l’information, la formation médicale continue pourrait être, elle aussi, une
solution.
Nous avons donc mis en avant qu’il était nécessaire que les médecins prescripteurs
d’IPP réévaluent de façon régulière leur prescription d’IPP. Nous avons réfléchi aux
solutions pouvant inciter les médecins à le faire.
Tout d’abord, la mise en place d’une consultation dédiée de prévention et étiquetée
comme telle pourrait être une des réponses pour motiver la réévaluation. La mise en
place de la prime patient âgé-polypathologique en est un exemple.
L’évaluation bi-annuelle des médecins par la caisse primaire d’assurance maladie,
pourrait aussi être une solution avec la mise en avant des bonnes modalités de
prescription des IPP et faire l’objet d’un rappel des recommandations de prescription
des IPP auprès des médecins généralistes, notamment en confrontant les médecins à
leur taux de prescription d’IPP (par classe d’âge, par association à certaines
thérapeutiques…). Cette solution pourrait amener les médecins à s’interroger et à se
remettre en question sur leurs prescriptions, en leur permettant de prendre de la
distance sur leur prise en charge médicale, en dehors du temps de consultation.
Pour le problème de la prescription informatique, l’ajout d’un onglet ou d’une colonne
dans le logiciel, permettant de cocher si la prescription est justifiée ou l’indication de la
prescription, pourrait être une solution pour que le médecin prescripteur se questionne
sur l’utilité du médicament et réévalue ses prescriptions. L’obligation de recopier les
ordonnances, au moins manuellement, sans faire un copier-coller, pourrait limiter ce
facteur explicatif.
51
Pour les médecins hospitaliers, la réévaluation de l’ordonnance de façon systématique
pour tout patient hospitalisé, sur son ordonnance d’entrée et de sortie, pourrait limiter
la prescription non justifiée d’IPP. Une meilleure coordination des soins entre la ville et
l’hôpital, notamment par un appel systématique du médecin traitant à chaque
hospitalisation pour discuter des thérapeutiques du patient et l’envoi d’un compte-
rendu justifiant les modifications thérapeutiques, pourrait permettre de renforcer le
lien médical entre la ville et l’hôpital dans l’intérêt des patients et éclairer les médecins
généralistes sur les raisons de certaines prescriptions d’IPP.
CONCLUSION :
La prescription d’IPP hors recommandations concerne deux-tiers des sujets âgés. Cette
sur-prescription soulève plusieurs problèmes, en terme de iatrogénie, de tolérance et de
coût de santé publique.
Le but de cette étude était d’essayer de comprendre les raisons des prescriptions d’IPP
hors recommandations chez les sujets âgés en mettant en avant des facteurs explicatifs.
Cette thèse qualitative avait pour objectif de faire ressortir des pistes à confirmer par
des études plus importantes.
La mise en avant de ces facteurs explicatifs a permis de réfléchir aux réponses à
apporter pour limiter ces prescriptions inappropriées.
Trois grands axes de facteurs explicatifs ont été mis en avant grâce à cette étude.
Tout d’abord, il est constaté une responsabilité partagée dans cette prescription d’IPP
par différents intervenants, entre les médecins hospitaliers et les médecins généralistes
de ville qui sont tout deux prescripteurs d’IPP. Ils disent manquer de temps pour
réévaluer leurs prescriptions d’IPP.
Ensuite, les médecins ont une vison « idyllique » des IPP, qu’ils prescrivent
fréquemment dans un but préventif, notamment par crainte des hémorragies digestives
et dont ils connaissent mal les effets secondaires potentiels.
Enfin, le dernier facteur explicatif retrouvé est le problème soulevé par la complexité du
patient âgé avec une limitation de l’accès aux soins des sujets âgés. Les médecins
généralistes ont tendance à privilégier les IPP en cas de symptomatologie digestive à
52
défaut des explorations digestives et considèrent cette population comme fragile.
L’éducation thérapeutique des patients âgés, devient, pour les médecins généralistes,
un problème très secondaire du fait du manque de temps et de la complexité des
patients.
Les perspectives envisagées pour corriger ces facteurs explicatifs sont multiples. Une
amélioration des formations sur les recommandations de prescription des IPP
notamment à but préventif. La réévaluation des prescriptions par les différents
médecins prescripteurs d’IPP semble être primordiale, notamment par le biais d’une
meilleure coordination ville/hôpital. Les consultations dédiées à l’éducation, les primes
patient âgé-polypathologique et l’évaluation par la caisse primaire d’assurance maladie
sont des réponses pour limiter ces prescriptions hors recommandations.
Les résultats de cette étude sont issus des pratiques de 10 médecins généralistes
interrogés. Pour confirmer ces facteurs explicatifs, il serait intéressant de réaliser une
étude à plus grande échelle avec une méthodologie quantitative.
53
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60
ANNEXE 1 : Recommandations de bonne pratique des anti-sécrétoires gastriques chez l’adulte
RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE - LES ANTI-SECRETOIRES GASTRIQUES CHEZ L’ADULTE - ARGUMENTAIRE
Afssaps – novembre 2007 46
ANNEXE 1
INHIBITEURS DE LA POMPE A PROTONS par voie orale : INDICATIONS et POSOLOGIES CHEZ L’ADULTE
Dénomination Commune Internationale
Traitement symptomatique du RGO
Oesophagite par RGO
Traitement d’entretien de l’oesophagite par RGO
Eradication de Helicobacter pylori Ulcère duodénal évolutif
Ulcère gastrique évolutif
Traitement d’entretien de l’ulcère duodénal
Traitement des lésions gastro-duodénales dues aux AINS
Prévention des lésions GD dues aux AINS chez les sujets à risque
Syndrome de Zollinger-Ellison
Lansoprazole (15, 30 mg)
15 – 30 mg/j 4 à 6 sem.
30 mg/j 4 à 8 sem.
15 – 30 mg/j
Pendant 7 jours : 2 x 30 mg/j associé à clarithromycine 1 g/j et : - soit amoxicilline 2g/j - soit métronidazole ou tinidazole 1 g/j
30 mg/j 2 sem + 2 sem
30 mg/j 4 à 8 sem.
15 mg/j 30 mg/j 4 à 8 sem
15 mg/j
Dose initiale : 60 mg /j
Oméprazole (10, 20 mg)
10 - 20 mg/j 4 à 6 sem.
20 mg/j 4 à 8 sem. 40 mg/j en cas d’oesophagite sévère résistante à une cure de 20 mg/j pendant 4 sem.
10 – 20 mg/j
Pendant 7 jours : 2 x 20 mg/j associé à clarithromycine 1 g/j et : - soit amoxicilline 2 g/j -soit métrodinazole ou tinidazole 1g/j - puis 20 mg/j pendant 3 semaines en cas d’ulcère duodénal ou 3 à 5 semaines en cas d’ulcère gastrique
20 mg/j 4 sem.
20 mg/j 4 à 6 sem.
10 mg/j 20 mg/j après échec du traitement par anti-H2
20 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j Dose initiale : 60 mg /j
Esoméprazole (20, 40 mg)
20 mg/j 4 sem - puis à la demande après disparition des symptômes
40 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j
Pendant 7 jours : 2 x 20 mg/j associé à clarithromycine 1 g/j et amoxicilline 2 g/j
20 mg/j 4 à 8 sem
20 mg/j
Dose initiale : 80 mg/j
Pantoprazole (20-40 mg)
20 mg/j 2 à 4 sem. - puis à la demande après disparition des symptômes
Oesophagite légère : 20 mg/j 2 à 4 sem. - puis à la demande en fonction des besoins après disparition des symptômes Oesophagite : 40 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j 40 mg/j en cas de récidive
Pendant 7 jours : 2 x 40 mg/j associé à clarithromycine 1g/j et : - soit métronidazole ou tinidazole 1 g/j - soit amoxicilline 2 g/j ou 2 x 40 mg/j associé à 2 g/j d’amoxicilline et métronidazole ou tinidazole 1 g/j
40 mg/j 4 sem.
40 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j
Dose initiale : 80 mg/j
Rabéprazole (10, 20 mg)
10 mg/j 4 sem. - puis à la demande après disparition des symptômes
20 mg/j 4 à 8 sem.
10 - 20 mg/j
Pendant 7 jours 2 x 20 mg/j associé à clarithromycine 1g/j et amoxicilline 2 g/j
20 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j 6 à 12 sem.
Dose initiale : 60 mg/j
GD : gastro-duodénale
Inhibiteurs de la pompe à protons par voie injectable Esoméprazole (40 mg) Traitement antisécrétoire gastrique lorsque la voie orale est impossible
Oméprazole (40 mg) Traitement antisécrétoire gastrique lorsque la voie orale est impossible
Pantoprazole (40 mg) Traitement antisécrétoire gastrique lorsque la voie orale est impossible
61
ANNEXE 2 : Guide d’entretien Bonjour,
Je m’appelle Lola Corsin, je suis interne en médecine générale à Créteil Paris 12 et dans
le cadre de ma thèse, j’aurais souhaité m’entretenir avec vous lorsque cela vous sera
possible au sujet de Mr X.
Je pense que cet entretien nous prendra une vingtaine de minutes.
Je réalise une thèse qui a pour thématique l’évaluation de la prescription inappropriée
des inhibiteurs de la pompe à protons dans une population âgée de plus de 75ans et le
but est d’essayer de déterminer les facteurs explicatifs.
L’entretien, si vous l’acceptez, sera enregistré, les données seront traitées de façon
anonyme et une fois traitées, les entretiens seront détruits. Je m’engage à vous
communiquer les résultats de l’analyse réalisée suite aux entretiens effectués.
1/ Concernant votre patient, pouvez-vous me raconter dans quel contexte la
prescription d’IPP a-t-elle été introduite ?
Questions de rappels si nécessaires :
- Indications de l’IPP,
- date du diagnostic
- date du traitement,
- examen complémentaire permettant de poser le diagnostic.
- Premier prescripteur (gastro-entérologue, autre spécialité, hôpital, médecin
traitant).
- Consultation d’un spécialiste type gastro-entérologue.
2/ Par rapport à ce que vous venez de me dire, pouvez-vous m’expliquer les
raisons motivant la poursuite de la prescription d’IPP à ce jour ?
Questions de rappels si nécessaires :
- tentative d’arrêt
- poursuite des explorations, si récidive, des symptômes à l’arrêt.
- Souhait du patient, clairement demandé, raison de cette demande.
62
3/ Maintenant, si on aborde plus globalement la prescription d’IPP, quelle opinion
et/ou quelle expérience avez-vous de ce traitement ?
Questions de rappels si nécessaires :
- Qu’ont-ils changé dans votre pratique.
- Est-ce un médicament dangereux.
- Impression d’innocuité du médicament.
- Est-ce un médicament coûteux.
- Connaissance des recommandations.
- inquiétude du médecin face à l’arrêt du traitement
4/ Quels sont les patients pour qui vous les prescrivez systématiquement et pour
quelle durée ?
Questions de rappels si nécessaires :
- Prescription systématique chez les patients sous anticoagulant oral sous
antiagrégant plaquettaire.
- réévaluation des molécules et de la durée à chaque consultation.
5/ Y a-t-il d’autres situations dans lesquelles vous pourriez prescrire des IPP et
pour quelle durée?
Conclusion : Pour terminer cette discussion, souhaitez-vous que nous discutions du
traitement de Mr X. et que nous prenions une décision ensemble sur la poursuite ou non
de ses IPP?
63
ANNEXE 3 : Entretien n° 6 (choix d’un entretien type)
Dr : Je suis à vous.
L : En fait je voulais discuter de Mr X., dans le cadre de ma thèse sur les IPP. Je fais
une thèse chez les personnes âgées que j’ai recrutées en gériatrie à Mondor et je
me suis rendue compte qu’il y avait énormément de personnes âgées qui étaient
sous IPP, et qu’une partie de ces patients était en dehors des recommandations.
Donc, l’idée est de savoir pourquoi il y avait des patients qui avaient des IPP en
dehors des recommandations. Ce n’est pas du tout pour juger la pratique des
médecins mais c’est pour voir si justement il n’y avait pas intérêt à revoir les
recommandations puisqu’il y avait tant de prescriptions d’IPP. Ma première
question est : concernant Mr X. est-ce que vous pouvez me raconter dans quel
contexte vous avez prescrit des IPP ?
Dr : Alors là…C’est un patient qui a un diabète de type 2, qui a des complications de son
HTA : insuffisance rénale chronique, DFG<30, et cardiopathie ischémique, avec un DAI,
avec des épisodes de troubles du rythme cardiaque, et un dernier contrôle endoscopique
récent en mai 2014 qui montrait qu’il avait une anthrite...
L : Comment ?
Dr : C’est un patient qui est sous anti-vitamine K, plavix, kardégic, et qui avait une
symptomatologie un peu difficile à analyser, mais on lui a fait une fibro récemment qui
montrait qu’il avait une anthrite ulcérée.
L : Mais auparavant, avant cette fibroscopie, il était à Mondor, au mois d’avril, déjà
sous Inexium 40. Y avait-il déjà eu des explorations de faites avant cette fibro du
mois de mai?
Dr : Oui oui, il en avait déjà eu. Il a eu une fibroscopie en 2012 dans le bilan d’une anémie
microcytaire, et le gastro n’avait rien dit du tout.
L : Et c’est à ce moment-là qu’ont été instaurés les IPP ?
Dr : Non non, c’était déjà antérieur. Moi je suis plutôt oméprazole en première intention
donc je pense qu’il est sorti de l’hôpital avec cette prescription. Son dossier doit faire 10
cm d’épaisseur. Parce que là j’ai une antériorité à 2010, je vais vous dire s’il les avait déjà
ou pas. L’indication je pense que c’était lié aux problèmes coronaires, et du fait de son
trouble du rythme cardiaque et son traitement double antiagrégant et le traitement par
anti-vitamines K.
64
L : Est ce qu’il y a eu des tentatives d’arrêt ?
Dr : Non.
L : Auparavant, le patient était-il symptomatique avant son hospitalisation du
mois d’avril ? S’était-il déjà plaint de douleurs digestives ? D’épigastralgies ?
Dr : C’est un patient dont l’interrogatoire est très compliqué, car c’est un monsieur qui
est très angoissé et il a beaucoup de plaintes qui sont difficiles à analyser. Et ses
angoisses principales ne sont pas toujours centrées sur des choses importantes. Par
exemple : il est plus préoccupé par ses gratouillis que par sa fonction rénale qui au
dernier bilan était à 16mL/min.
L : Est-ce que vous vous souvenez qu’il vous ait déjà réclamé des IPP ? Ou un
traitement pour les douleurs d’estomac ?
Dr : Non.
L : Si on aborde plus globalement votre prescription d’IPP, quelle expérience avez-
vous avec ce traitement-là?
Dr : C’est vrai que sur les patients âgés qui sont sous traitement antiagrégant au long
cours je fais quasi automatiquement une prescription. Quand ils sortent de l’hôpital avec
un traitement anticoagulant ou antiagrégant, ils sortent quasiment en permanence avec
un IPP.
L : Pour savoir, vous avez quel âge ?
Dr : 62ans.
L : Et vous êtes installé en ville depuis combien de temps ?
Dr : Je ne suis pas installé en ville, je suis en centre de santé. Ça doit faire plus de trente
ans.
L : Donc vous avez vu les IPP arriver sur le marché?
Dr : Oui.
L : Et quand ils sont arrivés, trouvez-vous que ça a changé la médecine?
Dr : Oui, ça a changé la médecine parce qu’on avait une efficacité qui était quand même
importante. Après le gros changement c’est la découverte des Helicobacters. Voilà on n’a
plus la maladie ulcéreuse comme on disait dans ma jeunesse et qu’on traitait avec
n’importe quoi. C’est vrai qu’on n’a plus eu ce problème d’ulcères récidivants. Cela dit
dans les problèmes de reflux quand on voit les patients qui continuent à être
symptomatiques en général la proposition des gastro est de poursuivre au long cours à
la demande, mais des fois on essaye de faire des petites pauses dans les problèmes de
65
reflux. Avec la protection chez les patients qui ont des antiagrégants/anticoagulants,
c’est la principale indication.
Après avec la prescription des AINS, je dirai que ça dépend un petit peu du terrain ou de
l’antériorité de la tolérance ou d’intolérance de ces médicaments.
L : Est-ce que pour vous, les IPP sont des médicaments dangereux ?
Dr : Non. On nous a beaucoup effrayés au départ sur les traitements au long cours. Je
pense que c’était une assimilation dans les gastrites atrophiques où on sait qu’il y a un
risque accru de cancer de l’estomac donc on a eu peur de ça. Et puis dans la pratique on
a vu quand même assez peu de problèmes graves.
L : Vous avez une impression d’innocuité du médicament ?
Dr : Le problème d’un traitement chez des patients vieillissants c’est l’empilement des
prescriptions. Eventuellement dans assez peu de cas, des problèmes d’interférence
indirecte qu’il peut y avoir avec la réduction de l’acidité gastrique sur le devenir de
certains médicaments, je dirai que c’est quand même relativement marginal.
L : Est-ce que pour vous c’est un médicament qui est coûteux ?
Dr : J’essaye d’en réduire au maximum le coût. Je suis très générique du mopral, en
sachant qu’on a beaucoup de difficultés parce que les patients ressortent généralement
de l’hôpital avec des produits non génériques. Eh oui car les labos vendent à l’hôpital les
produits de marque moins chers que les génériques. Donc après c’est difficile
d’expliquer au patient que c’est la même chose qu’à l’hôpital.
L : Et est-ce que vous avez l’impression que vous connaissez bien les
recommandations sur les IPP ?
Dr : Non peut être pas forcément.
L : Et quand vous décidez d’arrêter les IPP chez des patients, est ce que vous avez
des inquiétudes particulières?
Dr : Non je n’ai pas d’inquiétudes particulières, parce qu’il y a un bon nombre de
prescriptions qui sont des prescriptions ponctuelles. On ne va pas faire des fibro à tous
les gens qui ont des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Donc non. Je décale un petit
peu des fois, on ne va pas faire des fibros à tous les gens qui ont des douleurs
épigastriques dont on est amené à prolonger un petit peu le traitement au-delà de la
période de prescription. Surtout avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la
tolérance clinique n’est pas toujours excellente. La tolérance générale elle est quand
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même très problématique sur une population vieillissante, avec toujours la crainte des
problèmes rénaux.
L : Est-ce que vous avez été confronté ,dans votre carrière, à des patients qui ont
des hémorragies digestives sur des ulcères de l’estomac ou à ce genre de chose ?
Dr : Jamais des hémorragies vécues menaçantes. Le seul cas que je vois c’était chez une
petite fille qui devait avoir 7/8ans, que j’avais vu pour une rhinopharyngite, à qui j’avais
prescrit de l’aspégic à l’époque et 2 ou 3 mois plus tard elle s’est plainte de douleurs de
ventre, et les parents lui ont donné de l’aspirine pour calmer les douleurs au ventre, elle
avait un ulcère et elle est arrivée à l’hôpital avec 5g/dL d’hémoglobine. Il y a eu un
compte-rendu qui disait que le médecin n’avait pas été sérieux de prescrire de l’aspirine
pour des douleurs abdominales, ce qui n’était pas du tout ma prescription initiale. Sinon
c’est plutôt dans des bilans d’anémie ferriprive.
L : Quels sont les patients chez qui vous prescrivez systématiquement des IPP?
Dans quelles indications ?
Dr : En cas de prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens chez des personnes
âgées et les fumeurs.
L : Les personnes âgées, c’est à partir de quel âge ?
Dr : Au delà de 65 ans. Chez les personnes qui ont des antécédents documentés, ou non
documentés des fois malheureusement.
L : Des antécédents de quoi?
Dr : d’ulcères.
L : Quand les mettez-vous sous AINS ?
Dr : Voilà quand on les met sous AINS, d’abord on est un peu réticent à le faire, il s’agit
de verrouiller. Je suis un petit peu inquiet chez les fumeurs aussi. Et puis voilà chez les
gens qui déclament avoir eu des symptômes à l’occasion de prescriptions antérieures.
L : Et chez les patients sous anticoagulant oral : AVK ou nouveaux anticoagulants,
vous avez tendance à prescrire des IPP ?
Dr : Avec…les nouveaux anticoagulants je n’en prescris pas.
L : Vous ne prescrivez pas de nouveaux anticoagulants oraux ou d’IPP avec les
nouveaux anticoagulants?
Dr : Non je ne prescris pas les nouvelles substances.
L : Et avec les anticoagulants est ce que vous prescrivez des IPP ?
Dr : Oui de façon assez régulière.
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L : Et avec les antiagrégants plaquettaires vous me disiez que vous en prescriviez
assez facilement, c’est ça?
Dr : Oui souvent quand même assez souvent.
L : Est ce que vous avez tendance à réévaluer vos prescriptions à chaque
consultation ou au moins à chaque renouvellement?
Dr : Ce genre de prescription je dois dire que non. On a assez de mal sur les patients
chroniques qui ont diabète, asthme, coronarite, insuffisance cardiaque et rénale, on
passe plus de temps à réguler le reste pour éviter que le cardiologue en essayant
d’améliorer l’état cardiaque ne plonge pas le patient en insuffisance respiratoire, pour
protéger les coronaires, qu’il n’aggrave pas la BPCO. C’est plutôt sur les autres éléments
qu’on essaye d’ajuster les choses. Mais c’est vrai que quand le traitement a été instauré,
là-dessus non. C’est vrai que quand c’est démarré…D’autre part, il y a peut être. Je ne sais
pas si d’autres médecins se rappelleront de ça : un patient qui était sous IPP au long
cours qui, suivant les recommandations de l’HAS, a interrompu le traitement, il a fait une
complication gravissime, il a été condamné par le tribunal qui a dit que le responsable
de prescription c’est vous, c’est pas la haute autorité. Je ne dis pas que toutes les
recommandations de la haute autorité ne sont pas valides mais il faut en prendre et en
laisser parce qu’on est bien amené à constater quelle est la pratique réelle de ceux qui
élaborent les recommandations. Elles sont souvent un peu différentes de la pratique, si
on disait “et si c’était votre femme qu’est ce que vous feriez?”, il y a une petite marge.
L : Je vous remercie.
Dr : Si on peut avoir un petit retour, ce serait intéressant.
L : Adresse mail ?
Dr : XXXX@xxxxxx
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YEAR : 2014
AUTHOR : CORSIN Lola
THESIS DIRECTOR: Dr KRYPCIAK Sébastien
TITLE OF THE THESIS: Reasons of inappropriate prescribing of proton pump inhibitors
in elderly population: qualitative research.
The inappropriate prescribing of proton pump inhibitor is frequent, especially to the
elderly. However, the reasons of these prescriptions are little know.
A qualitative survey by semi-directive individual interviews was led with ten general
practitionners. They have a patient of more than 75 years old, which was hospitalized in
geriatric unit at Henri Mondor Hospital and which was an inappropriate prescribing of
proton pump inhibitors. A thematic analysis permitted to put forward the reasons of
these prescriptions.
In this study, 64,7% of the patients had no indication of prescription of proton pump
inhibitors.
Three axes have been put forward. The first one is a shared responsibility by various
doctors in these prescriptions. The revaluation was little frequent so of general
practitionners and doctors in hospital, particularly due to the lack of time. The second is
an « idyllic » vision of proton pump inhibitors, by general practitionners, partially by
fear of digestive hemorrhages. The third found axis is the complexity of the elderly
people, with limitation of access to healthcare and explorations for digestive tract. The
place of patient education is not essential for the general practitionners in this
population that they consider as weakened.
To validate the results of this study, it would be interesting to realize a quantitative
multicenter trial.
KEY WORDS : - proton pump inhibitors - aged - inappropriate prescribing - causality - formative assesment
U.F.R. ADDRESS: 8, Rue du General SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX
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ANNÉE : 2014
NOM ET PRÉNOM DE L’AUTEUR : CORSIN Lola
DIRECTEUR DE THÈSE : Dr KRYPCIAK Sébastien
TITRE DE LA THÈSE : Facteurs explicatifs de la prescription des inhibiteurs de la pompe
à protons hors recommandations chez les sujets de plus de 75 ans : méthode qualitative.
La prescription hors recommandations des inhibiteurs de la pompe à protons est
fréquente, ce d’autant que les patients sont âgés. Les facteurs explicatifs de ces
prescriptions sont peu connus.
Une enquête qualitative par entretiens individuels semi-directifs a été ménée auprès de
10 médecins généralistes déclarés médecins traitants, dont un de leurs patients de plus
de 75 ans a été hospitalisé dans le service de gériatrie aiguë de l’hôpital Henri Mondor et
avait une prescription d’inhibiteur de la pompe à protons hors recommandations. Une
analyse thématique a permis de mettre en avant les facteurs explicatifs de ces
prescriptions.
Dans cette étude, 64,7% des patients recrutés n’avaient pas d’indication à être sous
inhibiteur de la pompe à protons d’après les recommandations.
Trois grands axes de facteurs explicatifs ont été mis en avant. Le premier est une
responsabilité partagée par différents intervenants dans ces prescriptions avec une
réévaluation peu fréquente du traitement par inhibiteur de la pompe à protons tant en
milieu libéral qu’en milieu hospitalier, notamment par manque de temps. Le deuxième
est une vision « idyllique » des inhibiteurs de la pompe à protons par les médecins
traitants, en partie par crainte des hémorragies digestives. Le troisième axe retrouvé est
la complexité du sujet âgé, avec une limitation de l’accès aux soins et de la réalisation
d’explorations digestives. La place de l’éducation thérapeutique est secondaire pour les
médecins traitants dans cette population qu’ils considèrent comme fragilisée.
Afin de corroborer les facteurs explicatifs mis en avant par cette étude, il serait
intéressant de réaliser une étude quantitative multicentrique.
MOTS-CLÉS : - inhibiteurs de la pompe à protons - sujet âgé - prescription inappropriée - causalité - évaluation des pratiques professionnelles
ADRESSE DE L’U.F.R. : 8, Rue du General SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX
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