La clemenza di Tito CP 2015 - opera-orchestre … · La clemenza di Tito Wolfgang Amadeus Mozart...

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La clemenza di Tito Wolfgang Amadeus Mozart Opera seria en deux actes Livret de Caterino Mazzola selon Metastasio Création à Prague le 6 septembre 1791 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon Vendredi 3 avril 20h Dimanche 5 avril 15h Mardi 7 avril 20h Jeudi 9 avril 20h Dimanche 12 avril 15h Opéra Comédie Durée : 2h45 avec entracte Cahier pédagogique Saison 2014-2015 Service Jeune Public et Actions Culturelles – 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

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La clemenza di Tito

Wolfgang Amadeus Mozart Opera seria en deux actes

Livret de Caterino Mazzola selon Metastasio Création à Prague le 6 septembre 1791

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

Vendredi 3 avril 20h

Dimanche 5 avril 15h Mardi 7 avril 20h Jeudi 9 avril 20h

Dimanche 12 avril 15h Opéra Comédie

Durée : 2h45 avec entracte Cahier pédagogique Saison 2014-2015 Service Jeune Public et Actions Culturelles – 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

La clemenza di Tito

Wolfgang Amadeus Mozart Opera seria en deux actes Livret de Caterino Mazzola selon Metastasio Création à Prague le 6 septembre 1791 Nouvelle production de l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon  Julien Masmondet direction musicale Jorinde Keesmaat mise en scène Brendan Tuohy Tito, empereur romain Marie-Adeline Henry Vitellia, fille de l'empereur destitué Vitellius Kangmin Justin Kim Sesto, jeune patricien romain Christina Gansch Servilia, sa sœur Antoinette Dennefeld Annio, jeune patricien romain David Bizic Publio, capitaine de la garde Ascon de Nijs scénographie et costumes Floriaan Ganzevoort lumières Koen Bollen dramaturgie Noëlle Gény chef de chœurs Chœur et chœur supplémentaire de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

Wolfgang Amadeus Mozart

« Mozart voulait plaire, et d’ailleurs Mozart avait besoin de plaire, premier musicien de l’histoire de la musique qui, rompant avec le service des Grands, ait pris le risque d’aller chercher son argent dans la poche du public payant. Mais il entendait plaire dans ses termes propres »

André Tubeuf

André Tubeuf écrit ceci à l’occasion du bicentenaire du compositeur. Celui-ci se définit lui-même, dans une lettre à son père, de la façon suivante, en 1777 :

Papa chéri, Je ne puis écrire en vers, je ne suis pas poète.

Je ne puis distribuer des phrases assez artistement pour leur faire produire des ombres et des lumières, je ne suis pas peintre.

Je ne puis non plus exprimer par des signes et une pantomime mes sentiments et mes pensées, je ne suis pas danseur.

Mais je le puis par les sons : je suis musicien. Musicien. Un musicien engagé, même s’il ne théorise jamais sur sa musique. En 1878, au moment où il compose Don Giovanni, Mozart a 31 ans. Il ne lui reste que quatre années à vivre. Quatre années pendant lesquelles les embarras financiers qui sont depuis longtemps son lot ne cessent de le harceler. Les années les plus noires de sa vie, au cours desquelles il compose ses ultimes chefs d’œuvre. Sa carrière a commencé, incroyablement, 29 ans plus tôt. Grâce à son père, Leopold, violoniste compositeur, maître de chapelle du Prince-Archevêque de Salzbourg et auteur du plus important manuel de violon du XVIIIème siècle, le jeune Mozart, à peine âgé de six ans, parcourt alors l’Europe entière en compagnie de sa soeur : Paris, Londres, où il se lie avec Jean-Chrétien Bach, l’Italie, Vienne et Munich, Amsterdam... Il compose sa première symphonie à huit ans, puis, quatre ans plus tard, un singspiel Bastien et Bastienne et son premier opéra La finta Semplice. Des voyages successifs en Italie entre 1770 et 1773 confirment sa renommée de musicien prodige. Son opéra Mitridate, re di Ponto reçoit un accueil triomphal à Milan. De retour à Salzbourg, les Mozart doivent subir les humeurs et les caprices du nouveau Prince-Archevêque, le comte de Colloredo. En dépit de cette situation difficile, Mozart n’arrête pas de composer : six quatuors viennois, un opéra-bouffe La Finta Giardiniera / La Fausse jardinière, son premier concerto pour piano. En 1777, Mozart excédé par le comportement de Colloredo, se démet de ses fonctions et ce, contre l’avis de son père. Un voyage à Mannheim puis à Paris lui réserve pourtant quelques désillusions : l’enthousiasme d’autrefois cède la place à un accueil plutôt mitigé de la part du public. Le décès de sa mère, l’année suivante, le ramène dans sa ville natale. Mozart s’aperçoit alors qu’il n’est plus l’enfant prodige qui a tant ému les foules. Il doit donc à vingt-trois ans, se plier de nouveau à la volonté paternelle et à l’autorité du Prince-Archevêque.

Tout en occupant, à contrecœur, un poste d’organiste à la Cour de Colloredo, Mozart compose la Symphonie concertante pour violon et alto et achève l’opéra Thamos, Roi d’Egypte. En 1781, il se rend à Vienne pour la création d’Idoménée. A cette occasion, un nouveau différend avec le Prince-Archevêque entraîne une rupture définitive entre les deux hommes. Désormais installé à Vienne, Mozart doit donner des leçons pour vivre. Contre le gré de son père, il se marie avec Constance Weber à qui il dédie L’Enlèvement au Sérail en 1782. Les symphonies « Haffner » et « Linz » sont également composées à cette époque. Le bonheur avec Constance est de courte durée. Le couple perd son premier enfant et les dettes commencent à s’accumuler. En 1784, Mozart entre dans la franc-maçonnerie. Il manifeste tout son génie musical en écrivant cinq concertos pour piano et six quatuors à cordes qu’il dédie à son ami Joseph Haydn. Il met en musique la pièce de Beaumarchais, le Mariage de Figaro qui devient Les Noces de Figaro. L’opéra obtient un succès très relatif à Vienne, mais triomphe à Prague l’année suivante. Il compose encore la petite musique de nuit, la Symphonie « Prague » et surtout Don Giovanni qui remporte un grand succès à Prague. En 1787, Mozart est nommé par l’Empereur Joseph II compositeur de la Chambre Royale, succédant ainsi à Gluck qui vient de mourir. Mais ses gages modestes ne le délivrent pas des soucis matériels : peu à peu, la misère s’installe chez les Mozart. C’est toujours dans les moments tragiques que Mozart écrit ses musiques les plus fortes. Malgré le récent décès de son père, des difficultés financières inextricables et la maladie de Constance, il compose en 1789 Cosi fan tutte, un opéra bouffe pour Joseph II. Mais la mort de ce dernier le laisse sans protecteur. Mozart va d’échec en échec. Les concerts qu’il tente d’organiser sont désertés. Dans les derniers mois de sa vie, Mozart, dont la santé se détériore, trouve pourtant la force d’écrire des pages exceptionnelles : deux opéras, La Flûte enchantée et la Clémence de Titus, un concerto pour clarinette et un Requiem qu’il ne pourra pas achever. Epuisé, Mozart meurt le 5 décembre 1791. Le mauvais temps oblige la dizaine d’amis venus accompagner le cercueil à déserter le cimetière. Ses deux fils resteront célibataires, la lignée du génie s’éteint.

Mozart peint par Lange en 1789

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Le temps de Mozart… 1756 Alors que Mozart naît à Salzbourg... ...la guerre de 7 ans commence, opposant la

France et l’Angleterre.

1763 La tournée « enfant prodige » débute....

...et la guerre de 7 ans se termine : la France cède le Canada à l’Angleterre.

1765 Mozart compose sa 1ère Symphonie

... Watt perfectionne sa machine à vapeur.

1768 Pendant que Mozart écrit son premier Singspiel, Bastien et Bastienne...

....Gène cède la Corse à la France Lambert démontre l’irrationalité du nombre Pi. François-René de Chateaubriand nait.

1775 Mozart compose un opéra-bouffe, La Finta Giardiniera

(La Fausse jardinière)...

...et Beaumarchais écrit Le Barbier de Séville. Lavoisier démontre que l’oxygène et l’azote sont des corps simples.

1779 Mozart, au service du Prince Archevêque de Salzbourg, compose la

Messe du Couronnement...

... l’Iron Bridge, premier pont métallique, est construit par Abraham Darby III.

1781 Idoménée est créée à Munich... ... et Uranus est découvert par Herschel. Kant public Critique de la raison pure

1782 Mozart se marie avec Constance Weber à laquelle il dédie L’Enlèvement

au Sérail...

...Choderlos de Laclos publie Les Liaisons dangereuses.

1785 Mozart met en musique Le Mariage de Figaro

de Beaumarchais, qui devient Les Noces de Figaro...

...tandis qu’en France, l’Affaire du collier de la reine déchaîne les passions. Berthollet découvre les vertus blanchissantes de l’eau de Javel.

1787 Mozart compose La Petite Musique de Nuit

et Don Giovanni...

...tandis qu’aux Etats-Unis est adoptée la Constitution et qu’au Japon a lieu l’Emeute du Riz.

1789 Mozart compose Cosi fan Tutte pour Joseph II...

...en France, c’est la Révolution, sur le Bounty, c’est la révolte. Casanova écrit ses Mémoires.

1791 Dans les derniers mois de sa vie, Mozart compose entre autres deux

opéras, La Flûte enchantée, La Clémence de Titus,

ainsi que son Requiem. Il meurt le 5 décembre...

... soit six mois après l’arrestation du Roi de France à Varennes.

Argument Acte 1 Vitellia en a assez d’attendre que Sesto se décide à assassiner l’empereur Tito qui, amoureux de Bérénice, refuse de l’épouser. Sesto, follement épris de Vitellia, consent à son moindre caprice. Annio, l’ami de Sesto, le convoque auprès de Tito, tout en annonçant le départ de Bérénice. Vitellia se prend à nouveau à espérer, et réprimande Sesto qui manifeste des signes de jalousie. Sachant Annio amoureux de sa sœur Servilia, Sesto bénit leur union. Une marche et un chœur annoncent la venue de Tito. L’empereur ordonne de distribuer l’aide aux victimes de l’explosion du Vésuve, avant de renvoyer tout le monde, à l’exception d’Annio et de Sesto auxquels il annonce son désir d’épouser Servilia. Craignant d’affronter l’empereur, ils s’y soumettent, le cœur brisé. Tito chante les plaisirs de gouverner. Annio annonce à Servilia les ordres de l’empereur ; ils se quittent, tristes. Publio présente à Tito les noms des conspirateurs à proscrire, mais l’empereur n’en a cure. Servilia se jette à ses pieds : plus téméraire que son fiancé, elle lui révèle ses véritables sentiments, gagnant des louanges pour tant de sincérité. Tito renonce à l’épouser. Croisant Servilia, Vitellia lui présente des hommages moqueurs, mais, plutôt que de lui révéler le nouveau retournement de situation, la jeune fille ne lui adresse qu’une phrase ambigüe, avant de s’en aller. Furieuse, Vitellia exige maintenant que Sesto agisse sur-le-champ. Déchiré entre son amour et son amitié pour l’empereur, le malheureux décide de frapper. Une fois Sesto parti mettre le feu au Capitole, Publio et Annio annoncent à Vitellia que Tito vient enfin de la choisir pour épouse. Terrorisée, elle ne peut plus arrêter la conspiration. Sesto est torturé par ses sentiments contradictoires. Le Capitole brûle, on ne peut plus reculer. Publio confirme à Annio et à Servilia qu’une conjuration vient d’éclater au grand jour. Vitellia cherche Sesto qui revient, certain d’avoir vu Tito assassiné. Au dernier moment, elle l’empêche de s’accuser du forfait. O, noire trahison. Acte 2 Annio rassure Sesto : ce n’est pas Tito, mais un autre personnage, déguisé en empereur, qui est tombé sous les coups. Sesto avoue avoir organisé l’insurrection, et pense s’exiler. Annio le conjure d’y renoncer et de compter sur la magnanimité de Tito. Vitellia, au contraire, pousse Sesto au départ, ne pensant qu’à sa propre sécurité. Il n’en est plus temps ; Publio vient arrêter le coupable. Sesto demande à Vitellia un dernier regard, mais celle-ci ne tremble que pour elle-même. Le Sénat et le Peuple romain rendent grâce aux dieux d’avoir préservé Tito. Si Tito espère encore que Sesto est innocent, Publio le trouve trop clément, en lui présentant des preuves irréfutables. Annio se charge d’enseigner à Tito le pardon des offenses. Après un instant d’hésitation, Tito fait venir le coupable, mais celui-ci, ne voulant accuser personne, endosse tout le poids de la trahison. Condamné, il est renvoyé. Si, pour gouverner, il faut un cœur sévère, déclare Tito, arrachez-moi l’empire, ou donnez-moi un autre cœur. Vitellia apprend le verdict ; Annio et Servilia lui demandent d’intervenir, la laissant seule avec ses ruminations. Le chœur célèbre à nouveau Tito. Vitellia empêche le supplice de Sesto en avouant sa responsabilité. Tito n’a plus d’autre choix que de pardonner tout le monde.

Mille et un opéras, Les indispensables de la musique, Piotr Kaminski, éd. Fayard Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

De la clémence Seuls les puissants ayant tout pouvoir peuvent exercer cette vertu. En effet, il s’agit de décider du sort réservé à un coupable en se plaçant au-dessus du jugement rendu par les instances habituelles. Ainsi, malgré une condamnation prononcée par les institutions, le prince est le seul à pouvoir choisir le pardon. La réflexion sur ce sujet n’est pas nouvelle. C’est le philosophe romain, Sénèque, qui, le premier, a développé l’idée dans son œuvre, De clementia en 56 ap. J.C, sous l’empereur Néron. Dans cet ouvrage, il illustre la clémence d’Auguste, qui ayant appris le complot ourdi contre lui par un patricien, Cinna, hésite entre les deux attitudes (rendre la justice selon les lois ou pardonner). C’est l’intervention de sa femme, Livie, qui incite Auguste à la clémence. Celle-ci, après avoir évoqué la période politique troublée qui vient de s’achever, et le peu d’effets des punitions les plus sévères, poursuit : « Essayez maintenant de la clémence. Pardonnez à Cinna : il est découvert, il ne peut plus vous nuire, sa grâce peut servir votre gloire. »* Auguste, après avoir sermonné le conspirateur, termine ainsi : « Cinna, dit-il à la fin, je te fais grâce une seconde fois ; j'avais épargné un ennemi, j'épargne un conspirateur, un parricide. A dater de ce jour devenons amis ». Au XVIIème siècle, plusieurs écrivains français se penchent sur cette question. En effet, la première moitié du siècle voit le pouvoir royal s’imposer progressivement face aux nobles, évolution qui atteindra son apogée sous Louis XIV. L’œuvre de Sénèque inspire Pierre Corneille dont la tragédie Cinna ou la clémence d'Auguste est créée en 1641. Elle permet à l’auteur de développer toute une réflexion contemporaine sur la soumission de l’aristocratie par Louis XIII et Richelieu. Dans cette pièce, il fait l’apologie du pouvoir fort, qui peut aussi s’illustrer par la clémence. L’action explique comment une femme, Emilie, pour venger son père, pousse Cinna à assassiner Auguste. Cinna en est amoureux et ne peut résister à ses injonctions. Auguste, mis au courant du complot, hésite entre quitter le pouvoir, et punir les coupables. Livie, sa femme, le raisonne en lui montrant que la clémence serait la meilleure solution pour affermir son pouvoir, plutôt que le choix de punir, ou d’abandonner l’empire. Cela aurait également l’avantage de réconcilier l’empereur avec son peuple. En effet pour conquérir le pouvoir, celui-ci a fait preuve de beaucoup de cruauté. Livie lui souffle donc une solution politique et assez machiavélique. Il expose sa décision à Cinna : « Je suis maître de moi comme de l’univers ; Je le suis, je veux l’être. Ô siècles, ô mémoire, Conservez à jamais ma dernière victoire ! Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous. Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie » Cinna, Acte V, scène 3 Et la pièce se termine par ces vers prononcés par Auguste : « Et que vos conjurés entendent publier Qu’Auguste a tout appris et veut tout oublier », Acte V, scène 3 L’opéra de Mozart reprend certains aspects de cette tragédie. Nous retrouvons la situation de l’amoureux transi, Sesto, contraint d’accomplir la vengeance de celle qu’il aime, Vitellia. Celle-ci reproche à Titus d’avoir pris le trône à son père. Sesto manigance un complot visant à assassiner Titus. Ce dernier, lorsqu’il le découvre, est déchiré car Sesto était un ami. Deux choix se disputent alors sa conscience : soit, il se résout à écouter le jugement rendu par les instances officielles (à Rome, le sénat) et obéit ainsi

à la raison d’état : « Le sénat le condamne ainsi que ses complices à être livré aux fauves »* ; soit il écoute son cœur et ses sentiments, et le gracie. L’amitié que porte l’empereur au condamné est la plus forte : « Voyons de la perfidie d’autrui ou de ma clémence, quelle sera la plus valeureuse. Holà, qu’on relâche Sesto… Que Rome sache que je suis le même et que je sais tout, je pardonne à chacun et j’oublie tout. » Acte 2, scène 17. Sa clémence glorifie alors sa grandeur d’âme. Mozart compose cette œuvre en 1791, peu de temps avant sa mort, à l’occasion du couronnement de Léopold II à Prague. On peut y voir une réflexion sur le pouvoir et sur l’idéal à atteindre pour un prince, dans une période où une puissance voisine remet en cause le pouvoir royal (la France est en pleine révolution). Plusieurs œuvres de Mozart évoquent la clémence d’un puissant. Lucio Silla (1772) montre la clémence de Sylla, Zaïde (1779-1780) celle de S o l i m a n, L'Enlèvement au sérail (1782) celle de Sélim, avant La Clemenza di Tito (1791). Sans doute Mozart exprime ainsi sa confiance dans la nature humaine. Choisir la clémence, c’est être maître de soi-même et triompher des penchants naturels. On peut y voir une allusion à l’idéal maçonnique. Remarquons que le personnage de Titus tel que le montre le livret de l’opéra a peu de points communs avec l’Auguste de Corneille. Dès le début de l’opéra, il est présenté comme « les délices de l’univers ». On le voit se soucier de ses sujets. Ainsi, il évoque la destruction de Pompéi par l’éruption du Vésuve, survenue en 79. Et décide de consacrer le don en or qu’on lui fait pour soulager « la misère [qui] opprime ceux qui ont échappé aux flammes : cet or servira à réparer tous ces malheurs ». Durant tout l’opéra, il se montre généreux et fidèle en amitié. Face à d’autres protagonistes animés par la haine (Vitellia) ou la passion aveugle (Sesto), il incarne la droiture, la fidélité en amitié et la bonté. Ce portrait correspond-il à la réalité ?

Titus, musée du Vatican

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Titus Flavius Sabinus Vespasianus eut un règne fort bref (79- 81 ap. J.C). Fils de l’empereur Vespasien, il s’illustre pendant le règne de celui-ci entre autre pendant la campagne militaire de Judée. Il lui succède à l’âge de 39 ans. Il laisse le souvenir d’un bon administrateur, généreux, excellent général mais aussi poète. Il fut surnommé sous son règne « Les délices du genre humain ». Il poursuit l’œuvre de son père qui souhaitait apaiser la vie politique : depuis les débuts de l’empire, se sont succédé plusieurs empereurs dont la prise de pouvoir s’est souvent faite par la violence. Après le suicide auquel Néron a été contraint, l’année 69, surnommée l’année des quatre empereurs, est en proie à la guerre civile. Finalement, Vespasien l’emporte sur Vitellius et établit le principe de la succession par hérédité. Il associe son fils Titus au pouvoir, ce qui permet à celui-ci de lui succéder sans problème. Le règne de ce dernier est assombri par

plusieurs catastrophes : l’éruption du Vésuve qui ensevelit Pompéi et Herculanum, un incendie qui ravage Rome, et une épidémie de peste. Dans toutes ces circonstances, il s’est soucié d’aider au mieux les personnes touchées par ces fléaux. On lui prête la phrase suivante : « Bonus princeps tristem a se dimittit neminem » (Le bon prince ne renvoie personne triste de chez lui). Il a entrepris de nombreux travaux à Rome (thermes, arc de triomphe, suite de la construction du Colisée) et a amélioré le réseau routier. Mais diriger un si vaste empire demandait aussi une grande autorité et on souligne parfois les tendances au despotisme de Titus. Son règne ayant duré un peu plus de deux ans, seuls les bons aspects sont restés en mémoire. Peut-être aurait-il évolué en développant de tendances plus tyranniques. * Pour plus de commodité, les citations en latin (Sénèque) ou en italien (livret de La clémence de Titus) ont été citées en français.

Monique Morestin

En savoir plus sur Titus, empereur de Rome Titus Flavius Vespasianus a régné sur Rome pendant deux années. Son règne, si court soit-il, est ponctué de nombreux évènements tragiques : peste, éruption volcanique, incendie. A chaque fois, Titus fait face aux catastrophes et agit tel que l’attend le peuple romain. Il est ainsi aimé par tous. Cependant, cela n’a pas toujours été le cas. En effet, avant de devenir empereur, Titus avait une mauvaise réputation. Son comportement, son rythme de vie et ses relations amoureuses étaient très mal vues par beaucoup de romains. Néanmoins, avec la mort de son père, Titus est devenu l’empereur exemplaire qu’attendaient les romains. Titus, l’amour et les délices du genre humain Titus est le fils de Vespasien, empereur, de la dynastie des Flaviens. Ce dernier est connu pour avoir mené des guerres victorieuses. Il a notamment combattu en Germanie, puis en Bretagne, livrant une trentaine de combats. Grâce à ses batailles, l’empire romain s’agrandit de plusieurs villes et nations. On disait l’empereur Vespasien incapable d’infliger des tortures à ceux qui étaient coupables de lèse-majesté. Son fils, Titus, fut surnommé L’amour et les délices du genre humain, en raison de son attrait pour la belle vie, les spectacles et les plaisirs charnels. Un destin de soldat Dès l’enfance, Titus fait preuve de qualités sportives et d’esprit. On lui reconnaît un corps transpirant la grâce et la dignité. On lui attribue également une force et une mémoire exceptionnelles. Doué dans tous les domaines, il fait preuve d’une grande aptitude au maniement des armes. On lui reconnaît aussi des talents en écriture. Titus était ainsi un enfant prodigieux qui s’amusait de ses compétences et qui sut les mettre à profit. Lorsqu’il est assez grand, Titus intègre l’armée romaine en tant que tribun. A ce poste d’officier, il sert en Germanie et en Bretagne. Son passage dans ces deux provinces est ponctué par une multitude de statues érigées en son honneur, prouvant ses exploits. Par la suite, ce n’est pas sur le champ de bataille qu’il brille mais au barreau. Là encore, le jeune Titus montre l’entièreté de ses talents. A cette époque, il prend pour épouse Arricidia Tertulla, fille de chevalier.

Quelques temps après, elle meurt. Titus ne tarde pas à épouser Marcia Furnilla. Avec elle, il aura une fille, puis divorcera. A Judée, Titus parvient à conquérir Tarichée et Gamala, devenant le maître des lieux. Alors, on lui demande de rester sur place afin d’achever son travail : soumettre la Judée au pouvoir romain. Il attaque Jérusalem où l’on raconte qu’il tua d’une douzaine de flèches douze défenseurs de la ville. Le même jour, sa fille voit le jour.

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Titus, un nouveau tyran ? A son retour en Italie, Titus devient vice-empereur aux côtés de son père. Il prend alors une place prépondérante dans la gouvernance de l’empire. Il fait rédiger des lettres au nom de son père, il fait passer des édits et s’occupe de la plupart des affaires. A travers ses différents rôles, Titus s’impose. Il est également nommé préfet du prétoire. Ce statut dévoile un autre visage, celui d’un homme sanguinaire et suspicieux. Il n’hésite pas à tuer ceux qui lui semblent suspects. Au cours de sa vie, Titus ne fut pas seulement connu pour être un homme sans pitié, il le fut également pour son amour de la chair. Des rumeurs circulaient sur le groupe d’eunuques et de débauchés qui le suivait la nuit mais, aussi sur sa passion pour la reine Bérénice, rencontrée pendant la guerre de Judée. Le peuple le disait également rapace, l’accusant de vendre la justice. A force de spéculations sur Titus, on imagina qu’il était un second Néron. Titus, un empereur romain aimé La mort de son père, en 79, aura irrémédiablement changé Titus. Il ne sera plus jamais le même, ayant probablement pris conscience de son nouveau rôle. Ainsi, pour plaire à son peuple et pour lui prouver son respect, le nouvel empereur renvoie Bérénice en Judée. Dans la même continuité, il abandonne ses anciennes habitudes : il n’assiste plus aux représentations, quitte ses favoris et renonce aux plaisirs du libertinage.

Cependant, tous ces changements n’ont pas été les seules marques d’engagement de Titus. Des catastrophes naturelles sont venues mettre à l’épreuve sa capacité à gouverner. La première survint le 24 août 79, avec l’éruption du Vésuve qui ravagea Pompéi et Herculanum. Le volcan fit des milliers de victimes. La réaction de Titus fut exemplaire, et contrairement à ses prédécesseurs, il distribua les biens des décédés sans héritiers aux survivants afin de leur permettre de repartir à zéro. Il nomma également deux consuls pour superviser les secours. Plus tard, ce fut une épidémie de peste qui provoqua la mort de plusieurs milliers de personnes. Il se déplaça sur les lieux, montrant sa sollicitude et son intérêt pour la situation de son peuple. Au-delà de ces actions, Titus fit, encore une fois, parvenir des aides. Les évènements catastrophiques s’enchaînèrent avec un incendie en 80, à Rome. Il fut comparé à celui qui eut lieu du temps de Néron. Là encore, Titus fit preuve d’une grande générosité envers son peuple, annonçant qu’il se chargerait lui-même de toutes les pertes publiques et fit reconstruire les temples détruits par les flammes. La même année, Titus fit inaugurer un des plus grands sites de l’Antiquité : l’amphithéâtre Colisée. Le spectacle fut long et grandiose et marqua l’esprit de toute la population romaine. Il donna des combats de gladiateurs, fit entrer des milliers de bêtes féroces et fit présenter une bataille navale. Son règne se termina avec une nouvelle épidémie de peste qui l’emporta. Deux ans après être monté sur le trône, il trouva la mort, plongeant l’empire dans un deuil unanime. L’empereur aura définitivement marqué l’histoire romaine. Grâce à son règne, Titus aura su effacer les cruautés et les débauches dont il était capable.

Source : http://heros-et-legendes.fr/titus-empereur-de-rome/ Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Les relations entre Juifs et Romains au 1er siècle après J.C. Les juifs ont la seule religion monothéiste existante à l’époque. Ils ont un unique lieu de culte, le Temple, grand édifice de Jérusalem dans lequel ne peuvent entrer que des juifs. Le Saint des Saints, lieu le plus secret n’est accessible qu’au grand prêtre. Cette religion est aniconique, c’est-à-dire qu’aucun être vivant ne peut être représenté. Le peuple juif a connu plusieurs dominations étrangères. Puis une période d’indépendance sous la direction d’un roi. Mais, en proie à des troubles dynastiques qui inquiètent la puissance romaine voisine celle-ci décide d’en faire une province romaine : Pompée y intervient. Après trois mois de siège, il s’empare de Jérusalem, en 63 avt J.C, entre dans le Temple, jusqu’au Saint des Saints, sans autorisation (ce qui est un sacrilège) et déclare qu’il a trouvé le lieu vide. Les romains, comme les grecs, avant eux, sont surpris et choqués du caractère immatériel du dieu des Juifs. Mais il ne touche pas à ces trésors. L’emprise romaine s’accroit sous l’empereur Auguste, qui devant l’incapacité des juifs à s’auto- administrer rattache Jérusalem à la province de Syrie. Le gouverneur siège à Antioche et sur place un procurateur règle les problèmes quotidiens et commande les troupes. Ce qui était exceptionnel jusque- là devient une réalité : la présence de troupes étrangères dans la ville. Rome, prudente, installe l’administration romaine à Césarée, ville grecque. Il faut dire que les relations de Rome avec ce peuple sont originales. Les autorités romaines s’accommodent de son originalité et respectent les coutumes juives. Les juifs apparaissent comme des privilégiés par rapport aux autres peuples conquis. Depuis le 1er siècle av J.C, ils peuvent vivre selon leurs propres lois : il est interdit de les convoquer au tribunal pendant le sabbat, ils ne sont pas enrôlés dans l’armée, ils n’ont pas à pratiquer les cultes officiels, y compris le, culte impérial, ce qui est inouï, étant donné les croyances romaines. Les temples romains n’ont pas été construits à Jérusalem, mais à Césarée. Rome garantit la protection du Temple et interdit aux non- juifs d’entrer dans la partie réservée à ceux-ci, sous peine de mort. Mais parfois, des conduites inappropriées mettent le feu aux poudres. Le non- respect des préceptes religieux déclenche parfois des révoltes, par exemple quand Ponce- Pilate (préfet de 26 à 36 après J.C) laisse entrer à Jérusalem un détachement de la légion avec ses enseignes (souvent surmontées d’un aigle, représentation intolérable pour la religion juive). Pour améliorer l’approvisionnement en eau de la ville, qui en manque cruellement, le même préfet a voulu utiliser de l’argent pris dans le trésor du Temple. Les juifs ont considéré cela comme un sacrilège, ce trésor étant réservé à l’entretien du Temple. Pour dégager la foule qui s’est rassemblée devant le prétoire (résidence de Ponce Pilate), les soldats doivent frapper à coups de gourdin. Flavius Josèphe explique que « les Juifs périrent en grand nombre, les uns sous les coups, les autres en s'écrasant mutuellement dans leur fuite »* (Guerre des Juifs, II, 176-17). Une des plus graves révoltes se déroule en 66, écrasée par Vespasien en 68. Mais Jérusalem reste en proie à la guerre civile entre factions juives. Devenu empereur, Vespasien confie la poursuite des opérations à son fils Titus. Celui-ci assiège la ville qui se rend après plusieurs mois l’été 70. La ville est en ruine, vidée des habitants qui avaient survécu. Et le Temple est détruit. Jérusalem a perdu le lieu unique du culte. Nul ne sait si Titus a donné l’ordre de l’incendie ou si celui-ci est accidentel.

Ses exploits guerriers sont gravés dans la pierre sur l’arc de Titus, construit à Rome en 81 : sa victoire est illustrée par les richesses ramenées, entre autre la menora (chandelier à sept branches qui se trouvait dans le temple).

Arc de Titus, Rome

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique Durant l’occupation romaine, Rome délègue un peu de pouvoir à des rois, comme Hérode Agrippa (le père de Bérénice). On retrouve ici le pragmatisme des romains qui préfèrent ne pas trop bousculer les coutumes locales. Il faut d’ailleurs noter que ces rois sont fortement romanisés (ainsi ils accolent souvent à leur prénom juif- comme Hérode- un nom latin –comme Agrippa) et passent une partie de leur vie à Rome, où ils côtoient la famille impériale. Le père de Bérénice y vit durant son enfance et sa jeunesse. Il entretient des liens amicaux avec les empereurs Tibère, Caligula et Claude. C’est grâce à ces liens qu’il règne sur un vaste territoire en Judée, Samarie… Il peut donc intervenir dans les relations entre juifs et autorité romaine. La clémence de Titus évoque les relations entre romains et juifs, puisque un des sujets de l’opéra est l’obligation pour Titus de renvoyer la princesse juive, Bérénice, dont il est amoureux. « Elle est partie en voyant qu’elle était adorée et que cette amère décision lui coûtait autant qu’à son bien-aimé », acte 1, scène 1. Bérénice, née en l'an 28 près de Jérusalem, est la fille d’Hérode- Agrippa et sœur du roi Agrippa II. Elle joue un rôle politique de premier plan auprès de son frère, et intercède à plusieurs reprises pour protéger les juifs révoltés contre la puissance romaine. Celle-ci considère la famille royale comme une alliée. C’est durant la campagne militaire de Vespasien et Titus en Judée que ce dernier est séduit par la reine, « à la fleur de l'âge et de la beauté » (Tacite). Elle a 40 ans, lui, dix ans de moins. Plusieurs historiens latins évoquent ses amours avec Titus qui ont duré de 68 à 79.

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Elle ne vient à Rome qu’en 75 et vit au palais avec Titus. « Elle attendait qu'il l'épouse et se comportait en toutes occasions comme si elle avait été sa femme», Dion Cassius. Et Suétone évoque la « célèbre passion » de Titus pour Bérénice « à laquelle, dit-on, il avait même promis le mariage ». L’hostilité des Romains, marqués par la campagne très difficile contre les Juifs oblige l’empereur à se séparer de Bérénice. « Titus reginam Berenicen (…) statim ab Urbe dimisit invitus invitam » (Aussitôt, Titus éloigna la reine Bérénice de Rome malgré lui et malgré elle). Suétone suggère ainsi la contrainte et la répugnance des deux amants à accepter cette séparation. Cet épisode a inspiré le sujet des tragédies de Corneille (Titus et Bérénice) et de Racine (Bérénice) toutes deux représentées en France en 1670, la seconde a connu un succès immédiat. L’attitude de Titus, obligé de sacrifier sa passion au nom de la raison d’Etat rappelait au public du XVIIème siècle les amours malheureuses du jeune Louis XIV, obligé de se séparer de Marie Mancini en 1659, pour épouser l’infante d’Espagne. La raison d’état triomphait de l’amour. *Toutes les citations sont traduites du latin ou de l’italien vers le français.

Monique Morestin

Histoire de l’œuvre Pasquale Bondini, impresario de la troupe pragoise, créatrice du Don Giovanni, abandonna son poste en 1788, pour être remplacé par son ancien régisseur, Domenico Guardasoni. Celui-ci entama les premiers pourparlers avec Mozart dès l’année suivante (sans que l’on sache exactement leur contenu), leurs projets étant retardés par la tournée polonaise de la troupe. En juillet 1791, Guardasoni passa à Mozart une commande officielle pour le couronnement de Léopold II1 en tant que roi de Bohême, prévu à Prague en septembre. Le choix tomba sur un vieux livret de Métastase, écrit en 1734 pour Antonio Caldara, et mis en musique une quarantaine de fois depuis. Soumis à Caterino Mazzolà, « poète-résident » à l’opéra de Dresde, le texte fut amputé d’un acte, tandis que plusieurs airs se virent transformés en ensembles, chœurs et finale. Le calendrier précis de tous ces évènements, et surtout de la composition, demeure mystérieux. Nous savons qu’en avril 1791 la grande cantatrice tchèque et amie de Mozart, Josefa Dusek (dédicataire des airs K. 272 et 528) chanta à Prague un rondeau de Mozart avec cor de basset obbligato joué par Anton Stadler. Puisqu’il n’y a rien dans le catalogue de Mozart qui ressemble davantage à cette pièce que l’air de Vitellia « Non più di fiori » (sur un texte original de Mazzolà, et non pas de Métastase), on en tira la conclusion suivante : Mozart travaillait avec une certaine avance sur son nouvel opéra pragois, avec en tête Mme Dusek pour le rôle de Vitellia. Cela pourrait en tout cas expliquer la surprenante tessiture du rôle qui va du sol grave (les années passant, la voix de haut mezzo de Mme Dusek était devenue alto) jusqu’au contre-ré, prévu sans doute pour la soprano Marchetti-Fantozzi qui finit par obtenir le rôle.

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                                                            1 Léopold II (Vienne 1747-Vienne 1792), grand-duc de Toscane (Pierre Léopold Ier) [1765-1790], archiduc d'Autriche, empereur, roi de Bohême et de Hongrie (1790-1792), fils de François Ier et de Marie-Thérèse. Successeur de son frère, Joseph II, il modéra les dispositions qu'il avait prises dans le domaine religieux. Il publia avec Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse, la déclaration de Pillnitz (27 août 1791), appelant les souverains à agir contre la France révolutionnaire, mais mourut avant l'ouverture des hostilités. Extrait du dictionnaire Larousse Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

 

Mozart avait également esquissé trois numéros pour un Sesto – ténor ; en juillet cependant, le rôle fut confié à un excellent castrat, Domenico Bedini (et non Mlle Perrini, comme l’affirment certaines sources, celle-ci chantait Annio). Pour le rôle-titre, Mozart retrouva son premier Don Ottavio, Antonio Baglioni. La composition, parallèle au travail sur La Flûte enchantée, fut achevée le 5 septembre, après huit jours bien remplis à Prague. Il faut supposer que Mozart ne connaissait ni Bedini ni Marchetti-Fantozzi, il se trouva dans l’obligation de composer l’essentiel de leur musique à la hâte, à Prague. On croit également, sans pouvoir l’avérer, que c’est à Süssmayr que nous devons les récitatifs. Le 2 septembre, Mozart dirigea Don Giovanni en présence du couple impérial, la création ayant lieu quatre jours plus tard ; elle fut marquée par la sortie célèbre (apocryphe ?) de l’impératrice Marie-Louise qui aurait qualifié l’œuvre de « cochonnerie allemande ». En décembre 1794, Constanze Mozart monta une représentation de l’opéra au Kärntnertor Theater (répétée ensuite au Burgtheater) où le rôle de Sesto fut chanté par Aloysa Lange. Si La clemenza connut beaucoup de reprises au début du XIXème siècle (Paris 1816), sa carrière semble s’être éteinte vers 1825 (Munich 1824 : reprise avec un nouveau livret intitulé Roi Garibald), pour ne revivre qu’un siècle plus tard. Donné à Salzbourg (1949) par Karl Böhm (avec Julius Patzak), à Munich (1962), mais surtout à Cologne (1969) et à Londres (1969) sous la direction d’István Kertesz et dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, l’œuvre sera ensuite défendue avec de plus en plus de vigueur. Entrée au répertoire de Covent Garden (1974, avec Eric Tappy et Janet Baker), d’Aix-en-Provence (1974), elle bénéficiera d’une production particulièrement réussie de Ponnelle à Salzbourg (1976, sous la baguette de James Levine, avec Werner Hollweg et Tatiana Troyanos), s’imposant définitivement dans les années 1980 (Zurich 1989, dir. Harnoncourt).

La Clémence, dernier message de Mozart La Clémence de Titus, La Clemenza di Tito, est un opera seria, comme Mozart en a écrit dans sa jeunesse (Lucio Silla, Mitridate), mais d'une tout autre nature. Nikolaus Harnoncourt a raison d’y voir un « langage de l’avenir », un adieu au XVIIIème siècle par concentration dramatique. Non pas l’avenir du XIXème, mais quelque chose qui nous touche aujourd’hui en plein cœur par fulguration sur fond de catastrophe. Comme si Mozart (qui vient nous avertir, dans la Flûte, que le Temple de la Sagesse était toujours menacé par un complot des forces obscures) était pressé de dire : la musique doit dompter ça, ne pas se laisser déborder par ça. ÇA, quoi ? La fragilité des sentiments, le renversement des situations, l’oscillation constante d’un extrême à l’autre. Les couleurs changent vite, on ne sait plus sur quoi s’appuyer, les trahisons pullulent, une variabilité sauvage est en cours. Au fond, il n’y a que deux passions dominantes : la haine et la vengeance d’un côté ; l’amour et le pardon de l’autre. Poison négatif, détachement positif. Cet opéra est présenté à la cour autrichienne à Prague pour couronner la Bohême, il évoque apparemment la Rome impériale antique, mais il est de tous les temps par son côté incendiaire. L’empire craque, les trônes vacillent, New York est en flammes, les républiques elles-mêmes n’ont qu’à bien se tenir. Vitellia, fille de Vespasien, veut tuer Titus qui est, selon elle, un usurpateur et un traître (même couleur que la Reine de la Nuit à l’égard de Sarastro). Elle manipule à cet effet Sextus (comme Donna Anna entraîne Ottavio, comme la Reine de la Nuit envoie en mission Tamino ou demande à sa fille de poignarder Sarastro). Le complot échouera, et Titus pardonnera à tout le monde. Un garde policier : Publius. Un couple réellement amoureux : Servilia et Annius. Harnoncourt : « Tout l’opéra traite finalement des méprises de l’amour et du sexe, car on ne peut pas nommer amour la relation entre Vitellia et Sextus. Or c’est elle qui est mise le plus en avant tout au long de l’œuvre. » Sexualité ? Mais oui, et intense (Mozart continue son programme de désillusions par d’autres voies que Cosi). D’autant plus intense que Sextus est chanté par une voix de femme. Le martèlement et les zébrures des récitatifs donnent l’impression d’aller à bride abattue en compagnie de folles furieuses. Mozart, grand spécialiste de l’hystérie, la traite, au lieu d’être fasciné et avalé par elle, comme le seront tant d’autres musiciens après lui. Et voici notre grand personnage mozartien : la clarinette. Elle est déployée ici au maximum de son enchevêtrement possible avec les voix (celle de Sextus, par exemple, envoyé froidement par Vitellia au crime). Harnoncourt parle d’une « hypnose totale par la clarinette », et c’est en effet une possession mélodieuse de tous les diables, une incroyable fugue pour instrument à bouche et humanoïde associé. [...] « Ta fureur m’enflamme », dit Sextus (comme une héroïne de Sade), et pas besoin de suivre les mots, la musique submerge tout. Une crise en tous sens ravage la scène du Pouvoir, de tous les Pouvoirs. Musique funèbre en quintette, contamination par l’air, effet de serre, vous captez de temps en temps un mot-pivot : Vieni... Tornà...Vengo... Aspettate... Mais il s’agit d’une flamme de crête, la nappe de feu est incessante, l’opéra ne s’arrête pas un instant (Mozart le compose sans doute, entre Vienne et Prague, en voiture). Harnoncourt a raison de souligner que, dans cet adieu non dépourvu d’ironie à l’ancien monde – le XVIIIème –, on est frappé par « la présence d’une grandiose antiquité au milieu d’un œuvre très progressiste ». Génie baroque mis à sac par son plus grand représentant : Mozart.

Titus (pourtant destructeur de Jérusalem) est faible, incertain, et finalement sublime de clémence. Autour de lui, convulsion et trahison. Le couple amoureux, pourtant, n’oublie pas de rappeler l’évangile mozartien (« Que soit banni de la vie tout ce qui n’est pas amour »). Mais le nerf du chant (ou plutôt du chantage), c’est, de la part de Vitellia, la haine, le remords, l’horreur, l’épouvante : « Cours, venge-moi, et je suis à toi. » La vengeance est la passion féminine par excellence. Au terme d’une série de malentendus, pendant lesquels la musique a procédé par coups de fouet et compressions verticales géologiques, l’opéra est fini, et l’auditeur peut s’écrier comme Titus ahuri : « Ma che giorno è mai questo ? » En termes modernes : « Mais qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? » Un pan de l’histoire est achevé : personne ne renoncera plus au pouvoir absolu par amour, le prince ira toujours plus loin dans ce qu’il a toujours été, la leçon de clémence est un vœu pieux, un dernier signal de sagesse avant l’orage. La haine et la vengeance ont de beaux jours devant elles. Mozart annonce la vérité du mot de Nietzsche : « Le désert croît. » C’est son dernier grand message politique : soyez éclairés et cléments ou vous périrez. Venant du Titus romain, persécuteur des Juifs, la leçon est pour le moins inattendue et rude.

Extrait de Mystérieux Mozart, Philippe Sollers, éd. Plon, 2001 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

La Clémence de Titus, une porcheria tedesca ?! Depuis sa création à Prague, le 6 septembre 1791, le jour même du couronnement de Leopold II, empereur d’Autriche, en tant que roi de Bohême, La clemenza di Tito, l’un des deux derniers opéras de Mozart, composé conjointement à La Flûte enchantée, est poursuivi par la médisance. C’est l’impératrice Maria-Luisa qui l’aurait qualifié de « porcheria tedesca » à sa sortie du théâtre Nostiz et bien que ces propos ne lui aient été attribués qu’en 18712, on a pu trouver trace de cette opinion dans sa correspondance avec sa belle-fille dès le lendemain de la représentation : « Au soir au Théâtre la grande opera n’est pas grand-chose et la musique très mauvaise ainsi nous y avons presque tous dormi (sic en français) » Le très consensuel comte Zinzendorf, d’habitude favorable à Mozart, se faisait-il donc le porte-parole de la cour lorsqu’il rapporta dans son journal : « On nous régala du plus ennuyeux des spectacles, La Clémence de Titus » ? On sait, en outre, que les recettes, après la première gratuite, ne furent pas à la hauteur des espérances des organisateurs. Etait-ce toutefois suffisant pour condamner définitivement l’œuvre et la considérer comme le fruit hâtivement porté à maturation d’un travail alimentaire comme le firent encore tard dans le XXème siècle de fins mozartiens, tels Charles Rosen qui la considère comme « un opéra extraordinairement oubliable »3 ou Rémy Stricker qui lui trouve « une odeur de poussière et de renfermé » ?4 On s’engouffra donc dans le sillage de l’impératrice. Mais dès lors, tout mozartien fervent se trouvait prisonnier d’un raisonnement dichotomique : comment soutenir la notion d’échec face à l’exceptionnelle beauté de cette musique ? La bibliographie se rallia à oublier la merveilleuse partition et à chercher dans la biographie de Mozart tous les arguments qui pouvaient le déculpabiliser d’avoir « échoué » dans sa tâche. Le catalogue des circonstances atténuantes On fit constater que Mozart choisissait lui-même ses livrets au moins depuis L’Enlèvement au sérail (1781)5. Cette autonomie lui avait valu les grands chefs-d’œuvre avec Da Ponte, opere buffe dans lesquels il a donné le meilleur en confrontant leurs personnages à des situations dramatiques intenses et conflictuelles comme on les trouve dans le genre tragique. Cependant, pour ces festivités du couronnement, la commande portait sur une thématique qui devait faire l’apologie du pouvoir dans la tradition entérinée par le poeta cesareo, le poète officiel de l’empire, Pietro Metastasio décédé en 1782. Fondé sur les canevas du Traité de la clémence (De clementia) de Sénèque et les schémas dramatiques de la tragédie classique, La clemenza di Tito (1734) est l’un de ses libretti qui connut le plus grand succès et avait déjà été mis une quarantaine de fois en musique avant d’être confié à Mozart. La bibliographie lui est souvent défavorable et on a pu comparer à leur désavantage les personnages métastasiens de Sextus, Titus, et Vitellia à leurs modèles cornéliens ou raciniens, Cinna ou Auguste, Emilie ou Hermione : « Ils sont incapables de faire preuve soit de cette énergie dont s’accompagne chez le personnage cornélien le souci de sa propre gloire, soit de cette logique de la passion qui rend cohérent le personnage racinien. »6 Voilà qui rendait la tâche difficile à Mozart ! Comment donner une vie musicale à l’inconsistance dramatique de ces « fantoches »7 ?

                                                            2 Alfred Meissner, Rococo-Bilder, Gumbinnen, 1871, p. 141. 3 Le style classique, Gallimard, 1978, p210 4 Mozart et ses opéras, fiction et vérité, Gallimard, 1980, p. 302. 5 Mais peut-être même dès son Idomeneo en 1780. 6 Brèque, Quand on en prend à son aide avec l’histoire, Corneille et Racine, dans Avant-scène opéra, n°99 7 Einstein, Mozart, Desclée de Brouwer, 1954. P. 489.

Mais l’exutoire privilégié reste le cadre de l’opera seria et ses nombreuses « conventions paralysantes »8 l’enchaînement systématique de récitatifs et d’airs – dépendants des codifications musicales des aria di dolore, di furore… et tributaires de la convention du da capo9 qui fait revenir au point de départ et entrave l’action ; la prépondérance des voix aiguës qui représentent la jeunesse et impliquent l’emploi de castrats ou de travestis ; la hiérarchie des dramatis personae10 avec le rôle titre– en général un souverain, ténor, ici Titus-, le couple antagoniste – prima donna et primo uomo, Vitellia et Sextus, soprani -, le couple secondaire – seconda donna et secondo uomo, Servilia et Annius, soprani -, le confident ou le traître – Publics, basse. On a même pu conclure à l’inutilité des trois rôles secondaires et supprimer plusieurs de leurs airs. En outre, les opere serie de Mozart remontent quasiment à sa jeunesse « Mitridate, 1770, Ascanio in Alba, 1771, Lucio Silla 1772…), à l’exception d’Idomeneo avec lequel il prenait congé en 1780, car selon Einstein, « l’opera seria en 1790 était déjà une création artificielle, une sorte de vestige pétrifié d’un art suranné »11. Alors la seule raison valable qui pouvait lui faire accepter une telle commande était son besoin d’argent – puisqu’il est encore largement répandu que Mozart soit mort dans la misère et couvert de dettes. Comment refuser le moindre cachet dans de telles circonstances même dans les conditions les plus défavorables : une commande passée mi-juillet, alors que Salieri pressenti se serait désisté in extremis, un livret reçu le 19 ou le 20 août, une distribution inconnue, alors que Mozart n’aimait composer que « sur mesure »… pour une création le 6 septembre ! Il ne pouvait donc faire mieux que « grossoyer un Titus »12. Or, indépendamment d’une partition dont la beauté musicale saisit de la première à la dernière note, ces affirmations négligent un bon nombre des données connues et en ignorent d’autres mises à jour récemment. Le resserrement de l’action « Ridotta a vera opera/Il m’en a fait un vrai opéra »13, voilà ce que Mozart à écrit lui-même du livret de Métastase remanié par le poète de la cour de Dresde sollicité pour l’occasion, Caterino Mazzolà. Ramené de trois à deux actes, de 25 à 11 airs en alternances avec des ensembles, il se trouve permettre le développement des idées les plus chères de Mozart, celles qu’il déploie dans chacun de ses opéra sa moins depuis Idomeneo : le pardon et la tolérance d’un part, l’acceptation de la mort de l’autre. Trahi par son meilleur ami, Sextus, Titus finit par accéder à la tolérance après bien des doutes et des remises que question. Acceptation de la mort : comme Sextus cède à la pression de Vitellia en assassinant Titus par amour pour elle, la mort sera sa seule échappatoire possible dans ce dilemme insoutenable ; et à la fin de l’opéra, Vitellia qui tient enfin la possibilité d’acquérir la gloire et le pouvoir tant convoités – puisque Titus vient de la demander en mariage -. Se résout quant à elle à se dénoncer pour mourir à la place de Sextus. L’action, hyper concentrée, est en rebondissement perpétuel et maintient en haleine d’un bout à l’autre de l’œuvre, culminant dans les deux finals avec un rythme dramatique qui ne doit rien au hiératisme du genre seria. Même s’il n’intervient pas de facto dans l’opéra, le sénat romain fait écho aux prêtres de La Flûte. Et les idées mises en avant correspondent également à celles qui étaient soutenues dans les loges maçonniques. La commande de Tito ne fut-elle pas appuyée par les comtes Thun, Pachta, Canal… membres de la loge Wahrheit und Einigkeit zu den drei gekrönten Saülen [Vérité et unité aux trois colonnes couronnées], que fréquentait Mozart lorsqu’il était à Prague ? La symbolique se fait entendre dès le début de l’ouverture, qui,

                                                            8 Rosen, op. Cit., p.210 9 Reprise du début 10 Répartition des rôles 11 Einstein, op.cit., p. 489. 12 Henri Ghéon, Promenades avec Mozart 13 Mozart, dans son catalogue.

comme celle des travaux, fait sonner les trois roulements durant lesquels l’assemblée se tourne vers « l’éternel orient » dans l’attente du renouveau. L’hypothèse d’un projet antérieur14 Voilà donc un livret « sur mesure » pour Mozart. Il n’aurait pas mieux choisi s’il avait eu plusieurs années devant lui. Il est d’ailleurs concevable qu’il les ait eues : il mentionne sa rencontre avec le directeur du théâtre de Prague, Guardasoni, et le projet d’un opéra qui lui serait payé 200 ducats assortis de 50 autres pour les frais, dans une lettre à sa femme, dès le 10 avril 1789 – projet probablement différé car Guardasoni fut nommé à Varsovie peu de temps après. Il ne revint à Prague qu’en juin 1791 et c’est exactement la somme qu’il donna alors à Mozart pour La Clémence. Une des causes de son propre contrat avec les Etats de Bohême le laisse d’ailleurs clairement entendre : « Je m’engage à faire composer la poésie du livret… et à la faire mettre en musique par un maître célèbre… Au cas où toutefois cela ne serait pas possible vu la brièveté des délais, je m’engage à fournir un opéra nouvellement composé sur le Titus de Métastase. »15 D’autres arguments viennent se verser au dossier : le rondo de Vitellia « Non più di fiori » avec cor de basset concertant, l’un des sommets de la partition, est composé sur un texte qui n’appartient pas au livret d’origine. Or il se trouve qu’un rondo, non identifié mais pour cette même formation, figura au programme d’un concert donné par deux des plus chers amis de Mozart, Josepha Duschek, soprano, et Stadler, cor de basset, le 25 avril 1791. Il est donc tentant de déduire que c’était déjà celui que chantera Vitellia quelques mois plus tard, dont les feuilles de musique indépendantes furent d’ailleurs ajourées à la partition générale. À ce titre, les études de papier réalisées sur l’autographe par le musicologue Alan Tyson16 sont également éloquentes puisqu’il a authentifié pour certains numéros un format que Mozart a utilisé dans les années 1789 et 1790. Il semble donc que le mythe de l’opéra de 18 jours ait du plomb dans l’aile ! Par ailleurs, il est tout à fait clair aujourd’hui que Mozart n’est pas mort misérablement, pas plus qu’il n’a été inhumé dans une fosse commune, etc. Il était au contraire sollicité comme l’un des compositeurs les plus reconnus de son temps. Quel honneur plus élevé pouvait-on lui rendre que de créer une de ses œuvres le jour même du couronnement et de le payer le double des cachets habituellement réservés à ce genre de prestations ? Deux jours auparavant, on avait représenté son Don Giovanni, sa musique de bal fournissait l’essentiel des festivités nocturnes et, lors des cérémonies religieuses, Salieri ne choisissait les œuvres chantées que dans le corpus de Mozart ! Enfin, en ce qui concerne la maigre fréquentation des Pragois au théâtre après la première qui fut comble et gratuite, on peut admettre que le prix des places était très élevé – Guardasoni s’est suffisamment plaint du manque à gagner. D’ailleurs, Mozart atteste lui-même de son succès dans l’une des dernières lettres à sa femme le 8 octobre 1791 : « Le soir où mon nouvel opéra a été donné avec tant de succès [La Flûte enchantée, à Vienne], ce même soir on interpréterait pour la dernières fois à Prague le Tito avec un égal succès extraordinaires. Tous les morceaux ont été applaudis. Bedini (Sesto) a chanté mieux que jamais. Le petit duo des jeunes filles (Annio, Servilia) a été bissé et on aurait volontiers aussi répété également le Rondo, si on n’avait pas

                                                            14 Le premier à l’avoir suggéré fut Tomislav Volek, Über den Ursprung von Mozarts Oper La clemenza di Tito, Mozart-Jahrbuch, 1959, pp. 274-286. 15 Extrait du contrat entre Guardasoni et les États de Bohême cité par H.C. Robbins Landon, La dernière année de Mozart, Lattès, 1988, p.89.90. 16 La clemenza di Tito and ist chronology, Musical Times, CXV, pp. 221-227

voulu ménager la Marchetti. Stodla [Stadler]- Ô miracle bohémien ! – a recueilli les bravos du parterre et même de l’orchestre. »17 La constitution d’un réseau musical sémantique La perception auditive – que conforte l’analyse musicale – s’imprègne de la forte cohésion qui cimente toute la partition. La vigueur de l’accord parfait initial et de sa solidité tonale inébranlable correspondent à tous les moments de confiance et de paix. Mozart le redonne d’ailleurs à l’identique pour refermer la partition de manière symétrique à l’ouverture. Le personnage de Titus est particulièrement identifié par cette consonance au point que lorsqu’il en dévie, l’effet est tout à fait saisissant, comme au moment où Mozart le fait chanter sur une quarte augmentée instable et génératrice de tension. Cet intervalle jadis interdit par l’église est surnommé « le diable en musique » figure le sommet de ses remises en question dans le grand récitatif accompagné qui suis le numéro 17. La partition revêt les couleurs chères au dernier Mozart, celles du Requiem, de La Flûte enchantée et du Concerto pour clarinette. C’est justement cet instrument et son ténor, le cor de basset, qui soutiennent les deux airs concertant de Sextus et Vitellia aux deux moments fondateurs où les personnages regardent la mort en face. La clarinette était un ami cher et son jeune instrument incarnait la modernité et l’avenir. Infiniment expressive, sa voix profonde et chaleureuse laisse ici à entendre de la douceur du Recordare du Requiem et de l’expression de la détresse du premier mouvement du Concerto, au moment de la décision de Vitellia, dans une parenté qui n’a rien de fortuit. L’osmose thématique qui sous-tend toute l’œuvre révèle à l’analyse une conception de longue haleine, dans la descendance de celle qui avait coûté tant d’énergie à Mozart pour ses Quatuors prussiens et qu’il renouvellera dans le Requiem18. Ainsi, les personnages se reprennent mutuellement des phrases au fil de l’opéra. La mémoire auditive est donc en éveil et en état de reconnaissance. Outre la sensation d’unité très forte que dégage le processus, il renvoie à la notion de parenté sémantique portant sur le texte ou sur les circonstances dramatiques. Ainsi, le thème chanté par Titus dans un formidable élan rythmique pour ouvrir le numéro 8, au moment où il se réjouit de la franchise de Servilia19 et au numéro 20 quand il retrouve la force de pardonner à Sextus20, est repris pas Sextus pour lancer triomphalement le final de l’opéra. Je propose de l’entendre comme le symbole de son retour parmi le monde des initiés ou du moins dans la sphère de l’amitié de Titus après le parcours initiatique qu’il vient de vivre et donc il ressort grandi. A son tour, la merveilleuse mélodie du rondo de Vitellia est déjà sous nos oreilles car nous l’avons entendue dans l’acte 1, au moment où Annius, amant de Servilia, lui annonce, désespéré, que Titus vient de la choisir pour épouse et qu’il s’efface lui-même devant la décision de l’auguste21, et elle apparait également au moment où Sextus a demandé si humblement le pardon de Titus22. La parenté du sentiment de renoncement relie ces choix musicaux et forge une unité thématique et sémantique qui montre que Mozart s’est interrogé sur la conception formelle et expressive du genre tragique. Enfin, le sentiment de culpabilité du personnage de Sextus, sa quête du pardon et l’expression de sa détresse sont si intenses qu’ils se rattachent directement au poids moral qui écrasait Mozart dans ses

                                                            17 L.A., 7 et 8 octobre 1791 18 CF. Florence Badol-Bertrand, Requiem, Harmonia mundi (automne 2006) 19 N°8 20 N°20 21 N°7 22 N°19 

derniers mois d’existence et qui n’allait pas tarder à l’affaiblir jusqu’à avoir raison de ses dernières forces. La Clémence de Titus est bien un pur chef-d’œuvre, de la veine des chefs-d’œuvre de cette dernière année, à redécouvrir dans toute son intégrité. Cette année si riche mais si lourde en quantité de travail pour Mozart complètement éreintante ne lui a peut-être pas laissé le temps d’aboutir comme il l’aurait souhaité et cet opera seria et le Requiem. Mais la fêlure renvoie justement à l’humanité du créateur – celui qui, en cet été et cet automne 1791, n’a pas eu le temps de comprendre comment la situation politique évoluait et qui chante encore en plein confiance l’Aufklärung et le partage d’un souverain à l’écoute de ces sujets. Mais Joseph II, que l’on surnommait Titus, est mort en 1790. Son frère, Leopold II, effrayé par la tournure de la Révolution française, ne peut plus se montrer si clément et doit afficher sa fermeté et sa rigueur… C’est son avènement que l’on célèbre en tournant cette page et Mozart n’a probablement pas eu le temps d’en prendre concrètement conscience. Il n’en faut peut-être pas davantage pour justifier l’agacement de cette impératrice venue d’Italie, le parti du chant, et pour laquelle l’opéra n’avait que la fonction de faire entendre de belles voix et de divertir.

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Le cor de basset

Avec le cor de basset, sorte de clarinette alto, la facture se complique. Les racines médiévales sont encore proches, puisque c’est autour de 1700 que le vieux chalumeau se transforme en clarinette, grâce à Denner, facteur de Nuremberg. Instrument à anches muni de quelques clés pour faciliter les doigtés et développer la tessiture, la clarinette balbutie. Soixante ans après naît le cor de basset. Avec des sons plus graves, il est incurvé, et se termine par un pavillon métallique, au-dessus duquel se trouve une sorte de petite boîte qui, par un ingénieux système de perce, permet de réduire la taille de l’instrument. Théodor Lotz est sans doute le plus célèbre facteur de cor de basset en sol, instrument à cinq clés, qui permet de passer du mi, la note la plus grave de la clarinette, à un do. Ainsi une vingtaine de partitions mozartiennes indiquant expressément l’emploi du cor de basset peuvent résonner dans des couleurs idoines – celles qui brillaient dans le salon du baron von Jacquin, où Mozart venait jouer avec son ami Anton Stadler, qui utilisait des cors de basset fabriqués par Lotz

Marc Dumont n° 47 revue de la cité de la musique

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La clarinette de basset Cet instrument diffère de la clarinette en la par sa tierce grave supplémentaire. En effet, alors que la

clarinette en la s'arrête au mi ou mi bémol grave (selon les modèles), cette clarinette ci descend jusqu'à l'ut grave. La clarinette "la de basset" est un instrument rare car son répertoire est très réduit. Elle est principalement utilisée pour les pièces de Mozart (concerto pour clarinette et orchestre, quintette pour cordes et clarinette, et divertimenti). Son étendue est semblable à celle d'un cor de basset, mais sa morphologie et sa tonalité la font plus ressembler à une clarinette en la (en plus longue). On ne pourra pas entendre la clarinette de basset dans cette œuvre, car cet instrument n’existe plus. Les seuls exemplaires existants ont été construits sur commande.

« Rappelle-toi le premier amour » Notes de mise en scène «Ti ricorda il primo amor » (Rappelle-toi le premier amour) – Sesto demande l’impossible à Tito. Après une tentative d’assassinat ratée sur son ami Tito, Sesto lui demande pardon. Il demande à Tito de regarder au fond de son cœur, de se souvenir du passé, de leur enfance ensemble, de l’amour qu’ils se témoignaient l’un l’autre. Or, Tito veut savoir une seule chose : pourquoi ? Parce qu’il ne veut trahir personne d’autre, Sesto ne répond pas, ce qui met Tito devant un choix déchirant et pour lequel il doit plonger dans les profondeurs de son âme pour trouver des réponses. Ce que Mozart a mis dans son opéra magistral est une étude profondément humaine sur l’amour, la haine, la manipulation et en particulier le plus profond pardon. Principalement sur le plan personnel des personnages, et plus profondément, sur le plan social. La clémence figure ici au cœur de l’œuvre en tant que concept philosophique. L’ouvrage de base de ce concept est La Clementia du philosophe stoïcien Sénèque (4 av. J.-C. – 69 apr. J.-C.). Sénèque l’a écrit lorsqu’il était conseiller du jeune empereur Néron, qui est devenu ultérieurement un empereur craint et haï et qui ne gouvernait en aucun cas selon ce principe. Sénèque définit la clémence comme suit : « La tendance de l’esprit à être indulgent dans l’infliction d’une peine. » C’est une notion du langage juridique dans laquelle l’infraction commise par une personne condamnée est prise en considération avec la compréhension de la situation personnelle et des expériences qui ont débouché sur cette infraction. La clémence dans la tradition judéo-chrétienne est ce que l’on désigne par “la clémence royale”. En s’appuyant sur sa position de souverain omnipotent, le monarque peut accorder sa clémence, non pas par humanité, mais en premier lieu pour démontrer la différence entre le monarque haut placé et ses sujets. Toutefois, la clémence de Tito est différente : c’est la clémence de Sénèque, et elle se manifeste dans ce que Sesto demande à Tito : « Pur saresti men severo, se vedessi questo cor. » (Pourtant tu serais moins sévère, si tu voyais ce cœur). Par suite des circonstances et des difficultés de la vie, l’infraction devient compréhensible pour le « juge », même si elle était volontaire. Elle ne devrait pas déboucher sur une remise de la peine, mais sur un ajustement de sa lourdeur. « Pardonnez l’humanité », a déclaré Sénèque. L’empathie qui sous-tend la clémence existe dans le monde réel à la fois sous la forme de facteurs externes tels que la pauvreté, la guerre, les catastrophes naturelles, mais aussi sous celle de facteurs internes tels que l’égoïsme, la jalousie et la haine. Au fond du cœur du délinquant, vous ne trouverez aucun mal à l’état pur, mais une personne de valeur, qui mérite d’être considérée dans toute sa complexité. Dans l’Ira (À propos de Colère), Sénèque décrit la clémence sur le plan personnel : comme de nombreux autres auteurs, il fait beaucoup de choses qui ne sont pas correctes, mais le soir avant de se coucher, il s’analyse : il trouve qu’il a été trop sévère envers l’un ou trop en colère contre l’autre. Il se dit alors : « Ne le fais plus jamais, cette fois-ci, je te pardonne. » Dans La clemenza di Tito, la clémence est considérée d’un point de vue à la fois social et personnel. Le concept de la mise en scène de Jorinde Keesmaat est basé sur la philosophie de Sénèque, ainsi que sur les biographies historiques de Tito. Tito est le seul personnage historique de l’opéra de Mozart, mais les autres personnages sont faciles à intégrer dans le contexte historique. Avant d’aborder en détail la mise en scène, un bref aperçu du personnage historique Titus Flavius Caesar Vespasianus (31 à 81 apr. J.-C.) est de mise. À travers différentes sources historiques :  

L’Histoire Romaine de Dion Cassius, La guerre des Juifs de Flavius Josephus et La Vie des douze Césars de Suétone ou Caius Suetonius Tranquillus. Ce dernier étant de loin le plus important, on peut extraire une foule d’informations à la fois sur l’empereur Tito et sur la personne de Tito. Ce qui est surprenant dans la biographie de Tito, c’est qu’à partir du moment où il est devenu empereur, il s’est transformé en une tout autre personne connue sous le surnom de « chéri et chouchou de la race humaine ». Au cours de la période antérieure, Suétone raconte qu’il avait été « détesté et généralement méprisé ». Tito est décrit comme une personne d’origine très modeste. Il a grandi dans un très petit appartement et il est décrit par Suétone comme étant un homme aux talents multiples, à la fois sur les plans physique et intellectuel. Il a rapidement fait carrière et il a obtenu le commandement d’une légion qui a mené la répression de la révolte juive. Il a conquis Jérusalem en 70 apr. J.-C. et a détruit men severo, se vedessi questo cor. » (Pourtant tu serais moins sévère, si tu voyais ce cœur). Par suite des circonstances et des difficultés de la vie, l’infraction devient compréhensible pour le « juge », même si elle était volontaire. Elle ne devrait pas déboucher sur une remise de la peine, mais sur un ajustement de sa lourdeur. « Pardonnez l’humanité », a déclaré Sénèque. L’empathie qui sous-tend la clémence existe dans le monde réel à la fois sous la forme de facteurs externes tels que la pauvreté, la guerre, les catastrophes naturelles, mais aussi sous celle de facteurs internes tels que l’égoïsme, la jalousie et la haine. Au fond du coeur du délinquant, vous ne trouverez aucun mal à l’état pur, mais une personne de valeur, qui mérite d’être considérée dans toute sa complexité. Dans l’Ira (À propos de Colère), Sénèque décrit la clémence sur le plan personnel : comme de nombreux autres auteurs, il fait beaucoup de choses qui ne sont pas correctes, mais le soir avant de se coucher, il s’analyse : il trouve qu’il a été trop sévère envers l’un ou trop en colère contre l’autre. Il se dit alors : « Ne le fais plus jamais, cette fois-ci, je te pardonne. » Dans La clemenza di Tito, la clémence est considérée d’un point de vue à la fois social et personnel.  Le concept de la mise en scène de Jorinde Keesmaat est basé sur la philosophie de Sénèque, ainsi que sur les biographies historiques de Tito. Tito est le seul personnage historique de l’opéra de Mozart, mais les autres personnages sont faciles à intégrer dans le contexte historique. Avant d’aborder en détail la mise en scène, un bref aperçu du personnage historique Titus Flavius Caesar Vespasianus (31 à 81 apr. J.-C.) est de mise. À travers différentes sources historiques :  L’Histoire Romaine de Dion Cassius, La guerre des Juifs de Flavius Josephus et La Vie des douze Césars de Suétone ou Caius Suetonius Tranquillus. Ce dernier étant de loin le plus important, on peut extraire une foule d’informations à la fois sur l’empereur Tito et sur la personne de Tito. Ce qui est surprenant dans la biographie de Tito, c’est qu’à partir du moment où il est devenu empereur, il s’est transformé en une tout autre personne connue sous le surnom de « chéri et chouchou de la race humaine ». Au cours de la période antérieure, Suétone raconte qu’il avait été « détesté et généralement méprisé ». Tito est décrit comme une personne d’origine très modeste. Il a grandi dans un très petit appartement et il est décrit par Suétone comme étant un homme aux talents multiples, à la fois sur les plans physique et intellectuel. Il a rapidement fait carrière et il a obtenu le commandement d’une légion qui a mené la répression de la révolte juive. Il a conquis Jérusalem en 70 apr. J.-C. et a détruit le second temple. Après le coup d’État de son père, Vespasien, il est devenu son bras droit à Rome. Tito était un homme craint et haï dans sa fonction de préfet de la garde prétorienne (une élite militaire spéciale qui constituait la garde du palais impérial). Il menait des raids et profitait largement de son poste pour se débarrasser de ses ennemis. Suétone déclarait également que « parce qu’il avait une si mauvaise réputation et qu’il allait à l’encontre de la volonté de tout le monde, pratiquement personne ne voyait en lui le futur empereur. » À la mort de Vespasien, Tito a été le premier empereur qui ait pu succéder au trône de par sa naissance.  

Tito s’est marié pour la première fois avec Arreccina Tertulle, une femme d’origine modeste, et après le décès de celle-ci avec la riche Marcia Furnilla, de laquelle il n’a pas tardé à divorcer. La famille de celle-ci était notamment soupçonnée d’avoir été impliquée dans un complot ourdi contre l’empereur Néron. De ses deux mariages, il a eu plusieurs filles. Par la suite, il ne s’est plus marié, mais il avait une liaison bien connue avec la reine juive Bérénice, qui a même vécu pendant un certain temps dans son palais à Rome. À cause de son origine étrangère et surtout juive, cette liaison était très impopulaire auprès du peuple romain.  Comme de nombreux hommes de son rang, Tito avait également des relations homosexuelles. Il n’hésitait pas à s’entourer de prostitués masculins, de danseurs et d’acteurs. Mais ce n’était pas les relations homosexuelles en soi qui lui valaient un certain mépris, mais leurs extravagances. Craig Williams en a écrit dans son principal ouvrage Roman Homosexuality, que les sentiments homosexuels à l’égard des hommes nés libres ont été considérés comme parfaitement normaux durant l’Empire romain. C’était le statut qui était le plus important dans ce domaine. Les relations sexuelles avec les esclaves ou les prostituées n’étaient pas considérées comme problématiques, même pour des hommes mariés. Pendant une brève période, même pour les hommes un peu plus âgés, il était possible d’avoir une relation sexuelle avec un homme libre plus jeune : cela devait se faire avant que le jeune homme n’ait atteint entièrement le physique adulte. La barbe en était souvent la caractéristique la plus significative. Si Sesto était aujourd’hui un personnage historique, il est plausible de penser qu’il était un amant de Tito. Le « primo amor » auquel Sesto fait allusion dans son opéra fait référence à cette époque où ils étaient l’un pour l’autre le premier amour. Également dans le contexte historique, Sesto, parvenu à la limite de l’âge adulte, devrait alors choisir une épouse. C’est là que l’interprétation de La clemenza di Tito de Mozart commence. Qui est Tito en tant que personne, quel est son parcours personnel et que signifient ses relations avec Sesto et Vitellia ? Quelle est la raison pour laquelle un homme change de personnalité dès qu’il devient empereur ? Inscrit dans un cadre contemporain, nous voyons lors de l’Ouverture Tito en train d’étudier. Il est en train d’élaborer une stratégie de marketing, une stratégie politique en tant qu’empereur récemment désigné (contre son gré), pour stabiliser son pouvoir et gagner la confiance du peuple. La « stratégie » qu’il choisit d’appliquer est celle que Sénèque a consignée en tant que conseiller de Néron. Il est également intéressant de voir que Tito, en tant qu’empereur récemment désigné, était « péjorativement » surnommé « le nouveau Néron ». Les conseils que Néron n’a néanmoins pas mis en pratique sont rédigés sous le titre « De la Clémence ». C’est le discours qui a été repris dans le premier chapitre de ce livre que Tito examine, peut-être pour le prononcer lui-même plus tard ? En même temps, Sesto est considéré comme un garçon étrange, mélancolique. Il s’occupe très soigneusement de ses lapins. Ces animaux symbolisent l’innocence et la pureté de Sesto et ont une valeur symbolique très importante dans l’ensemble de l’opéra. Des sources historiques nous apprennent que Tito a grandi dans la pauvreté en tant que citoyen. Les flashbacks projetés durant l’opéra (les photos et tout à la fin le film) décrivent cette période. Sesto lui-même est le symbole de la clémence, la clémence pure, la bonté innée. À partir des relations entre Tito et Sesto, et entre Vitellia et Sesto, la question qui se pose est la suivante : que peut signifier la clémence sur le plan personnel ?  Dans le personnage de Tito, la question est posée à l’égard des autres personnages : y compris du peuple. Suétone décrit les actes que Tito a entrepris dès qu’il est devenu empereur : il a mis fin à sa liaison avec Bérénice, il ne submergeait plus ses « amis » de cadeaux et il ne voulait même plus assister à des représentations théâtrales, et au lieu d’orgies, il organisait des dîners civilisés et d’énormes jeux pour le peuple, par exemple lors de l’inauguration du Colisée qui s’est déroulée sous le règne de Tito. Il était connu comme étant un homme très généreux, au caractère très souple. Il voulait donner de l’espoir à tout le monde et si un jour il n’avait pas fait ce qu’il fallait, il disait : « Mes amis, j’ai perdu une journée ! » 

La première fois où Tito se trouve au premier plan de l’opéra a lieu lors de son discours. En déclarant : « Romains, votre amour est l’unique objet des vœux de Tito », Tito transforme ses intentions et son concept de clémence en actes. Au préalable, nous voyons Annio et Publio - en tant que conseillers en communication politique - préparer le lieu où se tiendra le discours, et ils élaborent les discours d’introduction. Tout a bien entendu été parfaitement répété, Tito décline l’offre de ne pas dépenser les trésors offerts (des impôts prélevés dans des provinces soumises) à un temple bâti en son honneur, mais de les offrir aux victimes d’une récente éruption volcanique. Par ailleurs, du point de vue historique, il y a eu plusieurs catastrophes qui se sont produites sous le règne de Tito : la peste, un incendie qui a fait rage pendant trois jours, et l’éruption du Vésuve. C’est à propos de cette dernière catastrophe que Tito prend la parole devant le peuple.  Annio et Publio réagissent par un exubérant éloge, après quoi le peuple se déchaîne et adore Tito comme un dieu. Nous voyons Tito en tant qu’homme assoiffé de pouvoir, un empereur qui sait sur quel bouton appuyer pour que le peuple choisisse de se mettre de son côté, un Tito en quête de confirmation de son pouvoir. Sa tactique, consistant à mettre la clémence en jeu, est accueillie sous de grands cris d’allégresse. Nous voyons un Tito qui fait penser à Francis Underwood, le personnage principal de la série américaine House of Cards, un homme plein de sang-froid et calculateur, qui sait jouer de ses émotions pour atteindre certains objectifs. La relation entre Vitellia et Sesto est très complexe. Dès la première scène, la relation de dépendance entre eux est évidente. Vitellia est la fille (fictive) de l’empereur Vitellius (un fait historique) déchu par le père de Tito, l’empereur Vespasien. La création du personnage de Vitellia offre à Mozart le personnage idéal antagoniste de Tito. Vitellia se retrouve héritière légitime du trône et consacre toute son énergie et ses techniques de manipulation à atteindre son objectif. La première scène de l’opéra se déroule dans le logement de Vitellia. Apparemment, ce n’est pas la première fois que cette conversation a lieu entre Vitellia et Sesto. Vitellia propose à Sesto d’assassiner Tito. Elle fait croire à Sesto qu’elle est la seule personne qui l’aime. Plutôt que de l’amour sexuel, Sesto est en quête d’amour maternel auprès d’elle, en quête d’amitié, de chaleur. Sesto est une âme perdue, qui s’adonne à des passe-temps bizarres tels que la collection d’armes et le soin des lapins. Il se sent indigne et n’a guère de confiance en lui-même. Tito a trahi la relation amoureuse nouée avec Sesto lorsqu’il est devenu empereur. Tout cela fait de Sesto la victime idéale de Vitellia, lorsque Annio, un ami proche de Sesto qui travaillait également à la cour de Tito, vient raconter que Bérénice a été répudiée par Tito. Elle a été mise à l’écart et n’exercera jamais la fonction impériale.  Dans les flashbacks projetés par les photos, nous voyons Sesto en tant qu’enfant, mais un enfant étrange et solitaire qui joue quelque part avec des oreilles de lapin sur la tête. C’est de la solitude de ce garçon que Vitellia a voulu tirer parti. On peut peut-être le comparer à l’un des garçons de Gus van Sant, l’auteur de Elephant, ou à Kevin, de We need to talk about Kevin. Des garçons solitaires, victimes de harcèlement à l’école et qui ont une tendance innée à l’auto-aliénation. Ils sont faciles à manipuler, encore plus par eux-mêmes que par les autres. C’est à partir de leur solitude, leur soif de reconnaissance et d’amour, qu’ils se laissent séduire au point de tuer finalement Tito. Dans les projections, on constate aussi une certaine dépendance de Sesto à l’égard de Tito, Sesto qui se retrouve à chaque fois à la fin de ses jeux en tant que perdant. Il est harcelé, habillé comme une fille et assassiné avec un fusil-jouet par le garçon qui se tient en face de Tito.  Au cours de l’aria « Ah, se fosse intorno al trono », l’empereur Tito subit une véritable transformation sous l’influence de Servilia, qui exprime son amour à l’égard d’Annio, mais surtout par Sesto, qu’il vient de blesser une nouvelle fois. Tito voit en Sesto la clémence. Il est convaincu que la clémence n’est pas seulement un moyen stratégique, mais également une manière personnelle de vivre.  Suite à d’autres manipulations effectuées par Vitellia, et plongé dans un état de mélancolie, Sesto est prêt à commettre un attentat. Il se précipite vers le Capitole, s’est laissé convaincre de ne pas le faire, mais il est déjà trop tard. Lentulus, l’homme de main de Sesto a déjà mis en œuvre le plan. Toute la ville est en ruines, des cendres noires submergent le Capitole. L’image présentée sur la scène est la chute de jouets noircis, une allusion

au passé détruit de Tito et Sesto, mais en même temps aussi aux victimes qu’ils ont causées lors de cette attaque. C’est quelque chose d’irrévocable : le peuple cherche des réponses et pleure. Sesto, perturbé, se réfugie dans la solitude, et Tito, présumé mort par beaucoup de gens, ne parvient pas à comprendre ce qu’il s’est passé, alors qu’il a fait tellement de bien pour ses amis et pour le peuple. Et malgré cela, quelqu’un a commis un attentat contre lui et l’a exécuté. Non seulement lui et le Capitole en sont les victimes, mais une grande partie de la ville est en ruines. Une fois de plus, Vitellia ne laisse pas Sesto en paix. Pendant que Annio lui conseille de retourner vers Tito, Vitellia veut qu’il prenne la fuite. « Partir deggio, o restar ? » Dans la projection, on voit Sesto les bras écartés, une image qui symbolise à la fois la liberté et la crucifixion. Les manipulations de Vitellia n’ont plus d’effet sur Sesto. Après qu’elle l’a presque humilié comme un enfant et lui a gentiment prié de prendre la fuite, Sesto demande à Vitellia de la compassion, et lui conseille de se rendre. Elle refuse. Néanmoins, Sesto se réfugie dans le silence. Lorsque Sesto est reconnu coupable par le Sénat, Tito le fait passer une fois de plus devant lui avant de signer sa condamnation à mort. Il réclame des réponses, il supplie Sesto de raconter pourquoi il a fait ce qu’il a fait. Sesto ne veut toujours pas trahir Vitellia. Il invite Tito à regarder au fond de son cœur, à y voir le vrai Sesto et à lui pardonner ce qu’il a fait. Est-ce que la clémence de Tito va tellement loin qu’il peut faire ce que Sesto lui demande ? Dans ce cas, la réflexion doit être complètement suspendue, seules les émotions doivent intervenir. Submergé par les émotions et la lutte intérieure, il opte finalement pour la clémence et choisit d’épargner Sesto. Les fougères que l’on pouvait déjà voir dans la projection lors de l’ouverture commencent à pousser davantage sur la scène. Les fougères sont les premières plantes qui peuvent repousser après une catastrophe naturelle. Elles couvrent le sol de cendres et donnent de la couleur à l’ombre. En tant que reflet des pensées de Tito, elles commencent à pousser au moment du climax émotionnel de l’opéra : celui où Tito doit plonger au plus profond de son âme pour y trouver une possibilité de pardon. Les fougères sont aussi l’image de quelque chose de surhumain : la nature. Le fait que seul Tito puisse les voir, et pas les autres, est significatif de l’aveuglement et de la soif de pouvoir qui animent tant de personnes. Les fougères sont aussi les premières plantes qui repoussent quand le sol est épuisé par l’humanité. Les fougères sont l’espoir, car quoi que l’humanité invente, la nature reprendra toujours le dessus. Même quand le sol a été entièrement aplani par nous-mêmes, le soleil se lèvera à nouveau. Le peuple qui chante de manière si agressive veut voir Sesto condamné. Publio attire l’attention de Tito sur la pression qu’il veut exercer, et Tito décide alors de condamner quand même Sesto à mort. Servillia raconte à Vitellia que Sesto l’aime plus qu’il ne s’aime lui-même. Pendant un bref instant, Vitellia laisse couler des larmes, mais aussitôt elle le repousse loin d’elle et ne pense plus qu’à son mariage, son rêve qui devient réalité. Dans son aria « Non più di fiori vaghe catene », elle manifeste un énorme sentiment de culpabilité, nous voyons au bout du compte la véritable Vitellia. Sa soif de pouvoir semble cependant être plus grande que sa culpabilité, et c’est justement de cette soif dont elle tire parti à la fin de l’opéra. Elle avoue, en sachant que Tito lui pardonnera dans l’idée que cela la placera sous une image plus favorable. Tito est sidéré : « Ma che giorno è mai questo ? » Après avoir pardonné tout de même à Sesto, Tito accorde maintenant sa clémence à tout et à tout un chacun devant la caméra. Il n’y a plus de retour en arrière possible. Ce qui est remarquable, c’est qu’il le fait seulement par une formulation très générale: « sia noto a Roma, ch’io son lo stesso, e ch’io tutto so, tutti assolvo, et tutto oblio. » (« que Rome sache, que je suis le même et que je sais tout, je pardonne à chacun, et j’oublie tout »). Cela ressemble à une déclaration d’épuisement total, comme si cela n’avait plus d’importance, il a conscience de ce qu’on a abusé de sa bonté.  

Et maintenant ? Quel est l’héritage de l’empereur Tito ? Le Tito historique ne régna que deux ans. Pour Suétone, il était « la joie et l’amour de la race humaine ». Cassius Dio est plus sobre dans son jugement : « Il a gouverné avec indulgence et a trouvé la mort à l’apogée de sa gloire, mais s’il avait vécu plus longtemps, on aurait peut-être pu penser qu’il devait sa réputation actuelle davantage à la chance qu’à son mérite. Or, la rumeur veut que Domitien, le frère et successeur de Tito, l’ait fait placer dans un cercueil plein de neige pour faire baisser la fièvre, mais en réalité il voulait le tuer ainsi. Les derniers mots prononcés par Tito étaient qu’il ne regrettait qu’une seule chose dans sa vie. Cassius Dio supposait qu’il s’agissait de son frère Domitien, qu’il n’a mis aucun obstacle sur son chemin et que c’est à cela qu’il devait sa propre fin. En outre, Rome est maintenant livrée à un nouvel empereur qui, comme l’Histoire a révélé, s’est avéré être une catastrophe. Ainsi, la clémence qu’il a manifestée à chaque fois à son frère a été à l’origine de la mort de Tito.  Tito doit être empereur. Mais aux yeux du peuple, il s’est perdu dans son histoire personnelle. La tragédie de Tito, c’est que le merveilleux idéal de réticence humaine à la cruauté qu’il représente pour beaucoup de gens ne peut tout simplement pas être transformé en un modèle social et personnel. La clémence en tant qu’utopie ?  

Koen Bollen dramaturge

Quelques visuels de la maquette de décors

Analyse de la partition L’Ouverture Les deux actes sont précédés d’une ouverture de plan sonate en do majeur, tonalité métaphorique du pouvoir, tonalité de la Symphonie Jupiter. Composée à la veille de la création, l’ouverture offre un condensé des moteurs du drame. La puissance et la souveraineté de Titus sont exprimées par des rythmes pointés comme c’était le cas dans le premier volet de l’ouverture à la française, depuis sa création à la cour de Louis XIV. Cette puissance est confrontée à la violence des intrigues (rythmes syncopés, dissonances) contrebalancée par l’expression de la tendresse et de la véritable amitié : motif des bois au ton de la dominante. Un tutti fortissimo lance l’ouverture à l’unisson, comme celle d’Idomeneo dans une joie lumineuse sur la tonique (do majeur). Puis, s’irradie par glissements chromatiques et syncopes pour rejoindre le ton de la dominante en déclenchant un véritable tumulte de gammes descendantes avec notes répétées de double croches aux cordes, avec la persistance du motif initial de triolet de triple surmonté des croches des bois (flûte, hautbois divisés). Clarinettes et basson, à l’unisson, font entendre le motif initial de triples croches à l’unisson. Le deuxième élément thématique, se fait entendre à la flûte et au hautbois solo qui se doublent à la tierce, symbole de l’amour selon la tradition du premier madrigal italien. L’emploi de la tierce est une constante dans toute cette période puisque les bassons et les violons 1 et 2 se doublent eux aussi à la tierce. Ces instruments associés par similitude introduisent un jeu de timbre séduisant. Le deuxième élément thématique :

Brutal forte sur l’un des accords les plus dissonants employés à l’époque de Mozart, une septième diminuée sur la tonique du second thème.

Le thème de l’amour est fracassé par cette harmonie. Suit un développement modulant laissant la prépondérance aux tonalités mineures : retour des syncopes martelées par les basses (violoncelles, contrebasses, alti) avec forte sur les premiers temps. Le hautbois solo et le basson solo réintroduisent le second thème dans la tonalité principale do majeur selon la règle du plan sonate. Un do majeur que la sonorité du hautbois et du basson couplés à la tierce dévoile la tendresse généreuse de Titus.

Avec la réexposition du premier motif en tutti et de la brillante coda qui superpose le motif de la puissance (rythmes pointés), l’ouverture se termine par l’affirmation de la puissance impériale d’un caractère noble et tumultueux.

IIème acte, Scène VIII. Titus resté seul, assis sur son trône, informé à tort de la trahison de son ami Sextus, explore ses incertitudes. C’est le moment choisi par Métastase donc par Mazzolà, pour présenter le caractère de l’empereur. Pas de recitativo secco, mais un recitativo accompagnato par le quintette à cordes. Tempo : allegro Mesure : 4/4 Une tonalité évolutive en symbiose avec le texte. C’est le quintette à cordes qui assure la transition par une rupture harmonique avec l’Aria d’Annio (Andante) qui se termine par une cadence parfaite en fa majeur. Première section. Le drame personnel est là : le tempo, Allegro, la tonalité, sol mineur, le rythme et l’harmonie, accords syncopés de 7ème diminuée 3ème renversement, qui on le sait est un accord de 9ème de dominante sans fondamentale, l’accord de la douleur, suivi de l’accord de 7ème de dominante, celui de l’interrogation, puis constatation de l’acte : cadence. Emu, Titus clame sa révolte en phrases courtes que le quintette à cordes ponctue de brefs accords dont il faut entendre le traitement précis collé au texte. Tout au long de ce recitativo accompagnato, Titus, interloqué, ému, chantera seul, quelques mots, tout d’abord dans des espaces vocaux réduits, que ponctuent les cordes, qui, elles privilégient l’aigu ainsi qu’un ambitus large : Titus est empereur, la retenue est de rigueur mais le décor imposant. Che orror ! Che tradimento ! (Quelle horreur ! Quelle trahison) Titus ne chante que quelques mots, seul, dans un ambitus étroit de quinte diminuée. Chaque instrument joue une seule note.

Che nera infedeltà (Quelle noire félonie) : cadence parfaite, dramatisée par les accords des 1ers et 2ds violons dans leur intégralité, sur trois cordes ce qui leur confèrent, à la fois gravité et douleur.

Fingersi amico ! Essermi sempre al fianco (Feindre ainsi l’amitié ! Se tenir toujours à mes côtés) : le texte module en do mineur, tonalité des marches funèbres : accord de septième diminuée 2ème renversement puis de do mineur, 1er renversement. Ognimomento (À tout moment /À chaque instant) : c’est la tonalité des Requiem, ré mineur, qui est introduite ici par l’accord de 7ème diminuée, 2ème renversement avec distribution de trois de ses sons aux violons 1 et 2. Esiger dal mio core (Exiger de mon cœur) : nouvelle ponctuation de la 7ème diminuée en ré mineur, de nouveau réduite à un seul son par instrument. Qualche prova d’amore (Quelque preuve d’amour) : depuis le début de ce récitatif, les intervalles mélodiques n’ont pas dépassé la quarte descendante (sur le mot fedeltà). La déception de Titus est soulignée d’une chute de sixtes majeures sur le mot core, le plus grand intervalle rencontré depuis le début de son monologue. Une cadence imparfaite termine cette première étape, ponctuée d’un accord de ré mineur à l’état fondamental, dans son émission la plus réduite : un son par instrument, glas d’une amitié, désespoir retenu. E starmi intando (Et dans le même temps). Titus réagit : sa pensée s’oriente alors vers une attitude de révolte plus objective : tout d’abord, cette phrase n’est séparée de la phrase précédente que par un quart de soupir avant de se lancer dans la véhémence d’une sixte majeure, intervalle mélodique le plus mozartien qui soit (écouter l’air de Tamino dans La Flûte Enchantée). Il est suivi d’une quinte diminuée descendante qui amène une modulation en si bémol majeur, première tonalité majeure depuis le début de ce recitativo accompagnato, annoncée par un accord de 7ème de dominante, 2ème renversement, dont les violons énoncent trois de ses sons. C’est précisément à cet instant que Titus semble vouloir se décider. Preparando la morte (Préparant ma mort) : la ligne de chant dessine une ligne conjointe descendante, la première depuis le début de cette scène. Ed io sospendo ancor la pena ? (Et je suspends encore le châtiment ?) E la sentenza : le récitatif suit une direction ascendante jusqu’au mot sentenza (sentence). Partant du si bémol chaque fois, il atteint successivement le ré bécarre, le mi bémol, le mi bécarre, suivant une progression chromatique, en phrases courtes, interrompues de quarts de soupir et ponctuées par le quintette à cordes, enrichi des accords des violons jusqu’au mot pena. Quant au mi bécarre qui devrait se résoudre sur un fa, il reste suspendu, en attente, anticipant le point d’interrogation, ressenti bien plus fortement qu’à son arrivée et là, plus d’accord des violons, mais une seule note : l’exaltation révoltée de l’homme contre lui-même, contre son attitude injustifiable mais aussi sa solitude de chef d’état. Ancor non segno ? (Je ne l’ai pas encore signée ?) : une seconde augmentée descendante, intervalle prohibé dans la pratique bienséante de l’écriture mélodique et ici soulignée par le chromatisme descendant des basses, sol-sol bémol, sommet de la révolte de Titus. Cette première période se conclut par une cadence suspensive à la dominante ou demi-cadence en si bémol majeur, suivie d’un point d’arrêt : le vocabulaire de l’hésitation, du doute, de l’interrogation, complété par une cadence rompue en ré bémol majeur. Les audaces harmoniques beethoveniennes sont là ! Cette rupture tonale se justifie ici par le climax de la fureur douloureuse de l’empereur.

Deuxième section Si au cours de la première partie, les cordes étaient restées relativement discrètes, elles sont plus présentes maintenant, évoluant encore dans un large ambitus, dès l’arrivée de la tonalité de ré bémol majeur. Précédant le chant de Titus en déployant, en arpèges descendants en trémolos de doubles croches, deux accords parfaits de la bémol et de ré bémol : il s’agit tout de même de signer une condamnation à mort. Il prend la plume pour signer, puis s’arrête Ah si, lo scellerato mora ! mora (Ah oui, que le scélérat meure ! Qu’il meure) : Seul, dans le silence, Titus reprend son rôle de gouvernant, l’écriture des cordes changent alors ici, ponctuant chaque élément mélodique de rythmes pointés, métaphore musicale à la fois du pouvoir et de la mort, innovée par l’Ouverture à la française. Ma senza urdirlo/ mando Sesto a morir (Mais sans le lui dire, j’envoie Sextus à la mort) : Les cordes soutiennent en valeurs longues un bel accord de 7ème de dominante qui introduit le ton de la bémol majeur. Il précède le climat de tendresse dans lequel le texte va se dérouler. Si : già l’intese abbatenza il senato (Oui : le Sénat l’a suffisamment entendu) : Aucun soutien du chant ici ; cependant, parce que le texte renoue avec l’affaire d’État, les cordes de nouveau ponctuent le texte d’accords en rythmes pointés, martiaux. E s’egli avesse qualche arcano a sverlarmi (Et s’il avait quelque secret à me dévoiler ?) : Un accord de 7ème diminuée en fa mineur interrompt Titus, révèle son angoisse dont jamais il ne fait part. Puis il poursuit suivant une ligne mélodique ascendante, en mouvement conjoint qui le conduit à une cadence imparfaite en fa mineur, ton funèbre. Il pose sa plume alors qu’entre un garde. (Olà), chanté sur un intervalle de quarte augmentée, Diabolus in musica, engage l’harmonie vers une nouvelle cadence imparfaite elle aussi en mi bémol majeur, tonalité de la sagesse maçonnique. S’ascolti, e poi vada al supplicio (Ecoutons-le, puis qu’il aille au supplice) : seuls les demi-soupirs, la ligne descendante, et la demi-cadence en mi bémol dévoilent le drame de l’empereur. A me si guidi Sesto. (Que l’on m’amène Sextus.) Le garde s’en va.

Alors qu’un accord parfait, 1er renversement en mi bémol majeur, tonalité maçonnique, affirme l’autorité du monarque, le quintette à cordes la contredit : 1ers violons et altos dessinent une ligne ascendante conjointe chromatisante, les 2nds violons, les violoncelles et contrebasses, en ligne descendante ; les syncopes des premiers violons accusent plus encore l’ambiguïté de cette situation, attitude du monarque, douleur de l’ami.

Un nouveau mode de jeu de cordes est alors entendu dans ce qu’on peut considérer comme la transition vers la troisième section de ce recitativo accompagnato.

Troisième section Tout au long de cette troisième section, le quintette soutient la réflexion de Titus sur le sort des monarques en développant, en valeurs longues et en jeu lié, legato, sans un silence, une harmonie particulièrement mouvante et cela dans un ambitus restreint et une tessiture moyenne, ce qui confère à cette période une couleur intime, secrète, la nostalgie d’un ailleurs. E pur di chi regna infelice il destino ! (Comme le destin de ceux qui règnent est malheureux !) Cette méditation débute donc en si bémol majeur ; une cadence parfaite, 7ème de dominante à l’état fondamental se résolvant sur un accord parfait, conclut la 2ème période tout en appartenant à la suivante par le texte lui-même. A noi si negaciô, che a’più bassi è dato (On nous refuse ce qui est accordé aux plus humbles). Jusqu’à la fin, les intervalles du chant n’iront jamais au-delà de la quarte augmentée ou de la quinte diminuée et évoluera dans un espace vocal, un ambitus, qui ne dépassera pas la 9ème majeure. Le premier élément de la phrase A noi si negaciô provoque une rupture harmonique brutale par un accord de 7ème diminuée qui entraîne une modulation en sol mineur. Seules les modulations seront ici indiquées. In mezzo al bosco, quel villanel mendico, a cuicirconda ruvida lana il rozzo fianco (Le mendiant du village dont les flans grossiers sont entourés d’une laine rugueuse) : modulation en la mineur, par une cadence parfaite annoncée par le sol dièse des 1ers violons puis par le chant, première tonalité non bémolisée, banale, ton relatif de do majeur, se démarquant des tonalités en bémol qui ont accompagné ce monologue depuis le début. Mozart marque ainsi la frontière entre le monde des puissants et celui des humbles. A cui è mal fido riparo dall’ingiurie del ciel tugurio informe (À qui un taudis informe sert de faible protection aux agressions du ciel) Mozart rejoint les tonalités en bémol et ne les quittera plus jusqu’au do majeur des deux dernières mesures du monologue. La tierce mineure si bémol-sol apporte une teinte de pitié à l’accord de 7ème de dominante, deuxième renversement, au mot riparo, puis s’élance vers le sol aigu, note la plus élevée de ce récitatif, avant de descendre par un mouvement de sixte majeure (encore !) tout en préparant une cadence imparfaite en fa majeur : ému mais indécis, l’empereur reste maître de lui face au destin de son peuple.

À partir de l’arrivée du ton de fa majeur, l’harmonie parcourt uniquement des tonalités majeures en bémol toujours déployées par le quintette à cordes maintenu en legato dans une tessiture moyennement grave : mi bémol, la bémol, puis retour en mi bémol : la fin de cette 3ème section par la présence dominante du ton de mi bémol majeur se réfère indiscutablement à l’idéal de sagesse de la Franc-maçonnerie, tout en évoquant un bonheur bucolique. Placido i sonni dorme, passa tranquillo i di (Dort d’un sommeil paisible, passe des jours tranquilles) : non seulement le mode majeur se confirme, mais les césures du chant se font sur des tierces majeures.

Molto non brama : sa qui l’odia, e chi l’ama : unito solo torna si curo alla foresta, al monte ; e vede il core a ciascheduno in fronte (Il demande peu : il sait qui le hait et qui l’aime : en compagnie ou seul, il se rend en toute sécurité à la forêt ou à la montagne ; et lit aisément dans le cœur de chacun) : la cadence parfaite en mi bémol majeur annoncée, d’une part par les deux soupirs des cordes, la chute du chant sur la dominante si bémol, sa ponctuation par l’accord parfait de si bémol joué par le quintette ne s’enchaîne pas à l’accord de mi bémol majeur attendu mais à un accord de fa majeur premier renversement. C’est le moment que Mozart a choisi, soucieux d’apporter au texte sa plus juste correspondance, d’introduire le clavecin qui rejoint le quintette à cordes à la manière d’un fondu-enchaîné, quintette que l’on n’entendra plus à partir d’ici. Il est maintenant remplacé jusqu’à la fin par la basse continue ou continuo : seuls le clavecin et un seul violoncelle vont réaliser maintenant l’harmonie. Le recitativo accompagnato laisse la place au recitativo secco. C’est par ce procédé inattendu aussi bien qu’efficace que Mozart accuse le retour à la réalité de la misère affective et morale des monarques. Noi, fra tante richezze sempre incerti viviam : (nous, entourés d’une magnificence infinie, nous vivons toujours dans l’insécurité :) l’espace vocal est ici réduit ainsi que l’accompagnement, comme pour contredire la magnificence évoquée, Titus seul dans sa fonction, musicalement seul aussi.

Che in faccia a noi la speranza o il timore trasforma il core (car devant nos yeux, l’espérance ou la crainte dissimule le cœur de chacun sous son visage) : Seul instant, où Titus laisse exprimer sa déception : le seul véritable élan mélodique de tout le récitatif, en fa Majeur d’autant mis en valeur qu’il n’a pour soutien que le continuo. La cadence rompue ramène la tonalité de do majeur, tonalité du pouvoir : Chi dall’infido amico (chiamando verso il fondo) (holà) chi mai questo temer dovea ? (Qui devait craindre cela d’un ami fidèle ?)

Donc, juxtaposition de la fonction impériale, do majeur, qui est responsable de la trahison d’un ami. Le dernier élément questo temer dovea ? se dessine suivant le contour d’accord parfait, contour de l’interrogation et, à entendre l’enchaînement harmonique réalisé par le la du violoncelle, assurant ainsi la continuité de la scène, sans aucune rupture. Au cours de ce recitativo accompagnato, Mozart éclaire la méditation retenue de Titus essentiellement par l’harmonie, le mode de jeu du quintette à cordes, le passage du recitativo accompagnato au recitativo secco : ils révèlent ce que le texte suggère. Le drame prend ici une dimension spirituelle émouvante. Titus s’y découvre une âme par l’écriture musicale qui déborde le texte. Dans L’Enfance du Christ, Berlioz se souviendra probablement de ce texte pour l’air d’Hérode Oh misère des rois, régner et ne pas vivre. Scène IX, N°9 Aria de Sextus. Dans le récitatif précédent, Vitellia a essayé d’obtenir de Sextus le meurtre de Titus en lui faisant un chantage à l’amour. Le texte, de Métastase ici, déclare le don d’une soumission totale et la supplication d’être aimé en retour. Trois parties : Adagio, Allegro, Allegro assai. Orchestration : 2 Hautbois, 1 clarinette en Si bémol, 2 bassons, 2 cors en Si bémol, quintettes à cordes. Dans cet aria, héritée de l’opera seria, la clarinette de basset en si bémol est ici soliste, choisie pour son charme certes mais aussi pour sa nouveauté, considérée par Mozart comme symbole d’avant-garde mais aussi instrument de prédilection des loges franc-maçonnes.

Deux quatrains : A) Adagio, Si bémol majeur. 3/4. Parto, ma tu ben mio /meco ritorna in pace (Je pars, mais toi, ma bien aimée, fais la paix avec moi) Sarô qual più ti piace, /Quel che vorrai farô (Je serai tel que tu le souhaites / Je ferai ce que tu voudras) Le texte commande la structure musicale : l’orchestre, martial, introduit la voix en déployant l’arpège de si bémol majeur en rythmes de marche, croche pointée-double, mais comme il sait l’indécision de Sextus, en mouvement descendant. Si Sextus semble décidé tout d’abord dans ses deux Parto, parto, les cordes elles n’y croient pas et semblent sourire dans leurs arpèges de triples croches, rapidement redouble de charme : ma tu ben mio, sur la tenue des cors, on entend les tierces chromatiques des cordes évoquant l’attente du jeune homme. Meco ritorna in pace : chantée deux fois, cette deuxième phrase introduit l’entrée de la clarinette solo qui, ainsi, fleurit une banale cadence parfaite ; le dialogue concertant ici débute, opération de charme, lancée aussi par le rythme régulier, dansant, des cordes. La mesure à trois temps s’y prête : le pas de charge de l’amour dira Hector Berlioz.

Sarô qual più ti piace : Sextus devient plus pressant et c’est maintenant que débute le dialogue avec la clarinette. Chantée deux fois, lancée par un intervalle de sixte majeure, puis de 7ème mineure, puis se risque à un mélisme, imité par la clarinette qui, à la deuxième intervention, plus ornementée, chute sur un saut d’octave, désillusion du personnage désappointé par le non-recevoir de Vitellia. Quel che vorrai farô : maintenant, c’est la promesse d’une allégeance totale, illustrée par un arpège de 7ème de dominante en fa majeur, commentée par les rythmes pointés des cordes, demi-cadence.

Interlude instrumental, la clarinette varie le motif entendu précédemment, mais, déconfiture totale : chute de plus de deux octaves à la suite de laquelle, Sextus s’entête et chante une reprise variée de cette première strophe cependant que la clarinette, elle, devient de plus en plus virtuose. Arpèges en triple croches, parcourant entièrement son chant sonore à l’image de l’amour total qui habite Sextus. Lorsque qu’il reprend les deux derniers vers, encouragé par ces fragments d’écriture virtuose, il ornemente timidement son chant de trilles, d’arpèges, de longs mélismes, d’appoggiatures. Cadence parfaite en fa majeur, ton de la dominante de si bémol Majeur. Point d’arrêt, silence, perplexité.

B) Allegro, Si bémol majeur, 4/4. Comme l’adagio précédent, l’introduction instrumentale de cette deuxième section bâtie sur l’accord de si bémol majeur peut être ressentie comme une introduction de concerto, puisque immédiatement suivie des colorature virtuoses de la clarinette. Guardami, e tutto oblio, e a vendicarti io volo (Regarde-moi et j’oublie tout) : changement d’attitude, Sextus devient autoritaire, attaques sur le premiers temps, valeurs longues mais aussi rythmes pointés, accords impérieux des cordes. E a vendicarti io volo (Et je vole te venger) : sur une pédale de fa, les arpèges volubiles ascendants de la clarinette ont déjà anticipé le texte ornementé de trilles. La longue cadence sur la dominante fa, surligne l’attente non dite pour l’instant.

Un nouveau motif de la clarinette, hésitant, brodant ce fa, entendu deux fois, la deuxième fois agrémenté d’une double broderie, enserre le premier élément des deux derniers vers « A questo sguardo solo /Da me si penserà » (À ce regard seul, iront mes pensées).

Quant au deuxième élément, il est chanté la première fois, sur la seule tenue des cordes de l’accord de fa majeur, pour être bien compris de Servillia. Suppliant, Sextus le reprend par un glissement chromatique, si bémol-si bécarre, qui prépare la cadence parfaite en si bémol majeur, la certitude de Sextus, immédiatement contredite par le motif chromatique des violoncelles et des altos ainsi que par les syncopes des 1ers et 2ds violons.

Troisième retour de la première strophe dans un nouvel environnement où seules sont admises les cordes ; les syncopes des 1ers et 2ds violons demeurent, l’insistance du si bémol des premiers violons accuse la brutale et brève modulation en do mineur, puis retour au ton principal. Le dernier vers Quel che vorrai farò est commenté par le retour de la clarinette solo qui déploie un arpège aller-retour de 7ème de dominante en fa majeur auquel répond la cadence vocale de Sextus. De nouveau, point d’arrêt, grand silence interrogatif ; Guardami : dernières supplications, suivies de long silences, et resurgit le motif de clarinette encadrant A questo sguardo solo. Le dernier vers est entendu deux fois, la première présentée sur un accord parfait de si bémol majeur, ton principal, la deuxième le si bécarre, appoggiature du do, griffe de de sa dissonance le me.

C) Allegro assai Délire de Sextus ! Et de son alter ego, la clarinette. Sur le plan dramatique, deux interprétations sont possibles, soit elle simule l’agacement de Vitellia, soit tout au contraire la folie et les hallucinations de Sextus.

A qual poter, oh Dio, donaste alla beltà. (ils partent) (Ah, quel pouvoir, ô Dieux, avez-vous donné à la beauté.) Maintenant place au délire. Ces deux vers propulsent l’ivresse vocale du personnage, qui, à son tour, déclenche celui de la clarinette de basset. Virtuosité vocale, virtuosité instrumentale dialoguent à la fois dans une complicité qui évoque celle d’un double concerto.

Impétueux, l’orchestre développe un arpège brisé de si bémol majeur avec trémolos des violons et altos en guise de préambule et de réponse aux deux vers qui débutaient l’allegro précédent : Guardami e tutto oblio, e a vendicarti io volo qui, ici, prennent une expression héroïque et volontaire par leur écriture syllabique dessinant un accord de si bémol majeur en rythme pointé révélant un Sextus autoritaire ! Entrent alors les arpèges aller-retour puis atteignent la note la plus grave de l’instrument, le sib : ils précèdent le délire de Sextus. Au premier énoncé du texte, les syllabes liées par deux glissent sur un pentacorde descendant, seulement. Le premier retour de la phrase donaste alla beltà, qui sera reprise trois fois au cours de l’aria, se fêle tout d’abord sur des tierces descendantes, fracture de la volonté du personnage qui, halluciné, délire, et vocalise sur la gamme de si bémol majeur en tierces brisées et brodées, première collorature, qui atteint le si bémol aigu, note la plus aigüe du rôle mais aussi de la clarinette, puis trille et frémit sur le mot beltà. La clarinette de basset l’imite, seule, pendant une mesure puis le chant la rejoint à la deuxième répétition du texte et tous deux chantent en canon, se doublant ainsi à la tierce, intervalle métaphorique de l’amour initié depuis le tout début du figuralisme par le madrigal italien ! La clarinette poursuit ses évolutions sans rupture jusqu’au retour de la vocalise initiale de Sextus au moment de la troisième répétition de la phrase-support. Lors du retour de l’intégralité du texte, la ligne de chant, figée en valeurs longues, déchirée en chute de dixième mineure puis de neuvième majeure, syncopée, révèle un être halluciné cependant que la clarinette l’irradie de ses arpèges. Cette période se crispe sur le trille de la voix.

Complètement anéanti, Sextus n’arrive plus à s’exprimer : des soupirs entrecoupent sa ligne de chant, silences complétés par les accords brisés de la clarinette, descendants, interrompus eux aussi de silences. L’orchestre conclut ce magnifique aria par le retour de son introduction que termine une cadence parfaite en si bémol Majeur. La succession Adagio, Allegro, Allegro assai de cet air, inclusion probable dans l’opéra d’un air de concert déjà écrit, annonce la structure des arias des opéras du premier romantisme cantabile, tempo di mezzo, cabaletta. (À écouter ou réécouter dans Norma de Vincenzo Bellini l’aria Casta diva de tempo andante sostenuto assai, tempo di mezzo, cabaletta, avec il est vrai, l’intervention d’un chœur). L’écriture de cet air correspond parfaitement aux états d’âmes de Sextus.

Acte I. N° 12 : Finale. Quintette avec chœur, Allegro, mi bémol majeur, 4/4 Ce finale est amené par le recitativo accompagnato n° 11 de Sextus. L’affolement du personnage a atteint son paroxysme sur un long sol bémol aigu ; il veut arrêter l’incendie qu’il a déclenché mais il est trop tard et c’est après ce cri que débute le finale.

C’est une scène nocturne, au milieu du Forum, bientôt éclairée par l’incendie du Capitole. Sextus croit l’attentat accompli, les flammes commencent à apparaitre. Les personnages entrent les uns après les autres, augmentant la tension dramatique. Sextus ouvre ce finale par un monologue dans lequel il tente d’accepter l’idée du parricide et s’adresse alors aux Dieux : Deh conservate, oh Dei / A Roma il suo splendore (De grâce, conservez, ô Dieux, à Rome sa splendeur). L’orchestre au complet, clarins et timbales exceptées, attaque un puissant accord de mi bémol majeur, qu’il tient en valeur longue de ronde : la tonalité de Titus, et précède son élan vocal emphatique O almenoi giorni miei con suoi troncare ancor (Ou alors, tranchez ma vie avec la sienne) : seules les cordes soutiennent ce texte ; surviennent ici rythmes pointés et syncopes qui le dramatisent.

Les trompettes rejoignent les cordes : Amico, dove vai ? (Ami, où vas-tu ?) interpelle Annius. Réponse de Sextus Io vado, io vado… lo saprai Oh dio ! (Je vais, je vais…tu le sauras Ô Dieux !) : les attaques f de l’orchestre en staccato se joignent à celles de Sextus. La répétition du texte lo saprai, oh Dio amène celle des violons, puis leur motif de syncope : battements du cœur de Sextus peut-être, son émotion dont le texte dit si peu ! Celle-ci ébranle même l’harmonie avec une rupture tonale rare, sol bémol majeur. C’est dans cette tonalité que Sextus donne sa réponse confirmée par une cadence parfaite : « lo saprai per mio rosso » (tu le sauras à ma rougeur). (Il monte rapidement au Capitole).

Scène XII Réponse d’Annius : « Io Sesto non intendo … ma qui Servilia viene » (Je ne te comprends pas Sextus… mais Servilia arrive) : c’est l’harmonie ici qui devient éloquente. Le premier élément de la phrase, incompréhension d’Annius, amène carrément le ton de si bémol majeur alors que l’on attend celui de si bémol mineur, incompréhension d’Annius, contradiction tonale ! La tonalité de sol mineur qui lui succède, introduit celle de do mineur, confirmée par la cadence parfaite qui accompagne l’arrivée de Servilia. Importante sur le plan dramatique, elle est soulignée, irradiée par les accords de l’orchestre renforcés par les groupes-appoggiatures des cordes à l’unisson, simulant un roulement de tambour : une entrée d’impératrice !

Servilia : Ah che tumulto orrendo (Ah, quel horrible tumulte) Le vocabulaire musical de la tragédie est ici réuni : permanence de la tonalité de do mineur affirmée seulement par des accords de tonique et de dominante, trémolos furieux des cordes, scandés toutes les deux mesures par les accords tenus en tutti des vents au complet, (les clarins sont revenus !) ainsi que par les basses appoggiaturées d’arpèges. C’est dans ce fracas de tempête que se déroule le bref dialogue d’Annius et de Servilia qui, lui aussi adopte le vocabulaire héroïque : arpèges en rythme noire pointée-croche : Annius Fuggi di qua, mio bene (Fuis d’ici , ma bien-aimée). Servillia : Si teme che l’incendio non sia del caso nato. Ma con peggior disegnoad arte suscitato (On craint que l’incendie ne soit pas le fruit du hasard, mais qu’il ait été provoqué à dessein par une volonté malveillante). À partir de cette période, l’écriture vocale de chaque personnage ainsi que celle du chœur, sera traitée à la manière d’une variation établie à partir de ces deux motifs, un arpège et un bref dessin mélodique descendant, parce que tous sont envahis par l’horreur et la peur. Le premier cri du chœur horrifié par l’incendie, 7ème diminuée, 2ème renversement en fa mineur trouve un écho dans l’arpège descendant de la 9ème de dominante mineure de la même tonalité, en doubles croches répétées, et assure une double fonction : dramatique et dialectique en assurant la transition entre le dialogue Annius-Servillia et l’intervention de Publius, seul adulte au milieu de cette jeunesse exaltée ou indécise. « v’è in Roma una congiura, per Tito, ahimè, pavento : di questo tradimento chi mai sarà l’autor ? » (Une conjuration se trame à Rome ; je crains hélas pour Titus ; qui peut donc être l’auteur de cette trahison ?). L’intervention de Publius est précédée d’un arpège descendant de 7ème diminuée en fa mineur constitué de doubles croches.

Ce motif peut être considéré comme un refrain varié, séparant toute nouvelle intervention de personnage. Cette phrase reprend une variante de celle de Servilia mais en fa mineur. Deuxième cri du chœur, plus dissonant ici, accord de quinte diminuée fa-la bémol-si bécarre avec do comme basse, accord appoggiature de l’accord de do majeur, joué en écho puis résolu par le trio, Servillia, Annius, Publius sur un accord de do majeur, dominante de fa mineur : Le grida, ahimè, ch’io sento (Les cris, Hélas ! que j’entends). Troisième cri, nouvelle 7ème diminuée, 2ème renversement en fa mineur repris par le trio, mi fan gelar d’orror (me glacent d’horreur !). Quatrième cri, nouvelle 7ème diminuée, 3ème renversement en sol mineur un ton au-dessus.

Scène XIII Sur ce dernier cri surgit Vitellia : « Chi per pietade, oh Dio, m’a ditta dovè Sesto ? (In odio a me son’io, ed oddi me terror) (Qui, par pitié, peut me dire où est Sextus ?) (Je m’inspire à moi-même haine et terreur) Vitellia, avec violence adopte une écriture semblable à celle qui accompagnait l’entrée de Servillia, mais avec surenchère sur la note de départ, ré, dominante de sol mineur donc interrogative, à la place de do, tonique de do mineur affirmative, surenchère aussi sur l’écriture rythmique : noire pointée-croche, syncopes de noires. Les trémolos de cordes en doubles croches monnayent l’harmonie de 7ème diminuée en laquelle résonnent la haine et la terreur de Vitellia. Retour du motif-refrain des 1ers violons. Le trio Servillia, Annius, Publius reprend la dernière phrase de l’intervention de Publius, Di questo tradimento chi mai sarà l’autor ? Les contretemps des cordes figurent l’émoi de ces fidèles de Titus, les cris du chœur les accords fp des vents sans les clarins (trompettes aigues baroque en mi bémol), les trémolos frénétiques des cordes : la terreur du peuple. Seule, Vitellia ose deux échappées en deux gammes ascendantes modulantes, la première allant de sol mineur à do mineur, « le grida ahimè ch’io sento, la deuxième, mi fan gelar d’orror », puis de do mineur à fa mineur.

Elles chutent toutes deux, sur des harmonies de 7ème diminuée, exprimant ainsi le dépit du personnage qui n’a su profiter de l’occasion pour réaliser son projet : épouser Titus. Elle dynamise le dialogue trio-chœur, les cris se rapprochent aussi. La tension dramatique augmente ; l’orchestre développe en tutti un accord de septième diminuée en fa mineur, attaqué par sfp qui se mue en une 7ème de dominante, le mi bécarre devenant mi bémol. On entend de nouveau le refrain des premiers violons, préparant pour la première fois une cadence parfaite en majeur, la bémol majeur. Un sinistre roulement de timbales l’accompagne pendant que l’on voit Sextus descendre, affolé, du Capitole en flamme. Le quintette est maintenant au complet.

Scène XIV Ah dove mai m’ascondo (Ah, où vais-je donc me cacher) : une ligne mélodique associant intervalles disjoints et conjoints, rythme ïambique, phrases courtes, accords hostiles des vents, trémolos des cordes, la bémol Majeur, tout concourt à accuser la dislocation de Sextus. Apriti, oh terra, inghiottimi (Ouvre-toi , ô terre, engloutis-moi) : le figuralisme mélodique maintenant prévaut : élan vocal vers la longue tenue du sol bémol, suivie d’une chute d’octave. Grand silence puis, E nel tuo sen profondo (Et dans ton sein profond) : ces mots font parcourir à la voix un arpège descendant de 9ème de dominante dans un ambitus de 12ème juste, en blanches ponctuées des contretemps des cordes : la chute dans l’abîme ! Rinserra un traditor (Enferme un traître) : les formules cadentielles, cadence rompue, puis cadence parfaite en la bémol Majeur, confirment l’ordre de Sextus. Lorsque le texte est repris, la voix effectue une chute spectaculaire de 9ème Majeure sabrée des accords de tout l’orchestre

Suit un bref dialogue entre Vitellia et Sextus au cours duquel Sextus annonce à celle qu’il aime, l’assassinat de Titus La nobil alma versô dal sen trafitto (La noble âme a quitté son sein percé) en un récitatif accompagné par les accords et trémolos du quintette à cordes. Point d’arrêt et grand silence de stupéfaction, suspense. Andante alla breve, Do mineur, 2/2 Qual destra rea macchiarsi potè d’un tal delitto ? (Quelle main coupable a pu se souiller d’un tel crime ?) : le trio Publius, Annius, Servillia, interloqué, s’interroge : écriture homophonique, doublée par le quintette à cordes. Réponse de Sextus Fu l’uomo più scellerato, l’orror della natura (C’est l’homme le plus scélérat, l’horreur de la nature), l’exaltation de Sextus atteint son climax : chute d’octaves suivies d’une tierce descendante étendent l’espace vocal à une dixième, on entend alors au hautbois solo une brève montée chromatique, mi bémol-mi bécarre-fa, doublée par les cordes qui seules ici interviennent. Silence, attente, abandon de l’andante suivi d’un récitatif en 4/4, accompagné des cordes Fu… Fu… (C’est… C’est…), bref silence, Sextus est sur le point de s’accuser. Rapide intervention de Vitellia, « Taci, forcenato, deh non ti palesar ! » (Tais-toi, forcené, de grâce ne te trahis pas !).

Retour de l’Andante à 2/2 et c’est alors que Mozart a écrit peut-être la page la plus grandiose de toute son œuvre dramatique, une déploration émouvante. Le quintette, maintenant au complet, va dialoguer avec le chœur. L’écriture du quintette et du chœur, le peuple romain, est homophonique, dans le style « choral ». « Ah ! dunque l’astro è spento, è spento di pace apportator » (Ah ! l’astre s’est donc éteint, il s’est éteint celui qui apportait la paix.) Seules les cordes doublent les solistes. La première partie de leur texte est entrecoupée de demi-soupirs cependant que la seconde, évoquant la paix, suit une ligne continue. Chœur et solistes se lamentent, « Oh nero tradimento, oh giorno di dolor ! » (Ô noire trahison, ô jour de douleur), le mot tradimento scandant cette lamentation, chanté aussi bien par le quintette que par chœur.

D’autre part, le rythme croche pointée-double, les emprunts aux tonalités rares de si bémol mineur, mi bémol mineur apportent à ce final la couleur d’une marche funèbre. Ce dialogue chœur-solistes termine l’Acte I dans le recueillement, confirmant la tonalité de mi bémol Majeur, la tonalité de Titus le Sage ici, mais aussi tonalité dominante de La Flûte enchantée, tonalité de la Raison.

Sommet de la science tragique de Mozart, ce finale enchaîne les scènes sans rupture ; chaque arrivée des personnages, orientée dans une même direction, augmente la tension dramatique. Sextus et Vitellia, seuls, interviennent. Servillia, Annius, Publius, servent de résonateurs au crescendo de l’émotion, faisant partie du peuple romain avec qui ils dialoguent, passant de l’émotion devant l’incendie à la déploration funèbre. Que ce soit dans le récitativo accompagnato, l’aria de Sexto, ce final, seuls des moyens rigoureusement musicaux créent les effets dramatiques.

En savoir plus… Conférence de Benjamin François jeudi 2 avril 2015 à 18h30 - Salle Molière

Rencontre avec les artistes à l’issue de la représentation du dimanche 5 avril 2015

Biographies des artistes Julien Masmondet direction musicale Après avoir officié comme assistant de Paavo Järvi à l’Orchestre de Paris jusqu’en juin 2014, Julien Masmondet a de nombreux projets pour les saisons à venir. Il est invité par ailleurs à diriger des orchestres comme l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, l’Orchestre National de Lille, l’Orchestre de Bretagne, l’Orchestre de l’Opéra de Rouen, l’Orchestre de l’Opéra de Toulon. Julien Masmondet a été l’invité d’orchestres comme l’Orchestre Symphonique National d’Estonie à Talinn, l’Orchestre National de Lyon, l’Orchestre de l’Opéra de Rouen dans des concerts symphoniques et une production lyrique, l’Orchestre de Pau Pays de Béarn, l’Orchestre Symphonique de Bienne, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, l’Orchestre de l’Opéra de Massy dans du répertoire lyrique. Son travail à l’Orchestre de Paris lui a permis de travailler, outre Paavo Järvi, qui est un de ses plus actifs soutiens, auprès de chefs comme Louis Langrée, Herbert Blomstedt, Christoph von Dohnanyi, Yutaka Sado, David Zinman, Bertrand de Billy et de solistes comme Emmanuel Ax, Nikolai Znajder, Tabea Zimmermann, Valeriy Sokolov, Jorge Luis Prats, Henri Demarquette, ou Vincent Le Texier et Sara Mingardo pour le lyrique. L’Orchestre de Paris lui avait aussi confié la baguette pour le festival Radio Classique à l’Olympia en juin 2012. Depuis 2005, Julien Masmondet est directeur artistique du Festival Musiques au Pays de Pierre Loti qu’il a fondé en Charente-Maritime. Sa programmation associant musique et littérature et consacrée à la redécouverte d’œuvres et de compositeurs français rarement joués tels que Ropartz, Koechlin, Caplet, Pierné, Hahn et Messager a distingué le festival comme l’un des plus originaux dans le paysage culturel français. Pour mener ce projet artistique, Julien Masmondet collabore avec des comédiens prestigieux comme Marie-Christine Barrault, Dominique Blanc et Didier Sandre et accompagne de nombreux solistes de renom. Les projets d’échanges et d’ouverture à l’international verront la création du Festival à Istanbul en 2015. Julien Masmondet accorde une importance particulière au partage et à l’aspect pédagogique de son métier ; c’est ainsi qu’il dirige de nombreux projets pour le jeune public et s’emploie à transmettre la musique au plus grand nombre à travers des concerts en prison, et au bénéfice de publics défavorisés. Il a également enseigné la direction d’orchestre à l’Ecole Normale de Musique de Paris – Alfred Cortot. Né à Paris en 1977, Julien Masmondet a étudié la composition et la direction d’orchestre à l’Ecole Normale de Musique de Paris – Alfred Cortot ou il a obtenu en 2002 le diplôme supérieur de direction d’orchestre dans la classe de Dominique Rouits. Il se perfectionne ensuite auprès de Yoel Levi en Israël et à la Royal Academy of Music. Jorinde Keesmaat mise en scène Après des études de théâtre musical au Mountview Academy of Theatre Arts de Londres, Jorinde Keesmaat a étudié la mise en scène à l’École supérieure des Arts ArtEZ (Pays-Bas). En 2003, elle obtient son diplôme avec une représentation au Vital Theatre à New-York. Elle se consacre ensuite principalement au théâtre et travaille notamment pour le Toneelgroep Amsterdam, le théâtre belge NTGent, et assure la mise en scène de productions libres. Elle a été l’assistante à la mise en scène de Peter Greenaway, de Christoph Marthaler et d’Ivo van Hove. Depuis 2004, Jorinde Keesmaat travaille en étroite collaboration avec le metteur en scène Krzysztof Warlikowsi, dont elle a assuré la reprise des mises en scène de L’Affaire

Makropoulos (Janáček) à l’Opéra national de Paris, Le Roi Roger (Szymanowski) au Teatro Real de Madrid, et Poppea e Nerone (Monteverdi) à l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon. Depuis 2007, Jorinde Keesmaat se consacre essentiellement à la mise en scène de productions multidisciplinaires de musique classique et d’opéras. En 2007, elle a signé la mise en scène d’une pièce de théâtre pour la jeunesse, Troje – Argos 0-1, une adaptation de l’Orestie d’Eschyle pour le Toneelgroep Amsterdam. Depuis quatre ans, Jorinde Keesmaat est le metteur en scène du programme mensuel Tracks du Concertgebouw à Amsterdam, avec notamment la mise en scène du concert de la chanteuse Nora Fischer en 2014. Pour le jubilé du Théâtre Carré à Amsterdam, elle a créé 1000 stemmen in Carré : un concert rassemblant 1 000 chanteurs, sur une composition de Merlijn van Twaalfhoven. Pour la Fondation du 4 et 5 mai du Concertgebouw et le Grachtenfestival (festival des canaux d’Amsterdam), elle s’est chargée de la mise en scène de Symphonie n°4, un concert basé sur la quatrième symphonie de Mahler avec Ramsey Nasr et le Amsterdam Ensemble. Pour le Residentie Orkest, elle réalise une adaptation « semi staged » des opéras de Mozart Don Juan, La Flûte enchantée et Les Noces de Figaro, et en 2013 elle met en scène la Symphonic Junction au Paard van Troje à la Haye. En 2012, elle met également en scène le Prejubileum Concert, avec Geert Mak et Andreas Scholl, pour le lancement du 125e anniversaire du Concertgebouw Amsterdam, et en 2013 le Eerste jubileum concert van het Concertgebouw avec Geert Mak et Eva-Maria Westbroek. Elle réalise la mise en scène du premier Dividendconcert du Concertgebouw avec le Amsterdams Sinfonietta et Christina Branco et en 2013 a lieu le deuxième Dividend Concert avec le Gelders Orkest et Eva-Maria Westbroek. Par ailleurs, Jorinde Keesmaat crée et assure la mise en scène de projets pour l’Orchestre philharmonique néerlandais, le Jazz Orchestra du Concertgebouw et le Noord Nederlands orkest. Elle est également très demandée comme coach de jeunes musiciens talentueux. Durant l’été 2014, Jorinde Keesmaat a réalisé la mise en scène d’Orfeo, une adaptation du film Orfeo Negro et de l’opéra Orphée et Eurydice de Gluck pour le Sweelinck Orkest à Amsterdam. En 2014, elle a également effectué la mise en scène de l’opéra Hänsel und Gretel de Humperdinck avec l’Orchestre du Koninklijke Concertgebouw à Amsterdam et le Noord Nederlands Orkest in de club avec Noisa à Groningen. Brendan Tuohy Tito empereur romain Originaire de l’État de Washington, on a pu entendre le ténor Brendan Tuohy interpréter le rôle de Diomede au Festival d’Aix-en-Provence avec l’Opéra d’Angers-Nantes et l’Opéra de Rennes, dans une nouvelle production du chef-d’œuvre méconnu de Cavalli, Elena. Depuis deux étés, il a incarné ce même rôle partout en France. Brendan Tuohy a étudié au Conservatoire de Musique à l’Université de Cincinnati, où il obtient sa maîtrise de chant. En 2008, il accède à la demi-finale des auditions du Metropolitan Opera National Council à New York. Il intègre le prestigieux Opéra Studio de Houston, il y chante les rôles du Comte Almaviva dans Le Barbier de Séville, le Premier Prisonnier dans Fidelio, Brighella dans Ariane à Naxos, Ferrando dans Così fan tutte, Goro dans Madama Butterfly, Tchaplitsky et Le Maître des cérémonies dans La Dame de pique de Tchaïkovski, et fait son début comme Premier noble dans Lohengrin de Wagner. Depuis son départ du Houston Grand Opera Studio, il a incarné sur scène le chœur masculin dans The Rape of Lucretia de Britten pour le Vespertine Opera Theater, Alfredo Germont dans La Traviata pour l’Opéra de Tacoma, fait son début à l’Opéra de Memphis comme Nemorino dans L’elisir d’amore et interprété le rôle de Ferrando dans Cosí fan tutte pour l’Opéra de Vashon. Lors de cette saison 2014-2015 et parmi ses projets : son retour en France, où après ses débuts sur la scène

montpelliéraine avec les rôles d’Idomeneo, puis de Tito dans La Clemenza di Tito, il retournera à Seattle pour y interpréter le rôle-titre d’Albert Herring de Britten à l’Opéra de Vashon. Marie-Adeline Henry Vitellia fille de l'empereur destitué Vitellius Marie-Adeline Henry commence très tôt l’apprentissage de la musique par le violon, le piano, et la contrebasse. Elle commence le chant à l’âge de 16 ans avant de se perfectionner auprès d’Irène Jarsky, Maryse Castets, puis intègre l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris. Elle y chante les rôles de Fiordiligi (Cosi fan tutte), Female Chorus (The Rape of Lucretia), Helena (A Midsummer Night’s Dream). Elle suit les masterclass de Rachel Yakar, Christiane Eda-Pierre, Natalie Dessay, Jose Cura, François Le Roux. Elle interprète les rôles de Mélisande (Pelléas et Mélisande) à l’Opéra de Montpellier et à l’Opéra de Rennes, Abigail Williams (The Crucible de Robert Ward) au Dicapo Theater de New York, à Pecs et Szeged en Hongrie, Eurydice (Orphée et Eurydice) à l’Opéra de Rennes, Fiordiligi (Cosi fan tutte) auprès de Jean-Christophe Spinosi à Brest, puis à Toulouse et à Nancy, Diane (Hippolyte et Aricie) avec le Reisopera de Hollande, Branghien (Le Vin Herbé) à l’Opéra national de Lyon, Lisa (La Sonnambula) et la Femme du Forgeron/la Princesse (Faust de Philippe Fénelon) à l’Opéra national de Paris, Polissena (Gesualdo) à l’Opéra de Zürich, La Gouvernante (The Turn of the Screw) à l’Opéra de Rennes et au Festival de Spoleto, La Comtesse (Le Nozze di Figaro) en Avignon et à Massy et Micaela (Carmen) à Santiago de Chili. Très intéressée aussi par le répertoire de concert, elle aborde régulièrement des œuvres contemporaines : Tempo e Tempi de Carter, Quatuor à cordes et voix N°IV de Philippe Fénelon, Die Melancholie et Die Serenaden de Hindemith… Elle se produit également en oratorio dans la Petite Messe solennelle de Rossini, le Requiem de Haydn, ou encore le Lobgesang de Mendelssohn. Elle interprète les rôles de Brünnhilde (Siegfried et l’Anneau maudit) à l’Opéra de Paris et à l’Opéra de Saint-Etienne, Poppea (Poppea e Nerone) et Donna Elvira (Don Giovanni) à l’Opéra de Montpellier, Coryphée (Alceste), Valletto (L’Incoronazione di Poppea) et Donna Anna (Don Giovanni) à l’Opéra de Paris, et plus récemment, Métella (La Vie parisienne) à l’Opéra de Toulon, Arminda (La Finta Giardiniera) à l’Opéra de Lille et à Dijon, ainsi qu’Anna (Nabucco) aux Chorégies d’Orange. Parmi ses projets, les rôles de Metella (La Vie Parisienne) à Avignon, ainsi que le rôle-titre d’Armide de Lully à l’Opéra National de Lorraine. Kangmin Justin Kim Sesto jeune patricien romain Kangmin Justin Kim est un contre-ténor américain-coréen né à Chicago. Il suit des études à Northwestern University à Evanston(Illinois), et obtient une licence de Musique Vocale et un diplôme de Théâtre Musical, chacun avec mention. Il prépare actuellement un Master de musique, à la Royal Academy of Music, à Londres, avec Nicholas Clapton and Ian Partridge. Durant ses études, il a participé à des masterclasses avec des artistes comme Kiri Te Kanawa, Thomas Quasthoff, June Anderson, Malcolm Martineau, Alfred Brendel, Masaaki Suzuki… Durant la saison 2011 -2012, il remporte le « Michael Head Song Prize » et obtient le prestigieux « Richard Lewis / Jean Shanks Award » à la Royal Academy of Music. En août 2012, il participe au Verbier Festival Academy en Suisse et reçoit le prix « Mermod for Voice 2012. ». Il est demi-finaliste du concours International de Chant au Théâtre Colon à Buenos Aires et le lauréat du « Stuart Burrows International Voice Award 2012 » organisé à Carmarthen, Pays de Galles. En 2012 – 2013, avec son partenaire de duo, Sachika Taniyama, ils concourrent au « Oxford Lieder

Young Artist Platform » (vainqueurs 2013) et à la « National Mozart Competition » en Grande-Bretagne (demi-finaliste). En mars, il chante Knusperhexe dans Hänsel und Gretel à la Royal Academy of Music, dirigé par Gareth Hancock. Parmi les rôles qu’il a interprétés : Cherubino dans The Ghosts of Versailles de John Corigliano, le Deuxième enfant dans La Flûte Enchantée , et Anima dans Shadow of the Wave de Tom Floyd. Ses rôles de Théâtre musical : Fakir dans Secret Garden, Street Singer dans Mass de Berstein et Barky dans la première mondiale de Not Wanted on the Voyage. Durant l’été 2013, il assure les rôles de Menelao et autres castrats dans Elena de Cavalli, au Festival d’Aix en Provence, et participe aux Azuriales Young Artists Programme à Nice. Christina Gansch Servilia, sa sœur La soprano autrichienne, Christina Gansch a remporté tout récemment le prix « Kathleen Ferrier » 2014 et est diplômée de la Royal Academy of Music au Mozarteum de Salzbourg. Gagnante du 19ème concours international Ferruccio Tagliavini, elle a également été récompensée par le « Joan Sutherland Soprano Prize » et « Karl Böhm Prize », pour son interprétation des œuvres de Mozart, et en 2013 au Festival d’Innsbruck par le « Richard Lewis/Jean Shanks Award » pour son interprétation des œuvres du répertoire baroque. Elle a interprété sur scène les rôles de Amore dans Orfeo ed Euridice à l‘Opéra national de Montpellier, Barbarina dans Le nozze di Figaro au Theater an der Wien (sous la direction de Harnoncourt), Giannetta dans L'elisir d'amore au Festival Verbier. Christina Gansch est actuellement membre du Hamburgische Staatsoper où elle est cette saison Gretel dans Hänsel und Gretel, Oscar dans Un ballo in maschera et Frasquita dans Carmen. En concert, on a pu l’entendre au Festival Haendel de Göttingen, au Wiener Konzerthaus, au Wigmore Hall de Londres, au Musikverein, au Festival d’Innsbruck et au Mozarteum à Salzburg. Elle a travaillé avec Richard Bonynge, Gudrun Volkert, Angela Gheorghiu, Edita Gruberova, Angelika Kirchschlager, Thomas Moser, Ann Murray, Dennis O´Neill etThomas Quasthoff. Elle continue ses études auprès de Lillian Watson et Jonathan Papp. En 2014-15, elle sera Barbarina dans une nouvelle production des Nozze di Figaro au Salzburger Festspiele. Antoinette Dennefeld Annio, jeune patricien romain

Née à Strasbourg, la mezzo-soprano Antoinette Dennefeld entame très jeune une formation artistique variée (piano, danse, théâtre). Après un passage à l’Université de Strasbourg en Arts du Spectacle, elle entre à la Haute Ecole de Musique de Lausanne en 2006, où elle suit les master-classes de Christa Ludwig, Dale Duesing et Luisa Castellani, et participe à l’Atelier Lyrique. Au cours de ses études elle bénéficie des bourses de la Fondation Mosetti et du Cercle romand Richard Wagner.

Elle obtient en 2011 un Master avec les Félicitations du Jury. La même année, elle est lauréate de la Bourse de la Fondation Leenaards, et emporte le Grand Prix et le Prix de l’Office Franco-Québécois pour la Jeunesse au Concours International de Chant de Marmande, ainsi que le Troisième Prix et le Prix du Public au Concours International de Chant de Genève. En concert, elle chante le Stabat Mater de Rossini, la Passion selon saint-Jean de Bach sous la direction de

Ton Koopmann, la Cantate Alexandre Nevsky de Prokofiev ainsi que des extraits du Knabenwunderhorn avec le Sinfonietta de Lausanne, ainsi que Pulcinella de Stravinsky avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne, sous la direction de Kristjan Järvi et la 2ème Symphonie de Mahler au Victoria Hall de Genève. À l’opéra, elle a interprété le rôle de Dorabella dans Così fan tutte de Mozart avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne dirigé par Jesús López Cobos. Elle était Donna Elvira dans Don Giovanni à Mézières et la Contessa Ceprano/Giovanna dans Rigoletto au Festival Opéra d’Avenches sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli. A l’Opéra de Lausanne, elle a chanté dans La Perichole, Die Zauberflöte, Dido and Æneas, L’Italiana in Algeri, Roméo et Juliette de Gounod, Orphée aux Enfers et Fanny Elssler dans L’Aiglon. Elle a récemment fait ses débuts à l’Opéra de Lyon dans la production de L’Enfant et les Sortilèges (La Chatte, l’Ecureuil) puis y est retournée pour chanter Isolier dans Le Comte Ory, à Marseille dans Cléopâtre (Charmion), à l’Auditorio de Tenerife dans Così fan tutte (Dorabella), Louise dans Les Mousquetaires au Couvent à l’Opéra de Lausanne, L’Amour des trois oranges et Il Barbiere di Siviglia (Rosina) au Maggio Musicale Fiorentino…

Parmi ses projets, citons La Belle Hélène à Avignon, Les Mousquetaires au couvent à l’Opéra-Comique, Geneviève de Brabant d’Offenbach à Montpellier, Manon à Marseille, Le Roi Carotte à Lyon, La Traviata et Cavalleria rusticana à l’Opéra de Paris…

David Bizic Publio capitaine de la garde David Bizic est né à Belgrade en 1975. Après son immigration en Israël en 2000, David Bizic intègre l’Institut International d’Art Vocal puis l’Opéra Studio du New Israeli Opera. En 2003, il est admis au Centre de Formation Lyrique de l’Opéra national de Paris et participe ainsi aux productions de Manon, Pelléas et Mélisande, Saint François d’Assise, Il Trovatore, Tristan und Isolde, De la Maison des Morts (production reprise au Teatro Real). Il est ensuite réinvité sur la scène de l’Opéra Bastille, ou il chante dans Don Giovanni, Cardillac, La Bohème et Andrea Chénier. Excellent interprète des rôles mozartiens, il interprète notamment Figaro des Nozze di Figaro, Masetto à nouveau à Paris et lors de ses débuts au Festival d’Aix-en-Provence à l’été 2010, Leporello dans Don Giovanni, Publio de La Clémence de Titus. Il est aussi Belcore dans L’Elisir d’amore et Escamillo dans Carmen à Belgrade, Mathieu dans Andrea Chénier à Nancy, Créon dans Œdipus Rex et le Chambellan dans Le Rossignol à Strasbourg, Vecchio Zingaro dans Le Trouvère aux Chorégies d’Orange. Il a fait ses débuts à l’Opéra Royal de Stockholm avec le rôle du Grand Prêtre dans Samson et Dalila. Au concert, il s’est produit avec l’Orchestre Symphonique de Jérusalem (Requiem de Fauré, Messe en La bémol de Schubert, Nelson Mass de Haydn), l’Orchestre de Paris (Manuel dans la Vida Breve). Plus récemment, on a pu l’entendre dans la Neuvième Symphonie de Beethoven en Avignon et à Toulon ou encore le Requiem de Fauré avec l’Ensemble Orchestral de Paris et le Chœur Accentus au Festival de Saint Denis. Il participe à Samson et Dalila en version de concert à Montpellier, chante Escamillo à Stockholm, Leporello à Valence et à Paris, Figaro à Bordeaux. En 2012 - 2013, on retrouve David Bizic en Leporello à Los Angeles, Montpellier, Schaunard dans La Bohème pour ses débuts à Covent Garden, le rôle-titre de Don Giovanni en Slovénie puis Masetto dans le même ouvrage au Teatro Real de Madrid.

Parmi ses projets citons Figaro à Genève, Leporello à Vienne et à Monte Carlo, ses débuts au Metropolitan Opera de New York dans une nouvelle production de Werther/Albert, rôle qu’il reprendra au Covent Garden, ses prises de rôles de Marcello dans La Bohème à Bordeaux, Guglielmo dans Cosi fan tutte à Paris, Almaviva des Nozze di Figaro à Saint-Etienne… David Bizic a obtenu le second prix dans la catégorie opéra lors du concours Opéralia - Placido Domingo, en 2007 au Théâtre du Châtelet. Ascon de Nijs scénographie et costumes Après un diplôme de scénographie à la Royal Academy à la Hague en 1992, Ascon de Nijs travaille de nombreuses années sur la scène internationale avec des chorégraphes de danse contemporaine. Tout d’abord avec Itzik Galili (Gulbenkian Ballet Lisbonne, Finnish National Ballet, Chec National Ballet Prague), puis ces 15 dernières années, plus particulièrement avec Guy Weizman et Roni Haver (Shauspielhaus Köln, Götenborg Opera, Ballet Moskwa, Ballet du Nord, Staatstheater Mainz). Aux Pays-Bas, il travaille notamment pour le théâtre, le théâtre musical, la dance moderne, le cabaret et l’opéra. Son activité porte principalement sur l’image. Tout récemment, il a conçu une nouvelle version de Il viaggio a Reims pour le Dutch National Opera. Floriaan Ganzevoort lumières Floriaan Ganzevoort est un lighting designer (concepteur lumière) pour le théâtre, la musique, la danse. Il est diplômé d’études de théâtre à l'Université d'Amsterdam sur le thème « la Lumière comme moyens dramaturgiques ». Depuis 2000, il a créé des éclairages pour différentes compagnies. De par sa formation dramaturgique, ses conceptions lumière sont toujours très étroitement liées à l’œuvre qu’il éclaire. Il se spécialise ensuite dans la consécution d'images et son minutage. Durant ses études, il a travaillé comme coordinateur technique pour la Compagnie de danse Emio Greco|PC, et a récemment réalisé des éclairages pour cette même compagnie. En 2008, il fonde, avec Maarten Warmerdam, le Théâtre Machine. Cette association lui procure un environnement dans lequel la lumière est traitée de façon analytique et comme un important vecteur de compréhension dans tout projet. Il intervient dans le domaine du théâtre, mais aussi de la musique, l'espace public, l'architecture comme si la lumière était une forme d'art indépendante. En tant que concepteur d'éclairage et scénographe, il a collaboré avec : le Dutch National Opera, le Nationale Reisopera (Pays-Bas), le Toneelmakerij à Amsterdam, le Théâtre de Bâle, l’Opéra national Montpellier, l’ensemble Calefax Reed Quintet et la Compagnie Ulrike Quade (Pays-Bas) ... En 2011, Floriaan Ganzevoort a reçu le Prix de la Scénographie du Dutch National Theatre Institution (TIN) pour son travail réalisé sur le film néerlandais De storm (La tempête, 2009).

Koen Bollen dramaturgie Né en Belgique en 1984, Koen Bollen a étudié les Sciences de l’art aux universités de Bruxelles et de Leiden, (diplôme obtenu en 2009), ainsi que les Sciences du théâtre à l’Université d’Anvers (diplôme obtenu en 2010). Après plusieurs stages au Muziektheater Transparant (Een nieuw Requiem, 2009) et à l’Opéra national de Paris (Le Roi Roger, 2009), il est engagé comme assistant à la dramaturgie au Vlaamse Opera pendant la saison 2009-2010. Ensuite, de 2010 à 2014, Koen Bollen travaille comme collaborateur à la dramaturgie au Junge Oper Stuttgart, où il est responsable en tant que dramaturge des créations internationales Die Taktik de Jennifer Walshe (2011) et Momo de Matthias Heep (2013), de la pièce de théâtre pour enfants Schaf de Sophie Kassies (2012). Par ailleurs, il développe les projets Smiling doors, un projet de théâtre musical par et pour des jeunes cancéreux et des jeunes en bonne santé (2011, BKM-Preis Kulturelle Bildung 2013) et Nimmerland, un projet de théâtre musical avec des enfants et des jeunes aveugles et malvoyants (2014). Il assure également la dramaturgie et la réalisation scénique de plusieurs concerts pour enfants : Schnipselgestrüpp, Der Regentropfenfänger, Der Josa mit der Zauberfiedel en Im Garten der Pusteblumen. La banque Deutsche Bank Stiftung lui a attribué la bourse du Musiktheater Heute de 2012-2014. Depuis la saison 2014-2015, Koen Bollen travaille en tant que dramaturge indépendant pour les opéras Frühlings Erwachen de Benoît Mernier au International Opera Academy à Gand, Nixe (une adaptation de Rusalka par Dvořáks) au Junge Oper Stuttgart. Noëlle Gény chef de chœurs Initiée au piano par sa mère, concertiste, élève de Walter Gieseking, Noëlle Gény étudie à Nancy où elle obtient ses prix de piano, solfège, musique de chambre et contrebasse. Elle se perfectionne à Paris auprès de Catherine Collard. De 1984 à 1992, elle débute sa carrière en tant que chef de chant au Grand Théâtre de Genève, placé sous la direction d’Hugues Gall. Elle collabore avec des chefs d’orchestre renommés parmi lesquels Armin Jordan, Jesús López Cobos, Christian Thielemann, Jeffrey Tate, Carlo Rizzi, Louis Langrée, Marko Letonja, Alberto Zedda, Emmanuel Krivine,... Elle est également chef de chant au Festival d’Aix-en-Provence sur Die Entführung aus dem Serail, dirigé par Armin Jordan. Elle participe à de nombreux concerts avec le Chœur du Grand Théâtre et des artistes prestigieux tels que José Van Dam, Thomas Hampson, Chris Merritt, Natalie Dessay, Roberto Alagna,… Après avoir travaillé avec les chefs de chœur Jean Laforge et Gunther Wagner, elle est nommée Chef de Chœur de l’Opéra de Nantes. Depuis 1994, à la demande d’Henri Maier, elle est en charge de la direction du Chœur de l’Opéra Orchestre national de Montpellier. Depuis lors, ce Chœur est régulièrement invité dans des festivals tel que celui de Radio France Montpellier Languedoc Roussillon où il a chanté dans la production de Jeanne d’Arc au bûcher dont le DVD a été récompensé lors des Victoires de la Musique classique 2008, aux Chorégies d’Orange en 2009 pour Cavaleria rusticana et I Pagliacci sous la direction de Georges Prêtre. Le Chœur de l’Opéra Orchestre national de Montpellier est également invité dans de nombreuses maisons d’opéra pour y chanter des ouvrages variés tels que Tannhäuser à l’Opéra de Bordeaux, Turandot à l’Opéra de Monte-Carlo, La Traviata et Jenufa à l’Opéra National de Lorraine, La Fanciulla del Oeste et Otello à l’Opéra de Nice, Aida à la salle Pleyel, et Die Zauberflöte au Théâtre du Châtelet,… En 2012, le chœur s’est produit à l’Opéra de Toulon dans Lohengrin et en 2013 à l’Opéra Comique pour

y interpréter Le Roi d’Ys de Lalo dans le cadre de l’Association Colline Opéra. Noëlle Gény est régulièrement invitée à l'Opéra de Dublin. Elle dirige de nombreux concerts avec des programmes très étendus, allant de l’opéra baroque au grand répertoire du XXème siècle. Elle est également très impliquée dans l’action culturelle en direction du Jeune Public. Elle joue régulièrement dans des ensembles de musique de chambre en qualité de pianiste en Irlande. Le 20 juin 2013, elle a coordonné les quatre chœurs (Montpellier, Avignon, Nice et Toulon) réunis pour accompagner le concert de Musiques en fête à Orange retransmis en direct sur France 3. Chœur et chœur supplémentaire de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon L’histoire du Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc–Roussillon commence en 1982. C’est en 1994 que Noëlle Gény en prend la direction. Loin de se spécialiser dans un genre, ses 32 chanteurs abordent un large répertoire composé de grands chœurs d’opéras, d’opérettes, de comédies musicales, de mélodies françaises, italiennes, allemandes et slaves, ainsi que de musique sacrée et de musique contemporaine. En juin 2004, il est invité au « Festival des Régions » du Châtelet pour Hàry Jànos et Antigona de Traetta. Il participe 2007, à la production nantaise de Jenufa de Janáček, à laquelle la critique attribue le prix de la meilleure production de l’année. En plus des quatre grands concerts dirigés chaque saison par Noëlle Gény, le chœur se rend très régulièrement en région et prend également une part active dans la programmation des spectacles destinés au public scolaire. Régulièrement invité au Théâtre des Champs-Elysées, au Théâtre du Châtelet, à la Salle Pleyel, au Festival Musica de Strasbourg ou encore aux Chorégies d’Orange, le Chœur de l’Opéra national de Montpellier est aussi accueilli par toutes les scènes lyriques françaises. Le chœur a ainsi travailler avec de nombreux chefs, tels Gianfanco Masini, qui a sans conteste marqué l’histoire de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, Friedemann Layer, Lawrence Foster, Alain Altinoglu, Jean-Yves Ossonce, Marco Guidarini, Emmanuel Joel-Hornak, Enrique Mazzola, Marko Letonja, Emmanuel Krivine, Hervé Niquet, Christophe Rousset … ainsi que les grands chefs russe Evgeny Svetlanov et italien Riccardo Muti. Aux Chorégies d’Orange 2009, le chœur participe aux productions de Cavaleria rusticana et I Pagliacci avec Roberto Alagna sous la direction de Georges Prêtre. En septembre 2008, le chœur participe à la production de Aida à Montpellier, puis à Paris, salle Pleyel et en septembre 2009 à Die Zauberflöte donnée au Théâtre du Châtelet, puis à l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon. Le chœur travaille régulièrement avec des metteurs en scène de renommée internationale : Nicolas Joel (actuellement Directeur de l’Opéra de Paris), Jean Claude Auvray, Petrika Ionesco, Giancarlo del Monaco, Daniel Mesguisch, René Koering, Davide Livermore, Jean-Paul Scarpitta, Jérôme Savary, Jean-Louis Martinoti, Alfredo Arias… Le Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc Roussillon apparaît entre autres dans les enregistrements des Huguenots de Meyerbeer, de Roméo et Juliette et Perelà de Pascal Dusapin, de Goya de Jean Prodomidès, de Gogol de Michaël Levinas par Radio France, de Marion Delorme de Ponchielli, de Cyrano de Bergerac d’Alfano, de Hàry Jànos de Janáček, de Salomé de Mariotte et de Jeanne d’Arc au bûcher de Honegger, récompensée aux Victoires de la Musique 2008, et tout dernièrement dans Thérèse de Jules Massenet dans la collection « Opéra français » du Palazzetto Bru Zane en partenariat avec le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon.

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon En trente ans de carrière, l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon a connu un essor spectaculaire, qui en fait aujourd’hui l’une des formations les plus dynamiques du paysage musical français. Contrairement à la plupart des orchestres de région créés sous le ministère d’André Malraux par Marcel Landowski, l’Orchestre de Montpellier n’est pas né d’une structure préexistante. Lorsqu’en 1979, Georges Frêche, maire de Montpellier, fonde l’orchestre, il s’agit de relever un défi : initier le mouvement nouveau d’une véritable politique artistique et musicale à Montpellier. La création de l’Orchestre a représenté un formidable espoir de renaissance. Très vite, le tout nouveau Conseil Régional et le Conseil Général de l’Hérault ont pris conscience de sa nécessaire existence. Sous l’impulsion de son fondateur, l’Orchestre s’est développé et a adapté son répertoire à ses effectifs croissants : entre les trente musiciens de la formation initiale et ses quatre-vingt-quatorze musiciens aujourd’hui, l’orchestre a pu progressivement assumer avec bonheur l’ensemble du répertoire symphonique du XVIIIème siècle à l’époque contemporaine. Ce développement força l’admiration et grâce à la reconnaissance de l’Etat en 1985, il devient Orchestre de Région. C’est en 1990 que René Koering, alors directeur du Festival de Radio France et Montpellier, prend la direction générale de l’Orchestre Philharmonique de Montpellier. Se développe alors à Montpellier une structure originale et particulièrement dynamique : René Koering, responsable de la programmation artistique et de la gestion de la formation, dote parallèlement l’orchestre d’un directeur musical. Les apparitions de l’orchestre vont connaître dès lors un retentissement nouveau, et asseoir sa réputation à l’échelle régionale, nationale, et aujourd’hui internationale. En 1989, l’orchestre Philharmonique de Montpellier s’installe au Corum inauguré en novembre. Il y trouve l’année suivante une salle de répétition, la salle Beracasa, un lieu de concert prestigieux, l’Opéra Berlioz, et une salle parfaitement adaptée à la musique de chambre, la salle Pasteur. Une installation remarquable que bien des orchestres peuvent envier à Montpellier. En 1992, René Koering fait appel à Gianfranco Masini pour assurer la direction musicale : la disparition brutale du maestro italien l’année suivante met fin à une précieuse collaboration, dont la création d’œuvres de Busoni et du Christophe Colomb de Franchetti laisse la trace dans la mémoire de l’Orchestre. De 1994 à 2007, Friedemann Layer prend la tête de l’Orchestre, participant activement au dynamisme et à la grande qualité des saisons musicales. En 1999, l’orchestre de Montpellier devient Orchestre national.. De septembre 2009 à juin 2012, Lawrence Foster a été directeur musical désigné. Un nouveau directeur musical devrait être nommé en 2015. Attentif à ne jamais négliger les grandes œuvres du répertoire, l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon mène toutefois une véritable politique de création et de sensibilisation à la musique du XXe siècle. Des compositeurs tels que Maderna, Adams, Cage, Pärt, Penderecki, Korngold, Henze, Ligeti, Dusapin ou Xenakis font partie désormais de la vie musicale montpelliéraine. Par ailleurs, depuis 2000, l’Orchestre accueille des compositeurs contemporains en résidence : Jean-Louis Agobet (2000-2001), Jean-Jacques Di Tucci (2002), Marco Antonio Pérez-Ramirez (2002- 2006), Richard Dubugnon (2006-2008), Philippe Schoeller en 2008. Le prestige de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, qui en fait aujourd’hui l’un des meilleurs de l’hexagone, se laisse mesurer aux grands noms qu’il ne cesse de rencontrer. Des chefs tels que Ivan Fischer, Marek Janowski, Armin Jordan, Emmanuel Krivine, Antonio Pappano, Nello Santi, Pinchas Steinberg, Jerzy Semkov, Riccardo Muti…; des solistes comme Pierre Amoyal, Augustin Dumay, François-René Duchâble, Evgeni Kissin, Radu Lupu, Nikita Magaloff, Maria Joao Pires, Mistilav Rostropovitch, David Fray… ; des chanteurs tels que, Montserrat Caballe, Jennifer Larmore, Rockwell

Blake, Béatrice Uria-Monzon, Pauletta de Vaughn, Gary Lakes, Katia Ricciarelli, Giuseppe di Stefano, Chris Merritt, Hildegard Behrens, Margaret Marshall, Karen Huffstodt, José van Dam, Thomas Moser, Leonie Rysanek, Viorica Cortez, Nathalie Stutzmann, Jean-Philippe Lafont, Juan Diego Florez, Daniela Barcelona, Nora Gubisch, Roberto Alagna, sont autant de preuve de confiance et de haute exigence artistique. Et de fait, l’Orchestre depuis quelques années développe une carrière internationale, invité au cours des saisons musicales de Milan, Barcelone, Athènes, Beyrouth, Budapest, Bratislava ou Prague. Outre sa participation active au Festival de Radio France et Montpellier, l’Orchestre se produit dans de nombreux festivals français. Régulièrement invité sur les grandes scènes parisiennes, il s’est produit à la salle Pleyel, en septembre 2008, dans une version concert d’Aida, sous la baguette d’Alain Altinoglu. Il donne 3 représentations de Die Zauberflöte en octobre 2009, sur la scène du Châtelet, et en 2011 Aida au Stade de France. Depuis 1999, l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon a soin de graver son histoire, grâce à une discographie proposant plus d’une quarantaine d’enregistrements publics, lors de la saison ou à l’occasion du Festival de Radio France et Montpellier. Ainsi, il a pu créer sa propre ligne de disques en coproduction avec Actes Sud, et travailler en partenariat avec les Editions Naïve. En janvier 2012, dirigé par Riccardo Muti, il a soulevé l’enthousiasme du public montpelliérain avec le Requiem de Verdi. Depuis décembre 2013, Valérie Chevalier en est la directrice générale.