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La créativité organisationnelle vue comme sous l’angle du management stratégique : proposition du concept de capacité créative d’une organisation Guy Parmentier Univ. Grenoble Alpes/CERAG [email protected] Bérangère Szostak Université de Lyon 2/COACTIS [email protected] Résumé : Cet article a pour objectif de contribuer au champ de la créativité organisationnelle en explorant les capacités organisationnelles, et ainsi de proposer le concept des capacités créatives des organisations. Le raisonnement débute par l’analyse de la littérature spécifique au champ de la créativité organisationnelle (CO). Elle témoigne d’une grande richesse : sont retenus différents niveaux d’analyse (individu, groupe, organisation, environnement), des approches théoriques variées (componentielle, interactionniste et évolutionniste), et des empiries multiples (industries créatives, secteur traditionnel…). Mais il manque un concept fédérateur situé au niveau macro de l’organisation pour unifier l’ensemble de ces travaux. C’est pourquoi les auteurs proposent de rapprocher la CO au courant des capacités organisationnelles. La créativité est alors vue comme une capacité organisationnelle complexe susceptible de nourrir les capacités dynamiques en apportant les idées nécessaires à l’évolution et au renouvellement de l’organisation. Il s’agit des capacités créatives d’une organisation. Les contributions développent le concept proposé et discutent des implications pour de futures recherches. 1

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La créativité organisationnelle vue comme sous l’angle du management stratégique : proposition du concept de capacité

créative d’une organisation

Guy Parmentier

Univ. Grenoble Alpes/[email protected]

Bérangère Szostak

Université de Lyon 2/[email protected]

Résumé : Cet article a pour objectif de contribuer au champ de la créativité organisationnelle en explorant les capacités organisationnelles, et ainsi de proposer le concept des capacités créatives des organisations. Le raisonnement débute par l’analyse de la littérature spécifique au champ de la créativité organisationnelle (CO). Elle témoigne d’une grande richesse : sont retenus différents niveaux d’analyse (individu, groupe, organisation, environnement), des approches théoriques variées (componentielle, interactionniste et évolutionniste), et des empiries multiples (industries créatives, secteur traditionnel…). Mais il manque un concept fédérateur situé au niveau macro de l’organisation pour unifier l’ensemble de ces travaux. C’est pourquoi les auteurs proposent de rapprocher la CO au courant des capacités organisationnelles. La créativité est alors vue comme une capacité organisationnelle complexe susceptible de nourrir les capacités dynamiques en apportant les idées nécessaires à l’évolution et au renouvellement de l’organisation. Il s’agit des capacités créatives d’une organisation. Les contributions développent le concept proposé et discutent des implications pour de futures recherches.

Mots-clés : créativité organisationnelle, recherche conceptuelle, capacités créatives.

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INTRODUCTION

La créativité organisationnelle (ou CO) est un champ d’études investigué en sciences de

gestion par le truchement de différents niveaux d’analyse : individu, groupe, contexte et

territoire (Amabile, 1988 ; Woodman et al., 1993 ; Ford, 1996 ; Csikszentmihalyi, 1997 ;

Drazin et al., 1999 ; Grandadam et al., 2013; Parmentier, 2014 ). Les chercheurs se demandent

ainsi comment la créativité organisationnelle participe au renouveau des organisations,

notamment à sa stratégie d’innovation (Le Loarne, 2006 ; Carrier et Gélinas, 2011) ou à la

stratégie de croissance (Chanut-Guieu et Guieu, 2014). Des recherches ont aussi opté pour

étudier des terrains où la créativité est le cœur de l’activité des organisations : les industries

créatives (Napier et Nilsson, 2006; Svejenova et al., 2007 ; Tschang, 2007 ; Parmentier et

Mangematin, 2009 ). Que ce soit dans les jeux vidéo, le design, le théâtre, le parfum, les

chercheurs explorent ces terrains comme des cas emblématiques pour mettre en exergue des

contributions donnant à penser, plus globalement, la créativité des organisations. Si ces

recherches sont d’une grande richesse, et avec des numéros spéciaux qui y font écho1, nous

observons une limite : les auteurs ne se rattachent pas à une approche commune de la CO et

les approches classiques de la créativité componentielle, interactionniste et évolutionniste de

la créativité organisationnelle, issue de travaux en psychologie, ne permettent pas

d’appréhender la créativité au niveau macro de l’organisation. Sans vouloir réduire le spectre

d’analyse des travaux futurs sur la CO, la réponse apportée à ces critiques consiste ici à

proposer le concept de « capacité créative d’une organisation » en référence au champ du

management stratégique. Le résultat principal de cette recherche consiste donc à avancer le

concept de « capacités créatives des organisations » pour mieux prendre en compte

l’organisation comme niveau d’analyse. En outre, nous montrons que les capacités créatives

se construisent autour de cinq objets : (i) l’organisation de la circulation et l’évaluation des

1 Voir les numéros spéciaux ou dossiers thématiques de la Revue Française de Gestion (2006), la revue Gestion (2013) et la Revue Internationale de la PME (2014).

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idées ; (ii) l’ouverture des processus de création et des frontières de l’organisation ; (iii)

l’équipement de l’organisation de méthodes, outils et autres dispositifs organisationnels pour

réaliser des actes créatifs ; (iv) la marge laissée dans la gestion des ressources, qualifiée de

slack organisationnel, afin de permettre à la créativité de se déployer ; et (v) l’aménagement

d’espaces favorables aux discussions sur les idées et solutions aux problèmes en vue de la

socialisation des idées.

Cet article est structuré en trois temps. Dans la première partie, est présentée une approche

historique critique de la créativité (1.1.) puis de la créativité organisationnelle (1.2.). Dans la

seconde partie, Il est montré ce qu’apporte le courant des « capacités organisationnelles »

(2.1.) à la CO pour amener le concept des « capacités créatives » (2.2.). Dans une troisième

partie, nous nous focalisons sur l’approche des capacités organisationnelles par le truchement

des processus (3.1.), et détaillons dans le cas des capacités créatives six processus

emblématiques (3.2.). Pour conclure, une attention est, enfin, conduite sur les implications du

concept des « capacités créatives » des organisations pour les futures recherches en créativité

dans le champ du management stratégique.

1. LA CO : UNE APPROCHE DE LA CRÉATIVITÉ OÙ L’ORGANISATION EST UNE COLLECTION D’INDIVIDUS

1.1 Définition de la créativité : des approches et des objets de recherche liés aux travaux

en psychologie

Il est délicat de proposer une définition du concept de « créativité » car chaque auteur propose

généralement la sienne. Pour pallier cette situation, il semble important de revenir sur les

premiers travaux abordant l’acte de création puis par la suite de créativité à partir de 1950 2.

L’approche dite mystique valorise un état non rationnel de l’individu en lien avec

l’intervention divine, ce qui permet de mieux comprendre l’expression « génie créatif ». La

2 Le terme créativité apparaît pour la première fois dans les travaux de Baron en 1951, Baron, F. (1951). « The Disposition Towards Originality », Journal of Abnormal and Social Psychology, vol. 51, n°, 478–85.

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dimension surnaturelle va disparaître peu à peu grâce à la pensée d’Aristote, tout d’abord,

puis aux débats philosophiques notamment sur le génie et le talent au cours du XVII siècles et

suivants. D’autres approches vont, en revanche, émerger pour préciser ce qu’est la créativité,

qui est créatif, quelles sont les caractéristiques d’un individu créatif. Depuis le XIX siècle,

l’approche psychologique occupe une place centrale dans les travaux autour de la créativité.

La capacité à associer des idées apparait comme un trait majeur du créatif ; des recherches sur

des personnes éminentes vont alors être conduites (études de cas et études statistiques) pour

comprendre cette capacité individuelle.

Les travaux sur la créativité au cours du XX siècle marquent encore ceux de nos jours. Ribot

et Cox montrent que l’intelligence combinée à la motivation et aux émotions s’avère

essentielle dans la pensée créative (Ribot, 1900; Cox, 1926). En 1926, Graham Wallas ouvre

une nouvelle perspective en proposant un modèle du processus créatif en quatre étapes : (i)

préparation mentale, (ii) incubation, (iii) illumination : l’idée arrive à la conscience, (iv)

vérification de l’idée par des tests (Wallas, 1926). A partir des années 50, ces avancées vont

être creusées : Baron étudie la nature des personnes créatives (Baron, 1951) ; Guilford avance

que le créatif a des capacités intellectuelles spécifiques et des capacités d’analyse,

d’évaluation et de synthèse (Guilford, 1950). Ce dernier met en avant, en 1956 et 1967, cinq

opérations intellectuelles : cognition, mémoire, pensée divergente (trouver de nombreuses

idées à partir d’un stimulus unique), pensée convergente et évaluation. Des méthodes de

créativité vont alors être développées pour favoriser la pensée divergente. De cette approche

pragmatique sortent, notamment, le brainstorming (Osborn, 1948) et le Creative Problem

Solving (Lubart, 2003). L’influence du milieu culturel est soulignée notamment par Simonton

(Simonton, 1984). Depuis la fin du XX siècle, les chercheurs se focalisent sur la dimension

cognitive, c’est-à-dire sur les représentations mentales, les processus de traitement et de

transformation de l’information. Une dernière approche est dite multivariée : des

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psychologues considèrent la créativité comme la convergence de facteurs cognitifs, conatifs et

environnementaux (Sternberg et Lubart, 1999; Botella et al., 2013; Fürst et al., 2014; Storme

et al., 2014). Si cette construction du concept de « créativité » court sur plusieurs siècles,

notre posture est ancrée dans les réflexions du XX siècle (cf. figure 1). Cela permet, à notre

sens, de mieux comprendre la construction plus récente du concept de « créativité

organisationnelle » (section 1.2.). Ceci dit, de ces approches et objets de recherche, nous

retenons plusieurs points clés de définition. La créativité est tant que résultat : la production

idées nouvelles, utiles et porteuses de valeur pour le milieu dans lequel elle s’exprime. La

créativité en tant que processus : la génération, la capture et la sélection d’idées en s’appuyant

sur des individus créatifs, dépendant de la qualité du milieu et pouvant être développée par

des méthodes spécifiques.

Figure 1 – Représentation historique des approches de la « créativité » et des objets de recherche (1900-2000)

2000

Approche psychologique

Approche processuelleApproche multi-variéeApproche pragmatique

1900 1926

Approche cognitive

Le processus créatif. L’intelligence combinée à la motivation et aux émotions.

1956

Les capacités intellectuelles, d’analyse, d’évaluation et de synthèse de l’individu créatif.

La capacité à associer des idées chez un individu créatif.

Années 60

Les méthodes de créativité (brainstorming, Creative Problem Solving…)

Années 80

Les représentations mentales et les processus de traitement et de transformation de l’information.La convergence de facteurs cognitifs, conatifs et environnementaux

Les objets majeurs de recherche

Les approches de recherche

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1.2 La créativité organisationnelle : des recherches essentiellement ancrées dans un

individualisme méthodologique

Les recherches étudiant la créativité organisationnelle sont récentes (Shalley et Zhou, 2008;

Joo et al., 2013). Elles suivent ceux en créativité qui proposent de décrire la nature des

personnes créatives dans le milieu spécifique qu’est celui de l’organisation, de construire la

mesure de la créativité des individus (salariés, managers, dirigeants, équipe de direction), de

définir les facteurs dispositionnels (traits de caractère, émotions, qualités de la personne) et

situationnels (contexte interne de l’organisation et/ou du groupe de travail) favorables ou non

à l’expression de cette créativité (Dominguez, 2013; Joo et al., 2013; Sarooghi et al., 2015).

Ces recherches revendiquent, en outre, leur rattachement aux travaux de Teresa Amabile, en

particulier son article de 1988 « A model of creativity and innovation in organizations », qui a

été le premier à traiter des niveaux individuels et organisationnels en lien avec l’innovation

(Amabile, 1988). Amabile défend une approche componentielle qui est considérée comme

« canonique » dans la littérature sur la créativité organisationnelle. Trois composantes sont

essentielles pour qu’il y ait créativité : la motivation (intrinsèque et extrinsèque), les

compétences propres au domaine de l’individu (expertise, talents), les compétences propres à

la créativité. Elle translate ce modèle au niveau de l’organisation pour qualifier l’innovation.

En outre, elle souligne que certaines tâches nécessitent des interactions avec un petit groupe.

Comme il est difficile de distinguer la contribution de chaque individu, elle avance que la

créativité du groupe est à comprendre comme la créativité individuelle3. Ce raisonnement

conduit à construire les réflexions sur la créativité en partant systématiquement de l’individu

qui devient, finalement, le niveau d’études de base à toute recherche en créativité

organisationnelle. Cet individualisme méthodologique est la méthode de pensée avancée par

Amabile (1988) et se retrouve dans les travaux postérieurs.

3 « We should examine the appropriateness of applying the individual creativity model to small groups, considering the group as an entity similar to the mind of one individual. » (Amabile, 1988, p.141.)

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C’est ainsi que Woodman et al. affinent ce que l’on entend par créativité organisationnelle en

précisant au niveau du groupe que la créativité est fonction de la créativité individuelle de

chacun des membres, mais aussi du contexte, de sa composition (variété des profils), des

caractéristiques et mode de fonctionnement du groupe (Woodman et al., 1993). La créativité

organisationnelle est alors étudiée par l’approche dite interactionniste. Sont distingués (i)

les « inputs » à savoir la personne créative, le groupe et l’organisation, (ii) la transformation

au cours de processus créatif qui est fonction du comportement créatif et de la situation

créative, (iii) le résultat créatif (nouvelle idée, processus, produit/service) qui est la créativité

organisationnelle, et (iv) les interactions entre ces trois facteurs. La performance d’une

organisation en matière de créativité organisationnelle est, en outre, fonction de la

performance du groupe qui elle-même dépend de celle des individus.

La dernière approche significative dans la littérature est celle de Ford : l’approche

évolutionniste (Ford, 1996). L’analyse concerne l’action créative et sont étudiés les facteurs

qui mènent intentionnellement l’individu à entreprendre une action créative, c’est-à-dire ce

qui contraint et facilite l’action créative tant au niveau individuel que collectif. Ford (1996)

avance une théorie de l’action créative individuelle qui insiste sur l’influence du passé de

l’individu (ses croyances, ses échecs, ses réussites, ses capacités) et sur les influences des

champs sociaux (groupes, organisations, institutions, marchés). Des informations découlent

des actions créatives et impliquent la capacité d’absorption de l’organisation (Cohen et

Levinthal, 1990) pour reconnaître sa valeur, l’assimiler et l’utiliser à des fins productives.

Ford (1996) rappelle, néanmoins, que cette capacité organisationnelle est plus que la somme

des capacités individuelles ; il y a aussi l’ensemble du réseau de communication interne et

externe à l’entreprise qui facilite le transfert et l’utilisation des nouvelles informations. Ainsi

l’organisation augmente la probabilité de saisir les opportunités internes et externes.

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Figure 2 – Représentation historique des principales approches de la « créativité organisationnelle » depuis Amabile (1988).

Les recherches depuis ces travaux emblématiques du courant sur la créativité

organisationnelle adoptent ces approches (Shalley et al., 2004; Gilson et al., 2005; Harvey,

2014; Harrison et Rouse, 2015). Au travers des approches componentielles, interactionniste et

évolutionniste, il est à noter un entrelacement des niveaux individuel, du groupe et de

l’organisation. Il s’agit d’une approche multi-niveau mais dont la démarche débute par

l’individu pour appréhender l’organisation. Or, si le potentiel créatif individuel caractérisé par

des traits de personnalité et des styles cognitifs spécifiques s’exprime pleinement dans des

climats créatifs et des environnements de travail favorables à la créativité, la créativité

s’appuie sur des capacités cognitives spécifiques dans un ensemble de processus qui peuvent

être à la fois individuels et collectifs. En outre, la prise en compte du contexte dans l’analyse

des phénomènes de créativité se focalise jusqu’à présent au niveau individuel et du groupe et

ne prend pas en compte les caractéristiques et processus plus globaux de l’organisation. C’est

la conséquence de l’individualisme méthodologique adopté par les premiers chercheurs sur la

créativité, en l’occurrence les psychologues. L’étude de la créativité organisationnelle doit

d’être enrichie d’une démarche débutant au niveau de l’organisation. C’est pourquoi nous

proposons de revisiter les travaux scientifiques sur la créativité organisationnelle avec cette

Approche componentielle

Approche interactionniste

1988

Approche évolutionniste

1993

La créativité organisationnelle est le résultat de l’interaction entre les facteurs dispositionnels, situationnels au cours du processus créatif.

La créativité résulte de facteurs dispositionnels et situationnels favorables ou non à l’expression d’une idée nouvelle, utile et originale.

1996

La théorie de l’action créative étant sous l’influence de l’individu et des champs sociaux, la créativité organisationnelle impose d’étudier les capacités organisationnelles entre autres sa capacité d’absorption.

Nature de l’approche

Qualification de l’approche

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démarche. Au regard des résultats majeurs des recherches effectuées, l’approche des capacités

organisationnelles apparait comme permettant de respecter la nature de la créativité

organisationnelle (cf. figure 2) tout en l’inscrivant dans une démarche plus holistique.

2. LA CRÉATIVITÉ VUE COMME UNE CAPACITÉ ORGANISATIONNELLE

Les approches organisationnelles de la créativité comportent des limites pour comprendre la

créativité des organisations. Le modèle componentiel d’Amabile (1988) établit un processus

de créativité de groupes, des composantes individuelle et organisationnelle de la créativité,

mais il se focalise au niveau organisationnel davantage sur l’innovation que sur la créativité

(Amabile, 1988). Le modèle interactionniste de Woodmann et al. (1993) relie la créativité

organisationnelle aux caractéristiques des individus, des groupes et de l’organisation, mais les

processus créatifs et l’acte créatif sont absents de leur modèle (Woodman et al., 1993). Le

modèle évolutionniste de Ford (1996) propose un processus social de sélection de l’acte

créatif au niveau individuel ; mais il ne relie pas les processus de créativité individuelle et

organisationnelle (Ford, 1996). L’approche par les climats organisationnels démontre que les

managers peuvent avoir une forte influence sur la créativité organisationnelle avec des modes

de gestion qui intègrent les dimensions du KEYS4 et du SOQ5 (Amabile et al., 1996; Ekvall,

1996). Les recherches sur la créativité organisationnelle se sont principalement centrées sur la

créativité dans les organisations ou avec l’organisation. Elles ont ignoré le management

stratégique et les business models. L’approche par les capacités organisationnelles permet

alors d’enrichir ces recherches, car elles adoptent comme point de départ de l’analyse le

niveau organisationnel et stratégique ; elle examine en particulier les processus et routines qui

constituent les bases de l’organisation.

4 KEYS : échelle de mesure proposée par Amabile et al. (1996) pour évaluer la qualité de l’environnement de travail par rapport à la créativité. 5 SOQ pour Situational Outlok Questionnaire : échelle de mesure du climat organisationnel favorable à la créativité (Ekvall, 1991).

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2.1 Définition des capacités organisationnelles

La capacité organisationnelle, dérivée de la théorie RBV6, décrit une capacité située au niveau

de l’organisation qui exploite de manière efficiente ses ressources et compétences pour

transformer les facteurs de production entrants en produits et services, et qui lui permet de

posséder une position unique sur le marché avec un avantage compétitif (Collis, 1994). Au

niveau organisationnel, une capacité est à la fois intégrée dans des routines organisationnelles

et dans des processus de production. Les auteurs en distinguent quatre, avec un niveau de

complexité croissante : les capacités fonctionnelles, les capacités centrales, les capacités

d’absorption et les capacités dynamiques (Govind Menon, 2008) (voir tableau 1). Si les

premières sont considérées comme incontournables, les capacités centrales sont, quant à ell,

les ressources et compétences qui sont stratégiquement importantes pour atteindre un

avantage concurrentiel. La capacité d’absorption est définie comme « une aptitude de

l’organisation à reconnaître la valeur d’une nouvelle information, l’assimiler et à l’utiliser à

des fins commerciales » (Cohen et Levinthal, 1990). Les capacités dynamiques marquent

une évolution forte dans cette approche, car sont introduits la notion du temps et l’influence

de l’environnement. Elles forment « l’aptitude de l’organisation à intégrer, construire et

reconfigurer des compétences internes et externes pour répondre à des changements rapides

de l’environnement » (Teece et al., 1997) afin d’acquérir un avantage compétitif (Teece,

2007). Plus récemment Teece (2007) a redéfini les capacités dynamiques sous un angle plus

stratégique, elles seraient « la capacité à détecter et établir les opportunités et les menaces,

pour saisir les opportunités, et maintenir la compétitivité en améliorant, combinant,

protégeant, et quand c’est nécessaire en recombinant les actifs tangibles et intangibles »

(Teece, 2007) (p. 1319). En définitive, capacités fonctionnelles, capacités centrales, capacités

d’absorption, et capacités dynamiques, participent toutes à la performance de l’entreprise.

6 RBV pour Resources Based View.

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2.2 La capacité créative d’une organisation

Le concept de capacité créative a peu été évoqué dans la littérature, il est répertorié comme

une capacité organisationnelle par Govind Menon (2008) sans pour autant qu’elle soit définie.

A ce jour, une seule étude publiée évoque le développement des capacités créatives dans les

organisations créatives (Napier et Nilsson, 2006). Napier et Nilsson (2006) étudient les

capacités créatives de trois organisations créatives : un théâtre, une équipe de football et une

entreprise de développement de logiciel. Ils définissent les capacités créatives comme « des

routines et processus qui améliorent l’habileté organisationnelle pour les actions et

comportements créatifs ». Toute la question est alors de comprendre ce que sont les capacités

créatives. Dans son étude Napier et Nilsson (2006) identifient le rôle central de l’entrepreneur

créatif dans la mise en place d’une structure, de processus et de routines de collaboration dans

la création favorable à la créativité organisationnelle. Cet entrepreneur est le principal

architecte et développeur des capacités créatives d’une organisation. Toutefois, les capacités

créatives constatées empiriquement dans son étude sont très différentes d’une organisation à

l’autre et ne lui permettent pas d’identifier clairement les processus et routines des capacités

créatives organisationnelles. Dans le cas du théâtre, il s’agit de la capacité à mettre en œuvre

l’idée et la vision d’origine du réalisateur à tous les stades de réalisation ; pour le football, ce

sont les routines et processus qui supportent les actions et comportements créatifs durant le

match ; pour l’entreprise de développement logiciel, c’est l’habileté à apprendre en

permanence et à s’adapter par l’expérimentation. Ces résultats méritent d’être étendus pour

renforcer le construit théorique proposé par Napier et Nilsson (2006).

En référence aux approches jusqu’ici avancées (voir le tableau 1), la capacité créative d’une

organisation est l’aptitude, à l’aide de processus et de routines, de générer, capter,

sélectionner et intégrer des idées et solutions nouvelles, appropriées, utiles et faisables pour

améliorer, changer et renouveler les procédés et productions de l’organisation ainsi que

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l’organisation elle-même. Cette capacité organisationnelle complexe est alors susceptible de

nourrir les capacités dynamiques d’une organisation en apportant les idées nécessaires à

l’évolution et au renouvellement de l’organisation (Teece et al., 1997; Napier et Nilsson,

2006 ; Teece, 2007 ).

Tableau 1 : Les différentes capacités organisationnelles en fonction de leur degré de complexité.

Nature de la capacité organisationnelle7

Définition

Capacité fonctionnelle Aptitude pour effectuer une activité de base de la firme (par exemple la production).

Capacité centrale Ressources et compétences qui sont stratégiquement importantes pour atteindre un avantage concurrentiel.

Capacitéd’absorption Aptitude de l’organisation à reconnaître la valeur d’une nouvelle information, l’assimiler et à l’utiliser à des fins commerciales

Capacité créative Aptitude à générer des idées nouvelles, appropriées, utiles et faisables pour améliorer, changer et renouveler les productions de l’organisation ainsi que l’organisation elle-même

Capacité dynamique Aptitude de l’organisation à intégrer, construire et reconfigurer des compétences internes et externes pour répondre à des changements rapides de l’environnement

3. L’APPROCHE PAR LES PROCESSUS DE LA CAPACITÉ CRÉATIVE DES ORGANISATIONS

Les capacités créatives favorisent la génération, sélection, et intégration des idées et solutions

nouvelles, appropriées, utiles et faisables, et agissent sur le changement et le renouvellement

des procédés et productions de l’organisation ainsi que l’organisation elle-même. Elles sont

considérées comme ancrées dans le design organisationnel et de facto sont à contextualiser :

elles n’existent qu’en rapport avec le contexte interne et l’interaction de l’organisation avec

son environnement concurrentiel, juridique, technologique notamment. En cela, elles sont à

même de nourrir de manière juste les capacités dynamiques des organisations. Sujettes à

l’influence de cet environnement, il importe de comprendre leur évolution dans le temps.

7 Certaines capacités sont systématiquement évoquées aux pluriels (capacités centrales et capacités dynamiques) alors que d’autres peuvent être utilisées au singulier (capacité d’absorption, capacité créative et capacité fonctionnelle).

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3.1. Les différentes approches pour étudier une capacité organisationnelle

Les débats autour des capacités dynamiques indiquent la nature d’une capacité

organisationnelle. Suivant les définitions8, les capacités dynamiques sont appréhendées

comme une aptitude (Teece et al., 1997), une habileté (Teece, 2007), une compétence

(Danneels, 2008), un ensemble de routines (Zollo et Winter, 2002), ou un ensemble de

processus (Eisenhardt et Martin, 2000). Deux approches se détachent pour étudier leurs

constituants : (i) une approche par les processus (Teece et al., 1997; Eisenhardt et Martin,

2000 ; Teece, 2007 ; Teece, 2010 ) et (ii) une approche par les routines (Zollo et Winter,

2002). L’approche par les processus identifie des processus spécifiques tel que, par

exemple, la détection (sense) des opportunités ou menaces (Teece, 2007) ou encore, la

création et l’acquisition de nouvelles connaissances pour adapter l’entreprise aux nouvelles

réalités du marché (Eisenhardt et Martin, 2000). L’approche par les routines recherche « des

configurations stables d’activités collectives au travers lesquelles une organisation génère et

modifie systématiquement ses routines opérationnelles » (Zollo et Winter, 2002) (page 340).

Dans cette dernière vision, les capacités dynamiques sont stables et systématiques ; elles

aboutissent à des routines, c’est-à-dire à des habitudes qui résultent d’une succession

d’actions répétées sans cesse. En fonction de la dynamique de l’environnement, des processus

simples et expérimentaux aux résultats incertains dans des marchés très instables

deviendraient des routines, c’est-à-dire des processus stables avec des résultats certains

(Eisenhardt et Martin, 2000). L’approche par les routines semble privilégier une approche

plus micro, centré sur l’intégration au niveau de l’individu de schémas d’actions répétitifs

alors que l’approche processus, est plutôt macro, centrée sur des successions d’actions

organisées collectivement.

De plus, d’autres études identifient les facteurs favorables au développement des capacités

8 Voir la synthèse de Altintas présentée à l’AIMS 2009 Altintas, G. (2009). "Capacités dynamiques : Revue de littérature, limites et voies de recherche," in AIMS. Grenoble.

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dynamiques, les mécanismes d’apprentissage (Zollo et Winter, 2002), le rôle des ressources

(Rothaermel et Hess, 2007), ou le rôle des managers (Adner et Helfat, 2003 ; Teece, 2007).

Ces recherches sur les capacités dynamiques adoptent principalement deux approches : (i) une

approche par les facteurs et (ii) une approche par les processus. Dans la lignée de Woodman

et al. (1993) et de Ford (1996), nous nous focalisons sur la créativité organisationnelle avec

comme ancrage le niveau organisationnel. Aussi, nous examinons les macro-processus qui

permettent à une organisation de développer ses capacités créatives.

3.2. Processus de soutien à la construction de la capacité créative d’une organisation

Les processus créatifs se déploient au niveau individuel et collectif selon des séquences très

similaires : préparation, incubation, illumination et vérification (Poincaré, 1908 ; Wallas,

1926) et identification du problème, préparation, génération, validation et sélection des idées

(Amabile, 1988). Les phases de ces processus ne s’enchaînent pas forcément de manière

linéaire ; il peut notamment y avoir reformulation du problème durant la phase de génération

d’idées et de nombreux allers et retours entre les phases. Au final, si les idées générées ne

permettent pas de résoudre le problème identifié, le processus recommence afin d’obtenir des

idées plus performantes (Amabile, 1988). Cette approche managériale des processus, qui

correspond à la créativité contributive identifiée par Unsworth (2001) avec des problèmes

fermés et une motivation intrinsèque (Unsworth, 2001), ignorent toutefois les phénomènes

spontanés de créativité. Les membres d’une l’organisation sont constamment confrontés à des

problèmes à résoudre. Les solutions au problème identifié existent le plus souvent dans les

procédures de travail, des savoir-faire ou des connaissances portées par les individus.

Cependant, en cas de nouveau problème, la créativité proactive et la recherche d’une solution

spontanée sur un problème ouvert, sont indispensables à la résolution dudit problème. La

théorie évolutionniste de Ford (1996), basée sur l’action créative, semble la plus adaptée pour

expliquer cette créativité proactive (Ford, 1996). Elle postule l’existence de processus de

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variation, de sélection et de rétention des idées au niveau individuel et collectif. La variation

consiste à choisir l’acte créatif plutôt que l’habitude face à une situation donnée ; la sélection

à retenir les résultats de l’acte créatif pour les intégrer dans des modes d’actions ; et la

rétention à la transformer en une habitude. Toutefois, Ford (1996) décrit davantage les

facteurs influençant l’action créative individuelle que les processus qui la soutiennent. Cette

approche nous semble néanmoins intéressante pour identifier les processus organisationnels

qui favoriseraient la variation, la sélection et la rétention des idées. Nous proposons six

processus de soutien à la capacité créative d’une organisation : l’équipement, l’ouverture, le

relâchement, la collecte, la socialisation et l’évaluation.

Le processus d’équipement. La formation à la créativité fait partie du contexte

organisationnel à la créativité car elle encourage les comportements créatifs (Woodman et al.,

1993), et améliore les performances des brainstormings qui génèrent davantage d’idées et de

meilleure qualité (Baruah et Paulus, 2008). Le processus d’équipement consiste donc à

équiper l’organisation en méthodes, outils et autres dispositifs organisationnels pour

accomplir des actes créatifs. Cela implique de former les collaborateurs aux méthodes de

créativité pour qu’ils puissent s’approprier les méthodes et prennent l’initiative d’organiser

des sessions de créativité si nécessaire. L’équipement passe aussi par la mise à disposition et à

la formation à des outils qui permettent de rapidement visualiser et tester une idée et de

recueillir des avis sur les idées : boîte à outils d’utilisateurs pour l’innovation (Parmentier et

Gandia, 2013), focus groupe en ligne (Rolland et Parmentier, 2013), outils de simulation, et

outils de prototypage rapide (e.g. outils dans les fablabs : imprimante 3D, contrôleur

Arduino, outils de découpe de matériaux etc.).

Le processus d’ouverture. La créativité implique la proposition de nouveaux cadres, et

points de vue de remise en cause des repères existants. L’ouverture de l’organisation à des

sources externes d’idées, de concepts, de connaissances et d’innovation met l’individu en

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relation avec des informations et des cadres de pensées différents, et nourrit ainsi sa capacité à

penser différemment, pour détecter et réévaluer un problème, préparer la génération d’idées.

L’ouverture à une communauté d’utilisateurs ou de marque (Jeppesen et Frederiksen, 2006 ;

Parmentier, Forthcoming), l’ouverture à un territoire créatif (Aoyama et Izushi, 2003 ; Simon,

2009), une position favorable dans les réseaux à la fois pour l’individu et l’organisation

(Perry-Smith, 2006) sont autant de comportements et facteurs favorables à l’acte créatif. De

même, la co-conception du produit et service introduit la possibilité aux utilisateurs de

modifier et personnaliser l’offre selonleurs besoins et usages, d’où une nouvelle perspective

sur la nature et les fonctions de celle-ci (Parmentier et Mangematin, 2014). L’ouverture peut

aussi être interne quand les membres d’une organisation effectuant des activités différentes se

mettent en relation et partagent leurs idées et points de vue. Ainsi les formes d’ambidextrie

organisationnelle sont susceptibles de nourrir en nouvelles perceptives les membres d’une

organisation (Raisch, 2008; Parmentier et Mangematin, 2009 ). Le processus d’ouverture

consiste plus globalement à rendre poreuses les frontières de l’organisation afin de nourrir le

processus de créativité avec de nouvelles perspectives tant en termes d’identification des

problèmes que de nouvelles idées grâce à la fertilisation croisée.

Le processus de relâchement.   Une organisation constamment sous tension avec une

utilisation maximale des ressources, et notamment du temps disponible, a tendance à limiter la

créativité de ses membres (Amabile et al., 2002). La créativité a besoin d’incertitude et de

marges de manœuvre pour que les combinaisons d’informations et d’idées puissent se

matérialiser. Le slack organisationnel étant un stock de ressources inemployé et/ou sous

employé (Penrose, 1959),il apparait comme important pour maintenir un bon fonctionnement

de l’organisation (Cyert et March, 1963) : il agit en tant qu’amortisseur pour absorber les

chocs internes et externes, et initier le changement (Bourgeois Iii, 1981). Ce slack est un

élément important pour l’innovation en permettant l’expérimentation et la création dans des

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contextes pour lesquels ces comportements seraient rejetés par l’organisation (Cyert et

March, 1963). Ainsi les temps non dédiés à des projets de l’organisation pour les ingénieurs

chez 3M et Google facilitent l’expression des problèmes et des solutions non détectés par les

routines classiques de l’organisation. L’augmentation de la densité de ces forces créatives

augmente la performance de l’innovation (jusqu’à un certain point) quand elle peut faire appel

au slack organisationnel (Chen et Huang, 2010). Ainsi le processus de relâchement semble

nécessaire au travail créatif comme en font l’hypothèse Woodman et al. (1993, p. 314) en

reliant performance créative et mise à disposition d’une réserve de ressources (slack

resources). Cohendet et Simon (2007) ont qualifié ce slack dans les organisations créatives,

de slack créatif (creative slack). Ils identifient l’accès à des communautés de spécialistes

internes à un grand studio de jeu vidéo, comme un montant de ressources accessibles à tout

moment dans les équipes de production, afin de discuter, évaluer et diffuser les idées émises

dans les projets de développement (Cohendet et Simon, 2007). Le processus de relâchement

consiste donc à laisser de la marge au niveau des ressources afin de permettre à la créativité

de se déployer dans toute l’organisation.

Toutefois ce relâchement doit être modéré et équilibré avec les contraintes. L’action de la

contrainte sur la créativité est différente suivant que ce soit une contrainte liée au résultat de la

créativité ou une contrainte liée processus créatif, et suivant la perception qu’en ont les

équipes de travail (Rosso, 2014). Ainsi le relâchement n’est pas antinomique avec la

contrainte, et la contrainte est même nécessaire à la créativité (Lampel et al., 2014). Un

relâchement au niveau du temps disponible peut être concomitant à une contrainte pour créer

une tension créative. Organiser la séquence du relâchement est un processus important pour

stimuler la créativité des collaborateurs.

Le processus de collecte des idées.   Une première approche organisationnelle de ces

processus consiste à déployer les phases de la créativité de groupe dans un processus global

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Page 18: Bureau d’Economie Théorique et Appliquée - UMR 7522 · Web viewPour pallier cette situation, il semble important de revenir sur les premiers travaux abordant l’acte de création

qui implique l’ensemble des collaborateurs. Les systèmes de management des idées (SMI)

mettent en place au niveau de l’organisation des processus informatiques pour collecter,

améliorer, et évaluer les idées. Ces systèmes n’intègrent pas de méthodes de créativité en

ligne, mais ils permettent d’opérationnaliser l’étape de validation et de communication des

idées. Plus qu’une simple boîte à idées, ils permettent de garder la trace des idées voire, quand

ces systèmes s’intègrent à des réseaux sociaux d’entreprise, d’enrichir collectivement les

idées. Les SMI adaptés mettent en place des processus simples et rapides, impliquent le

management intermédiaire et mesurent la performance du système (Getz et Robinson, 2003).

Au niveau organisationnel, ils permettent de développer une culture basée sur l’expression et

le développement des idées, et ils encouragent à traiter les problèmes plutôt que les ignorer

(Getz et Robinson, 2003).

Le processus de socialisation des idées. Cela consiste à aménager des espaces favorables

aux discussions sur les problèmes, les idées et les solutions aux problèmes. Il s’agit pour

l’individu créatif de tester ses idées afin d’obtenir une évaluation de leur pertinence et de les

enrichir grâce à l’expertise de ses collègues (Zhou et George, 2001). La communication sur

les idées fait intégralement partie du processus de créativité (Amabile, 1996). Ce processus

favorise l’engagement des participants dans les phases de préparation, génération et validation

des idées (Binnewies et al., 2007), soutient leur créativité quand l’encouragement

organisationnel est élevé (Zhou et George, 2001). Le retour des collaborateurs sur les idées

(Harrison et Rouse, 2015) et des relations basées à la fois sur le conseil, le partage de

connaissances et l’amitié sont favorables à la créativité des individus dans les organisations

(Lee et Lee, 2015). De plus, de nouvelles idées apparaissent inévitablement dans la

collaboration lors du processus de création. Par exemple, dans le théâtre d’improvisation, la

création collective se construit dans la collaboration à partir de petite création individuelle

(Sawyer et DeZutter, 2009). Cette situation, où le résultat n’est pas prévisible, où chaque

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participant contribue les uns après les autres, correspond bien à un processus de socialisation

des idées dans lequel les idées se partagent et s’enrichissent dans la discussion sans en

anticiper le résultat.

L’espace de socialisation des idées peut prendre la forme d’aménagement de temps dédié à la

discussion sur les idées ou de temps plus diffus de discussion quand les pratiques de

management laissent une place importante aux interactions entre les membres d’une unité.

L’ampleur du réseau, la position centrale du créateur d’idées dans les réseaux sociaux internes

à l’organisation, et la position d’intermédiaire dans des réseaux externes à l’organisation vont

favoriser la socialisation des idées. La virtualisation des interactions dans des espaces dédiés à

la discussion sur les idées est aussi une forme favorable à la socialisation des idées. Elle prend

la forme dans l’entreprise de réseau social d’entreprise et dans les communautés d’utilisateurs

et de marques de forum de discussion dédié. Dans les communautés d’utilisateurs en ligne, la

virtualisation facilite l’apport de l’expertise des lead users (Mahr et Lievens, 2012 ;

Parmentier et Gandia, 2013) et plus généralement le feedback des pairs sur les idées (Franke

et al., 2008).

Le processus d’évaluation des idées. Dans les processus de créativité, l’évaluation des idées

est une phase déterminante pour sélectionner les meilleures idées pour l’entreprise. Au-delà

des critères d’évaluation qui communément sont basés sur la nouveauté, la faisabilité, la

pertinence et la finition des idées (Dean et al., 2006), la gestion de cette évaluation peut avoir

un fort impact sur la créativité des groupes dans les organisations. En effet la succession de

l’évaluation individuelle puis collective semble le dispositif le plus efficace pour sélectionner

les bonnes idées (Girotra et al., 2010). De plus, l’évaluation régulière des idées durant le

travail créatif collectif soutient l’engagement des participants et guide le travail créatif

(Harvey et Kou, 2013). Enfin, le feedback des managers et collègues joue un rôle actif et

positif dans la création de prototype (Harrison et Rouse, 2015). L’évaluation occupe donc un

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rôle central dans la génération et la sélection des idées ; une communication claire et juste des

critères est de nature à stimuler la créativité des individus et des groupes, : l’organisation

affiche ainsi l’importance qu’elle accorde aux idées.

Au niveau organisationnel les processus d’équipement, d’ouverture, de relâchement, de

collecte, de socialisation et d’évaluation favorisent l’acte créatif plutôt que la routine et

l’habitude. Ils facilitent l’évaluation du résultat pour ensuite sélectionner e retenir les actions

créatives les plus intéressantes pour l’organisation.

Tableau 2 : Processus organisationnels de soutien à la créativité organisationnelle

Processus Définition Implémentation

Equipement

Equiper l’organisation en méthodes, outils et moyens pour réaliser des actes créatifs.

Formation aux méthodes à la créativité.Développement de Boîte à outils d’utilisateurs pour l’innovation.Mise à disposition d’outils de simulation et de prototypage rapide.

Ouverture

Ouvrir les frontières de l’organisation et les produits et services afin de nourrir le processus de créativité en nouvelles perspectives sur l’identification des problèmes, et favoriser la fertilisation croisée.

Connexion à des communautés d’utilisateurs, d’innovateurs ou communautés de marque créative et innovante.Possibilité de personnaliser et détourner l’usage des produits et services.Connexion à des territoires créatifs et/ou réseaux d’innovation.

Relâchement

Laisser de la marge dans les ressources, du slack créatif, afin de permettre à la créativité de se déployer.

Temps de travail dédiés à libre disposition des équipes créatives.Connexion à des communautés internes de spécialistes.Alternance de forte pression et de relâchement dans les projets créatifs avec des objectifs clairs.

Socialisation

Aménager des espaces favorables aux discussions sur des idées et solutions.

Mise en réseaux de l’ensemble des collaborateurs (réseaux sociaux d’entreprise).Management d’espace de discussion sur les idées.Mode de management favorisant les interactions entre les membres d’une unité.

CollecteOrganiser les flux de circulation des idées au niveau de l’organisation.

Système de management des idées.Concours internes de création.

EvaluationOrganiser l’évaluation des idées au niveau de l’organisation.

Comité d’évaluation et établissement de critères précis d’évaluation.

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4. IMPLICATIONS POUR LES RECHERCHES EN MANAGEMENT STRATÉGIQUE

Nous avons développé une première approche des capacités créatives des organisations

(Napier et Nilsson, 2006) en détaillant six processus qui soutiennent la construction de ce type

de capacité organisationnelle. Considérer la créativité organisationnelle comme une capacité

nous permet de dépasser l’approche, certes importante, induite par l’individualisme

méthodologique (Amabile, 1988), et d’étudier la créativité par le prisme du management

stratégique valorisant la dimension corporate (Woodman et al., 1993; Ford, 1996). Ce travail

montre que la créativité peut se gérer et s’organiser au niveau de l’organisation ce qui favorise

la constitution de son avantage concurrentiel. Si les phénomènes de créativité sont souvent

analysés en lien exclusif avec l’innovation, les aborder sous l’angle des capacités

organisationnelles souligne le rôle de la créativité organisationnelle dans le renouveau de

l’organisation elle-même (Drazin et al., 1999; Durand, 2006; Yong et al., 2014).

Ce premier propos reste, en revanche, une image partielle de cette capacité. Les six processus

sont à compléter et à développer, car la créativité est un phénomène complexe et multi-

niveaux. Il est probable que d’autres processus (ou sous-processus) soutiennent sa

construction en tant que capacité organisationnelle. De plus, une capacité organisationnelle

peut être s’appréhendé par ses micros fondations ; les approches individuelle et contextuelle

gardent alors toutes leurs pertinences pour le management stratégique. Un travail théorique

important doit être mené pour les relier au concept de micros fondations et aux macro

processus des capacités créatives. De même, l’approche par les facteurs nous semble une piste

intéressante pour comprendre comment les climats organisationnels favorables à la créativité,

qui ont été construits empiriquement, peuvent se relier au concept de capacité créative d’une

organisation (Parmentier, 2014).

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Il reste encore beaucoup à faire pour inscrire la créativité comme un phénomène aussi

important que l’innovation dans le management stratégique. La créativité ne doit plus

seulement être un objet scientifique pour les psychologues et les psychosociologues, mais

intéresser les chercheurs en théorie des organisations et en management stratégique car elle

permet de changer de point de vue et de dessiner l’image d’une organisation plus créative,

plus agile et profitant plus pleinement des connaissances et des idées de ses collaborateurs

(Carrier et szostak-Tapon, 2014). De plus en plus d’organisations prennent la mesure des

enjeux liés à la gestion de la créativité, que ce soit pour profiter du formidable potentiel créatif

de leur collaborateur ou en faire un élément de leur ADN. Néanmoins s’engager dans une

telle démarche pour une entreprise demandera d’aller plus loin que le déploiement de

techniques de créativité sans vision stratégique, elle nécessitera le plus souvent de

reconfigurer l’organisation en profondeur et de mettre en place des processus spécifiques pour

en faire une capacité propre, en tant que vecteur de performance.

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