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8/8/2019 Carlo Suares Krishnamurti
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CARLO SUARS
KRISHNAMURTI
ET
L'UNIT HUMAINE
Nouvelle dition revue et augmente
1962
ADYAR PARIS
8/8/2019 Carlo Suares Krishnamurti
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4edeCouverture
Krishnamurti et son message sont prsents ici comme un fait nouveau et unique, concernant
directementlesrapportsdelaconsciencehumaineetdel'Univers.
Ceux qui sentent que nous entrons dans une re nouvelle ne s'tonneront pas du caractre
immesurabled'unetelleaffirmation.
Directement branch sur la vie, Krishnamurti passe travers les barrires psychiques qui
emprisonnent,dans l'humain, cephnomneextraordinairequ'est laConscience,aussivaste,aussi
profondquel'Universluimme.Enunraccourcifoudroyantetinstantan,laconscienced'tre,avec
lui, chappe ses conditionnements. Aussi bien, il est temps d'affirmer qu'il est le messager de
l'poque,l'espritdevritquiclaireralessiclesvenir.
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PREFACEAL'EDITIONDE1962
PrsenterKrishnamurtic'estseheurter,audpart, ladifficultde lesituerauxyeuxd'unpublic
qui,
juste
raison,
dsire
savoir
de
quoi
il
s'agit
.
Une
difficult
plus
grande
encore
consiste
le
dlivrerdescatgoriesolesituentcertainscommentateursqui, leconnaissant,s'imaginentbienfaire
en comparant ce qu'il dit des enseignements psychologiques ou religieux. Enfin, pour certains
journalistes,lenom Krishnamurtitantindien,ilneleurenfautpaspluspourqueceluiquileporte
soit,priori,unpropagandistedesVedantas,duBouddhismesimpleouZen,duGandhisme,voirede
LaoTseu, bref, un philosophe, un mystique, faisant partie du flot de Sagesse qui se dverse
d'ExtrmeOrient,aumomentos'croulentlessystmessociauxfondssurelle.
Voyant ces erreurs et ces contrevrits, laquestion seposede savoir s'il estpossibledeprsenter
Krishnamurtipositivement,endisant :ilestceci,ous'iln'estpossiblequededire :sonorigine,sa
couleurdepeau, son ducation, sonpasseport,n'ont aucun rledans cequ'ildit ; iln'appartient
aucune tradition,n'a luaucun livredit saintou sacr,n'est tributairedepersonne,d'aucune culture,
d'aucun pays; bref, il est l'essence mme de ce qui ne se situe dans aucune frontire, dans aucun
systmedepense,dansaucunedes reprsentationsde l'Hommeetde l'Universque lesmythes, les
religions, lesphilosophies, lespsychologies, les sagesses acquisesou soidisant rvles aientjamais
formules.
Celadit,ngativement, voildjKrishnamurtiet sonmessageprsents commeun faitnouveauet
unique,concernantdirectementlesrapportsdelaconsciencehumaineetdel'Univers.
Ceux qui sentent que nous entrons dans une re nouvelle ne s'tonneront pas du caractre
immesurabled'une
telle
affirmation.
Directementbranch sur la vie,dans son acception laplus simple, immdiate et totale, tellequ'elle
s'exprime partout autour de nous, Krishnamurti passe travers les barrires psychiques qui
emprisonnent,dans cequ'ilestcommund'appeler l'humain (avec sanotiondudivin) cephnomne
extraordinairequ'est laConscience,aussivaste,aussiprofondque l'Univers luimme.Enunraccourci
foudroyantet instantan, laconscienced'tre,avec lui,chappesesconditionnements.Aussibien, il
esttempsqueceuxquileconnaissentqui,pourraitondire,l'ontreconnun'hsitentplusaffirmer
qu'ilestlemessagerdel'poque,l'espritdevritquiclaireralessiclesvenir.
**
Cevolumeestune rditionde l'ouvrageparu sous lemme titreen1950,maisdont le texteat
entirement revu et, en quelques uns de ses chapitres, sensiblement modifi, et, nous sembletil,
clarifi.Unchapitreluiatajout,contenantlatraductiond'unecauseriefaiteBruxelles,en1956.En
outre,etencorequelesconfrencesdeParis,enseptembre1961aientclairlepublicsurl'volution
de lapensedeKrishnamurti, ilatjugutiledeprsenter,danscetteprface, l'hommetelqu'ilest
aujourd'huidanssaviequotidienneettelqu'ilservle,pourlapremirefois,danssescrits.
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Dans latroisimesriedesesCommentairessur lavie, ilnoteavecsoinsesmditations,oupluttses
tatsdeconscienceaucoursdevoyages,derencontres,depromenadessolitaires.Detellesdescriptions
peuvent surprendre.Ellesont lemritede situer leurauteuretd'allger l'espritdu lecteurde toute
image qui rsulterait de la seule lecture d'un enseignement. On ne peut pas sparer ce qu'est
Krishnamurtidecequ'ildit.Etcequ'ilest,apudrouterdespersonnesquis'imaginaientcomprendrece
qu'ildit.
C'est
pourquoi
rien
n'est
plus
important,
pour
une
nouvelle
prsentation,
que
de
mettre
le
publicencontactdirectavecl'homme,telqu'ilestdevenusoixantecinqans,telenfinqu'ilacceptede
selaisservoir.
Cen'estpas leSageassis, lesjambescroises,dansunashrampaisible, l'abridumonde,etqui
dispenseunenseignement. Ilparcourt lescontinents,et l'onestsurprisde levoir sonaisedansun
train,aumilieud'unefoulebruyante.Paradoxalement,ilsembleinvulnrableparexcsdevulnrabilit.
Vouloirtreouvouloirnepastre,ditil,est lammeprojectiondesoi.Surunregistreplusmodeste il
rpondaitquelqu'unquiseplaignaitdenepaspouvoirseprotgerdubruit,que lebruitnedrange
que si l'on cherche s'en protger. Et parce qu'une telle rponse est difficile comprendre, on
s'aperoitque
l'essentiel
n'est
pas
compris.
L'essentiel,
en
ce
qui
concerne
Krishnamurti,
est
l'tat
de
conscienceauquelildonnelieu.Consciencelargie?Dpersonnalise?Ilestd'autantplusdifficiledela
qualifierquetoutmotnepeut,aumieux,quelatrahirensuscitantdescomparaisons.Toutefois,ceque
l'onpeutendire,coupsr,estque,sicettatn'estpastrangerd'autresexprienceshumaines,
nous l'avonsvuapparatre,dansdesviesde saints,de sagesoudemystiques, soitune foisoudeux,
fugitivement,aucoursd'uneexistence(quecettefoisoudeuxasuffi illuminer),soitartificiellement,
provoqupardesdisciplinessouventcruelles,etsiemptrdeprojectionsreligieuses,qu'vraidire il
s'agitalorsd'unautrephnomne.
EnKrishnamurti,lavien'estjamaisvampiriseparuneimagesainte.Lanotiondesaintetest,chezlui,
quotidienne
et
totale.
Elle
est
laque
en
ce
sens
qu'elle
est
indpendante
de
toute
confession
religieuse.
Vide de toute notion d'ascse, d'volution, de but atteindre, elle est permanente et rsulte de
l'observationlaplusbanalementquotidienne.
Cettatdeconsciencequi,jusqu'lui,nes'estprsentquecommeunsommetauroldemythes,de
surnaturel,ou,pourlemoins,d'motionsintraduisiblesetbouleversantes,esticiaussisimpleetnormal
quetouteautreperceptiondelavie.Maisquelleintensitencetteperception!
Voici,glansaucoursd'une lecturedesCommentaries3rdSeries,desnotesoKrishnamurtiexamine
ces largissements de la conscience. Ils sont remarquables, non seulement en ce qu'ils ont de
constant,depermanent,desolide,maisaussiparl'honntetcritiquedecettepenseaigu,laquelle,
chaqueinstant,
vrifie
qu'ils
ne
sont
pas
simple
imagination,
projection
de
soi,
transferts,
ce
qui
serait
affreusementlaidnotetilquelquepart.
Onnesauraitassezinsistersurlecaractrervolutionnairedecettelucidit.
**
Levoiciaubordd'unlac.Aufond,debellescollines,etplusloinencore,descimesneigeuses.
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Ilavaitplu toute lajourne,maismaintenant, telunmiracle inattendu, les cieux s'taient soudain
dgagsettouttaitdevenuvivant,joyeux,serein...
Ilnotelestonsdesfleurs,lesgouttesdepluiesemblablesdespierresprcieuseset,enfin,lesfoulesqui
sedversentl, avecleurscris,leurconfusion.
A traverstoutcemouvementetcesbousculades, ilyavaitunebeaut,unenchantement,unepaix
trangequipntraitpartout.Noustionsquelquesuns,assissurunlongbancfaceaulac.Unhomme
parlaitd'unevoixassezhauteetiltaitimpossibledenepasentendrecequ'ildisaitsonvoisin:Par
unesoirecommecelleci,quej'aimeraistre loindecebruitetdecetteconfusion!Maismontravail
meretienticietjel'excreLespromeneursnourrissaientlescygnes,lescanards...
LaplupartdecesscnessepassentenInde,encorequeleslieuxnesoientpasnomms.
... Aprs une longue suite dejournes chaudes et poussireuses, une pluie bienfaisante parfume laterre,etleshommesserjouissent:Ilyauraitplusdetravail,plusdenourritureetlafamineseraitunechosedupass
.
Des
ouvriers
descendent
de
leur
bicyclette,
l'un
d'eux
achte
une
cigarette,
une
seule...
Degrandsaiglesbrunsplanenten largescerclesdans leciel.Unjeunegaronportantunbidonsur lattepasse,trsfierdetravaillercommeunhomme.Ilchante.Savoixestvulgaire,maisrythme.Ilneserend pas compte que quelqu'un marche derrire lui. Encore moins estil conscient du changementcurieuxquis'estproduitdansl'atmosphre. Il y avait une bndiction dans l'air, un amour qui recouvrait tout, une gentillesse simple et sanscalculs,unebontqui fleurissait.Brusquement legaroncessadechanter, ilentradansunehutteenruinesquelquedistancedelaroute.Bienttlapluierecommencerait...... Unjolijardin, clos par des rideaux d'arbres. Une pelouse bien arrose. Des oiseaux affairs larecherchedevers.Ilyenadeuxauplumagevertetor,dontlespectateurimmobilesuitlongtempslesbats.C'taitunravissantspectaclepleindelibertetdebeaut.Unefamilledemangoustesapparatetdisparat.Puis,auclairde lune, lejardindevientun lieuenchant.Voici lesombres, lesilence.Au loin,
quelquesbruits
sur
la
route,
un
air
de
flte.
Le
jardin
murmure
doucement.
Plus
une
feuille
ne
bouge
et
lesarbreslaissentapparatrelabrumeargenteduciel.Iln'yapasdeplacepourl'imaginationdanslamditation;elledoittrecompltementmisedect,carelleengendredesillusions.L'espritdoittreclairetsansmouvement.Alalumiredecettelucidit,l'intemporelservle....Lesrangesdemaisonsneuves,verslesuddelaville,semblentinterminables.Enfinlavoituredposeses voyageurs sur une petite route au milieu des champs. Le soleil, norme boule dore, descendderrirelescollines.Despaysannespassentenchantant.Unetonnantebeautrecouvraitlepaysage;elletaittoutautourdenous,emplissantchaquecoinetrecoinde la terre,et les replisobscursdenos consciences. Iln'yaqu'amour,nonamourdeDieuetamourdeshommes:celanepeutsediviser.Ungroshibouvolesilencieusement,desvillageoisagressifsoccupentlamoitidelaroute...
...Une
plantation
de
tabac.
Krishnamurti
ne
se
contente
pas
de
noter
le
paysage.
Ils'est
inform
de
la
faondontlaterreestcultiveetlesfeuillestraites.Toutprsdel,unvergerpuisunbois...Ilyavaittoujoursdanscesbois,unesortedemouvementetcemouvementfaisaitpartiedel'immensesilence;ilnedrangeaitpas,ilsemblaitajouterl'immobilitdel'esprit...l'aboiementinsistantetpntrantd'unchiensemblaitaugmenterl'immobilit......Unefemmepassesurlaroute.Elleportesurlatteunnormepanier,certainementtrslourd.Maissadmarchesoupleetadmirablementquilibren'estpasaltre.D'habitude,ellepasseencompagnie
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d'autresfemmesportantdespaniers.Aujourd'huielleestseule.Lesoleiln'estpasencoretropchaud.C'estunematinedlicieuseetpaisibleetcettefemmesolitairesembletrelepointcentraldupaysage.Toutesleschosessemblaientconvergerverselleet l'acceptercommefaisantpartiedeleurtre.Ellen'taitpasuneentitsparemaisunepartdevous,demoi,dutamarinier.Ellenemarchaitpasdevantmoimaisjemarchaisaveccepaniersur la tte.Cen'taitpasune illusion,une identificationpense,dsire, cultive : cela aurait t laid audel de toute mesure, mais une exprience naturelle etimmdiate.Lesquelquespasquinoussparaientn'taientplus ; letemps, lammoireet lesgrandesdistancesqu'engendrelapenseavaienttotalementdisparu.Iln'yavaitquecettefemme,nonpasmoien train de la regarder. Et la ville tait loin, oh elle vendrait le contenu de sonpanier. Le soir, ellereviendraitpar cette route,elle traverserait lepetitpontdebambousvers levillage,pour reparatreencorelelendemain,lepanierpleinsurlatte......Aucoursd'unvoyageencheminde fer,Krishnamurtise lvedesaplace,parcourt legrandwagonpleinde fumede tabac, traverse lewagonrestaurant, le fourgonbagages (iln'yapersonnepourl'arrter)etentredans la locomotivelectrique.Lesdeuxconducteurs lefontasseoir, luiposentmillequestionset,enchange,sefontlescicronesdupaysage,desvillesqu'ontraverse,dessignalisations...Onpeuttresrqu'ilssesouviendrontavecbonheurdecesdeuxheuresetdemieencompagnieduvoyageurinconnu...
...Dans
une
petite
maison,
avec
son
jardin
bien
soign...
Mais
ce
matin,
ilfaisait
partie
de
toute
l'existenceet lemurqui l'entouraitsemblaitsi inutile.Atravers lagrille,onvoitunchemin,unevieilleglisepeu frquente,desbois.Uncerfpasse tranquillement. Ilyavait lcecalmetrangedes lieuxdsertsparlhomme......Lagrandevillesainte, legrandfleuvesacrosebaigne lafouledesplerins.Unefamillebrlesonmort.Elleresteraltoutelanuit,jusqu'cequ'ilsoitcompltementconsum.Untamarinierestsacr,luiaussiainsique lesonttous lesarbres.Avant l'auroretout lemondes'enva.Uneoudeux lampeshuilesontencoreallumes.Alors l'arbretaitsuprme ; tout faisaitpartiede lui : la terre, le fleuve, leshommeset lestoiles.Bientt,ilseretireraitenluimmepoursommeillerjusqu'ceque letouchent lespremiersrayonsdusoleil...
...
Bnars
encore,
la
grande
cit,
apparat
tout
entire
dans
la
splendeur
d'un
soleil
couchant,
dans
sa
saintetetsasalet,dans l'extraordinairetohubohudepitons,decharrettes,devlos,d'autobusaumilieuduqueldesplerins sont immobiles,encontemplation, lesyeux ferms,ouen reprsentation,entoursd'une fouleenthousiaste.Lpreux,mendiantsousannyasins immaculsdans leurrobepure,mresallaitant, cadavres sur leurbrasier : Ici toutallait son train, car c'tait laplus sainteet laplussacredesvilles...Cevoyageursilencieux, immobile,quise rvlenous,est,on lesent,nonpasunspectateur,maisunparticipant.Rienne luichappeet rienne luiesttranger,bienque tout soit sitrange.Ilcommunieaveclemonde...Labeautducourantimmobiledufleuvesemblaiteffacer,nettoyertoutlechaoshumain,cependantquelescieuxsepenchaientsurl'hommeavecamouretmerveillement......Surlequaidelagare,unefoulebruyante,agite,bigarre.Letrainpart.Levoyageseraassezlong.Ontraversedespetitsvillagesagricoles.Unjeunegaronmnedeuxou troisvaches. Ilsouritetsalue le
trainqui
file.
Cematinl, le cieltait intensmentbleu, les arbres lavs, les champsbienarrosspar lespluiesrcentes,etlespaysansallaientleurtravail;maiscen'taitpascela,laraisonpourlaquellelecieltaitsiprsdelaterre.Ilyavaitdans l'aircommelasensationdequelquechosedesacr,quoirpondaittoutl'tre.Laqualitdecettebndictiontaittrangeetbienfaisante;l'hommesolitairequimarchaitsurlaroute,unabricouvert,vuenpassant,ybaignaient.Vousnelatrouveriezpasdansdesglises,destemples,desmosques,carilssontfaitsdelamaindel'homme,ainsiqueleursdieux.Maisl,enpleinecampagneetdanscetraindglingutaitl'inpuisablevie,unebndictionquinepeuttredemande
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nioctroye.Elletaitlpourceuxquilaprendraient,toutcommecettepetitefleurjaunesurgiesiprsdesrails.Lesgensdans letrainbavardaient,riaientou lisaient leurjournaldumatin,maiselletait l,parmieux,ainsiquedans lestendresbourgeonsduprintemps. Iltait l, immenseetsimple, l'amourqu'aucun livrenepeut rvler,etque lapensenepeut toucher.Elletait l,en cettemerveilleusematine,laviemmedelavie......Unmatin,auborddelamer,quandlesoleilselve.L'eauesttale.Ilyatoutunmangedecrabeset,surletroncd'unarbreunegrandeagitationdefourmisnoires.Ilyavaituneintensitencetarbrenonlaterribleintensitdeparvenirquelquechose,derussirmaisl'intensitdecequiestcomplet,simple,seulet,pourtant,faitpartiedelaterre......Unsoir,dansunjardind'ol'onperoittoutunpaysage,etlabruyanteactivitdelavievillageoise.Lanuittombe.Ilyavaituneimmobilitsuspendue,ettoutconnutl'heurebnie.Laterreettoutcequ'elleportaitfutsanctifi.Cen'estpasque la consciencepercevait cettepaixcommeendehorsd'ellemme, commequelque chosedonton se souvientetque l'oncommunique,maisc'taituneabsence totalede toutmouvementdelapense.Iln'yavaitquel'immesurable......L'avionestsixmillepiedsd'altitude.Trsloin,l'immensemassifdemontsneigeuxapparatthr,irrelensonrefletrose...
C'tait
rellement
incroyable
:la
couleur,
l'immensit,
la
solitude.
On
oubliait
tout
le
reste,
les
passagers, lecapitaineposantdesquestions, l'htessede l'air.Cen'taitpas l'absorptiond'unenfantavec sonjouet, ni d'un moine dans sa cellule, ni d'un sannyasi au bord d'un fleuve. C'tait un tatd'attention totale,sansdistraction. Iln'yavaitque labeautet lamajestde laTerre. Iln'yavaitpasd'observateur...
Iln'yavaitpasd'observateur ...Cetobservateurminutieux, il faut l'avoirsuivipaspaspourvoir,
pourcomprendrecommentilsefaitqu'uncertainmomentilconstatequ'iln'yapasd'observateur.
Auprsd'unerizirequicommenceverdir...Ceverttaitincroyable,notetil:
Cen'taitpaslevertdesflancsdecoteauxbienarross;nilevertdespelousessoignes;nilevertdu
printemps ; ni le vert des tendres pousses parmi les vieilles feuilles d'un oranger. C'tait un vert
entirementdiffrent;c'taitlevertduNil,del'olive,duvertdegris;unecombinaisondeceuxl,mais
avecquelquechosedeplus.Ilyavaiten luiunepointed'artificiel,dechimique;et lematin, lorsque le
soleilmergeaitdescollines,cevertavaitlasplendeuretlarichessedescoucheslesplusanciennesdela
Terre.Iltaitdifficiledecroirequ'untelvertptexisterdanscettevalle...
Etdelammefaonqu'ilcernecevert,ilcomprendlesensd'uneridesurunvisage,d'ungestecontenu,
d'unvtement,delafaondeleporter,d'unmotqu'onneditpas,d'uneintentionsecrte.Riennelui
chappe,mais comme il nejuge, n'approuve ni ne condamne, son observation ne pse pas sur ses
interlocuteurs.Au
contraire,
elle
les
libre,
car
l'intensit
mme
de
l'observation
aprojet
la
conscience
del'observateurhorsdesoncentre.
Voiciunpassageo,avecsonsoinhabituel,ildcritcette intensit.Ellen'ariendepersonnel,cen'est
pasunemotion.Elleapparaticiavecunebrisecharged'odeursetdeparfums,oilyal'airdesrues,
lerepasdusoir,lejasmin,l'essencedesvoitures,unegrandefleurblanchesurlechemin...
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Graduellement l'intensit augmenta. Ellen'taitpasprovoquepar le calmedu soir,nipar le ciel
toil,niparlesombresdansantes,niparcechientenuenlaisse,niparleparfumdelabrise,maistout
celataitencetteintensit.Iln'yavaitqu'intensitsimpleetclaire,sanscause,sansunedivinit,sansle
murmured'unepromesse.Elletaitsi forteque lecorpstaitmomentanment incapabledebouger.
Touslessensaugmentaientdesensibilit.Laconscience,cettechosetrangeetcomplexetaitdraine
detoute
pense,
elle
tait,
par
consquent,
tout
fait
veille
;c'tait
une
lumire
en
laquelle
iln'y
avait pas d'ombre. L'tre entier brlait d'une intensit qui consumait le mouvement du temps. Le
symboledutempsestlapense.Encetteflamme,lebruitdel'autobusquipassait,ainsiqueleparfum
de la fleur blanche taient consums. Les sons et les parfums s'entremlaient mais taient deux
flammesdistinctesetspares.Sansvacilleretsansobservateur,laconsciencepercevaitcetteintensit
intemporelle;elletait,ellemme,laflammeclaire,intense,innocente.
L'intensit de perception projette sa lucidit la fois l'extrieur et l'intrieur. La conscience
consciented'treexercesursoimmelavigilancelaplusrigoureuse,afindenepasseduper.
Lorsque la conscience entreprend son vol de dcouverte, l'imagination est dangereuse : elle n'a
aucune place dans la comprhension, au contraire, elle la dtruit aussi srement que le fait la
spculation.Mais la conscience s'en rendait compte (c'taitpendantun concert)et iln'yavaitaucun
envold'o ilet fallu la rappeler. La consciencetaitparfaitement immobile,mais commeelletait
rapide ! Elle tait allejusqu'aux confins dumonde et en tait revenue avant d'avoir entrepris son
voyage.Elletaitplus rapideque la rapiditetpouvaittre,pourtant, si lentequ'aucundtailne lui
chappait. La musique, le public, le lzard n'taient que de brefs mouvements en elle. Elle tait
parfaitementimmobileet,ainsi,elletaitseule.Cen'taitpasl'immobilitdelamort,niunassemblage
de chosespenses, forces,engendrespar lavanitde l'homme.C'taitunmouvementaudelde
toutemesurehumaine,unmouvementquin'appartenaitpasladure,quin'taitpasunvaetvient,
mais
tait
immobile
en
les
profondeurs
inconnues
de
la
cration...
...Etailleurs.
Soudain, l'observateur, l'auditeur disparut... Il n'y avait que le vaste espace qui est la conscience.
Toutes leschosesde laTerreetdeshommestaienten lui,maisaffaiblieset lointainesensesfranges
lesplus extrieures. En cet espaceo rienn'tait, il y avait unmouvement, et cemouvement tait
immobilit. C'tait un mouvement profond, vaste, sans direction, sans motif, qui partait des bords
extrieursetvenaitavecuneforceincroyableverslecentreuncentrequiestpartoutl'intrieurde
l'immobilit, du mouvement qui est espace. Le centre est totale unicit, non contamine,
inconnaissable,unesolitudequin'estpasisolement,quin'anicommencementnifin.Ilestcompleten
soi,iln'est
pas
fabriqu,
les
bords
extrieurs
sont
en
lui
mais
ne
sont
pas
lui.
Ilest
l,
mais
inaccessible
l'esprithumain.C'estletout,latotalit,maisinapprochable...
Etencore:
...Cetteunicitneconnaissaitnisparationnidivision.Lesarbres,leruisseau,levillageoisquiappelaitauloin,toutcelataitdanscetteunicit.Cen'taitpasune identificationavecl'homme,aveclaTerre,
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cartoute identificationavaitcompltementdisparu.Encetteunicit, laperceptiondutempsquipasseavaitcess......Suruneplage,aprsavoir remarquunjeunemendiant simulateur (iljouait trsbien la comdie,notetil,presqueavecsatisfaction),puislescrabes,unpcheur,lesable,despalmiers,unpaquebotauloin,levaetvientdesvagues:......laconsciencetaitvivante,maispasagitecommelamer,ellevivaitetallaitd'unhorizonl'autre.Ellen'avaitnihauteurniprofondeur;ellen'taitniprsniloin;iln'yavaitpasdecentred'omesurerouembrasserletout.Lamer,lecieletlesterrestaientl,maisiln'yavaitpasd'observateur.C'taientvasteespaceetlumireimmesurable.Lalumiredusoleilcouchanttaitsurlesarbres,ellebaignaitlevillage,elletaitvisibleaudeldufleuve,maiscelataitunelumirequines'teintjamais,quibrilletoujours.trangement,iln'yavaitpasd'ombreenelle;vousneprojetiezpasvotreombresurelle;vousnedormiezpas,vousn'aviezpasferm lesyeux,carmaintenant lestoilesdevenaientvisibles ;mais,soit que vous fermiez les yeux ou les teniez ouverts, la lumire tait toujours l. Elle n'tait passusceptibled'trecapteetmisedansunsanctuaire.
L'emploi de ladeuxime personnen'est paspournous tonner : il est inhabituel Krishnamurti de
penseren
termes
personnels.
En
voici
un
autre
exemple
qui
se
situe
dans
un
beau
paysage
solitaire
:
Avecvosproccupationsetvosbavardagesintrieurs,avecvotreespritetvosyeuxexplorantpartout,
etqui sedemandaient sans cesse si lapluie vous rattraperait survotre cheminde retour, vousvous
preniezpourunintrus,indsirableencelieu;maisbienttvousfaisiezpartie,voustiezunepartiede
cettesolitudeenchante.Iln'yavaitaucunoiseau,d'aucuneespce;l'airtaittoutimmobile,etlacime
desarbressansmouvementcontrelecielbleu.Laluxurianteetverteprairietaitlecentredumondeet,
assissurun rocher,vous faisiezpartiedececentre.Cen'taitpasde l'imagination : l'imaginationest
stupide.Cen'taitpasquevousessayiezdevous identifier cequitait si splendidementouvertet
beau : l'identificationest vanit.Cen'taitpasque vousvousefforciezd'oublieroude rejeter votre
personneen
cette
solitude
immacule
de
la
nature
l'oubli
de
soi,
l'abngation
est
arrogance.
Ce
n'tait
paslechocoulapressionsurvousdetantdepuret:toutstimulantestlangationdelavrit.Vousne
pouviezrienfairepourtreoupourvousaidertrepartiedecettetotalit.Maisvousenfaisiezpartie,
voustiezpartiedecetteverteprairie,decedurrocher,ducielbleuetdesarbresmajestueux.C'tait
ainsi. Vous pourriez vous souvenir de cela, mais alors vous n'y appartiendriez plus, et si vous vous
reportiezcela,vousneletrouveriezjamais...
Il n'y a pas d'identification, il n'y a pas de mots, il n'y a pas de projection de soi dans cet tat de
conscience.Noussommesicidanscettezonedesilencequisurgissaitdj,ilyaplusdedixannes,et
quinousavaitsembldevoirconstituerundernierchapitredeprsentation.Maiscesilence,envrit,
est leseuildecettemutation laquellenous inviteKrishnamurti. Ilne l'avaitjamaisencoreaussibien
dcrit quedans ces Commentaires embrays dans le rel quotidien de sorte quenouspouvons
mieuxlecomprendreaujourd'hui,etpeuttrerecommencernotreexamenpersonnelpartirdezro,
enprenantpourdpartcesilencequipouvaitavoirl'apparenced'unearrive.
Cesilenceestlacessationduprocessusdepensequivaduconnuauconnu.EnlisantKrishnamurti,
en l'coutant,s'eston livrdescomparaisons,desrapprochements?Atonpensdesmotstels
quemysticisme,contemplation,Dieu,Immanenceoud'autrestermesanalogues?Atonvoqudes
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saints,dessagesoudesreligions,dessystmesdepense,christianisme,hindouisme,bouddhismeZen
ouautre?Toutceladoitdisparatre,sansquoi lamutationest refuse.Avezvousjamais rencontr
l'impensable?Voustesvousjamaistrouv face l'inconnu?demandesouventKrishnamurti. Ilest
faciledeseleurrerenrpondantparl'affirmative.
Ramassez
un
fragment
de
coquillage.
Pouvez
vous
le
regarder,
vous
merveiller
de
sa
beaut
dlicate
sansvousdirequ'ilestjoliouvousdemanderquelanimalilappartenait?Pouvezvousregardersans
qu'ilyaitunquelconquemouvementdepense?Pouvezvousvivreavec le sentimentqui se trouve
derrire lemot,sansprouver lesentimentque fabrique lemot?Sivous lepouvez,vousdcouvrirez
unechoseextraordinaire,unmouvementaudeldelamesuredutemps,unprintempsquineconnat
pasd't.
Lapense,quiest le temps,quiestceparquoi,dans l'tatdeconsciencehabituel,pralablecette
mutation, l'hommesesentvivreentantquejesuis,lapensedonc,miseendroute,setrouve ici
enpleinparadoxe.
La
mditation
n'est
pas
pour
le
mditant.
Le
mditant
peut
penser,
raisonner,
construire
ou
dmolir,
il
neconnatrajamaislamditation;etsansmditationsavieseravidecommelecoquillageauborddela
mer.Cevide,onpeutymettrequelquechosededans,maiscen'estpasdelamditation.Lamditation
n'estpasuneactiondontlesmotspeuventtrepesssurlaplacedumarch;elleasonactionpropre
quinepeuttremesure.Lemditantneconnatquel'activitdelaplacedumarch,aveclebruitde
ses changes ; et au milieu de ce bruit, l'action silencieuse de la mditation ne peutjamais tre
dcouverte. L'actionde la causequidevienteffet,etde l'effetquidevient cause,estune chanede
dure interminablequienchane lemditant.Une telleaction,ayant lieu l'intrieurdesmursde sa
propreprison,n'estpasmditation. Lemditantnepeutjamais connatre lamditation, laquelleest
juste au del de ses murs. Ce ne sont que les murs que le mditant luimme a construits, qui le
sparentde
la
mditation.
Etplusloin:
...Lemditantsaitcommentmditer;ils'exerce,ildomine,ilfaonne,illutte,maiscetteactivitde
l'espritn'estpas la lumirede lamditation.Lamditationn'estpasunassemblagefaitparlapense;
c'estlesilencetotaldelaconscienceenlequellecentred'exprience,deconnaissance,depense,n'est
pas.Lamditationestattentioncompltesansqu'ilyaitd'objetenlequellapenseseraitabsorbe.
Lesmotsmutationhumaine se rpandentaujourd'huiunpeupartout. Lapense,causede ses
dcouvertes,surtoutscientifiques,setrouveemporteparunmouvementvertigineux.Cequiestvrai
unmatinnel'estpluslesoir.D'olancessitdebriserchaqueinstantcequisemblaitacquis.Maisce
qu'on imagine en gnral n'estqu'une amplificationdes cerveaux l'chelle lectronique, dous de
mmoires prodigieuses. Comme si l'on n'avait pas dj des machines des millions de fois plus
dveloppesdanscesensqu'iln'estsouhaitablede l'trehumainement.Lamutationrelle,totale,est
lecontrairedeceshypertrophiesdel'intellect.Elleestcaractriseparunenouvellepense,quin'estni
raisonnement,nispculation,maisconstatationsimpleetdirecte.Cettepenseconstatation implique
laconsciencedanssatotalit:
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Votreconscienceestlatotalitdecequevouspensezetsentez,etbeaucoupplusencore.Vosmotifs
etvosmobiles, cachsouapparents ;vosdsirs secrets ; la subtilitet la rusedevotrepense ; les
pulsions obscures dans la profondeur de votre cur, tout cela est votre conscience. C'est votre
caractre,cesontvostendances,votre temprament,vosrussitesetvos frustrations,vosespoirset
vos craintes. Indpendammentdu faitquevous croyezounonDieu,ou l'meouAtman,ou
quelqueentit
sur
spirituelle,
le
processus
entier
de
votre
pense
est
votre
conscience.
Etencore:
Lavieesttout,n'estcepas?Jalousie,vanit,inspirationetdsespoir;lamoralesocialeetlavertuqui
n'est pas dans le champ des cultures bienpensantes ; le savoir amass au cours des sicles ; le
caractre,quiestlepointderencontredupassetduprsent;lescroyancesorganisesqu'onappelle
religionsetlavritquiestaudeld'elles;lahaineetl'affection;l'amouretlacompassion,quinesont
pasdanslecadredelapense;toutcela,etplusencore,estlavie,n'estcepas?Etvousvoulezenfaire
quelquechose,vousvoulezluidonneruneforme,unedirection,unesignification.Maisquiestlevous
quipeutfairecela?Etesvousautrechosequecelammequevousvoulezchanger?
Demmequ'avantdenatre, lepoussindans sa coquillenepeut rverque coquille,mais se trouve
ensuiteen contactavec lamouvante ralitd'unmondenouveauet insouponn, l'hommeenferm
danslacoquilledesapensenepeutqueprojetercemoi,quandbienmmeil l'appelleDieu.Maisen
tatdemutation,loind'avoirabandonnlemonde,ill'atrouv:
Onentendaitlaconversationdespersonnesderriresoi,onvoyait lacharrettebufset lecamion
quiapprochaientetpourtant laconsciencetaitparfaitement immobile ;et lemouvementdanscette
immobilittait l'impulsiond'unnouveaucommencement,d'unenouvellenaissance.Mais lenouveau
commencement ne vieillirait pas, il ne connatraitjamais hier et demain. La pense ne faisait pas
l'expriencedu
neuf
;elle
tait
le
neuf
;elle
n'avait
pas
de
continuit,
donc
pas
de
mort
;elle
tait
neuve,onnel'avaitpasrefaiteneuve;lefeuneprovenaitpasdesbraisesdelaveille.
Lesmots sontvidemment incapablesd'exprimer cemouvement immobile,ce silenceen lequel sont
tous les bruits du monde. Car ce silence tait dans des profondeurs o la pense ne pouvait
l'atteindre, et ce silence tait une pntrante flicit un tel mot a peu de sens mais sert
communiquerquicontinuaitetcontinuait;cen'taitpasunmouvemententermesdetempsetde
distance,maisiltaitsansfin.Etrangementmassif,etpourtantilpouvaittresoulevd'unsouffle.
Cette flicit ne peut tre trouve ni par des recherches ni par la foi. Elle n'est reue que par une
conscienceenlaquelletouteslescontradictionsontfusionnenuneseuleflammedelucidit.C'estun
tatd'tre.
Devenirettren'ontaucunrapport l'unavec l'autre, ilssemeuventdansdesdirectionstotalement
diffrentes, l'unneconduitpas l'autre.Dans l'immobilitde l'tre, lepassen tantqu'observateur,
qu'exprimentateur,n'estpas.Letempsn'yestpasactif.
L'nergiequis'ydploieestcelledelaviemme,intemporelle,neuveternellement.
8/8/2019 Carlo Suares Krishnamurti
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**
CesdescriptionsoccupentenvironlequartdeCommentariesonliving,3rdSeries.Lestroisautresquarts
sontdesnotes,critesaujour lejour,osont relates lesentrevues,ouplutt lesconsultationsque
sontvenuesdemanderdespersonnesauxprisesaveclesdifficultsdelavie.Ellessontvenuesseulesou
enpetits
groupes.
Ilyades
hommes
gs
qui
ont
cess
de
travailler,
et,
dans
la
dernire
phase
de
leur
vie,cherchentDieuetneletrouventpas;desfonctionnaires,desemploysdebureaux,deshommesen
place,despoliticiens,desavocats,despeintres,quivoudraientfuirlamdiocritdeleurexistence;des
tudiantstrsjeunesquihsitents'aventurerdansunmondedont ilsperoivent les limitations ;un
jeunecoupledontlefilsuniquevientdemourir;unvieillardquiapassquaranteannesdesaviedans
desmonastresetquitoutescesdisciplinesn'ontrienapport;unefemmedumondequiinsistepour
queKrishnamurtis'inscriveuneSocitpourlaprotectiondesanimaux,dontelleestprsidente;des
hommes politiques trs importants qui veulent savoir si l'on peut spiritualiser la politique ; des
hommes d'affaires qui, retirs, ne savent plus quoi employer leur temps ; unjeune professeur
d'universit qui cherche une source permanente de bonheur; des brahmanes, des catholiques, des
bouddhistesqui
ont
entendu
dire
par
Krishnamurti
que
les
religions
ne
sont
pas
la
vrit...
Engnral,cesontdesgensdebonnevolont,sincres,dsireuxdesemettreauservicedelasocit,
etquiontvuquelpointlesorganisationssociales,politiquesoureligieuses,sedtriorentjusqu'agir
danslesenscontrairedel'idaloriginel.
Lelecteur,lui,s'ilestrflchiets'ilabienvoulu,audbutdechaquechapitre,suivreKrishnamurtidans
ses voyages, ses promenades solitaires ou ses contacts avec les foules grouillantes, animes et si
vivantes;s'ils'estlaisspntrerdecetextraordinairetatdemditationintenseolavietoutentire
estrassembleenun foyerardent ;s'ilaperu,senti,ousimplementdevincettesynthseoaucun
problmeneseprsenteplussursonplanparticulier,maisoseconjuguent,serejoignent,fusionnent
lesmille
facettes
que
viennent
apporter
les
interlocuteurs
;ce
lecteur
adj
compris.
Ilvoit
arriver
ces
personnes conditionnes, emprisonnes l'intrieur de leurs contradictions dont chacune a pris un
aspectparticulier.L'gosme,lapense,l'amour,larichesseetlapauvret,lasolitude,laconnaissance,
lavertu, les relationshumaines, lescroyances, leconscientet l'inconscient, labeautet la laideur, la
peuretlascurit,letemps,lasouffranceetl'ambition,letravail...Etatsdeconsciencemorcels,dont
chacunassume l'aspectd'uneentit,maisquin'estqu'identification.Etces fragmentsd'individusque
nous sommes, alors qu'ils s'imaginent regarder le monde, ne le voient qu' travers leurs rves et
n'atteignentpaslerel.Ilsn'ontpasvulafeuilledel'arbre,ladouleurduvoisin,l'extasedel'enfant.La
bndictionde laviemmede lavieest lpourquiveut laprendre,etnousnesavonspasqu'elle
est l. Et, par des raccourcis inattendus, par quelques questions trs simples, les interlocuteurs se
trouvent ramens,non sans surpriseparfois, lavisiondirectede leur condition, l'examende leur
tat,lancessitdesetransformerradicalement.Ilarrivequelquesunsdenepascomprendre,
denerienapprendre,deseretirerplusancrsquejamaisdans leurs ides.Maisetcen'estpas le
moindremritedecelivretonnantlelecteurs'enaperoit...Ilnenousrestequ'unpasfaire:nous
voirnousmmes,telsquenoussommes...
Paris,mars1962.
8/8/2019 Carlo Suares Krishnamurti
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LACONNAISSANCEDESOI
Peudepersonnescontestentquenotremondesoitunchaos.Lesdifficultsonousnousdbattonsse
multiplient un rythme acclr. Les instruments de destruction sont tels, que nous voyons la
possibilit de transformer la Terre en une plante morte. Aucune valeur n'est capable d'clairer
l'ensembledeshommessur lesensde leursvies.Seulest total lindividu,seuleest totale l'humanit.
Maischacunappartientungroupequiproclamesavritcontre lesautresgroupes,etcesreligions
ontleurexplicationdel'hommeetdel'Univers,enfonctiond'unDieuoud'unsystmeconomique,de
l'individuoud'unecollectivit,de l'espritoude lamatire,d'o lechaos.Chaque individu,ougroupe,
veutavoirraisoncontre lesautres,d'o ledsastre.Nousnepossdonspasuneseulevaleurefficace,
pasuneseulevritagissante,quisoientpurementhumaines,puisquechaqueprtention l'Universel
impliqueuneconformationparticuliredel'esprit.C'estcelalefaitrelqu'ilfautd'abordconstater,en
vue de comprendre l'issue unique, simple et directe dont parle Krishnamurti. Totale et instantane,
inattendue,
intgrant
l'individu
et
le
social,
elle
n'est
perue
qu'
l'instant
o
on
la
vit.
Il
n'est
donc
pas
possible priori de connatre sa nature, ni mme de savoir si elle existe. Toutefois, on peut dj
comprendrequesielleexiste,celanepeuttrequedansl'affranchissementdetoutefaondepenseret
de sentir conditionne par un point de vue quel qu'il soit, dont la nature puisse se prter la
contradiction.Prtendrel'UniverseltraversuneparticularitlacroyanceenDieu,oulascience,
ouaunationalisme,ouaucommunisme,etc.,etc...c'estncessairementseheurterauxparticularits
opposes. Il est vrai que des esprits clairs ont souvent cherch concilier les contraires dans
l'affirmationquetoutes lesvoiessontbonnesquimnentaubut.Cestentativesonttoujourseupour
postulatque l'inconditionnpeuttreatteintpar leconditionn,laperfectionpar l'imperfection,l'tre
par le devenir. C'est l qu'clate avec le plus de vigueur l'irrductible, l'inbranlable ngation de
Krishnamurti,fidle
elle
mme
depuis
le
jour
o
ilacommenc
s'exprimer
:toutes
les
voies
sont
fausses, iln'yapasdevoies.Cellesqu'imaginent lesconsciences limites,envuede trouver l'illimit,
sontd'illusoiresprojections.Iln'yadelimiteslaconsciencehumainequecellesqu'ellesedonne.Etde
mmequ'ellea lafacultdeseconditionner,ellea lepouvoirdebriser lescoquesdans lesquelleselle
s'estenfermeetauxquelleselles'identifiait.Sessoidisantascses,sesdevenirsn'ontpourbutquede
consolideretdefairedurerseslimites.
Lesfaitsdonnentraisoncerenversementdevaleurs,carexaminerleschosestellesqu'ellessont,et
non tellesqu'on voudraitqu'elles soient,onnepeutmanquerde constaterque l'idal, ledogme, la
croyance,lesystme,engendrentl'ajustement,lereniement,l'hrsie,l'interprtation,etqu'ensomme
toutbut sedoubled'unennemi.Un chemin impliqueun guide, leguideuneautorit.AuMatre,au
pontife,auchef, l'exploiteur,s'opposeront lasoumissionou larvoltedesdisciples,desouailles,des
gouverns,desexploits. Si,au coursde l'Histoire, certainshommesontpeuttreexprim lavaleur
essentielledel'unithumaine,ainsiquel'affirmentdesrcitsditsrvls,estilncessairededcrirele
rsultat sanglant de ces dispensations, tel que nous l'avons sous les yeux ? Consquence fatale, dit
Krishnamurti,cartoutevritrpteestmensonge.
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Paruneerreurconstantetravers lesges,cequ'onacrutre lavrit,endevenant loioufoi,afait
obstacle laconnaissance.Lesmthodes, faitesde lasubstancemmede l'ignorance, l'ontenferme
dansun cercle vicieux. Iln'etpas fallu chercher la connaissance,mais les causesde l'ignorance. La
vritsurvientlorsquetombentlesmuraillesintrieuresquinousprotgeaientcontreelle.Cesmurailles
sontnosprojections, lavritestnousmmes.Elleesttoujours l,auxaguetspourainsidire,prte
nousenvahir
de
sa
transparence.
Nous
ne
pouvons
pas
aller
vers
elle
:par
quelle
perversion
de
l'esprit
pensetonconnatrelecheminquimneversunpointinconnu?NecherchonspasDieu.Sinousle
trouvions,ceneseraitpas lavrit.Connatre l'inconnaissable?Cestermessontcontradictoires.Mais
connatre le connaissable, c'estdire les origines profondes, en action, de nos penses et de nos
motions,c'estnousouvrirl'inconnaissable.
Danscemondebouleversetconfus, les idologiescollectivesproposentdes remdesd'urgenceaux
maux dont elles sont les seules causes, et pensent que remettre en question toute notre faon de
pense,etjusqu'auxstructuresdenospsychismes,tellesqu'ellessontfaonnesdepuisdessicles,est
unefaontroprestreinteettroplentedeprocderunredressementdelaconditionhumaine.Chacun,
sentantplus
ou
moins
clairement
la
catastrophe,
demande
une
action
immdiate
et
des
hommes
de
bonnevolont.Onveutrsoudrelesconflitsentrenations,entresystmesconomiques,entreclasses
sociales,entreraces,sanscesser,pourautant,d'appartenirdesgroupes,desEglises.Chacun,tant
tropengagpourselibrerdesesappartenances,selancedansuneactionpouroucontrececioucela
et,decefait,alimenteleconflitqu'ilprtendapaiser,etpoursuitl'illusiond'unepaixqu'ilobtiendrapar
unevictoireetmaintiendraparlaviolence,cequiestlepropredetoutcombattant.
Face ces prodigieuses mobilisations, Krishnamurti dclare vouloir tre seul, sans disciples, sans
adeptes,sansorganisation.Armd'uneseulevaleur,laconnaissancedesoi,valableselonlui,etefficace,
la foispour les individuset la socit, il s'entendbien souvent traiterde rveur.Sonarme semble
absurdement
inadquate.
Elle
n'a
pas
arrt
la
deuxime
guerre
mondiale
et
n'empchera
pas
la
troisime.Acela ilrpondquecelleciadj lieu,puisquechacuncombat,etquesic'est lapaixqu'on
veut,iln'estquedecesserimmdiatementdecombattre.Chacunysouscrirait,conditionquel'ennemi
soitdfinitivementdsarm.Etc'estainsi quenousarrivonsauborddel'abme.Maisnotremalheurest
denepastoutfaitcroirecetabme.Endpitdel'vidence,ilestpluscommoded'esprerquetout
s'arrangera.Dumoinsjusqu'uneprochainegnration.Etdesedirequel'onn'ypeutrien.Quemieux
vautvivreaujourlejour,sanstantypenser.
Krishnamurtiestd'unesvritextrmecontreces inconscients.Ilsesent,lui,totalementresponsable
ettotalementdsespr.C'est l'trehumaindanssonensemblequiestenpril.Acela iln'yapasde
remdepartiel,puisqu'aucontrairelacatastrophen'estquel'ensembledetouslesremdes.
Nos dirigeants, hommes d'affaires et politiciens, dont l'action quotidienne contribue sans arrt au
dsastre, n'ont aucun dsir de comprendre la valeur essentielle qui les condamne. Et, se sentant
infinimentpetitsaumilieudel'normeappareiladministratif,policier,conomiqueetguerrierdesEtats,
les victimes, les mcontents, les rvolts ne peuvent pas imaginer que la simple Connaissance soit
efficace contre lui. Ils veulent une action collective, comme si celleci pouvait tre autre chose que
partielle,etdmontrentpar lqu'ilsneperoiventpas lemal rel,quiestun tout.Un groupen'est
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jamaistotal,iln'yad'universelquel'individuetl'ensembledeshommes.Ungroupenepensepas,ilest
endede laConnaissance, ilest l'organisationde l'ignoranceetde l'irresponsabilit, sonactionest
toujoursrgressive.Parcontre, l'hommepleinementconscientestcrateur.Crerc'estvoir leschoses
tellesqu'ellessont,d'unespritneufetclair.Lorsqu'unecivilisationestenvoiedesedtruire,ellemet
tout enuvrepour touffer cette rnovationdes esprits.A cemomentl ilnepeut resterqu' lui
tournerle
dos.
Au coursde l'Histoire, ila toujourstadmisque lesmythescollectifsenvigueurdans telleou telle
civilisationtaientdesvoiesvers latranscendance,quis'ouvraientceuxdont lavocationtaitdes'y
consacrer. La plupart de ceux qui vivaient au sein d'une civilisation particulire, brahmaniste,
bouddhiste,chrtienne,etc,sesentaientrelativementleuraisedansleurconditionnementmentalet
psychique.Leshommesnes'ysentaientpasdtruitsdansleurfonctioncratrice,niemportsladrive
dansl'ignorancedeleurraisond'tre,ainsiquecelaseproduitpartoutdanslemondenotrepoque.
De ce fait, ceux qui prouvaient le besoin de briser le conditionnement de cet inconscient collectif
spcifiqueetde se retrouverau contactdu rel telqu'ilest,etnond'unmonde imaginaire,taient
rares.Mais
aujourd'hui,
ce
qui
n'tait
perceptible
qu'
ces
quelques
tres
d'lite,
c'est
dire
la
destructiondelalibertcratriceetincreparleconditionnement,estdevenuunfaitconstant,
La situation de l'tre humain s'est aggrave. La technique anonyme et irresponsable de la btise
administrative et policire mondiale nous entoure d'un rseau de catgories qui nous touffe, qui,
littralement,assassinel'hommeentantqu'trecrateurd'abord,quil'assassinetoutcourtensuite.Ce
fait est vident. Percevoir la libert, comprendre de quoi elle est faite, n'est plus une question de
vocation,maisdevieoudemort.Quelquesoitlesortdel'humanit,qu'ellesurviveousesuicide,notre
premiereffortdoitlogiquementtendreverscettencessitimmdiate,verscetteprisedeconscience.Il
s'agit,toutdesuite,debriserlesconditionnementsdontnoustouffeunmondeolesvaleursditesde
civilisationsesontretournescontreellesmmes.
Nousverrons,avecKrishnamurti,quebrisercesbarriresesttrsdifficile,carnotrepenseesthabitue
fonctionner de telle faon qu'elle se conditionne ellemme. Notre raison, telle qu'elle se peroit
identifieunmoiapparemmentpermanenttravers laduredenotreexistence,estleproduitd'un
automatisme.Cefonctionnement,usurpantune identit,acherchpartous lesmoyens,enparticulier
pardesthologies,sejustifier.Or,commeceviceduredepuisquel'hommeaccumulelesarchivesde
sessoliloques,ilnousfaudradblayernotreespritunpointinimaginable,sinousvoulonsnousvoirtels
quenoussommesenralit.Nousvoirexactementtelsquenoussommes,c'estcela,pourKrishnamurti,
la vrit. N'allons pas plus loin. N'allons pas ailleurs. Se rendre compte de ce qu'il y a, en notre
conscience,unmomentdonn,dans laviequotidienne,sous lecoupd'unequelconqueprovocation
dela
vie,
c'est
cela
la
connaissance,
totale,
infinie,
intemporelle.
Lavritestsimple,maistragiquementcomplexe.AuConnaistoideKrishnamurti,peutonrpondre
que l'on n'est pas d'accord ? Que la connaissance de soi n'est pas dsirable ? Mais c'est en cette
premireadhsionquersidelapremirequivoque.LeConnaistoiatprononcmaintesfoisau
cours des sicles. Il n'y a apparemment rien de nouveau en cet impratif, de sorte que par un
automatismedelapense,laplupartdesinterlocuteursdeKrishnamurti(onlevoitpeuprschaque
questionqui luiestpose)ontbeaucoupdemalconsidrerquelaconnaissancedesoipuissetre la
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cldetousnosproblmes.C'est lqu'est l'quivoque,carKrishnamurtineditpasqu'ilseraitbonque
l'on se connaisse, que la connaissance est dsirable. Il n'ajoute pas au monde tel qu'il est une
philosophiequiembellirait,pacifierait,consoleraitnosexistences.Selon lui, laconnaissancedesoiest
une action immdiate, puissante, concrte : la seule qui puisse nous faire sortir de notre tat de
confusion.Elleestaussiurgente,relleetpratiquequesauterdansuncanotdesauvetageaumoment
d'unnaufrage.
On
voit
par
l
combien
grave
peut
tre
le
malentendu.
Ceux qui ont le sentiment d'une crise humaine totale nemanqueront pas de voir que la porte du
ConnaistoideKrishnamurtiestaussitotale.Aceteffet,ilscommencerontparnepasl'accepter,par
suspendreleurjugement,etviderleurpensedesoncontenu.Applaudird'avanceunConnaistoi
philosophique,lafaondeceuxquisepiquentd'treclairsetcultivs;seraitunefataleerreur.Carsi
cette valeurestabsolue,elleprovoqueennousunedvastation.Ellenous feraperdrenotrepropre
entit.Nousnesauronsplusquinous sommes,nimme sinous sommesquoiquece soit.Parlerde
totalit,d'absolu,c'estparlerd'unemortpsychologique.Cesmotsextrmesqu'ilarriveKrishnamurti
d'avancerdoiventtreprispourcequ'ilssont,avectoutcequ'ilsimpliquent.
Ces implications sontvastesetprofondes. Il faut lesaborderdans lecalmed'unepenseenquelque
sortesuspendueenlacontemplationsereinedesonpropreprocessus.LeConnaistois'clairealors
d'une intimit secrte.Toutd'abord, ilnous rvlequenulnepeutnous connatre si cen'estnous
mmes.Etque,puisquenoussommes,chacundenous,lersultatdupass,ennouscomprenantnous
mmes,nousdcouvrons toute la connaissance, toute la sagesse. Si cesdeux constatationsnenous
pouvantentpas,sinous lespensonsjusqu'auboutennous faisant recrerparelles,nouspercevons
quenotreconscienceest,detoutevidence,leseulinstrumentquipuisseexaminer,del'intrieur,l'tre
vivant que nous sommes. Si nous voulons dcouvrir lemystre de notre vie d'homme, il nous faut
l'explorer l'intrieur de nousmmes. Notre conscience ne pourrajamais se pencher sur un tre
humain
de
faon
comprendre
ce
qu'il
est
dans
ses
rapports
avec
sa
propre
conscience
et
avec
la
nature.Chacundenousn'estilpasl'aboutissementdetoutel'volutiontraverslatotalitdeladure
?Etneportonsnouspasennousl'origine,lacause?Noussommeslafoisnotrecauseetnotreeffet.
La vie en nous est actuelle, prsente et agissante. Elle est la cause de tout son pass. Et celuici
insondableaccumulationde luttes,deractions,d'inconscience,deprisesdeconscience,demorts,de
naissances, d'affirmations, de dfaites, de pertes d'quilibre, de conqutes est, s'il se peroit dans
l'instant,lacauseduprsent.Et,dsqu'ilagitdansleprsent,ilcessed'trelepassetdevientainsison
propre effet et sa propre cause. Quelmobile secret, quel dsirmystrieux, amen l'tre que nous
sommes,jusqu' l'identificationd'unjesuis?Si l'identificationestprsente,c'estquesacauseest
prsente,etnonseslments,quisontdupass.C'estcettecausequiestvivante.Mieux:elleestlavie
mme.C'est
elle
qui,
rappelant
les
souvenirs,
leur
donne
une
apparence
de
vie
et,
les
rejetant,
les
anantit. Cette cause estelle devenir ou tre ?... Ou les deux ?... Et quelles secrtes et honteuses
complicits se partagent le devenir et l'tre pour garer la consciencejusqu' lui faire perdre son
orientation?
Ces rflexions; ou d'autres, se prsentant au gr de nos mditations, au fur et mesure que
Krishnamurtinousentranedansdesexplorationsprofondes,nousrvlentquecequ'ilentendparse
connatreest le contrairede l'affirmationjeme connais.Eneffet, cetteaffirmation implique la
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notionjesuisuneentitdontjeconnaislecaractre,lestendances;lesractions,leshabitudes,etc.
cequiestuneidentificationdelaconscienced'treavecunpersonnagestatique,figdanssastructure.
Mais s'il n'y a pas d'observateur, si la conscience, sans cesse en veil, peut s'observer dans ses
mouvements,sessoubresauts,sesractions,elleneconnatpas,elleapprend.Onnepeutpas
la fois savoir et dcouvrir. Et la dcouverte est sans limite. Elle met la conscience face
l'impensable,o
la
pense,
accule,
ne
sait
plus
que
rpondre
et
se
voit
contrainte
de
se
suspendre.
Ainsi lavoiede laconnaissanceestdans lesensd'unapprofondissementennousmmes,condition
que nous n'en fassions pas une simple opration de l'esprit. Notre conscience, en effet, n'est pas
seulement de la pense. Peuttre mme ne tarderonsnous pas comprendre que, de tous les
lments de la conscience, la pense est le plus extrieur. Nos motions, nos sentiments, nos
sensations,nosperceptions,nosrves,nossymbolesvcusettoutcequecontiennent lesubconscient
et l'inconscient,sontplusauthentiquementnotresubstancequetemaniementd'idesetdeconcepts
ou d'opinions qu'il nous plat en gnral d'appeler pense. Krishnamurti, en fonction de la
connaissancedesoi,nousmnedansunezoneo,ayantabandonnlesmots,lapensedevientsilence.
Toutefois,paralllement
elle,
ilest
ncessaire
d'intensifier
une
forme
de
pense
qui
est
constatation
aiguetvigilante,maisimpartiale,dsintresseetignorante,lafaond'unsimplemagasiniercharg
d'enregistreraveczleunintensevaetvientd'objets.Sonzleseramisendfauts'ilperdsontemps
s'intresserauxobjetsentantquetels,lescritiquer,bavarderleurpropos.Cequidoitl'intresser
suprmement,c'estsontravaild'enregistreur.S'ilestdistrait,levaetvientluichappe.Or,aucoursde
notrejourne,ilsepassequelquechosetouslesinstantsennous.Aucoursdechaquesecondenous
agissonsetragissonssurtous lesregistresdenotretre.Mais,parunecurieusedistraction,cettre,
aboutissement de la vie sur cette plante, ne nous intresse pas. S'il nous intressait, nous le
connatrions.
L'acte
de
connaissance
est
immdiat,
tant
constatation,
mais
extrmement
difficile
exercer,
du
fait
que,cherchantl'individu,onseheurtepartoutsurtouslesregistres ducollectif.Nosproblmes
lesplusangoissants,nosdrameslesplusdouloureux,nesontilspasceuxd'unecertainefaondesentir,
depenser,desecomporter,communeungroupenational,confessionneloudeclasse?Laplupartde
nos tragdies familiales ne sontelles pas dues ce que nous nous identifions certaines faons
traditionnelles, collectives, de se comporter ?Cela est si vraique des tragdiesprovoques par des
murs et des coutumes qui nous sont trangres nous semblent monstrueuses. Et si, domins par
notrereligion,nouscherchons lasolutionduproblmequeposepournouscettereligion,auprsd'un
directeur de conscience, nous prtendons gurir lemal par lemai. Si, au contraire, nous acceptons
comme valeur la connaissancede soi,doncquenulnepeutnous connatre si cen'estnousmmes,
nousrejetterons
toute
croyance,
toute
tradition,
tous
les
textes
saints
et
sacrs,
d'Orient
et
d'Occident,
toute reprsentation de l'homme et dumonde, toute conception philosophique, toute idologie, et
jusqu'toutefaondepenser.Eneffet,seulunespritfrais,neuf,simpledanslevraisensdumot,peut
voircequiest.Toutcequel'onenseigneempchecettevision.
Quipourraitnousclairer sur le sens secretd'une raction, sur tellemotion fugitive, surdesdemi
pensesnon formulesqui, touteheuredujour sous laprovocationde lavie,constituent la fois
notresubstanceetlacldenousmmes?Quisauraitdchiffrernotrelivreintrieur,dontlessignesse
8/8/2019 Carlo Suares Krishnamurti
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prcipitent lapoursuitedu temps, si cen'estnousmmes?Etestilncessaired'aller consulter la
sagessedesgespoursavoirsinoscurssontsecsousinousaimons?
Ainsi,vitantdenouslaisseremporterparlesprojectionsabstraitesdenotreignorance,appeles,selon
lescas,Dieu, leBien, l'Espritou leMatrialisme, laPatrieou l'Internationale,nousconstatonsque la
connaissancede
nous
mmes
est
celle
des
rapports
que
nous
entretenons
avec
le
monde
et
les
hommes,desortequeleproblmeindividuelestsocialet,qu'inversement,lesocialestindividuel.
Ilest impossibledenousconnatre,sicen'estdansnosrapportsavec lemondeet leshommes.Cette
propositiondeKrishnamurtiestfondamentaleet,mieuxquetoutautre,exprimelecaractreralistede
sapense.Nousnesaurionsconcevoiruntre l'tatd'isolement.Touttreexisteenfonctiondeses
rapportsavec cequi l'entoure.Donc, sinous voulonsnous connatre telsquenous sommes, celane
pourratrequ'aumoyendenoscontacts,denoschanges,denosconflits.Sinousnousisolonsdansle
butdemditersurnousmmes,nousnousmettonsenfaitl'abridecequi,provoquantnosractions,
nous rvlerait notre vritable nature. L'isolement serait d'ailleurs illusoire nos rapports extrieurs,
fussentilsrduitsl'extrme,selonlegotdesanachortesetdessanyasis,existeraienttoujours.Mais
ilsseraientfiltrstraverslacoquedeprotectionquenousaurionsorganiseautourdenous,l'image
de notre ignorance. Nous pourrions ainsi parvenir l'quilibre, la srnit, la contemplation et
mmel'unionmystique,maiscettatneseraitpaslaconnaissance,etleDieuquenousdcouvririons
seraitfactice.Sinoussommesnousmmes instrumentdeconnaissance, ilnousfautsansarrtnous
mettre l'preuve, nous voir tels que nous ragissons aux coups du sort. La vie est imprvisible,
incertaineettendbriserlescertitudesdontonconstruitlesquilibrespsychologiques.Dieuestlaplus
grandescuritpossible,celle laquelleonattribuelepouvoirdenousfairedurerindfiniment,dans
untatdebatitude.Maisplusnousnousapprochonsd'unescuritpsychologique,moinsnousnous
connaissons.ChercherDieu,ou lavrit,c'estcherchernepasseconnatre.Sinousn'allionsqu' la
recherche
de
scurits
matrielles,
celles
ci,
s'croulant
fatalement,
nous
permettraient
de
retrouver,
unjour, la fois l'inscuritet lavie.Nuln'estmoinsvivantque l'hommedrapdans les certitudes
spirituelles,danssafoi,danslesentimentdesonquit.Lepcheuradumoinsnotiondel'actionqu'il
mneenfaveurdesesbutsparticuliers,contrelesautreshommes.Cettenotionlemnerapeuttreun
jour la connaissance.Mais ilarriveque ledfenseurdsintressd'unebonne cause, croyantque
sincrit est vertu, agisse pour les uns, contre les autres, s'efforce de faire triompher ceci, par
oppositioncela,et,semblabledelasorteaumilitantleplusstupide,quinemanquejamaisdejustifier
sesviolences,soitunartisanduchaos.Nesaisissantpas,danssesrapportshumains,lesoccasionsqu'il
auraitdeseconnatre,maiss'identifiant,individu,unecausecollective,etpassantsontempsjuger,
approuveret rprouver, ilse trouvequ'endernireanalyse,plus sonactionestvive,moins ilse sent
responsablede
la
confusion.
Et
l'on
peut
se
demander
pourquoi
nous
alinons
notre
responsabilit,
notrematuritmentale,aupointd'oublierquenotrepremierdevoirn'estpasd'agirenaveuglesmaisde
nousconnatre.Considrerquelaconnaissancedesoiestunebrancheabstraitedelaphilosophie,sans
utilit pratique, c'est s'avouer irresponsable. Un quelconque tcheron, manipulant un outil ou un
instrumentqu'iln'auraitpasprislapeinedeconnatre,sesentiraitresponsabledesonchec.Mais,par
unesorted'aberration,nousagissonsdanslemondeaumoyendel'instrumentlepluspuissantquisoit,
etleplusprochedenotreobservationnousmmesenadmettantaprioriqu'ilestimpossibledele
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connatre.Lamassehumaineplongeencoresiprofondmentdansl'ignoranceetl'inconscience queles
personnes lesmieuxdoues se laissenthypnotiserpar leprjug selon lequel l'tatde connaissance
absolueestinaccessiblel'hommenormal.Oncroitquel'onpossdeunemeimmortelleouqu'elle
n'existepas.OncroitunCrateurou l'volutiond'unUniversquise trouvetre lonne sait
comment.Comme sicroireavaitune signification.Comme sinier la croyanced'unautreavaitun
sens.En
fin
de
compte,
chacun
s'tablit,
au
sein
du
mystre,
dans
une
enceinte
fortifie,
limite,
but
et
raisond'tred'uneresponsabilitparticulire,troiteetmeurtrire.
Sesentirresponsableentotalit,etnonenpartie,estuneraisonncessaireetsuffisante pouradopter
la connaissance de soi comme valeur unique, individuelle et collective. Cette fusion nous permet
d'tablirqu'aucunproblmen'ade solution sur sonplanparticulier, car cette solutionn'estqu'en la
causeduproblme :elleesten lui,du faitqu'ilestparticulier.Maisenconsidrant leshommesdans
leurunit,etl'hommedanssonintgralit,onagitaudeletaudessusdesproblmes.
L'extrmecomplexitdumondemoderne,compartimenteentrelesmainsdesspcialistes,chappeau
contrle de l'homme ordinaire. La production et la distribution par exemple (qui touchent chacun
directement), comportent une quantit incalculable d'lments. Ceuxci, appartenant chacun une
branched'tudes,mettentenjeulessciencesconomiques,socialesetpolitiques,laquestiondutravail
etducapital, l'organisationde l'industrie,ducommerce,de l'agriculture, l'histoire, lagographie, les
mathmatiques, laphilosophie,bref, l'ensembledesconnaissanceshumaines,dont l'applicationrelve
de thories contradictoires, soutenuespardesexpertsquine s'accordententreeux suraucunpoint,
saufsurl'impossibilitdeproduireetdedistribuerlesbiensdecemondesansconflits,desortequela
basecommunede leurssystmesest laviolence.Or, ilestvidentque leshommesquelconques, les
noninitis toutes ces sciences, ne possderontjamais la totalit des connaissances de tous ces
experts.Estcedirequelasituationnousachapppourtoujours?Qu'elledpasselechampdenotre
comprhension
?
Regardons
la
dans
son
ensemble,
d'un
point
de
vue
direct,
simple,
humain.
Nous
constatons tout d'abord qu'il est facile de beaucoup produire. Si l'humanit travaillait plein
rendement, nous aurions, en quelques semaines, un amoncellement inimaginable de biens de
consommation. Par ailleurs, des centaines de millions de personnes, ayant besoin de ces biens, les
absorberaientimmdiatement.Odoncestleproblme?Laproductionn'estpasunproblme,car
sionlalaissaitsedvelopperselonsesmoyens,elletendraitversl'illimit.Pourlaconsommation,ilen
est de mme. Mais, entre les deux, se situe, disent les spcialistes, une muraille mystrieuse et
infranchissable. Ilsnevoientpasqueceproblmenepeuttre rsolu,du faitqu'humainement il
n'existe pas. Les spcialistes ne mettent pas son existence en doute. Ils s'efforcent donc de le
rsoudre, sur son plan particulier. S'ils examinaient la situation du point de vue qu'auraient des
rfugissur
une
plante,
qui,
n'attendant
de
secours
d'aucun
ciel,
dcideraient
de
se
partager,
de
mettre en commun ce qu'ils obtiendraient de la nature, les mots prix, achats, vente,
sembleraient stupides. Et ils le sont, mme techniquement. En effet, ds qu'une guerre clate, ils
disparaissent, sont inexistants, se volatilisent,dans l'incr.C'est lque se trouve letproblme : en
dpitdesdmonstrationsdestechniciens,iln'estpasmatriel,ilestpsychologique.
Nous voici revenus la connaissancede soi,et lancessitde sortirdes cadreso les spcialistes
enferment arbitrairement les questions qui nous concernent. Ce formidable appareil technique, ces
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difficults conomiques et financires, ces rouages innombrables et inextricables, sont les trucages
grceauxquelsnosdirigeantsnousinterdisentl'accsdeleursconciliabules.Ilsseparentdeleursvaines
comptences pour nous signifier des tabous. Et nous, la fois crdules et dsabuss, rsigns et
rvolts,nesachantonicommentagir,nousnouslaissonsentranermenernotrecombatlonous
nesommesquelacontrepartie,lapartieoppose,danscejeudedestructions.Quenoussoyonspourla
droiteou
la
gauche,
pour
l'Occident
ou
l'Orient,
pour
l'esprit
ou
la
matire,
Krishnamurti
nous
montre
quecesontldesractionsdictesparnotrepropreconditionnementetquenosarmesnevalentgure
mieuxquecellesdenosennemis.Mais,aussittquenousacceptonsdefairedelaconnaissancedesoi
unevaleur,unmondenouveau s'ouvrenous, car,cessantdenouscompartimenteretde subirnos
difficultsrpartiesencatgories,nousnousintgronsennousmmesetenl'unithumaine.
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L'HUMAIN
Laconnaissancedesoirsultespontanmentd'unintrtpassionnpourlemondetelqu'ilest,pourles
personnes,
pour
tout
ce
qui
vit.
C'est
une
intensit,
une
communion
qui
est
amour.
Le
psychisme,
dans
ses prises de conscience sans cesse renouveles, se trouve projet au del de la coquillequi l'avait
enfermdansuneautoperceptionfaitedesespropreslimites.Etcettemtamorphose,cettemutation
n'aplus aucune relation avecdes valeursdites spirituelles, tellesque le salutpersonnel, l'injonction
d'aimerlesautrescommesoimme,lanotionquel'onestunemeimmortelle,unetincelledivine,
outouteautrevaleurditereligieuse,fondesurledsirdes'identifierunedureindfinie.
Cettelibrationdupsychismenielesautresvaleurs,dufaitqu'ellelesaccomplit.Ellesdoiventmouriren
elle, la faond'ungraindans labonne terre,afindedonner leur fruit.L'ensembledesexpriences
humainesqu'elles interprtent,dfinissentetprtendentguider,doitse rsoudreenelle,enunacte
crateurd'autorvlation.Ceque l'onappelle lamarchede l'humanitversunavenirappuy sur le
pass,setrouve,avecKrishnamurti,projetaudeldelancessitdel'exprience,danslangationde
ladure.C'estlanotionmmedudevenirquisetrouvecondamneparlaconsciencehumaine,dontles
couchesstratifies,transpercesd'uncouppar laperceptionaigudecequ'ellessont,disparaissent
ellesmmes. Les voies dites de la connaissance proposent un but, une ascse, une imitation, une
discipline, et sont, par consquent, susceptibles d'tre exposes et dcrites. Mais la perception
immdiateetdirectede cequiestn'estpasunevoie,n'estrienque l'onpuissedcrire.Decefait,
cetteconnaissanceestdifficileexpliquer.Ladifficultn'estpasenellemaisentouslesobstaclesque
nous luiopposons.D'o l'aspectngatifde la faondepenserdeKrishnamurti,par lequel les fausses
valeursseretournentcontreellesmmes.Maiscettedestructionn'estque ladmolitiondebarrires,
encorequ'elleaitlecaractred'uneinvitationunemortpsychologique.Elleleseraitsionsel'imposait.
Uncroyant,profondmentidentifisafoi,supposequel'oncommettraitunvritableassassinatsion
l'amenaitneplus croire. Ilprotgeavecacharnement,avecangoisse, sa conscience chrtienne,ou
brahmanique ou de toute autre appartenance, tant persuad que si elle venait s'apercevoir de
l'erreurquesontces limitations(par lesquelleselleseperoittant)ellesombreraitdansunabmede
nantetmourraitdemalemort.Cette ide l'pouvante tort. Il yauraitmort,bien sr,maisaussi
quelle rsurrection !S'ilyacomprhension, ilyasimultanment rsurrectionetmortet l'onensort
invulnrabledanslamesureol'onatatteint.Ilesttoutefoisinutiled'encourirunemortenvue
d'unersurrection.Unemortd'unesortenousattendentouslescas,etl'onnevoitpaspourquoionla
fait tantattendre,sicen'estpourchercher la tromper,en faireunpassagetravers lequel le
pass,
qui,
lui,
est
mort,
parviendrait
se
prolonger
en
un
futur
qui
ne
serait
que
sa
projection.
Tout
ce
quoinouspouvonspensern'estencorequedupass,devientpassensoimmedsqu'onserepense.
Et cette rptition, de concepts, de reprsentations, de croyances, de disciplines, de mditations,
mesurenotre fuitedevant l'invitable.S'ilenestainsi,pourquoitantnousdrober?Pourquoinepas
mourir,aufuretmesure,endeperptuellesrsurrections?Pourquel'espritsoitfraisetneuf,n'estil
pasnormaldefairemourirchaqueexpriencequipasse?Ouestonsiincertain,sipeusrdes'entre
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nourri qu'on l'emmagasine, qu'on l'entrepose, qu'on s'en encombre jusqu' n'tre qu'une
personnificationd'habitudes?
Iln'yapasdediffrenceentres'ouvrir lamortets'ouvrir lavie.Demme,refuserdemourirc'est
refuserdevivre.Lamortetlaviesontledoubleaspectdecequin'anipassnifutur,del'intemporel.
Lescroyants
en
la
matire
ou
en
l'esprit
enseignent
que
la
privation
du
prsent
prpare
une
vie
meilleure sur cette terre ou dans l'audel. Pour les uns, le salut sera collectif ; pour les autres,
individuel. Selon nos gots, notre plaisir, notre ducation, nos tendances et, en gnral, notre
conditionnement,nousaccordonsune valeurde ralitaux systmesquientreprennent le salutdes
corpsoudesmes,commes'ilsexistaientobjectivementendehorsdenotrecroyanceeneux!
L'tatdeconfusiondesspcialistesencedomaineestplussubtilqueceluideshommesd'affairesetdes
politiciens, et les raisons que nous avons de nous faire exploiter par eux sont plus profondes, plus
secrtes.Celuiquimanquedepainimagineunfuturparadis,surterreoudansl'audel,olepainsera
enabondance.Ainsi,chacunsecomposeun tableaudubien,selon l'image renversed'uneexistence
qui luiparaitmauvaise.Cettengationdecequiest,de laprivationdans leprsent,estrelleentant
quengation,nonentantquemonde:lefaitestl'vasion,nonleparadis.Elleexistedansleprsent,il
estremisplustard.Donc,cequiestorganisparlesystmeconomiqueoulafoi,c'estl'vasion,non
leparadis,caronnepeutpasorganisercequin'existepas,maisnotrecrdulitenvued'tablirunbien
imaginaire se prte toutes les exploitations. Ceux qui subissent une certaine dictature veulent
imposer la leur. Ceux qui refusent de se laisser faonner l'esprit d'une certaine faon prtendent
imposerunfaonnementquiressembleaupremiercommelengatifd'unephotographiesonpositif.
L'ensembledespoursuitesdecesbuts imaginaires,que l'onappelle ledevenir,nousprcipitevers la
destructionde l'humanit.Parquelssortilges,envertudequelstaboussacrosaints,confionsnous la
cldecesparadisillusoiresdesautorits?
Nousavons
tort
d'tudier
leurs
systmes
et
leurs
thologies,
leurs
dmonstrations
et
leurs
rvlations,
puisqu'il est vident qu'ils se contredisent tous, et que, dans un camp ou dans l'autre, les seuls
convaincus sont ceuxquiveulentbien se laisser convaincre.Noustudieronsavecbeaucoupplusde
profit les raisons qui nous font adopter tel systme, embrasser telle foi. Elles nous rvleraient le
conditionnement de notre pense et de notre champ affectif. Les philosophes et les thologiens
construisentdes reprsentationsde l'homme etde l'Univers,et se laissent ensuite faonnerpar ces
systmes,commesiceuxcin'taientpas,d'abord,faonnspareux.Lapenseestcapabledetoutesles
abstractions. Elle exprime des concepts qu'elle intitule Etre, Absolu, Eternit, etc... et le penseur
s'imagineensuitequecesprojectionsrenversesdesonignorancesontdesralits.Maislavritn'est
pas lecontrairede l'ignorance.L'ignoranceconsisteenceci,quecepenseur,pluttqued'explorer les
dsirssecretsetlesmobilesinavousquilepoussentcroiresonsystme,prfredemeurerdanssa
croyance,sacertitude,safoi,quinesontpasconnaissance.Celleci,tantl'autorvlationduprocessus
totaldenotreconscience,necomporteniconcept,nidogmes,nireprsentationdumonde.Ainsi,toute
philosophienuitlaconnaissance.
Connatre,c'est,danslefluxsanscesserenouveldelavie,constaterchaqueinstantcequiest.C'est
doncadhrer tous les changements,auxmodifications lesplus subtilesdenotremondeetdenos
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relations avec ce monde. C'est avoir un psychisme en mouvement. Voil pourquoi tout bagage est
nuisible.Toutlmentprtabliennotre conscience l'empchedebouger.Une conscience, richede
facults mais vide de points de repre, discerne les cristallisations de la mmoire qui tendent
l'encombrer. La perception d'un obstacle le volatilise, et c'est dans le dgagement instantan, dans
l'clatement de la force Vitale qu'il emprisonnait que rside la flicit de la connaissance. La
connaissanceest
cette
flicit,
cette
libration.
Iln'y
arien
l
qui
ressemble
une
encyclopdie
ou
une
doctrine.Toutcequiestconnaissancedoittre l'objetd'uneconstatation,afinque lavie, inconnue
ellemmedanscequ'elleseratoutlheure,puissetrevcue.Ilenrsultequechercherconnatre
l'inconnaissable,ainsiquenousyinvitentlesthologies,estabsurde.
Direquesilemondeexistec'estparcequeDieulacrouparcequeBrahmanlerve,c'estpulvriser
le mystre de l'existant au regard de l'intellect par l'adjonction de deux ou trois concepts
inconcevables, dont le pouvoird'envotement est d leur caractre anthropomorphique. Sijeme
dfinis crature, ou tincelle divine, ou rve dans l'Atman,je provoque en moi une ide, vague et
motionnelle,demarelationavecleSuprme.MaisjenepeuxpensernilemotSuprme,nicequ'il
estcens
dsigner.
Envrit,ilesttrsdifficiledeparvenirrencontrerl'Impensablefaceface.C'estuneexprienceque
peudepersonnesaffrontent,carlesurgissementdel'Intemporelincrestunabmeaubordduquella
penseestmuette.
L'tat intemporeldecration spontanen'anipassni futur.Maispouvonsnous connatrecettevie
libre si nous nous enfermons dans des forteresses psychologiques ? Nous nions que, l'on puisse
connatreleconnaissable,etpartonslarecherchedel'inconnaissable.Ainsi,l'inconnuennous,qu'est
notre gouffre d'ignorance, prtend s'unir l'inconnu qu'est la vie cratrice ! L'ignorance consiste
ignorersescauses,etcellescisontconnaissables.Dsqu'on lesperoit, l'ignorancen'estplus,et l'on
permetl'inconnaissable
d'tre.
En
vrit,
on
le
met
en
existence,
on
le
cre.
L'ignoranceestsynonymededure.S'veillercetteperceptionestunacted'adulte.Depuis l'enfance
jusqu' cette grande maturit, nous avons parcouru toutes les tapes du dveloppement de la
consciencedel'humanit.Al'veil,nousconstatonsquenoussommes,chacundenous,l'aboutissement
de latotalitde laduredumonde.Ainsinotreconscienceestunabmeellemme,puisqu'elleest
prise dans un devenir auquel elle est incapable d'attribuer un commencement ou un non
commencement.Nanmoins,nousnousidentifionscettedurependantlesannesquenousexistons,
de lanaissance lamort. Le longde l'norme,de l'indfinie chaneduTemps,entirementplonge
dans lestnbres,nousdblayons lesquelquesmisrablesmaillonsdenosannes,et lesrigeonsen
entitsdont
nous
imaginons
qu'elles
sont
le
fil
unique
et
permanent
de
nos
jours
enfils
en
collier.
Nous
voulons bien accorder ce moi la facult de se modifier, voire de se transformer. L'enfance,
l'adolescence,l'geadulte,lavieillesse,accumulentdesexpriencesheureusesoumalheureuses,lavie
nous frappedemille faons,nousmodifionsnosopinions,nospointsde vue,nousallonsjusqu' la
conversion,jusqu'n'trepluscequenoustions,maisnousavonstoujours lesentimentquec'est la
mmeentitquiest l, lafaond'unvoyageurquidesaventuressontarrives.Or,cettedure
cette illusion est la personnification mme de l'ignorance, puisqu'elle ne peut se constater que
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commeunetrveinsignifianteentrelesmystrieuxabmesdupassetdufutur.Cesdeuxmystressont
absurdes,puisqu'aucunede leurssolutionsn'estpensable :ni leurcommencementet leur fin,ni leur
noncommencement et leurnonfin.Ainsi lemoi est lapersonnificationd'un impensable. En vuede
s'attribuer laRalit, l'Etre, ilne luirestequ'tricher.S'vadantdans l'abstraction, ilsepersuadeque
l'Eternitestunedureinfinie,cequin'aaucunsens.
Lavritestquelemoi,incertainettroubl,ignorantsonorigine,safin,sonbutetsaraisond'tre,est
la recherched'unapaisement sous formededistractionsoude scurit.Au trfondsde luimme, le
videqu'estsonessencesetraduitenunmlangecrueletcontradictoired'aviditetdepeur.Sicevide
estrelativementfaciledcouvrirloilprenddesaspectsquenousrprouvons,ilsait,sedguiser
notreusage,defaon,attirernotrerespectetnotredvotion.Ilseparedesplusgrandsmotsetdes
idals lesplusexalts, imperturbabledevant le faitquenosennemismettentnos valeursenpices,
commenous les leurs.Unevertuquiseconoit l'opposd'unmals'appuiencessairementsurune
image,unethique,unjugement,c'estdire surunecertitudedont l'tablissementestunescurit
psychologique,mmepour lehrosquiva samort.L'abngation, le renoncement, le sacrifice, font
partiedes
stratagmes
qu'utilise
le
moi
pour
s'affirmer.
S'il
se
reconnaissait
tel
qu'il
est,
qu'aurait
il
sacrifier?Sacrifietonl'ignorance?
Mais,sansallersi loindans l'examendesvaleurs lesplusexaltes,etpuisque lemonden'estmenni
par des hros ni par des saints, peuttre seraitil profitable d'introduire la connaissance de soi par
l'examendelascuritquenosdirigeantsspirituelsettemporelspoursuiventaudtrimentdelantre.
Ilyalieudenousdemandersinousnesommespasvictimesdecemiragedanslamesureoils'loigne
denous,jusqu'fabriquerlittralementcesdirigeantsl'imagedenotreterreurpanique.
Lapoursuited'unescuritpsychologiqueanticecioucelanousmetdansuntatdepsychosequi
dtruitlaseulescuritraisonnableetrelativelaquellenouspuissionstendre,celledelaviematrielle
del'humanit.
Les
masses,
affoles
par
la
propagande,
sont
rduites
ne
plus
penser.
L'norme
pte
psychologique,dontellessontfaites,se laisseptrirpar lesmensonges lesplusgrossiersets'tourdt,
commeellepeut,dans lesbruitset les lumiresdesgrandesvilles.Cesmassesontacquisune facult
illimited'absorptionpsychologique,quin'estque le transfertdebesoinsphysiologiques frustrs,de
sortequ'ellestransformentlesvaleursditesspirituellesenvaleurssensorielles,aprsquoil'ons'tonne
ducynismegnral.
Au milieu de ce chaos, il est ncessaire et urgent que chacun se situe et value la porte de son
comportement. Si la scurit psychologique n'existe pas, si elle n'est qu'une image renverse de la
ralit,silavieestinscurit,commentetsurquellesbasespsychologiquesvivonsnousenfait?Nous
nousdonnons
une
raison
d'tre
et
de
devenir
,
soit
pour
dgager
de
l'inconscient
un
but
qui
ne
nous
apparat pas clairement, soit en nous donnant une succession de buts conscients. Si nous nous
fabriquonsdesbutspartiels,ilsnesontvidemmentpaslatotalitdenotreraisond'tre,etpeuventse
situerdansundevenir.Maissinoussituonsnotreraisond'tredansundevenir,nouslanions.Alesbien
examiner,aucunedesjustificationsdudevenirn'estvalable.Remettre l'espritdevritdemainc'est
imaginerque,danslasuccessiondesnombres,ils'entrouveraunqui,brusquement,sauteral'infini.En
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fait, l'hommeest lepointderencontredudevenir etde l'tre,ouplutt leurpointdedispute,car ils
sontinconciliableset,pourquel'tresoit,ledevenirdoitcesser.
L'tre humain isol dans sa conscience individuelle est la totalisation des affranchissements qui,
travers les sicles ont abouti lui. Au cours de cette volution, il y a eu lutte constante, entre la
ncessitde
vivre
dans
le
milieu
et
celle
de
survivre
ses
bouleversements.
Le
milieu
est
l'ensemble
de
lanatureetde la socit.Plus celleciest stable,plus l'individuest rduitunlment fonctionnel.
Lorsqu'iln'yapasconflitentrelasocitetl'individu,celaveutdirequeceluiciestadaptjusqu'avoir
perdu toutepossibilitdechangerde fonction.Celaestassezapparentdans lescasteset les classes
sociales, lorsqu'elles sont rigides.Ds lors, en casdebouleversement, les individus tombentdans le
dsordreetlaconfusion,etlasocit,dontlesfonctionssesonttropspcialises,meurt.
Etpourtant,l'trehumainalafacultdetransformersonmilieuetd'entretransformsontour.Sa
conditionn'estpas fixedansdes limites psychiques.En fait,ces limitesn'existentpas.L'hommeest
capabledepassertravers lescouchesstratifiesde laconscienceconstitues,par l'accumulationdu
pass. Il peut briser ses adaptations et se retrouver adaptable et neuf dans un monde boulevers.
L'Humainestuneperptuellegestation,unepousse,parfoisviolente,quidmolit ttou tardcequi
s'oppose elle, les organisations sociales, les cadres, les systmes, les impositions matrielles et
morales.
Mais, dit Krishnamurti, ce qu'il faut, c'est tout autre chose que des rvolutions sociales, des
soulvementssanglants,desguerres,desmassacres,desdestructions,desviolencespours'emparerdu
pouvoiretpourleconserver.Cestragdies,envrit,nefontquedonneraupassunecontinuitsous
uneformemodifie.Cequ'ilfaut,c'estunervolutionprofondeetsilencieuseennousmmes,dansle
processus mme de notre pense, dans la perception que nous avons d'tre. C'est une mutation
brusque,unsautqueKrishnamurtinousinvite,lorsqu'ildclarequel'hommedanslevraisensdumot,
l'hommenormal,
n'a
pas
de
moi.
Les
hommes
isols
dans
leur
conscience
individuelle
sont
un
tat
critique,unpassage,ensommeunesousespceouuneprhumanitqui, l'examinersanspassion,
n'estpasviable.Envisagainsi,Krishnamurtin'estpasuninstructeurmaisuneprsence.Ilcomposede
manire indescriptible l'unique et le normal. Il est ce qu'il dit : on chercherait en vain en lui la
manifestationd'unmoiquin'estplusl,etceprodigenoussurprenddenepasnoussurprendre.Cette
prsenceestinvisible,impossibledfinir,elleest,parrapportnous,l'extrmesimplificationdenotre
propre synthse. L'aboutissement de nos recherches est plus prs de nous que ne l'taient nos
ttonnements.L'liminationdenosessaisprcdentsseproduitspontanmentennous,aussittque
survientlaralisation.AuprsdeKrishnamurti,nousnesommesquedesprcurseursdel'humain.Nous
leprcdonslafaond'uneespceantrieurelui.Nosluttes,nossouffrances,nosaspirationsenvue
d'une dlivrance l'ont annonc, prpar, engendr. Mais, auprs de nous, Krishnamurti est dj un
prcurseur de l'humain. Il nous prcde pour avoir dj franchi le seuil. En ce double sens du mot
prcurseur,ledevenircesse.Ilyaconjonction.
Riennepeutnousdmontrerlapossibilitdecetteunion,sicen'estl'examendeladistanceirrelleque
nous avons cre entre nous et nousmmes. Cette perception ne peut tre l'objet d'aucun
enseignement,puisque lesdoctrinesseproposentdenous faire franchirun intervallequin'existepas
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ou,pluspernicieusesencore,leveulentinfranchissable,humainici,ldivin.Krishnamurti,aucontraire,
depuislepremierjouroiladclarsaralisation,necessedenousdirequ'elleestlafoistotaleet
laportedetout lemonde,soitqu'ilaffirmequetouthomme libratteint lavritcommeunChrist
ou un Bouddha, que cet accomplissement n'est pas rserv un petit nombre d'initis ou de
surhommes, mais qu'il peut tre atteint par chacun, soit que, plus tard, bousculant la logique
rationnelle,ilrduise
nant
la
loi
de
cause
effet
ou
que,
critiquant
toute
action
sociale
manant
d'une ide, il qualifie de rgressives les rvolutions aussi bien que les rformes. En dpit de ses
auditeursquiluidemandentdutempspourcomprendre,pourmrir,pouraccueillirunmessagequileur
semblese situeraudelde leurdegrd'volution, il s'obstinenier l'volution, ladure, ledevenir.
Cette insistancejamais relche, toujours constante ellemme est labase, l'essencede sa vrit.
Quelles que soient les raisons que l'on puisse se donner pour concilier Krishnamurti et un but
atteindre,une recherche,uneascse,uneffort versun idalhumainouuneperfectiondivine,elles
n'exprimentquelerejetdesaralit.
Ainsi,c'estunemutationpsychologiquequenous inviteKrishnamurti,et ilnousproposeceteffet
unemthode
qui
consiste
prendre
conscience
de
nos
conditionnements
psychiques,
lesquels
nous
rvlent leur signification, pour peu que nous leur accordions un intrt suffisant, et suffisamment
dsintress, impartial,dans lecourantdenotrejourne, sous lecoupdesprovocationsde lavie.La
difficult rsideen cequenous sommes identifis ces conditionnementsaupointqu'ils sontnous
mmes,qu'ilssontnotremoi,desortequ'enfait,ilsnepeuventpasnousrvlerleursignification,
maisselarvlereuxmmes,carnousnepouvonsgurenousrigerenspectateursdenousmmes
sanscrerunsurspectateur,etainsidesuite,adunum,dans l'abstractionmtaphysique : leprcd
estconnu.Cen'estpasainsiquel'onbriselecerclevicieuxdumoi,carl'analysenefaitquelerenforcer.
Maissil'onveutbiens'emparerdecequeKrishnamurtinousoffredeplusncessaire,l'instantprsent,
l'treintemporelsanspassniavenir,ons'aperoittoutdesuite,etpeuttrenonsanssurprise,quele
moiet
le
prsent
ne
se
rencontrent
jamais.
Le
moi
ramasse
tous
les
lments
du
pass
dont
ilpeut
se
servir,etlesprojettedanslefutur,encomposantceteffetdesimages:lesobjetsdenosdsirs.Etnos
rves, sensuels ou spirituels, nos poursuites, relles ou imaginaires, ne sont que des stratagmes
destins nous donner le sentiment d'une permanence dans une dure. Mais ds que notre
pntrationclairel'improviste,brusquement,enuninstantvcu,cetteextravagance,onlacherche,
ellen'estplus let,enses lieuetplace,estune lgret,unedlivrance,uneflicitqueriennepeut
dcrire.
Certes, les rves, lespoursuites, lesdsirs inassouvis reviendront,armsdenoshabitudes,denotre
paressed'esprit,denosvices.Uninstantvculesremettraenfuite.Ilsreviendrontencore,maisdjun
peudiffrents.
Ce
flux
et
reflux
peut
durer
longtemps,
surtout
si
l'ge
nous
adj
faonns
et
cristalliss. Nous pouvons changer intrieurement d'une minute l'autre, mais il faudra peuttre
beaucoup de patience et de persvrance pour que l'ordre se rtablisse sur tous nos registres
psychiquesetphysiques:Krishnamurtilesaitfortbien,etn'opreaucunmiracle.L'tatdeconnaissance
est une rflexion soutenue, une mditation constante, un discernement attentif. L'tablir, c'est
l'instaurertouslesinstants.
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La perception du prsent est efficace, du fait qu'elle agit sur toutes les couches stratifies de la
conscience, en traversant lesdiffrents cloisonnementsqui les isolent lesunesdes autres, en zones
superposes.Cesontcessparationsquiconstituent, lemoi.Ellestablissentdesbarragesentreune
rgion et l'autre, et ce blocage se peroit luimme en tant qu'entit. A la faon d'un parasite, il
s'empare de nos facults cratrices. Ce dispositif en cloisons est le processus invitable de notre
croissance,et
de
notre
maturation.
Les
psychologues
le
connaissent
et,
constatant
que
d'une
couche
l'autre de notre conscience les missions se transmettent mal et de faon souvent mystrieuse,
cherchentdchiffrerleurscodesdesymbolesetderveset,parl'analyse,retracentdanslepassles
causesdecesperturbations. Ilsnormalisentainsi lescommunicationstravers lescloisonnements
quidemeurent:ilarrivealorsl'ensembledeceprocessusunifides'identifieruneimagetrsprcise
deluimmeetdesonfonctionnement,etlemoiestconsolidparcesexplicationsetcesjustifications.
Il se sentadapt.L'angoissede sacontradiction intrieure secalme.Ainsi l'analyseestun facteurde
rgression.
Mais selonKrishnamurti et l'expriencenous le prouve ces cloiso